Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Le plaignant a demandé à avoir accès à plusieurs tests préparés pour l'intimé par une société d'experts-conseils externe afin d'étayer ses allégations d'abus de pouvoir et de discrimination par l’âge. L'intimé et la Commission de la fonction publique ont tous deux soutenu que la demande du plaignant avait été présentée hors délai. L’intimé a fait valoir que la requête du plaignant aurait dû être soumise avant la présentation des allégations et qu’une ordonnance de communication de renseignements lui causerait un préjudice considérable à ce stade de la procédure. Il a ajouté que les renseignements en question n’étaient pas pertinents et qu’en cas d’ordonnance de communication d’information, toute divulgation devrait être subordonnée à des conditions strictes. Décision : Le Tribunal a établi qu'il n'y a aucune disposition dans la LEFP ni dans le Règlement du TDFP prescrivant un délai pour la demande d'ordonnance de communication de renseignements. L’intimé n’a pas démontré avoir subi un préjudice suffisant en l’espèce. D’autre part, l’équité exige qu’il n’y ait aucun élément de surprise à l’audience et que les parties disposent de tous les renseignements nécessaires pour répondre aux questions soulevées dans la plainte. Par conséquent, le Tribunal a jugé que la requête du plaignant était opportune. S'agissant des renseignements demandés, le Tribunal était convaincu que le plaignant avait démontré l’existence d’un lien clair entre ceux-ci et la plainte. En outre, il a établi que la communication de ces renseignements pouvait être subordonnée à certaines conditions afin d'assurer la validité et l'utilisation continue de l'examen. Demande d’ordonnance de communication de renseignements accordée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2006-0240
Rendue à:
Ottawa, le 24 septembre 2007

CHARLES BARKER
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE SANTÉ CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Demande d'ordonnance de communication de renseignements
Décision:
La demande est accueillie
Décision rendue par:
Guy Giguère, président
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Barker c. Sous-ministre de Santé Canada et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0039

Motifs de la décision

Introduction

1 Le plaignant, Charles Barker, a demandé au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) d’ordonner à l’intimé, le sous‑ministre de Santé Canada, de lui communiquer certains renseignements.

Contexte

2 En août 2006, le plaignant a présenté sa candidature à un processus de nomination interne annoncé (no 06-NHW-ON-IA-029) pour le poste de gestionnaire, Centre opérationnel de l’Ontario, de groupe et niveau SG-SRE-07.

3 La candidature du plaignant, tout comme celle d’autres candidats, a été retenue à la présélection, et le plaignant a passé une série d’examens préparés par une société d'experts-conseils externe, à savoir : l’examen PsyMax Solution Inventory, l’examen Business Thinking Inventory et l’examen « In‑Basket » de Business Option Inc. Dans une lettre en date du 13 octobre 2006, le plaignant a été informé du rejet de sa candidature pour les étapes ultérieures du processus de nomination, car il n’avait pas obtenu la note de passage obligatoire de 66 % à l’examen « In-Basket ».

4 Le 29 novembre 2006, le plaignant a présenté une plainte auprès du Tribunal en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, art. 12 et 13 (la LEFP) en ce qui concerne ce processus de nomination. Le plaignant a présenté ses allégations le 12 mars 2007.

5 Le plaignant allègue qu’il n’a pas été nommé au poste en question en raison d’un abus de pouvoir lors de l’établissement ou de l’application des critères de mérite et en raison de discrimination fondée sur l’âge.

6 Le 17 avril 2007, le plaignant a présenté une demande d’ordonnance de communication de renseignements que l’intimé a refusés de lui fournir. Les renseignements demandés sont les suivants :

  1. Tous les outils d’évaluation utilisés dans le cadre du processus de sélection, notamment l’examen « In-Basket », l’examen Business Thinking Inventory, l’examen Psymax Solution Inventory et les questions d’entrevue;
  2. Le barème de correction de tous les outils d’évaluation;
  3. Toutes les réponses et tous les résultats des candidats pour l’ensemble du processus de sélection;
  4. Toute la correspondance échangée avec l’entreprise Compass et qui porte sur l’élaboration des examens et le processus de sélection.
  5. [Traduction]

7 En réponse à la demande d’ordonnance de communication de renseignements, l’intimé a déclaré que celle-ci avait été faite en dehors du délai prescrit et que les renseignements demandés n’étaient pas pertinents. L’intimé a ajouté que si le Tribunal accueillait la demande de communication de renseignements, il devrait imposer des conditions pour protéger l’intégrité des documents relatifs aux examens.

Questions en litige

8 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. La demande du plaignant a-t-elle été faite en dehors du délai prescrit?
  2. Les renseignements demandés sont-ils pertinents en l’espèce?
  3. Dans l’affirmative, l’ordonnance doit-elle être assujettie à des conditions?

Argumentation des parties

Argumentation du plaignant

9 En ce qui concerne le respect du délai prescrit pour présenter sa demande, le plaignant déclare qu’il a demandé ces renseignements à de multiples occasions depuis le 8 janvier 2007. Le 1er mars 2007, l’intimé a informé le plaignant qu’il ne lui communiquerait pas ces renseignements.

10 Le plaignant soutient que les renseignements demandés sont pertinents car ils concernent ses allégations selon lesquelles il y aurait eu différence de traitement. Le plaignant fait valoir que les candidats faisant partie du processus de sélection ont été traités de façon différente selon un motif de distinction illicite, à savoir l’âge.

11 Selon le plaignant, plusieurs questions énoncées dans les examens d’évaluation sous-tendaient l’existence d’une limitation, d’une spécification ou d’une préférence axées sur le motif illicite, à savoir l’âge. Il indique que, parmi les cinq candidats qui ont passé les examens, les deux candidats les plus âgés ont été éliminés du processus de nomination et les trois autres candidats ont environ quinze ans de moins que lui.

12 De plus, le plaignant affirme que le facteur de l’âge a pu être utilisé par la société d'experts-conseils lorsque cette dernière a accordé des notes aux candidats. Pour appuyer son argumentation, le plaignant fait allusion à une partie de la réponse de l’intimé dans laquelle ce dernier indique que les réponses des candidats « ont été remises directement dans des enveloppes cachetées à la société d'experts-conseils responsable de la collecte de données démographiques destinées à leurs recherches et de la correction des évaluations » [Traduction].

13 Comme le plaignant l’explique dans son argumentation, il allègue que l’âge a été pris en considération dans le processus de sélection ou que les questions, involontairement ou non, ont donné lieu à de la discrimination contre les candidats plus âgés.

14 Le plaignant ajoute que les renseignements demandés sont pertinents puisque les qualifications des autres candidats, et surtout celles du candidat retenu, devront être prises en compte aux fins de l’analyse de l’aspect de la plainte qui porte sur les droits de la personne. Le plaignant s’appuie sur la jurisprudence relative aux droits de la personne comme la décision Israeli v. Canadian Human Rights Commission (1983), 4 C.H.R.R. D/1616, pour étayer son argumentation selon laquelle il a besoin de ces renseignements pour s’acquitter de son fardeau de la preuve en ce qui concerne la plainte.

15 Le plaignant déclare d’autre part que la communication de ces renseignements ne causerait aucun préjudice à l’intimé. En réalité, poursuit-il, dès octobre 2006 son gestionnaire et un membre du comité d’évaluation l’ont informé qu’il pourrait facilement obtenir une copie de son évaluation.

16 Le plaignant invoque les décisions du Tribunal Oddie c. le sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0009, et Renkema c. le Commissaire du Service correctionnel du Canada et al., [2006] TDFP 0015, pour appuyer sa position selon laquelle il est possible d’ordonner la communication des renseignements concernant les autres candidats lorsqu’il s’agit de soutenir des allégations de différence de traitement.

17 Le plaignant soutient que la communication de certains renseignements demandés, notamment les réponses des candidats aux questions sur les données démographiques de l’examen « In‑Basket » et la correspondance échangée avec l’entreprise Compass au sujet de l’élaboration de l’examen et du processus de sélection, n’aurait aucune incidence sur la validité ou l’utilisation continue d’un examen standardisé ou de certaines de ses parties ni ne fausserait les résultats d’un examen standardisé en conférant un avantage indu à une personne en particulier.

18 Finalement, le plaignant affirme que si le Tribunal détermine que les renseignements demandés, en tout ou en partie, peuvent « (…) avoir une incidence sur la validité ou l’utilisation d’un test standardisé ou de certaines de ses parties, ou (…) en fausser les résultats en conférant un avantage indu à quiconque », le Tribunal doit, en vertu du paragraphe 17(5) du Règlement du TDFP, exercer son pouvoir discrétionnaire et ordonner la communication de renseignements sous réserve des conditions qu’il juge appropriées.

Argumentation de l’intimé

19 L’intimé soutient que la demande a été présentée en dehors du délai prescrit et que, le plaignant aurait dû présenter sa demande d’ordonnance lorsque l’intimé l’a informé, le 1er mars 2007, qu’il ne lui communiquerait pas les renseignements demandés. Le plaignant a plutôt attendu la fin de la période de communication de renseignements et il a présenté ses allégations le 12 mars 2007. L’intimé y a répondu le 27 mars 2007.

20 L’intimé soutient que le plaignant, en présentant cette requête, tente de changer et d’étendre la nature et la portée de la plainte originale et des allégations qui, si elles étaient accueillies, causeraient un préjudice considérable à l’intimé et contreviendraient à la LEFP et au Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique (Règlement du TDFP), DORS/2006-6.

21 En outre, l’intimé affirme que les renseignements demandés ne sont pas pertinents. L’intimé déclare que les trois examens ont été passés au même moment par souci d’efficacité administrative, mais que les examens Business Thinking Inventory et Psymax Solution Inventory n’ont été notés que pour les candidats qui avaient réussi l’examen « In-Basket ». Comme le plaignant n’a pas réussi l’examen « In‑Basket », il n’est pas pertinent de lui fournir les autres examens, le barème de correction, les renseignements concernant les résultats obtenus aux examens par les autres candidats, ainsi que toute correspondance entre l’intimé et l’entreprise Compass en ce qui concerne l’élaboration de ces examens et le processus de sélection.

22 Finalement, l’intimé déclare qu’il a fourni au plaignant des renseignements qui indiquent clairement qu’aucune donnée nominative n’a été communiquée au comité d’évaluation en ce qui concerne l’âge des candidats. Les renseignements fournis indiquent également que ces données sont réservées à l’usage de la société d'experts-conseils à des fins statistiques seulement et qu’elles ont été communiquées sur une base volontaire; par conséquent, elles ne faisaient pas partie du processus de notation des examens. Les renseignements relatifs aux candidats n’ont pas été communiqués au comité d’évaluation avant l’étape des entrevues, étapes réservées aux candidats ayant réussi l’examen « In-Basket ». Le plaignant n’a pas réussi cet examen.

23 L’intimé demande que si le Tribunal détermine que les renseignements sont pertinents et doivent être communiqués, que la communication soit subordonnée à des conditions strictes pour protéger en permanence la viabilité et l’intégrité de ces examens standardisés, et ce, afin de s’assurer qu’aucune partie ne bénéficie d’un avantage indu en ayant accès aux examens. L’intimé propose que les conditions suivantes soient énoncées dans l’ordonnance :

  1. Toutes les communications de renseignements liées au contenu des examens doivent avoir lieu dans les locaux de l’employeur, sous la supervision du représentant du ministère.
  2. Il ne sera permis de faire aucune copie, photocopie ou reproduction des documents susmentionnés.
  3. Le plaignant et son représentant doivent avoir la possibilité de consulter les renseignements relatifs aux examens pendant la rencontre de communication de renseignements. Toute la documentation relative aux examens devra être retournée au représentant du ministère à la fin de la rencontre.
  4. Le plaignant et son représentant doivent avoir la possibilité de prendre des notes personnelles pendant la rencontre de communication de renseignements, pourvu que ces notes ne correspondent pas à la transcription d’un document lié à un examen. À la fin de la rencontre de communication de renseignements, toutes les notes prises par le plaignant seront confiées à son représentant qui aura la responsabilité de les conserver avec ses propres notes jusqu’à la date prévue de l’audience.
  5. Le représentant doit veiller à ne divulguer à personne les renseignements obtenus, sauf pendant les audiences du TDFP au cours desquelles des conditions imposées en vertu du paragraphe 17(5) du Règlement en ce qui concerne l’exclusion de certaines personnes de l’audience sont en vigueur.
  6. Toute la documentation fournie en vue de l’examen au cours de la rencontre de communication de renseignements doit être retournée au représentant du ministère à la fin de la rencontre.

Argumentation de la Commission de la fonction publique

24 La Commission de la fonction publique (la CFP) soutient que la demande du plaignant a été présentée en dehors du délai prescrit.

25 La CFP affirme que la LEFP, le Règlement du TDFP et le Guide de procédures du Tribunal établissent le cadre de la communication de renseignements. La CFP fait valoir que, comme il existe un délai prévu pour la communication de renseignements, celle-ci et toute demande de cette nature doivent se dérouler à l’intérieur de ce délai. Une fois que le processus de communication de renseignements est terminé et que les allégations ont été présentées, l’intimé et les autres parties doivent pouvoir considérer que toutes les allégations ont été présentées, ce qui leur permettra de préparer leurs réponses respectives.

26 La CFP affirme que l’intention de la LEFP est de faciliter l’établissement d’un processus de plainte rapide et juste, et le fait de permettre la présentation de demandes d’ordonnance de communication de renseignements après la clôture des procédures pourrait entraîner un processus interminable ponctué de retards et de demandes de modifications.

27 La CFP ne présente pas d’argumentation quant à la pertinence.

28 La CFP déclare que cette demande est liée entièrement aux examens standardisés utilisés dans le processus de nomination en l’espèce, de même qu’aux renseignements relatifs à l’élaboration, à l’utilisation et à la correction des examens standardisés, ou à certains d’entre eux.

29 Ainsi, la CFP soutient que le Tribunal devrait traiter la présente demande de la même façon qu’il avait traité des demandes semblables dans le cadre des décisions Aucoin c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada et al., [2006] TDFP 0012, et Savoie c. le sous-ministre des Affaires étrangères et al., [2007] TDFP 0010.

Argumentation du candidat retenu

30 Le candidat retenu a présenté une courte argumentation par courriel le 2 février 2007, et de nouveau le 19 avril 2007. Il s’oppose fermement à la communication de ses réponses et de ses résultats liés au processus de sélection. À son avis, ces renseignements devraient être protégés.

Analyse

Question I : La demande du plaignant a-t-elle été faite en dehors du délai prescrit?

31 Le 8 janvier 2007, le plaignant a présenté sa première demande à l’intimé afin d’obtenir ces renseignements.

32 Comme il n’a pas reçu les renseignements demandés, le plaignant a présenté une requête auprès du Tribunal le 1er février 2007 pour demander une ordonnance de communication de renseignements. Le 8 février 2007, le Tribunal a émis une lettre de directives à l’intention des parties afin de faire rejeter la requête au motif que celle-ci avait été présentée de façon prématurée. Les parties avaient jusqu’au 16 février 2007 pour terminer la communication de renseignements. Le Tribunal a informé les parties que si le plaignant avait encore besoin de renseignements pertinents à la fin de la période de communication de renseignements, il pourrait présenter une requête afin de demander l’émission d’une ordonnance de communication de renseignements.

33 Le 26 février 2007, le Tribunal a émis une autre lettre de directives pour autoriser la prorogation jusqu’au 2 mars 2007 du délai prévu pour communiquer les renseignements.

34 Le plaignant a présenté ses allégations le 12 mars 2007; l’intimé a répondu le 27 mars 2007. La présente requête a été présentée le 27 avril 2007.

35 Selon la procédure habituelle, lorsqu’informé par l’intimé qu’il ne lui fournirait pas les renseignements demandés, le plaignant présente sa requête peu après la fin de la période prévue pour la communication des renseignements et l’assortit d’une demande de prorogation du délai prévu pour présenter ses allégations. Ainsi, le plaignant obtiendra les renseignements pertinents demandés avant de présenter ses allégations.

36 Cependant, le Tribunal ne souscrit pas à l’argument de la CFP et de l’intimé selon lequel le défaut de la part du plaignant de présenter cette requête avant ses allégations signifie qu’il n’a pas respecté le délai prévu. Il n’y a aucune disposition dans la LEFP ni dans le Règlement du TDFP exigeant qu’une ordonnance de demande de renseignements soit émise avant la clôture des procédures.

37 La CFP soutient que, par souci d’équité, il faut restreindre une telle requête à la période prévue pour la communication des renseignements, car toute décision inverse assujettirait le processus de plainte à un cycle interminable de révision des actes de procédure et de délais supplémentaires. Dans les articles 23 à 25, le Règlement du TDFP prévoit la possibilité de révisions ultérieures des actes de procédure en autorisant le plaignant à présenter de nouvelles allégations ou des allégations modifiées et en accordant un droit de réponse dans les mêmes termes à l’intimé et aux autres parties. Le plaignant ne peut toutefois modifier des allégations ou en présenter de nouvelles que sur demande du Tribunal et avec l’autorisation de celui‑ci.

38 Comme l’a soutenu le Tribunal dans la décision Akhtar c. le sous-ministre des Transports et de l’Infrastructure et des Collectivités et al. [2007] TDFP 0026, paragraphe 26 : « Il ne doit y avoir aucun élément de surprise dans le processus de résolution d’une plainte au Tribunal, et les deux parties doivent disposer des renseignements nécessaires pour aborder les questions soulevées dans une plainte. ». Même si le Règlement du TDFP n’en fait pas expressément mention, il importe de souligner que l’obligation des parties de communiquer tous les renseignements pertinents se poursuit jusqu’à la fin de l’audition de la plainte.

39 Le Tribunal ne souscrit pas à l’argumentation de l’intimé selon laquelle la présentation de la demande après l’expiration du délai prévu pour la communication des renseignements cause un préjudice sérieux. Le plaignant a présenté sa demande initiale de renseignements le 8 janvier 2007, et l’intimé en connaissait les motifs depuis le 1er février 2007. En outre, comme cela a été déjà expliqué, si le plaignant souhaite modifier des allégations ou en soulever de nouvelles, l’intimé a le droit d’y répondre. Le Tribunal n’est pas convaincu que l’intimé a démontré avoir subi un préjudice suffisant en l’espèce.

40 Même si le cadre juridique exige que le plaignant présente sa requête avant l’expiration du délai prévu pour la communication des renseignements, il faudrait, par souci d’équité, proroger ce délai, en vertu de l’article 5 du Règlement du TDFP. Tel qu’il a été mentionné, l’équité exige qu’il n’y ait aucun élément de surprise à l’audience et que les parties disposent des renseignements nécessaires pour répondre aux questions soulevées dans la plainte.

41 Pour tous ces motifs, le Tribunal juge que le plaignant n’est pas hors délai dans la présentation de sa demande d’ordonnance de communication de renseignements.

Question II : Les renseignements demandés sont-ils pertinents en l’espèce?

42 Tant dans sa plainte que dans ses allégations, le plaignant allègue qu’il n’a pas été nommé en raison, d’une part, d’un abus de pouvoir lors de l’établissement ou de l’application des critères de mérite et, d’autre part, d’une discrimination fondée sur l’âge.

43 Le plaignant allègue que l’examen « In-Basket » contenait des questions qui « supposaient l’existence d’une limitation, d’une spécification ou d’une préférence » axées sur l’âge et que son âge lui a été explicitement demandé. Il avance que dans les deux autres tests, il y avait des questions semblables suggérant une différence de traitement fondée sur l’âge. Il déclare qu’un autre candidat a demandé pendant les tests si les candidats devaient répondre aux questions portant sur l’âge, sans obtenir de réponse. Il affirme également que parmi les cinq personnes qui ont passé les tests, ce sont les deux candidats les plus âgés qui ont été éliminés du processus de nomination, et que les trois autres avaient environ 15 ans de moins que lui.

44 Le plaignant soutient que les renseignements demandés sont nécessaires pour lui permettre de soutenir son allégation de traitement différentiel fondé sur l’âge.

45 Dans la décision Akhtar, supra, le Tribunal a jugé ce qui suit :

[38] Toutefois, tel qu’expliqué dans les affaires Oddie, supra et Visca, supra, dans une plainte où un traitement différentiel est allégué, par exemple dans une plainte de favoritisme, les renseignements liés au candidat retenu sont pertinents pour une allégation de traitement différentiel et le sont donc pour la plainte. La plainte démontre de façon évidente que le plaignant estime avoir été traité d’une manière différente du candidat retenu, et que ce traitement différentiel s’inscrit dans une tendance à favoriser le candidat retenu.

46 Toujours dans la décision Akhtar, supra, le Tribunal a confirmé que le critère à appliquer est que l’on peut soutenir la pertinence, et il a expliqué ce qui suit :

[28] (…) Il est important de reconnaître que le critère préliminaire servant à établir la pertinence à cette étape du processus de plainte est plus large que le critère utilisé à l’audience. On pourrait déterminer que les renseignements produits mèneront à la conclusion que d’autres renseignements qui n’ont pas encore été produits sont pertinents et doivent être fournis. En outre, les renseignements produits pourraient mener à la conclusion qu’ils ne sont pas utiles pour la partie qui les a demandés.

47 Plus récemment, dans la décision Berglund c. le sous-ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0034, paragraphe 18, le Tribunal a confirmé que « le critère préliminaire pour examiner une demande d’ordonnance de communication de renseignements est que l’on peut en soutenir leur pertinence et il a expliqué ce critère dans le contexte des demandes d’ordonnance de communication de renseignements ».

48 C’est bien au plaignant qu’incombe le fardeau de démontrer qu’il y a un lien clair entre les renseignements demandés et la plainte. En l’espèce, depuis le moment où il a présenté sa plainte, le plaignant n’a cessé de maintenir qu’il a été traité différemment des autres candidats durant le processus de nomination. Le noeud de la plainte réside dans le fait qu’un facteur du traitement différentiel est un motif de distinction illicite, c’est‑à-dire l’âge.

49 Le plaignant a été éliminé du processus de nomination pour ne pas avoir obtenu la note de passage exigée de 66 % à l’examen « In‑Basket ». En conséquence, les autres tests qu’il a passés n’ont pas été notés. Il a toutefois établi que l’on peut soutenir la pertinence de tous ces tests dans le cadre de sa plainte pour discrimination, car ils contiennent tous, selon lui, des questions qui donnent lieu à un traitement différentiel fondé sur l’âge. Le Tribunal est convaincu que le plaignant a démontré l’existence d’un lien clair entre les renseignements demandés dans la présente requête et la plainte. Le Tribunal est également convaincu que la demande est suffisamment précise pour ne laisser planer aucun doute sur les motifs de la plainte.

50 Enfin, le Tribunal est convaincu qu’en subordonnant la communication de ces renseignements à des conditions appropriées, aucun préjudice indu ne sera porté à l’intimé, ni aux autres candidats, ni à la personne nommée.

Question III : L’ordonnance doit-elle être assujettie à des conditions?

51 L’alinéa 17(1)c) du Règlement du TDFP énonce ce qui suit :

17. (1) Malgré l’article 16, le plaignant, l’administrateur général ou la Commission peuvent refuser de communiquer les renseignements prévus à cet article dans le cas où cela risque, selon le cas :

(…)

c) d’avoir une incidence sur la validité ou l’utilisation d’un test standardisé ou de certaines de ses parties, ou d’en fausser les résultats en conférant un avantage indu à quiconque.

52 L’intimé s’appuie sur l’alinéa 17(1)c) pour justifier son refus de communiquer les renseignements demandés. Le Tribunal accepte le fait que tous ces renseignements sont visés par l’alinéa 17(1)c) du Règlement du TDFP.

53 Cependant, tout comme l’intimé, la CFP et le plaignant l’ont reconnu, le Tribunal peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour imposer des conditions relativement à la communication de renseignements visés par l’article 17 du Règlement du TDFP.

54 Le Tribunal est convaincu que les renseignements demandés sont pertinents en l’espèce et qu’il peut imposer les conditions appropriées quant à leur communication, conditions qui permettraient d’éviter que la communication ne présente les risques précisés à l’alinéa 17(1)c). Le Tribunal doit donc, aux termes du paragraphe 17(4), ordonner que les renseignements soient communiqués.

55 Le paragraphe 17(5) du Règlement du TDFP se lit comme suit :

17. (5) Le Tribunal peut assortir l’ordonnance des conditions qu’il estime nécessaires, y compris toute condition pour prévenir les risques mentionnés aux alinéas (1)a) à c).

56 Tout comme ce fut le cas dans la décision Aucoin, supra, le Tribunal est convaincu qu’il peut imposer des conditions appropriées relativement à la communication des renseignements. En outre, aux termes du paragraphe 17(6) et de l’article 18 du Règlement du TDFP, les conditions s’appliqueront avant et après l’audition de la plainte, et les renseignements peuvent être utilisés seulement en vue de la résolution de la plainte.

57 Le Tribunal estime que les conditions proposées par l’intimé relativement aux renseignements sont appropriées.

Décision

58 Pour tous ces motifs, la demande de communication de renseignements présentée par le plaignant est accueillie, sous réserve des conditions fixées dans l’ordonnance ci-après.

Ordonnance

59 L’intimé doit donner au plaignant et à son représentant, Simon Ferrand, agent des relations de travail à l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), l’accès aux renseignements suivants :

  1. L’examen « In-Basket », les examens Business Thinking Inventory et Psymax Solution Inventory et les questions d’entrevue;
  2. Le barème de correction pour tous les outils d’évaluation;
  3. Toutes les réponses et tous les résultats des candidats pour l’ensemble du processus de sélection;
  4. Toute la correspondance échangée avec l’entreprise Compass et qui porte sur l’élaboration des examens et le processus de sélection.

60 La communication des renseignements est assujettie aux conditions suivantes :

  1. L’accès à tous ces renseignements doit être donné dans les locaux de l’intimé, sous la supervision d’un représentant du ministère.
  2. L’intimé doit donner au plaignant et à son représentant assez de temps pour examiner les renseignements. Le Tribunal s’attend à ce que les parties arrivent à convenir entre elles de l’horaire et de la durée de l’accès. Toute difficulté à cet égard peut être abordée dans une conférence téléphonique préparatoire.
  3. Aucune copie, photocopie ou reproduction des renseignements n’est autorisée.
  4. Tous les renseignements devront être retournés au représentant du ministère à la fin du processus d’examen. Dans le cas où plus d’une période est requise, tous les renseignements devront être retournés au représentant du ministère à la fin de chaque séance.
  5. Le plaignant et son représentant sont autorisés à prendre des notes personnelles, à condition qu’elles ne constituent pas une transcription de renseignements. Lorsque le plaignant et son représentant estimeront qu’ils auront eu assez de temps pour examiner les renseignements, le plaignant devra remettre toutes les notes qu’il aura prises à son représentant, qui les conservera avec ses propres notes, jusqu’à la date fixée pour l’audience.

61 Ces conditions s’appliquent avant et après l’audition de la plainte.

62 Les renseignements obtenus par le plaignant et son représentant pourront servir seulement aux fins de la plainte.

63 S’il y a des questions concernant l’admissibilité de certains renseignements, les parties les soulèveront lors de la conférence préparatoire.

Guy Giguère

Président

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2006-0240
Intitulé de la cause:
Charles Barker et le sous-ministre de Santé Canada et al.
Audience:
Demande écrite; décision rendue sans comparution des parties
Date des motifs:
Le 24 septembre 2007
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