Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Accès à l'information - Information utilisée durant une enquête disciplinaire - Unité de négociation du groupe Services de santé La fonctionnaire s'estimant lésée s'est vu refuser l'accès à l'ensemble de l'information utilisée par l'employeur durant l'enquête disciplinaire sur sa conduite - la convention collective prévoyait ce qui suit: <<Conformément à la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, l'Employeur permet à l'employé-e l'accès à l'information ayant servi au cours de l'enquête disciplinaire>> - l'arbitre de grief a conclu que, sous réserve de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, la fonctionnaire s'estimant lésée avait le droit de connaître toute l’information que l’employeur a utilisée entre le moment où un comité d'enquête a été mis sur pied et celui où la rencontre disciplinaire avec la fonctionnaire s'estimant lésée a eu lieu - l'arbitre de grief a ordonné à l'employeur d'accorder à la fonctionnaire s'estimant lésée l'accès immédiat à tous les renseignements qui ne lui avaient pas déjà été communiqués. Grief accueilli en partie. Procédure de règlement des griefs - Procédure d'enquête disciplinaire - Compétence - Unité de négociation du groupe Services de santé La convention collective prévoyait ce qui suit: <<La procédure d'enquête [disciplinaire] entrera en vigueur au plus tard [le 30novembre2005]>> - l'enquête disciplinaire sur la conduite de la fonctionnaire s'estimant lésée s'est déroulée du 5septembre2006 au 5janvier2007 - le grief de la fonctionnaire s'estimant lésée portait sur le fait que l'employeur n'avait pas de procédure d'enquête disciplinaire en place à ce moment - l'employeur a soulevé une objection en faisant valoir que l'arbitre de grief n'avait pas compétence pour entendre le grief individuel de la fonctionnaire s'estimant lésée, car l’agent négociateur de cette dernière aurait plutôt dû présenter un grief de principe - l'arbitre de grief a conclu que, en application de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, les griefs individuels et les griefs de principe ne s’excluent pas mutuellement, et il a pris compétence pour entendre le grief individuel - l'arbitre de grief a également conclu que le document de politique datant de 1994 sur lequel s'était appuyé l'employeur pour mener l'enquête disciplinaire ne correspondait pas à la procédure d'enquête disciplinaire stipulée dans la convention collective - l'arbitre de grief a déclaré que l'employeur n'avait pas respecté la convention collective. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-12-16
  • Dossier:  566-02-1009 et 1294
  • Référence:  2008 CRTFP 105

Devant un arbitre de grief


ENTRE

GLORIA BAPTISTE

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Baptiste c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Roger Beaulieu, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Harinder Mahil, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Richard Fader, avocat

Affaire entendue à Abbotsford (Colombie-Britannique),
les 15 et 16 janvier 2008.
Arguments écrits déposés les 5 et 15 février et 14 mars 2008.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Je suis saisi de deux griefs d’interprétation individuels déposés par Gloria Baptiste (la « fonctionnaire s’estimant lésée »). La fonctionnaire s’estimant lésée est une infirmière autorisée qui a travaillé à ce titre au Service correctionnel du Canada (SCC) pendant plus de 16 années, dont les dernières à l’Établissement de Matsqui, un établissement à sécurité moyenne qui se trouve à Abbotsford, en Colombie-Britannique.

2 Le premier grief d’interprétation (dossier de la CRTFP 566-02-1009) se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

L’employeur a lancé une enquête disciplinaire sur ma conduite, mais ne m’a pas donné accès à l’information utilisée pendant l’enquête disciplinaire. Je soutiens que l’employeur a ainsi enfreint la clause 37.04 de la convention collective du groupe des services de santé.

[…]

La fonctionnaire s’estimant lésée a demandé la mesure corrective suivante : [traduction] « Que l’enquête prenne fin et que les résultats ne soient utilisés dans aucune procédure disciplinaire ».

3 La clause 37.04 de la convention collective signée par le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada le 31 mai 2005, pour l’unité de négociation du groupe des services de santé (la « convention collective ») est ainsi rédigée :

**

37.04 Conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, l’Employeur permet à l’employé-e l’accès à l’information ayant serviau cours de l’enquête disciplinaire.

[**Les astérisques indiquent des modifications par rapport à la convention collective précédente]

4 Le deuxième grief d’interprétation (dossier de la CRTFP 566-02-1294), dans lequel il est allégué qu’il y a eu violation de l’Appendice « R » de la convention collective, est ainsi rédigé :

[Traduction]

[…]

L’employeur a mené récemment une enquête disciplinaire sur ma conduite à la suite d’allégations à mon sujet. Je prétends que l’employeur a violé la convention collective du groupe des services de santé en ne mettant pas en place une procédure d’enquête disciplinaire comme l’exige l’Appendice R de la convention collective.

[…]

La fonctionnaire s’estimant lésée a demandé la mesure corrective suivante : [traduction] « Que le rapport d’enquête dressé par les enquêteurs du SCC, qui enfreint la convention collective, soit retiré et que le résultat ne soit pas utilisé dans une procédure disciplinaire ».

5 L’Appendice « R » de la convention collective énonce ce qui suit :

**Appendice « R »

Lettre d’entente
concernant le groupe des services de santé
Objet : Procédure d’enquête disciplinaire

La présente donne suite à l'accord conclu entre l'employeur et l'Institut professionnel lors des négociations en vue du renouvellement de l'entente couvrant le groupe susmentionné.

Par conséquent, dans le cas des ministères (Santé Canada, ministère des Anciens Combattants (Hôpital Sainte-Anne-de-Bellevue), ministère de la Défense nationale, Service correctionnel du Canada et Agence de santé publique Canada) qui n'ont aucune procédure d'enquête établie, ceux-ci conviennent d'examiner en collaboration avec l'Institut des questions comme le délai, le processus et les mesures correctives en égard à l'élaboration d'une procédure d'enquête, conformément à l'article 37 - Normes de discipline.

La procédure d'enquête entrera en vigueur au plus tard six (6) mois suivant la date de signature de la convention collective pour l'unité de négociation du groupe des services de santé.

[**Les astérisques indiquent des modifications par rapport à la convention collective précédente]

6 Les griefs soulèvent une question fondamentale à laquelle une réponse doit être donnée. L’employeur a-t-il violé la convention collective? Dans chaque cas, la fonctionnaire s’estimant lésée a-t-elle prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur a enfreint les dispositions pertinentes de la convention collective?

A. Contexte

7 Le 31 août 2006, la fonctionnaire s’estimant lésée s’est présentée au travail à l’Établissement de Matsqui, mais l’accès lui a été refusé. Elle a été informée qu’elle a été placée en congé administratif et elle a été renvoyée à la maison. La fonctionnaire s’estimant lésée soutient qu’elle a été suspendue le 31 août 2006 et elle a déposé un grief au sujet de cette suspension.

8 La fonctionnaire s’estimant lésée et Harinder Mahil, le représentant de l’agent négociateur, ont pris part à une réunion avec Glen Brown, directeur de l’Établissement de Matsqui, tenue le 5 septembre 2006. Elle a été informée que quatre allégations avaient été formulées contre elle, qu’elle était suspendue sans salaire et que le directeur Brown lançait une enquête disciplinaire au sujet de sa conduite. La fonctionnaire s’estimant lésée a également été informée qu’elle serait convoquée sous peu à une autre réunion en vue de discussions complémentaires. Cette rencontre s’est produite le 6 octobre 2006.

9 Les allégations contre la fonctionnaire s’estimant lésée peuvent être résumées ainsi :

  1. elle a donné les mauvais médicaments à certains détenus;
  2. elle a modifié le « Registre des stupéfiants et des drogues contrôlés » du point de vue de l’administration de médicaments à un détenu et elle a modifié le « Registre des stupéfiants et des drogues contrôlés » rempli par deux autres infirmières.

10 Au vu de ce bref résumé, il importe de souligner les faits non contestés qui suivent :

  1. Toutes les inconduites alléguées se sont produites au cours d’une brève période, soit entre le 16 et le 21 août 2006.
  2. Un comité d’enquête a finalisé son enquête et a présenté son rapport final au directeur Brown le 5 janvier 2007.
  3. Les deux griefs d’interprétation ont été déposés pendant la durée de la convention collective.
  4. Les parties ont convenu que la preuve s’applique aux deux griefs et que le fardeau de la preuve repose sur la fonctionnaire s’estimant lésée.

11 Il convient également de mentionner que la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un total de cinq griefs, qui ont tous été renvoyés à l’arbitrage. Trois de ces cinq griefs sont de nature disciplinaire et seront entendus séparément. La fonctionnaire s’estimant lésée ne possède pas de dossier disciplinaire.

12 Les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage en mars et en juin 2007. Au départ, ils ont été suspendus à la demande de l’employeur. Par la suite, la disponibilité des parties ne leur permettait pas d’assister à une audience avant janvier 2008.

II. Résumé de la preuve

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

13 Un témoin, M. Mahil, a produit la preuve de la fonctionnaire s’estimant lésée.

14 Après s’être fait refuser l’accès à son lieu de travail le 31 août 2006, la fonctionnaire s’estimant lésée a reçu une convocation le 5 septembre 2006 l’informant qu’une enquête disciplinaire aurait lieu. Elle a en outre été informée qu’elle serait contactée pour prendre part à une entrevue au sujet de quatre allégations selon lesquelles elle avait contrevenu au [traduction] Code de conduite professionnelle des infirmiers et infirmières de SCC. La réunion tenue dans le cadre de l’enquête disciplinaire a fini par avoir lieu le 6 octobre 2006, réunion à laquelle la fonctionnaire s’estimant lésée a assisté avec M. Mahil. C’était la première rencontre entre la fonctionnaire s’estimant lésée, M. Mahil et le comité d’enquête, qui était présidé par Kevin Morgan, conseiller en relations de travail, Relations du travail, Administration centrale, Région du Pacifique, SCC. Diane Thiessen, une infirmière autorisée, chef d’équipe du groupe des soins de santé de l’Établissement de la vallée du Fraser pour femmes, SCC, était l’autre membre du comité d’enquête.

15 L’entrevue sur la recherche de faits de la fonctionnaire s’estimant lésée réalisée par le comité d’enquête le 6 octobre 2006 a duré environ 1 heure et 20 minutes. Les premières pages de la transcription des enregistrements (pièce U-26) révèlent qu’au cours de la première partie de l’entrevue, M. Mahil a demandé à plusieurs reprises que tous les documents, renseignements et entrevues du comité d’enquête soient fournis à la fonctionnaire s’estimant lésée avant que des questions lui soient posées. M. Mahil a déclaré que la fonctionnaire s’estimant lésée avait besoin de tous les documents et renseignements recueillis, notamment ceux qui provenaient de toutes les entrevues réalisées pendant l’enquête, pour connaître la preuve présentée contre elle et se préparer suffisamment afin de bien se défendre.

16 La pièce E-3 est le rapport du comité d’enquête. En voici la teneur :

[Traduction]

[…]

Le membre du comité Morgan a répondu que la clause 37.04 exigeait que le comité doive fournir des copies de toute la documentation utilisée au cours de l’enquête, le mot « utilisée » étant au passé, ce qui signifie une fois l’enquête terminée. Il a mentionné que ce n’est pas à l’étape de l’entrevue d’enquête qu’il fallait présenter une défense et que l’employée n’est tenue de se défendre à aucune étape pendant l’enquête. L’entrevue sert uniquement à recueillir des faits et fournit à l’employée une occasion de répondre aux questions et de donner de l’information qui contribuerait à l’enquête. Le membre du comité Morgan a indiqué que l’infirmière Baptiste recevrait des copies de tous les documents une fois le processus achevé et qu’elle pourrait alors s’en servir pour élaborer sa défense, si une telle défense était nécessaire.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

17 L’employeur a défendu la position du comité d’enquête dans les décisions rendues au premier, au deuxième et au troisième palier de règlement du grief. Il convient de noter que d’après la preuve non contredite, la demande d’accès et de divulgation de toute l’information utilisée pendant l’enquête disciplinaire a non seulement été formulée à nouveau chaque fois à tous les paliers par M. Mahil, mais que des copies de ces demandes ont également été envoyées au directeur Brown, à ses cadres principaux et aux autres cadres de SCC se trouvant à l’extérieur de l’Établissement de Matsqui.

18 La pièce U-18 est une lettre de la fonctionnaire s’estimant lésée adressée au coordonnateur de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels de SCC en date du 21 mars 2007. Elle est ainsi rédigée :

[Traduction]

[…]

Je suis une employée de Service correctionnel du Canada actuellement au service de l’Établissement de Matsqui en Colombie-Britannique. Je demande des renseignements personnels en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Vous trouverez ci-joint une formule remplie dans laquelle je demande ces renseignements.

Je demande tous les renseignements, y compris les dossiers électroniques, qui portent sur moi et plus particulièrement sur mon emploi, notamment l’information relative aux questions suivantes qui peut se trouver dans des banques de données :

· mon profil d’employée

· mes dossiers personnels

· mon dossier de présence, de congés et d’heures supplémentaires

· mes examens et évaluations de rendement

· mes activités d’emploi

· ma productivité

· l’aide à l’employé

· mon dossier disciplinaire

· les enquêtes réalisées à l’interne

ainsi que l’information à mon sujet dans les dossiers personnels de Linda Dean, Donna Mynott, Glen Brown, Kevin Morgan et Diane Thiessen. Je vous remercie de l’attention immédiate que vous porterez à cette affaire.

[…]

19 La pièce U-19 est une lettre de M. Mahil adressée au Commissaire à la protection de la vie privée du Canada en date du 7 août 2007. Elle traite de la demande de renseignements de la fonctionnaire s’estimant lésée et est rédigée ainsi :

[Traduction]

[…]

Je représente Mme Gloria Baptiste au sujet de sa demande de renseignements personnels présentée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels au Service correctionnel du Canada (SCC). Mme Baptiste n’a pas reçu de réponse du SCC malgré ses lettres du 21 mars et du 30 mai 2007 et mes lettres du 12 et du 14 juin 2007. Des copies des lettres envoyées au SCC sont jointes.

Mme Baptiste a fait preuve de patience à l’égard de SCC en ce qui concerne sa demande. Le SCC enfreint nettement les articles 14 et 15 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il s’agit d’un dossier urgent pour Mme Baptiste, car SCC a mis fin à son emploi et elle doit examiner les documents qui sont en possession de son ancien employeur.

Je vous prie de faire enquête rapidement sur cette question et d’exiger du SCC qu’il divulgue les documents comme l’exige la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[…]

20 La pièce U-20 est une lettre datée du 4 décembre 2007 envoyée par Joyce McLean, gestionnaire des enquêtes au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, à M. Mahil au sujet de la plainte déposée par la fonctionnaire s’estimant lésée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Elle est ainsi rédigée :

[Traduction]

[…]

Plainte déposée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels – Délais

Mme Gloria Baptiste

Vous trouverez ci-joint notre rapport d’enquête sur votre plainte déposée au nom de Mme Baptiste contre le Service correctionnel du Canada (SCC). Vous avez allégué que le SCC n’a pas satisfait aux exigences, prévues par la Loi, de répondre à sa demande présentée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

À la suite de notre examen, j’ai conclu que votre plainte est fondée. Veuillez prendre note que le SCC a également été informé des résultats.

Si vous avez des questions, veuillez communiquer avec l’enquêteur à la protection de la vie privée chargé du dossier […]

[…]

21 En outre, la preuve et les témoignages établissent clairement qu’au cours de l’entrevue d’une durée de 1 heure et 20 minutes en date du 6 octobre 2006, la fonctionnaire s’estimant lésée a collaboré avec le comité d’enquête et a répondu à 100 questions, dont certaines, comme en a convenu le comité d’enquête, étaient des questions médicales complexes. La fonctionnaire s’estimant lésée n’avait jamais vu auparavant la plupart des documents qui lui ont été présentés ce jour-là. La preuve et les témoignages révèlent clairement que le 6 octobre 2006, quand M. Mahil a demandé une copie de la procédure d’enquête disciplinaire, M. Morgan n’a pas fourni une telle copie. C’est à la fin de l’entrevue du 6 octobre 2006 que M. Mahil a conseillé à la fonctionnaire s’estimant lésée de déposer un grief, ce qu’elle a fait le 13 octobre 2006 (pièce U-2).

22 Il importe de souligner que bien que la fonctionnaire s’estimant lésée et M. Mahil ont présenté de nombreuses demandes de renseignements en fournissant des copies des demandes à tous les paliers de supervision, personne au SCC ne s’est dit préoccupé par cet appel constant et par ces demandes de renseignements manquants concernant l’enquête disciplinaire, comme en font foi la preuve et les témoignages.

23 À la première rencontre entre le comité d’enquête et la fonctionnaire s’estimant lésée, M. Mahil a demandé une lettre de la plainte du détenu Legault (le document qui a été à l’origine de la constitution du comité d’enquête). M. Morgan a répondu [traduction] « pas maintenant ».

24 Voici la transcription de l’enregistrement de l’entrevue de la fonctionnaire s’estimant lésée avec le comité d’enquête (pièce U-26) :

[Traduction]

[…]

M. Mahil : -- que vous regardez maintenant. Cependant, c’est la convocation que vous montre Kevin.

M. Morgan : Ouais.

Q. D’accord. Nos questions portent sur – porteront sur les quatre allégations contenues dans la – convocation.

D’accord.

La première allégation est – - est une allégation au sujet de laquelle je poserai des questions, et Diane pourrait ou non avoir des questions à poser. Les - - autres questions, les autres sujets seront traités par Diane parce qu’ils - - parce que ce sont des sujets ayant trait aux soins infirmiers, et je - - je n’ai aucune compétence dans ce domaine.

D’accord.

Ainsi, la première allégation, et à l’égard de votre demande avant que l’appareil soit mis sous tension, elle porte sur une allégation selon laquelle vous avez administré une médication incorrecte au détenu Legault. Ce point étant acquis, l’ - - l’allégation dans cette affaire est formulée par le détenu Legault, et l’affaire a ensuite été déférée à la chef des soins de santé, Donna Raketti. Elle était la chef des soins de santé à l’époque. Elle a lancé l’enquête relative à M. Legault, et je crois savoir qu’elle vous a parlé, et qu’elle a également consulté certains - - certains documents. Ainsi, c’est - - et en conséquence de ces enquêt - - - la - - ces - - la plainte initiale déposée par M. Legault et l’information obtenue par Madame Raketti, le directeur a mené l’enquête concernant la question no 1.  Je me demande donc si je pourrais - -

M. Mahil : Y a - - y a-t-il une certaine forme de document écrit à ce sujet? C’est-à-dire, M. Legault a-t-il - - aurait-il mis sa plainte sur papier ou l’a-t-il simplement présentée de vive voix?

M. Morgan : Il - - non, il - - il l’a mise - - pour l’essentiel, il en a fait un compte rendu écrit.

M. Mahil : A-t-elle - - a-t-elle accès à ce compte rendu?

M. Morgan : Pas maintenant.

M. Mahil : Eh bien, pourquoi - - pourquoi pas?

M. Morgan : Mais vous en aurez sûrement - - vous en aurez sûrement une copie. Eh bien, voyez-vous, à - - à ce stade, nous ne demandons pas à Madame Baptiste de se défendre. Nous lui demandons simplement de répondre à certaines questions.

M. Mahil : D’accord.

M. Morgan : Si, à partir d’un certain point, elle - - elle doit se défendre, alors tous ces documents deviendraient disponibles. Mais en ce moment, nous ne faisons que poser des questions.

M. Mahil : Avec égards, vous savez qu’elle - - qu’il s’agit d’une enquête disciplinaire.

M. Morgan : Oui.

M. Mahil : Elle a accès à ces documents afin de pouvoir vraiment - - vous savez, afin qu’elle puisse examiner l’information et bien répondre. Lorsque je dis qu’elle « a accès à », elle a accès [aux documents] parce que l’entente indique clairement que pendant les enquêtes disciplinaires, elle a accès aux documents qui ont été utilisés pendant l’enquête.

M. Morgan : Pendant l’enquête disciplinaire, elle a accès?

M. Mahil : Tout à fait. Comme l’indique l’article 37, paragraphe 4.

M. Morgan : Ouais, cette clause concerne l’information qui était utilisée pendant l’enquête. Elle - - elle ne mentionne pas qu’elle a accès à ces documents durant l’enquête.

M. Mahil : Eh bien, liriez-vous - - vous - - liriez-vous le document, Kevin, et peut-être, vous savez - - pourrions-nous le lire également aux fins du dossier, pour établir de quoi il s’agit?

M. Morgan : D’accord. Bien sûr. 37-04 - - Article 37 - -
Normes de discipline, 37-04 :
« Conformément à la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, l'employeur donne à l'employé accès à l'information utilisée au cours de l'enquête disciplinaire. »

M. Mahil : Ouais. D’après notre interprétation, elle possède ce droit - - pendant l’enquête. Je veux dire, ce sont les allégations formulées contre elle, qui pourraient finir par lui faire perdre son emploi. Elle doit donc être en mesure de prendre connaissance des allégations et d’y répondre.

M. Morgan : Ouais. Et à mon avis, cela signifie qu’elle a accès à tous les documents dont nous nous sommes servis pendant le processus de cette enquête. Ainsi, une fois l’enquête achevée, Gloria aurait accès à tout ce dont nous nous sommes servis.

M. Mahil : En d’autres termes, vous affirmez qu’elle ne peut en prendre connaissance pendant l’enquête; elle peut consulter les documents après l’enquête.

M. Morgan : C’est exact.

M. Mahil : D’accord. Donc, notre interprétation diffère.

M. Morgan : Ouais.

M. Mahil : Et - - ce que je dis sera consigné dans le dossier.

M. Morgan : Ouais.

M. Mahil : Cependant, je demanderais - - je demanderais à Gloria de - - de répondre à vos questions et - - et si, à un moment donné, les documents sont mis à sa disposition pour qu’elle en prenne connaissance, je dirais alors, vous savez, qu’elle a le droit de le faire.

M. Morgan : Ouais. D’accord. Je vais donc seulement consigner des - - Je devrais souligner que nous - - nous consignerons des notes.

M. Mahil : Ouais. Ça va.

M. Morgan : Beaucoup de notes sont établies pendant notre réunion. Et pendant que l’enregistreuse fonctionne et enregistre - - et nous produirons un CD. Nous ne faisons pas de transcriptions.

M. Mahil : Ça va. Ça va.

M. Morgan : Et - - et, vous savez, je n’utiliserai pas de transcriptions. Nous allons rédiger notre rapport à partir de nos notes, mais nous consulterons le CD.

M. Mahil : D’accord.

M. Morgan : Et, comme je l’ai dit, vous aurez - - vous aurez accès à une copie de l’enregistrement.

M. Mahil : C’est parfait. Merci.

M. Morgan : Je noterai le tout.

[…]

[Je souligne]

« Pas maintenant […] », tel qu’il a été mentionné précédemment, était la réponse donnée lorsque les enquêteurs ont demandé des réponses à la fonctionnaire s’estimant lésée et s’attendaient à en recevoir. Les enquêteurs ont établi leur rapport qui a mené à son licenciement d’après ses réponses à leurs questions.

Pour l’employeur

25 La preuve soumise par l’employeur reposait sur trois témoignages : ceux de M. Morgan, de Mme Thiessen et du directeur Brown.

1. Le témoignage de M. Morgan

26 M. Morgan est un employé ayant de longs états de service qui a assumé plusieurs postes de supervision au sein du SCC dans des établissements à sécurité moyenne et maximum. Il possède également un certain bagage dans le domaine des relations du travail auquel s’ajoute de l’expérience dans environ 45 enquêtes disciplinaires. Cette dernière expérience est la raison principale pour laquelle le directeur Brown a nommé M. Morgan président du comité d’enquête.

27 M. Morgan a témoigné qu’il a mené l’enquête disciplinaire avec Mme Thiessen. Il a participé à tous les aspects de l’enquête et a été partie intégrante des interactions avec les personnes qui ont été consultées et interviewées. Il a rédigé le rapport final avec l’aide de Mme Thiessen et l’a présenté au directeur Brown le 5 janvier 2007.

28 Relativement à la question fondamentale de la violation alléguée de la clause 37.04 de la convention collective, M. Morgan a témoigné que la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas fait refuser l’accès aux documents qu’elle a demandé.

29 En contre-interrogatoire, M. Morgan a reconnu qu’à la première réunion du comité d’enquête, M. Mahil a soulevé des questions sur la disponibilité des renseignements et des documents demandés par la fonctionnaire s’estimant lésée pour établir sa preuve. Il s’est expressément souvenu qu’une demande de procédure d’enquête disciplinaire a été faite, mais qu’aucune copie n’a été fournie à M. Mahil. En contre-interrogatoire, M. Morgan a déclaré qu’il estimait qu’il était [traduction] « très improbable » qu’il ait affirmé qu’il n’y avait pas de procédure d’enquête disciplinaire écrite, mais il a convenu ne pas avoir fourni de copie de la procédure d’enquête disciplinaire lorsque M. Mahil le lui a demandé.

30 M. Morgan a expliqué en contre-interrogatoire qu’il avait pour but de mener une enquête juste et objective.

31 M. Morgan a reconnu en contre-interrogatoire que M. Mahil a présenté de nombreuses demandes, de vive voix et par écrit, pour obtenir tous les renseignements utilisés pendant l’enquête et utilisés par l’employeur pour sa décision finale.

32 À l’entrevue de la fonctionnaire s’estimant lésée tenue le 6 octobre 2006, M. Mahil a soulevé une exception à l’égard de la façon dont l’enquête a été faite. Il a indiqué que la clause 37.04 de la convention collective stipule que des copies de tous les documents en possession du comité d’enquête devaient être fournies à la fonctionnaire s’estimant lésée avant que des questions lui soient posées. Il a déclaré qu’elle avait besoin des documents pour connaître la preuve soumise contre elle et pour se préparer adéquatement à bien se défendre.

33 M. Morgan a déclaré que la clause 37.04 de la convention collective exige que le comité d’enquête fournisse des copies de tous les documents utilisés pendant l’enquête, mais que cette exigence s’applique seulement une fois l’enquête terminée. Il a affirmé que la fonctionnaire s’estimant lésée recevrait des copies de tous les documents utilisés par le comité d’enquête lorsque l’enquête sera terminée. Par conséquent, pendant l’entrevue du 6 octobre 2006, la fonctionnaire s’estimant lésée a uniquement pu prendre connaissance des documents renfermant les questions que le comité d’enquête se proposait de poser, et il lui a fallu laisser ces copies sur place à la fin de l’entrevue. La convocation subséquente, après l’entrevue du 6 octobre 2006, a été révisée de manière à inclure six allégations disciplinaires additionnelles. M. Mahil a alors écrit au directeur Brown pour alléguer qu’il y a eu violation des principes de justice naturelle et d’équité procédurale.

34 La pièce E-4(b) est une liste des documents montrés à la fonctionnaire s’estimant lésée le 6 octobre 2006, afin qu’elle puisse répondre à des questions au sujet de ces documents :

Références dans la transcription à la réception par Mme Baptiste de documents pendant l’entrevue

Page Ligne Commentaire
     
5 19 Baptiste reçoit le rapport d’administration médicale (RAM) pour Legault.
6 1 Baptiste lit le RAM.
6 15 Baptiste commente son inscription dans le RAM.
6 16 Baptiste se fait montrer la page de la photographie/des données de base de Legault.
7 5 et 11 Baptiste se fait montrer l’enveloppe.
7 22 Mahil dit à Baptiste de prendre son temps pour lire la déclaration de Legault.
8 15-17 Baptiste mentionne de nouveau le RAM et le cherche.
8 20 Baptiste se fait remettre le RAM.
13 6-8 Baptiste a son propre document sur les périodes de distribution des médicaments.
15 12-13 Baptiste remet le RAM sur Legault à Thiessen.
15 24-29 Baptiste se fait montrer de nouveau l’enveloppe.
16 44 Thiessen montre le Registre des stupéfiants et des drogues contrôlés à Baptiste.
17 3 Thiessen fait référence au RAM pour Shaler.
17 6 Thiessen mentionne la photo et les données de base pour Shaler et se les fait montrer.
17 29-30 Baptiste reçoit le RAM de Shaler.
18 8 Thiessen mentionne que Baptiste dispose du RAM de Shaler pendant qu’elle se fait poser une question à ce sujet.
20 1-6 Thiessen a remis l’original du Registre des stupéfiants et des drogues contrôlés à Baptiste.
20. 7 Baptiste fait un commentaire sur le registre : elle dit l’avoir en sa possession.
20 8-19 Baptiste commente les inscriptions dans le registre.
21, 2   Baptiste fait sans cesse référence au Registre des stupéfiants.
24 12-15 Thiessen demande à Baptiste de mettre la question du Registre des stupéfiants en suspens et de remettre le RAM de Shaler.
25 17-35 Plusieurs mentions du Registre des stupéfiants sont faites par Thiessen et par Baptiste et des commentaires sont formulés par Baptiste sur les inscriptions dans le Registre (il semble qu’elle en faisait la lecture).
25 33 Baptiste lit à haute voix une inscription du Registre des stupéfiants.
28 12 Thiessen renvoie Baptiste à une inscription en particulier.
28 22 Thiessen donne à Baptiste des photocopies des pages du Registre des stupéfiants faites le 21 août 2006 à 14 h.
29 22 Thiessen donne de nouveau à Baptiste une copie de l’ordonnance du médecin.
34 32-46 Baptiste se fait montrer des copies de pages du Registre des stupéfiants et relève les différences entre celui-ci et le registre original.

35 La transcription de l’enregistrement de l’entrevue de la fonctionnaire s’estimant lésée (et du témoignage de M. Morgan et de Mme Thiessen) établit clairement que la fonctionnaire s’estimant lésée a eu accès brièvement à tous les documents pertinents utilisés pendant l’entrevue tenue le 6 octobre 2006. M. Morgan a témoigné que la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas fait poser de question sans document devant elle.

36 M. Mahil et le directeur Brown ont échangé de la correspondance au sujet des six nouvelles allégations de nature disciplinaire. Le directeur Brown a répondu le 30 octobre 2006 en ces termes :

[Traduction]

[…]

[…] des renseignements sur les allégations additionnelles seront montrés à Mme Baptiste par les enquêteurs lors de la présence de Mme Baptiste à l’entrevue disciplinaire pour discuter desdites allégations. Les documents utilisés pour faire enquête sur cette question seront partagés avec Mme Baptiste à la conclusion de l’enquête disciplinaire, conformément à la clause 37.04 de la convention collective de l’IPFPC.

37 Enfin, après d’autres échanges, M. Mahil a informé le directeur Brown le 7 novembre 2006 qu’en raison des réserves exprimées quant aux principes de justice naturelle, y compris la règle interdisant les partis pris et une violation grave des principes d’équité procédurale, il avait informé la fonctionnaire s’estimant lésée de ne pas rencontrer les membres du comité d’enquête pour répondre aux questions au sujet des allégations disciplinaires additionnelles.

38 Le rapport du comité d’enquête (pièce E-3) inclut une liste de documents, de rapports et de renseignements provenant de différentes sources dont le comité d’enquête s’est servi. Le rapport constituait la base de la décision du directeur Brown. Voici la liste contenue dans le rapport :

[Traduction]

[…]

Documents :

1. Copie du formulaire DROA de K. Mathieson intitulé « Changing of Narcotic Count by NU Gloria Baptiste », en date du 2006-08-21, 13 h 14.

2. Copie du formulaire DROA de J. Plate intitulé « Count Change », en date du 2006-08-21, 13 h 30.

3. Déclaration manuscrite intitulée [détenu Legault], comportant 5 pages, non datée par l’auteur, datée et estampillée telle qu’elle a été reçue par le bureau du directeur le 22 août 2006.

4. Photocopie d’une petite enveloppe de médicaments comportant 6 lignes de texte.

5. Copie du document de Randie Scott intitulé « Personal Notes Regarding Inmate Legault and RN G. Baptiste », de 2 pages, en date du 2006-08-22.

6. Copie d’une note du superviseur correctionnel par intérim Lister au directeur intérimaire Brodoway, intitulée « Baptiste, Gloria RN », en date du 2006-08-22.

7. Copie de la note du CO-2 Koch au superviseur correctionnel par intérim Lister intitulée « Re: Acceptance of medication envelope », en date du 2006-08-23.

8. Copie de la note de Donna Raketti à Gloria Baptiste intitulée « Medication Error », en date du 2006-08-22 (non reçue par G. Baptiste).

9. Copie de la note de Donna Raketti à Gloria Baptiste intitulée « Re Wrong Medication », non datée (non reçue par G. Baptiste)

10. Copie du document intitulé « Nursing Incident Report » de K. Mathieson, IA, en date du 2006-08-23.

11. Copie du formulaire DROA de J. Plate intitulé « Observation Report written 06/08/21 » en date du 2006-09-28, 11 h

12. Copie du courriel (non daté) sur le compte rendu de Linda Dean intitulé « Re Extra duty sheet for Gloria Baptiste », accompagné de 2 pièces jointes. La première s’intitule « Extra Duty Pay and Shiftwork Report » et porte sur le mois d’août 2006. La deuxième s’intitule « Overtime Report » et porte sur le mois d’août 2006.

13. Trois pages de documents. La première page est intitulée « Master Roster 2006 F-1 July », la deuxième page est intitulée « Master Roster 2006 F-2 August », et la troisième page est intitulée « Matsqui Health Services A-l August — September 2006 ».

14. Profil de délinquant dangereux du [détenu Legault] avec rapport Radar (7 pages). Extrait de rapport Radar en date du 2006-08-21.

15. Profil de délinquant dangereux du [détenu Shaler].

16. Copie du document Regional Health Services Order # AS 800.06 intitulé « Reporting Nursing Care — Inmate Related Incidents » comportant une annexe de deux pages. Daté du 2003-04-14.

17. Copie du document Regional Health Services Order # AS 800.10 intitulé « Documentation » comportant une annexe de trois pages. Daté du 2005-08-24.

18. Copie du document Regional Health Services Order # P&T 805.05 intitulé « Medication Error — Incident »  comportant une annexe de trois pages. Daté du 2003-03-13.

19. Copie du document Regional Health Services Order # P&T 805.06 intitulé « Narcotic and Control Drugs ». Daté du 2005-12-14.

20. Copie de la norme de pratique du CRNBC intitulée « Documentation », non datée, téléchargée le 2006-12-17.

21. Copie de la norme de pratique du CRNBC intitulée « Administration of Medications », non datée, téléchargée le 2006-12-07.

22. Copie de la norme de pratique du CRNBC intitulée « Duty to Report », non datée, téléchargée le 2006-12-07.

23. Copie de la norme de pratique du CRNBC intitulée « Duty to Provide Care », non datée, téléchargée le 2006-12-07.

24. Copie du document intitulé Professional Standards for Registered Nurses and Nurse Practitioners, publié par le College of Registered Nurses of British Columbia en décembre 2005.

25. Copie de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances de 1996, ch. 19.

26. Copie d’un document intitulé « New Medication Line Times — Effective August 8, 2006 ».

27. Copie de la photographie d’un détenu datée du 2006-08-21 signée par J. Plate et D. Raketti.

28. Copie du Registre d’administration des médicaments pour le [détenu Legault] pour août 2006.

29. Copie d’une page du dossier médical du [détenu Legault] couvrant du 2006-06-21 au 2006-08-21.

30. Copie du Registre d’administration des médicaments [détenu Shaler] pour août 2006 avec rapport de rencontre pour le 2006-08-18 (2 copies - 1 avec des inscriptions manuscrites sous le texte et 1 sans inscription manuscrite).

31. Copie de l’Ordre du médecin et observations sur le progrès pour le [détenu Shaler] couvrant du 2006-08-18 au 2006-08-21.

32. Copie du Registre d’administration des médicaments pour le[détenu Ylirussi] pour août 2006.

33. Copie de l’Ordre du médecin et observations sur le progrès pour le [détenu Ylirussi] couvrant du 2006-07-19 au 2006-09-11 (2 pages).

34. Copie du Registre d’administration des médicaments pour le [détenu Jakse] pour août 2006.

35.Copie du Registre d’administration des médicaments pour le [détenu Lorenzetto] pour août 2006.

36. Copies de 5 pages (de format légal) du Registre des stupéfiants et des drogues contrôlés, numérotées de 1 à 5 dans le coin supérieur droit. Les pages nos 1 et 2 portent la date de copie du 2006-08-21 dans le coin inférieur droit. Les pages nos 3 à 5 inclusivement portent la date de copie du 2006-08-22.

37. Copies de 4 pages (de format 11 sur 17) du Registre des stupéfiants et des drogues contrôlés, numérotées de 1 à 4 dans le coin supérieur droit et portant la date de copie du 2006-09-07.

38. Copie du courriel du compte de Donna Mynott intitulé « FW: Reports please », 1 page, daté du 23 août 2006, 12 h 37.

39. Copie du courriel du compte de Donna Mynott intitulé « FW: Re Medication », 1 page, daté du 25 août 2006, 8 h 21.

40. Copie du courriel du compte de Donna Mynott intitulé « FW: Altering narcotic counts », 1 page, daté du 25 août 2006, 13 h 24.

41. Copie du courriel du compte de Kristan Brodoway intitulé « Re Schedule », 1 page, daté du 24 août 2006, 14 h 47.

42. Copie du courriel du compte de Donna Mynott intitulé « Re Letter », 1 page, daté du 25 août 2006, 9 h 04.

43. Copie du courriel du compte de Kevin Morgan intitulé « FW: », 1 page, daté du 5 septembre 2006, 16 h 32. Note de 2 pages jointe — la pièce jointe est le document appelé document no 8.

44. Copie du courriel du compte de Kevin Morgan intitulé « FW:Re Wrong Medication », 1 page, daté du 5 septembre 2006, 16 h 33 PM — contenu identique à celui de la note dont il est fait mention au no 9.

45. Copie du courriel de Jason Wong à Diane Thiessen intitulé « RE: Info Needed Please » daté du 10 octobre 2006, 11 h 47.

46. Copie de la page de titre et des deux premières pages du Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques — édition de 2006. En outre, 7 pages portent sur « Zoloft », dont une page qui renferme une illustration de la capsule. De plus, 6 pages portent sur le médicament « Seroquel » dont une page comporte une illustration de la tablette.

47. Copie du contrat LDV no 21831-6-0387-1014052 conclu entre le SCC et FBIG Investigations.

48. Copie envoyée par télécopieur du Certificat d’enquête de sécurité et du profil de sécurité de William B. Thorpe

49. Ensemble de 5 documents :

a. Rapport de transmission daté du 11/21 12 h 06

b. Copie de la feuille d’envoi par télécopieur datée du 2006-11-21

c. Copie du grief datée du 2005-05-20 (renseignements de base obscurcis)

d. Copie de l’enveloppe qui contient 6 lignes de texte manuscrit

e. Copie du talon de chèque de paye avec notes manuscrites au bas et date estampillée (AVRIL 0496 du côté gauche (renseignements de base obscurcis).

50. Ensemble de 4 documents

a. Copie d’une lettre de Kevin Morgan à Mert Mohr datée du 2006-11-28

b. Copie d’une enveloppe qui renferme 6 lignes de texte (suivant le no 46.d qui précède) avec une note manuscrite ajoutée au bas, qui débute par la date du 2006-11-28

c. Copie d’une lettre qui débute à la case 3100 par « Chère Linda » et qui est datée du 14 juin 2004; une note manuscrite est ajoutée au bas et débute par la date du 2006-11-28

d. Copie d’un talon de chèque de paie pour Baptiste GA (suivant le no 46.e qui précède), sans renseignements obscurcis, et dont la note manuscrite ajoutée au bas débute par la date 2006-11-28.

51. Ensemble de 6 documents

a. Lettre de Men Molt à Kevin Morgan en date du 2006-12-04

b. Rapport de William Thorpe, spécialiste de l’expertise judiciaire des écritures (2 pages), en date du 2006-12-02

c.  CV de William Thorpe

d. Original de l’enveloppe mentionnée à 46.d et 47.b

e. Original du talon des chèques de paie mentionné à 46.e et 47.d

f. Original de la lettre mentionnée à 46.c

Entrevues :

1. Donna Raketti, infirmière autorisée, Établissement de Matsqui.

2. Jenny Plate, infirmière autorisée, Établissement de Matsqui.

3. Katherine Mathieson, infirmière autorisée, Établissement de Matsqui.

4. Gloria Baptiste, infirmière autorisée, Établissement de Matsqui.

5. Matt Lister, superviseur correctionnel par intérim, Établissement de Matsqui.

6. Sean Koch, agent correctionnel 2, Établissement de Matsqui.

7. Dr Linda Healey, psychiatre, directrice de l’hôpital psychiatrique, RTC

8. [Détenu Legault], ancien détenu de l’Établissement de Matsqui.

Des notes manuscrites étaient prises au cours de chaque entrevue, et les entrevues étaient enregistrées par enregistreur vocal numérique. Les enregistrements étaient transférés sur disque compact, mais l’on ne faisait pas de transcriptions à partir des enregistrements. Les témoins Raketti, Plate et Mathieson étaient accompagnées pendant l’entrevue de la représentante de l’IPFPC Marie-France Lapierre. L’infirmière Gloria Baptiste était accompagnée du représentant de l’IPFPC Harinder Mahil.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

39 Le 28 novembre 2007, M. Mahil a écrit à Richard Fader, avocat de l’employeur, pour lui demander l’accès à certains documents utilisés pendant l’enquête, documents qui n’avaient pas encore été fournis à la fonctionnaire s’estimant lésée (pièce E-5).

40 Pendant le contre-interrogatoire, M. Morgan a reconnu, lorsqu’il s’est fait montrer la lettre que la fonctionnaire s’estimant lésée a fait parvenir au coordonnateur de l’accès à l’information et de la protection de la vie privée du SCC le 21 mars 2007 (pièce U-18), que la fonctionnaire s’estimant lésée avait demandé, mais n’avait pas reçu, les documents et les renseignements énumérés dans cette pièce.

2. Le témoignage de Mme Thiessen

41 Mme Thiessen, une professionnelle expérimentée, compétente et dévouée, a témoigné de manière honnête et franche. Mme Thiessen est une infirmière autorisée ayant assumé des responsabilités en soins de santé publique dans les établissements de SCC depuis 1997.

42 Mme Thiessen a témoigné que l’entrevue tenue le 6 octobre 2006 avec la fonctionnaire s’estimant lésée était juste et n’a pas été faite à la hâte. La fonctionnaire s’estimant lésée avait accès à tous les documents pertinents et elle comprenait les questions qui lui étaient posées.

3. Le témoignage du directeur Brown

43 À la date de cette audience, le directeur Brown était un EX-02 possédant plus de 29 ans d’expérience au SCC. Le directeur Brown est le cadre supérieur de l’Établissement de Matsqui qui est responsable de toutes les opérations et des services de soutien.

44 Le directeur Brown a constitué le comité d’enquête et a déclaré que le processus était à la fois ouvert et équitable. Il a réitéré la position de l’employeur selon laquelle une fois achevé le rapport sur l’enquête disciplinaire, tous les documents utilisés pour terminer le rapport seraient fournis à la fonctionnaire s’estimant lésée, conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

45 Relativement à la question de la procédure d’enquête disciplinaire prévue à l’Appendice « R » de la convention collective, la décision au premier palier prise par le directeur Brown au sujet du grief était que le [traduction] « Service correctionnel du Canada élabore actuellement une procédure d’enquête suivant l’Appendice « R » de la convention collective de l’IPFPC ». À la date du début de cette audience, le 15 janvier 2008, l’engagement de l’employeur, tel qu’il avait été énoncé par le directeur Brown, n’avait pas encore été rempli.

46 Le directeur Brown a décidé ce qui suit le 4 avril 2007 relativement au grief 566-02-1294 au premier palier de la procédure de règlement du grief (pièce U-16) :

[Traduction]

[…]

Décision de la direction en matière de grief

Vous contestez le fait que l’employeur a récemment mené une enquête disciplinaire sur votre conduite à la suite des allégations à votre sujet. Vous alléguez que l’employeur a violé la convention collective sur le groupe des services de santé en ne mettant pas en place une procédure d’enquête disciplinaire comme l’exige l’Appendice R de la convention collective.

Vous demandez que le rapport d’enquête dressé par les enquêteurs de SCC en contravention de la convention collective soit retiré et que le résultat ne soit utilisé dans aucune procédure disciplinaire.

Après examen, je conclus que vous n’avez pas présenté votre grief dans les délais prévus par votre convention collective. La convention collective prévoit qu’un employé ou une employée peut présenter un grief au premier palier de la procédure au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour suivant la date à laquelle il ou elle a d’abord pris connaissance du geste ou de la situation qui donne lieu au grief. Votre grief a été reçu par la direction le 14 mars 2007, ce qui excède largement le délai indiqué dans la convention collective. Toutefois, si votre grief avait respecté les délais, ma réponse aurait été la suivante :

L’alinéa 12 (1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques autorise chaque administrateur général à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable, à établir des normes de discipline. L’exercice de ce pouvoir est sujet aux dispositions du paragraphe 11.1(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), selon lequel le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice des attributions en matière de gestion des ressources humaines, établir des politiques ou produire des directives sur l’exercice des pouvoirs octroyés par la LGFP aux administrateurs généraux dans l’administration publique centrale.

Ainsi, le Conseil du Trésor of Canada a élaboré des lignes directrices en matière disciplinaire qui exposent la responsabilité de la direction dans ce domaine. Les conventions collectives doivent être respectées, des étapes doivent être suivies pour déterminer l’inconduite et les mesures disciplinaires, pour tenir des enquêtes et mener des entrevues, pour déterminer la mesure disciplinaire appropriée, pour faire preuve de souplesse et pour l’application de discipline et la tenue d’une audience disciplinaire.

Le Service correctionnel du Canada a élaboré un « Guide d’application – Sanctions disciplinaires et rétrogradation ou congédiement non disciplinaires » afin d’orienter la direction dans l’application de la discipline. De plus, les droits en matière de procédure doivent être appliqués à l’employé, c’est-à-dire que l’employé est informé des allégations formulées contre lui, il a le droit de se faire entendre et il a le droit d’être représenté.

Le Service correctionnel du Canada élabore actuellement une procédure d’enquête conformément à ce que prévoit l’Appendice R de la convention collective de l’IPFPC.

Sans égard à la question de savoir si une procédure d’enquête est en place conformément à ce que prévoit l’Appendice R de la convention collective de l’IPFPC [sic] il n’est pas interdit à l’employeur d’exercer le droit de mener une enquête disciplinaire. De plus, l’employeur dispose d’un processus d’enquête prévu par les Lignes directrices du Conseil du Trésor concernant la discipline. Vos droits en matière de procédure vous ont été accordés conformément aux Lignes directrices du Conseil du Trésor concernant la discipline, au Guide d’application – Sanctions disciplinaires et rétrogradation ou congédiement non disciplinaires de SCC et à l’article 37, sur la discipline, de la convention collective de l’IPFPC.

Ce grief est rejeté.

[…]

[Je souligne]

47 L’employeur a présenté en preuve un document de politique daté de novembre 1994 (pièce E-2) comme procédure d’enquête disciplinaire existante en vertu de la convention collective.

48 Le rapport d’enquête a été achevé le 5 janvier 2007 et la fonctionnaire s’estimant lésée en a reçu une copie le 29 janvier 2007. La fonctionnaire s’estimant lésée a été licenciée le 10 avril 2007.

III. Résumé de l’argumentation

49 Les parties ont déposé leurs arguments écrits et je me reporterai à leurs arguments respectifs par article et par numéro de page, au besoin.

50 Je dois indiquer d’entrée de jeu que les deux parties ont présenté une preuve volumineuse pour appuyer leurs positions respectives. Toutefois, la majeure partie de la jurisprudence produite n’était pas pertinente.

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

51 La fonctionnaire s’estimant lésée estime qu’elle aurait dû recevoir un avis adéquat et être informée des détails des allégations formulées contre elle et de la procédure d’enquête disciplinaire pour pouvoir être en position de présenter des observations, de bien préparer sa preuve et de répondre à la preuve produite contre elle.

1. Clause 37.04

52 En ce qui concerne la preuve portant sur la clause 37.04 de la convention collective, M. Morgan a témoigné que la fonctionnaire s’estimant lésée a obtenu accès aux documents pendant l’entrevue disciplinaire du 6 octobre 2006. Il a déclaré qu’un certain nombre de documents lui ont été montrés pendant l’entrevue disciplinaire. La fonctionnaire s’estimant lésée a été dans la salle d’entrevue pendant 1 heure et 20 minutes. M. Mahil a pris une partie de ce temps pour demander au comité d’enquête l’accès à de l’information. Durant l’entrevue, le comité d’enquête a montré certains documents à la fonctionnaire s’estimant lésée (dont une lettre de plainte de cinq pages du détenu Legault) et lui a posé environ 100 questions, dont certaines portaient sur la médication et étaient assez complexes.

53 D’après la fonctionnaire s’estimant lésée, l’entrevue du 6 octobre 2006 avait pour objet de répondre aux questions du comité d’enquête. Elle estime qu’il était inapproprié que le comité d’enquête lui montre des documents pendant seulement quelques secondes, puis se mette à lui poser tout de suite des questions. Elle aurait dû obtenir les documents au préalable afin de pouvoir les examiner et, au besoin, demander des conseils. La fonctionnaire s’estimant lésée est d’avis qu’elle n’était pas en mesure de répondre adéquatement aux allégations formulées contre elle parce qu’elle n’a pas obtenu accès à toute l’information.

54 La fonctionnaire s’estimant lésée croit que les médicaments qu’elle et d’autres infirmières administraient étaient inscrits dans le « Registre d’administration des médicaments ». L’employeur et le comité d’enquête avaient accès aux renseignements pertinents, dont le « Registre d’administration des médicaments ». Toutefois, ils n’ont pas fourni ces renseignements à la fonctionnaire s’estimant lésée et l’ont par conséquent privée de sa capacité de répondre pleinement à l’ensemble des allégations formulées et des questions posées par le comité d’enquête le 6 octobre 2006.

55 La fonctionnaire s’estimant lésée croit en outre que la clause 37.04 de la convention collective est on ne peut plus claire. Elle lui confère le droit de recevoir toute l’information utilisée pendant l’enquête disciplinaire. Elle avait le droit de recevoir non seulement les plaintes formulées contre elle, mais également tous les documents pertinents, y compris l’information et les déclarations des personnes interviewées par les enquêteurs.

56 Dans le cadre de son argumentation, la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir que la clause 37.04 de la convention collective doit être interprétée comme si elle faisait partie de tout l’article :

ARTICLE 37
NORMES DE DISCIPLINE

37.01 Lorsqu'il rédige ou modifie des normes de discipline ministérielles, l'employeur convient de fournir à chaque employé et à l'Institut suffisamment de renseignements à ce sujet.

**
37.02 Lorsque l'employé est tenu d'assister à une audition disciplinaire le concernant ou à une réunion à laquelle doit être rendue une décision concernant une mesure disciplinaire le touchant, il a le droit, sur demande, d'être accompagné d'un représentant de l'Institut. Dans la mesure du possible, l'employé reçoit au minimum deux (2) journées de préavis, ainsi que la raison de l'audition ou de la réunion.

**
37.03 Lors de toute rencontre de demande de renseignements précédant une enquête, audition ou enquête administrative menée par l'employeur, où les actions de l'employé peuvent avoir influé sur les événements ou les circonstances afférents, et où l'employé est tenu de comparaître, il peut se faire accompagner par un représentant de l'Institut. La non-disponibilité du représentant ne retardera pas la rencontre de demande de renseignement précédant une enquête, l'audition ou l'enquête administrative de plus de quarante-huit (48) heures à partir de la notification donnée à l'employé.

**
37.04 Conformément à la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, l'employeur donne à l'employé accès à l'information utilisée au cours de l'enquête disciplinaire.

37.05 L'employeur consent à ne pas produire comme preuve à une audience concernant une mesure disciplinaire tout document au sujet de la conduite ou du rendement de l'employé dont celui-ci n'était pas au courant au moment de présenter un grief ou dans un délai raisonnable après avoir présenté le grief.

**
37.06 Lorsque l'employé est suspendu de ses fonctions, l'employeur s'engage à l'informer, par écrit, de la raison de cette suspension. L'employeur s'efforcera de remettre cet avis au moment de la suspension.

37.07 Tout document de nature disciplinaire qui peut avoir été versé au dossier de l'employé doit être détruit deux (2) ans après la date à laquelle la mesure disciplinaire a été imposée, pourvu qu'aucune autre mesure disciplinaire n'ait été portée au dossier de cet employé durant ladite période.

[**Les astérisques indiquent des modifications par rapport à la convention collective précédente.]

57 La fonctionnaire s’estimant lésée a souligné que l’article 37 doit être lu de concert avec la clause sur les « droits de la direction » qui se trouve à l’article 5 :

ARTICLE 5
DROITS DE LA DIRECTION

5.01   L'Institut reconnaît que l'employeur retient les fonctions, les droits, les pouvoirs et l'autorité que ce dernier n'a pas, d'une façon précise, diminués, délégués ou modifiés par la présente convention.

58 L’argument invoqué par la fonctionnaire s’estimant lésée relativement à la clause 37.04 de la convention collective est que la clause sur les « droits de la direction » a été diminuée ou modifiée et que la direction ne peut faire fi des exigences (obligatoires) de l’article 37 avant d’imposer des mesures disciplinaires à un employé. Finalement, le redressement demandé par la fonctionnaire s’estimant lésée parce que l’employeur n’aurait pas donné effet à ces droits est que la mesure disciplinaire imposée soit déclarée nulle et non avenue.

2. L’Appendice « R »

59 Il est allégué dans le deuxième grief que l’employeur a enfreint l’Appendice « R » :

**Appendice « R »

LETTRE D’ENTENTE
CONCERNANT LE GROUPE DES SERVICES DE SANTÉ
OBJET : PROCÉDURE D’ENQUÊTE DISCIPLINAIRE

La présente donne suite à l'accord conclu entre l'employeur et l'Institut professionnel lors des négociations en vue du renouvellement de l'entente couvrant le groupe susmentionné.

Par conséquent, dans le cas des ministères (Santé Canada, ministère des Anciens Combattants (Hôpital Sainte-Anne-de-Bellevue), ministère de la Défense nationale, Service correctionnel du Canada et Agence de santé publique Canada)qui n'ont aucune procédure d'enquête établie, ceux-ci conviennent d'examiner en collaboration avec l'Institut des questions comme le délai, le processus et les mesures correctives en égard à l'élaboration d'une procédure d'enquête, conformément à l'article 37 - Normes de discipline.

La procédure d'enquête entrera en vigueur au plus tard six (6) mois suivant la date de signature de la convention collective pour l'unité de négociation du groupe des services de santé.

[**Les astérisques indiquent des modifications par rapport à la convention collective précédente.]

60 La fonctionnaire s’estimant lésée soutient que l’employeur n’avait pas mis en place de procédure d’enquête disciplinaire six mois après la signature de la convention collective.

61 Le 6 octobre 2006, jour de l’entrevue de la fonctionnaire s’estimant lésée avec les membres du comité d’enquête, M. Mahil a posé à M. Morgan des questions sur l’existence d’une procédure d’enquête disciplinaire. M. Morgan a reconnu qu’aucune copie d’une procédure d’enquête disciplinaire n’a été donnée à la fonctionnaire s’estimant lésée ou à M. Mahil.

62 La preuve et les témoignages révèlent que bien que la question de la procédure d’enquête disciplinaire a été soulevée le 6 octobre 2006, une autre lettre envoyée au directeur Brown en date du 7 novembre 2006 (pièce U-12), dont copie a été faite à Susan McKenzie, administratrice régionale des ressources humaines, à Anne Kelly, sous-commissaire, et à Donna Mynott, conseillère en ressources humaines, n’a jamais fait l’objet d’un accusé de réception de la part de M. Brown, de Mme Kelly ou de quelque autre représentant du SCC. La lettre de M. Mahil datée du 7 novembre 2006 est ainsi rédigée :

[Traduction]

[…]

J’ai bien reçu la lettre datée du 30 octobre 2006 que vous m’avez fait parvenir par télécopieur le 3 novembre 2006.

Votre lettre indique que les enquêteurs affectés à l’enquête disciplinaire ont constaté d’autres irrégularités pendant l’enquête initiale que celles qui ont constitué le fondement des six allégations additionnelles contre Gloria Baptiste. Ces mêmes enquêteurs, qui ont formulé les allégations additionnelles, ont la responsabilité de faire enquête sur ces allégations. Le syndicat et Mme Baptiste estiment que l’enquête a été sérieusement viciée et compromise.

Quand j’ai accompagné Mme Baptiste devant le comité d’enquête le 6 octobre 2006, j’ai demandé au président Kevin Morgan une copie de la procédure d’enquête. Le président a informé Mme Baptiste et moi-même qu’il n’y avait pas de procédure d’enquête écrite, mais que le comité mènerait une enquête équitable.

Mme Baptiste a de sérieuses réserves du fait que le comité d’enquête responsable de faire enquête sur les allégations contre elle peut lui-même formuler d’autres allégations. Elle estime que l’enquête n’est alors ni équitable ni impartiale.

L’ébauche des lignes directrices concernant les enquêtes administratives diffusée récemment par le Conseil du Trésor indique que les gestionnaires :

· sont censés agir de manière objective en menant une enquête préliminaire minutieuse;

· doivent veiller à ce que les droits de toutes les parties soient respectés tout au long de l’enquête;

· sont censés suivre les règles de justice naturelle……………..

L’ébauche des lignes directrices prévoit en outre que l’enquêteur :

· est responsable de bien comprendre le mandat et l’objet de l’enquête;

· est responsable d’obtenir toute l’information préliminaire pertinente concernant l’incident ou l’allégation en menant des enquêtes minutieuses et impartiales sur les faits qui entourent une allégation ou un incident rapporté;

· respecte les droits des personnes interviewées.

Les mêmes lignes directrices, à la rubrique [traduction] « Processus d’enquête s’il y a allégation d’inconduite de la part de l’employé ou d’incident en matière de sécurité » indiquent que les règles de justice naturelle doivent être appliquées.

L’ébauche des lignes directrices qui porte sur les [traduction] « paramètres applicables aux enquêtes formelles » prévoit que [traduction] « l’on s’attend à ce que l’enquêteur applique le principe de l’équité procédurale et se conforme au mandat qui lui est attribué ».

Les règles de justice naturelle exigent que la personne qui fait face aux allégations reçoive un avis adéquat des allégations formulées contre elle et de la procédure de détermination des allégations afin qu’elle puisse être en position de présenter des arguments en son nom pour bien préparer sa propre preuve et répondre à la preuve produite contre elle. Elles exigent également qu’une personne qui prend une décision soit impartiale et agisse de bonne foi. Le décideur ne peut être l’une des parties dans le dossier. C’est précisément le cas en l’espèce, les enquêteurs ayant formulé les allégations additionnelles.

L’un des éléments des principes de justice naturelle est la règle contre le parti pris. Cette règle prévoit qu’une partie ne devrait pas être jugée par son accusateur.

En l’espèce, les enquêteurs n’ont pas suivi les règles de justice naturelle et le principe de l’équité procédurale a fait l’objet d’une grave violation. Fait plus important, les enquêteurs n’ont pas respecté les paramètres énoncés dans la convocation remise à Mme Baptiste dans une note datée du 5 septembre 2006. Ils ont formulé d’autres allégations contre Mme Baptiste.

Mme Baptiste se préoccupe énormément du fait que l’information concernant les allégations n’a pas été partagée avec elle. La clause 37.04 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada lui donne le droit de recevoir toute l’information utilisée pendant l’enquête disciplinaire. Elle a droit à cette information pour pouvoir répondre pleinement aux allégations.

Pour les motifs énoncés précédemment, Mme Baptiste a décidé, à la suite des conseils de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, de ne pas rencontrer les enquêteurs pour répondre aux allégations additionnelles qu’ils ont formulé.

N’hésitez pas à communiquer avec moi […] si vous désirez que nous discutions de la question.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

B. Pour l’employeur

63 L’employeur s’est opposé à la présentation des deux griefs en faisant valoir qu’ils étaient tardifs.

1. Clause 37.04

64 L’employeur soutient à la section 9 de la page 3 de ses arguments écrits que :

[Traduction]

[…]

la clause 37.04 de la convention collective de l’espèce exige que l’accès à l’information soit donné dans un délai raisonnable une fois le processus d’enquête terminé, conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, afin que l’employé ait l’information avant toute réunion disciplinaire […]

[Je souligne]

65 À la section 10 de la page 4 de ses arguments écrits, l’employeur prétend que [traduction] « […] la clause 37.04 de la convention collective a pour objet de fournir rapidement l’information à l’employé avant la réunion disciplinaire, conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels [je souligne] ».

66 L’employeur fait également valoir à la section 11 de la page 4 de ses arguments écrits qu’[traduction] « […] un conseil d’arbitrage se livre à une interprétation dans le but de découvrir l’intention des parties qui créent une entente; [en outre], doit être appliquée la règle d’interprétation selon laquelle les termes clairs d’une convention collective doivent se voir attribuer leur sens ordinaire […] ».

67 D’après l’employeur, l’intention manifeste de la clause 37.04 de la convention collective est que l’exigence relative à l’accès se cristallise une fois terminée l’enquête disciplinaire.

68 De plus, le rapport sur l’enquête disciplinaire renferme la mention suivante :

[Traduction]

[…]

Durant l’entrevue avec elle, l’infirmière Baptiste était autorisée à consulter tous les documents dont elle avait besoin pour répondre aux questions. Par exemple, elle était autorisée à avoir le Registre des stupéfiants et des drogues contrôlés, des copies de documents du rapport d’administration médicale (RAM), ainsi que d’autres documents médicaux devant elle pendant qu’elle se faisait poser des questions au sujet de la médication qu’elle donnait et des inscriptions qu’elle faisait.

[…]

[Je souligne]

[Le passage en gras l’est dans l’original]

Une copie du rapport a été envoyée à la fonctionnaire s’estimant lésée le 29 janvier 2007.

69 D’après l’employeur, il n’y avait pas le moindre indice de supercherie ou d’injustice pendant l’entrevue des membres du comité d’enquête avec la fonctionnaire s’estimant lésée; il s’agissait d’une simple plainte de la fonctionnaire s’estimant lésée selon laquelle tous les documents en la possession ou sous le contrôle de l’employeur ne lui ont pas été communiqués. Il est clair que la fonctionnaire s’estimant lésée connaissait les allégations formulées contre elle et qu’elle avait accès à tous les documents pertinents pour répondre aux questions qui lui étaient posées.

70 Selon l’employeur, la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas fait la preuve d’injustices particulières commises dans le cadre du processus. De fait, la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas témoigné. Par conséquent, l’avocat de l’employeur a demandé que des conclusions négatives soient tirées.

71 L’employeur prétend, à la section 23 de la page 10, qu’il n’est pas tenu de divulguer complètement tous les documents [traduction] « en son pouvoir, en sa possession ou sous son contrôle ». Il ajoute que la demande de divulgation de tous les documents faite par la fonctionnaire s’estimant lésée pour des motifs d’équité n’est pas une règle d’équité procédurale et qu’il n’y a pas de telle exigence dans la convention collective. Sur ce point, l’employeur ajoute :

[Traduction]

[…]

[…] il n’existe pas de motif d’introduire un concept dans le contexte du droit du travail qui s’étende au-delà de ce qu’exige le droit pénal. C’est particulièrement vrai si une telle conclusion constitue une interprétation diamétralement opposée au sens du libellé de la convention collective et à l’évolution du droit du travail en général. Il n’existe tout simplement pas d’exigence juridique de divulgation complète à l’étape de l’enquête.

[…]

[Je souligne]

L’employeur indique que [traduction] « […] de plus, la convention collective ne comporte tout simplement pas d’exigence de ce type de divulgation. La convention collective n’utilise pas le mot « divulgation » […] ». Si les parties à la convention collective avaient eu l’intention que l’employeur divulgue tous les documents « en son pouvoir, en sa possession et sous son contrôle » à l’étape de l’enquête, elles l’auraient préc isé explicitement dans la convention collective.

72 De plus, l’employeur fait valoir que [traduction] « […] c’est le comportement de la fonctionnaire s’estimant lésée elle-même, qui ne s’est pas présentée à la deuxième entrevue, qui l’a privée d’avoir accès à ces documents [concernant la liste d’allégations élargie]. Tel qu’il est indiqué dans la lettre datée du 30 octobre 2006 envoyée par le directeur Brown à M. Mahil, [traduction] « […] l’information concernant des allégations additionnelles sera montrée à Mme Baptiste par les enquêteurs au moment où Mme Baptiste sera présente à l’entrevue disciplinaire pour discuter des allégations additionnelles [je souligne] ».

73 Enfin, à la page 34 de son argumentation, l’employeur déclare ce qui suit : [traduction] « Toutefois, la fonctionnaire s’estimant lésée a choisi de ne pas participer à la deuxième entrevue, ce qui l’a privée d’avoir accès à l’information pertinente […] »

74 La preuve et les témoignages révèlent un autre point d’intérêt : l’employeur semble avoir été surpris par le manque de collaboration de la fonctionnaire s’estimant lésée à participer à des réunions pour discuter de six nouvelles allégations qui ont résulté de l’entrevue d’enquête axée sur la recherche de faits tenue le 6 octobre 2006.

75 L’employeur fait valoir que la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas contesté le caractère adéquat de l’information divulguée, qui lui a été fournie en janvier 2007. Il renvoie à Burchill c. Canada (Procureur général), [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), pour faire valoir qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre les questions concernant la production de documents postérieure à l’enquête. L’employeur a soutenu que la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels sont les seuls textes législatifs qui justifient un redressement relativement à la question de la divulgation de janvier 2007.

76 En ce qui concerne le redressement, l’employeur déclare que [traduction] « […] l’objet d’un redressement en cas de violation d’une convention collective est de remettre l’employée dans la position dans laquelle elle se serait trouvée s’il n’y avait pas eu de violation ».

77 Toujours en ce qui concerne le redressement, l’employeur invoque Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.) (QL), et déclare que s’il y a eu injustice, elle pourrait être « […] entièrement réparée par l’audition de novo qui a eu lieu devant l’arbitre […] ».

78 Enfin, en ce qui touche la question du redressement, l’employeur fait valoir que [traduction] « […] la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas établi de préjudice ».

2. Le grief fondé sur l’Appendice « R »

79 Le premier argument de l’employeur, à la page 24, section 84, de ses arguments écrits, repose sur la compétence, en ce sens que l’Appendice « R » de la convention collective ne peut justifier un grief individuel en vertu de l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), car l’Appendice « R » fait seulement référence à l’employeur et à l’agent négociateur de la fonctionnaire s’estimant lésée. De plus, l’employeur mentionne l’article 208 de la LRTFP lorsqu’il soutient que la fonctionnaire s’estimant lésée n’est pas fondée à soutenir qu’elle a été lésée personnellement par la violation alléguée de l’Appendice « R ».

80 L’employeur prétend que le seul recours de l’agent négociateur de la fonctionnaire s’estimant lésée, advenant qu’il se soit senti lésé par la violation alléguée de l’Appendice « R » de la convention collective, serait de présenter un grief de principe en vertu de l’article 220 de la LRTFP.

81 En outre, l’employeur soutient que sans égard à sa position sur la question de compétence, il n’y a pas eu de violation de l’Appendice « R » de la convention collective, car le SCC disposait d’une procédure d’enquête disciplinaire. Cette procédure a été soumise en preuve comme pièce E-2, et l’employeur prétend qu’elle renferme une procédure d’enquête disciplinaire détaillée.

82 Enfin, sur la question du redressement, l’employeur fait valoir que, subsidiairement, s’il y avait une violation, la mesure corrective recherchée par la fonctionnaire s’estimant lésée ne correspond pas à ce qui était demandé dans son grief. Par conséquent, le principe Burchill s’applique. De plus, le redressement demandé est hors de proportion par rapport à la violation alléguée de la convention collective.

IV. Motifs

83 Mon analyse de l’ensemble de la preuve et des témoignages et des arguments présentés par les deux parties, de même qu’une lecture minutieuse de la jurisprudence volumineuse qui a été produite, m’amènent à formuler les commentaires, les observations et les déclarations suivants, qui constituent la base et le fondement de ma décision.

84 Tous les témoins ont été francs, directs et honnêtes et je n’ai ni observé ni senti de mauvaise foi.

A. Respect des délais

85 Relativement à la question du respect des délais, il convient d’établir le contexte pour bien comprendre les dates pendant lesquelles plusieurs événements sont survenus. Quand la fonctionnaire s’estimant lésée a été informée qu’elle était placée en congé administratif le 31 août 2006, elle s’est considérée suspendue et elle a déposé un grief. Toutefois, comme le grief renferme une allégation de suspension déraisonnable, il sera entendu à une date ultérieure avec un autre grief relatif à sa suspension et un grief portant sur le licenciement.

86 Un grief a été déposé le 13 octobre 2006 en ce qui concerne la clause 37.04 de la convention collective. Ce grief est l’un des deux griefs dont je suis saisi en l’espèce. Après le refus d’accès à l’Établissement de Matsqui datant du 31 août 2006, la fonctionnaire s’estimant lésée et M. Mahil ont rencontré le directeur Brown le 5 septembre 2006. La fonctionnaire s’estimant lésée a été informée qu’elle serait convoquée à une autre réunion sous peu. Les membres du comité d’enquête ont interviewé la fonctionnaire s’estimant lésée le 6 octobre 2006. Après la rencontre, la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé son grief le 13 octobre 2006.

87 Le grief déposé le 13 octobre 2006 a suivi l’entrevue de recherche de faits du 6 octobre 2006 et respecte les délais prévus à la clause 34.09 de la convention collective :

34.09 Un employé peut présenter un grief au premier (1er) palier de la procédure de la manière prescrite au paragraphe 34.03 au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est informé de vive voix ou par écrit, ou prend connaissance, de l'action ou des circonstances donnant lieu au grief.

88 De plus, si le grief n’avait pas respecté les délais, il convient de mentionner que la décision rendue par l’employeur au premier palier au sujet du grief aurait soulevé la question du respect des délais. Toutefois, l’employeur ne l’a soulevée à aucun autre palier de la procédure de règlement des griefs, y compris au dernier palier. Par conséquent, conformément au paragraphe 95(2) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, l’employeur ne peut s’opposer à la présentation du grief à l’arbitrage sous prétexte de non-respect des délais : McWilliams et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 58.

89 En outre, relativement à la question des délais concernant le grief déposé le 14 mars 2007 et à l’Appendice « R » de la convention collective, l’employeur a statué sur le grief seulement au premier palier de la procédure de règlement des griefs. Au premier palier, le directeur Brown a soulevé la question du respect des délais, mais l’employeur n’a fait aucune autre mention des délais, pas même dans les 15 jours ayant suivi le renvoi à l’arbitrage. En conséquence, conformément au paragraphe 95(2) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, l’employeur ne peut s’opposer à la présentation du grief à l’arbitrage sous prétexte de non-respect des délais : McWilliams et al.

B. Le bien-fondé des griefs

90 Les parties ont fait valoir que dans un dossier d’interprétation d’une convention collective, l’arbitre de grief devrait chercher à saisir l’intention des parties à la convention collective et que l’on doit attribuer aux termes clairs de la convention leur sens ordinaire. Il n’est pas nécessaire de rechercher l’intention des parties à la convention collective si le libellé est clair et non ambigu.

91 Les deux dispositions principales de la convention collective qui sont étudiées sont la clause 37.04 et l’Appendice « R ». Toutefois, il est impératif d’examiner ces dispositions avec d’autres clauses connexes de la convention collective, comme les clauses 4.01, 5.01, 6.01, 34.09, 36.01, 36.07(h), 36.08, 37.01, 37.03, 37.04 et 37.05. Voici le contenu de ces autres clauses :

[…]

ARTICLE 4
CHAMP D’APPLICATION

4.01 Les dispositions de la présente convention s'appliquent à l'Institut, aux employés et à l'employeur.

ARTICLE 5
DROITS DE LA DIRECTION

5.01 L'Institut reconnaît que l'employeur retient les fonctions, les droits, les pouvoirs et l'autorité que ce dernier n'a pas, d'une façon précise, diminués, délégués ou modifiés par la présente convention.

ARTICLE 6
DROITS DES EMPLOYÉS

6.01 Rien dans la présente convention ne peut être interprété comme une diminution ou une restriction des droits constitutionnels ou de tout autre droit d'un employé qui sont accordés explicitement par une loi du Parlement du Canada.

[…]

ARTICLE 34
PROCÉDURE DE RÈGLEMENT DES GRIEFS

[…]

34.09 Un employé peut présenter un grief au premier (1er) palier de la procédure de la manière prescrite au paragraphe 34.03 au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est informé de vive voix ou par écrit, ou prend connaissance, de l'action ou des circonstances donnant lieu au grief.

[…]

ARTICLE 36
CONSULTATION MIXTE

36.01 Les parties reconnaissent les avantages mutuels qui découlent de la consultation mixte et sont disposées à se consulter sur des questions d'intérêt mutuel.

[…]

36.07 Sans porter préjudice à la position que l'employeur ou l'Institut peut vouloir prendre dans l'avenir au sujet de l'opportunité de voir ces questions traitées dans les dispositions de la convention collective, les sujets suivants, dans la mesure où ils intéressent les employés visés par la présente convention, sont considérés comme sujets appropriés de consultation entre l'employeur et l'Institut au cours de la durée de la présente convention :

[…]

h) fourniture à l'Institut des manuels des ministères et des directives du Conseil du Trésor.

36.08 En ce qui concerne les sujets énumérés au paragraphe 36.07, l'employeur convient qu'une nouvelle politique ne sera pas mise en oeuvre et que les règlements ou directives existants ne seront ni supprimés ni modifiés par le Conseil du Trésor de façon à toucher les employés visés par la présente convention avant qu'une possibilité raisonnable d'étudier les propositions de l'employeur et de tenir les consultations à leur sujet n'ait été donnée à l'Institut.

ARTICLE 37
NORMES DE DISCIPLINE

37.01 Lorsqu'il rédige ou modifie des normes de discipline ministérielles, l'employeur convient de fournir à chaque employé et à l'Institut suffisamment de renseignements à ce sujet.

[…]

**

37.03 Lors de toute rencontre de demande de renseignements précédant une enquête, audition ou enquête administrative menée par l'employeur, où les actions de l'employé peuvent avoir influé sur les événements ou les circonstances afférents, et où l'employé est tenu de comparaître, il peut se faire accompagner par un représentant de l'Institut. La non-disponibilité du représentant ne retardera pas la rencontre de demande de renseignement précédant une enquête, l'audition ou l'enquête administrative de plus de quarante-huit (48) heures à partir de la notification donnée à l'employé.

**

37.04 Conformément à la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, l'employeur donne à l'employé accès à l'information utilisée au cours de l'enquête disciplinaire.

37.05 L'employeur consent à ne pas produire comme preuve à une audience concernant une mesure disciplinaire tout document au sujet de la conduite ou du rendement de l'employé dont celui-ci n'était pas au courant au moment de présenter un grief ou dans un délai raisonnable après avoir présenté le grief.

**

[**Les astérisques indiquent des modifications par rapport à la convention collective précédente.]

92 Il convient de souligner que la clause 37.04 et l’Appendice « R » de la convention collective sont de droit nouveau.

1. La clause 37.04

93 La clause 37.04 de la convention collective crée, pour l’employeur, une nouvelle obligation de donner à un employé accès à l’information utilisée au cours d’une enquête disciplinaire sur cet employé, conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cette disposition nouvellement négociée confère à un employé le droit contractuel d’obtenir toute l’information utilisée pendant le processus d’enquête disciplinaire, conformément aux seules Loi sur l’accès à l’information et Loi sur la protection des renseignements personnels. En d’autres termes, toute l’information utilisée pendant la période de l’enquête disciplinaire, à partir de la nomination des membres du comité d’enquête le 5 septembre 2006 jusqu’au dépôt du rapport sur l’enquête disciplinaire le 5 janvier 2007, doit être fournie à la fonctionnaire s’estimant lésée. L’employeur doit s’acquitter de cette obligation à l’égard de la fonctionnaire s’estimant lésée, sans demande de celle-ci, même si la preuve et les témoignages montrent clairement que des demandes d’information ont été faites tant de vive voix que par écrit à de nombreuses reprises pendant l’enquête disciplinaire.

94 Non seulement le libellé de la convention collective est-il clair sur ce point, mais il est également renforcé par la preuve et par divers témoignages de différents témoins de l’employeur, comme l’indiquent les pièces et les témoignages qui suivent :

  • Pièce U-4 : l’employeur déclare ce qui suit dans sa décision au premier palier sur le grief dans lequel est alléguée une violation de la clause 37.04 de la convention collective : [traduction] « donc, les documents utilisés tout au long de l’enquête et le rapport sur l’enquête disciplinaire seront partagés avec vous une fois l’enquête terminée […] »
  • Pièce U-6 : l’employeur déclare ce qui suit dans sa décision au deuxième palier :

    [Traduction]

    « le mot « utilisée » dans cette clause signifie que la divulgation de l’information n’aura pas lieu tant que l’enquête disciplinaire n’aura pas été achevée. Vous obtiendrez alors accès à l’information utilisée (conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels) et l’occasion de répondre aux résultats de l’enquête avant qu’ils soient finalisés […] »

  • Dans sa décision au dernier palier, l’employeur déclare ce qui suit :

    [Traduction]

    « En ce qui concerne votre demande d’accès à l’information utilisée pendant l’enquête disciplinaire, conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, vous obtiendrez un accès complet à l’information utilisée pendant la production du rapport sur l’enquête disciplinaire une fois que celui-ci sera terminé. Vous aurez alors l’occasion de répondre au résultat de l’enquête […] »

  • Pièce U-26 : pendant l’entrevue de recherche des faits avec la fonctionnaire s’estimant lésée tenue le 6 octobre 2006, M. Morgan, en réponse aux questions de M. Mahil sur l’accès à l’information utilisée, a déclaré ce qui suit :

    [Traduction]

    « Ouais. Et à mon avis, cela signifie qu’elle a accès à tous les documents dont nous nous sommes servis pendant le processus de cette enquête. Ainsi, une fois l’enquête achevée, Gloria aurait accès à tout ce dont nous nous sommes servis. »

  • Enfin, à la page 3, section 9 de ses arguments écrits, l’employeur fait valoir ce qui suit :

    [Traduction]

    « […] clause 37.04 […] exige que l’accès à l’information soit donné dans un délai raisonnable une fois le processus d’enquête terminé, conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, afin que l’employé ait l’information avant toute réunion disciplinaire […]

    [Je souligne]

En d’autres termes, si l’on suppose que, pendant cette enquête disciplinaire de plusieurs mois, plutôt longue, 500 éléments d’information ont été utilisés par l’employeur (notes de service, lettres, notes, enregistrements, entrevues ou autres informations liées aux événements ayant fait l’objet de l’enquête), la fonctionnaire s’estimant lésée a droit d’avoir accès à ces 500 éléments d’information, conformément aux seules Loi sur l’accès à l’information et Loi sur la protection des renseignements personnels. Si, à la fin du processus de l’enquête disciplinaire, la fonctionnaire s’estimant lésée a reçu seulement 400 documents ou éléments d’information et non les 500, les dispositions de la clause 37.04 de la convention collective n’auraient pas été observées si l’un ou l’autre des documents restants avaient pu être fournis à la fonctionnaire s’estimant lésée conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

95 La preuve produite par l’employeur révèle qu’une fois l’enquête terminée, la fonctionnaire s’estimant lésée avait un droit d’accès à toute l’information utilisée par l’employeur pendant son enquête disciplinaire.

96 La clause 37.04 de la convention collective est claire et sans équivoque relativement à l’obligation de l’employeur. Si les parties à la convention collective avaient voulu fournir à la fonctionnaire s’estimant lésée seulement « une partie de » l’information ou seulement l’information « pertinente » ou « la plus pertinente » utilisée pendant l’enquête disciplinaire, elles l’auraient énoncé dans la clause 37.04. Elles n’ont pas énoncé de conditions applicables à l’information devant être fournie à la fonctionnaire s’estimant lésée autrement qu’en indiquant qu’elle doit être fournie conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

97 Aucun argument n’a été invoqué par l’une ou l’autre des parties relativement à la question de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

98 Je ne me livrerai pas à une analyse de l’« accès » et de la « divulgation » de l’information devant être fournie par l’employeur en l’espèce ni n’établirai de distinction entre ces deux termes, si ce n’est pour préciser que peu importe que l’on parle d’« accès » ou de « divulgation » ou des deux termes, toute l’information utilisée aurait pu être fournie en temps opportun conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

99 L’employeur soutient que :

[Traduction]

« […] clause 37.04 […] exige que l’accès à l’information soit donné dans un délai raisonnable une fois le processus d’enquête terminé, conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, afin que l’employé ait l’information avant toute réunion disciplinaire […]

100 Il y a lieu de croire, à la lumière de l’argument de l’employeur, que toute l’information doit être accessible à un employé qui fait l’objet d’une enquête avant que cet employé soit informé de la décision prise par l’employeur à la suite de l’enquête.

101 En l’espèce, l’employeur devait donner à la fonctionnaire s’estimant lésée accès à toute l’information utilisée, conformément aux seules Loi sur l’accès à l’information et Loi sur la protection des renseignements personnels, entre le 5 janvier 2007 et toute réunion disciplinaire.

102 Toute l’information utilisée par l’employeur doit avoir été transmise à la fonctionnaire s’estimant lésée afin qu’elle dispose de suffisamment de temps pour se préparer à une réunion disciplinaire avec l’employeur. De cette façon, la fonctionnaire s’estimant lésée et M. Mahil auraient pu contredire les erreurs, relever les omissions, contester les allégations fausses et remettre en question la crédibilité de l’information, au besoin.

103 Dans le cas qui nous occupe, la question de l’accès à l’information utilisée pendant l’enquête disciplinaire a été soumise aux autorités hiérarchiques les plus élevées, tant de vive voix que par écrit, et l’employeur n’en a pas tenu compte. Nous nous penchons sur le libellé d’application obligatoire de la clause 37.04 de la convention collective, qui n’a pas été respecté, sans aucune mauvaise foi de l’une ou l’autre des parties, et nous constatons l’existence d’un vide juridique. Cette question grave pourrait avoir des répercussions sur le redressement dans cette affaire.

104 L’employeur ne m’a présenté ni preuves et témoignages ni arguments qui me convainquent qu’il n’a pas été en mesure de donner accès à l’information en l’espèce.

105 D’après le témoignage non contredit, la fonctionnaire s’estimant lésée et M. Mahil ont demandé, à la toute première occasion, tant de vive voix que par écrit, l’information utilisée par le comité d’enquête (pièce U-26).

106 Le rapport du comité d’enquête (pièce E-3) renferme une liste non exhaustive de documents auxquels, à la date du licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée, soit le 10 avril 2007, ni elle ni M. Mahil n’avaient accès. Le comité d’enquête a utilisé les documents suivants au cours de la période de l’enquête disciplinaire, qui a pris fin le 5 janvier 2007 :

[…]

28. Copie du Registre d’administration des médicaments pour le [détenu Legault] pour août 2006.

29. Copie d’une page du dossier médical du [détenu Legault] couvrant du 2006-06-06 au -08-212006.

30. Copie du Registre d’administration des médicaments [détenu Shaler] pour août 2006 avec rapport de rencontre pour le 2006-08-18 (2 copies - 1 avec des inscriptions manuscrites sous le texte et 1 sans inscription manuscrite).

31. Copie de l’Ordre du médecin et observations sur le progrès pour le [détenu Shaler] couvrant du 2006-08-18 au 2006-08-21.

32. Copie du Registre d’administration des médicaments pour le [détenu Ylirussi] pour août 2006.

33. Copie de l’Ordre du médecin et observations sur le progrès pour le [détenu Ylirussi] couvrant du 2006-07-19 au 2006-09-11 (2 pages).

34. Copie du Registre d’administration des médicaments pour le [détenu Jakse] pour août 2006.

35. Copie du Registre d’administration des médicaments pour le [détenu Lorenzetto] pour août 2006.

36. Copies de 5 pages (de format légal) du Registre des stupéfiants et des drogues contrôlés, numérotées de 1 à 5 dans le coin supérieur droit. Les pages nos 1 et 2 portent la date de copie du 2006-08-21 dans le coin inférieur droit. Les pages nos 3 à 5 inclusivement portent la date de copie du 2006-08-22.

37. Copies de 4 pages (de format 11 sur 17) du Registre des stupéfiants et des drogues contrôlés, numérotées de 1 à 4 dans le coin supérieur droit et portant la date de copie du 2006-09-07.

[…]

47. Copie du contrat LDV no 21831-6-0387-1014052 conclu entre le SCC et FBIG Investigations.

[…]

50. a) Copie d’une lettre de Kevin Morgan à Mert Mohr datée du 2006-11-28.

[…]

51. b) Rapport de William Thorpe, spécialiste de l’expertise judiciaire des écritures (2 pages), en date du 2006-12-02.

[…]

Ces documents n’ont pas été divulgués à la fonctionnaire s’estimant lésée ou à M. Mahil et la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas eu accès aux documents utilisés par le comité d’enquête au moment de son licenciement le 10 avril 2007.

107 Avant de finaliser cette partie de ma décision, je souligne que la veille de l’audition du 15 janvier 2008, M. Mahil n’avait pas encore reçu certaines des informations essentielles demandées, comme en fait foi la pièce E-5, une lettre envoyée par le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée à M. Fader le 28 novembre 2007. Dans cette lettre, dont il a fait parvenir une copie à Ken Graham, conseiller en représentation de l’employeur au Secrétariat du Conseil du Trésor, et à Martin Ranger, agent des relations de travail à l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, il était soutenu que M. Mahil était disponible pour passer en revue l’information manquante à tous les bureaux de SCC. Cette lettre est ainsi rédigée :

[Traduction]

[…]

Je représente Mme Gloria Baptiste relativement à ces questions. Je vous écris, parce que je crois savoir (d’après ce qu’en dit M. Ken Graham), que vous représentez le Service correctionnel du Canada (SCC).

Comme vous savez peut-être, Mme Baptiste a été licenciée par le SCC le 10 avril 2007. La Commission des relations de travail dans la fonction publique a fixé la tenue d’une audience sur ces questions à Abbotsford, en Colombie-Britannique, du 15 au 18 janvier 2008.

Le syndicat était préoccupé par le fait que le SCC n’a pas partagé toute l’information avec Mme Baptiste. Premièrement, l’information n’a pas été partagée avec elle au cours du processus d’enquête. Deuxièmement, quand l’information lui a été communiquée après l’enquête, certains éléments d’information importants manquaient. Maintenant que l’audition aura lieu bientôt, soit dans quelques semaines, Mme Baptiste et moi-même avons le droit de recevoir l’information sur laquelle le SCC s’est appuyé pour justifier son licenciement.

Le SCC estime que le 20 août 2006, Mme Baptiste a modifié le Registre des stupéfiants et des drogues contrôlés en ce qui concerne l’administration de médicaments au détenu Shaler et que le 21 août 2006, elle a modifié le compte matinal de stupéfiants inscrit dans le Registre des stupéfiants et des drogues contrôlés effectué par les infirmières K. Mathieson et J. Plate. Toutefois, des copies du Registre des stupéfiants et des drogues contrôlés pour ces jours n’ont pas été fournies à Mme Baptiste. Nous ne sommes pas en mesure de voir ce qui a été modifié et de quelle façon la modification a été faite. Mme Baptiste n’a pas obtenu non plus d’autres renseignements.

À titre de représentant de Mme Baptiste, je demande de voir le Registre des stupéfiants et des drogues contrôlés pour la période pertinente. Je suis prêt à accompagner Mme Baptiste à n’importe quel bureau du SCC pour examiner cette information.

Je vous serais reconnaissant si vous pouviez prendre des arrangements pour nous afin que nous puissions examiner cette  information dès que possible.

[…]

108 Il est clair que l’employeur n’a pas satisfait au critère énoncé à la page 3, section 9 de ses arguments écrits : [traduction] « […] que l’accès à l’information soit donné dans un délai raisonnable une fois le processus d’enquête terminé, conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, afin que l’employé ait l’information avant toute réunion disciplinaire […] » La mesure disciplinaire a été imposée le 10 avril 2007.

109 En l’espèce, rien ne justifie de ne pas avoir fourni à la fonctionnaire s’estimant lésée ou à M. Mahil toute l’information dont il est question dans la clause 37.04 de la convention collective. Il est certes inapproprié de laisser croire que la fonctionnaire s’estimant lésée aurait obtenu l’information si elle s’était présentée à une entrevue subséquente de recherche des faits tenue par le comité d’enquête. L’employeur avait une obligation contractuelle de donner accès à toute l’information utilisée pendant le processus d’enquête, ou de la divulguer, sans condition autre que les exigences de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je répète qu’il incombe à l’employeur, en vertu de son obligation contractuelle, de fournir l’information utilisée pendant l’enquête disciplinaire, sans que la fonctionnaire s’estimant lésée soit tenue de le demander.

110 Il est toutefois impératif de souligner que cette décision ne tolère aucun geste ni aucune absence de geste de la part de la fonctionnaire s’estimant lésée. En outre, il est impératif de souligner également en l’espèce que le droit de la direction de mener une enquête disciplinaire complète et exhaustive demeure complet.

2. L’Appendice « R »

111 Je traiterai d’abord de la question de la compétence. L’Appendice « R » renferme un vocabulaire contractuel qui porte expressément sur la procédure d’enquête disciplinaire.

112 Un examen du libellé de l’Appendice « R » et de la clause 4.01 de la convention collective établit clairement (et ma décision va en ce sens) que l’Appendice « R » peut faire l’objet d’un grief individuel. La clause 4.01 de la convention collective n’exclut pas l’Appendice « R » de la convention collective.

113 L’article 208 de la LRTFP prévoit qu’un employé peut déposer un grief lorsqu’il s’estime lésé par la violation, par l’employeur, de la convention collective. En outre, l’article 209 confère à un employé le droit de renvoyer à l’arbitrage un grief concernant la convention collective. Enfin, la LRTFP reconnaît expressément à l’article 232 que les griefs individuels et les griefs de principe ne s’excluent pas mutuellement.

114 En ce qui concerne le bien-fondé du grief, l’employeur estime qu’il n’y a pas eu de violation de l’Appendice « R » de la convention collective, car l’employeur disposait déjà d’une procédure d’enquête disciplinaire.

115 On ne peut affirmer que l’employeur disposait déjà d’une procédure lorsque le nouveau libellé contractuel contenu dans la convention collective a été négocié. Ce libellé prévoit expressément une procédure d’enquête disciplinaire à l’Appendice « R ».

116 La pièce E-2 montre que le document de politique de novembre 1994 mentionné par l’employeur comme procédure d’enquête disciplinaire existante prévue par la convention collective était déjà en place quand la convention collective a été signée.

117 En 2005, les parties à la convention collective ont négocié une nouvelle procédure d’enquête disciplinaire (Appendice « R »).

118 Examinons brièvement la pièce E-2. La procédure de 1994 « date » non pas parce que la politique a été instaurée en 1994, mais plutôt parce qu’elle est déphasée par rapport à la convention collective. Un examen minutieux de la procédure de 1994 révèle que [traduction] « bien que les employés n’aient pas droit, en vertu de la loi ou par contrat, à la représentation au cours d’une enquête, l’employeur devrait accorder cette représentation ». Ce passage de la procédure de novembre 1994 ne constitue qu’un exemple qu’elle « date ». De plus, la pièce E-2 contredit plusieurs droits contractuels inscrits dans la convention collective. Je conclus que le rapport du comité d’enquête, qui a été déposé auprès du directeur Brown en janvier 2007, n’a pas été rédigé conformément à la procédure d’enquête disciplinaire se trouvant dans la pièce E-2 et que l’enquête qui a mené à ce rapport ne s’y conformait pas non plus. On ne peut donc conclure, en toute logique, que le rapport d’enquête déposé auprès du directeur Brown en janvier 2007 a été dressé en conformité avec la procédure d’enquête qui se trouve dans la pièce E-2.

119 De plus, pourquoi l’Appendice « R » traiterait-il expressément d’une nouvelle procédure d’enquête disciplinaire si une telle procédure était déjà en place depuis 1994? Il est incontestable que les négociateurs chevronnés de la convention collective, avec toutes leurs ressources, savaient qu’il n’y avait pas de procédure d’enquête disciplinaire pour l’unité de négociation du groupe des Services de santé lorsqu’ils ont négocié le nouveau libellé de la convention. J’estime que le nouveau libellé de l’Appendice « R » introduisait une nouvelle procédure d’enquête disciplinaire dans la convention collective.

120 Enfin, le directeur Brown, le cadre supérieur occupant le rang hiérarchique le plus élevé à l’Établissement de Matsqui, a écrit en avril 2007, dans sa décision au premier palier sur le grief concernant l’Appendice « R », que [traduction] « […] le Service correctionnel du Canada élabore actuellement une procédure d’enquête conformément aux dispositions de l’Appendice « R » de la convention collective de l’IPFPC ». La réponse du directeur Brown au grief indique clairement qu’une procédure d’enquête disciplinaire n’existait pas et qu’une telle procédure conforme au libellé de l’Appendice « R » était élaborée.

121 L’Appendice « R » de la convention collective énonce également que la procédure d’enquête disciplinaire devait prendre effet au plus tard six mois après la signature de la convention collective le 31 mai 2005. À la date de l’audition, le 15 janvier 2008, la nouvelle procédure d’enquête n’était pas encore en vigueur.

122 L’employeur doit vivre avec le libellé de la convention collective qu’il a négociée.

123 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

124 Je déclare que l’employeur a violé la clause 37.04 de la convention collective et j’ordonne à l’employeur de donner sans délai à la fonctionnaire s’estimant lésée accès à l’information qui a été utilisée pendant l’enquête disciplinaire et qui ne lui a pas encore été divulguée, conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

125 Je déclare que l’employeur a violé l’Appendice « R » de la convention collective.

Le 16 décembre 2008.

Traduction de la CRTFP

Roger Beaulieu,
arbitre de grief

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