Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants ont soutenu que l'intimé avait abusé de son pouvoir dans le choix d'un processus non annoncé et la sélection de la personne nommée au poste. Ils ont affirmé que les qualifications essentielles établies pour le poste étaient inadéquates, que la personne nommée ne répondait pas aux critères en matière d'expérience, qu'aucun besoin organisationnel ne figurait dans l'énoncé des critères de mérite et que la zone de sélection avait était restreinte. L’intimé a fait valoir que l’établissement des qualifications, le déroulement de l’évaluation et la détermination de la question de savoir si le candidat reçu possédait les qualifications essentielles, toutes ces activités relèvent du gestionnaire délégataire. Il a ajouté que ce dernier a pu établir un lien entre l’énoncé des critères de mérite et les activités clés énoncées dans la description de travail; que le candidat retenu dans ce processus possédait les qualifications essentielles et celles constituant un atout; et que la question de la zone de sélection ne saurait faire l’objet d’une plainte devant le Tribunal. Décision : Le Tribunal a estimé que le gestionnaire délégataire avait expliqué en détail les critères relatifs au processus non annoncé, et que la décision d’utiliser un processus de nomination non annoncé ne constituait pas un abus de pouvoir. D’après les normes de qualification applicables, un agencement acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience peut servir d’alternative à la norme officielle en matière d’études. En l'espèce, le Tribunal a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, les plaignants n'avaient pas prouvé que les qualifications et les exigences établies aux fins de la nomination, de l'évaluation et de la sélection de la personne nommée constituent un abus de pouvoir. Le Tribunal n’est pas convaincu que le fait de ne pas avoir inscrit les besoins organisationnels dans l’énoncé des critères de mérite constituait un abus de pouvoir. Enfin, le Tribunal a jugé qu’il n’avait pas compétence pour se pencher sur la question du caractère approprié de la zone de sélection, mais qu’il pouvait déterminer si un fonctionnaire faisait partie de ladite zone. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2006-0136 et 0138
Rendue à:
Ottawa, le 20 décembre 2007

RAYMOND KILBRAY ET RON WERSCH
Plaignants
ET
L'ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DE SERVICE CANADA, AU SEIN DU MINISTÈRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu de alinéas 77(1)b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par:
Sonia Gaal, vice-présidente
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Kilbray et Wersch c. Administrateur général de Service Canada et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0049

Motifs de la décision

Introduction

1 Les plaignants, Raymond Kilbray et Ron Wersch, ont présenté des plaintes d’abus de pouvoir parce qu’ils n’ont pas été nommés à un poste de gestionnaire des Services techniques (CS-04). Ils affirment que l’intimé, l’administrateur général de Service Canada, a abusé de son pouvoir lorsqu’il a décidé d’utiliser un processus de nomination non annoncé et qu’il a choisi Mme Sharon Hoffmueller pour occuper ce poste intérimaire.

2 Pour les besoins de l’audience et de la décision, le Tribunal a joint les deux dossiers conformément à l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6.

3 Une audience sur le fond du litige a eu lieu à Winnipeg (Manitoba) les 16 et 17 octobre 2007. La décision comprend un résumé des documents et des éléments de preuve pertinents présentés à l’audience, ainsi que des documents versés au dossier.

Contexte

4 Le 11 septembre 2006, un avis d’information concernant les nominations intérimaires a été affiché sur Publiservice en ce qui concerne la nomination intérimaire de Sharon Hoffmueller au poste de gestionnaire des Services techniques (CS‑04) au ministère des Ressources humaines et du Développement social (RHDS) (processus no 2006-CSD-NA-NHQ-9376-0015).

5 Le processus de nomination avait pour but de doter un poste vacant de façon temporaire pendant une période d’une année. Warren Reynolds, directeur du Développement des affaires, Service Canada, à Winnipeg, a décidé de doter le poste au moyen d’un processus de nomination intérimaire non annoncé. Il a établi un énoncé des critères de mérite et a considéré que Mme Hoffmueller était qualifiée pour occuper le poste. Elle a été nommée par intérim pour la période allant du 5 septembre 2006 au 4 septembre 2007.

6 Le 22 septembre 2006, Raymond Kilbray a présenté une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’alinéa 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) à l’encontre du processus non annoncé ayant mené à la nomination intérimaire de Mme Hoffmueller.

7 Le 25 septembre 2006, Ron Wersch a présenté une plainte pour les mêmes motifs en ce qui concerne le même processus.

Résumé des éléments de preuve pertinents

8 Les deux plaignants ont témoigné. M. Kilbray, qui occupe un poste CS-03 aux Services techniques depuis 1998, pense que la nomination intérimaire de Mme Hoffmueller a affecté le moral des employés des Services techniques. M. Kilbray affirme que les employés de l’unité pensaient que la direction n’avait aucune confiance en eux. De plus, il déclare que la nomination de Mme Hoffmueller limite les possibilités de nominations intérimaires pour les employés actuels des Services techniques. Il aborde aussi la question du rôle des Services à la clientèle du Centre des technologies de l'information (CTI).

9 M. Wersch occupe un poste CS-02 au sein des Services techniques. Il décrit le travail des Services techniques comme étant fondamentalement lié au serveur, le programme secondaire du système. Il ajoute que son cheminement de carrière est limité en raison de la petite taille de l’unité. Il s’agissait de la première occasion pour lui d’obtenir une expérience de travail dans un poste intérimaire pendant une période prolongée. Si Mme Hoffmueller n’avait pas été nommée et qu’on avait plutôt nommé un titulaire de poste CS‑03 de façon intérimaire au poste CS‑04, M. Wersch aurait pu être nommé, car il occupait un poste CS-03 par intérim.

10 Selon M. Wersch, les employés des Services techniques ne considéraient pas que Mme Hoffmueller possédait l’expérience ou la scolarité nécessaire pour exécuter les fonctions du poste. Les employés ont demandé à rencontrer M. Reynolds pour discuter de la nomination intérimaire. Cependant, ils étaient insatisfaits des réponses données par M. Reynolds pour expliquer sa décision.

11 M. Kilbray et M. Wersch ont suivi de nombreux cours, qui duraient parfois une semaine, afin d’améliorer leurs connaissances et leurs compétences professionnelles.

12 Les plaignants ont tenté de faire témoigner Mme Lyne Morin, chef de la Section de la classification, Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), en tant qu’experte de la classification, afin de démontrer au Tribunal que les qualifications du poste ne correspondent pas aux normes de classification. Son témoignage avait pour but d’expliquer de quelle façon on détermine si un poste doit faire partie du groupe Systèmes d’ordinateurs (CS) ou du groupe Services administratifs (AS), ainsi que les répercussions des fonctions d’un poste sur la classification.

13 L’intimé s’est opposé à ce témoignage pour les motifs suivants. Premièrement, aucun rapport d’expert n’a été fourni comme c’est habituellement le cas lorsque des experts sont appelés à témoigner. Deuxièmement, le témoignage n’est pas pertinent, car il s’agit d’une question de dotation et non d’une question de classification. Ce témoignage n’aidera pas le Tribunal à rendre sa décision en ce qui concerne le fond du litige. Le Tribunal n’a aucun pouvoir pour examiner à fond les politiques et les normes établies par l’employeur, y compris une norme de classification. Finalement, Mme Morin n’est pas une experte indépendante car elle est employée par le syndicat qui représente les plaignants et défend leurs intérêts.

14 Après avoir entendu le témoignage de Mme Morin au sujet de ses qualifications, le Tribunal a conclu qu’elle n’était pas une experte. Le Tribunal a déterminé que Mme Morin agissait à titre de représentante, et non à titre d’experte de la classification au sein du gouvernement fédéral.

15 M. Reynolds a fait un témoignage détaillé au nom de l’intimé. Il a été directeur (CS‑05) du CTI de Winnipeg de 1998 au printemps 2007. Il occupe maintenant un autre poste.

16 Trois groupes principaux relevaient de lui : les Services à la clientèle, les Services techniques et les Opérations. Avant sa nomination intérimaire, Mme Hoffmueller était gestionnaire des Services à la clientèle (AS-06).

17 M. Reynolds explique que le rôle du groupe Services à la clientèle est d’agir comme premier niveau interne de résolution des problèmes pour le CTI au sein de Service Canada. Le groupe est une organisation polyvalente qui coordonne toutes les fonctions et tous les renseignements se rapportant à la TI avec les autres groupes, et il constitue une composante importante du CTI.

18 Les Services à la clientèle fournissent un certain nombre de services, dont le principal est assuré par l’InfoService chargé de recevoir les appels ou de répondre aux courriels des clients qui éprouvent un problème avec leur système informatique. L’agent d’InfoService qui prend l’appel posera des questions afin d’essayer d’aider la personne. Si le problème ne peut pas être réglé immédiatement, il faut créer un « ticket » contenant le plus de renseignements possible et l’envoyer aux Services techniques. Le « ticket » est ensuite attribué à un analyste du soutien technique (CS-02) ou à un chef d’équipe du soutien technique (CS-03) chargé de régler le problème. Les Services à la clientèle attribuent aussi des codes et des mots de passe pour la sécurité de la TI et pour l’accès à l’ordinateur central.

19 Tous les employés des Services à la clientèle, à l’exception des agents de projet (OM-03), font partie du groupe AS, et comprennent les échelons de AS-02 à AS‑06. Les employés des Services techniques à qui on donne des « tickets » font partie du groupe CS.

20 En février 2006, le groupe de direction du CTI a élaboré un plan selon lequel il y aura deux gestionnaires au lieu de trois dans trois ans. On y a également discuté d’un déficit au chapitre de la rémunération au sein de la direction dans son ensemble; on examinait les façons de maintenir les salaires à leur niveau actuel et de ne pas augmenter les coûts salariaux. Peu après, le gestionnaire des Services techniques a accepté une affectation d’un an à l’extérieur du CIT. Il était donc nécessaire de pourvoir à ce poste de façon temporaire.

21 M. Reynolds a déclaré qu’il avait besoin d’un gestionnaire dynamique doublé d’un chef de file possédant un solide dossier professionnel pour assurer une transition harmonieuse au sein de l’unité. Il a examiné ce qu’il fallait faire pour déstratifier l’organisation et a reconnu l’importance des besoins et des qualités qu’il avait préalablement déterminés pour ce poste. M. Reynolds avait une connaissance directe du poste à doter, ainsi que des exigences quotidiennes liées au travail.

22 Au cours de la préparation de l’énoncé des critères de mérite, il a examiné le dossier de dotation antérieur se rapportant à ce poste, qui avait été doté en 1999. Il a également consulté Publiservice afin d’examiner des exemples récents d’avis de certains ministères, entre autres Industrie Canada et Environnement Canada. Plus précisément, M. Reynolds voulait vérifier si ces ministères acceptaient des équivalences en ce qui concerne l’exigence de posséder un diplôme de deux années d’études postsecondaires, et il a pu constater que tel était le cas dans un grand nombre de ces ministères. Il a aussi examiné la description de travail du poste CS-04 et a discuté des exigences du poste avec d’autres gestionnaires et deux directeurs du CTI, ainsi qu’avec son propre gestionnaire, afin de déterminer ce qui, selon eux, était important ou pertinent pour l’avenir. Il n’a pas examiné la norme de classification lorsqu’il a préparé l’énoncé des critères de mérite pour le poste intérimaire.

23 M. Reynolds déclare que Mme Hoffmueller l’avait remplacé à titre intérimaire à son poste de CS‑05 en février et en mars 2006 pendant qu’il était en affectation pendant six semaines. Selon les commentaires des autres gestionnaires du CTI, Mme Hoffmueller s’est bien débrouillée et elle a travaillé de façon efficace avec le groupe.

24 Il a examiné diverses options, comme l’affectation de M. Kilbray ou d’autres employés au poste en question, mais il a finalement conclu qu’il avait besoin d’un gestionnaire « généraliste » expérimenté et non d’une personne possédant de bonnes compétences techniques. Il ne cherchait pas un expert de la TI, mais plutôt un excellent gestionnaire. Selon lui, l’expertise technique pouvait se trouver chez les employés CS-02 et CS-03 qui relevaient du titulaire du poste.

25 En outre, si M. Reynolds nommait un CS-03 à un poste CS-04, il devrait nommer un titulaire de poste CS-02 à un poste CS-03, puis nommer un CS-02. En effet, il ne pouvait pas laisser un tel poste vacant, car les besoins en matière d’effectif et de services faisaient en sorte que tous les postes CS-02 et CS-03 devaient être dotés.

26 Il ajoute qu’un poste vacant de gestionnaire permettait une plus grande souplesse, car les tâches pouvaient être réaffectées parmi les autres gestionnaires. Cette façon de faire serait moins coûteuse que si on devait remplacer des titulaires de postes CS-02 et CS-03. Par conséquent, il a été décidé que le poste de Mme Hoffmueller (AS-06) ne serait pas doté. Toutefois, elle continuerait d’exécuter certaines de ses anciennes fonctions. D’autres tâches ont été réaffectées à l’autre gestionnaire, et aussi à M. Reynolds. Le nombre de gestionnaire est donc passé de trois à deux, ce qui est conforme au plan ayant fait l’objet de discussions en février 2006.

27 Le CTI a connu des changements importants, et une personne possédant moins d’expérience n’aurait pas pu faire face aux problèmes que l’organisation devait affronter. M. Reynolds croyait que le poste devait être occupé par une personne ayant des compétences en leadership, en planification, en gestion de projets et en communications ainsi que de l’expérience au sein de l’organisation. Ces compétences étaient nécessaires afin d’avoir un groupe ayant de la cohésion qui collabore harmonieusement et qui respecte ses obligations.

28 Selon M. Reynolds, la responsabilité principale du titulaire du poste est d’intégrer et de comprendre les renseignements recueillis au sein de l’unité, et de prendre de bonnes décisions en se fondant sur ces renseignements. Il est également important de posséder assez de connaissances générales pour comprendre les diverses situations qui pourraient survenir dans le cadre du travail quotidien.

29 M. Reynolds explique qu’un gestionnaire des Services techniques (CS-04) n’est pas forcément un spécialiste ou un expert de la résolution des problèmes techniques. Le gestionnaire donne des conseils, mais il utilisera toutes les ressources dont il dispose pour recueillir des renseignements, et il saura quoi faire pour analyser des recommandations. En général, un titulaire de poste CS-04 est un gestionnaire, et il ne possède pas toujours des connaissances spécialisées. En réalité, peu de titulaires d’un poste CS-04 sont des spécialistes.

30 Pendant son témoignage, M. Reynolds a été contre-interrogé au sujet de la description de travail en date du 3 octobre 2001, et il a établi des liens entre, d’une part, les activités principales énoncées dans le document et, d’autre part, l’énoncé des critères de mérite, afin de démontrer que le titulaire du poste décrit dans l’énoncé des critères de mérite exécute les fonctions du gestionnaire de la GI/TI (CS-04). Il a aussi expliqué que la liste des activités principales comprend toutes les fonctions exécutées par un titulaire de poste CS-04 pendant une certaine période, qui pourrait être un exercice financier.

31 M. Reynolds a décidé d’utiliser un processus de nomination non annoncé parce qu’une candidate, Mme Hoffmueller, était disponible pour l’affectation. Il estimait qu’il valait mieux choisir une personne qui connaissait le CTI plutôt qu’une autre qui ne le connaissait pas.

32 M. Reynolds a évalué Mme Hoffmueller par rapport aux exigences indiquées dans l’énoncé des critères de mérite, et il a déterminé qu’elle répondait à toutes les qualifications essentielles car son expérience, sa formation et ses études étaient acceptables comme équivalence pour le programme d’études postsecondaires de deux ans. De plus, elle possédait ou dépassait toutes les qualifications constituant un atout. L’évaluation écrite de Mme Hoffmueller faite par M. Reynolds par rapport à l’énoncé des critères de mérite dans lequel il a expliqué de façon détaillée l’expérience de Mme Hoffmueller relativement à chaque critère a été déposée en preuve.

33 Un document rédigé par M. Reynolds intitulé « Critères concernant la dotation interne non annoncée » [Traduction] a aussi été mis en preuve à l’audience. Le document énonce les motifs suivants pour justifier la décision d’utiliser un processus de nomination non annoncé et de choisir Mme Hoffmueller :

  • il s’agit d’une mesure de dotation temporaire correspondant à l’affectation d’un an du titulaire;
  • les trois unités actuelles seront regroupées en deux unités dans trois ans;
  • la gestionnaire est très qualifiée et expérimentée, ce qui constitue un facteur important étant donné que le CTI était en période de changement;
  • la direction est aux prises avec un déficit considérable au chapitre de la rémunération, ce qui l’oblige à maintenir les salaires à leur niveau actuel et à ne pas augmenter le déficit au chapitre de la rémunération. [Traduction]

34 M. Reynolds déclare qu’il estimait que Mme Hoffmueller avait de bonnes compétences en leadership et qu’elle était une bonne gestionnaire. Elle était une communicatrice hors pair et avait travaillé dans des organisations complexes. Au sein des Services à la clientèle, elle était avec un groupe diversifié qui fonctionnait bien. Avant de joindre les rangs du CTI, elle supervisait le travail de divers groupes. M. Reynolds jugeait qu’elle possédait les compétences nécessaires et pertinentes pour occuper le poste.

35 Lors du contre-interrogatoire se rapportant aux études de Mme Hoffmueller, M. Reynolds a déclaré que le niveau d’études d’une personne ne permettait pas de déterminer si elle peut être qualifiée d’experte. Selon M. Reynolds, il est très important et même nécessaire que le titulaire du poste possède d’autres qualités en plus du niveau d’études requis. Il estime que pour occuper ce poste, l’expérience acquise par Mme Hoffmueller en tant que gestionnaire et en ce qui concerne la direction d’équipes était nécessaire. Elle était une gestionnaire très expérimentée qui connaissait le CTI, puisqu’elle avait été gestionnaire des Services à la clientèle pendant un certain nombre d’années.

Questions en litige

36 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi un processus de nomination non annoncé?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a nommé Mme Hoffmueller au poste en question?

Argumentation des parties

A) Argumentation des plaignants

37 Les plaignants ont soulevé plusieurs arguments pour appuyer leur point de vue selon lequel il y a eu abus de pouvoir en ce qui concerne le choix d’un processus non annoncé et la nomination de Mme Hoffmueller.

(i) Compétence

38 Les plaignants affirment que le Tribunal a compétence pour examiner l’établissement des critères de mérite par l’intimé.

39 L’alinéa 77(1)a) de la LEFP s’applique à la Commission ou à l’administrateur général. Le paragraphe 77(1) et les alinéas 77(1)b) et c) ne s’appliquent qu’à la Commission, même si le pouvoir a été délégué à l’administrateur général. Le pouvoir délégué à l’administrateur général à l’alinéa 77(1)a) n’a de sens que s’il fait partie du pouvoir attribué à la Commission.

40 De plus, l’alinéa 77(1)a) renvoie au paragraphe 30(2), qui porte sur la définition du mérite. Selon l’alinéa 30(2)a), l’administrateur général est responsable de l’établissement des qualifications essentielles, qu’il y ait eu délégation de pouvoirs ou non. Le législateur a sans doute tenu compte du fait qu’il peut y avoir eu abus de pouvoir lors de l’établissement des qualifications essentielles. L’alinéa 30(2)a) n’accorde pas à l’administrateur général le pouvoir absolu d’établir les qualifications essentielles; il fait un lien entre le mérite et « le travail à accomplir ». Les qualifications essentielles doivent être fondées sur la description de travail du poste.

41 Le législateur n’aurait pas pu avoir l’intention de permettre aux ministères de laisser de côté les fonctions principales lorsqu’ils établissent les qualifications essentielles. Si les qualifications ne correspondent pas aux fonctions énoncées dans la description de travail, la nomination ne peut pas être faite en fonction du mérite, et l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a établi les qualifications essentielles.

(ii) Qualifications essentielles inadéquates

42 Les plaignants allèguent que l’intimé a établi des qualifications essentielles inadéquates. Le poste est classé aux groupe et niveau CS-04. Il s’agit d’un poste de nature très technique, et son titulaire doit être un expert. L’application de connaissances des systèmes informatiques constitue la raison d’être du poste. Par conséquent, la connaissance de la GI/TI aurait dû constituer une qualification essentielle. Cependant, une telle connaissance de la GI/TI n’est énoncée que dans les qualifications constituant un atout sous la rubrique « capacités et compétences ». La qualification constituant un atout qui se trouve dans l’énoncé des critères de mérite et qui s’applique est la suivante : « Capacité d’analyser les besoins en matière de GI/TI, et de formuler des options et des recommandations » [Traduction].

43 De plus, l’établissement d’exigences minimales relatives au niveau d’études pour un poste au niveau d’entrée n’est pas approprié pour le poste en question. Le fait d’établir des critères de mérite qui ne correspondent pas aux exigences réelles du poste à doter constitue un abus de pouvoir. Les plaignants croient que la qualification la moins élevée en matière d’études pour le poste en question n’a pas été établie pour un poste CS-04, mais pour un poste CS-03 ou CS-02. Le titulaire d’un poste CS-04 devrait nécessairement posséder un diplôme d’études postsecondaires dans un domaine pertinent.

44 Les plaignants se rapportent au document de justification de la classification selon lequel les connaissances requises pour le poste CS-04 sont habituellement acquises grâce à : « un diplôme universitaire et huit années d’expérience connexe et assortie de responsabilités de plus en plus grandes » [Traduction].

45 Les plaignants affirment que rien ne prouve que Mme Hoffmueller possède un diplôme universitaire et, en particulier, deux années d’études postsecondaires en science informatique.

46 Les qualifications essentielles du poste doivent correspondre aux fonctions énoncées dans la description de travail, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Autrement, il peut y avoir abus de pouvoir comme il est expliqué dans les paragraphes 73 et 74 de la décision Tibbs c. le Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008. Une nomination ne peut pas être faite selon le principe du mérite lorsque les fonctions ne correspondent pas au travail à effectuer.

(iii) Mme Hoffmueller ne répond pas aux critères d’expérience

47 Les plaignants déclarent que Mme Hoffmueller n’a pas l’expérience exigée dans les qualifications essentielles de l’énoncé des critères de mérite, et notamment le critère : « Expérience de la supervision quotidienne d’un groupe des opérations techniques » [Traduction].

48 Les plaignants affirment que le groupe CS est formé de professionnels compétents dans les domaines de la GI/TI. Mme Hoffmueller n’a supervisé aucun employé du groupe CS, car l’unité qu’elle a dirigée assurait les fonctions d’InfoService, de la Sécurité et des Services à la clientèle pour lesquelles les employés faisaient surtout partie du groupe AS. Comme elle n’a ni les antécédents professionnels, ni l’expérience nécessaire dans le domaine de la TI, les employés qu’elle supervise (CS-02 et CS-03) ne pourront pas la consulter pour obtenir des avis sur des sujets liés à la TI.

(iv) Processus non annoncé

49 Les plaignants déclarent que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a utilisé un processus de nomination non annoncé. La justification que l’intimé a fournie pour appuyer sa décision ne résiste pas à un examen minutieux de la situation. Par exemple, le regroupement de trois unités en deux unités perd toute valeur si le titulaire retourne à son poste.

50 De plus, ce besoin organisationnel ne figure pas dans l’énoncé des critères de mérite. En ce qui concerne les qualifications de la gestionnaire, le simple fait de déclarer qu’elle est « très qualifiée et expérimentée » ne permet nullement de déterminer si la nomination a été faite en respectant le principe du mérite. Cette considération n’est pas pertinente.

51 Selon les plaignants, un processus annoncé aurait mené à la nomination d’un employé qualifié.

(v) Aucun besoin organisationnel déterminé

52 Aucun besoin organisationnel n’a été déterminé dans l’énoncé des critères de mérite lié au poste. La réduction du déficit au chapitre de la rémunération constitue un besoin organisationnel susceptible de faire partie des critères de mérite, et non relevant d’une décision prise au moment de la nomination. Les plaignants croient qu’il aurait été moins coûteux de faire passer un titulaire de poste CS-03 au poste CS-04 de façon intérimaire que de nommer un titulaire de poste AS-06 au poste visé.

53 Le fait d’appliquer les besoins organisationnels à un processus de dotation, par exemple la réduction du nombre de gestionnaires ou du déficit au chapitre de la rémunération, alors qu’aucun de ces besoins n’était indiqué dans l’énoncé des critères de mérite, constitue un abus de pouvoir.

(vi) Restriction de la zone de sélection

54 Les plaignants affirment que l’intimé a restreint la zone de sélection pendant le processus de dotation. Dans l’avis concernant les nominations intérimaires, la zone de sélection était décrite ainsi : « Les fonctionnaires (« employees » en anglais) à la Direction générale des systèmes en poste au CTI de Winnipeg et de la Direction générale des systèmes au bureau régional du Manitoba [Traduction]. Toutefois, pendant le processus de sélection, la zone de sélection était limitée aux personnes occupant un poste de direction dans la zone de sélection.

55 Les plaignants ont fourni au Tribunal des décisions de tribunaux civils qui examinaient des décisions d’appel en se fondant sur l’ancienne LEFP.

56 Les plaignants déclarent que ces faits constituent un abus de pouvoir et veulent obtenir une déclaration du Tribunal selon laquelle la nomination intérimaire de Mme Hoffmueller était entachée d’un abus de pouvoir.

B) Argumentation de l’intimé

57 L’intimé indique que la question à trancher est simple : l’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en ne nommant pas les deux plaignants?

(i) Compétence

58 Selon l’intimé, la discussion concernant la classification n’est pas pertinente. Le Tribunal ne constitue pas l’autorité compétente pour effectuer une analyse quelconque concernant un groupe ou un niveau de classification. Le Tribunal n’a pas à trancher les différends entre syndicats concernant la démarcation entre les groupes. L’intimé ajoute que la LEFP porte sur la dotation de postes par la nomination de personnes qualifiées.

59 Les articles 30 et 31 de la LEFP portent sur le travail à effectuer; les rédacteurs de la LEFP n’ont, à aucun moment, utilisé les termes « description de travail » ni établi un lien avec une justification de la classification. L’argumentation des plaignants est fondée sur le lien que le Tribunal pourrait faire entre, d’une part, le travail à effectuer et, d’autre part, la description de travail. De plus, un gestionnaire peut maintenant prendre en considération les besoins actuels et futurs grâce à la plus grande souplesse qu’offre la LEFP.

(ii) Qualifications essentielles inadéquates

60 En ce qui concerne les qualifications, l’intimé affirme que l’établissement des qualifications, le déroulement de l’évaluation et la détermination du respect des qualifications essentielles par la personne nommée relèvent de la responsabilité de M. Reynolds. Ce n’est pas l’évaluation subjective des plaignants qui détermine les qualifications liées au poste, s’ils sont qualifiés, si leur candidature aurait dû être examinée ou s’ils auraient dû être nommés. Le fait que les plaignants ne souscrivent pas à la décision de M. Reynolds ne prouve pas, en soi, qu’il y a eu abus de pouvoir.

61 L’intimé déclare que M. Reynolds a pu établir dans son témoignage un lien entre l’énoncé des critères de mérite et les activités principales énoncées dans la description de travail, qui sont plus précises et plus détaillées. L’évaluation écrite réalisée par M. Reynolds a permis de démontrer que la personne nommée possédait toutes les qualifications essentielles du poste, y compris celles se rapportant aux connaissances.

(iii) Mme Hoffmueller ne répond pas aux critères d’expérience

62 L’intimé déclare que M. Reynolds devait pourvoir à un poste vacant de gestionnaire. Il a donc décidé de le faire au moyen d’un processus de nomination non annoncé, conformément à l’article 33 de la LEFP. Il a établi les qualifications essentielles et les qualifications constituant un atout conformément au paragraphe 30(2) de la LEFP.

63 Mme Hoffmuellera été évaluée par M. Reynolds, et on a jugé qu’elle répondait à toutes les qualifications essentielles et à toutes les qualifications constituant un atout indiquées dans l’énoncé des critères de mérite. Ainsi, selon l’intimé, M. Reynolds a respecté l’esprit et l’intention de la LEFP.

64 L’intimé affirme que l’assertion des plaignants selon lequel seul un titulaire de poste CS peut présenter sa candidature pour le poste CS-04 est inexacte. Aucun élément de preuve ni aucune exigence juridique présentés par les plaignants ne viennent appuyer cette proposition.

(iv) Processus de nomination non annoncé

65 L’intimé déclare que le choix d’un processus de nomination non annoncé ne peut pas, en soi, constituer un abus de pouvoir. L’article 33 de la LEFP indique qu’on peut utiliser un processus de nomination annoncé ou non annoncé. De plus, le paragraphe 30(4) de la LEFP dispose qu’on n’est pas tenu de prendre en compte plus d’une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite.

66 L’intimé affirme que la nomination a été faite conformément à la LEFP, aux Lignes directrices en matière d'évaluation adoptées par la Commission de la fonction publique (CFP) et aux Modalités des lignes directrices concernant les processus de nomination non annoncés du ministère, qui ont été présentées comme éléments de preuve. Il a été déterminé qu’un processus non annoncé était approprié pour répondre aux besoins de l’organisation.

(v) Restriction de la zone de sélection

67 L’intimé déclare que l’article 34 de la LEFP précise qu’il revient à l’administrateur général, dont les pouvoirs ont été délégués par la CFP, d’établir la zone de sélection. Cette question ne peut pas faire l’objet d’une plainte présentée en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP.

68 L’intimé affirme que, comme il l’a plaidé dans la décision Pugh c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0025, l’abus de pouvoir est lié uniquement à la mauvaise foi, au favoritisme personnel ou à d’autres cas semblables d’action fautive.

69 L’intimé déclare que le fardeau de la preuve incombe aux plaignants. Ces derniers n’ont pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités et en présentant des éléments de preuve clairs et convaincants, qu’ils n’ont pas été nommés en raison d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé. En outre, rien ne prouve qu’il y a eu abus de pouvoir lors de la nomination de Mme Hoffmueller.

70 L’intimé invoque aussi la jurisprudence du Tribunal pour appuyer son point de vue selon lequel la LEFP fournit maintenant une certaine souplesse et une certaine latitude en ce qui a trait à la dotation.

71 L’intimé affirme que les plaintes doivent être rejetées.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

72 La CFP n’a présenté aucune argumentation concernant les faits en l’espèce.

73 La CFP déclare que pour qu’il constitue un abus de pouvoir, un acte qui a eu lieu dans le cadre d’un processus de nomination doit comprendre un refus délibéré d’exécuter une fonction officielle et la connaissance du fait que la conduite irrégulière portera vraisemblablement préjudice au plaignant. Il doit y avoir un élément d’intention comme la mauvaise foi ou le favoritisme personnel. La CFP fournit de la jurisprudence et des extraits de textes juridiques pour appuyer son point de vue.

Analyse

Question I: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi un processus de nomination non annoncé?

74 Les plaignants ont présenté leurs plaintes en vertu de l’alinéa 77(1)b) de la LEFP, qui est ainsi rédigé :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;

75 L’article 33 de la LEFP indique ce qui suit en ce qui concerne les processus de nomination annoncés et non annoncés : « La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé. »

76 Dans la décision Kane c. le Sous-ministre de Service Canada et al., [2007] TDFP 0035, le Tribunal a établi que l’administrateur général peut choisir le processus de nomination qui répond le mieux aux besoins du ministère. La LEFP n’indique aucune préférence pour l’un ou l’autre des processus.

[65] (…) Rien dans la LEFP ou dans le REFP n’oblige un administrateur général à utiliser un processus de sélection en particulier selon qu’il s’agisse d’un poste nouveau ou d’un poste reclassifié. Au contraire, l’article 33 de la LEFP indique clairement que l’administrateur général dispose du pouvoir discrétionnaire nécessaire lui permettant de décider s’il utilisera un processus de nomination annoncé ou un processus de nomination non annoncé.

[66] (…) La nouvelle LEFP ne fait aucune distinction entre un poste nouveau et un poste reclassifié, et il n’existe aucune utilisation obligatoire d’un processus annoncé ou non annoncé.

77 Ainsi, les plaignants ne peuvent pas déclarer qu’il y a eu abus de pouvoir seulement parce qu’un processus de nomination non annoncé a été choisi. Les plaignants doivent prouver que la décision en soi de choisir un processus non annoncé constitue un abus de pouvoir. À ce sujet, voir également la décision Robbins c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0017.

78 L’intimé affirme que ses Modalités des lignes directrices concernant les processus de nomination non annoncés, ainsi que les « critères concernant la dotation interne non annoncée » [Traduction] préparés par M. Reynolds (voir paragraphe 33 ci‑dessus) montrent qu’il n’y a eu aucun abus de pouvoir dans le choix d’un processus non annoncé et dans la nomination de Mme Hoffmueller.

79 Le Tribunal estime que M. Reynolds était un témoin franc et crédible, qui a bien répondu tant à l’interrogatoire principal qu’au long contre‑interrogatoire. Il a expliqué en détail le critère relatif aux processus non annoncés énoncé au paragraphe 33.

80 Bien que les plaignants ne soient pas d’accord avec le choix du processus non annoncé, ils sont incapables de prouver que cette décision constituait un abus de pouvoir.

81 Par conséquent, le Tribunal juge que les plaignants n’ont pas réussi à prouver qu’il y a eu abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé.

Question II: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a nommé Mme Hoffmueller au poste en question?

82 Comme il est expliqué dans la décision Tibbs, supra, et dans d’autres décisions, les plaignants doivent s’acquitter du fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités. Les plaignants doivent donc démontrer que l’intimé a abusé de son pouvoir aux termes du paragraphe 30(2) de la LEFP lorsqu’il a nommé Mme Hoffmueller au poste en question.

83Le paragraphe 30(2) de la LEFPest rédigé comme suit :

30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

(…)

84 Dans la décision Rinn c. le Sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités et al., [2007] TDFP 0044, le Tribunal a rappelé que malgré la souplesse qu’accorde la LEFP aux gestionnaires, la personne nommée doit répondre aux qualifications essentielles du poste :

[35] Le principe du mérite est maintenant lié au mérite individuel; pour être nommée, la personne doit répondre aux qualifications essentielles se rapportant au travail à effectuer. Les employeurs ont une latitude considérable pour choisir la personne qui fera l’objet d’une nomination. Cependant, l’exigence fondamentale de nommer une personne conformément au principe du mérite est que la personne doit être qualifiée pour le poste.

(caractères gras ajoutés)

85 Pour réussir, les plaignants doivent démontrer que Mme Hoffmueller ne répond pas aux qualifications essentielles requises pour le poste et doivent prouver que sa nomination constituait un abus de pouvoir.

(i) Compétence

86 Les plaignants affirment que le Tribunal a compétence pour déterminer si les qualifications essentielles apparaissant dans l’énoncé des critères de mérite respectent les normes de qualification et la justification de la classification se rapportant au poste en question.

87 Le présent dossier comprend des aspects semblables à ceux présentés dans la décision Rinn, supra, une affaire liée à la nomination intérimaire d’un gestionnaire régional par intérim, Sécurité du système, Aviation civile. Dans Rinn, il était allégué que les qualifications essentielles se rapportant au poste intérimaire ne comprenaient pas la possession d’une licence de pilote valide, ce qui était une qualification essentielle pour le poste de durée indéterminée.

88 Dans Rinn, supra, on a avancé un argument selon lequel le Tribunal n’avait pas compétence pour examiner une plainte remettant en question la classification d’un poste, et pour statuer à cet égard. Le Tribunal a déterminé ce qui suit :

[40] Le paragraphe 31(2) de la LEFP indique que les qualifications essentielles établies pour un poste donné par l’administrateur général, et qui sont utilisées pour procéder à une nomination fondée sur le mérite, doivent respecter ou dépasser les normes de qualification applicables établies par l’employeur. L’article 31 est ainsi rédigé :

31. (1) L’employeur peut fixer des normes de qualification, notamment en matière d’instruction, de connaissances, d’expérience, d’attestation professionnelle ou de langue, nécessaires ou souhaitables à son avis du fait de la nature du travail à accomplir et des besoins actuels et futurs de la fonction publique.

(2) Les qualifications mentionnées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i) doivent respecter ou dépasser les normes de qualification applicables établies par l’employeur en vertu du paragraphe (1).

[41] Le paragraphe 31(2) s’appuie sur l’alinéa 30(2)a) et sur le sous-alinéa 30(2)b)(i) et, par conséquent, doit également s’appliquer aux critères afin que la nomination soit fondée sur le principe du mérite. Ainsi, le Tribunal a compétence pour entendre une plainte à l’encontre de l’administrateur général qui a abusé de son pouvoir en établissant des qualifications essentielles et des qualifications supplémentaires constituant un atout qui ne répondent pas aux normes de qualification applicables établies pour l’employeur par l’AFPC, ou qui ne les dépassent pas.

[42] M. Paquette soutient que conformément à la Politique sur le système de classification et la délégation de pouvoir, l’AFPC délègue le pouvoir de classification des postes aux administrateurs généraux. En réalité, lorsqu’un administrateur général délégataire classifie un poste, il le fait au nom de l’employeur. Le Tribunal n’a pas compétence en ce qui concerne la décision de déléguer le pouvoir de classification aux administrateurs généraux et la façon de procéder à cette délégation de pouvoir. Ainsi, le Tribunal n’a pas compétence pour déterminer si un poste est classifié correctement selon les normes de classification applicables.

[43] Par conséquent, le Tribunal ne peut pas trancher la question à savoir si l’intimé a respecté la norme de classification.

(caractères gras dans le document original)

89 Ainsi, le Tribunal a compétence pour déterminer si les qualifications apparaissant dans l’énoncé des critères de mérite pour le poste de gestionnaire par intérim des Services techniques respectent ou dépassent les normes de qualification établies pour le poste en question.

(ii) Qualifications essentielles inadéquates

90 Les plaignants ont également déclaré qu’en supprimant l’exigence relative aux études postsecondaires, et en ramenant au minimum la norme relative aux études, le poste ne correspond plus aux groupe et niveau CS-04, mais qu’il correspond plutôt aux groupe et niveau CS-02 ou CS-03. Les plaignants croient fermement que la connaissance des systèmes informatisés constitue une exigence pour occuper le poste CS-04.

91 L’exigence relative aux études figurant dans l’énoncé des critères de mérite était la suivante :

Avoir réussi un programme d’études postsecondaires dans un domaine acceptable en science informatique, en technologie de l’information, en gestion de l’information ou dans un autre domaine pertinent, ou posséder un agencement acceptable d’études, de formation et d’expérience. [Traduction]

(caractères gras ajoutés)

92 Le document de l’Agence de la fonction publique du Canada intitulé « Norme de qualification du groupe Systèmes d’ordinateurs (CS) », présenté comme élément de preuve, donne la définition suivante des normes d’études minimales pour le groupe CS : « Deux années d'un programme acceptable d'études postsecondaires terminées avec succès en science informatique, technologie de l'information, gestion de l'information ou dans un autre domaine lié au poste à combler. » Cependant, le document comprend aussi la note suivante concernant l’agencement acceptable d'études, de formation et (ou) d'expérience:

A la discrétion du ou de la gestionnaire, un agencement acceptable d'études, de formation et (ou) d'expérience peut servir d'alternative au minimum d'études postsecondaires prescrit ci-dessus. Lorsque ce minimum d'études a été satisfait au moyen de cette alternative, il l'est pour le seul poste visé et doit être ré-évalué pour les autres postes où cette alternative a été précisée par le ou la gestionnaire.

93 Le Tribunal juge que M. Reynolds a agi en respectant les normes acceptables lorsqu’il a déterminé que l’expérience de gestionnaire de Mme Hoffmueller était suffisante pour compenser le fait qu’elle n’avait pas réussi un programme d’études postsecondaire acceptable de deux ans. Il avait besoin d’un gestionnaire expérimenté, et non d’un expert technique pour occuper ce poste intérimaire pendant un an.

94 Le témoignage de M. Reynolds est corroboré par son évaluation écrite de Mme Hoffmueller. En ce qui concerne l’exigence relative aux études, il a écrit ce qui suit :

Sharon répond aux critères ci-dessus. Elle a de l’expertise en ce qui concerne la gestion et la prestation des services. Elle a travaillé au CTI pendant cinq ans et a acquis une connaissance considérable de la gestion et des opérations liées aux systèmes. Elle a suivi beaucoup de formations se rapportant à la gestion, et elle est parfaitement capable de gérer l’unité. [Traduction]

95 De plus, selon lui, Mme Hoffmueller possède la qualification constituant un atout relative à la capacité d’analyser les besoins en matière de GI et de TI. Elle connaissait le domaine de la GI/TI, car elle avait géré l’InfoService qui s’occupe des enjeux relatifs à la TI.

96 Le Tribunal est d’avis que les plaignants n’ont pas réussi à prouver que M. Reynolds avait abusé de son pouvoir lorsqu’il a évalué Mme Hoffmueller pour le poste intérimaire en question.

97 Comme il est indiqué dans la décision Rinn, supra, le Tribunal n’a pas compétence pour examiner si le poste était classifié convenablement aux groupe et niveau CS-04.

(iii) Mme Hoffmueller ne répond pas aux critères d’expérience

98 Les plaignants affirment que Mme Hoffmueller n’a pas assez d’expérience pour gérer le groupe CS au sein des Services techniques.

99 M. Reynolds déclare qu’il a choisi Mme Hoffmueller parce qu’elle possédait l’expérience dont il avait besoin, compte tenu des changements apportés au CTI. Il avait davantage besoin d’un gestionnaire « généraliste » que d’un technicien pour traverser cette période de changements. Il a choisi de nommer une personne qui connaissait le CTI au lieu d’une personne qui n’avait pas cette connaissance.

100 Les critères d’expérience figurant dans l’énoncé des critères de mérite étaient les suivants :

Expérience de la supervision quotidienne d’un groupe des opérations techniques.

Expérience de la gestion des ressources humaines et financières.

[Traduction]

101 Ces deux critères sont de nature générale et appuient le témoignage de M. Reynolds selon lequel il avait besoin d’un gestionnaire « généraliste » au lieu d’un spécialiste de la TI pendant l’année visée, car des changements allaient survenir.

102 M. Reynolds a évalué Mme Hoffmueller par rapport aux qualifications essentielles et aux qualifications constituant un atout, et il a déterminé qu’elle les possédait largement. Selon M. Reynolds, Mme Hoffmueller possédait l’expérience nécessaire pour occuper le poste pendant la période d’un an.

103 Dans son témoignage, M. Reynolds explique que l’expérience décrite dans l’énoncé des critères de mérite se trouve dans la description de travail. Le Tribunal juge que même si les critères relatifs à l’expérience auraient pu être plus détaillés, les plaignants n’ont pas prouvé que l’utilisation de ces termes généraux dans l’énoncé des critères de mérite avait été entachée par un abus de pouvoir.

(iv) Aucun besoin organisationnel déterminé

104 Les plaignants affirment que, comme les besoins organisationnels étaient utilisés pour justifier le recours à un processus non annoncé, ils auraient dû être inscrits dans l’énoncé des critères de mérite.

105 Le Tribunal n’est pas convaincu que le fait de ne pas avoir inscrit cette information constitue un abus de pouvoir. Ce qui est important, c’est qu’une nomination soit fondée sur le mérite. En l’espèce, les éléments de preuve ont clairement démontré que Mme Hoffmueller possédait les qualifications essentielles exigées pour cette nomination intérimaire.

(v) Restriction de la zone de sélection

106 Les plaignants ont également déclaré que l’intimé avait abusé de son pouvoir en restreignant la zone de sélection. La zone de sélection est décrite dans le paragraphe 54 ci-dessus.

107Dans la décision Umar-Khitab c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0005, le Tribunal a déterminé qu’il n’avait pas compétence pour se pencher sur la question du caractère approprié de la zone de sélection :

[15] Bien que le plaignant estime que la zone de sélection n’est pas raisonnable, il ne revient pas au Tribunal d’évaluer si la zone de sélection est raisonnable ou si elle répond aux critères et aux considérations énoncés dans le document Lignes directrices opérationnelles – zone de sélection. La mission du Tribunal est énoncée au paragraphe 88(2) de la LEFP :

88. (…)

(2) Le Tribunal a pour mission d’instruire les plaintes présentées en vertu du paragraphe 65(1) ou des articles 74, 77 ou 83 et de statuer sur elles.

[16] Aucune de ces dispositions ne permet de porter plainte à l’encontre d’une zone de sélection.

108 Néanmoins, le Tribunal peut déterminer si un fonctionnaire fait partie de la zone de sélection choisie par un ministère. À ce sujet, voir la décision Scott et Moore c. le Sous-ministre de Santé Canada et al., [2007] TDFP 0012.

109 Le paragraphe 2(1) de la LEFP est ainsi rédigé : « "fonctionnaire" Personne employée dans la fonction publique et dont la nomination à celle-ci relève exclusivement de la Commission. »

110 Mme Hoffmueller était une fonctionnaire travaillant au sein de la Direction générale des systèmes, au CTI de Winnipeg, et elle se trouvait dans la zone de sélection. En nommant Mme Hoffmueller, l’intimé n’a pas restreint la zone de sélection; le fait qu’elle était gestionnaire n’est pas pertinent.

111 En conclusion, les plaignants n’ont pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a nommé Mme Hoffmueller au poste de gestionnaire des Services techniques en septembre 2006.

112 Le Tribunal souhaite remercier les parties pour leurs bonnes présentations et leur professionnalisme pendant l’audience.

Décision

113 Pour tous ces motifs, les plaintes sont rejetées.

Sonia Gaal

Vice-présidente

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2006-0136 et 0138
Intitulé de la cause:
Kilbray et Wersch et l'Administrateur général de Service Canada et al.
Audience:
Le 16 et 17 octobre 2007
Winnipeg, (Manitoba)
Date des motifs:
Le 20 décembre 2007

Comparutions:

Pour le plaignant:
M. Neil Harden
Pour l'intimé:
Me Karen Clifford
Pour la Commission
de la fonction publique:
Me Angie Paquin
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