Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant travaille comme agent de programme (WP) pour le Service correctionnel du Canada - en 2000, deux agents de programme ont déposé, au nom de tous les agents de programme, un grief collectif de classification dans lequel ils demandaient un paiement rétroactif à janvier 1998 - le nom du plaignant figurait sur la liste des fonctionnaires s’estimant lésés - le grief a été accueilli en avril 2002 et les postes visés ont été reclassifiés, mais seulement à partir de la date de la décision de l’employeur relative au grief - en février 2007, le plaignant a déposé un grief afin de demander que son employeur lui verse la même somme qu’il avait payée aux deux agents de programme qui avaient déposé le grief collectif de classification - le plaignant allègue que l’employeur et ces deux personnes ont conclu une entente secrète dans laquelle l’employeur a accepté de leur verser une rémunération provisoire rétroactive à janvier1998 - son agent négociateur a refusé de poursuivre le grief au troisième palier de la procédure de règlement des griefs parce qu’il avait été déposé après l’expiration du délai prescrit par la convention collective - le plaignant a déposé la présente plainte en mai2008 - les délais prescrits au paragraphe 190(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique sont obligatoires et ne peuvent être prolongés - du propre aveu du plaignant, il était au courant de ce qu’il allègue être une entente secrète depuis février 2007 et pourtant n’a déposé la plainte que plus de 14 mois plus tard - la plainte était hors délai. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-12-22
  • Dossier:  561-02-233
  • Référence:  2008 CRTFP 107

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

GILLES MARTINEAU

plaignant

et

DENIS MÉTHÉ ET SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

défendeurs

Répertorié
Martineau c. Méthé et Service correctionnel du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John A. Mooney, commissaire

Pour le plaignant :
Lui-même

Pour les défendeurs :
Roxanne Lépine, Conseillère en relations de travail en développement et Muriel Lamothe, Conseillère en représentation patronale.

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 22 août et les 11 et 19 septembre 2008.

I. Plainte devant la Commission

1 Gilles Martineau(le « plaignant ») travaille comme agent de programme au groupe et niveau WP-04 pour le Service correctionnel du Canada (le « SCC ») à l’établissement de Cowansville. Le 3 mai 2008, il a déposé une plainte de pratique déloyale visée à l’alinéa 190(1)g) de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22. La Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») a reçu sa plainte le 7 mai 2008. Dans cette plainte, Denis Méthé, commissaire adjoint des ressources humaines au SCC, et le SCC (les « défendeurs ») sont désignés comme défendeurs.

2 Le plaignant a expliqué, dans sa plainte et dans les documents qui y sont joints, qu’en 2000, Denis Paradis et Roger Tousignant ont déposé au nom des agents de programme un grief collectif de classification auprès du SCC. Le grief énumère les noms des agents de programme visés par le grief, dont celui du plaignant. Dans ce grief, M. Paradis et M. Tousignant contestent la classification de leurs postes et demandent que tout ajustement salarial pouvant découler d’une éventuelle reclassification des postes à la hausse soit rétroactif au 16 janvier 1998. Le SCC a accueilli ce grief le 1er avril 2002 et le poste d’agent de programme a été reclassifié de WP-03 à WP-04 à partir de cette date.

3 Selon le plaignant, les défendeurs auraient négocié une « entente secrète » avec M. Paradis et M. Tousignant, leur accordant une rémunération provisoire à partir de février 1998, pour que ces derniers retirent leur grief de classification.

4 Le 28 février 2007, le plaignant a déposé un grief auprès du SCC, demandant à ce dernier de lui verser la même somme qu’il avait payée à M. Paradis et M. Tousignant. L’agent négociateur du plaignant, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’ « agent négociateur »), a refusé de poursuivre le grief au troisième palier de la procédure de grief parce que le grief n’avait pas été soumis dans le délai prescrit dans la convention collective.

5 Le plaignant a déposé cette plainte de pratique déloyale auprès de la CRTFP le 3 mai 2008. Le plaignant allègue dans cette plainte que les défendeurs ont commis une pratique déloyale en négociant cette « entente secrète » et en refusant d’appliquer l’entente conclue entre le SCC et M. Paradis et M. Tousignant à tous les agents de programmes. Selon le plaignant, un grief de classification est un grief « de nature collective » et le règlement d’un grief de classification s’est toujours appliqué à l’ensemble des employés occupant le même poste. Le plaignant demande, entre autres, que les défendeurs paient à tous les agents de programmes en poste, de février 1998 à avril 2002, une rémunération rétroactive qui refléterait la nouvelle classification de leurs postes.

II. Objection au sujet de ma compétence à entendre cette plainte

6 Le 28 mai 2008, les défendeurs ont écrit à la CRTFP demandant que la plainte soit rejetée pour divers motifs. Entre autres, on m’a demandé de rejeter la plainte parce que le plaignant n’a pas respecté le délai prévu au paragraphe 190(2) de la LRTFP qui prévoit qu’une plainte de pratique déloyale doit être déposée dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, des circonstances qui ont donné lieu à la plainte. Les défendeurs ont souligné que le poste du plaignant avait été reclassifié de WP-03 à WP-04 à partir du 1er avril 2002. Le plaignant ne s’est pas objecté à cette époque au fait que son poste ne soit pas reclassifié rétroactivement au 16 janvier 1998. Selon les défendeurs, la plainte ne respecte pas les délais prévus au paragraphe 190(2) de la LRTFP puisque plus de six ans se sont écoulés depuis que l’employeur a décidé de reclassifier à la hausse le poste du plaignant.

7 Les défendeurs ont aussi indiqué que M. Paradis et M. Tousignant avaient deposés des griefs individuels et que les défendeurs avaient conclu avec eux une entente pour régler ces griefs lors d’une médiation.

8 Le plaignant a répondu à l’objection des défendeurs le 13 juin 2008. Le plaignant a écrit qu’il n’avait pas déposé son « grief » parce qu’il ne se doutait pas que les défendeurs utiliseraient des subterfuges déloyaux.  

9 Le 14 juillet, la CRTFP a demandé aux parties de lui faire parvenir leurs commentaires écrits au sujet de la compétence de la CRTFP d’entendre cette plainte, plus particulièrement sur la question à savoir si la plainte avait été déposée selon le délai prévu au paragraphe 190(2) de la LRTFP.

10 Le 31 juillet 2008, l’agent négociateur a fait parvenir à la CRTFP des arguments écrits au sujet de ma compétence à entendre cette plainte. Je n’ai pas pris ces arguments en considération dans cette décision puisque l’agent négociateur n’est pas partie à cette plainte et n’a pas demandé un statut d’intervenant.

III. Arguments au sujet de ma compétence à entendre cette plainte

A. Pour les défendeurs

11 Dans les arguments écrits du 22 août et du 19 septembre 2008, les défendeurs réitèrent que la plainte est hors délai.

12 Les défendeurs ont soutenu que l’entente conclue avec M. Paradis et M. Tousignant est confidentielle et ne peut constituer un événement déclencheur pour ce qui est de cette plainte de pratique déloyale puisque le plaignant n’était pas partie à cette entente.

13 Les défendeurs ont ajouté que le plaignant aurait pu, comme M. Paradis et M. Tousignant, déposer en 2002 un grief pour contester la date de la reclassification de son poste, mais le plaignant a choisi de ne pas le faire. Selon les défendeurs, le plaignant se sert de la procédure de plainte de pratique déloyale comme une alternative à la procédure de grief parce que l’agent négociateur du plaignant avait refusé de le soutenir lorsqu’il a déposé un grief en 2007.

B. Pour le plaignant

14 Dans ses arguments écrits du 11 septembre 2008, le plaignant écrit que les défendeurs font appel à des « technicalités » pour éviter de discuter du fond du litige. Le plaignant ajoute qu’il n’a pas agi en 2002 parce qu’il croyait que les griefs de M. Paradis et M. Tousignant couvraient l’ensemble des agents de programme du SCC. Le plaignant écrit aussi que ce n’est que lorsqu’il a appris en 2007 que M. Paradis et M. Tousignant avaient accepté une entente qu’il a déposé lui-même un grief auprès du SCC. Le plaignant a attendu avant de déposer sa plainte de pratique déloyale parce qu’il voulait régler l’affaire auprès des représentants du SCC avant de faire appel à la CRTFP.

IV. Motifs

15 Les défendeurs soutiennent que le plaignant n’a pas déposé sa plainte de pratique déloyale dans le délai prescrit. Le paragraphe 190(2) de la LRTFP précise que le délai pour déposer une plainte de pratique déloyale est de 90 jours :

190.(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

16 La LRTFP ne prévoit aucune possibilité d’extension, ce délai est donc un délai de rigueur comme l’a souligné la Commission dans Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78.

17 Le plaignant soutient que les défendeurs auraient négocié une « entente secrète » avec M. Paradis et M. Tousignant, leur accordant une rémunération provisoire à partir de février 1998, pour que ces derniers retirent leurs griefs. Le plaignant allègue dans sa plainte que les défendeurs ont commis une pratique déloyale en concluant une « entente secrète » avec M. Paradis et M. Tousignant et en refusant d’appliquer cette entente à tous les agents de programmes du SCC. L’action qui est reprochée aux défendeurs et qui constitue, selon le plaignant, une pratique déloyale est cette entente secrète survenue en 2006. J’estime, donc que le délai a commencé à courir lorsque le plaignant a appris l’existence de cette entente. Or, de l’aveu même du plaignant, il connaissait l’existence de cette entente le 28 février 2007, puisqu’il y a fait allusion dans le grief qu’il a présenté au SCC à cette date. Le plaignant a déposé sa plainte de pratique déloyale le 3 mai 2008, plus de 14 mois après avoir pris connaissance de l’entente. Le plaignant n’a donc pas déposé sa plainte de pratique déloyale dans le délai prescrit par le paragraphe 190(2) de la LRTFP. Sa plainte est donc rejetée pour cette raison.

18 Puisque je décide de rejeter la plainte parce que le plaignant ne l’a pas déposée dans le délai prescrit par la LRTFP, il n’est pas nécessaire que j’aborde les autres questions soulevées par les défendeurs au sujet de ma compétence à entendre cette plainte.

19 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

20 La plainte est rejetée.

Le 22 décembre 2008.

John A. Mooney,
commissaire

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