Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a fait valoir que l’agent négociateur a agi arbitrairement en traitant négligemment son dossier devant la CAT - le plaignant a été blessé durant son travail et a demandé des prestations de la CAT - l’agent négociateur a représenté le plaignant devant la CAT et a réussi à obtenir une décision favorable à la suite de l’examen de la première décision, qui était défavorable - le plaignant s’est montré insatisfait des prestations accordées - le plaignant a fait valoir que l’agent négociateur avait été négligent et qu’il n’avait pas respecté les délais dans ses rapports avec la CAT, l’empêchant ainsi d’obtenir un redressement additionnel de la part de la CAT - le commissaire a estimé que l’agent négociateur n’était nullement obligé d’assurer au plaignant une représentation équitable pour toute affaire devant la CAT. La plainte a été rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-01-09
  • Dossier:  561-02-139
  • Référence:  2008 CRTFP 3

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

JAMIE S. ELLIOTT

plaignant

et

GUILDE DE LA MARINE MARCHANDE DU CANADA, MICHAEL WALTON,
WALLY FAWKES, GUY BEAULIEU ET ARNOLD VINGSNES

défendeurs

Répertorié
Elliott c. Guilde de la marine marchande du Canada et al.

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John A. Mooney, commissaire

Pour le plaignant:
Thomas F. Beasley, avocat

Pour les défendeurs:
Capitaine Arnold Vingsnes, secrétaire-trésorier, Guilde de la marine marchande du Canada

Décision rendue sur la foi d’observations écrites, déposées le 2 janvier, le 6 février,
le 13 août, le 4 et le 12 septembre, le 22 octobre et le 10 novembre 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 28 décembre 2006, Jamie S. Elliott (le « plaignant ») a déposé une plainte de pratique déloyale de travail visée à l’alinéa 190(1)g) de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP » ou la « Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22; dans cette plainte, la Guilde de la marine marchande du Canada (la « Guilde »), Michael Walton, Wally Fawkes, Guy Beaulieu et le capitaine Arnold Vingsnes sont désignés comme défendeurs (les « défendeurs »). M. Walton, M. Fawkes, M. Beaulieu et le capitaine Vingsnes ont tous travaillé pour la Guilde à divers moments lors des événements qui ont donné lieu à la plainte.

2 La plainte concerne la manière dont la Guilde s’est occupée de la demande d’indemnité d’accident du travail du plaignant devant la Commission des accidents du travail de la Colombie-Britannique (la « CAT »). Le plaignant a donné d’autres explications sur sa plainte dans la formule complémentaire 16 déposée le 2 janvier 2007. Aux paragraphes 44 et 45, le plaignant allègue ceci :

[Traduction]

44. Il est clair que les actions des défendeurs sont arbitraires et qu’elles enfreignent l’art. 187 de la LRTFP.

45. Les défendeurs ont agi d’une façon arbitraire et discriminatoire et de mauvaise foi, tout en étant négligents.

3 Le plaignant a déclaré qu’il travaille comme mécanicien de navire pour la Garde côtière canadienne (la « GCC ») depuis 1987. La GCC fait actuellement partie du ministère des Pêches et des Océans.

4 Durant toute la période pertinente, la Guilde était l’agent négociateur accrédité pour les employés de la GCC, y compris le plaignant, et une convention collective entre la Guilde et la GCC était en vigueur.

5 Le plaignant a ensuite expliqué en détail le rôle de la Guilde à l’égard de sa demande d’indemnité d’accident du travail. Autour de mai 1999, le plaignant a éprouvé de la douleur dans la zone thoracique du dos. Il travaillait à l’époque. Il a déposé une demande d’indemnité auprès de la CAT à propos de cette blessure. Sa demande a été rejetée. Il a déposé une autre demande d’indemnité relativement à une blessure subie en juillet 1999, et cette demande a également été rejetée, mais le Comité de réexamen de l’indemnisation des accidents du travail (le « Comité de réexamen ») a annulé la décision, et des prestations d’assurance-salaire ont été versées jusqu’au retour au travail du plaignant le 14 septembre 2001.

6 Le plaignant a ajouté que, le 22 novembre 2001, la CAT a rendu une décision octroyant des indemnités d’assurance-salaire pour la période allant du 23 août au 30 décembre 1999. La CAT a également rendu des décisions-lettres en date du 18 décembre 2001, quant à la mise en œuvre de la décision du Comité de réexamen, et deux autres décisions-lettres, datées du 19 décembre 2001.

7 Peu après le 19 décembre 2001, le plaignant est entré en communication avec la Guilde pour interjeter appel contre ces décisions. La Guilde et ses représentants, dans le cadre de leurs fonctions prévues à la convention collective, représentaient les employés de la GCC, comme le plaignant, à l’égard des questions relatives à la CAT.

8 Le 23 janvier 2002, le capitaine Vingsnes, agent syndical pour la Guilde, a interjeté appel auprès du Comité de réexamen au sujet des décisions de la CAT.

9 Le 18 mai 2002, le plaignant a rencontré le capitaine Vingsnes pour discuter de son appel devant la CAT. Le plaignant a informé le capitaine Vingsnes qu’il voulait que le Conseil consultatif des travailleurs le représente pour toute autre question touchant la CAT. Le plaignant était d’avis que le Comité consultatif des travailleurs était mieux outillé et plus expérimenté pour traiter de questions se rapportant à la CAT.

10 Le capitaine Vingsnes a dit clairement au plaignant de ne pas s’adresser au Comité consultatif des travailleurs, car la Guilde s’occuperait de son cas auprès de la CAT.

11 À partir de ce moment, la Guilde est demeurée le représentant officiel du plaignant pour ses appels devant la CAT.

12 Le plaignant a parlé avec M. Walton, qui s’occupait alors de ses appels pour la Guilde, à un certain nombre d’occasions en 2002. Il a mis M. Walton au courant d’anomalies existantes en matière d’assurance-salaire concernant l’affaire réexaminée par la CAT.

13 M. Walton et d’autres personnes de la Guilde sont devenus contrariés par les demandes régulières de renseignements du plaignant quant à l’évolution de son dossier. La Guilde et son représentant ont demandé au plaignant de ne pas téléphoner à la Guilde et l’ont avisé que la Guilde était bien capable de déposer les documents nécessaires dans les délais.

14 Le 15 octobre 2002, M. Walton a déposé un avis d’appel, à l’aide de la formule de la partie 1, concernant le taux de salaire que la CAT avait utilisé pour calculer les prestations d’assurance-salaire du plaignant. Le plaignant lui a téléphoné au sujet de cet appel. M. Walton a informé le plaignant que la formule de la partie 2 devait être déposée séparément, que le dossier de la partie 2 était sur son bureau et qu’il y travaillait.

15 Le 16 janvier 2003, M. Walton a envoyé au plaignant une lettre indiquant qu’il avait ouvert pour lui seulement un dossier auprès de la CAT et qu’il attendait la réponse et les instructions du Comité de réexamen pour déposer l’appel de la partie 2 contre la décision du 15 octobre 2002.

16 Immédiatement après avoir reçu cette lettre, le plaignant a communiqué avec M. Walton. Il a demandé pourquoi la Guilde avait ouvert seulement un dossier et a également demandé ce qui s’était produit à propos du travail du capitaine Vingsnes sur l’appel de la partie 2 le 15 octobre 2002.

17 M. Walton a déclaré au plaignant qu’il pensait que le deuxième appel avait été interjeté mais qu’il n’en était pas certain. Il a avisé le plaignant qu’il entrerait en communication avec lui s’il trouvait cet avis d’appel. À peu près à ce moment-là, le plaignant a reçu deux appels téléphoniques de Mme Turpin, de la Guilde, lui demandant d’examiner ses dossiers concernant l’appel de la partie 2. Le plaignant a examiné ses dossiers mais n’en a trouvé aucun se rapportant à l’affaire et a informé M. Walton en conséquence.

18 Entre le 18 août 2003 et le 11 octobre 2005, le plaignant est entré en communication avec la CAT à au moins deux occasions pour déterminer où en étaient ses appels. La CAT l’a avisé que, jusqu’à ce que le greffier adjoint ait rendu une décision, elle ne pourrait lui fournir des renseignements.

19 Dans chacune de ses tentatives pour s’occuper de son dossier directement auprès de la CAT, le plaignant s’est vu opposer un refus, car la Guilde était son représentant officiel aux fins de son appel.

20 Le 11 octobre 2005, Douglas Strongitharm, vice-président, greffier adjoint, a envoyé une lettre à M. Fawkes, le nouveau représentant de la Guilde pour les appels du plaignant, lui conseillant de réexaminer les appels avec le plaignant et le priant d’aviser la CAT dans un délai de 14 jours si le plaignant souhaitait aller de l’avant.

21 Le plaignant n’a reçu cette lettre que le 28 octobre 2005, trois jours après le délai. Il a immédiatement appelé M. Fawkes qui s’occupait alors de ses appels et lui a demandé pourquoi il ne lui avait pas parlé de cette affaire plus tôt. Il a été informé que M. Fawkes n’avait pas compris l’objet des appels. M. Fawkes a déclaré qu’il communiquerait avec le greffier adjoint et demanderait une prorogation de délai.

22 Le plaignant n’a jamais été tenu au courant de l’état de la demande de prorogation de délai que la Guilde avait présentée pour lui.

23 Le 3 octobre 2006, le plaignant s’est adressé au Comité de réexamen et s’est enquis de l’état de ses appels. Le Comité de réexamen l’a informé que, le 11 janvier 2006, il avait été décidé de refuser la prorogation de délai. Le Comité de réexamen l’a avisé que son représentant, ainsi qu’à cette époque M. Fawkes de la Guilde, aurait dû lui remettre une copie. Le plaignant a téléphoné à M. Fawkes et s’est entretenu avec un autre des défendeurs, Guy Beaulieu, qui avait pris en charge son dossier.

24 Le plaignant n’a été au courant que le 3 octobre 2006 de la décision du Comité de réexamen de rejeter sa demande d’indemnité et de refuser la prorogation de délai.

25 Le plaignant est entré en communication avec M. Beaulieu le 3 octobre 2006, et M. Beaulieu l’a informé que ses dossiers avaient été archivés et entreposés.

26 Le 4 octobre 2006, le plaignant a envoyé au Comité de réexamen une lettre demandant une copie de la décision, ce qu’il a reçu vers le 4 octobre 2006.

II.  Résumé de l’argumentation sur la compétence de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

A. Pour les défendeurs

27 Dans une lettre déposée le 6 février 2007, le capitaine Vingsnes a répondu au nom de tous les défendeurs. Les défendeurs ont soulevé deux objections préliminaires concernant la compétence de la Commission à l’égard de la plainte. La première objection avait trait à l’objet de la plainte, et la seconde, au respect des délais.

28 Les représentants des parties se sont rencontrés le 28 juin 2007 et, après cette réunion, ont convenu que les objections des défendeurs en matière de compétence seraient traitées par voie d’observations écrites.

29 Les défendeurs ont produit leurs observations écrites, avec pièces jointes, le 13 août 2007. Voici les principaux points de vue énoncés dans ces observations déposées auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP » ou la « Commission »).

30 Le représentant des défendeurs soutenait que la CRTFP n’avait pas compétence pour entendre cette affaire, puisqu’elle n’a pas compétence pour entendre une plainte quant à la représentation devant d’autres tribunaux comme une commission des accidents du travail. Dans la convention collective entre le Conseil du Trésor et la Guilde (couvrant les officiers de navire) ou dans la LRTFP, aucune disposition n’exige de représenter les membres de la Guilde devant les tribunaux des accidents du travail.

31 Le fait que la Guilde aide ses membres dans les demandes d’indemnité d’accident du travail ne transforme pas le service en une affaire visée à l’article 187 de la LRTFP. La prestation d’un tel service est une affaire syndicale interne. La Guilde fournit de nombreux autres services non liés à une convention collective, par exemple les conseils en matière de retraite, la représentation devant les tribunaux des transports, l’aide quant aux questions touchant le Régime de pensions du Canada, les renvois vers les programmes pour toxicomanes et alcooliques, l’aide relative à l’assurance-emploi et bien d’autres services semblables. Les défendeurs arguaient que c’était absurde d’affirmer que tous les services qu’un syndicat offre sont sujets à une procédure en matière de représentation inéquitable, car il s’agit nettement d’affaires syndicales internes. La CRTFP (tout comme sa prédécesseure, c’est-à-dire l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique) a invariablement rejeté les plaintes se rapportant à des questions syndicales internes. Sur ce point, les défendeurs m’ont renvoyé aux cas suivants : Bracciale c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicat des employé(e)s de l’impôt, section locale 00048), 2000 CRTFP 88; Lai c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada,2000 CRTFP 33; White c. Alliance de la Fonction publique du Canada,2000 CRTFP 62.

32 Les défendeurs ont ajouté que d’autres commissions ou conseils œuvrant dans le domaine des relations de travail ont également rejeté des plaintes semblables et ils m’ont renvoyé aux cas suivants à l’appui de cette proposition : Barnard, [1997] B.C.L.R.B.D. No. 6 (QL); Dumontier, [2002] CCRI no 165; Buchanan, [2006] CCRI no 348.

33 Les défendeurs ont également soutenu que les questions soulevées dans la plainte sont depuis longtemps hors délai. Dans la pièce jointe à la formule complémentaire 16 déposée le 2 janvier 2007, le plaignant décrit une interaction avec la Guilde commençant [traduction] « autour de mai 1999 » (paragraphe 4) et continuant jusqu’en 2003 (paragraphe 24). Entre le 18 août 2003 et le 11 octobre 2005, le plaignant a traité lui-même avec la CAT (paragraphe 25). Puis, dans la dernière partie de 2005, le plaignant a de nouveau traité avec la Guilde (paragraphes 27 à 33). La plainte n’a été déposée que le 12 janvier 2007 (voir la date de réception à la CRTFP apposée au moyen d’un timbre-dateur, à la page 1 de la formule complémentaire 16).

34 Le plaignant n’a donné aucune explication pour ce long retard, si ce n’est qu’il affirmait simplement qu’il n’avait été au courant d’une décision en matière d’indemnisation des accidents du travail que le 4 octobre 2006. Toutefois, les affirmations en cause n’expliquent pas pourquoi il n’a rien fait à partir de la fin de 2005, tandis qu’il était nettement insatisfait de la manière dont il était représenté, jusqu’en janvier 2007. Le fait qu’il invoque maintenant une copie d’une décision qu’il a reçue en octobre 2006 n’explique pas un retard de plus d’un an. D’après les propres observations du plaignant, en décembre 2005, il a conclu à l’existence d’un problème de représentation par ses discussions avec M. Fawkes, mais il n’a pris aucune mesure avant janvier 2007.

35 Les défendeurs ont allégué que le délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la LRTFP est expiré depuis longtemps. Ils m’ont renvoyé aux décisions McConnell c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2005 CRTFP 140, et Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78, à titre de décisions faisant jurisprudence qui permettent de rejeter la plainte comme étant hors délai.

B. Pour le plaignant

36 Dans les observations écrites qui ont été déposées le 4 septembre 2007, le plaignant soutenait, par l’intermédiaire de son représentant, que les défendeurs étaient ses représentants légaux. La CAT ne traitait qu’avec eux. Ils étaient obligés de recevoir de la CAT les copies de la correspondance et des documents. Ils n’envoyaient pas cette correspondance au plaignant.

37 Tout au long des divers changements dans la représentation, la responsabilité du dossier du plaignant n’a pas été correctement transférée parmi les employés de la Guilde.

38 Durant toute la période pertinente, le plaignant n’avait pas de contrôle sur la progression de son dossier. La Guilde lui refusait le droit d’exercer un contrôle sur son dossier. La Guilde est devenue, par ses paroles et ses actes, le seul représentant du plaignant devant la CAT.

39 Le plaignant a déposé sa plainte en vertu de la LRTFP auprès de la CRTFP le 2 janvier 2007, dans les 90 jours suivant la date à laquelle il a appris que le Comité de réexamen avait rejeté sa demande d’indemnité et sa demande de prorogation de délai.

40 Le plaignant a soutenu que chacun des cas cités par les défendeurs dans leurs observations se distingue facilement de la présente plainte.

41 La Guilde a cité Bracciale à l’appui de la proposition selon laquelle la CRTFP n’a pas compétence pour statuer sur la présente plainte, puisque l’objet de celle-ci est une question syndicale interne. Dans Bracciale, le plaignant demandait à la Commission de remédier à des irrégularités concernant les pratiques électorales internes d’un syndicat. Ce différend n’a rien à voir avec les mécanismes électoraux internes de la Guilde.

42 La Guilde a, d’elle-même, décidé de prendre en charge l’appel du plaignant devant la CAT en vertu de son mandat à titre d’agent négociateur exclusif du plaignant. Ce n’est pas [traduction] « une question syndicale interne » comme dans Bracciale et d’autres cas semblables.

43 Le cas White avaittrait à la question interne de la mise en tutelle de toute l’unité de négociation. Les faits de ce cas ne sont nullement liés à l’actuel différend, qui se rapporte aux droits individuels du plaignant.

44 Le plaignant a abordé la Guilde à propos d’une question individuelle d’emploi, et la Guilde s’est chargée du dossier. La Guilde a été abordée après la cristallisation de la question.

45 L’affaire Lai portait sur le refus d’un syndicat de déposer une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission. Le plaignant a concédé que le syndicat n’a pas l’obligation de demander le contrôle judiciaire d’un cas dont il croit qu’il n’a aucune chance de succès. Tels ne sont pas les faits du présent cas.

46 La Guilde a pris en charge le dossier du plaignant. La Guilde et les autres représentants ont dit au plaignant de ne pas chercher à être représenté par d’autres ou par lui-même ou dans le cadre du système consultatif des travailleurs. La Guide et ses représentants ont, par négligence, omis d’interjeter dûment appel dans les délais prescrits. La Guilde n’a pas déterminé que le dossier du plaignant n’était absolument pas fondé. En réalité, elle a accepté de faire valoir le bien-fondé de l’appel devant la CAT.

47 La présente plainte ne porte pas sur le refus d’un syndicat de poursuivre un grief. Elle a trait au manque total de diligence et de bonne foi d’un syndicat dans la poursuite d’une affaire que le syndicat avait entreprise au nom d’un membre d’une unité de négociation.

48 Dans Barnard, le syndicat a soumis l’affaire à l’arbitrage et décidé de ne pas interjeter appel. Dans la présente espèce, les défendeurs se sont chargés du dossier et l’ont ensuite abandonné. Pour utiliser les faits de Barnard d’une manière analogue, les actions des défendeurs s’apparentent au fait de renvoyer l’affaire à l’arbitrage, d’omettre de se présenter à l’audience d’arbitrage, puis de ne pas informer le plaignant de leur négligente omission.

49 Dans Buchanan, le syndicat défendeur a refusé de prendre en charge la plainte individuelle de la plaignante. Avant la plainte, le syndicat et l’employeur avaient négocié et avaient convenu d’abandonner un certain nombre de plaintes individuelles en suspens. La plaignante souhaitait aller de l’avant quant à sa plainte individuelle. Le syndicat a refusé. Le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a défendu la position du syndicat à cet égard.

50 Dans la présente plainte, les défendeurs ont entrepris de déposer l’avis d’appel du plaignant auprès de la CAT. Ils ne peuvent maintenant affirmer qu’ils n’avaient pas l’obligation de mener le dossier à terme après avoir commencé à s’en occuper.

51 Dans Dumontier, le syndicat n’a pas manqué à son devoir de représentation juste, après avoir refusé de représenter le plaignant devant un tribunal administratif, car un tel devoir n’était pas énoncé dans la convention collective. Toutefois, le plaignant dans ce cas a avisé le syndicat qu’il ne voulait pas être représenté par l’avocat dont les services lui étaient offerts gratuitement par le syndicat et il a précisé au syndicat qu’il avait 100 000 $ pour veiller à sa défense. Ce n’était nettement pas le cas dans le présent cas.

52 La Guilde a insisté pour s’occuper du dossier du plaignant. Elle demande maintenant à la Commission de décliner sa compétence et de la soustraire ainsi à la tâche dont elle s’était chargée et qui lui avait été confiée par le plaignant.

53 Les défendeurs ont déclaré dans leurs observations que les décisions faisant jurisprudence qui ont été citées [traduction] « […] concluent toutes expressément que la représentation devant les tribunaux des accidents du travail n’est pas quelque chose qui peut être réexaminé en raison d’une plainte quant au devoir de représentation juste ». Cette déclaration n’a absolument aucun fondement juridique. De toute façon, les faits du présent différend distinguent ce dernier de ce qu’il en était dans le cas des précédents jurisprudentiels cités par les défendeurs.

54 Lorsque la Guilde a intentionnellement et résolument pris le contrôle de la plainte devant la CAT, elle a perdu la capacité d’arguer que l’objet du présent différend n’était pas sa responsabilité en vertu de la convention collective.

55 La Guilde est empêchée, par préclusion, d’arguer qu’elle n’avait pas l’obligation de se charger de l’appel du plaignant devant la CAT. Le plaignant se fiait à ce que la Guilde lui assurait, à savoir qu’elle s’occupait de son cas. Le plaignant ne devrait pas subir un préjudice pour s’être fié aux assurances de la Guilde.

56 Pendant que la Guilde s’est occupée du dossier du plaignant, au moins quatre personnes ont été chargées d’en assurer la progression appropriée. Aucune d’elles n’a fait preuve d’une diligence raisonnable quant à l’obligation de veiller à ce que l’on s’occupe bien du dossier. La Guilde et ses représentants ont sans conteste été négligents dans la gestion de ce dossier. Ils demandent maintenant à la CRTFP d’excuser cette conduite sur un fondement juridictionnel.

57 Les défendeurs maintenaient que la CRTFP devrait décliner sa compétence à l’égard de cette affaire, puisqu’il s’agit d’une question syndicale interne. La lettre du capitaine Vingsnes à la CRTFP en date du 6 février 2007 dit en outre que l’aide relative au dossier du plaignant devant la CAT est un des nombreux [traduction] « services non liés à une convention collective » qui sont fournis par la Guilde. Ce paradoxe ne tient pas. La question relève ou non de la Guilde.

58 Les défendeurs n’ont jamais nié avoir offert leur aide relativement au dossier du plaignant. Une fois offerte et acceptée, cette aide devait être correctement fournie par la Guilde.

59 Dans Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, la Cour suprême du Canada a établi le critère permettant de déterminer si une question relève de la compétence exclusive d’un tribunal spécialisé comme la CRTFP. La Cour a statué que les litiges qui relèvent « […] de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de l’inexécution de la convention collective » ne doivent pas être soumis aux tribunaux.

60 Dans ce cas, la juge McLachlin, titre qu’elle portait alors, a par ailleurs déclaré qu’un arbitre pourrait estimer avoir compétence même lorsque le contexte factuel d’un différend va au-delà du strict libellé de la convention collective. Si cette question est réputée déborder le cadre de la convention collective, la CRTFP devrait considérer qu’elle a compétence en la matière conformément aux observations de la juge McLachlin.

61 L’objet de la plainte entre dans le cadre des fonctions de la Guilde, ce qui découle, expressément ou par déduction, de la convention collective. De toute façon, la Guilde a d’elle-même accepté cette tâche. La CRTFP a nettement une compétence spécialisée pour se pencher sur l’objet du présent différend.

62 Ce serait un manquement à la justice naturelle que de nier la compétence de la CRTFP. Étant donné que le courant jurisprudentiel issu de Weber impose des limites à la capacité d’agir potentielle du plaignant, la CRTFP peut être le seul tribunal où la plainte peut être entendue.

63 La Guilde ne doit pas être autorisée à usurper les droits du plaignant concernant son dossier, à les faire siens, à s’en occuper négligemment et à nier ensuite toute responsabilité à l’égard du préjudice qu’elle a causé au plaignant.

64 Il est clair que les défendeurs étaient les représentants du plaignant quant à son dossier devant la CAT. Le Code of Conduct for Representatives (Code de conduite des représentants) du Tribunal d’appel des accidents du travail est particulièrement instructif à ce sujet. Les passages applicables de ce document disent ceci :

[Traduction]

[…]

24.10 Généralités

Les parties qui comparaissent devant le TAAT ne sont pas tenues d’être représentées. Toutefois, de nombreuses parties sont représentées par des mandataires comme des amis ou des membres de la famille, des représentants syndicaux, des gestionnaires des ressources humaines, des conseillers des bureaux de conseillers des travailleurs ou des employeurs, des consultants du secteur privé ou des avocats.

[…]

24.20 Fonctions du représentant

[…]

c) Le représentant doit respecter les règles, pratiques et procédures du TAAT. En particulier, le représentant doit bien connaître les échéances pour la présentation d’observations écrites et pour l’établissement du calendrier des audiences. Une personne ne doit pas entreprendre de représenter des clients à moins de pouvoir assurer une telle représentation dans les délais légaux, comme l’exige l’article 253 de la loi.

[…]

[Le plaignant souligne]

65 À propos du délai, les défendeurs ont argué qu’il est de 90 jours, conformément au paragraphe 190(2) de la LRTFP, qui se lit comme suit :

    190(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

[Je souligne]

66 Le plaignant n’a eu connaissance que le 3 octobre 2006 de la décision du Comité de réexamen de rejeter sa demande d’indemnité et de refuser la prorogation de délai. Il a déposé sa plainte auprès de la Commission le 2 janvier 2007. Dans une lettre en date du 22 janvier 2007, la CRTFP a reconnu avoir reçu la plainte le 28 décembre 2006, soit dans le délai de 90 jours ayant commencé le 3 octobre 2006.

67 Le 1er janvier 2007 était un jour férié, et les bureaux de la Commission étaient fermés. Si la Commission détermine que le délai a expiré la fin de semaine précédant le 2 janvier 2007, le plaignant a respecté le délai, conformément au paragraphe 25(2) de la loi intitulée Interpretation Act, R.S.B.C. 1996, ch. 238.

68 Le paragraphe 6(3) de la loi intitulée Limitation Act, R.S.B.C. 1996, ch. 266, dispose :

[Traduction]

(3) Le cours du temps quant aux délais fixés par la présente loi pour l’une quelconque des mesures suivantes est différé comme le prévoit le paragraphe (4) :

[…]

c) négligence professionnelle;

[…]

e) dans lesquelles des faits importants relatifs à la cause d’action ont été délibérément dissimulés;

[…]

69 Cette disposition de la loi intitulée Limitation Act reconnaît que la connaissance relative qu’un plaignant a de ses circonstances est souvent attribuable aux personnes qu’il avait chargées de s’occuper de sa plainte. Dans de telles situations, le cours du temps est suspendu.

70 Le plaignant arguait que tout défaut de respect des délais résultait de la négligence professionnelle des défendeurs ou de la dissimulation délibérée, par eux, des faits importants. Ainsi, conformément à l’intention qui sous-tend la loi intitulée Limitation Act, le plaignant ne doit pas être pénalisé pour la négligence dont ont fait preuve les défendeurs.

71 Dans leurs observations déposées le 6 février 2007, les défendeurs déclarent :

[Traduction]

[…]

[…] Une grande partie du mécontentement [du plaignant] résulte en réalité de son rapport avec la Commission des accidents du travail de la C.-B., qui a connu une perturbation massive au cours des quatre dernières années, de sorte que de nombreux employés se sont retrouvés sans protection appropriée; ce n’est pas le résultat de l’aide qu’il a reçue, mais une question politique.

[…]

72 Les défendeurs voudraient faire croire à la Commission que tous sont à blâmer, sauf la Guilde, qui a effectivement pris le contrôle du dossier. La Guilde était, à sa propre demande, la seule partie ayant un contact direct avec la CAT à propos du dossier du plaignant.

73 Le plaignant a présenté de vastes et nombreuses demandes de renseignements aux défendeurs au sujet de l’état du dossier. La Guilde l’a laissé complètement dans le noir. Il n’a pu être au courant de l’état de son dossier avant le 3 octobre 2006. Le délai devrait partir de cette date.

74 En conclusion, le plaignant a soutenu que c’est absurde de la part des défendeurs d’arguer maintenant qu’il est en dehors des délais prescrits, tandis que le fondement de l’argument relatif au délai est la propre omission des défendeurs de le tenir au courant de l’état de son dossier à la CAT. Les délais commencent à la date à laquelle le plaignant a eu connaissance de la violation commise, soit le 3 octobre 2006 en l’espèce, et non avant. Il n’était pas au courant de l’infraction en cause avant cette date.

75 Bref, le plaignant a allégué qu’il n’y a aucun fondement aux objections préliminaires des défendeurs concernant la compétence ou les délais et que ces objections devraient être rejetées.

C. Observations des défendeurs produites en guise de réfutation

76 Dans les observations qu’ils ont déposées en guise de réfutation le 12 septembre 2007, les défendeurs ont commencé par signaler que le représentant du plaignant avait réitéré quantité de [traduction] « faits pertinents » à l’appui de la position du plaignant sur les objections préliminaires. Les défendeurs soulignent que la plupart des « faits pertinents » ne se rapportent pas aux objections préliminaires mais traitent plutôt de la question du bien-fondé de la plainte. Voici un résumé des observations intégrales des défendeurs figurant au dossier de la Commission.

77 Les défendeurs affirmaient que le plaignant avait négligé de mentionner que le fait que le Comité de réexamen a annulé la décision initiale de la CAT et accordé des prestations d’assurance-salaire était attribuable au capitaine Vingsnes, de la Guilde, qu’il représentait dans le processus d’appel devant la CAT. Ils m’ont renvoyé à la copie de la décision du Comité de réexamen en date du 23 août 2001, annexée aux observations.

78 Les défendeurs considéraient comme extravagante l’assertion du plaignant selon laquelle [traduction] « […] la Guilde et ses représentants, dans le cadre de leurs fonctions prévues à la convention collective […] [le passage souligné l’est dans l’original] » représentaient les employés, comme le plaignant, à l’égard des questions relatives à la CAT. Dans la convention collective, il n’y a rien qui porte sur la représentation des membres de la Guilde concernant les questions liées à la CAT. Ne sont pas visées non plus à la convention collective des questions comme d’autres services, y compris les conseils en matière de retraite, la représentation devant les tribunaux des transports, l’aide quant aux questions touchant le Régime de pensions du Canada, les renvois vers les programmes pour toxicomanes et alcooliques, l’aide relative à l’assurance-emploi et de nombreux autres services semblables. La Guilde offre ces services à ses membres mais non pas en raison de quoi que ce soit qui découlerait de la convention collective. Comme confirmation, les défendeurs ont annexé à leurs observations une copie de la convention collective des officiers de navire (qui couvre le plaignant).

79 Il n’y a pas de « Comité consultatif des travailleurs » en Colombie-Britannique comme l’affirme le plaignant. Il existe un Bureau des conseillers des travailleurs au sein du ministère du Travail de la Colombie-Britannique. Les défendeurs n’étaient pas d’accord avec le plaignant pour dire que le « Comité consultatif des travailleurs » (ou le Bureau des conseillers des travailleurs) était mieux outillé et plus expérimenté pour traiter de questions se rapportant à la CAT.

80 Le capitaine Vingsnes n’a pas dit au plaignant, clairement ou autrement, de ne pas s’adresser au « Comité consultatif des travailleurs » (ou au Bureau des conseillers des travailleurs) comme l’a affirmé le plaignant. Le capitaine Vingsnes a bel et bien expliqué que le plaignant pouvait aller au Bureau des conseillers des travailleurs mais que celui-ci pourrait le renvoyer à son syndicat, car le capitaine Vingsnes savait que tel était souvent le cas.

81 Les défendeurs ne contestaient pas que, à partir de ce moment-là, la Guilde est demeurée le représentant officiel du plaignant pour ses appels devant la CAT.

82 Les défendeurs niaient que M. Walton et d’autres personnes de la Guilde soient devenus contrariés par les demandes régulières d’information du plaignant quant à l’évolution de son dossier; les défendeurs niaient aussi que la Guilde et ses représentants aient demandé au plaignant de ne pas téléphoner à la Guilde et qu’ils l’aient avisé qu’ils étaient bien capables de déposer les documents nécessaires dans les délais.

83 M. Walton a déposé l’avis le 15 octobre 2002, comme l’indique la copie annexée aux observations. La procédure suivie par le Comité de réexamen était que, plusieurs mois après le dépôt d’une partie 1, il envoyait une formule de la partie 2 au représentant. La déclaration du plaignant [traduction] « […] que le dossier de la partie 2 était sur son bureau et qu’il y travaillait […] » n’a pas de sens, car il n’existe pas de « dossier de la partie 2 ». En outre, le plaignant a reçu une lettre en date du 13 janvier 2003 de M. Walton expliquant qu’il attendait la formule de la partie 2.

84 Les défendeurs niaient que, immédiatement après avoir reçu la lettre, le plaignant ait communiqué avec M. Walton et ait demandé pourquoi la Guilde avait ouvert seulement un dossier. Les défendeurs niaient que ce soit arrivé et n’avaient aucune idée de ce à quoi faisait allusion l’avocat du plaignant.

85 Les défendeurs n’étaient au courant d’aucune occasion à laquelle la CAT aurait refusé de l’information pour un appel à un travailleur parce que celui-ci avait un représentant. En réalité, le plaignant traitait directement avec la CAT tout au long de la période de la plainte. Il fournissait aux défendeurs des renseignements de temps à autre à propos de ces contacts qu’il avait avec la CAT. Jamais le plaignant n’a soulevé une question quant au fait qu’il aurait eu de la difficulté à traiter directement avec la CAT.

86 Les défendeurs affirmaient que la Guilde avait obtenu une prolongation de délai et qu’ils avaient présenté les documents que le plaignant avait fournis au greffier adjoint.

87 En réponse à l’assertion du plaignant qu’il n’avait jamais été tenu au courant de l’état de la demande de prorogation de délai que la Guilde avait faite pour lui, les défendeurs maintenaient que M. Fawkes avait bel et bien informé le plaignant de l’évolution de la demande de prorogation et qu’il avait bel et bien envoyé au plaignant une copie de la correspondance. Les défendeurs m’ont renvoyé à une copie d’une lettre en date du 22 novembre 2005.

88 Les défendeurs doutaient que la Division de réexamen de la CAT (erronément appelée le Comité de réexamen) ait informé le plaignant que son représentant aurait dû lui fournir une copie de la décision, car la Division de réexamen envoie la décision directement au travailleur, avec copie à son représentant. Les défendeurs ont joint à leurs observations une copie d’une lettre en date du 17 janvier 2006.

89 La lettre du 17 janvier 2006 incluant la décision indique que le plaignant était au courant de cela bien avant octobre 2006.

90 Les défendeurs n’étaient pas d’accord sur l’affirmation du plaignant qu’ils étaient ses représentants légaux et qu’ils ne lui avaient pas envoyé cette correspondance. Les défendeurs soutiennent que la Guilde n’a jamais dit au plaignant qu’elle assurait une représentation juridique. De plus, des copies de la correspondance des défendeurs et de la CAT ont été envoyées au plaignant.

91 Les défendeurs maintenaient que la Guilde n’avait jamais refusé au plaignant le contrôle de son dossier.

92 Contrairement aux observations formulées par le plaignant, la copie de la plainte fournie aux défendeurs par la CRTFP montre que la plainte a été déposée le 12 janvier 2007, comme l’indique la date de réception à la CRTFP apposée au moyen d’un timbre-dateur, à chaque page de la formule complémentaire 16.

93 Les défendeurs ont soutenu que les cas auxquels ils font référence dans leurs observations du 13 août 2007 ne peuvent être distingués du présent cas.

94 Les défendeurs ont signalé qu’il est clair qu’ils renvoient non pas aux faits de Bracciale mais plutôt aux principes énoncés dans cette décision et selon lesquels la CRTFP n’instruit pas les plaintes qui se rapportent aux questions syndicales internes.

95 Les défendeurs niaient la simple assertion, non étayée, de l’avocat du plaignant que la Guilde avait décidé [traduction] « […] de prendre en charge l’appel du plaignant devant la CAT en vertu de son mandat à titre d’agent négociateur exclusif du plaignant […] ». La division d’appel de la CAT est un tribunal externe relevant de la compétence de la province de Colombie-Britannique. Il n’y a rien dans la convention collective ou la LRTFP pour appuyer la théorie du plaignant voulant que la Guilde ait le pouvoir exclusif quant aux appels devant la CAT. En réalité, le plaignant pouvait retenir les services de qui il voulait pour le représenter ou il pouvait se représenter lui-même.

96 Les défendeurs ont fait référence à White pour les principes énoncés dans cette décision.

97 Les défendeurs ont renvoyé à Lai en raison d’un énoncé figurant dans les « Motifs de la décision », au paragraphe 49 :

[…]

Au départ, je précise que j’ai des réserves en ce qui a trait à l’argument voulant que le devoir de représentation juste d’un agent négociateur englobe des questions qui sortent du champ d’application de la L.R.T.F.P. et qui, comme en l’espèce, découlent de situations relevant de la L.E.F.P. Je suis plutôt disposée à croire que ce devoir est limité aux droits découlant de la L.R.T.F.P.

[…]

98 Il n’y a pas de fondement à l’affirmation du plaignant qu’on lui avait dit de ne pas chercher à être représenté par d’autres ou par lui-même. Au sujet des observations sur le Bureau des conseillers des travailleurs, les défendeurs arguaient que le plaignant s’embrouillait dans ses souvenirs et qu’il était libre de retenir les services de qui il voulait pour le représenter. La Guilde a bel et bien poursuivi l’appel du plaignant, mais sans succès.

99 Les défendeurs ont fait référence à Barnard non pas pour le grief auquel renvoie l’avocat du plaignant, mais plutôt pour l’allégation selon laquelle une affaire de droits de la personne n’était pas poursuivie. Comme en l’espèce, le plaignant pouvait retenir les services de qui il voulait pour le représenter ou il pouvait se représenter lui-même.

100 Le renvoi à Buchanan a été fait concernant les paragraphes 109 et 110 de cette décision, qui indiquent qu’une omission de communiquer n’est pas en soi une violation des dispositions du Code canadien du travail sur le devoir de représentation juste. De façon similaire, les défendeurs soutenaient que, si la CRTFP devait conclure à une omission de communiquer dans leur cas, ce ne serait pas utile au plaignant.

101 La décision Dumontier est très pertinente. Les défendeurs ont renvoyé notamment aux paragraphes 20 à 26 de cette décision qui traitent de la question de l’indemnisation des travailleurs.

102 Les défendeurs ont argué que la preuve ne révèle pas les éléments de la préclusion. Pour l’application de la préclusion dans une affaire devant une commission ou un conseil des relations de travail, ils invoquent Maple Ridge (District), [2001] B.C.L.R.B.D. No. 209 (QL), soit une décision de la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique qui, d’une manière exhaustive, passe en revue les critères nécessaires pour avoir gain de cause. Ils soutenaient que les observations du plaignant sont loin d’étayer une préclusion. De toute façon, une partie ne peut utiliser un argument fondé sur la préclusion pour avoir gain de cause relativement à la compétence. Si la CRTFP n’a pas compétence pour entendre l’affaire, une préclusion ne confère pas la compétence requise.

103 L’affirmation du plaignant passe complètement à côté de ce qui est établi dans tous les cas que les défendeurs ont cités dans leurs observations. L’essentiel de ces décisions est qu’il y a toutes sortes de questions qui sont [traduction] « des affaires relevant de la Guilde » mais qui ne sont pas sujettes à un réexamen, par la CRTFP, du point de vue du devoir de représentation juste.

104 Les défendeurs reconnaissaient que de l’aide doit être donnée au membre d’un syndicat de manière appropriée et ils soutenaient que c’était ce qui avait été fait par eux en l’espèce. Toutefois, si de l’aide n’a pas été fournie comme il aurait fallu, cela ne signifie pas que la Guilde est sujette à un réexamen, par la CRTFP, sur le plan du devoir de représentation juste.

105 Invoquer Weber n’est absolument pas pertinent. Ce cas traitait de la compétence d’un arbitre relativement à une convention collective. Personne, y compris l’avocat du plaignant, n’a affirmé que la présente espèce découle de la compétence d’un arbitre.

106 Les défendeurs ont argué qu’il est difficile d’imaginer comment la CRTFP pourrait [traduction] « estimer avoir compétence » à l’égard d’une question qui relève nettement de la compétence inhérente au système d’indemnisation des accidents du travail de la Colombie-Britannique. La CRTFP n’aurait pas compétence pour ordonner à la Commission des accidents du travail de la Colombie-Britannique d’entendre un appel, ce qui est un recours normal dans une plainte ayant trait à un grief.

107 Les défendeurs n’étaient pas d’accord pour dire que la présente plainte s’insère dans le cadre de la convention collective; c’est seulement une question d’indemnisation des accidents du travail.

108 Les défendeurs ne reconnaissaient pas non plus que la CRTFP soit le seul tribunal pouvant être saisi de la présente plainte. Par exemple, les observations du plaignant indiquent que la tribune appropriée pour faire valoir une plainte de ce type est le système d’indemnisation des accidents du travail.

109 Les défendeurs ont soutenu qu’il est difficile de comprendre en quoi la CRTFP a compétence pour appliquer une politique du système d’indemnisation des accidents du travail de la Colombie-Britannique. Si un système doit s’en occuper, c’est le système d’indemnisation des accidents du travail de la Colombie-Britannique.

110 À propos de la question du délai, les défendeurs ont convenu que le paragraphe 190(2) est la disposition pertinente de la LRTFP; cependant, ils ne reconnaissaient pas que l’accent devrait être mis sur la date du 3 octobre 2006. L’avocat du plaignant a présenté de nombreuses observations selon lesquelles le plaignant était mécontent de la représentation de la Guilde bien avant le 3 octobre 2006. Le délai de 90 jours devrait commencer à courir au plus tard en décembre 2005, époque où le plaignant disait avoir déclaré qu’il n’était pas d’accord sur la manière dont M. Fawkes s’occupait de sa demande d’indemnité.

111 Les défendeurs ne voient rien de significatif dans la date du 3 octobre 2006, car la décision de la Division de réexamen a été envoyée au plaignant le 17 janvier 2006. Quoiqu’il en soit, la plainte n’a été reçue que le 12 janvier 2007, comme en fait foi la date de réception à la CRTFP apposée par timbre-dateur, à chaque page de la plainte.

112 Les défendeurs ont soutenu que la loi de la Colombie-Britannique intitulée Interpretation Act ne s’applique pas à la CRTFP.

113 Les défendeurs ont soutenu que la loi de la Colombie-Britannique intitulée Limitation Act ne s’applique pas à la CRTFP.

114 Les défendeurs niaient avoir blâmé les autres et, à l’appui de cette affirmation, ils ont annexé un extrait du rapport pour 2004 de l’ombudsman de la Colombie-Britannique décrivant de nombreux problèmes afférents au système d’appel de la CAT. Ils n’étaient pas d’accord non plus sur l’assertion répétitive selon laquelle seule la Guilde avait un contact direct avec la CAT.

115 En conclusion, les défendeurs arguaient que rien dans les observations du plaignant ne réfutait leur allégation qu’il conviendrait de rejeter la plainte en se basant sur les questions préliminaires de la compétence et du délai. Les défendeurs demandent donc le rejet de la plainte sur un fondement préliminaire.

D. Autres observations du plaignant

116 Le 22 octobre 2007, le représentant du plaignant a déposé d’autres observations parce que les défendeurs ont, dans leur réfutation, inclus des documents qui étaient précédemment en la seule possession de la Guilde. J’ai accepté d’examiner ces observations et donné aux défendeurs la possibilité d’y répondre. Voici l’essentiel des points de vue énoncés dans ces observations figurant dans le dossier de la Commission.

117 Le plaignant déclarait que ses observations à la Commission en date du 4 septembre 2007 étaient basées sur la meilleure information disponible au moment de la rédaction. La plupart de ces observations étaient issues du souvenir personnel que le plaignant avait des événements et provenaient aussi de la documentation minimale que la Guilde avait mise à sa disposition.

118 Par exemple, la lettre de Nick Attewell en date du 17 janvier 2006 contenue dans les observations des défendeurs n’a été obtenue par le plaignant que lorsqu’il a écrit directement à la CAT pour l’obtenir. Et ce, malgré le fait que la Guilde représentait le plaignant devant la CAT et qu’elle avait une copie de la lettre dans le dossier du plaignant.

119 La Guilde a constamment omis de communiquer avec le plaignant ou de lui fournir la documentation appropriée concernant l’état de son dossier. La plupart des documents divulgués dans les observations des défendeurs à la Commission en date du 12 septembre 2007 n’avaient jamais été précédemment en la possession du plaignant ou de son avocat.

120 Les documents divulgués dans les observations des défendeurs en date du 12 septembre 2007 ont éclairci un certain nombre de questions se rapportant à la date des événements et aux mesures prises par la Guilde.

121 Des observations supplémentaires, comme c’est indiqué ici, sont nécessaires pour montrer en quoi les documents récemment obtenus des défendeurs introduisent de nouvelles preuves qui ont un rapport direct avec le présent différend et qui étayent la position du plaignant.

122 Les défendeurs ont raison de dire que le Bureau des conseillers des travailleurs a erronément été appelé le Comité consultatif des travailleurs. L’intention du plaignant n’était pas d’induire la Commission en erreur.

123 Le plaignant a communiqué avec le Bureau des conseillers des travailleurs à cause de ses préoccupations constantes quant à la manière dont la Guilde s’occupait de son cas. On l’a informé que le Bureau ne pouvait l’aider jusqu’à ce que la Guilde avise le Bureau qu’elle permettait à ce dernier de prendre le contrôle du dossier du plaignant. La demande visant à ce que soit approuvé le Bureau des conseillers des travailleurs a été faite au capitaine Vingsnes, qui l’a subséquemment rejetée.

124 La convention collective accorde à la Guilde le pouvoir exclusif de négociation. Elle ne renferme pas de formulation expresse sur la capacité de la Guilde à se charger de questions relatives à la CAT pour des membres de l’unité.

125 Malgré l’absence d’une formulation expresse attribuant à la Guilde la charge des questions relatives à la CAT, la Guilde s’est bel et bien chargée du cas du plaignant. La capacité à assumer une telle charge est inextricablement liée aux fonctions de la Guilde selon la convention collective. En outre, la Guilde s’est opposée aux tentatives du plaignant de lui retirer le contrôle de son dossier.

126 Par souci de clarté, les appels que la Guilde aurait dû poursuivre étaient les parties 1 et 2 concernant le taux de salaire qu’il convenait d’utiliser pour calculer les pertes salariales du plaignant, ainsi que les parties 1 et 2 concernant le recouvrement des frais de médicaments et de physiothérapie du plaignant. De plus, parallèlement à ces appels, il y avait la partie principale de l’appel du plaignant portant sur les prestations d’assurance-salaire pour la période allant de novembre 2001 à juillet 2005.

127 La somme d’argent due au plaignant à l’égard de pertes salariales et de prestations pour la période allant de novembre 2001 à juillet 2005 est importante. La Guilde a occasionné au plaignant d’extrêmes difficultés financières à cause de la mauvaise façon dont elle a géré ces appels. Le plaignant s’est retrouvé sans salaire et sans recours pendant une période de près de quatre ans.

128 Le capitaine Vingsnes a déposé la partie 1 de l’appel se rapportant au calcul du taux de salaire le 23 janvier 2002. Le plaignant a été informé que cet appel porterait aussi sur le recouvrement de frais de médicaments et de physiothérapie. La partie 2 de cet appel n’a jamais été déposée par la Guilde. Cet appel n’a jamais été correctement déposé ou mené à terme.

129 Le 15 octobre 2002, M. Walton, de la Guilde, a déposé un autre appel de la partie 1 concernant le calcul du taux de salaire. Quoique le plaignant ait exprimé des préoccupations selon lesquelles cela n’abordait pas toutes ses questions, M. Walton lui a assuré que la Guilde traiterait de chacune de ses préoccupations devant la Division de réexamen. La partie 2 de cet appel n’a jamais été déposée par la Guilde. Cet appel n’a jamais été correctement déposé ou mené à terme.

130 Ni l’un ni l’autre des appels de la partie 2 requis de la Guilde n’ont été déposés par elle. Les documents appropriés qui étaient nécessaires pour compléter le dossier du plaignant n’ont jamais été soumis à la Division de réexamen.

131 La réponse des défendeurs indiquait que la Guilde avait suivi la procédure de la Division de réexamen de l’indemnisation des accidents du travail en attendant que la formule appropriée de la partie 2 lui soit envoyée. Le plaignant n’est pas au courant d’une telle procédure. Cette affirmation équivaut à concéder que la Guilde avait le contrôle de l’affaire et entendait déposer les documents de la partie 2 appropriés.

132 Tandis que la Division de réexamen n’envoyait pas les documents de la partie 2, la Guilde ne s’est pas davantage renseignée sur les formules qu’elle prévoyait clairement de déposer. Ces formules étaient facilement disponibles en ligne mais n’ont jamais été obtenues.

133 Le plaignant soulignait que l’affirmation de la Guilde indiquait ceci :

[Traduction]

[…] L’assertion de l’avocat du plaignant « […] que le dossier de la partie 2 était sur son bureau et qu’il y travaillait » n’a pas de sens, car il n’y avait pas de « dossier de la partie 2 » auquel travailler.

Le plaignant a argué que c’est précisément la nature de la plainte. La Guilde était chargée de poursuivre cette affaire, mais son représentant, M. Walton, a complètement omis de déposer les documents appropriés. La Guilde n’a pas déposé pour le plaignant les documents de la partie 2 appropriés, alors que les défendeurs maintiennent continuellement que de tels documents ont été déposés au nom du plaignant. Comme l’indique l’énoncé ci-dessus, ils admettent maintenant que cette allégation était fausse.

134 Les défendeurs nient qu’aient eu lieu les communications entre M. Walton et Mme Turpin, de la Guilde, qui sont mentionnées dans les observations du plaignant. Ces communications ont bel et bien eu lieu. Le capitaine Vingsnes n’était pas au courant de ces communications.

135 La Guide s’est renseignée comme il fallait concernant la partie 2 des appels seulement après la lettre en date du 11 octobre 2005 dans laquelle M. Strongitharm, greffier adjoint du Tribunal d’appel des accidents du travail, conseillait à M. Fawkes, de la Guilde, de réexaminer les appels avec le plaignant dans les 14 jours pour déterminer si ce dernier souhaitait aller de l’avant.

136 Une fois ces demandes de renseignements menées à terme, M. Fawkes, de la Guilde, a écrit deux lettres sur le dossier du plaignant le 22 novembre 2005. Ces lettres figurent dans les observations des défendeurs. La première, à l’intention du Tribunal, retirait la demande d’indemnité du plaignant. La seconde, à l’intention de la Division de réexamen de la CAT, demandait que la demande d’indemnité du plaignant soit réexaminée, malgré le fait qu’un certain temps s’était écoulé depuis la décision-lettre.

137 La lettre de M. Fawkes à la Division de réexamen en date du 22 novembre 2005 disait également [traduction] : « Il est, je crois, reconnu qu’une partie 2 a été déposée mais peut de quelque manière avoir été mal placée par l’ancienne Division de réexamen, d’où ce problème ». Curieusement, dans les observations des défendeurs à ce jour, il manque une copie d’une quelconque partie 2 déposée par la Guilde. Vraisemblablement, aucune copie de ces documents officiels n’a été conservée par la Guilde dans son dossier sur les demandes d’indemnité du plaignant. Ces documents restent à produire.

138 Les lettres du 22 novembre 2005 visaient à corriger le problème du dépôt inapproprié du dossier du plaignant devant l’autorité inappropriée de la CAT. La Guilde a par erreur déposé des documents auprès du Tribunal, alors qu’elle aurait dû les déposer auprès de la Division de réexamen. Lorsque cette erreur a fini par être découverte par la Guilde, les délais au niveau de la Division de réexamen étaient expirés.

139 Le plaignant a communiqué avec M. Fawkes, de la Guilde, le 5 décembre 2005 et le 7 décembre 2005, pour se renseigner sur la lettre de M. Fawkes en date du 22 novembre 2005 retirant la plainte. Le plaignant a été informé par M. Fawkes que ce dernier avait été en contact avec le greffier adjoint du Tribunal et que la Division de réexamen avait effectivement été saisie de toutes les questions relatives au plaignant.

140 Le Tribunal est un organe indépendant de la Division de réexamen. Il n’avait pas compétence pour statuer sur les demandes d’indemnité qui auraient dû être soumises à la Division de réexamen.

141 Par une lettre en date du 17 janvier 2006, M. Attewell, de la Division de réexamen, a refusé la prorogation de délai demandée par la Guilde. Cette lettre accompagne les propres observations de la Guilde.

142 La réponse des défendeurs aux observations du plaignant indiquait que M. Fawkes avait obtenu une prolongation pour déposer les documents de la partie 2 du plaignant auprès de la Division de réexamen de la CAT. La Guilde n’a produit aucune preuve qu’une telle prolongation ait été accordée.

143 La lettre du 17 janvier 2006 a été envoyée à la précédente adresse du plaignant, à Victoria. Le plaignant vivait alors à Courtney (Colombie-Britannique), et ce, depuis environ quatre ans. Le plaignant n’avait jamais vu cette lettre avant de recevoir les observations des défendeurs en date du 12 septembre 2007.

144 La Guilde était bien au courant du changement d’adresse du plaignant, car elle avait envoyé à ce dernier divers documents, y compris des reçus de cotisations syndicales, ainsi que des communiqués mensuels de la Guilde.

145 Le plaignant n’a appris le rejet de sa demande de réexamen que lorsqu’il a écrit directement à la Division de réexamen pour s’enquérir de l’état de son dossier. La Guilde n’a jamais communiqué au plaignant le résultat de cette demande, et le plaignant ne s’est jamais vu fournir une copie de la décision de la Division de réexamen.

146 La Guilde a manifesté une tendance à omettre de communiquer clairement avec le plaignant au sujet de la progression de son dossier. Si de telles omissions ont été commises à cause du changement d’adresse du plaignant, c’était une erreur que la Guilde a eu quatre ans pour corriger.

E. Autres observations des défendeurs

147 Les défendeurs ont déposé leur réponse à ces observations supplémentaires le 10 novembre 2007. Voici les principaux points qui ressortent de ces observations, figurant au dossier de la Commission.

148 Les défendeurs ont déclaré que l’assertion du plaignant qu’il n’a pas eu un certain nombre de documents qu’ils ont présentés le 12 septembre 2007 est spécieuse et que cet argument devrait être rejeté. La plupart des documents mentionnés étaient simplement les copies des défendeurs de documents initialement adressés au plaignant ou dont des copies lui avaient été envoyées. C’est applicable aux documents suivants :

  • les conclusions du Comité de réexamen de l’indemnisation des accidents du travail en date du 23 août 2001 (la liste de diffusion figurant à la page 8 de ce document indique le nom du plaignant);

  • la lettre d’embauche de M. Walton en date du 14 décembre 1998 (fournie à l’avocat du plaignant à sa demande pendant la médiation);

  • la lettre de la Guilde au plaignant en date du 11 juillet 2002;

  • la formule de la partie 1 du CRIAT en date du 15 octobre 2002 (fournie au plaignant en annexe à la lettre du 22 novembre 2005);

  • la lettre de la Guilde au plaignant en date du 16 janvier 2003;

  • le courriel du plaignant à la CAT envoyé le 13 février 2003 à 13 h 50 (dont une copie a été transmise à la Guilde);

  • la lettre de la CAT au plaignant en date du 20 février 2003 (dont une copie a été expédiée à la Guilde);

  • la lettre du Tribunal d’appel des accidents du travail en date du 22 novembre 2005 (dont une copie a été envoyée au plaignant);

  • la lettre de la Division de réexamen de la CAT au plaignant en date du 17 janvier 2006 (dont une copie a été adressée à la Guilde).

149 Les deux seuls documents qui ne sont pas de cette nature sont la convention collective (dont le plaignant a une copie, ce qui ressort de précédentes observations) et le rapport annuel de l’ombudsman de la Colombie-Britannique, soit un document public disponible gratuitement sur le site Web de l’ombudsman.

150 Concernant la lettre du 17 janvier 2006 que le plaignant mentionne, c’est clairement une lettre adressée à lui. La Guilde ne saurait pas que le plaignant n’avait pas communiqué son changement d’adresse à la CAT. Le plaignant, comme c’est indiqué dans sa plainte et ses observations, n’a communiqué avec la Guilde qu’en octobre 2006.

151 Les défendeurs nient que les événements décrits par le plaignant au paragraphe 123 ci-dessus se soient produits. Il n’y a aucune preuve documentaire à l’appui de ces prétendues demandes et du refus qui aurait été opposé à cet égard.

152 Les défendeurs ne reconnaissent pas que les questions relatives à la CAT ou le contrôle de celles-ci soient « inextricablement liées » aux fonctions de la Guilde selon la convention collective comme le soutient le plaignant. Nulle part dans ses observations le plaignant n’a pu faire état d’un élément, exprès ou autre, qui lie les appels devant la CAT à la convention collective.

153 Concernant le dépôt des appels, les défendeurs ont expliqué qu’un appel a été déposé par la Guilde mais a été mal placé par un des organismes gouvernementaux dans la conversion du système d’appel de la CAT, qui est passé du Comité de réexamen de l’indemnisation des accidents du travail à la Division de réexamen de l’indemnisation des accidents du travail. La Guilde a cherché à ce que l’appel soit instruit dans le cadre du nouveau système d’appel, mais sans succès.

154 Les défendeurs ont en outre expliqué que la procédure de l’ancien Comité de réexamen de l’indemnisation des accidents du travail consistait à générer une formule de la partie 2 personnalisée, qu’il a envoyée au plaignant et à son représentant. Les documents ont été signés et renvoyés, ce qui a marqué le début de l’étape suivante du processus d’appel. Ce processus s’est arrêté en mars 2003. C’est expliqué à la page 34 des extraits du rapport annuel de l’ombudsman, que les défendeurs ont joint à leurs précédentes observations. À la suite de ce changement, les appels du plaignant ont été perdus par le système d’appel de la CAT.

155 Les défendeurs ont argué que le plaignant est confus au sujet des procédures d’appel. La formule de la partie 2 a été utilisée par le Comité et non la Division de réexamen de l’indemnisation des accidents du travail. La nouvelle Division de réexamen n’a pas une procédure comparable. En tout cas, la Guilde a cherché à remédier aux appels mal placés comme c’est expliqué plus haut.

156 Les défendeurs n’ont aucune idée de ce à quoi le plaignant fait allusion au paragraphe 133 de la présente décision, car M. Walton n’a pas prétendu qu’une partie 2 avait été déposée. Sa lettre du 16 janvier 2003 disait qu’il attendait le document de la partie 2.

157 Les défendeurs ont affirmé que le plaignant avait reçu des copies des lettres et qu’il était tenu au courant chaque fois qu’il appelait.

158 Concernant les observations du plaignant sur la lettre du 11 octobre 2005 au paragraphe 135 ci-dessus, les défendeurs ont déclaré que le plaignant fait fi du problème fondamental, qui était que les formules de la partie 1 avaient été mal placées par le Comité de réexamen de l’indemnisation des accidents du travail ou qu’elles n’avaient pas été transmises au Tribunal d’appel des accidents du travail. L’absence d’une formule de la partie 2 est vraiment une question secondaire, étant donné que, en vertu de l’ancien système du Comité de réexamen de l’indemnisation des accidents du travail, cela n’a pas été généré par le Comité de réexamen en raison des formules de la partie 1 mal placées.

159 Les défendeurs ont affirmé que la référence dans la lettre de M. Fawkes à la Division de réexamen en date du 22 novembre 2005 contient une erreur typographique, car la question se rapportait nettement aux formules de la partie 1 manquantes et non à la formule de la partie 2.

160 Quant aux observations du plaignant selon lesquelles la Guilde a laissé les délais expirer sans déposer les appels, les défendeurs ont argué que le plaignant est confus au sujet des procédures d’appel. Le Tribunal d’appel des accidents du travail nouvellement créé a hérité d’un arriéré de travail en matière d’appel. Les défendeurs m’ont renvoyé à l’explication figurant à la page 34 du rapport annuel de l’ombudsman de la Colombie-Britannique qu’ils ont déposé avec leurs observations. Les appels du plaignant n’ont pas été instruits parmi ceux faisant partie de l’arriéré de travail hérité, parce que les formules de la partie 1 avaient été mal placées par le Comité de réexamen de l’indemnisation des accidents du travail ou qu’elles n’avaient pas été transmises au Tribunal d’appel des accidents du travail. La Guilde n’avait rien fait d’erroné. Elle a retiré les appels auprès du Tribunal d’appel des accidents du travail parce que celui-ci ne les entendrait pas étant donné les formules de la partie 1 mal placées.

161 Certes, les défendeurs ne sont pas d’accord sur la décision de la Division de réexamen en date du 17 janvier 2006 refusant la prolongation de délai demandée par la Guilde, car le plaignant n’a ainsi aucun recours pour poursuivre ses appels, mais telle est la décision qui a été rendue. Cette décision empêche d’entendre sur le fond les appels relatifs à l’indemnisation des accidents du travail.

162 Relativement aux observations du plaignant que les défendeurs n’ont pas produit la demande de prolongation de délai pour l’appel de la partie 2, les défendeurs ont soutenu que le plaignant est confus au sujet des procédures d’appel. La formule de la partie 2 a été utilisée par le Comité et non la Division de réexamen de l’indemnisation des accidents du travail. La nouvelle Division de réexamen n’a pas une procédure comparable. La demande de prolongation visait à permettre de déposer non pas une formule de la partie 2 mais plutôt les observations qui ont été produites.

163 Quant au changement d’adresse du plaignant, les défendeurs ont affirmé que la Guilde n’avise pas la CAT des changements d’adresse des membres. C’est la responsabilité des membres, y compris le plaignant.

164 En conclusion, les défendeurs soutiennent que rien dans les observations supplémentaires du plaignant en date du 22 octobre 2007 ne réfute leurs allégations que la plainte devrait être rejetée sur le fondement des questions préliminaires de la compétence et du délai.

III. Motifs

165 Il s’agit d’une plainte de pratique déloyale de travail dans laquelle le plaignant alléguait que les défendeurs avaient manqué à leur devoir de représentation juste, étant donné la manière dont ils s’étaient occupés de sa demande d’indemnité devant la CAT. La demande d’indemnité du plaignant a d’abord été rejetée, mais la décision a été réexaminée et le plaignant s’est vu accorder des prestations d’assurance-salaire. Le plaignant a ensuite déposé des appels concernant le montant de ces prestations et de prestations connexes. La façon dont la Guilde s’est occupée de ces appels est l’objet de la présente plainte. Plus précisément, le plaignant a soutenu que les défendeurs « […] ont agi d’une façon arbitraire et discriminatoire et de mauvaise foi, tout en étant négligents » quand ils l’ont représenté devant la CAT.

166 Voici le libellé des dispositions pertinentes de la LRTFP :

[…]

Plaintes à la Commission

190.(1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[…]

Définition de « pratiques déloyales »

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

Représentation inéquitable par l’agent négociateur

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[…]

167 En vertu du devoir de représentation juste qui est prévu à l’article 187 de la LRTFP, il est interdit aux agents négociateurs et à leurs représentants d’agir « […] de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi […] » dans la représentation des employés de l’unité de négociation. Dans le traitement d’une plainte de représentation inéquitable, la Commission doit évaluer la conduite attaquée pour déterminer si cette dernière viole les dispositions de l’article 187.

168 Les défendeurs ont soulevé deux objections préliminaires à propos de ma compétence pour entendre la présente plainte. La première objection avait trait à l’objet de la plainte, et la seconde, au respect des délais. Les défendeurs ont convenu de présenter des observations écrites sur ces deux questions. Ma décision concerne donc uniquement ces questions préliminaires. J’ai examiné la preuve, les observations et les arguments, ainsi que la jurisprudence citée par les parties, et j’ai décidé de rejeter la plainte, pour les motifs suivants.

A. Objet de la plainte

169 Les défendeurs maintenaient que je ne pouvais entendre la présente affaire, parce qu’elle ne découlait pas de la convention collective ou de la LRTFP. Le plaignant, par ailleurs, a argué que le devoir de représentation juste s’applique, notamment à la lumière du fait que la Guilde s’est occupée de son cas devant la CAT.

170 Je voudrais signaler au départ que la première question préliminaire n’est pas en soi une question de compétence. J’ai compétence pour entendre une plainte au sujet du devoir de représentation juste qui est prévu à l’article 187 de la LRTFP. La question est plutôt de savoir si cette obligation énoncée dans la Loi s’applique aux questions soumises à la CAT.

171 Avant de traiter des questions particulières soulevées dans la présente plainte, je considère qu’il serait utile d’examiner la genèse du devoir de représentation juste, son fondement et sa portée dans d’autres secteurs, de même que sa portée selon la LRTFP.

172 Le devoir de représentation juste a été édicté pour contrebalancer les restrictions des droits individuels inhérentes à la création d’un régime de négociation collective dans lequel l’agent négociateur s’est vu accorder les droits exclusifs de négocier au nom de tous les employés de l’unité de négociation. Comme l’a souligné la Commission des relations de travail de l’Ontario dans Luis Lopez, [1989] OLRB Rep. 464, au paragraphe 12 :

[Traduction]

[…]

[…] Le devoir de représentation juste a été édicté pour contrebalancer les restrictions des droits individuels des employés inhérentes à la création d’un régime de négociation collective dans lequel l’agent négociateur se voit attribuer le droit exclusif de négocier au nom de tous les employés faisant partie de l’unité de négociation, qu’ils soient membres du syndicat ou non. Le devoir de représentation juste sert à protéger l’individu de décisions de l’agent négociateur pouvant être considérées comme prises d’une façon arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. En fait, vu que le syndicat serait probablement plus réceptif aux vœux de la majorité, l’individu s’est vu accorder une certaine protection contre la « tyrannie de la majorité », puisque, pratiquement, l’avènement d’un régime de négociation collective avait supprimé le droit de l’individu, en common law, de négocier un contrat de travail individuel. […]

[…]

173 Étant donné que le devoir de représentation juste résultait de cet octroi d’une représentation exclusive, il s’ensuivait que sa portée se limitait aux questions couvertes par ce droit. Le devoir allait de pair avec l’étendue du pouvoir du syndicat à titre d’agent négociateur exclusif, comme l’a expliqué la Commission des relations de travail de l’Ontario dans Lopez (au paragraphe 12) :

[Traduction]

[…]

[…] la Commission considère le devoir de représentation juste comme restreint de sorte que la portée de ce devoir va de pair avec la portée du pouvoir du syndicat à titre d’agent négociateur exclusif […] Ainsi, le contexte dans lequel s’insère le devoir prévu à l’article 68 et l’objet de cet article constituent la raison de définir la portée de l’obligation légale du syndicat de représenter équitablement les employés de l’unité de négociation.

[…]

174 Puisque le droit de représentation exclusif du syndicat selon la législation des relations de travail touchant le secteur privé concerne habituellement la négociation de la convention collective, les tribunaux des relations de travail ont limité la portée du devoir aux questions découlant de la convention collective ou de la relation régie par la convention collective. Par exemple, le Tribunal des relations de travail de la Colombie-Britannique a déclaré dans Gonske v. Canadian Union of Public Employees, Local 606, [1993] B.C.L.R.B.D. No. 270 (QL) :

[Traduction]

[…]

Le devoir de représentation juste, selon l’article 12, est un corollaire du pouvoir syndical exclusif, selon l’article 27 du Code, de représenter les employés d’une unité de négociation appropriée. L’octroi, au syndicat, du pouvoir exclusif d’agir au nom des employés est contrebalancé par le devoir d’exercer ce pouvoir sans faire preuve de discrimination ou de mauvaise foi ou sans agir d’une façon arbitraire. Le devoir se pose dans la représentation syndicale des employés vis-à-vis de leur employeur. Il se limite aux questions découlant de la convention collective et de la relation avec l’employeur régie par la convention collective (questions à l’égard desquelles le syndicat s’est vu accorder un pouvoir exclusif et à l’égard desquelles les employés ne peuvent agir de façon indépendante). Si un syndicat n’est pas l’agent négociateur exclusif relativement à une question particulière, il n’y a pas de devoir correspondant de représentation juste qui découle de l’article 12 : Lopez and Canadian Union of Public Employees, (1988), 2 CLRBR (2d) 183 (OLRB), pages 189-190. Lorsque l’article 12 parle de « représentation », il traite de la représentation dans la négociation et l’administration des conventions collectives. […]

[…]

[Je souligne]

175 Comme le signale George Adams dans Canadian Labour Law, 2e éd., au paragraphe 13.210, le devoir de représentation juste vise les actions de l’agent négociateur concernant les rapports qu’un employé de l’unité de négociation peut avoir avec l’employeur :

[Traduction]

[…]

[…] Ce devoir ne s’applique qu’à un syndicat dans la représentation de ses membres du point de vue de leurs relations avec l’employeur. Par conséquent, les conseils ou commissions des relations de travail sont réticents à intervenir concernant : la tenue des votes de ratification, la suspension d’un employé en tant que membre du syndicat, l’exclusion de non-membres à l’égard des votes sur les questions contractuelles pendant la négociation collective. […]

[…]

[Je souligne]

[Notes de bas de page omises]

176 Il s’ensuit que les commissions ou conseils des relations de travail refusent d’appliquer le devoir de représentation juste aux questions débordant le cadre de la relation régie par la convention collective. Dans l’affaire Dumontier précitée, le CCRI a statué que l’agent négociateur n’avait pas manqué à son devoir de représentation juste en refusant de représenter un employé de l’unité de négociation devant un tribunal administratif relativement à un accident du travail. Le CCRI a souligné que le devoir de représentation juste n’inclut pas l’obligation pour un agent négociateur de représenter ses membres devant des tribunaux autres que les conseils ou commissions des relations de travail (au paragraphe 22) :

[…]

[22] La jurisprudence du Conseil est à l’effet que le devoir de représentation juste d’un syndicat n’inclut pas l’obligation de représenter ses membres devant d’autres instances ou tribunaux administratifs (tels que la CSST ou la CLP) si cette obligation n’est pas prévue clairement dans la convention collective.

[…]

177 Plusieurs décisions traitent expressément de la question de la représentation devant les commissions des accidents du travail. La Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique, par exemple, a statué dans Gonske que le devoir de représentation juste ne s’étend pas à la représentation d’un employé devant la CAT :

[Traduction]

[…]

La Commission n’a pas compétence pour contrôler le devoir de représentation juste énoncé dans le Code lorsqu’un individu n’est pas touché dans sa capacité comme « employé » : Vancouver General Hospital, BCLRB No. 31/78; H.D. Jakumeit, IRC No. C296/88; Gordi Minshull, IRC No. C184/92. Ainsi, la Commission n’a pas compétence pour se pencher sur la représentation d’un travailleur selon la loi intitulée Workers Compensation Act. […]

[…]

[Je souligne]

178 La Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique a ainsi statué malgré la très vaste formulation de l’article 12 de la loi de la Colombie-Britannique intitulée Labour Relations Code, qui prévoyait [traduction] qu’« un syndicat ne doit pas agir d’une façon arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi […] dans la représentation de l’un quelconque des employés d’une unité de négociation appropriée ».

179 Dans Lopez, le plaignant avait déposé une plainte, relativement au devoir de représentation juste, contre son syndicat parce que celui-ci avait refusé de le représenter dans un appel devant le Tribunal d’appel des accidents du travail de l’Ontario, quoique le syndicat ait accepté de le représenter au premier palier devant la Commission des accidents du travail. La Commission des relations de travail de l’Ontario a statué que le devoir de représentation juste ne s’applique pas aux demandes d’indemnité soumises aux CAT (aux paragraphes 21 et 22) :

[Traduction]

[…]

La question de la portée de l’obligation syndicale visée à l’article 68 est carrément soulevée en l’espèce. La Commission conclut, pour les motifs déjà exposés, que le devoir de représentation juste doit être proportionné à la portée du pouvoir syndical légal de représenter les employés compris dans l’unité de négociation. Bien qu’en un sens la CAT touche de près la relation employeur-employés, la loi pertinente, intitulée Workers' Compensation Act, R.S.O. 1980, ch. 539 (modifiée) supprime en fait de l’arène de la convention collective le rajustement de l’indemnité d’accident du travail en interposant un organe administratif entre le travailleur et l’employeur. Toutes les demandes d’indemnité doivent être entendues et tranchées par la CAT, puis, une fois l’indemnité accordée, celle-ci est versée grâce à un fonds des accidents, en conformité avec une échelle déterminée d’avance. La loi ne prévoit aucun rôle pour le syndicat dans ce régime. Par conséquent, le devoir de représentation du syndicat, selon l’article 68 de la loi intitulée Labour Relations Act, à titre d’agent négociateur exclusif n’est pas lié au régime légal d’indemnisation des accidents du travail et ne peut s’appliquer à de telles demandes d’indemnité : voir à cet égard Eason v. Frontier Airlines, précitée. Donc, la Commission conclut que la décision du syndicat de ne pas représenter le plaignant lors de la procédure devant le TAAT déborde le cadre du devoir prévu à l’article 68. La décision du syndicat à ce sujet ne peut être examinée par la Commission en vertu du devoir de représentation juste.

Le fait que le processus de la CAT comporte un aspect « emploi » est insuffisant pour revêtir la Commission de la compétence selon l’article 68. […]

[…]

[Je souligne]

180 Il est à noter que l’article 68 de la loi de l’Ontario intitulée Labour Relations Act, R.S.O. 1980, ch. 228, tel qu’il se lisait à cette époque (soit maintenant l’article 74 de la Loi de 1995 sur les relations de travail, L.O. 1995, ch. 1, annexe A), ne spécifiait pas, comme la LRTFP, la portée du devoir de représentation juste. L’article 68 disait :

[Traduction]

68. Le syndicat ou le conseil de syndicats, tant qu’il conserve la qualité de représenter les employés compris dans une unité de négociation, ne se comporte de façon arbitraire ou discriminatoire, ni fait preuve de mauvaise foi dans la représentation d’un employé compris dans l’unité de négociation, qu’il soit membre ou non du syndicat ou d’un syndicat qui fait partie du conseil de syndicats, selon le cas.

181 Malgré ce vaste libellé, la Commission des relations de travail de l’Ontario a statué que le devoir de représentation juste ne s’appliquait pas à la représentation des employés dans une demande d’indemnité d’accident du travail.

182 Quoique le régime de la LRTFP diffère un peu de ce qu’il en est dans le cas de la plupart des lois des relations de travail touchant le secteur privé, je considère que la portée du devoir de représentation juste ne s’étend pas aux affaires relatives à la CAT. Il peut être utile à ce stade d’examiner ce régime.

183 Le pouvoir de la CRTFP, en tant que tribunal établi par une loi, d’agir à cet égard provient exclusivement de la LRTFP. L’article 187 de la LRTFP – à l’instar des dispositions en matière de devoir de représentation juste du Labour Relations Code de la Colombie-Britannique et du Labour Relations Act de l’Ontario, mentionnés plus haut – ne précise pas la portée du devoir de représentation juste. À mon avis, étant donné que ce devoir est énoncé dans la LRTFP, il se rapporte aux droits, obligations et questions énoncés dans ladite Loi. Puisque l’un des principaux objectifs de la LRTFP est de réglementer la relation entre les employés et leur employeur, je suis d’avis que la portée du devoir de représentation juste se rapporte à cette question.

184 Tout comme dans le secteur privé, la LRTFP accorde aux syndicats des pouvoirs de représentation importants. Par exemple, un agent négociateur accrédité en vertu de la LRTFP a le droit exclusif de négocier pour les membres de son unité (alinéa 67a)). Un fonctionnaire ne peut présenter un grief individuel relatif à l’interprétation ou à l’application d’une disposition d’une convention collective à moins d’avoir l’approbation de l’agent négociateur de l’unité de négociation et d’être représenté par lui (paragraphe 208(4)). D’après moi, le devoir de représentation juste s’applique à ces questions, car elles sont énoncées dans la LRTFP et concernent la relation des fonctionnaires avec leur employeur. De plus, à la lumière de la genèse du devoir de représentation juste, le fait que le syndicat a des droits de représentation exclusifs dans la négociation d’une convention collective et des droits d’approbation exclusifs à l’égard de ces griefs étaye encore plus la conclusion selon laquelle le devoir de représentation juste s’applique à ces questions.

185 Toutefois, le devoir de représentation juste dans la fonction publique fédérale n’est pas entièrement basé, comme dans le secteur privé, sur le caractère exclusif de la représentation syndicale. Par exemple, à mon avis (et c’est un obiter dictum, car je n’ai pas à trancher cette question), ce devoir s’appliquerait aux griefs liés à une mesure disciplinaire entraînant un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, bien que l’agent négociateur n’ait aucun droit de veto à l’égard de ces griefs. Le fonctionnaire n’a pas besoin de l’approbation du syndicat pour présenter son grief à l’employeur et il peut se représenter lui-même ou choisir qui il veut comme représentant. Là encore, d’après moi, le devoir de représentation juste couvre ces types de griefs, car ceux-ci, comme je l’ai expliqué précédemment, se rapportent à un aspect de la relation employeur-employés qui est régie par la LRTFP. Dans ces affaires, le syndicat doit à mon avis agir d’une manière conforme à l’article 187 de la LRTFP.

186 Je ne suis au courant d’aucun cas qui traite de la question de savoir si le devoir de représentation juste s’applique aux affaires de nature disciplinaire, mais la Commission a en fait dans le passé appliqué à des affaires de cet ordre le devoir de représentation juste. Par exemple, la décision Pavlik c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 161-02-792 (19970324), ainsi que la décision Ruda c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 161-02-821 (19971007), traitaient de congédiement de nature disciplinaire et, dans les deux cas, l’ancienne CRTFP a examiné la question de savoir si le devoir de représentation juste avait été violé par le syndicat étant donné la manière dont ce dernier avait représenté, à l’étape de l’arbitrage, le fonctionnaire s’estimant lésé.

187 On ne peut dire que la portée du devoir de représentation juste que prévoit la LRTFP se limite aux questions de convention collective comme dans le secteur privé. Comme je l’ai expliqué ci-dessus, le devoir de représentation juste s’applique d’après moi à l’arbitrage de questions disciplinaires en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, quoique ces questions ne soient pas habituellement traitées dans les conventions collectives de la fonction publique fédérale parce qu’elles sont visées à la LRTFP elle-même. Voilà la raison pour laquelle, à mon avis, l’article 187 ne renvoie pas à la convention collective. Si tel avait été le cas, cela aurait empêché que le devoir de représentation juste s’applique dans les affaires d’ordre disciplinaire.

188 Pour résumer ce qui précède, je considère que le devoir de représentation juste qui est prévu à l’article 187 de la LRTFP concerne les droits, obligations et questions énoncés dans la LRTFP, qui se rapportent à la relation entre les fonctionnaires et leur employeur. En d’autres termes, la « représentation » que mentionne cet article est la représentation du fonctionnaire dans des affaires ayant trait à la relation prévue dans la convention collective ou à la LRTFP, par exemple la représentation dans la négociation collective et la présentation de griefs en vertu de la Loi.

189 Ce point de vue est également celui que la prédécesseure de notre Commission a exprimé dans la décision Lai. Dans ce cas, la question était de savoir si le syndicat avait failli à son devoir de représentation juste, en refusant de représenter le plaignant dans une procédure de contrôle judiciaire d’une décision d’appel rendue en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. La Commission n’a pas tranché cette question préliminaire, car elle a rejeté la plainte sur le fond. Elle a cependant déclaré (au paragraphe 49) :

[…]

Au départ, je précise que j’ai des réserves en ce qui a trait à l’argument voulant que le devoir de représentation juste d’un agent négociateur englobe des questions qui sortent du champ d’application de la L.R.T.F.P. et qui, comme en l’espèce, découlent de situations relevant de la L.E.F.P. Je suis plutôt disposée à croire que ce devoir est limité aux droits découlant de la L.R.T.F.P.

[…]

[Je souligne]

190 Je n’ai pas à déterminer si le devoir de représentation juste s’applique aux procédures et processus se rapportant à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Je conclus toutefois que le raisonnement général tenu dans l’obiter dictum ci-dessus est exact et représente la bonne approche de la détermination de la portée du devoir de représentation juste selon la LRTFP.

191 Pour ce qui est de la présente espèce, je ne vois rien d’explicite ou d’implicite dans la convention collective qui oblige l’agent négociateur à représenter les employés devant la CAT. Ce n’est pas étonnant, puisque les conventions collectives traitent habituellement de questions ayant trait à la relation des employés ou de leur syndicat avec l’employeur et non de la relation entre les syndicats et leurs membres. Comme l’ont signalé les défendeurs, le service en cause a été volontairement fourni au plaignant.

192 Je ne vois pas non plus dans la LRTFP une disposition ou indication que le Parlement entendait que le devoir de représentation juste s’étende aux demandes d’indemnité soumises aux commissions provinciales des accidents du travail. Chaque province a une législation sur les accidents du travail, et il n’y a aucun lien entre ces régimes législatifs et celui de la LRTFP.

193 Accepter l’argument avancé par le plaignant signifierait que le devoir de représentation juste s’appliquerait à tous les services qu’un syndicat décide d’offrir à ses membres, que le syndicat soit ou non obligé d’offrir ce service et que le service soit ou non lié à la LRTFP ou à la relation régie par la convention collective. Cela signifierait également que le Parlement entendait conférer à notre Commission le vaste mandat de superviser la prestation de services de représentation volontairement offerts par un syndicat concernant les demandes devant les tribunaux des accidents du travail, les questions disciplinaires devant les organisations professionnelles, les demandes relatives au Régime de pensions du Canada, les questions ayant trait à l’assurance-chômage, les questions devant les tribunaux des transports, les actions devant les tribunaux judiciaires, etc., c’est-à-dire toutes les questions à l’égard desquelles notre Commission n’a pas d’expertise spéciale. À mon avis, si le Parlement avait voulu accorder à notre Commission une aussi vaste compétence à l’égard de questions non liées à la LRTFP ou à la relation régie par la convention collective, il aurait donné une indication à cet égard. Dans le cas qui nous occupe, il y a absence d’une telle indication.

194 Lorsque le Parlement a voulu imposer des obligations aux syndicats vis-à-vis de leurs membres en vertu de la LRTFP, à l’égard d’autres questions que celles se rapportant à la relation employeur-employés, il l’a fait expressément. Par exemple, l’alinéa 188b) de la LRTFP prévoit qu’un agent négociateur ne peut expulser un fonctionnaire de l’organisation syndicale ou le suspendre en appliquant les règles d’une manière discriminatoire.

195 Les services qu’un syndicat décide d’offrir à ses membres et qui ne se rapportent pas à la LRTFP ou à la relation régie par la convention collective concernent le syndicat et ses membres. Si le syndicat ne représente pas correctement ses membres à l’égard de ces questions, il peut y avoir un certain recours devant un autre tribunal (peut-être sur un fondement contractuel prévu dans les statuts du syndicat), mais cette question ne relève pas de la compétence de notre Commission.

196 Il est vrai que, dans Buchanan, le CCRI a effectivement examiné le bien-fondé d’une plainte, relative au devoir de représentation juste, déposée contre un syndicat en raison de la manière dont ce dernier avait défendu devant un autre tribunal administratif les intérêts de l’employée s’estimant lésée. Ce cas se rapportait à une question de discrimination salariale soumise à la Commission canadienne des droits de la personne. Certes, l’article 37 du Code canadien du travail, partie I, prévoyait que le devoir de représentation juste s’appliquait aux employés « […] dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective », et il n’y avait aucun lien direct avec la convention collective, mais le CCRI s’est bel et bien penché sur le fond du cas. Il n’a guère précisé sa pensée sur la raison pour laquelle il acceptait d’intervenir, mais à mon avis ce cas peut être distingué de la présente espèce à cause de la nature très particulière des faits de ce cas comme l’a signalé le CCRI et du fait que la question, soit l’équité salariale, est une question collective (paragraphes 96 et 97) :

[…]

Les plaintes déposées par le syndicat avaient un aspect collectif et c’est cet élément qui a interpellé le Conseil.

Le Conseil a néanmoins pris connaissance de l’ensemble des arguments présentés par les parties dans le présent dossier. Il est d’avis qu’en raison des circonstances particulières et exceptionnelles de la présente affaire, il est préférable de traiter du bien-fondé de la plainte sans délimiter de manière définitive la portée de l’article 37 du Code. Cette question risque cependant de refaire surface dans un avenir rapproché. Un questionnement plus large de la part du Conseil sera alors nécessaire et ce, à la lumière des particularités du dossier à l’étude. Une réflexion globale du Conseil à cet égard devrait se faire dans une perspective d’équilibre entre d’une part, l’harmonisation de l’ensemble de la législation applicable et, d’autre part, la cohérence du régime des rapports collectifs établi par le Code.

[…]

[Je souligne]

197 Le plaignant a également soutenu que les défendeurs sont empêchés par préclusion d’arguer qu’ils n’avaient pas le devoir de prendre en charge son appel devant la CAT, car le plaignant se fiait aux assurances de la Guilde qu’elle s’occupait de son cas. À mon avis, cet argument ne peut servir à m’attribuer la compétence à l’égard de cette affaire. La préclusion ne peut s’appliquer de manière à conférer à un tribunal administratif une compétence qu’il n’a pas en vertu de sa loi habilitante. Si la Guilde avait le devoir de bien s’occuper de l’appel du plaignant, alors ce devoir ne découlait pas de la convention collective ou de la LRTFP et ne pouvait constituer le fondement d’une plainte quant au devoir de représentation juste selon ladite Loi. Dans Lopez, la Commission des relations de travail de l’Ontario a rejeté un argument de la préclusion au motif que le syndicat avait représenté le plaignant au premier palier relativement à une demande d’indemnité d’accident du travail. Elle a statué qu’une question de représentation qui se pose hors du cadre du rôle du syndicat comme agent négociateur exclusif ne peut donner lieu à un devoir de représentation juste, et le fait que le syndicat avait représenté le plaignant au premier palier n’influait pas sur l’existence d’un tel devoir (au paragraphe 24) :

[Traduction]

[…]

La conclusion de la Commission n’est pas influencée par le fait que le syndicat a initialement représenté le plaignant devant la CAT. En d’autres termes, une question de représentation qui se pose hors du cadre du rôle du syndicat comme agent négociateur exclusif ne peut donner lieu au devoir de représentation selon la loi intitulée Labour Relations Act. Il est possible que, dans un autre tribunal, le syndicat ou ses dirigeants puissent être tenus de continuer à représenter le plaignant (ou de le représenter initialement à la CAT s’ils avaient refusé de le faire) sur le fondement de la relation contractuelle entre un syndicat et ses membres qui est prévue dans les statuts du syndicat ou qui découle de la conduite de ce dernier : voir, par exemple, Orchard v. Tunney (1957), 8 D.L.R. (2d) 273; Astgen v. Smith, [1969] 1 O.R. 129; Foran v. Kottmeier, [1973] 3 O.R. 102 (C.A.); voir aussi le paragraphe 18 figurant plus haut. Qu’un droit exécutoire puisse ou non être établi ailleurs, il est clair que la conduite du syndicat dans la représentation du plaignant à l’étape de la CAT ne peut signifier qu’une décision de ne pas le faire au niveau du TAAT est assujettie à un réexamen, par la Commission, en vertu de l’article 68 de la loi intitulée Labour Relations Act, car une telle obligation n’irait pas de pair avec le pouvoir de négociation exclusif du syndicat qui est conféré par la loi intitulée Labour Relations Act et auquel l’examen selon l’article 68 doit se limiter. En d’autres termes, sans la compétence légale ou inhérente pour examiner la relation contractuelle entre un syndicat et ses membres, prévue dans les statuts et le règlement du syndicat, la Commission ne peut faire appliquer cette relation. La Commission ne peut non plus invoquer une doctrine comme la préclusion pour exiger que le syndicat continue sa représentation par équité en raison de sa conduite dans la représentation initiale du plaignant, lorsque la Commission n’a pas la compétence pour superviser la relation entre le syndicat et ses membres hors des limites de la convention collective, de la négociation de celle-ci et de son application : voir Registered Psychiatric Nurses' Association, supra, dans le passage cité au paragraphe 22 ci-dessus.

[…]

[Je souligne]

198 Le fait que l’agent négociateur a volontairement offert de représenter le plaignant ne change rien au fait que le devoir de représentation juste qui est prévu à l’article 187 de la LRTFP ne couvre pas la représentation syndicale dans les affaires devant la CAT, de sorte que la prestation de ce service volontaire n’entre pas dans le cadre des réexamens de la notre Commission. Dans Smith, [2004] B.C.L.R.B.D. No. 15 (QL), la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique a traité de la question de savoir si le devoir de représentation juste s’appliquait lorsque le syndicat avait volontairement agi dans des cas débordant le cadre de son mandat de négociation exclusif. Dans ce cas, le syndicat avait accepté de représenter le plaignant dans une procédure judiciaire, mais seulement à certaines conditions. Cette commission était d’avis que, quoique le syndicat ait offert un service qu’il n’était pas obligé d’offrir, le devoir de représentation juste ne s’appliquait pas (paragraphes 28 et 29) :

[Traduction]

[…]

Nous reconnaissons que dans certains cas, comme en l’espèce, le syndicat peut offrir de financer la cause d’un employé, dans une affaire débordant le cadre du mandat de négociation exclusif du syndicat, mais seulement à certaines conditions. Ces conditions peuvent permettre au syndicat un contrôle efficace du litige. Il est par ailleurs possible que l’employé n’ait pas les moyens de s’offrir tout seul une représentation en justice. Ainsi, on peut arguer que la situation est, concrètement, un peu différente de ce qu’il en est dans le cas d’une affaire entrant dans le cadre du mandat de négociation exclusif du syndicat, et l’article 12 devrait donc s’appliquer. M. Smith n’a pas présenté un tel argument dans cette demande de réexamen, bien que les documents contiennent des indications à cet égard.

De toute manière, nous rejetterions un tel argument. Les employés dans ces circonstances ne sont pas différents des autres habitants de la Colombie-Britannique, sauf qu’ils ont un syndicat offrant de les représenter à certaines conditions. Le fait qu’ils aient cette possibilité supplémentaire et que celle-ci puisse être nettement supérieure ne les prive pas de leur liberté de choisir. En vertu du Code, un syndicat a un contrôle absolu à l’égard des questions faisant partie de son mandat de négociation exclusif (sous réserve du devoir de représentation juste). Par contraste, en l’espèce, le syndicat n’aura à l’égard du litige de M. Smith que le contrôle que M. Smith a accepté de lui accorder.

[…]

[Je souligne]

199 Thompson, [2003] B.C.L.R.B.D. No. 227 (QL), est également une décision utile. Dans ce cas, la plainte quant au devoir de représentation juste que la plaignante avait présentée se rapportait en partie à la façon dont le syndicat avait traité une plainte que l’employeur avait déposée contre elle auprès de l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de la Colombie-Britannique. Bien que le syndicat ait volontairement accepté de représenter l’employée devant cette association, la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique a statué que le traitement, par l’agent négociateur, de la plainte ne pouvait entrer dans le cadre des réexamens de cette commission en vertu d’une plainte relative au devoir de représentation juste (paragraphe 5) :

[Traduction]

[…]

[…] En grande partie, ce qu’elle a avancé n’est pas pertinent, car cela déborde le cadre du pouvoir de la Commission selon l’article 12 du Code […] La Commission ne peut non plus traiter de la conduite du syndicat et de l’avocat dont le syndicat avait retenu les services pour représenter Mme Thompson relativement à la plainte auprès de l’Association. Il est vrai que cette plainte se rapporte à la relation d’emploi en un sens, mais elle concerne la conduite professionnelle de Mme Thompson et n’est pas une affaire de négociation collective que couvre le rôle du syndicat en tant qu’agent négociateur exclusif. […]

[…]

[Je souligne]

200 Le plaignant a invoqué l’arrêt Weber pour faire valoir qu’un tribunal spécialisé comme la CRTFP a la compétence exclusive à l’égard d’une question lorsque le différend relève « […] de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de l’inexécution de la convention collective ». À mon avis, ce cas ne s’applique pas à la présente situation. Le litige en l’espèce ne relève pas ou ne découle pas de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de l’inexécution de la convention collective comme dans l’affaire Weber. Il n’existe tout simplement aucun lien avec la convention collective. L’arrêt Weber traitait de la relation entre l’employé et l’employeur, tandis que la présente plainte se rapporte à la relation entre l’employé et son syndicat.

201 Le plaignant arguait en outre que, dans l’arrêt Weber, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’un arbitre pourrait estimer avoir compétence même lorsque le contexte factuel du différend s’étend au-delà du strict libellé de la convention collective. Là encore, les situations dans les deux cas sont bien différentes quant à l’objet du différend et à la nature des relations en cause. Le contexte factuel dans la présente plainte ne « s’étend » pas au-delà de la convention collective; il ne relève tout simplement pas de la convention collective ou de la LRTFP.

202 Pour ces motifs, je conclus que le devoir de représentation juste ne s’étend pas au traitement de la demande d’indemnité d’accident du travail du plaignant devant la CAT.

B. Respect du délai pour la présentation de la plainte

203 Puisque j’ai conclu que le devoir de représentation juste ne s’étend pas au traitement de la demande d’indemnité d’accident du travail du plaignant, il n’est pas nécessaire que je traite de la question du respect du délai.

204 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

205 La plainte est rejetée.

Le 9 janvier 2008.

Traduction de la C.R.T.F.P.

John A. Mooney,
commissaire

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