Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a été congédiée pour avoir accepté un poste de durée indéterminée auprès d’un autre employeur, le Comité des griefs des Forces canadiennes (CGFC), dans une autre ville et s’être présentée au travail sans en aviser son employeur, l’Agence du revenu du Canada (ARC) - l’ARC a considéré qu’elle avait contrevenu à son Code d’éthique et de conduite et à son Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts - la fonctionnaire s’estimant lésée travaillait pour l’ARC à Toronto; le poste de durée indéterminée qu’elle a accepté au CGFC se trouvait à Ottawa - le poste lui a été offert et elle a signé la lettre d’offre en indiquant qu’elle acceptait l’offre - après avoir demandé le report de sa date d’entrée en fonction, elle s’est présentée au travail au CGFC le 23février2004 et y est demeurée toute la semaine - elle a utilisé une journée de travail comprimée et quatrejours de congé annuel afin de justifier son absence à l’ARC - la semaine suivante, elle a travaillé à l’ARC à Toronto; afin de justifier son absence au CGFC, elle a appelé au travail tous les jours pour dire qu’elle était malade et elle a obtenu un certificat médical - la semaine suivante, elle est retournée travailler au CGFC; afin de justifier son absence à l’ARC, elle a utilisé des crédits de congé annuel pendant deux jours et elle a appelé à l’ARC le troisième pour dire qu’elle n’entrait pas au travail - c’est ce jour-là, quand on lui a demandé de signer la lettre d’offre modifiée indiquant sa date réelle d’entrée en fonction, qu’elle a avoué au CGFC qu’elle n’avait pas démissionné de son poste à l’ARC; elle a alors signé la lettre modifiée en indiquant qu’elle refusait l’offre du CGFC - la fonctionnaire s’estimant lésée a été congédiée par les deux employeurs - la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir qu’elle n’était pas entrée en fonction, mais qu’elle avait simplement effectué un stage volontaire non rémunéré ou reçu de la formation par observation, pour voir - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait accepté un poste de durée indéterminée au CGFC - dans sa demande d’aide à la réinstallation, elle indiquait qu’elle avait été nommée au poste du CGFC pour une période indéterminée - l’arbitre de grief a conclu qu’elle s’était présentée au travail au CGFC - en s’abstenant de révéler ces faits, la fonctionnaire s’estimant lésée avait contrevenu aux politiques de l’ARC dont elle avait été informée et qui s’appliquaient à elle - l’arbitre de grief a rejeté la prétention de la fonctionnaire s’estimant lésée selon laquelle elle n’avait pas compris les politiques - compte tenu de ses antécédents comme avocate, l’arbitre de grief a conclu que la prétention selon laquelle elle n’avait pas compris les politiques n’était pas crédible et que les documents étaient cohérents et pouvaient facilement être compris par n’importe quel employé - sa conduite durant l’enquête, notamment son manque d’honnêteté, allait également à l’encontre des politiques - le congédiement était une peine sévère mais justifiée - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a rien fait pour convaincre l’ARC de sa possibilité de réhabilitation étant donné qu’elle refusait de reconnaître ou d’admettre ses torts - les chances d’une réintégration réussie étaient donc négligeables. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-06-05
  • Dossier:  166-34-37092
  • Référence:  2008 CRTFP 39

Devant un arbitre de grief


ENTRE

DIANE WAY

fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA .

employeur

Répertorié
Way c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Barry Done, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Ron Werda

Pour l'employeur:
Karen Clifford, avocate

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
du 11 au 14 juin et du 4 au 6 décembre 2007.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1 Avant son licenciement, le 20 avril 2004, Diane Way occupait le poste d’agente d’interprétation, PM-03, à Toronto, dans la Division de l’interprétation de la TPS de l’ancienne Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), aujourd’hui devenue l’Agence du revenu du Canada (ARC).

2 Dans l’avis de licenciement (pièce E-24), daté du 20 avril 2004, il est écrit que Mme Way est licenciée pour avoir accepté un poste de durée indéterminée au Comité des griefs des Forces canadiennes (CGFC) à Ottawa et s’être présentée au travail, et ce, sans en avoir avisé l’ARC. On lui reproche d’avoir contrevenu au Code de déontologie et de conduite ainsi qu'au Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts de l’ARC en plus d’avoir manqué à son obligation d’honnêteté et d’intégrité à l’endroit de l’ARC.

3 L’affaire avait initialement été mise au rôle en décembre 2006, mais Mme Way en a demandé le report. L’audition a été fixée à une autre date, en avril 2007, mais elle a été reportée une seconde fois, jusqu’en juin 2007, à la demande de l’employeur. L’affaire n’a pu être instruite en totalité dans le laps de temps prévu en juin 2007; or les seules autres dates sur lesquelles les parties sont parvenues à s’attendre étaient en décembre 2007.

4 Le grief (pièce G-19) de Mme Way contestant son licenciement a été déposé le 28 avril 2004. À titre de mesure correctrice, la fonctionnaire s’estimant lésée demandait à être réintégrée dans ses fonctions et à être remise dans la position antérieure.

5 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

II. Résumé de la preuve

6 En tout, 5 personnes ont témoigné et 50 pièces justificatives ont été produites. Les éléments de preuve pertinents ne sont pas contestés pour la plupart. Mme Way possède une solide formation universitaire; elle détient quatre diplômes d’études postsecondaires (pièce E-26), dont un baccalauréat en droit, qu’elle a obtenu en 1987. Ses antécédents professionnels sont tout aussi impressionnants puisqu’elle a exercé les fonctions d’avocate, d’enseignante, de chercheure et de bibliothécaire/archiviste. Avant les incidents qui ont donné lieu à son licenciement, son rendement lui avait valu des évaluations très positives de la part de ses deux chefs d’équipe (pièce G-10).

7 Mme Way s’est jointe à Revenu Canada à titre d’agente de liaison, recouvrements, PM-01 (pièce E-27), au printemps de 1998. Elle a par la suite été nommée à des postes de niveau supérieur par intérim (pièce E-28), ainsi qu’à de postes de niveau supérieur de durée indéterminée. Comme elle souhaitait se trouver un poste qui faisait davantage appel à ses connaissances juridiques, Mme Way a mené une recherche continue d’emploi pendant les années où elle a travaillé à l’ARC.

8 C’est en consultant un babillard électronique que le poste d’agent principal de grief (pièce E-30) au CGFC, à Ottawa, à attiré son attention. Il s’agissait d’un poste de durée indéterminée, qui était de plus classifié au niveau PM-05, soit deux niveaux au-dessus de celui qu’elle occupait à l’ARC à Toronto.

9 Mme Way a posé sa candidature et s’est rendue à Ottawa pour passer les tests exigés. Elle s’est qualifiée pour le poste, son nom a été inscrit sur une liste d’admissibilité et une offre d’emploi lui a été faite par écrit le 19 novembre 2003 (pièce E-2). L’offre devait être acceptée et retournée aux bureaux du CGFC au plus tard le 3 décembre 2003. Mme Way a signé la lettre le 28 novembre 2003 en cochant la mention [traduction] « J’accepte cette offre. »

10 La nomination de Mme Way prenait officiellement effet le 5 janvier 2004, mais en raison de problèmes à propos de sa maison à Toronto, dans un premier temps, et de ses animaux de compagnie, dans un deuxième temps, son entrée en fonction a été reportée au 23 février 2004 (pièce E-3). Le CGFC lui a bien fait comprendre que sa nomination serait annulée si elle ne se présentait pas au travail le jour dit.

11 Mme Way s’est présentée aux bureaux du CGFC à Ottawa le 23 février 2004, et y a travaillé toute la semaine – jusqu’au 27 février 2004.

12 C’est ici que la preuve est contestée. Mme Way a, d’une part, catégoriquement affirmé qu’elle ne s’était pas présentée au travail, mais plutôt qu’elle avait [traduction] « tout simplement effectué un stage volontaire non rémunéré » ou, pour reprendre à nouveau ses termes, qu’elle [traduction] « avait juste reçu de la formation par observation, pour voir ».

13 Muriel Wexler, Directrice de l’analyse des griefs et des opérations au CGFC, a, d’autre part, déclaré dans les termes les plus nets que Mme Way s’était présentée au travail. Elle a indiqué que le CGFC n’offrait pas de programme de stages, pas plus que des occasions d’essayer un poste pour voir. Il existait, selon elle, d’autres indications que Mme Way avait accepté le poste. Mme Wexler a observé que Mme Way n’avait pas indiqué au CGFC qu’elle essayait juste le poste pour voir. Au contraire, la fonctionnaire s’estimant lésée avait présenté une demande d’aide à la réinstallation (pièce E-31), le 12 décembre 2003, dans laquelle elle déclarait ceci : [traduction] « J’ai été nommée à un poste de durée indéterminée […] au Comité des griefs des Forces canadiennes […] Cette nouvelle nomination m’oblige à quitter Toronto pour m’installer à Ottawa […] J’ai besoin d’un logement à Ottawa car j’y travaillerai en permanence […] » De plus, durant sa première semaine de travail, Mme Way a rencontré un conseiller en ressources humaines et a participé à une séance d’orientation à l’intention des nouveaux employés. Elle a fait la connaissance des autres employés et elle a rencontré le collègue qui allait lui servir de mentor. Un bureau et un ordinateur lui ont été attribués et des dossiers, une copie du rapport annuel, des guides de formation, des fournitures de bureau, etc. (pièce E-5) lui ont été remis. Elle a eu des rencontres pour discuter de sa formation et des démarches ont été faites en vue de l’inscrire à une séance de formation sur la rédaction de décisions qui devait se tenir la semaine suivante.

14 Mme Way n’a pas avisé l’ARC qu’elle avait accepté un poste de durée indéterminée dans un autre organisme. Afin de s’absenter du travail durant la semaine du 23 au 27 février 2004 pour travailler au CGFC, Mme Way a utilisé une journée de travail comprimée le lundi 23 février 2004 et des congés annuels les quatre autres jours.

15 La semaine suivante, soit celle du 1er au 5 mars 2004, Mme Way a réintégré son poste à l’ARC à Toronto. Afin de justifier son absence du CGFC, elle a appelé au bureau chaque jour pour dire qu’elle était malade. Elle a également obtenu un certificat médical (pièce E-6) du Dr James Choi à Toronto, en date du 4 mars 2004, dans lequel il est écrit ceci : [traduction] « Mme Way sera absente toute la semaine pour des raisons de santé [le passage souligné l’est dans l’original]. »

16 Toujours en respectant le principe de l’alternance hebdomadaire, Mme Way est retournée à Ottawa la semaine suivante, du 8 au 10 mars 2004, pour travailler au CGFC. Afin de s’absenter du travail à Toronto, elle a utilisé des crédits de congés annuels les 8 et 9 mars 2004 (pièce G-16(1)); elle a aussi appelé au bureau le 10 mars 2004 pour dire qu’elle n’entrait pas au travail ce jour-­là.

17 Le mercredi 10 mars 2004, la double vie de Mme Way a brusquement pris fin.

18 C’est ce jour­-là, après avoir été priée de signer la lettre d’offre modifiée (pièce E-7), en date du 25 février 2004, qui reportait son entrée en fonction au 23 février 2004, que Mme Way a avoué qu’elle n’avait pas encore démissionné de son poste à l’ARC à Toronto. Elle a signé la lettre modifiée le 10 mars 2004 en cochant la mention : [traduction] « Je refuse cette offre. » (pièce E-14).

19 C’est aussi le 10 mars 2004, avant que Mme Way admette qu’elle n’avait toujours pas quitté son emploi à l’ARC, qu’un représentant des ressources humaines du CGFC a appelé à l’ARC afin d’organiser le transfert de crédits de congés de maladie relativement à l’absence de Mme Way la semaine du 1er au 5 mars 2004. Cet appel a révélé que Mme Way était toujours inscrite à l’effectif de l’ARC.

20 Dans une lettre datée du 10 mars 2004, le CGFC a  informé Mme Way qu’elle était suspendue pendant la durée d’une enquête (pièce E-8); la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief pour contester cette décision (pièce E-9), en demandant à être réintégrée dans ses fonctions antérieures. Au bout du compte, le CGFC a licencié Mme Way, le 3 mai 2004; la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief pour contester cette décision (pièce E-11), le 11 mai 2004, en demandant à être réintégrée dans ses fonctions au CGFC. Les deux griefs ont été rejetés.

21 À l’exception d’un chèque daté du 1er avril 2004 adressé à Mme Way par le CGFC pour la période allant du 23 au 25 février 2004, et que Mme Way a retourné par courrier enregistré le 13 avril 2004 (pièce E-13), il n’existe pas d’autre preuve concernant l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée au CGFC.

22 Comme il est indiqué dans le rapport d’enquête (pièce E-18) de l’ARC, Mme Way a repris ses fonctions à l’ARC à Toronto le 15 mars 2004 et a été licenciée le 20 avril 2004.

23 C’est John Kent, le directeur de la division dans laquelle travaillait la fonctionnaire s’estimant lésée, qui a été chargé de l’enquête pour le compte de l’ARC. Il a déclaré à l’audience que le représentant de Mme Way lui avait dit, lors de la réunion disciplinaire qui s’est tenue le 17 mars 2004 dans le but de recueillir les faits, qu’il n’y avait rien de répréhensible dans le fait d’occuper deux emplois en même temps puisque Mme Way était en congé autorisée quand elle travaillait au CGFC. M. Kent a précisé que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait exprimé aucun regret durant cette réunion; il a témoigné qu’elle avait refusé de collaborer à l’enquête et qu’elle s’était montrée très peu communicative.

24 À l’ARC, Mme Way avait assisté à une séance de formation sur le Code de déontologie et de conduite (« le Code ») (pièce E-21), le 12 mars 2002, au cours de laquelle les participants avaient reçu une copie du document.

25 Au terme de l’enquête de M. Kent, le dossier de Mme Way a été confié à Janice Charlton pour qu’une décision soit prise. Mme Charlton, une gestionnaire détenant la délégation de pouvoirs nécessaire pour imposer des mesures disciplinaires en cas de non-respect du Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts (pièce E-22), a pris en considération le rapport d’enquête (pièce E-18) de M. Kent, les documents du CGFC attestant que Mme Way était inscrite à son effectif et la Politique sur les mesures disciplinaires de l’ARC (pièce E-25). Elle a également tenu compte des circonstances atténuantes et aggravantes et sollicité l’avis des représentants du Service des relations de travail.

26 Mme Charlton a déclaré que les infractions de ce genre, qui entrent dans la catégorie des violations de niveau 5, selon la Politique sur les mesures disciplinaires, entraînent des sanctions pouvant aller d’une suspension de 30 jours au licenciement. Or dans le cas de Mme Way, on a jugé qu’il convenait d’imposer la peine maximale, en l’occurrence le licenciement, parce que la fonctionnaire s’estimant lésée avait refusé d’admettre qu’elle avait agi de façon répréhensible et qu’elle avait encore moins exprimé de regrets. L’ARC a déterminé que Mme Way lui avait menti à propos de son rapport avec le CGFC. Qui plus est, elle avait persisté dans ses mensonges en soutenant qu’elle n’avait pas reçu d’offre et qu’elle n’avait pas accepté ni reçu de rémunération du CGFC. Elle avait aussi menti au CGFC en se faisant porter malade alors qu’elle était à son poste à l’ARC cette semaine-­là. Si l’on ajoute à cela son manque de coopération durant l’enquête de M. Kent, les faits, a dit Mme Charlton, ont convaincu l’ARC qu’il fallait licencier Mme Way (pièce E-24) puisque le lien de confiance était rompu.

27 Emmerson Waugh, ancien président de succursale du district de Toronto du Customs Excise Union Douanes Accise, a témoigné pour le compte de Mme Way. Il a déclaré qu’il revenait à chaque employé d’aviser l’employeur de l’existence d’un conflit d’intérêts apparent, de manière à ce que les décisions nécessaires soient prises. Il a aussi déclaré que : [traduction] « les employés connaiss[aient] très bien les règles régissant les conflits d’intérêts ». Il a admis que les employés étaient obligés de signer un document attestant qu’ils avaient pris connaissance du contenu du Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts (pièce E-22).

28 M. Waugh a témoigné qu’il avait travaillé avec Mme Way quand elle était déléguée syndicale et qu’il avait assisté, à sa demande, à la réunion avec M. Kent. Il a déclaré qu’il lui avait semblé à ce moment-là que la réunion ne s’était pas bien passée et que l’affaire avait déjà été jugée et transpirait la mauvaise foi.

29 Concernant le statut de Mme Way au CGFC, M. Waugh a déclaré ceci : [traduction] « si on lui a offert un poste à temps plein et qu’elle l’a accepté, c’est clair, elle est désormais inscrite à l’effectif ».

30 M. Waugh a admis que l’ARC avait fait sienne la politique du Conseil du Trésor établissant les Conditions d’emploi (pièce E-12), dans laquelle il est écrit, dans la section traitant de la rémunération, qu’aucun paiement en sus de la rémunération applicable au poste d’un employé ne doit être versé sans l’autorisation expresse de l’administrateur général.

31 M. Waugh a déclaré en contre­-interrogatoire que lors d’une brève rencontre qu’il avait eue avant la réunion avec M. Kent, Mme Way avait omis de lui dire que :

  1. elle avait déposé un grief une semaine plus tôt afin de contester la suspension que lui avait imposée le CGFC (pièce E-9);

  2. elle avait déposé un grief afin de contester son licenciement au CGFC (pièce E-11);

  3. elle avait demandé une aide à la réinstallation pour s’installer à Ottawa (pièce E-31);

  4. durant sa première semaine de travail au CGFC, un bureau et un ordinateur lui avaient été attribués, des copies des publications et des dossiers lui avaient été remises et son nom avait été inscrit dans le bottin du CGFC et dans le carnet d’adresses Outlook.

32 Fait à noter, M. Waugh, qui témoignait pour le compte de Mme Way, a déclaré à ce moment-là : [traduction] « [t]out contredit la position qu’on m’a présentée; je me demande bien ce que je fais ici aujourd’hui. Je serais maintenant prêt à changer ma position à propos du statut d’emploi de Mme Way au CGFC. » Il a poursuivi en disant qu’un employé qui occupe deux emplois à temps plein ne peut pas demander des congés de maladie à un employeur pour aller travailler chez l’autre, car cela est interdit. À cela il a ajouté qu’un employé doit reconnaître qu’il a mal agi avant de pouvoir s’amender.

33 Mme Way a fait valoir qu’elle n’avait pas de dossier disciplinaire et qu’elle avait obtenu de bonnes évaluations de rendement (pièce G-10). Étant la seule avocate de la Division de l’interprétation de la TPS, elle était expressément appelée à régler certaines questions juridiques.

34 Mme Way a déclaré qu’elle ne voyait pas où se situait le conflit entre ses fonctions à l’ARC et ses autres tâches au CGFC puisqu’il s’agissait de deux postes entièrement différents. Eût-elle senti qu’il existait un conflit, elle en aurait parlé à son chef d’équipe ou au syndicat. Elle a réalisé que le poste au CGFC était de durée indéterminée; elle croyait en outre, lorsqu’elle a accepté l’offre d’emploi, qu’elle n’aurait pas de difficultés à vendre sa maison à Toronto et à déménager.

35 Elle a déclaré ceci : [traduction] « après avoir été inscrite à l’effectif au CGFC, je n’avais pas grand­-chose à faire. » On lui avait remis un laissez-passer, on l’avait présentée aux collègues et on lui avait attribué un bureau et un accès à Internet et peut­-être aussi un télécopieur, un numériseur et un photocopieur. Son nom avait été inscrit dans le carnet d’adresses Outlook pour recevoir des courriels; elle se rappelle aussi qu’on l’avait inscrite à une séance de formation et qu’on lui avait remis une copie du dernier rapport annuel et des Ordonnances et règlements royaux, ainsi que les fournitures de bureau habituelles.

36 À son retour au CGFC, le 8 mars 2004, Mme Way a été avisée par Mme Wexler qu’elle avait manqué la séance de formation de la semaine précédente et que la Section de la technologie de l’information devait faire le nécessaire pour lui donner accès à la base de données de l’organisme. Cette semaine-là, Mme Way a demandé à avoir un horaire comprimé de quatre jours; elle a aussi fait la connaissance de son nouveau superviseur.

37 Après que son nouvel employeur lui eut appris, le 10 mars 2004, qu’il savait qu’elle n’avait pas quitté son poste à l’ARC, Mme Way a indiqué sur la lettre d’offre modifiée qu’elle refusait l’offre d’emploi, mais cela n’a pas été accepté. Le CGFC a plutôt décidé de la suspendre pendant qu’il faisait enquête sur cette affaire (pièce E-8). Mme Way a décrit sa réaction comme suit : [traduction] « Quand quelque chose comme ça arrive, on n’a pas d’autre choix que de se demander quel poste on veut conserver. »

38 Mme Way a déclaré durant son témoignage qu’elle n’avait pas accepté d’offre d’emploi au CGFC et qu’elle n’avait donc pas à aviser l’ARC de quoi que ce soit. Elle n’avait pas non plus à démissionner ou à présenter une demande de congé non rémunéré. Elle se basait pour dire cela sur le fait qu’elle n’avait pas accepté l’offre d’emploi modifiée, qui annulait selon elle l’offre initiale. Elle a ensuite ajouté ceci : [traduction] « Si j’étais allée travailler au CGFC, peut-être auraient­-ils eu raison de sévir contre moi à ce moment-là! »

39 Concernant son absence pour raisons de santé au CGFC, Mme Way a déclaré qu’elle n’avait pas soumis de certificat médical (pièce E-6), de sorte qu’elle n’avait pas demandé officiellement qu’on lui accorde un congé; elle avait juste appelé au travail pour dire qu’elle était malade. À propos du fait qu’elle aurait contrevenu au Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts, Mme Way a déclaré ceci en contre-interrogatoire : [traduction] « On peut faire une erreur à propos de l’existence d’un conflit d’intérêts potentiels, mais cela demeure une erreur, il ne faut pas y voir de la mauvaise foi. »

40 Malgré sa formation juridique, Mme Way a indiqué qu’elle avait de la difficulté à comprendre les termes vagues et généraux du Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts (pièce E-22) et du Code de déontologie et de conduite (pièce E-21). Dans la lettre d’offre initiale de l’ARC (pièce E-27), en date du 4 mai 1998, il est expressément indiqué, à la page deux, que Mme Way atteste par sa signature qu’elle a lu et compris le Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts et qu’elle doit s’y conformer dans le cadre de ses fonctions. Un rappel analogue lui a été fait chaque fois qu’elle a exercé les fonctions d’un poste par intérim, comme en témoigne la pièce E-28.

41 En plus de ces obligations organisationnelles, Mme Way a admis que, en tant qu’avocate, elle doit aussi respecter le Code de déontologie (pièce E-29) du Barreau du Haut-Canada.

42 À l’article 34.05 de la convention collective (pièce G-1), il est écrit que l’employé peut être rappelé au travail pendant ses vacances; Mme Way a admis qu’elle était familière avec cette disposition.

43 Mme Way a convenu que même pendant ses congés annuels, elle n’était pas totalement libre de ses mouvements et que cela s’appliquait aussi durant la période après-emploi.

44 Mme Way a admis que l’avis de dotation électronique (pièce E-30) du CGFC ne faisait pas mention d’un « stage volontaire ». Elle a également reconnu qu’elle n’avait pas avisé Mme Wexler qu’elle acceptait le poste juste pour voir et qu’elle n’avait pas corrigé la lettre de cette dernière en date du 3 février 2004 (pièce E-3), dans laquelle il était écrit que sa « nomination » serait annulée si elle ne se présentait pas au travail à la nouvelle date convenue. Elle n’a pas non plus prévenu la section de la rémunération du CGFC de ne pas établir de chèque de paie ;a son nom puisqu’elle effectuait seulement un stage non rémunéré.

45 Mme Way a admis qu’elle demandait à être réintégrée dans ses fonctions dans le grief contestant son licenciement au CGFC. Or, elle a été incapable d’expliquer à l’avocate de l’employeur comment il se faisait qu’elle demandait à être réintégrée dans un poste qu’elle n’avait jamais accepté.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

46 Mme Way a accepté un poste de durée indéterminée au CGFC sans en aviser l’ARC. Quand on l’a interrogée à ce sujet, elle a refusé de mettre cartes sur table, comme en témoigne sa réponse en date du 31 mars 2004 (pièce E-19) au rapport d’enquête.

47 En ce qui concerne le statut d’emploi de Mme Way au CGFC, il faut privilégier le témoignage de Mme Wexler par rapport à celui de la fonctionnaire s’estimant lésée. Mme Wexler est un témoin très crédible qui n’a aucun intérêt personnel ni professionnel dans cette cause.

48 Mme Way a accepté une offre d’emploi, elle s’est présentée au travail et elle a demandé une aide financière pour s’installer à Ottawa. Compte tenu de sa formation et de son expérience passée comme professeur d’anglais, il faut la prendre au mot lorsqu’elle écrit dans sa demande d’aide à la réinstallation (pièce E-31) : [traduction] « J’ai été nommée à un poste de durée indéterminée […] » Cela explique pourquoi elle n’a pas corrigé Mme Wexler quand celle-ci lui a dit : [traduction] « votre nomination sera annulée ». Cela est également compatible avec la décision de Mme Way d’obtenir un certificat médical (pièce E-6) pour justifier son absence du CGFC et d’appeler au bureau pour dire qu’elle était malade durant la semaine du 1er au 5 mars 2004.

49 Tout au long de ce processus, Mme Way a affiché un manque stupéfiant de franchise. Au vu de ses antécédents comme avocate et représentante syndicale, on ne peut accorder foi à ses propos lorsqu’elle dit qu’elle avait de la difficulté à comprendre le contenu du Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts (pièce E-22).

50 Mme Wexler a déclaré que le CGFC n’offrait pas « de la formation par observation », ni des « stages volontaires », ni même des occasions « d’essayer un poste pour voir ».

51 Mme Way a continué de soutenir à l’arbitrage qu’elle n’avait pas accepté de poste au CGFC et qu’elle n’avait pas agi de façon répréhensible. Elle aurait pu mettre cartes sur table devant M. Kent et Mme Charlton, mais elle ne l’a pas fait. Une employée qui refuse de reconnaître ses torts ne pourra jamais s’amender; cela, même le témoin de la fonctionnaire s’estimant lésée l’a reconnu.

52 Mme Way a soutenu que Mme Wexler, M. Kent, Mme Charlton et même son représentant faisaient erreur. L’avocate de l’employeur a déclaré que la fonctionnaire s’estimant lésée [traduction] « n’[était] pas née de la dernière pluie ». Elle savait qu’elle n’avait pas besoin de se faire prier pour reconnaître ses torts ou pour présenter des excuses, deux choses qu’elle n’a pas faites.

53 Au lieu d’offrir sa collaboration, Mme Way a préféré adopter une attitude de défi en remettant en cause la légitimité de l’enquête dirigée par M. Kent et en contestant le droit des deux organismes d’échanger de l’information. La confiance est un aspect intrinsèque de la relation d’emploi et Mme Way a démontré que l’ARC avait eu tort de lui faire confiance. Mme Way savait qu’elle avait agi de façon répréhensible et manqué de professionnalisme; or, une fois démasquée, sa seule réaction a été de dire que la preuve de l’ARC était insuffisante, de faire porter le blâme aux autres et de mettre en doute la façon dont la direction avait obtenu l’information.

54 L’avocate de l’employeur m’a renvoyé à un certain nombre de causes et d’écrits traitant de l’obligation d’honnêteté et d’intégrité, de l’embauche et des contrats. J’y reviendrai plus loin dans mes motifs de décision.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

55 Avant son licenciement, Mme Way possédait un dossier disciplinaire vierge et occupait un poste de niveau supérieur.

56 L’avis de dotation du CGFC n’indiquait pas au lecteur/candidat potentiel qu’il devait faire savoir à son employeur qu’il posait sa candidature et ne précisait pas non plus s’il s’agissait d’un stage. Le CGFC savait que Mme Way continuait d’être inscrite à l’effectif de l’ARC.

57 Le Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts (pièce E-22) est un document incomplet. La question « de la formation par observation » n’y est pas abordée. Il revenait à chaque employé de déterminer s’il existait un conflit d’intérêts possible. La séance de formation sur le Code de déontologie et de conduite (pièce E-21) fournit seulement de l’information sommaire; aucune période de questions n’est prévue pour obtenir des éclaircissements.

58 Mme Way n’a pas agi de façon malhonnête puisqu’elle avait obtenu un congé de l’ARC.

59 L’offre initiale du CGFC ne pouvait pas être acceptée telle quelle et elle n’était plus valide. Il n’y a rien de répréhensible dans le fait de cumuler deux emplois.

60 Au pis, on peut dire que Mme Way a agi par calcul. Elle n’était pas sûre que le poste au CGFC lui convenait; elle avait aussi besoin de temps pour déterminer si elle avait droit à une aide à la réinstallation et pour vendre sa maison à Toronto.

61 M. Werda a soutenu que Mme Wexler n’était pas crédible et qu’elle avait un intérêt dans l’issue du dossier de l’ARC.

62 Il n’y avait aucune raison de harceler Mme Way pour qu’elle signe la lettre d’offre modifiée si, comme ils le prétendent, la lettre initiale était encore valide.

63 L’enquête a mal été menée et manquait d’équité procédurale et de transparence. M. Kent n’a pas répondu complètement aux questions de M. Waugh et il a dirigé la réunion à la façon d’un interrogatoire bien plus que d’une enquête. Au lieu de tirer des conclusions hâtives, l’ARC aurait dû réfuter chacun des points que Mme Way a soulevés dans sa réponse au rapport d’enquête (pièce E-19). Il est tout à fait normal que Mme Way cherche à préserver son emploi et l’ARC aurait dû tenir compte des circonstances atténuantes, telles que son rendement, la gravité de la faute et le fait qu’elle n’avait pas de dossier disciplinaire, au lieu d’insister sur son manque de coopération et son absence de regrets.

64 M. Werda m’a lui aussi renvoyé à plusieurs causes et écrits.

IV. Motifs

65 Dans une affaire portant sur l’imposition d’une mesure disciplinaire, c’est l’employeur qui a la charge de démontrer que, selon la prépondérance des probabilités :

  1. les faits ayant donné lieu à la mesure disciplinaire se sont produits;
  2. la mesure disciplinaire imposée était justifiée dans ce cas-là.

A. Les faits se sont-ils produits?

66 Les motifs invoqués dans l’avis licenciement de l’ARC (pièce E-24) sont les suivants :

  1. Mme Way a accepté un poste de durée indéterminée au CGFC à Ottawa.
  2. Elle s’est présentée au travail au CGFC à Ottawa.
  3. Elle n’a pas avisé la direction de l’ARC de ces faits.
  4. En s’abstenant de signaler ces faits, Mme Way a contrevenu au Code de déontologie et de conduite et à la Politique régissant les conflits d’intérêts de l’ARC.

1. Mme Way a accepté un poste de durée indéterminée au CGFC à Ottawa

67 La lettre d’offre initiale (pièce E-2) en date du 19 novembre 2003 indique clairement que le CGFC offre à Mme Way le poste d’agent supérieur de grief, PM-05, à Ottawa et qu’il s’agit d’une nomination pour une période indéterminée. La lettre se termine comme suit : [traduction] « Faute d’avoir reçu une réponse [le 3 décembre 2003], nous considérerons que vous refusez cette offre. » Mme Way a signé et accepté l’offre le 28 novembre 2003 et l’a transmise au CGFC, qui l’a reçue avant l’expiration du délai susmentionné. Le premier jour de travail était fixé au 5 janvier 2004, mais il a été reporté au 23 février 2004 à l’issue d’un entretien téléphonique entre Mme Way et Mme Wexler, le 16 janvier 2004. Une lettre datée du 25 février 2004 (pièce E-7) confirme la modification de la date d’entrée en fonction et indique : [traduction] « Les autres conditions mentionnées dans votre lettre d’offre initiale demeurent inchangées. » (pièce E-2).

68 Je conclus que Mme Way a accepté un poste de durée indéterminée au CGFC à Ottawa.

2. Mme Way s’est présentée au travail au CGFC à Ottawa

69 Ici aussi, la preuve est limpide. Mme Way s’est bel et bien présentée au travail au CGFC à Ottawa le 23 février 2004 (pièce E-10). C’était une condition essentielle, comme en témoigne la pièce E-3. Si Mme Way ne s’était pas présentée à la date prévue, le CGFC aurait fait annuler sa nomination. Le mot « nomination » est important ici, tout comme le mot « annuler ». Ces mots sont compatibles avec le contenu d’une lettre en date du 8 avril 2004 (pièce E-15), adressée à Mme Way, dans laquelle on veut savoir si elle a l’intention de démissionner.

70 La tentative de Mme Way d’établir une distinction entre se présenter au travail (reporting for work) et se présenter au lieu de travail (reporting at work) équivaut tout au plus à un exercice de sémantique. L’ensemble de la preuve établit qu’elle s’est présentée au travail : la séance d’orientation, les présentations, le fait qu’on lui a remis les outils nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions, qu’on lui a attribué un bureau, etc. Je ne m’attarderai pas plus qu’il ne faut à cette « distinction », si ce n’est pour citer les paroles célèbres d’Abraham Lincoln : [traduction] « On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps. » Le fait est que la tentative de Mme Way ne semble avoir trompé personne.

71 Dans les causes où il s’agit de déterminer si une personne avait l’intention de quitter son emploi, il est d’usage d’examiner les éléments subjectifs et objectifs du comportement de l’employé. Je crois que les mêmes critères s’appliquent ici pour déterminer si Mme Way avait l’intention d’assumer les fonctions du poste.

72 Pour reprendre l’argument de M. Werda, il n’y a rien de répréhensible dans le fait que Mme Way ait postulé un emploi, qu’elle ait été convoquée à une entrevue après avoir passé les tests exigés et qu’elle ait pris un congé pour participer à un processus de sélection en vue de combler un poste.

73 Il reste que, après avoir reçu une offre d’emploi valable, l’employée doit prendre une décision; doit-elle partir ou doit-elle rester? C’est exactement ce que Mme Way a fait en décidant de se présenter au travail au CGFC le 23 février 2004. Elle avait eu le temps de réfléchir à sa décision et d’en peser les avantages et les inconvénients. Compte tenu de ses antécédents comme professeur de droit contractuel, comme chercheure en droit de l’emploi et comme avocate en droit civil, cela dépasse carrément l’entendement qu’elle persiste à dire qu’elle n’a pas accepté le poste que lui a offert le CGFC. Je reprends à mon compte l’argument imagé, certes, mais néanmoins crucial qu’a fait valoir l’avocate de l’employeur, à savoir que Mme Way [traduction] « n’est pas née de la dernière pluie ». Il n’est pas besoin d’un grand effort d’imagination pour supposer que, avec ses antécédents, Mme Way avait à tout le moins une connaissance élémentaire de ce qu’est une relation d’emploi (pièce E-26).

74 Bien sûr que Mme Way s’est présentée au travail au CGFC à Ottawa; son refus obstiné d’admettre ce fait après avoir juré de dire la vérité devant moi ne contribue certainement pas à établir sa crédibilité ici.

3. Mme Way n’a pas avisé l’ARC qu’elle avait accepté un poste au CGFC à Ottawa et qu’elle s’était présentée au travail 

75 Mme Way admet sans difficulté que c’est le cas. En fait, elle soutient qu’elle n’a jamais accepté un poste au CGFC et qu’il n’y avait rien à rapporter à l’ARC.

4. En s’abstenant de signaler ces faits, Mme Way a contrevenu au Code de déontologie et de conduite et au Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts de l’ARC

76 C’est là un point que je me dois d’examiner de plus près. Tout d’abord, le Code de déontologie et de conduite (pièce E-20) de l’ARC s’appliquait à Mme Way. Elle a reçu de la formation sur son contenu le 12 mars 2002. Le 13 mars 2002, elle a signé le document attestant qu’elle avait reçu une copie du Code, dans lequel on aborde la question des conflits d’intérêts. Dans la lettre d’offre initiale (pièce E-27) en date du 4 mai 1998, que Mme Way a signée ce jour-là, il est indiqué qu’elle a lu et compris le Code régissant les conflits d’intérêts et l’après-mandat. Les cinq documents produits sous la cote E-28 nous montrent qu’à cinq reprises au moins, soit le 21 décembre 1999, le 10 mai 2000, le 7 septembre 2001, le 31 mars 2003 et le 10 juin 2003, Mme Way a reçu une note lui rappelant qu’elle était assujettie au Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts. Il est d’ailleurs écrit ceci dans le Code (pièce E-22) : [traduction] « Ils s’appliquent à tous les employés de l’Agence […] Si vous avez des questions après en avoir pris connaissance, nous vous invitons à consulter votre gestionnaire délégataire. »

77 Ici aussi, comment peut-on s’attendre, au vu des antécédents de Mme Way, à ce que je prenne au sérieux son argument selon lequel elle ne comprenait pas le contenu des deux documents? On lui a très clairement dit, et rappelé périodiquement, que c’étaient des documents importants pour elle. En supposant que j’accorde foi à sa prétention selon laquelle elle ne comprenait pas un ensemble aussi important de règles, ce que je ne fais certainement pas ici, que dois-je alors penser du fait qu’elle n’a rien fait pour se faire expliquer les passages qu’elle semblait avoir de la difficulté à comprendre? Encore une fois ici, le moins que l’on puisse dire c’est que les arguments de Mme Way sont peu crédibles, voire totalement dénués de crédibilité!

78 Cela dit, j’ai examiné trois documents pour déterminer si, en fait, l’ARC avait expressément communiqué ses attentes aux employés :

  1.   Pièce E-20 : le Code de déontologie et de conduite
  2.   Pièce E-22 : le Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts
  3.   Pièce E-25 : la Politique sur les mesures disciplinaires

79 Il s’agit là de documents cohérents que n’importe quel employé peut facilement comprendre. Le témoin de Mme Way a d’ailleurs déclaré que : [traduction] « les employés connaiss[aient] bien les règles régissant les conflits ». Le Code de déontologie et de conduite repose sur quatre valeurs : l’intégrité, le professionnalisme, le respect et la coopération. Il exhorte les employés à s’acquitter de leurs responsabilités de manière consciencieuse, en respectant le code de déontologie. Il indique expressément que les employés doivent collaborer aux enquêtes et en faciliter la tenue.

80 Le Code rappelle à maintes reprises au lecteur que : [traduction] « vous pouvez obtenir de l’aide » « si vous vous interrogez sur l’attitude à adopter, discutez­-en avec votre gestionnaire » et « en cas de doute, demandez conseil ».

81 Le Code aborde aussi la question de la conduite des employés en-dehors des heures de travail en précisant qu’ils s’exposent à des sanctions disciplinaires si leurs agissements les empêchent de s’acquitter de leurs fonctions de manière satisfaisante ou nuisent à la bonne gestion des activités de l’employeur.

82 La décision de Mme Way de ne pas rapporter une chose aussi fondamentale que le fait qu’elle avait accepté un emploi de durée indéterminée dans un organisme situé dans une autre ville et qu’elle s’était présentée au travail est incompatible avec ces attentes, de même que le fait qu’elle n’a pas cherché à se faire expliquer les règles qu’elle ne comprenait pas. Plus particulièrement, sa décision de ne pas collaborer à l’enquête, d’en contester la légitimité et d’adopter une attitude de défi va totalement à l’encontre des obligations qui lui sont imposées et qui lui ont expressément été communiquées.

83 Mme Way aurait pu cerner elle-même le problème dès le début, quand elle a accepté le poste que lui offrait le CGFC. Or elle ne l’a pas fait. Elle aurait pu mettre cartes sur table durant l’enquête de M. Kent, mais elle en a décidé autrement. Elle aurait pu dire toute la vérité dans sa réponse (pièce E-19) au rapport d’enquête, mais elle s’en est abstenue. Après avoir raté ces trois occasions, elle aurait même pu décider de jouer franc jeu avec Mme Charlton, mais là encore, elle n’a pas voulu le faire.

84 Elle n’a pas davantage joué franc jeu avec son représentant syndical, qui a été très surpris d’entendre pour la première fois une grande partie de la preuve présentée à l’arbitrage. Il a témoigné qu’il avait accepté sans réserve ce que Mme Way lui avait dit, sans avoir eu le loisir d’effectuer sa propre enquête. En contre-interrogatoire, M. Waugh a déclaré ceci : [traduction] « Tout ce que j’entends contredit la position qu’on m’a présentée. »

85 Le Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts (pièce E-22) est lui aussi un document clairement rédigé et personne ne peut raisonnablement prétendre que son contenu est vague. Il est explicitement écrit, à la page deux, qu’: [traduction] « […] il revient à chaque employé de prendre les mesures nécessaires afin de prévenir des conflits d’intérêts réels, potentiels ou apparents ».

86 Mme Way n’a pris aucune mesure de ce genre.

87 Plus loin dans le document, il est écrit que les employés doivent, avant de se livrer à une activité externe, s’assurer que cela ne compromet pas leur disponibilité, ni leur capacité à s’acquitter de leurs fonctions ou leur efficacité.

88 Il me semble que le fait de travailler une semaine sur deux dans une autre ville pour un autre employeur devait certainement compromettre la disponibilité de Mme Way à l’ARC. Cela tombe sous le sens.

89 Sous la rubrique [traduction] « Intérêts privés et publics » du Code, il est écrit que  les employés [traduction] « doivent agir avec honnêteté, objectivité et impartialité dans la gestion de [leurs] affaires ». Si taire le fait qu’on occupe à temps plein un deuxième emploi de durée indéterminée n’est pas véritablement mentir, ce n’est pas non plus agir avec honnêteté, objectivité et impartialité.

90 Le représentant de Mme Way a défendu la position que l’enquête de M. Kent avait manqué de transparence. Pourtant, pour une raison qui m’échappe, il me demande de conclure que le subterfuge utilisé par Mme Way est tout à fait acceptable. Il prétend que Mme Way n’a pas agi de façon malhonnête, qu’elle a tout au plus agi par calcul. Cette description édulcorée qui procède de deux poids, deux mesures ne saurait être plus éloignée de la réalité; c’est d’ailleurs cette tentative de banaliser des transgressions répétées des règles fondamentales qui est la cause première du licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée.

91 La Politique sur les mesures disciplinaires de l’ARC (pièce E-25) est clairement rédigée et le contenu lui a souvent été rappelé; la conduite attendue repose sur les quatre valeurs définies par l’ARC, soit l’intégrité, le professionnalisme, le respect et la coopération. Il est aussi clairement dit que tout manquement au Code de déontologie et de conduite sera sanctionné.

92 Bref, il ne fait absolument aucun doute que, pendant les mois de février et mars 2004, Mme Way ne s’est pas conduite de manière à répondre aux attentes qu’elle savait que l’ARC avait à son endroit. Le fait est qu’elle a contrevenu sciemment et à maintes reprises au Code de déontologie et de conduite et au Code et lignes directrices régissant les conflits d’intérêts.

93 Au-delà du fait qu’elle a déçu les attentes de l’ARC, que faut-il penser de ses tractations avec le CGFC? Si sa conduite à l’endroit du CGFC n’est pas en cause ici, je ne peux toutefois la dissocier du contexte que je dois prendre en considération pour déterminer si la peine imposée est justifiée. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Mme Way a trompé le CGFC de la même manière qu’elle a trompé l’ARC. Elle a agi de façon malhonnête et a manqué de franchise à son endroit. Dans le cas du CGFC, Mme Way a fait bien pis qu’omettre de communiquer de l’information; elle a poussé l’audace jusqu’à appeler au bureau chaque jour de la semaine du 1er au 5 mars 2004 pour dire qu’elle était malade.

94 À l’évidence, elle n’avait pas de problèmes de santé puisqu’elle a travaillé toute cette semaine-là à l’ARC à Toronto. Elle a obtenu un certificat médical du Dr Choi à Toronto (pièce E-6). Ce document, qui est daté du 4 mars 2004, indique que : [traduction] « Mme Way sera absente toute la semaine pour des raisons de santé [le passage souligné l’est dans l’original]. »

95 Mme Way a déclaré que je ne devais pas tenir du compte du fait qu’elle avait obtenu un certificat médical puisqu’elle ne l’avait pas utilisé. Elle dit que son représentant syndical l’a remis à Mme Wexler sans son autorisation et qu’elle n’a rien fait d’autre qu’appeler au travail chaque jour pour dire qu’elle était malade.

96 Cela soulève d’autres questions. Mme Way a-t-elle trompé la confiance du Dr Choi? Pourquoi a-t-elle obtenu un certificat médical si ce n’était pas dans le but de justifier son absence au CGFC?

97 Mme Way a été incapable de fournir de véritables explications. Comme je l’ai mentionné plus tôt, il ne m’est pas nécessaire de répondre à ces questions pour déterminer si la décision de l’ARC de licencier Mme Way doit être confirmée. Il n’en demeure pas moins que ces questions concernent la crédibilité de la fonctionnaire s’estimant lésée et sa demande de réintégration.

98 Toujours est-il qu’en fin de compte, je dois déterminer si le fait de transgresser à répétition des règles de conduite connues constitue matière à licenciement, la peine la plus sévère qu’on puisse infliger à un fonctionnaire. C’est une sanction qui est – et qui doit être – réservée aux fautes de conduite les plus graves.

99 M. Werda a défendu la position qu’il faut s’efforcer de préserver la relation d’emploi, et je dois dire que je partage son point de vue à cet égard.

100 Mme Clifford dit que Mme Way n’a plus d’avenir à l’ARC car la direction ne peut plus lui faire confiance pour ce qui touche le respect des règles de l’organisation; or quand le lien de confiance est rompu, la relation d’emploi ne peut plus continuer d’exister.

101 C’est bien triste de le dire, mais je ne peux que lui donner raison. La sanction est certes sévère, mais elle est justifiée. Dans leur ouvrage intitulé Canadian Labour Arbitration, 4e éd., Brown et Betty écrivent ceci, au paragraphe 7:3330 : [traduction] « En fait, certains écarts de conduite sont à ce point contraires à l’éthique et incompatibles avec les buts et objectifs d’une entreprise qu’ils suscitent des doutes réels à propos de la capacité ou de la volonté de l’employé concerné de respecter les règles les plus fondamentales d’honnêteté et de loyauté […] »

102 L’un des aspects de la conduite de Mme Way est son refus d’accepter la responsabilité de ses actes. C’est cela qui continue de troubler l’ARC. Qu’elle refuse de se conformer aux attentes raisonnables de la direction, c’est une chose; qu’elle nie en vain depuis le début et encore aujourd’hui avoir agi de façon répréhensible, en dépit de la preuve accablante qui existe, c’est une toute autre chose.

103 La fonctionnaire s’estimant lésée n’a rien fait pour convaincre l’ARC de sa capacité de se reprendre en mains et de la possibilité de préserver la relation d’emploi, pour reprendre l’argument de M. Werda. Quelle raison l’ARC a-t-elle de croire en un avenir meilleur en réintégrant Mme Way dans ses fonctions?

104 En revanche, elle lui a donné amplement de raisons de conclure que la relation d’emploi est moribonde.

105 Lorsqu’on lui a posé la question, Mme Way a dit qu’elle n’avait pas accepté de poste au CGFC. Elle a défendu la position que la modification de sa date d’entrée en fonction, deux jours après qu’elle fût réellement entrée en fonction, faisait en sorte de rendre l’offre initiale qu’elle avait acceptée nulle et sans effet.

106 Lorsqu’on lui a demandé si elle s’était présentée au travail au CGFC, Mme Way a répondu que non. Elle a prétendu qu’elle s’était juste rendue sur place à la date préalablement convenue pour recevoir de la formation par observation, pour voir – une fiction qu’elle s’est bien gardée de partager avec le CGFC.

107 Mme Way dit qu’elle n’a pas été rémunérée pour son travail. Or la preuve montre clairement qu’un chèque de paie libellé à son nom lui a été remis (pièce E-16). Mme Way soutient qu’elle l’a retourné, ce qui démontre, à son avis, qu’elle n’a pas exercé un emploi lucratif. Il s’agit là d’une opinion clairement erronée.

108 Mme Way dit qu’elle n’a pas demandé au CGFC de lui accorder des congés de maladie. Elle s’est juste présentée au cabinet du Dr Choi afin d’obtenir un certificat médical pour la semaine pendant laquelle elle a travaillé à l’ARC en appelant chaque jour aux bureaux du CGFC pour dire qu’elle était malade. J’estime à nouveau qu’il s’agit là d’une conduite persistante et non pas d’un unique incident isolé. On ne peut faire autrement que se demander combien de temps ce subterfuge aurait duré si les événements n’avaient pas pris la tournure que l’on sait, le 10 mars 2004.

109 Dans Royal Columbian Hospital v. Hospital Employees’ Union (Saligumba Grievance), [2001] B.C.C.A.A.A. No. 39 (QL), l’arbitre écrit, au paragraphe 119 :

[Traduction]

[…]

L’une des questions cruciales auxquelles il faut répondre pour déterminer si la relation d’emploi est irrémédiablement rompue c’est si l’employée s’estimant lésée a véritablement reconnu et admis sa faute, de manière à ce qu’on puisse conclure qu’elle ne persistera pas dans cette conduite à l’avenir si elle est réintégrée dans ses fonctions […]

[…]

Je souscris sans réserve à ces observations. Mme Way n’a pas reconnu ni admis qu’elle avait agi de façon répréhensible. Je ne crois pas qu’elle ait tiré de leçon de toute cette affaire. Les chances qu’elle puisse être réintégrée avec succès sont pratiquement nulles; le grief doit donc être rejeté, et il est rejeté.

110 J’aimerais remercier Mme Clifford et Paula Warnholtz, conseillère principale en relations du travail à l’ARC, pour la patience dont elles ont fait montre durant les nombreuses attentes prolongées causées par les retards persistants de M. Werda.

111 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

112 Le grief est rejeté.

Le 5 juin 2008.

Traduction de la CRTFP

Barry Done,
arbitre de grief

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