Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demanderesse avait déposé un grief en 1997 afin de contester la décision de l’employeur de lui refuser la possibilité de changer de poste avec un autre employé - elle alléguait qu’elle avait été traitée de manière inéquitable et discriminatoire - le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlements des griefs en janvier2000 - la demanderesse avait également déposé une plainte en matière de droits de la personne auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la <<CCDP>>), en 1997, dans laquelle elle alléguait une discrimination fondée sur l’âge - à l’issue d’une enquête, la plainte a été rejetée, en mars2002 et la demande de réexamen présentée par la demanderesse a été rejetée en 2003 - la demanderesse a alors présenté une demande en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels - en mai2006, elle a écrit au ministre de la Justice pour lui demander de faire enquête sur sa situation - on lui a conseillé en décembre2006 de consulter le siteWeb de la Commission - en décembre2007, la demanderesse a déposé la demande en instance en vue d’obtenir la prorogation du délai fixé pour la présentation d’un grief [traduction] <<au premier palier>> - l’employeur s’y est opposé - l’agent négociateur de la demanderesse a indiqué à la Commission qu’il refusait de la représenter - la politique sur l’échange de postes ne faisait pas partie intégrante de la convention collective et s’appliquait séparément de celle-ci - la convention collective contenait une disposition interdisant la discrimination, mais l’agent négociateur a refusé de représenter la demanderesse à cet égard - en conséquence, le seul aspect du grief dont la Commission était régulièrement saisie était celui se rapportant à l’application de la politique de l’employeur - la demanderesse s’était prévalue de tous les recours prévus par la procédure interne de règlements des griefs, et la CCDP avait mené une enquête en profondeur - la demanderesse a prétendu qu'elle avait obtenu de nouveaux renseignements par suite de sa demande d’accès à l’information, mais après en avoir pris connaissance, la Commission a conclu qu’ils ne modifiaient nullement la nature du grief qu’elle souhaitait déposer - la demanderesse n’avait pas fourni de raison claire, logique et convaincante pour expliquer pourquoi elle avait tardé à poursuivre l’affaire - le dépôt d’un grief causerait un préjudice à l’employeur en raison de la période qui s’est écoulée - même si la demanderesse avait présenté une demande de prorogation du délai fixé pour renvoyer son grief initial à l’arbitrage, l’arbitre de grief ne serait pas compétent pour statuer sur cette demande vu que l’agent négociateur a refusé de la représenter. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-05-07
  • Dossier:  568-34-173
  • Référence:  2008 CRTFP 30

Devant le président


ENTRE

AGNES WALTERS

demanderesse

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Walters c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant une demande visant la prorogation d'un délai visée à l'alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, vice-président

Pour la demanderesse:
Elle-même

Pour la défenderesse:
Karine Renoux, Agence du revenu du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits déposées
le 17 janvier, les 6 et 25 février et le 9 avril 2008.
(Traduction de la CRTFP)

Demande devant le président

1 Agnes Walters (la « demanderesse ») a déposé un grief, le 22 août 1997, afin de contester la décision prise par son employeur, en 1995, en 1996 et en 1997, de ne pas l’autoriser à changer de poste avec un autre employé dont le poste avait été déclaré excédentaire. Elle alléguait également dans son grief qu’elle avait été traitée de manière discriminatoire. La demanderesse a bénéficié d’un programme d’encouragement à la retraite anticipée en date du 26 août 1997. Au moment où elle a déposé son grief, elle était représentée par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’AFPC ou l’« agent négociateur »). Le grief a été rejeté au troisième palier de la procédure de règlement des griefs en décembre 1999, au motif qu’il était hors délai. La demanderesse a indiqué que le grief avait également été rejeté au dernier palier de la procédure. Le 2 décembre 2007, la demanderesse a écrit au président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) pour obtenir une prorogation de délai. La demande a été reçue par la CRTFP le 27 décembre 2007.

[Traduction]

Je vous écris afin que vous m’accordiez une prorogation de délai pour déposer un grief contre l’Agence du revenu du Canada afin de faire examiner mon dossier […]

Je vous prie de faire le nécessaire pour vous assurer que l’Agence du revenu du Canada accepte d’examiner mon grief au premier palier.

2 L’Agence du revenu du Canada (l’« employeur ») s’est opposée à la demande de prorogation de délai. La CRTFP a reçu des arguments écrits de l’employeur et de la demanderesse de même que des documents se rapportant au grief et à une plainte connexe en matière de droits de la personne.

3 En vertu de l’article 45 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (« la Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, le président m’a autorisé, en ma qualité de vice-président, à exercer tous ses pouvoirs ou à m’acquitter de toutes ses fonctions en application de l’alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement »), pour entendre et trancher toute question de prorogation de délai.

4 Par l’entremise de la directrice, Opérations du greffe et politiques, de la CRTFP, j’ai demandé que la demanderesse me confirme si son agent négociateur continuait d’approuver son grief et de la représenter. La demanderesse a écrit à l’AFPC pour lui demander de la représenter et a fait tenir copie de sa lettre à la CRTFP. Dans une lettre en date du 15 avril 2008 adressée à la directrice, Opérations du greffe et politiques, l’AFPC indique qu’elle refuse de représenter la demanderesse.

Contexte

5 La demanderesse alléguait dans son grief que la direction lui avait refusé la possibilité de changer de poste avec des employés de son groupe et de son niveau ayant été déclarés excédentaires. Elle prétendait avoir été traitée de manière inéquitable et discriminatoire. À titre de mesure corrective, elle demandait qu’on accepte sa candidature comme remplaçante ou qu’on lui verse un montant équivalent à l’indemnité à laquelle elle aurait eu droit à titre de remplaçante. Elle exigeait également des excuses écrites d’un certain nombre de personnes. La demanderesse a déposé son grief le 22 août 1997. Les événements ayant donné lieu au grief sont survenus en 1995, en 1996 et en 1997. Les réponses reçues aux premier et troisième paliers (les seules que contient le dossier de la CRTFP) rejetaient le grief au motif qu’il était hors délai, tout en abordant la question du bien-fondé du grief.

6 La demanderesse a reçu la réponse au troisième palier le 2 décembre 1997. Elle dit que le grief a été rejeté au quatrième et dernier palier de la procédure, le 27 janvier 2000. Or, l’employeur a seulement fourni les réponses aux trois premiers paliers.

7 Aux alentours de juillet 1997, la demanderesse a déposé une plainte en matière de droits de la personne auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), dans laquelle elle alléguait une discrimination fondée sur l’âge. En septembre 1999, la CCDP a initialement décidé de ne pas statuer sur la plainte tant que la demanderesse n’avait pas épuisé tous les recours prévus par la procédure de règlement des griefs. La CCDP a rouvert le dossier en mars 2000 après avoir été informée par la demanderesse qu’elle avait épuisé tous ses recours. À l’issue d’une enquête, la CCDP a rejeté la plainte, le 21 mars 2002. La demanderesse a demandé que le dossier d’enquête soit réexaminé. La réponse reçue le 17 juin 2003 confirmait la décision de la CCDP selon laquelle ne corroborait pas l’allégation de discrimination. La demanderesse a alors déposé une demande en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels afin d’obtenir des renseignements complémentaires.

8 Dans le rapport d’enquête de la CCDP, il est écrit que le processus d’échange de postes est basé sur des « lignes directrices ». Parmi les documents fournis par la demanderesse figure également une lettre de l’AFPC aux dirigeants du syndicat (en date de mai 1995) dans laquelle il est question de l’annonce, par le Conseil du Trésor, de lignes directrices sur la mise en place d’un processus d’échange de postes dans les ministères.

9 Le 18 mai 2006, la demanderesse a écrit au ministre de la Justice pour lui demander de faire enquête sur sa situation. Le 15 décembre 2006, elle a reçu une réponse du ministre, qui lui conseillait de consulter le [traduction] « […] site Web [de la CRTFP] pour obtenir d’autres renseignements utiles […] ». La demanderesse a alors communiqué avec le président de la CRTFP, le 27 décembre 2007, afin de demander une prorogation de délai.

Arguments

10 L’employeur s’est opposé à la demande de prorogation d’un délai et demande que la requête soit rejetée sans tenir d’audience. La représentante de l’employeur a fait valoir que la demanderesse n’a pas fourni d’explication claire, logique ou convaincante pour justifier son retard. Elle a soutenu également que dans le laps de temps qui s’est écoulé depuis que les événements ayant donné lieu au grief sont survenus, des documents ont été détruits, en application des lignes directrices de l’employeur en matière de conservation des documents; elle a ajouté que la mémoire serait affectée. Elle a dit que l’employeur subirait un préjudice appréciable si on autorisait la demanderesse à présenter son grief.

11 La demanderesse a fait valoir que [traduction] « jusqu’en 2006, [elle] croyai[t] que le syndicat et les droits de la personne étaient les seuls recours dont [elle] disposai[t] pour obtenir réparation ». Elle a également mentionné que le ministre de la Justice lui a dit qu’elle pouvait communiquer avec la CRTFP. Elle a indiqué qu’elle peut fournir des copies des documents qu’elle a obtenus en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et que cela permettrait d’atténuer les craintes de l’employeur concernant la question du préjudice.

Motifs

12 La demanderesse a présenté une demande de prorogation du délai fixé pour déposer un grief « pour étude au premier palier », ce qui signifie qu’elle veut obtenir une prorogation de délai pour déposer un grief auprès de l’ARC. Pour les motifs exposés ci-dessous, je dois rejeter cette demande.

13 En 1997, la demanderesse a présenté un grief pour contester la décision de l’employeur de ne pas l’autoriser à changer de poste avec un autre employé. Après avoir pris connaissance des documents fournis par la demanderesse, j’en suis venu à la conclusion que la politique d’échange de poste ne faisait pas partie intégrante de sa convention collective et qu’il s’agissait en fait d’une politique distincte de l’employeur. Dans ce grief, la demanderesse alléguait également que l’application de cette politique de l’employeur était discriminatoire. Même si le grief ne fait aucune mention d’une disposition quelconque de la convention collective traitant de discrimination, on peut supposer qu’elle s’appuyait sur la stipulation de l’élimination de la discrimination. Or, pour déposer un grief aux termes de la convention collective, il faut avoir l’approbation de l’agent négociateur. Il se trouve que l’agent négociateur a refusé de représenter la demanderesse; c’est donc à dire qu’il n’a pas approuvé l’aspect du grief qui alléguerait une violation de la convention collective. Quant au reste du grief que la demanderesse souhaite déposer, comme il se rapporte à l’application d’une politique de l’employeur, il n’est pas nécessaire d’obtenir l’appui de l’agent négociateur. En conséquence, le seul aspect du grief que la demanderesse souhaite déposer dont je serais régulièrement saisi est celui qui conteste l’application de la politique de l’employeur.

14 Il y a conflit quant à la question de savoir si le grief initial de la demanderesse a été instruit au dernier palier. La demanderesse affirme qu’elle a reçu une réponse au quatrième palier, le 27 janvier 2000. La CCDP a institué une enquête en tenant pour acquis que la demanderesse avait épuisé tous les recours prévus par la procédure de règlement des griefs. L’employeur a seulement fourni à la CRTFP des réponses aux premier et troisième paliers. Avec le passage du temps, il pourrait être difficile de déterminer avec certitude si le grief avait été porté jusqu’au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. La demanderesse a consigné les démarches qu’elle avait faites afin d’obtenir réparation et il ne fait aucun doute qu’elles sont encore bien gravées dans sa mémoire. La CCDP a mené une enquête en tenant pour acquis que le grief avait été porté jusqu’au dernier palier de la procédure et l’employeur ne semble pas s’y être opposé. Selon la prépondérance des probabilités, j’estime que la demanderesse dit vrai quand elle affirme avoir reçu la réponse au quatrième palier.

15 La demanderesse a donc pu se prévaloir de la totalité des recours prévus par la procédure interne de règlement des griefs. Si l’employeur a rejeté son grief à chaque palier au motif qu’il était hors délai, il n’en a pas moins formulé des arguments sur le bien­-fondé du grief. La CCDP a également mené une enquête complète et réexaminé le dossier par la suite. Dans les deux cas, elle a déterminé que la plainte était sans fondement. La demanderesse dit avoir de nouveaux documents en sa possession par suite d’une demande d’accès à l’information. Après en avoir pris connaissance, j’en suis venu à la conclusion que cette information ne modifie aucunement la nature du grief qu’elle souhaite déposer. Je ne vois aucune raison de proroger le délai juste pour lui permettre de contester la même affaire une seconde fois.

16 Quoi qu’il en soit, la demanderesse n’a pas fourni d’explication claire, logique ou convaincante pour justifier son retard à poursuivre sa cause. Compte tenu du laps de temps qui s’est écoulé depuis que les événements en question sont survenus, je causerais un préjudice appréciable à l’employeur en autorisant la demanderesse à déposer un grief, pour la bonne raison qu’une partie des documents ont été détruits et que les témoins ne seraient plus en mesure de se remémorer les événements avec clarté.

17 Même si la demanderesse avait sollicité une prorogation de délai pour renvoyer son grief initial à l’arbitrage, sa demande aurait été rejetée car un arbitre de grief n’a pas la compétence pour instruire les griefs qui ne se rapportent pas à une mesure disciplinaire ou à une violation présumée de la convention collective. Comme je l’ai mentionné plus tôt, la demanderesse n’a pas obtenu l’appui requis de son agent négociateur relativement à l’aspect de son grief qui allègue une violation de l’article de l’élimination de la discrimination de la convention collective.

18 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

19 La demande de prorogation de délai est rejetée et le dossier est fermé.

Le 7 mai 2008.

Traduction de la CRTFP

Ian R. Mackenzie,
vice-président

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