Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant alléguait qu’un représentant de son agent négociateur avait fait des commentaires à l’employeur qui lui avaient causé un préjudice - le représentant agissait alors pour le compte d’une autre fonctionnaire et représentait celle-ci dans le cadre d’un grief contre le plaignant, même si elle ne faisait pas partie de la même unité de négociation - l’arbitre de grief a conclu que le devoir de représentation équitable ne s’appliquait pas puisque le plaignant n’avait pas sollicité l’aide de l’agent négociateur durant la procédure de règlement des griefs. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-04-29
  • Dossier:  561-34-30
  • Référence:  2008 CRTFP 27

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

ROBERT JOHN KRANIAUSKAS

plaignant

and

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeurs

Répertorié
Kraniauskas  c. Alliance de la Fonction publique du Canada et al.

Affaire concernant une plainte visée à l´article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Daniel Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire entendue à Windsor (Ontario)
du 20 au 22 août 2007 et du 12 au 14 février 2008.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Plainte devant la Commission

1 Le 13 octobre 2004, Robert John Kraniauskas (le « plaignant ») a, en vertu de l´article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l´« ancienne Loi »), déposé une plainte dans laquelle l´Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), le Syndicat des employé(e)s de l´Impôt (SEI) et Nick Stein (les « défendeurs ») étaient accusés d´avoir violé l´alinéa 23(1)a) de l´ancienne Loi en n´observant pas les interdictions énoncées au paragraphe 10(2).

2 Les dispositions de l´ancienne Loi citées par le plaignant sont rédigées comme suit :

[…]

23. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l´employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n´a pas, selon le cas :

a) observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10;

[…]

10. (2) Il est interdit à l´organisation syndicale, ainsi qu´à ses représentants, d´agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation des fonctionnaires qui font partie de l´unité dont elle est l´agent négociateur.

[…]

3 Le plaignant a donné les détails suivants au sujet de sa plainte :

[Traduction]

[…]

Le 12 février 2002, M. Stein a participé avec la haute direction à une conférence téléphonique au cours de laquelle il a utilisé son poste syndical pour me nuire.

Le 13 février 2002, lors d´une conversation confidentielle avec ma directrice adjointe, j´ai partagé de l´information que j´avais reçue concernant le harcèlement possible à mon égard. Cette information a été l´objet d´une discussion pendant une téléconférence le 14 février 2003. J´allègue que M. Stein a, à mon détriment, partagé cette information avec d´autres.

Aux alentours du 26 avril 2002, M. Stein a rempli à la main une formule de grief alléguant du harcèlement contre moi de la part de [Mme X], membre de l´IPFPC. M. Stein a signé la formule comme si [Mme X] n´était pas une employée représentée. J´allègue que c´était une attaque directe à mon endroit.

J´allègue que, du 11 février 2002 jusqu´à ce jour, l´AFPC et M. Stein n´ont pas respecté l´esprit et l´objet de la politique de l´Agence sur la prévention et la résolution du harcèlement ni la déclaration de principes de l´AFPC 23A en matière de harcèlement.

Le 1er novembre 2002, M. Stein a répondu au rapport d´enquête de Sondra Sullivan portant sur la plainte de harcèlement. Là encore, dans cette correspondance, M. Stein m´attaquait directement. Les arguments étaient signés par Nick Stein, vice-président régional, Syndicat des employé(e)s de l´Impôt. J´allègue que M. Stein a utilisé sa position syndicale pour influencer négativement la direction.

Le 13 septembre 2004, M. Jim Chorostecki, coordonnateur régional de l´Ontario pour l´AFPC et coordonnateur des plaintes de harcèlement m´a avisé qu´il avait conclu que ma plainte n´était pas fondée. J´allègue que c´était arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi, car ni M. Chorostecki ni qui que ce soit d´autre de ce bureau n´a de quelque manière communiqué avec moi à propos de l´enquête qu´il avait menée.

[…]

4 Comme mesure corrective, le plaignant demandait que [traduction] « […] l´AFPC soit tenue d´accorder au plaignant une indemnité pour perte de possibilités, de salaire et d´avantages ainsi qu´à titre de dommages-intérêts, pour la période commençant le 12 février 2002 ».

5 À l´époque des événements de 2002 qu´il mentionne dans sa plainte, le plaignant était gestionnaire administratif, Division des finances et de l´administration, Windsor, région de l´Ontario, Agence des douanes et du revenu du Canada (l´« Agence »). Il occupait un poste de MG-03. Il était membre de Customs Excise Union Douanes Accise (CEUDA), soit un élément de l´AFPC.

6 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l´article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu du paragraphe 39(1) de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, une plainte déposée auprès de l´ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique avant le 1er avril 2005 doit être réglée par la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») conformément aux dispositions pertinentes de la nouvelle Loi. Un agent du greffe de la Commission a transmis cette information aux parties par lettre en date du 2 juin 2005.

7 Les dispositions pertinentes de la nouvelle Loi figurent aux articles 190, 185 et 187 :

[…]

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l´employeur, l´organisation syndicale ou toute personne s´est livré à une pratique déloyale au sens de l´article 185.

[…]

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s´entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

187. Il est interdit à l´organisation syndicale, ainsi qu´à ses dirigeants et représentants, d´agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l´unité dont elle est l´agent négociateur.

[…]

8 M. Stein a répondu à la plainte dans une lettre que la Commission a reçue le 17 juin 2005 :

[Traduction]

[…]

Autant que je sache, j´ai été contacté par [Mme X], une collègue et amie de l´Agence du revenu du Canada depuis vingt (20) ans. [Mme X] est membre de l´Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC). [Mme X] est venue me demander mon avis sur la procédure en matière de harcèlement au sein de l´ARC, sachant que, comme vice-président régional du Syndicat des employé(e)s de l´Impôt (AFPC), j´avais de l´expérience à cet égard. Après une consultation avec elle et une discussion subséquente avec l´IPFPC, il a été décidé que je l´aiderais/que je la représenterais relativement au dépôt d´un grief/d´une plainte.

[…]Je suis d´accord sur la déclaration de [M. Kraniauskas] selon laquelle j´ai, vers le 26 avril 2002, aidé [Mme X] quant au dépôt d´un grief de harcèlement […]

Pour ce qui est de mon travail de « représentation » dans cette affaire, j´ai accompli ceci :

1 – J´ai aidé [Mme X] à établir un exposé détaillé des faits à l´employeur concernant ses allégations de harcèlement contre M. Kraniauskas.

2 – J´ai assisté à une réunion avec [Mme X] lorsque cette dernière a été interrogée par l´enquêteur externe de l´ARC.

3 – J´ai communiqué avec des représentants du bureau de la commissaire adjointe régionale au sujet du grief de harcèlement non réglé [de Mme X].

D´après l´enquête de l´employeur, le grief/la plainte [de Mme X] contre M. Kraniauskas était fondé. En ce qui a trait à la politique de l´ARC sur le harcèlement, ni [Mme X] ni moi n´avons eu de l´information sur le type de mesure disciplinaire dont M. Kraniauskas aurait été l´objet. Je n´aurais pas eu non plus d´influence auprès de l´employeur quant à la sanction disciplinaire imposée en conséquence. À ma connaissance, M. Kraniauskas a présenté un grief par suite de cette sanction, mais je ne connais pas l´issue de ce grief; la Commission pourrait considérer cette information comme pertinente dans cette affaire.

Après la conclusion de l´enquête, M. Kraniauskas a, avec l´aide de sa représentante syndicale, Cheryl Lucier, déposé une plainte de harcèlement contre moi en vertu des statuts de l´AFPC. L´AFPC a enquêté sur cette plainte, qui a été rejetée.

J´ai lu l´alinéa 23(1)a) et le paragraphe 10(2) de l´ancienne LRTFPdont il est fait état dans la plainte. Me fondant sur le rôle que j´ai joué dans cette affaire et sur mon interprétation de ces dispositions, je n´ai pas agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. J´ai simplement aidé une collègue estimant être harcelée au travail selon la politique de l´ARC. Le fait que l´ARC a, au terme de son enquête, conclu que l´allégation contre M. Kraniauskas en matière de harcèlement était fondée, ce qui peut avoir entraîné une forme de mesure disciplinaire, ne résulte pas de mon action en tant que représentant de [Mme X] ou à titre de vice-président régional du Syndicat des employé(e)s de l´Impôt – AFPC. La conclusion de harcèlement est un résultat des actions de M. Kraniauskas au travail, de sorte que cette plainte est sans fondement.

[…]

9 Le président de la Commission m´a chargé d´entendre et de régler cette plainte en ma qualité de commissaire.

10 Au début de l´audience, le représentant des défendeurs a demandé, sans aucune objection du plaignant, que le nom de la personne que M. Stein avait aidée quant au dépôt d´un grief de harcèlement contre le plaignant reste confidentiel vu les circonstances délicates de la situation. J´ai accepté d´appeler cette personne « Mme X » dans le texte de la présente décision et dans toute citation provenant d´une pièce où figure le nom de cette dame.

11 Le représentant des défendeurs a en outre déclaré que les défendeurs contestent ma compétence selon l´article 187 de la nouvelle Loi pour prendre en considération tous éléments soulevés dans la plainte au sujet d´affaires internes de l´AFPC, citant la décision Bracciale c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicat des employé(e)s de l´impôt, section locale 00048), 2000 CRTFP 88.

II. Résumé de la preuve

12 Le plaignant et M. Stein ont été les seuls témoins à l´audience. Les parties ont déposé 47 pièces en tout.

13 Le plaignant a expliqué au début de son témoignage que sa cause se fondait surtout sur des documents provenant d´environ 2 000 pages que l´employeur lui a fournies le 25 novembre 2005, le 2 mai 2006 et le 15 août 2007, en réponse à une demande d´accès à l´information (AIPRP).

14 Au cours du témoignage du plaignant, le représentant des défendeurs a, à maintes occasions, formulé une objection à l´admissibilité de documents obtenus par le plaignant grâce au processus de l´AIPRP, au motif que ces documents représentaient du ouï-dire, n´étaient pas pertinents, étaient incomplets ou se rapportaient à des questions débordant le cadre de la compétence de la Commission. Le plaignant a répliqué que les documents traitaient d´actions des défendeurs constituant la base de sa plainte et qu´il devrait être autorisé à exposer ces actions.

15 L´alinéa 40(1)e) de la nouvelle Loi accorde à la Commission beaucoup de latitude quant à l´acceptation d´éléments de preuve pouvant ne pas répondre aux critères formels d´une cour de justice :

40. (1) Dans le cadre de toute affaire dont elle est saisie, la Commission peut :

[…]

e) accepter des éléments de preuve, qu´ils soient admissibles ou non en justice;

Les exigences de l´équité procédurale demeurent néanmoins primordiales. Lorsque l´acceptation d´un élément de preuve proposé risque de causer un préjudice à une partie en évoquant des faits sans fondement fiable, il y a une nette limite à la souplesse dont un commissaire doit faire preuve.

16 En l´espèce, j´ai statué qu´un certain nombre des documents produits par le plaignant pendant son témoignage n´étaient pas admissibles. Une partie des documents problématiques contenaient des éléments de preuve qui étaient manifestement du ouï-dire, voire du ouï-dire double dans certains cas. Par exemple, le plaignant a voulu déposer en preuve plusieurs [traduction] « notes d´information » envoyées par une représentante régionale des ressources humaines à des hauts fonctionnaires de l´Agence au sujet des allégations de harcèlement faites contre le plaignant. Ces notes étaient supposément des résumés d´observations préjudiciables formulées à l´égard du plaignant par M. Stein à la représentante des ressources humaines. Le plaignant n´était pas partie aux conversations durant lesquelles les commentaires allégués avaient été faits et n´en a été informé qu´en raison de sa demande d´AIPRP bien après avoir déposé sa plainte auprès de la Commission. Le plaignant n´était pas en mesure de prouver que M. Stein avait effectivement formulé les observations rapportées ni de prouver comment et pourquoi la représentante des ressources humaines avait écrit ce qu´elle a écrit. J´ai avisé le plaignant que la règle de la « meilleure preuve » voulait qu´il envisage une approche différente. Il avait la possibilité d´appeler à témoigner l´auteur des notes d´information, qui pourrait alors être interrogé concernant le contexte, la fiabilité et la véracité des déclarations figurant dans les pièces proposées. Étant donné que le représentant des défendeurs avait pris l´engagement de citer M. Stein comme témoin, le plaignant pouvait en outre poser des questions à M. Stein pendant le contre-interrogatoire pour établir si les conversations avaient eu lieu et déterminer ce qui s´était dit. J´ai fourni des explications semblables lorsque j´ai statué que d´autres pièces proposées n´étaient pas admissibles.

17 Continuant son témoignage, le plaignant a affirmé qu´il y avait eu le 11 février 2002 une réunion entre cinq employés relevant de lui, deux employés d´une autre unité de travail, son directeur et sa directrice adjointe. Le plaignant a été exclu de la réunion. Au cours de cette rencontre, le [traduction] « groupe des sept » employés a exprimé des préoccupations au sujet du plaignant et a déclaré au directeur et à la directrice adjointe qu´il y avait un certain nombre de questions à l´égard desquelles le groupe aurait pu prendre des mesures officielles contre le plaignant mais ne l´avait pas encore fait.

18 Le lendemain matin, la directrice adjointe Deborah Lowry a raconté au plaignant qu´il y avait eu une réunion lors de laquelle des employés avaient discuté de questions le concernant. Mme Lowry l´a avisé [traduction] « de rester discret et de ne rien dire ». Le plaignant a témoigné qu´il s´était conformé à ces instructions.

19 Le plaignant a fait référence à un courriel de M. Stein au directeur Steve Hertzberg en date du 13 février 2002 (pièce C-1). M. Stein mentionnait que le plaignant [traduction] « […]avait déjà été l´objet d´une mesure en raison de son style de gestion ou de son manque de […] » et il rapportait que le plaignant avait été démis de fonctions de supervision et placé dans un poste de chef d´équipe dans un autre secteur. M. Stein poursuivait en écrivant ceci :

[Traduction]

[…]

Il semble maintenant que son style de gestion devienne à nouveau très perturbant pour les membres. Il faut que ça cesse immédiatement et éviter que la situation ne se retrouve dans une autre division de l´ADRC. D´abord les Douanes, puis le BSF de Windsor et maintenant la Division des finances et de l´administration de Windsor. Je crois que la règle de la troisième infraction pourrait être applicable.

[…]

20 Le plaignant a témoigné que M. Stein savait que ce qu´il écrivait dans le courriel du 13 février 2002 n´était pas vrai. La précédente affectation du plaignant au poste de chef d´équipe avait été une promotion par intérim (pièce C-2). Puis la nomination au poste actuel du plaignant, soit le poste de gestionnaire administratif à la Division des finances et de l´administration, a été une promotion à titre permanent (pièce C-3). Le plaignant a déclaré que M. Stein s´était opposé à l´une de ses précédentes affectations intérimaires, de sorte que le plaignant avait été démis des fonctions de ce poste et affecté ailleurs.

21 M. Hertzberg a écrit à M. Stein le 22 février 2002 (pièce C-5) pour l´informer de discussions de la partie patronale à propos d´une participation du Bureau de gestion des différends (BGD) de l´Agence à l´égard des questions soulevées par M. Stein dans son courriel du 13 février 2002. M. Stein a répondu le 26 février 2002 que l´option de la participation du BGD n´était pas acceptable (pièce C-6). Il a déclaré :

[Traduction]

[…]

Comme je l´ai mentionné dans mon courriel précédent, la règle de la troisième infraction semble être la seule mesure corrective. On m´a informé qu´aucune plainte « officielle » n´avait été déposée contre ce particulier. Si vous le désirez, je peux obtenir du SEI et de CEUDA des détails sur ce qui est arrivé dans le passé. Le fait qu´une plainte « officielle » n´ait jamais été déposée (si c´est vrai) ne signifie pas qu´aucune préoccupation n´a été soulevée et que la direction a fait face au problème […] On permet que ce particulier continue ses actions préjudiciables, tandis que les membres et l´organisation en subissent les conséquences. Il faut que cela cesse maintenant et non plus tard […]

[…]

22 Le plaignant a rapporté que ce qu´il avait cru comprendre, c´était qu´à la date de cette correspondance, aucune personne du « groupe des sept » n´avait demandé une représentation syndicale. Le plaignant a témoigné qu´il était bien conscient qu´il y avait de nombreuses préoccupations parmi les employés de l´organisation au sujet de diverses questions. Il a décrit le milieu de travail comme étant nocif. Il a affirmé qu´il avait été recruté pour son poste de gestion afin d´aider à régler les problèmes liés au travail et qu´il avait lui-même rencontré la directrice adjointe dès l´automne 2001 pour l´exhorter à prendre des mesures précises pour résoudre les difficultés, par exemple en engageant un psychologue pour rencontrer les membres du personnel et travailler avec eux. En ce qui a trait à l´initiative du BGD proposée par M. Hertzberg en avril 2002 pour traiter des préoccupations des employés, le plaignant a déclaré que seulement lui et une autre personne avaient accepté l´invitation à participer. L´initiative a été annulée à cause d´un manque d´intérêt.

23 Le 8 avril 2002, le plaignant a envoyé un courriel à ses employés pour les inviter à rencontrer Mme Lowry ou cette dernière et lui-même afin de discuter [traduction] « de toutes questions » lors de la visite à venir de Mme Lowry (pièce C-9). À la même date, M. Stein a écrit à Marlene Underwood, la représentante régionale des ressources humaines de l´Agence, pour lui apprendre que l´invitation du plaignant ne tiendrait pas (pièce C-10), affirmant [traduction] : « […] [c]e type ne comprend pas […] Quand il se sera rendu compte qu´il fait partie du problème, nous pourrons aller de l´avant […] »

24 Mme Lowry est allée à Windsor le 12 avril 2002 pour rencontrer certains membres du personnel individuellement ou en compagnie du plaignant. À l´une de ces dernières rencontres, le membre du personnel Allan Bellemore leur a dit qu´il n´était plus dans le « groupe des sept » et que M. Stein ne le représentait pas. Le plaignant a par la suite découvert grâce à sa demande d´AIPRP que M. Stein avait déclaré à Mme Underwood à peu près à cette date qu´aucun de ses membres ne voulait porter officiellement plainte. De l´avis du plaignant, les questions soulevées à la réunion initiale du 11 février 2002 auraient dû [traduction] « […] s´arrêter là […] ».

25 M. Stein a écrit à la commissaire adjointe Ruby Howard le 23 avril 2002 pour protester contre les retards à traiter de la situation (pièce C-11). Il lui a dit [traduction] « […] [c]ela ne disparaît pas […] comme je l´ai affirmé précédemment, la règle de la troisième infraction devrait s´appliquer ici […] » Il a conclu par l´avertissement suivant [traduction] : « […] j´aviserai mes membres et tout autre employé d´utiliser les recours qu´ils ont, car il est clair que l´employeur agit de façon contraire à la politique de l´ADRC sur le harcèlement ». À la connaissance du plaignant, c´était la première fois qu´il était fait mention de « harcèlement » dans un document ou à une réunion. À cette date-là, le plaignant n´était pas au courant qu´une plainte ou un grief avait été déposé.

26 La première mention du dépôt d´un grief contre le plaignant figure dans un courriel de M. Stein en date du 29 avril 2002, soit là encore un courriel à la commissaire adjointe (pièce C-12). M. Stein écrivait au sujet du plaignant [traduction] : « […] on le laisse continuer à créer une atmosphère de travail toxique […] »; il alléguait en outre que la direction essayait [traduction] « de tirer le rideau [sur la situation] ». La commissaire adjointe a officiellement informé le plaignant qu´il était l´objet d´un grief de harcèlement, dans une lettre en date du 24 mai 2002 (pièce C-15). Elle soulignait qu´elle avait décidé de le muter [traduction] « loin physiquement », tandis que l´employeur faisait des efforts pour s´occuper de la situation. Le plaignant a témoigné qu´il avait continué d´exercer les fonctions de son poste après sa mutation et qu´il avait cru comprendre qu´il pourrait retourner à son lieu de travail normal lorsque son travail l´exigerait.

27 Mme X a déposé le grief, en date du 26 avril 2002, et M. Stein l´a signé (pièce C-16). Mme X travaillait dans une section distincte et ne relevait pas du plaignant. Elle était membre d´une unité de négociation représentée par l´Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC). Le plaignant a exprimé son point de vue selon lequel M. Stein avait violé l´ancienne Loi en déposant un grief pour un membre d´un autre syndicat. Il a déclaré que, se basant sur les faits qu´il connaissait le 26 mai 2002, il considérait qu´il était l´objet d´une attaque de son propre agent négociateur. Il croyait comprendre qu´aucune des personnes du « groupe des sept » n´avait été disposée à porter plainte. Il estimait que la situation au travail s´améliorait et qu´il faisait tout ce qui était possible en vertu de ses pouvoirs pour régler les problèmes existants. Toutefois, jamais un grief n´aurait été déposé contre lui sans la participation de M. Stein. Ce dernier a débordé le cadre de son propre syndicat pour trouver un employé représenté par un agent négociateur différent et disposé à prendre des mesures officielles.

28 Le plaignant a signalé qu´il était retourné à son lieu de travail normal à maintes occasions pour des fins liées au travail. Après l´une de ces visites, M. Stein s´était plaint à l´employeur de la présence du plaignant, parce que l´employeur lui avait [traduction] « […] assuré que cela ne devrait pas se produire tant que la procédure ne serait pas conclue […] » (pièce C-17). Le 1er novembre 2002, M. Stein s´était également plaint de courriels que le plaignant avait envoyés à un groupe d´employés, y compris à Mme X (pièces C-18 et C-19).

29 Le 13 décembre 2002, M. Stein a écrit à la commissaire adjointe, tandis que l´enquête sur la plainte de harcèlement suivait son cours (pièce C-20) :

[Traduction]

[…]

[…]normalement,je ne communique pas directement avec vous avant que vous ayez pris votre décision dans ces affaires. Toutefois, je vous demande de prendre note de l´information suivante.

Lorsque je suis entré en contact avec vous pour la première fois, j´ai mentionné la règle de la troisième infraction dans le cas du [plaignant] et je n´ai pas changé d´avis à cet égard. J´ai transmis à votre bureau des préoccupations relatives à de nombreuses situations que je considère comme pertinentes. Cela inclut des manquements aux règles de sécurité, des déclarations du [plaignant] ainsi que le sentiment général des employés de la Division des finances et de l´administration de Windsor. Je suis bien conscient que, si les membres ne fournissent pas de preuve à l´appui de ces allégations, celles-ci ne sont que du ouï-dire, mais j´ai jugé important de signaler à votre bureau ce dont j´entends parler.

Lorsque je suis retourné au bureau cette semaine, j´ai été informé que certains des employés de la Division des finances et de l´administration de Windsor s´étaient réunis avec leur représentant local du syndicat (CEUDA) à propos du [plaignant]. En fait, CEUDA est en contact avec le directeur des finances et de l´administration au sujet de ces préoccupations. Bien que je ne puisse formuler directement des remarques sur ces préoccupations, j´estime qu´elles doivent vous être signalées par le directeur des finances et de l´administration, étant donné la situation.

[…]

30 Le plaignant a affirmé que lui et M. Stein [traduction] « avaient eu des contacts antérieurement ». M. Stein avait représenté un employé dans une plainte de harcèlement contre le plaignant en 1998. L´enquête de la direction a subséquemment déterminé que les allégations de harcèlement n´étaient pas fondées.

31 En février 2003, l´employeur a fait droit au grief de harcèlement de Mme X. Il a suspendu le plaignant sans traitement pour une période de cinq jours en mars 2003 et l´a ensuite affecté à un poste dans une autre division au même niveau de classification, mais sans aucune fonction de gestion. N´ayant plus aucune responsabilité sur le plan de la supervision, le plaignant a perdu son droit à une rémunération au rendement selon le régime de l´Agence en cette matière. En mars 2004, le plaignant a été muté à un poste de chef d´équipe (PM-03) à la Division de la vérification.

32 Le 18 juin 2004, le plaignant est parvenu à une entente avec l´Agence concernant 69 griefs qu´il avait déposés à l´encontre des conclusions de l´enquête sur la plainte de Mme X en matière de harcèlement. Les parties ont utilisé la procédure de l´Agence consistant en solutions de rechange au règlement des conflits (SRRC) pour arriver à un règlement dont les modalités sont confidentielles. Le plaignant a témoigné qu´un représentant de l´AFPC l´a aidé pour la signature de ses griefs mais que, par la suite, il s´est représenté lui-même jusqu´à la signature du règlement.

33 Le 22 juin 2004, le plaignant a déposé une plainte de harcèlement contre M. Stein auprès de Cheryl Lucier, représentante du Conseil de l´Ontario de l´AFPC (pièce C-21). Mme Lucier a transmis la plainte à la présidente nationale de l´AFPC Nycole Turmel (pièce C-22). Le 9 août 2004, Gerry Halabecki, vice-président exécutif pour la région de l´Ontario de l´AFPC, a écrit au plaignant pour demander des éclaircissements sur la question de savoir s´il alléguait officiellement qu´il avait été harcelé par M. Stein ou s´il cherchait à obtenir des dommages-intérêts de l´AFPC (pièce C-23). Jim Chorostecki, membre du personnel de l´AFPC, est ensuite entré en contact avec le plaignant le 19 août 2004 pour lui demander de remplir et déposer la formule de traitement de plainte de harcèlement de l´AFPC, demande à laquelle le plaignant a acquiescé ce jour-là (pièce C-24). Plus tard le même jour, M. Chorostecki a demandé des éclaircissements au plaignant concernant les actions de la personne l´ayant supposément harcelé, M. Stein (pièce C-25). Le plaignant a répondu, fournissant des détails supplémentaires (pièce C-26).

34 M. Chorostecki a informé le plaignant le 13 septembre 2004 qu´il avait conclu que les faits n´étayaient pas l´allégation de harcèlement (pièce C-28). Il a transmis une copie de ses conclusions au plaignant et l´a avisé de son droit d´interjeter appel devant le Comité exécutif de l´AFPC (pièces C-29 et C-30). Le plaignant a témoigné qu´aucune personne de l´AFPC ne lui a parlé ou ne l´a interrogé pendant l´enquête. Il a exercé son droit d´appel par courrier électronique à l´intention de Mme Turmel en date du 13 septembre 2004 (pièce C-31).

35 Le plaignant n´a eu des nouvelles de Mme Turmel que le 20 octobre 2005 (pièce C-32), et la procédure d´appel ne s´est terminée que le 3 février 2006 (pièce C-34). Les auteurs de la décision en appel ont conclu que le plaignant aurait dû avoir la possibilité de discuter des détails de sa cause avec l´enquêteur initial de l´AFPC. Toutefois, au terme de la procédure de réexamen, il a été conclu que [traduction] « […] l´issue de l´enquête n´aurait pas été différente sans cette omission ».

36 Le plaignant a déclaré que la plainte de harcèlement déposée contre lui par Mme X et appuyée et défendue par M. Stein a grandement entaché sa réputation et que rien [traduction] « […] ne peut [lui] redonner cinq années de [sa] vie ». On lui a fait faire son « purgatoire » pendant un an et il a perdu sa rémunération au rendement ainsi que la possibilité d´être considéré comme candidat pour des promotions. Il a produit les résultats de plusieurs examens confirmant ses qualifications pour des responsabilités à un niveau supérieur et il a donné deux exemples de concours de dotation auxquels il ne s´est pas présenté parce qu´il ne répondait pas à l´exigence voulant que le candidat ait acquis [traduction] « beaucoup » d´expérience pendant deux années consécutives (pièce C-35). D´après le plaignant, les lacunes relatives à l´expérience considérable qui était exigée résultaient directement du fait que son expérience dans le domaine de la gestion avait été interrompue par sa réaffectation à des fonctions autres que la gestion à la suite de la conclusion contre lui en matière de harcèlement.

37 Le représentant des défendeurs a contre-interrogé le plaignant d´une manière approfondie. Les points suivants examinés pendant le contre-interrogatoire sont, à mon avis, très pertinents aux fins de la décision que je dois rendre.

38 Le plaignant a confirmé qu´il a cru comprendre que différents membres au sein de l´AFPC sont représentés par divers éléments et qu´il y a des situations où un élément peut, à l´égard d´une question, ne pas adopter la même opinion qu´un autre élément. Le plaignant a décrit ses propres antécédents professionnels, ce qui incluait des périodes où il a été membre de CEUDA et des périodes où il a été exclu de l´unité de négociation en tant que gestionnaire. Après les mesures disciplinaires dont il a été l´objet à cause de la plainte de harcèlement, il a fini par être muté à un poste représenté par le SEI.

39 Interrogé sur la question de savoir s´il était au courant que l´agent négociateur avait, dans une précédente procédure d´appel, adopté un point de vue ayant entraîné son retrait d´un poste, le plaignant a répondu par l´affirmative et a affirmé que [traduction] «le syndicat voulait que je sois exclu ». Quant à savoir si plusieurs plaintes, questions ou problèmes avaient été soulevés à son sujet dans le passé, le plaignant a répondu qu´il y avait en fait un fil conducteur, puis il a posé la question suivante [traduction] : « Qui était le représentant [dans ces cas-là]? » Sa réponse a été : « M. Stein ».

40 Le plaignant a reconnu qu´il connaissait bien la politique de l´employeur sur le harcèlement et qu´il avait d´ailleurs assuré une formation à des employés sur cette politique dans le cadre de ses fonctions de gestionnaire. Il a admis la proposition suivante avancée par le représentant des défendeurs, à savoir que le harcèlement est une question délicate et très sérieuse qui peut souvent être un facteur de division au travail et qu´il y a rarement une solution [traduction] « universelle » aux situations de harcèlement. Il a reconnu que les employés pourraient choisir, vu le caractère délicat des circonstances, de s´adresser aux représentants de leur agent négociateur d´abord pour qu´ils traitent de leurs préoccupations, au lieu de s´entretenir avec leurs gestionnaires. Il a convenu qu´ils avaient ce droit. Il a également convenu que, dans ce cas-ci, il incombait à M. Stein en tant que représentant de l´agent négociateur d´être ouvert à l´égard des employés désireux de soulever des questions et qu´une partie de son mandat était de répondre à ce que ses membres lui disaient. Plus tard, il a déclaré qu´il comprenait bien que certains employés puissent hésiter beaucoup à lui exprimer leurs préoccupations directement ou autrement.

41 Certes, les employés avaient le droit de s´adresser à M. Stein pour parler de leurs préoccupations, mais le plaignant a témoigné que M. Stein, à titre de dirigeant du SEI, aurait dû orienter les employés membres de CEUDA vers leur propre élément. Quand on lui a demandé de spécifier la disposition relative à cette exigence, le plaignant a renvoyé au paragraphe 10(1) de l´ancienne Loi. Il était d´accord pour dire que, à son lieu de travail, les membres de CEUDA et du SEI travaillaient côte à côte, exerçant en de nombreux cas exactement les mêmes fonctions. Ils travaillaient aussi avec des membres de l´IPFPC.

42 Le plaignant a affirmé que, pendant la période du grief de harcèlement, il estimait que la direction le harcelait et qu´elle avait violé sa propre politique sur le harcèlement. À son avis, son directeur et sa directrice adjointe avaient mal géré la situation. Il n´était pas inconscient des problèmes qui existaient, mais il considérait que l´atmosphère était devenue plus toxique parce que la direction permettait aux employés d´exprimer leurs préoccupations comme ils l´avaient fait à la réunion du 11 février 2002. Si le directeur et la directrice adjointe n´avaient pas mal géré les événements et qu´ils aient fait face [traduction] « de la manière appropriée », la situation aurait été allégée. Ultérieurement, ses préoccupations à l´égard de la direction ont été dissipées grâce au succès de la procédure des SRRC. Il a témoigné catégoriquement qu´il n´était pas coupable de harcèlement, sachant qu´il n´avait [traduction] « rien fait de mal ». Il a maintenu que le rapport d´enquête était erroné.

43 Le plaignant convenait avec le représentant des défendeurs que c´était la direction et non M. Stein qui pouvait ouvrir une enquête de harcèlement et qui en prenait la décision. Il a toutefois insisté pour dire que [traduction] « tout cela est arrivé à cause du grief ».

44 En réponse à une question de ma part visant à obtenir des éclaircissements, le plaignant a déclaré que sa plainte se limitait aux circonstances entourant la représentation, par les défendeurs, de Mme X. Il a signalé que Mme X n´avait été mêlée à aucun des événements allant du 11 février au 10 avril 2002. Ce n´était qu´en avril 2002 que M. Stein avait demandé à Mme X de déposer le grief.

45 Le plaignant a convenu avec le représentant des défendeurs que M. Stein n´avait pas fait valoir à l´employeur que ce dernier devrait licencier le plaignant.

46 Le plaignant a témoigné qu´il n´était pas entré en contact avec son agent négociateur lorsque l´employeur l´avait informé du grief, parce qu´il n´en voyait pas la nécessité. Il a affirmé [traduction] : « Je ne considérais pas que c´était alors nécessaire. » Il reconnaissait qu´il aurait pu s´adresser à l´agent négociateur immédiatement, mais il a confirmé qu´il avait pris la décision de ne pas chercher à obtenir de l´aide. Il a argué qu´il aurait dû y avoir [traduction] « un syndicalisme responsable » dans cette situation, c´est-à-dire que c´est l´agent négociateur qui aurait dû s´adresser à lui. D´après le plaignant, l´omission de l´agent négociateur de s´adresser à lui faisait partie de la violation de l´article 187 de la nouvelle Loi.

47 Le représentant des défendeurs a renvoyé à la réponse du plaignant au rapport d´enquête sur le harcèlement (pièce R-1). Le plaignant a écrit que les discussions initiales au sujet du grief avaient eu lieu entre la direction et M. Stein [traduction] « [...] sans qu´on [lui] offre les services d´un représentant pour défendre [sa] position et surtout [ses] droits ». Le plaignant a d´abord répondu par la négative quand on lui a demandé si l´agent négociateur était légalement tenu d´entrer en contact avec lui pour lui offrir les services d´un représentant après avoir appris les circonstances ayant donné lieu au grief de harcèlement. Puis il a modifié sa réponse plusieurs fois et a fini par dire que, lorsqu´une mesure disciplinaire est l´objet d´une discussion, l´employé a droit à une représentation. L´agent négociateur aurait dû veiller au respect de ce droit quand il exhortait l´employeur à imposer une sanction disciplinaire au plaignant, a déclaré ce dernier. Plus tard, le plaignant a affirmé qu´il [traduction] « confiait au syndicat le soin de [lui] assurer une représentation quant à [ses] droits » et il a allégué que M. Stein aurait dû lui dire de communiquer avec l´agent négociateur.

48 Interrogé de nouveau avec insistance sur la raison pour laquelle il n´avait pas envisagé d´entrer lui-même en contact avec l´agent négociateur, le plaignant a répété qu´il n´avait pas [traduction] « besoin de la participation du syndicat à ce stade-là ». Il n´avait pas [traduction] « besoin d´aide ». Plus particulièrement, le plaignant a confirmé qu´il n´avait jamais appelé M. Stein. Lorsqu´il a fini par voir que M. Stein avait signé la formule de grief de Mme X, le plaignant n´a pas parlé avec M. Stein. Quand on lui en a demandé la raison, le plaignant a répondu [traduction] : « Pourquoi l´aurais-je fait? C´était inutile. »

49 Le représentant des défendeurs a posé une série de questions sur l´utilisation, par le plaignant, de la procédure interne de l´AFPC en matière de plainte de harcèlement. Le plaignant a affirmé avoir déposé sa plainte à l´AFPC parce qu´il avait été victime d´un harcèlement de la part du syndicat. Il a déclaré que l´employeur lui avait imposé une mesure disciplinaire en se fondant sur l´information qui lui avait été fournie par l´agent négociateur. Le plaignant tenait pour responsables de la situation M. Stein et les personnes que ce dernier représentait. Quand on lui a demandé d´éclaircir la question de savoir si c´était uniquement M. Stein qui était l´objet de sa plainte à l´AFPC, le plaignant a dit qu´il avait appelé Mme Lowry pour lui demander qui à l´AFPC était dans cette situation et qu´elle lui avait répondu que c´était M. Stein. Le plaignant a toutefois précisé que sa plainte à l´AFPC était également adressée contre l´AFPC, étant donné qu´il avait reçu un document qui indiquait que M. Stein était vice-président national de l´AFPC (pièce C-21). Pour reprendre les termes du plaignant, M. Stein incarnait l´AFPC. Le plaignant a attendu jusqu´en juin 2004 pour porter plainte dans le cadre de la procédure interne de l´AFPC, parce qu´il jugeait important de commencer par se disculper auprès de l´employeur.

50 Le plaignant a témoigné qu´il s´attendait que l´AFPC communique avec lui après avoir reçu sa plainte. Il espérait que l´AFPC se montrerait disposée à résoudre la situation. Lorsque le représentant des défendeurs a dit qu´il manquait de l´information dans la plainte déposée par le plaignant, celui-ci a répliqué qu´il s´attendait à un suivi si l´enquêteur trouvait l´information trop sommaire. Le document exposant la plainte faisait état des allégations du plaignant, et ce dernier s´attendait que les détails soient l´objet de discussions pendant l´enquête. Interrogé sur la question de savoir si c´était vrai en fait que l´enquêteur de l´AFPC avait communiqué deux fois avec lui pour avoir de l´information (pièces C-25 et C-26), le plaignant a répondu par l´affirmative, mais il a maintenu que l´information fournie n´était qu´une corroboration de ses allégations et qu´il complétait en réalité la formule de plainte. Il a soutenu que l´enquête menée par l´AFPC était « arbitraire ». Il a confirmé que des dirigeants de l´AFPC l´ont ultérieurement interrogé par téléphone dans le cadre de la procédure d´appel et il a convenu que l´AFPC s´était bel et bien occupée de la situation, mais seulement après qu´il eut déposé auprès de la Commission une plainte relative au devoir de représentation juste.

51 Le représentant des défendeurs a demandé si le plaignant était au courant que le document de l´AFPC intitulé Déclaration de principes sur le harcèlement en milieu de travail (pièce R-3) pourrait s´être appliqué à la situation mettant en cause Mme X et s´il savait que l´AFPC pourrait avoir été incapable de le représenter en vertu de cette politique. Le plaignant a répondu par l´affirmative.

52 Concernant le témoignage du plaignant selon lequel il n´avait pu répondre à l´exigence de [traduction] l´« expérience considérable » pour des concours de dotation subséquents, à cause du grief de harcèlement et de sa réaffectation à des fonctions autres que la gestion, le plaignant a reconnu qu´il n´avait jamais reçu quelque chose de l´employeur l´informant qu´il lui était interdit de poser sa candidature. Il a également convenu qu´il peut avoir mal interprété le facteur de l´expérience énoncé dans l´un des concours (pièce C-35) et qu´il était manifestement en mesure de se porter candidat.

53 Lors du réinterrogatoire, le plaignant a de nouveau traité des raisons pour lesquelles il n´avait pas cherché à obtenir de l´agent négociateur des services de représentation. Il a répété que sa directrice adjointe lui avait dit de « rester discret » et qu´il croyait que cette dame ainsi que le directeur et M. Stein s´occupaient de la situation. Une fois que l´employeur l´a officiellement avisé de l´allégation de harcèlement formulée contre lui, le plaignant a considéré que la politique de l´employeur sur le harcèlement (pièce C-36) exigeait qu´il ne parle de l´affaire à personne, y compris au syndicat.

54 M. Stein a commencé son témoignage en expliquant son rôle à titre de vice-président régional du SEI et plus particulièrement la nature de sa participation à ce titre dans les affaires de harcèlement. Il a déclaré que ses principales personnes-ressources dans de telles situations étaient la ou le commissaire adjoint régional et son personnel et que, d´ordinaire, il n´y avait pas d´interaction entre lui et les gestionnaires locaux. Les membres du SEI entrent fréquemment en contact avec lui directement pour avoir de l´aide et des conseils. Sa pratique habituelle consiste à leur servir de guide et à les diriger vers les représentants locaux de l´agent négociateur pour qu´ils prennent les mesures nécessaires aux premier et deuxième paliers de la procédure de règlement des griefs.

55 Le rôle de M. Stein dans cette affaire a commencé lorsque, plusieurs mois avant les événements de février 2002, il a été contacté par des représentants locaux du SEI et qu´on lui a dit qu´il y avait un problème à la Division des finances et de l´administration de Windsor. Suivant sa pratique habituelle, il a exhorté les représentants à essayer de régler le problème au niveau local. M. Stein a affirmé que les membres de CEUDA provenant de la Division des finances et de l´administration avaient également pris contact avec lui directement au sujet de la même situation. Il leur avait donné pour instructions de se conformer à la politique de l´agent négociateur en matière de harcèlement et de travailler à résoudre le problème au niveau du lieu de travail.

56 Après avoir été tenu au courant de tentatives infructueuses pour redresser la situation au niveau local, M. Stein a décidé que c´était dans l´intérêt supérieur de ses membres qu´il communique directement avec la commissaire adjointe régionale pour l´exhorter à agir. Mme Howard a, de son côté, soumis l´affaire au directeur du plaignant, M. Hertzberg.

57 On n´a pas demandé à M. Stein de participer à la réunion de M. Hertzberg en date du 11 février 2002 avec les employés concernés. Certes, M. Stein avait parlé avec au moins trois des employés qui étaient là, mais il n´avait pas eu directement connaissance de la réunion lorsqu´elle s´était tenue et il ignorait qui y avait effectivement assisté. Après la réunion, il a appris que l´employeur proposait que le BGD joue un rôle dans la situation, soit une possibilité qui, estimait-il, échouerait, étant donné que les employés éprouvaient une méfiance à l´égard du personnel du BGD [traduction] « hors d´Ottawa ». Il est de nouveau entré en contact avec Mme Howard pour l´exhorter à s´attaquer elle aussi au problème (pièce C-6). Selon M. Stein, le fait qu´il soit entré en communication avec elle n´était assurément pas un effort [traduction] « pour prendre M. Kraniauskas à partie ». Il considérait que les gestionnaires locaux ne pouvaient résoudre la situation et il se préoccupait de ce qu´aucun des employés en cause n´ait pris des mesures plus officielles, parce qu´ils se sentaient intimidés et avaient peur des conséquences du dépôt d´une plainte de harcèlement. Dans ces circonstances, M. Stein a cru qu´intervenir auprès de Mme Howard était approprié, voire nécessaire.

58 M. Stein a traité de sa mention d´une [traduction] « règle de la troisième infraction » dans son courriel à Mme Howard (pièce C-6). Il a affirmé que [traduction] « c´était la troisième fois qu´il était question d´un harcèlement » de la part du plaignant. Lorsque celui-ci était arrivé du service des douanes au bureau des services fiscaux (BSF) de Windsor, des dirigeants locaux de l´AFPC avaient dit à M. Stein que la mutation résultait d´une affaire de harcèlement, mais il n´avait eu aucun détail. Ultérieurement, les représentants locaux ont signalé à M. Stein de nouvelles allégations de harcèlement formulées contre le plaignant dans le contexte d´un processus de sélection. Aucune plainte officielle n´avait été déposée à ce moment-là, et l´affaire avait été réglée à l´amiable. La troisième infraction, d´après M. Stein, a été le rôle que le plaignant a ensuite joué en créant un milieu de travail nocif à la Division des finances et de l´administration, situation qui a mené au grief de harcèlement de Mme X. M. Stein estimait avoir [traduction] « suffisamment de preuves devant [lui] » pour être convaincu qu´il fallait faire quelque chose. Il a conclu que le plaignant était la cause du problème. Dans de précédents cas de harcèlement, il savait que l´employeur avait parfois décidé de faire en sorte que la personne ayant supposément harcelé des employés soit séparée d´eux. Il considérait que la même approche était alors nécessaire, jusqu´à ce que l´employeur ait effectué une enquête complète conformément à sa politique (pièce C-36). Il insistait pour dire que, dans son courriel à Mme Howard, il ne demandait pas à cette dernière de licencier le plaignant, mais simplement de le retirer de son poste jusqu´à ce que la direction [traduction] « ait fait son travail ».

59 Lorsque, le 8 avril 2002, le plaignant a invité les employés à assister à une réunion avec seulement Mme Lowry ou avec Mme Lowry et lui-même (pièce C-9), M. Stein a écrit à Mme Underwood que les employés ne participeraient pas à une réunion avec le plaignant (pièce C-10). M. Stein a nié que son courriel ait été une attaque contre le plaignant, décrivant plutôt ce courriel comme un effort pour avertir la direction que le projet de réunion ne pouvait marcher. D´après M. Stein, des employés très perturbés lui avaient dit à plus d´une occasion qu´ils avaient peur de ce que le plaignant pourrait leur faire s´ils le rencontraient.

60 M. Stein a, le 23 avril 2004, envoyé à Mme Howard un autre courriel, qui disait que les retards étaient inacceptables et que les efforts de Mme Howard pour déléguer la responsabilité de résoudre le problème au directeur du plaignant étaient également inacceptables (pièce C-11). Le 29 avril 2004, M. Stein a de nouveau envoyé un message à Mme Howard (pièce C-12), car il lui semblait que rien n´avait changé au travail malgré ses précédentes observations ou démarches. Selon les renseignements sur le plaignant qui lui avaient été fournis par ses membres, [traduction] l´« ensemble des propos sexistes et autoritaires ne s´était pas amélioré ».

61 M. Stein a décrit Mme X comme une employée de longue date qu´il connaissait depuis près de 30 ans. Il avait eu avec elle plusieurs discussions au cours desquelles elle avait exposé les problèmes qu´elle avait eus avec le plaignant. Il la voyait comme un défenseur des employés non désireux de prendre des mesures officielles et il était disposé à répondre favorablement à sa demande d´aide quant au dépôt d´un grief contre le plaignant pourvu que l´agent négociateur de Mme X soit d´accord avec cet arrangement. Il a déclaré qu´il avait effectivement obtenu l´approbation requise de cet agent négociateur.

62 Lorsque Mme X a déposé son grief, l´employeur a interrogé M. Stein sur le statut de ce dernier. M. Stein a témoigné qu´il avait signalé clairement à l´employeur qu´il avait signé la formule du grief de Mme X en tant qu´individu et non comme représentant de l´agent négociateur (pièce C-16). Il a néanmoins reconnu que son titre en tant que représentant de l´AFPC [traduction] « est étroitement lié à [son] nom ». Il a fait référence à un courriel en date du 3 avril 2003 d´un représentant de l´IPFPC comme confirmation, après coup, que ce dernier avait approuvé son rôle de représentant de Mme X (pièce R-4).

63 M. Stein a affirmé qu´il ne prenait pas à la légère le rôle consistant à représenter un employé contre un membre de l´AFPC. Cependant, il estimait qu´il devait nettement agir pour favoriser l´intérêt supérieur de ses membres et donner suite à l´engagement de l´agent négociateur et de l´employeur à l´égard d´un lieu de travail sans harcèlement. Il croyait alors que le plaignant était parfaitement conscient de ses droits, qu´il connaissait la procédure et qu´il aurait pu se prévaloir d´un service de représentation de l´AFPC s´il l´avait voulu. Rétrospectivement, M. Stein considérait qu´il aurait pu aller jusqu´à demander à des dirigeants locaux de l´AFPC d´aviser le plaignant qu´il pouvait bénéficier d´un service de représentation de l´AFPC. Si c´était une erreur de jugement de sa part de ne pas l´avoir fait, il était prêt à admettre cette erreur, mais il insistait pour dire qu´il n´avait pas agi de manière vindicative ou capricieuse.

64 M. Stein a déclaré que sa responsabilité dans la situation était d´exhorter l´employeur à prendre la mesure appropriée, c´est-à-dire à mener une enquête indépendante. Une telle enquête a effectivement eu lieu par la suite, et l´employeur a conclu que le plaignant était coupable de harcèlement. Interrogé sur la question de savoir s´il avait utilisé son statut de vice-président régional de CEUDA pour influencer la direction d´une manière défavorable au plaignant, M. Stein a répondu qu´il s´est servi de sa position comme il l´aurait fait dans toute situation pour aider à représenter un employé. À cet égard, il a expliqué que son courriel du 1er novembre 2002 à Heather Jefferys était un effort pour accélérer la procédure d´enquête (pièce C-19). Quant à son courriel du 13 décembre 2002 à Mme Howard (pièce C-20), il a affirmé qu´il avait voulu qu´elle soit bien consciente de ce qui se passait au travail, tandis que l´on attendait le rapport d´enquête, reconnaissant que l´information qu´il transmettait à Mme Howard était du ouï-dire.

65 M. Stein a témoigné que sa participation à l´enquête interne de l´AFPC s´était limitée à celle d´une personne interrogée dans ce cadre. Il avait répondu aux questions que lui avait posées M. Chorostecki et avait ultérieurement assisté à une réunion à Ottawa avec John Gordon et d´autres. Lors de cette séance, il leur avait fourni des renseignements sur le contexte général du lieu de travail où les allégations de harcèlement avaient été formulées et sur les circonstances de sa représentation de Mme X.

66 Concluant son interrogatoire principal, M. Stein a déclaré que, pour autant qu´il le sache, l´AFPC n´avait jamais refusé un service de représentation au plaignant. Au contraire, ce dernier avait reçu des services de représentation quand il en avait demandé. Tout au long de la période pertinente aux fins de la plainte, le plaignant n´a jamais pris contact avec M. Stein pour avoir de l´aide ou discuter de la situation, et M. Stein n´a jamais cherché à influencer l´AFPC de sorte qu´elle ne représente pas le plaignant dans ces circonstances. M. Stein a expliqué que ce n´était jamais une décision facile que celle de représenter un employé dans le dépôt et le soutien d´un grief de harcèlement, en particulier contre un membre, mais il a dit qu´il avait appuyé Mme X dans cette affaire parce que la direction n´avait pas agi adéquatement pour résoudre la situation.

67 Durant le contre-interrogatoire, le plaignant a demandé des explications à M. Stein sur les circonstances entourant la [traduction] « première infraction » alléguée, à l´époque où le plaignant a été muté au BSF de Windsor. M. Stein a témoigné que trois personnes lui avaient alors dit que le plaignant et un autre gestionnaire avaient échangé des postes à cause d´une précédente situation de harcèlement. Il a convenu avec le plaignant qu´il n´était pas au courant d´une situation où un prétendu harceleur retiré d´un lieu de travail a en fait été promu durant la période du [traduction] « retrait », comme le plaignant l´a été. Interrogé sur ce qu´il avait appelé [traduction] « une situation semblable » – [traduction] « l´affaire Sue Parks » –, M. Stein a admis que la seule information qu´il ait reçue au sujet de cet incident était du ouï-dire (pièce C-11). Interrogé davantage, M. Stein a affirmé qu´il avait présenté la « première infraction » à Mme Howard comme un fait parce qu´il croyait qu´elle aurait été intimement liée à une telle situation et qu´elle aurait été en mesure de savoir si [traduction] la « déduction » de M. Stein était exacte ou non.

68 Le plaignant a interrogé M. Stein sur la [traduction] « deuxième infraction » alléguée. M. Stein a affirmé qu´une employée avait déposé une allégation de harcèlement contre le plaignant dans le contexte d´un processus de sélection pour fins de dotation. Le plaignant a demandé à M. Stein quand au juste l´allégation avait été faite par l´employée et quels en étaient les détails. La réponse de M. Stein aux deux questions a été qu´il ne s´en souvenait pas.

69 Pour ce qui est de la [traduction] « troisième infraction » alléguée, le plaignant a demandé à M. Stein combien de membres du SEI travaillaient à la Division des finances et de l´administration en février 2002. M. Stein a répondu qu´il l´ignorait. Le plaignant a demandé combien de ses membres s´étaient plaints à M. Stein à son sujet. M. Stein a déclaré qu´il avait personnellement parlé avec au moins trois personnes, mais il a ensuite concédé que seulement l´une d´elles pouvait avoir été membre du SEI. Interrogé sur ce que ce membre avait allégué au sujet du plaignant, M. Stein a dit qu´il ne se rappelait pas les détails.

70 Le plaignant a cherché à découvrir ce que M. Stein savait de l´histoire des problèmes au travail et du [traduction] « milieu nocif » à la Division des finances et de l´administration de Windsor. M. Stein a témoigné qu´il ignorait comment était l´atmosphère au bureau quand le plaignant s´est vu confier le rôle de gestionnaire et qu´il ignorait également pourquoi le plaignant s´était vu attribuer ce rôle. Il a déclaré qu´il n´était pas au courant des détails concernant [traduction] l´« atmosphère toxique » à cette époque et qu´il ne savait pas si des problèmes identiques ou semblables au travail avaient existé à l´époque du précédent gestionnaire. Il a reconnu qu´il ignorait si le plaignant avait essayé de régler les problèmes au travail ou si la direction et le syndicat avaient déjà travaillé ensemble à résoudre la situation. À ce dernier sujet, M. Stein a affirmé qu´il ne disait pas quoi faire aux dirigeants locaux de l´AFPC.

71 Le plaignant a demandé à M. Stein s´il avait pris des mesures entre la réunion du 11 février 2002 et le courriel de Mme Howard en date du 9 avril 2002 (pièce C-38), pour essayer de résoudre la situation au niveau local, soit l´approche privilégiée par M. Stein d´après son témoignage. M. Stein a répondu qu´il ne se souvenait pas d´avoir avancé des propositions particulières à cet égard. Le plaignant lui a demandé s´il se rappelait avoir informé Mme Howard que ses membres ne voulaient pas déposer des plaintes officielles. M. Stein a de nouveau déclaré qu´il ne s´en souvenait pas, mais il a dit qu´il pouvait l´avoir fait, car c´était conforme à son précédent témoignage sur la manière dont ses membres réagissaient.

72 Le plaignant a demandé à M. Stein quelle information partagée avec lui par Mme X l´avait convaincu que Mme X devrait déposer un grief. M. Stein a raconté que Mme X disait qu´elle était victime d´une intimidation de la part du plaignant, que ce dernier la dépréciait et qu´il la regardait de haut. À part cela, il ne se rappelait pas de façon précise toutes les situations que Mme X avait mentionnées. Il a reconnu que Mme X n´avait jamais travaillé pour le plaignant. Il a aussi reconnu qu´il n´avait pas fourni d´information en réponse à la demande de Mme Howard en date du 26 avril 2002 visant à obtenir des détails supplémentaires (pièce C-41), croyant que Mme X l´avait fait en déposant son grief à cette date-là, et il a convenu qu´il n´avait pas parlé avec ses membres pour obtenir plus d´information une fois amorcée la procédure officielle applicable aux griefs. Interrogé sur la question de savoir s´il avait continué de chercher à faire en sorte que le plaignant soit retiré de son poste une fois déposé le grief, M. Stein a témoigné qu´il croyait qu´il aurait réitéré ses précédentes demandes à cet égard si l´occasion s´était présentée.

73 Le plaignant a examiné avec M. Stein le contenu de ses divers courriels subséquents à Mme Howard et son personnel (y compris les pièces C-12, C-17, C-19 et C-20). M. Stein a nié qu´il ait manqué au devoir de confidentialité dans l´une quelconque de ses communications ou que sa façon de faire rapport sur le plaignant à la haute direction ait constitué du harcèlement ou révélé de la mauvaise foi de sa part. Il a affirmé qu´il estimait de son devoir d´aviser la commissaire adjointe régionale ou son personnel de tout renseignement ou fait nouveau pouvant se rapporter à l´enquête que cette dernière avait ouverte. Il a également déclaré que toutes ses actions étaient [traduction] « sans l´ombre d´un doute » conformes à la politique de l´employeur sur le harcèlement (pièce C-36).

74 Pendant le réinterrogatoire, le représentant de M. Stein a demandé à pouvoir déposer en preuve le rapport d´enquête sur le harcèlement, prétendument pour contrer toute allégation selon laquelle M. Stein avait agi arbitrairement. J´ai refusé, au motif que je devais en l´espèce me prononcer sur le comportement des défendeurs et non sur le bien-fondé du grief de harcèlement de Mme X, sur le caractère adéquat du processus d´enquête en matière de harcèlement ou sur les conclusions de l´enquêteur. Comme on me l´a décrit, il semble que le rapport ne pourrait guère éclaircir ce qu´un défendeur à l´égard de la plainte selon l´article 190 de la nouvelle Loi avait dit ou fait, si ce n´est que le rapport pourrait confirmer que M. Stein avait agi au nom de Mme X. J´ai statué qu´accepter le rapport d´enquête risquait d´ouvrir un débat sur le bien-fondé de l´allégation de harcèlement proprement dite, question qui ne fait nettement pas partie de mon mandat.

III. Résumé de l´argumentation

A. Pour le plaignant

75 Le plaignant a commencé son argumentation en faisant référence au paragraphe 91(4) de l´ancienne Loi :

91. (4) Le fonctionnaire faisant partie d´une unité de négociation pour laquelle une organisation syndicale a été accréditée ne peut être représenté par une autre organisation syndicale à l´occasion du dépôt d´un grief ou de son renvoi à l´arbitrage.

76 Le plaignant a argué que le grief que Mme X avait déposé contre lui n´était pas valide, car Mme X était appuyée et représentée dans son grief par M. Stein, dirigeant élu de l´AFPC, plutôt que par un représentant de l´IPFPC, soit l´agent négociateur accrédité pour la représenter. Le paragraphe 91(4) de l´ancienne Loi empêchait expressément M. Stein d´agir pour la fonctionnaire s´estimant lésée, que cette dernière ou M. Stein ait ou non obtenu le consentement de l´IPFPC à l´égard de cet arrangement. Si l´employeur n´avait pas accepté ou traité le grief de Mme X pour cette raison, l´enquête de harcèlement n´aurait jamais eu lieu. La haute direction ainsi que le plaignant lui-même auraient eu la possibilité de continuer de travailler à résoudre les questions et problèmes de longue date à la Division des finances et de l´administration.

77 Le plaignant a allégué que M. Stein avait violé plusieurs exigences du document de l´employeur intitulé Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement (pièce C-36) au cours de l´enquête sur le grief de harcèlement de Mme X. Le plaignant a argué que M. Stein n´était autorisé à participer aux réunions entre l´enquêteur et Mme X qu´à titre d´observateur et non comme représentant de l´agent négociateur et qu´il avait omis d´enlever son [traduction] « chapeau syndical » durant le processus. M. Stein a en outre enfreint à plusieurs reprises les dispositions de la politique concernant la protection de la vie privée, en faisant des observations sur la plainte directement à Mme Howard et aux membres du personnel de celle-ci comme Mme Jefferys (pièces C-12, C-19 et C-20). Si M. Stein avait ôté son [traduction] « chapeau syndical », comme l´exigeait la politique en question, il n´aurait jamais pu communiquer avec Mme Howard et Mme Jefferys. Il a utilisé son accès privilégié à ces personnes en tant que dirigeant élu de l´AFPC non pas pour l´amélioration de l´unité de négociation qu´il représentait mais plutôt au détriment du plaignant.

78 Le plaignant a maintenu que la politique de l´employeur sur le harcèlement obligeait M. Stein à l´informer des préoccupations de Mme X quant à son comportement une fois ces préoccupations connues de M. Stein. Contrairement à cette exigence, M. Stein n´a jamais communiqué avec le plaignant ou son superviseur pour les aviser du problème allégué. D´après le plaignant, M. Stein n´a jamais voulu faire partie de la solution. Malgré ses déclarations voulant que les questions soient réglées au niveau local, M. Stein a fait le contraire et s´est engagé activement dans une voie qu´il a lui-même décrite comme étant la plus destructrice pour toutes les personnes en cause.

79 En réponse à une question de ma part visant à obtenir des éclaircissements, le plaignant a affirmé que le manquement de M. Stein à l´obligation de respecter le document de l´employeur intitulé Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement n´était pas arbitraire ni discriminatoire au sens de l´article 187 de la nouvelle Loi mais dénotait assurément de la mauvaise foi aux termes de cet article.

80 Le plaignant a analysé en détail la substance des communications de M. Stein avec l´employeur et notamment sa mention répétée d´une « règle des trois infractions ». Le plaignant a argué que la preuve montrait que M. Stein avait conclu dès le départ que le plaignant était coupable. M. Stein était déterminé à mettre au jour des événements et de la fausse information – mais il n´y avait rien à mettre au jour – pour appuyer cette conclusion dans un effort résolu pour se débarrasser du plaignant. D´après ce dernier, les propos et allégations de M. Stein dans ses nombreux messages à l´employeur trahissaient nettement sa mauvaise foi et son animosité continuelles à l´égard du plaignant (pièces C-6, C-10, C-11, C-12, C-14, C-17, C-18 et C-20). M. Stein a constamment décrit à l´employeur le style de gestion du plaignant dans les termes les plus négatifs et a [traduction] « sélectionné » de l´information pour essayer de prouver la culpabilité du plaignant. Ce sont les efforts persistants de M. Stein qui ont fait en sorte que la direction a pris des mesures contre le plaignant. Pour reprendre les propres termes de M. Stein, [traduction] « […] [il ne croyait pas] que quelque chose se serait passé sans [son] intervention dans l´affaire » (pièce C-6). Le plaignant a maintenu que, en tant que gestionnaire, il avait toujours traité le syndicat comme un partenaire dans le règlement des problèmes. Dans les circonstances de la plainte de harcèlement contre lui, toutefois, c´était son [traduction] « partenaire » syndical qui [traduction] « ne comprenait pas ».

81 Le plaignant a attiré particulièrement l´attention sur la « première infraction » alléguée par M. Stein, c´est-à-dire sur l´allégation voulant que le plaignant ait été muté en 1997 au BSF de Windsor dans un échange avec un autre gestionnaire en raison d´un précédent cas de harcèlement mettant en cause le plaignant. Ce dernier a dit que les démarches que M. Stein avait faites auprès de la direction locale à cette époque pour le retirer du lieu de travail constituaient le [traduction] « manquement ultime » à l´obligation d´être de bonne foi. Le plaignant a allégué que M. Stein présentait comme un fait à l´employeur l´allégation voulant que le harcèlement soit la raison de l´échange de gestionnaires, alors qu´il ignorait si cette allégation était véridique. M. Stein ne s´est pas soucié de découvrir ce qui était effectivement arrivé. En particulier, il ignorait que le plaignant avait été promu à l´époque, soit une issue dont M. Stein a convenu qu´elle n´était pas habituelle dans une situation de harcèlement.

82 [Traduction] L´« argument final » du plaignant était centré sur la manière dont l´AFPC s´était occupée de sa plainte contre M. Stein en matière de harcèlement, soit une procédure que le plaignant a décrite comme étant arbitraire et comme dénotant de la mauvaise foi. Le plaignant a soutenu qu´au premier palier de la procédure, l´AFPC n´avait pas pris sa plainte au sérieux et avait rendu une décision sur la question du bien-fondé sans entrer en contact avec lui pour avoir de l´information. La décision au premier palier spécifiait incorrectement la politique de l´AFPC en vertu de laquelle le plaignant avait déposé sa plainte. L´arbitraire et la mauvaise foi ont continué à l´étape de l´appel. Les enquêteurs nommés ont rencontré personnellement M. Stein mais ont simplement mené un entretien téléphonique avec le plaignant, ce qui avantageait injustement M. Stein. D´après le plaignant, les enquêteurs de l´AFPC auraient dû aller le voir personnellement ou lui demander d´aller les rencontrer. Une fois leurs travaux terminés, c´est seulement le 3 février 2006 que Mme Turmel a rendu une décision en appel.

83 Pour ce qui est de l´objection des défendeurs à ma compétence pour examiner les circonstances de la procédure de plainte de harcèlement de l´AFPC, le plaignant a argué que la décision Bracciale, citée par les défendeurs au début de l´audience, concluait simplement que la Commission n´avait pas compétence pour entendre une [traduction] « affaire syndicale » interne relative à l´agent négociateur lorsque l´employeur ne jouait aucun rôle. Tel n´était pas le cas en l´espèce. Les événements qui ont amené le plaignant à utiliser la procédure de plainte de harcèlement de l´AFPC se sont tous produits au lieu de travail de l´employeur, concernaient des politiques de l´employeur et, par nature, faisaient partie de la relation entre l´employé, l´employeur et l´agent négociateur. Ainsi, la Commission a compétence pour prendre en considération tous les éléments de la plainte.

84 À la conclusion de son argumentation, j´ai demandé au plaignant si le devoir incombant à un représentant d´un agent négociateur en vertu de l´article 187 de la nouvelle Loi entre en jeu lorsqu´un employé ne demande pas à être représenté par l´agent négociateur. Il a répondu par l´affirmative. D´après le plaignant, dès que l´agent négociateur a été au courant d´une question qui le concernait, il avait l´obligation de le représenter conformément à l´article 187. À l´appui de cette affirmation, le plaignant a cité la référence, au paragraphe 36 de Richard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 61, à Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et al., [1984] 1 R.C.S. 509. Cette référence, selon le plaignant, indique que l´agent négociateur est tenu de ne pas agir de façon arbitraire, capricieuse, discriminatoire ou abusive, même quand il décide de ne pas représenter un employé. Il a déclaré : [traduction] « Je suis ici à cause de la présentation erronée par le syndicat. »

B. Pour les défendeurs

85 Le représentant des défendeurs a argué que le plaignant s´est adressé à la Commission pour se disculper. Cette audience n´est toutefois pas un forum permettant au plaignant de contester l´enquête de harcèlement ou ses résultats. Les préoccupations du plaignant à cet égard ont été l´objet des 69 griefs qu´il a déposés. La Commission n´est pas saisie de ces griefs ni des détails de tout règlement intervenu entre le plaignant et l´employeur.

86 D´après le représentant des défendeurs, le plaignant tient M. Stein pour responsable de la décision de l´employeur de lui imposer une mesure disciplinaire. Il considère les actions de M. Stein comme étant à la base de la décision de l´employeur de mener une enquête et à la base des conclusions découlant de cette enquête. Celle-ci a cependant eu lieu parce que le plaignant avait agi incorrectement. Les résultats de l´enquête (pièce R-2) ont amené l´employeur à reconnaître le plaignant coupable de harcèlement et à lui imposer subséquemment une sanction disciplinaire. Ces résultats, conclusions et actions confirmaient les préoccupations relatives au comportement du plaignant que M. Stein avait exposées à l´employeur, pour Mme X, et aux membres de son syndicat en milieu de travail.

87 Le représentant des défendeurs a maintenu que le plaignant n´accepte toujours pas la responsabilité de ses actes. Il est à noter que, dans la réponse au rapport d´enquête qu´il a présentée le 21 octobre 2002 (pièce R-1), le plaignant a effectivement imputé ses problèmes à la direction :

[Traduction]

[…]

J´affirme que, dans ce cas-ci, la direction a favorisé une diffusion inutile de l´information qu´elle avait reçue à la réunion du 11 février […]

[…]

[…] lorsque M. Hertzberg et Mme Lowry ont rencontré le personnel le 11 février, ils n´ont pas pris les précautions nécessaires pour veiller à la protection de mes droits en tant qu´employé et à titre de membre d´un syndicat. À cause de leurs actions du 11 février, la présentation erronée des faits et la diffamation dont je suis victime ont été débattues ouvertement, ce qui est de la calomnie par définition […]

[…]

Après la réunion du 11 février, des conférences téléphoniques et une offre de faire intervenir le représentant du Bureau de gestion des différends (BGD) ont été les seules actions de la direction. L´offre en question n´ayant guère suscité de réaction, elle a été annulée, sans autre action quelconque. J´argue que c´est cette erreur de la direction qui a donné lieu au dépôt de la plainte.

[…]

88 M. Stein se trouvait devant une situation très difficile et avait une décision difficile à prendre. Son témoignage a montré qu´il n´avait pas été vindicatif. Il n´était pas d´accord avec le manque d´action et les omissions de l´employeur à l´égard des préoccupations que les employés exprimaient au sujet du harcèlement, comme l´avait fait le plaignant, et il avait formulé des observations en conséquence. Tous ses rapports avec la direction étaient conformes à son rôle de dirigeant élu de l´agent négociateur. Il formulait ses observations ou entreprenait ses démarches en croyant sincèrement qu´il avait la responsabilité et l´obligation de s´occuper du harcèlement allégué par ses membres, étant donné la politique de l´employeur contre le harcèlement et les politiques de l´agent négociateur. Le plaignant devait s´acquitter de la charge de prouver que le grief contre lui avait été déposé uniquement à cause de la mauvaise foi de M. Stein. Il ne l´a pas fait.

89 De plus, le représentant des défendeurs a affirmé que le plaignant avait sciemment renoncé à ses droits à une représentation de la part de l´agent négociateur jusqu´à la période suivant l´imposition, par l´employeur, de mesures disciplinaires. C´est seulement alors qu´il a demandé le soutien de l´agent négociateur relativement au dépôt de 69 griefs contre l´employeur. Le plaignant a clairement témoigné qu´il n´avait pas besoin d´une représentation auparavant. En fait, le plaignant a argué que la politique de l´employeur sur le harcèlement (pièce C-36) l´empêchait d´être représenté par l´agent négociateur durant l´enquête. En vertu de l´article 187 de la nouvelle Loi, les obligations positives d´un agent négociateur ou de ses représentants ne tiennent pas lorsqu´un employé a renoncé à ses droits à une représentation.

90 Le fait que M. Stein n´a pas pris contact avec un représentant local de l´agent négociateur pour lui suggérer d´informer le plaignant qu´il avait droit à une représentation syndicale peut avoir été une erreur, comme l´a admis M. Stein. Ce n´était toutefois pas une violation de l´article 187 de la nouvelle Loi. La jurisprudence indique clairement que les représentants de l´agent négociateur doivent avoir beaucoup de latitude dans leurs démarches et exposés et qu´ils ont droit à l´erreur. Même si ceci était une erreur, l´omission de M. Stein d´entrer en contact avec le plaignant ou de prendre des dispositions à cette fin pour discuter de ses droits à une représentation n´a pas nui à l´exercice de tels droits par le plaignant.

91 Quant au renvoi, par le plaignant, au paragraphe 91(4) de l´ancienne Loi, le représentant des défendeurs a concédé que M. Stein n´a jamais agi à titre individuel en représentant Mme X – si ce n´est quand il a signé la formule de grief (pièce C-16) – mais plutôt à titre de dirigeant élu de l´AFPC. Il a reconnu que l´AFPC pouvait ne pas avoir le droit de présenter un grief pour un employé représenté par un agent négociateur différent, mais il a demandé que la décision de M. Stein soit considérée en prenant en compte, comme contexte, la situation locale, la relation de M. Stein avec Mme X et le fait que M. Stein avait demandé et obtenu l´autorisation de l´IPFPC. De toute manière, la possibilité que M. Stein n´ait pas agi conformément au paragraphe 91(4) de l´ancienne Loi ne signifie pas qu´il y a eu une violation de l´article 187 de la nouvelle Loi.

92 Concernant son objection en matière de compétence, le représentant des défendeurs m´a renvoyé à Bracciale et à Kowallsky c. Alliance de la Fonction publique du Canada et al., 2007 CRTFP 30. Selon les défendeurs, la plainte de harcèlement déposée par le plaignant contre M. Stein en vertu de la « déclaration de principes 23 » de l´AFPC était purement et simplement une affaire interne se rapportant à l´agent négociateur. Ainsi, la jurisprudence établie en vertu de l´ancienne Loi indique clairement que la Commission n´a pas compétence.

93 À titre subsidiaire, le plaignant n´a présenté aucune preuve montrant que la façon dont l´AFPC l´a traité durant la procédure interne applicable aux plaintes était arbitraire ou discriminatoire ou qu´elle dénotait de la mauvaise foi. L´AFPC s´était engagée à enquêter sur la plainte et c´est ce qu´elle a fait, parvenant à une décision après avoir donné au plaignant la possibilité de fournir de l´information. Il n´y avait aucune preuve que l´agent négociateur ait cherché à protéger M. Stein. À l´étape de l´appel, Mme Turmel a bel et bien conclu qu´il aurait fallu donner au plaignant une possibilité accrue de fournir des renseignements pendant l´enquête initiale mais elle a ensuite conclu que cette lacune ne faisait pas obstacle aux conclusions de l´enquêteur voulant que le plaignant n´ait pas été harcelé (pièce C-34).

94 Le représentant des défendeurs a signalé que le plaignant n´avait pas traité de la question de la mesure de redressement dans son argumentation. Le plaignant ayant soutenu qu´il avait à tort compris que la question du redressement serait examinée séparément à la fin de l´audience, j´ai accordé au plaignant la possibilité de traiter des mesures correctives de concert avec tout argument présenté en guise de réfutation, et j´ai accordé aux défendeurs un droit correspondant de formuler des observations.

95 Le représentant des défendeurs a conclu son argumentation en me renvoyant à l´examen de l´arbitraire dans le contexte du devoir de représentation juste figurant dans Jakutavicius c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2005 CRTFP 70.

C. Preuve du plaignant produite en guise de réfutation

96 Le plaignant a argué qu´il n´avait demandé à être représenté par l´agent négociateur que lorsque ce fut nécessaire dans le contexte de son dépôt subséquent de 69 griefs. Il a cité Sophocleous c. Pascucci et Richey, dossier de la CRTFP 161-02-861 (19981021), à l´appui de la proposition selon laquelle une représentation, par l´agent négociateur, n´est pas permise au cours d´une enquête en matière de harcèlement.

97 Le plaignant a cherché à produire des dispositions d´ordre disciplinaire de la convention collective entre l´employeur et l´AFPC au soutien de l´argument voulant qu´un employé soit en droit d´être représenté par l´agent négociateur chaque fois que l´employeur discute de discipline. Le représentant des défendeurs ayant formulé une objection, j´ai statué que les extraits de la convention collective n´étaient pas admissibles dans le contexte de la plainte dont je suis saisi. En vertu de la nouvelle Loi, les questions portant sur l´interprétation ou l´application d´une convention collective sont l´objet d´un renvoi à l´arbitrage en vertu de l´article 209 et non d´une plainte en vertu de l´article 190. De plus, la plainte qui m´a été soumise ne faisait nullement mention d´une violation de la convention collective. À mon avis, ce serait une erreur en droit et une violation de l´équité procédurale si j´acceptais d´entendre des arguments sur la signification ou l´incidence de la convention collective dans le cadre de mon examen de la question du bien-fondé de la présente plainte.

98 Le plaignant a affirmé qu´il n´avait jamais renoncé à ses droits d´être représenté par l´agent négociateur comme l´alléguait le représentant des défendeurs. Il a déclaré qu´une représentation par l´agent négociateur est comparable à une assurance automobile. Il estimait que, comme membre de l´AFPC qui paye des cotisations, ses intérêts étaient toujours protégés conformément aux exigences des règles de droit.

99 Au sujet du redressement, le plaignant a demandé que la Commission ordonne aux défendeurs de payer les frais liés à l´obtention d´avis actuariels professionnels pour déterminer le montant que lui doivent les défendeurs à l´égard de ses pertes et de l´atteinte à sa réputation résultant de la violation, par les défendeurs, de l´article 187 de la nouvelle Loi. En réponse à une question que j´ai posée, le plaignant a dit qu´il n´avait aucune preuve concrète permettant de quantifier sa perte.

100 Le représentant des défendeurs a répliqué que le plaignant avait demandé un redressement particulier dans sa plainte initiale. Le plaignant devait donc s´acquitter de la charge de quantifier et décrire, par des éléments de preuve, la mesure corrective qu´il demandait, mais il ne l´a pas fait.

IV. Motifs

101 La charge dont le plaignant doit s´acquitter en l´espèce consiste à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les défendeurs ont violé l´article 187 de la nouvelle Loi :

187. Il est interdit à l´organisation syndicale, ainsi qu´à ses dirigeants et représentants, d´agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l´unité dont elle est l´agent négociateur.

102 Le libellé de l´article 187 de la nouvelle Loi établit le cadre analytique permettant de déterminer si le plaignant s´est acquitté de cette charge. À mon avis, il y a trois éléments dans la preuve requise. Le premier n´est normalement pas sujet à controverse mais est néanmoins nécessaire : le plaignant doit prouver que le ou les défendeurs sont une « organisation syndicale » accréditée comme étant l´agent négociateur pour l´unité de négociation dont le fonctionnaire fait partie ou qu´ils sont des « dirigeants [ou] représentants » de cette organisation syndicale. Deuxièmement, le plaignant doit montrer que les activités qui sont l´objet de sa plainte sont des activités « en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l´unité ». Enfin, le plaignant doit montrer que le ou les défendeurs ont agi « de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi » en effectuant des démarches ou en formulant des observations.

103 Avant de me pencher sur le premier des trois éléments, je souligne que, durant son témoignage, le plaignant a donné des éclaircissements sur le fondement de sa plainte. Il a déclaré que sa plainte se limitait aux circonstances entourant la représentation de Mme X par les défendeurs (paragraphe 44 de la présente décision). Il a également déclaré que Mme X n´avait joué aucun rôle dans les événements allant du 11 février au 10 avril 2002 et que c´était seulement à un moment donné en avril 2002 que M. Stein avait demandé à Mme X de déposer le grief.

104 Si je devais accepter ces éclaircissements comme modifiant la plainte initiale, je ne pourrais plus tenir compte dans la présente décision des allégations figurant aux deux premiers paragraphes de l´exposé de la plainte. Ces allégations contestaient les mesures prises avant avril 2002 par M. Stein et la directrice adjointe dont relevait le plaignant :

[Traduction]

[…]

Le 12 février 2002, M. Stein a participé avec la haute direction à une conférence téléphonique au cours de laquelle il a utilisé son poste syndical pour me nuire.

Le 13 février 2002, lors d´une conversation confidentielle avec ma directrice adjointe, j´ai partagé de l´information que j´avais reçue concernant le harcèlement possible à mon égard. Cette information a été l´objet d´une discussion pendant une téléconférence le 14 février 2003. J´allègue que M. Stein a, à mon détriment, partagé cette information avec d´autres.

[…]

105 Certes, ce serait approprié d´un point de vue procédural, à mon avis, que d´accepter ainsi les éclaircissements du plaignant et de soustraire ces deux paragraphes à mon examen, mais je ne crois pas que cela modifierait considérablement la question fondamentale que le plaignant a soumise à la Commission : est-ce que les défendeurs ont agi arbitrairement, de mauvaise foi ou de manière discriminatoire vis-à-vis du plaignant dans leurs observations concernant le grief de harcèlement déposé par Mme X contre le plaignant? En pratique, une preuve sur ce qui s´est produit immédiatement avant avril 2002 – soit l´objet des deux premiers paragraphes de la plainte – pourrait fournir un contexte utile pour l´examen de cette question.

A. Statut des défendeurs

106 Le plaignant a reconnu trois défendeurs : l´AFPC, le SEI et M. Stein.

107   L´AFPC est une « organisation syndicale » accréditée comme étant l´agent négociateur pour une unité de négociation, au sens de la nouvelle Loi, et elle inclut donc un défendeur légitime aux fins de l´article 187.

108 La preuve indique que le SEI est une organisation qui est un élément de l´AFPC et qui a ses propres dirigeants élus, lesquels agissent comme représentants de l´employé au nom du SEI et de l´agent négociateur. Le SEI n´est pas lui-même une organisation syndicale accréditée comme étant l´agent négociateur pour une unité de négociation. À titre d´organisation et non à titre de personne, le SEI ne peut non plus être considéré comme un « dirigeant » de l´organisation syndicale accréditée aux fins de l´article 187 de la nouvelle Loi, et il n´est pas évident non plus qu´il puisse être traité comme un « représentant » de l´organisation syndicale accréditée à ces fins. Ce dernier statut est normalement accordé à une personne plutôt qu´à une entité.

109 Sur ce fondement, il peut y avoir de bonnes raisons de soulever la question de savoir si le SEI est un défendeur légitime aux fins de l´article 187 de la nouvelle Loi. En définitive, cependant, les motifs ci-après ne m´obligent pas à énoncer une conclusion officielle sur ce point. N´ayant reçu aucun argument particulier des parties sur cette question, je laisserai celle-ci de côté.

110 Je considère que, tandis qu´il occupait un poste au sein du SEI, M. Stein agissait en fait comme représentant de l´AFPC dans les circonstances de la présente plainte et qu´il est donc un défendeur légitime. Quoiqu´il ait signé le grief de Mme X à titre individuel, plutôt qu´en tant que représentant de l´agent négociateur, le représentant des défendeurs a bel et bien concédé lors de l´argumentation que M. Stein n´agissait jamais en tant que particulier dans ses démarches pour Mme X et les autres employés. Il se décrivait lui-même comme étant un représentant de l´AFPC quant aux mesures qu´il prenait et il appert que l´employeur et le plaignant comprenaient qu´il agissait en cette qualité.

B. « Représentation » au sens de l´article 187 de la nouvelle Loi

111 La relation entre un agent négociateur (ou ses dirigeants et représentants) et les employés inclus dans l´unité de négociation est une relation à facettes multiples. Elle peut comporter – et c´est souvent le cas – une interaction relative à de nombreux types de questions et de situations. L´article 187 de la nouvelle Loi porte principalement sur les aspects de cette relation qui se posent « en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l´unité ». Comme l´indique clairement la jurisprudence, ce secteur d´activité n´est pas illimité. Certaines parties importantes de la relation entre un agent négociateur et ses membres ont été considérées comme débordant le cadre des pouvoirs de la Commission selon cette disposition législative.

112 Comme préalable de l´examen du bien-fondé du cas dont je suis saisi, je dois déterminer si l´article 187 de la nouvelle Loi s´applique à juste titre aux activités qui sont l´objet de la plainte. À cet égard, l´agent négociateur a soulevé une objection en matière de compétence contestant mon pouvoir pour examiner les aspects de la plainte concernant les affaires internes de l´agent négociateur. Il y a une deuxième question de compétence qui doit être tranchée : est-ce que le devoir de représentation juste qui est prévu à l´article 187 se pose dans une situation où le plaignant n´a pas demandé un service de représentation aux défendeurs?

1. Objection des défendeurs en matière de compétence

113 Les défendeurs ont formulé une objection à ma compétence, selon l´article 187 de la nouvelle Loi, pour examiner tous éléments soulevés dans la plainte au sujet des affaires internes de l´AFPC. La plainte à la Commission incluait l´allégation suivante :

[Traduction]

[…]

Le 13 septembre 2004, M. Jim Chorostecki, coordonnateur régional de l´Ontario pour l´AFPC et coordonnateur des plaintes de harcèlement m´a avisé qu´il avait conclu que ma plainte n´était pas fondée. J´allègue que c´était arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi, car ni M. Chorostecki ni qui que ce soit d´autre de ce bureau n´avait de quelque manière communiqué avec moi à propos de l´enquête menée par M. Chorostecki.

[…]

114 La preuve recueillie en l´espèce établissait sans l´ombre d´un doute que la procédure à laquelle se rapportait cette allégation était la procédure interne de l´AFPC applicables aux plaintes de harcèlement. Après que le plaignant eut résolu ses préoccupations avec l´employeur au sujet du traitement de la plainte, contre lui, de harcèlement au travail, il a entrepris d´exprimer ses préoccupations au sujet des actions de M. Stein et de l´agent négociateur en utilisant la procédure interne de l´agent négociateur. Dans sa plainte à la Commission, il alléguait, entre autres fautes, que le traitement, par l´AFPC, de son cas dans le cadre de la procédure interne de règlement des plaintes était arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi.

115 Dans des décisions qu´elle a déjà rendues, la Commission a invariablement statué que le libellé de l´article 187 de la nouvelle Loi et du paragraphe 10(2) de l´ancienne Loi ne lui confère pas le pouvoir de superviser les affaires internes d´un agent négociateur accrédité. Depuis Shore c. Bean et Gordon, dossier de la CRTFP 161-02-732 (19941129), les décisions de la Commission ont constamment et clairement indiqué que le devoir de représentation juste s´applique seulement aux rapports qu´un employé peut avoir avec son employeur; voir le résumé des décisions dans Bracciale.

116 Quoique la genèse du cas dont je suis saisi soit une situation en milieu de travail à laquelle l´employeur était nettement mêlé, l´allégation du plaignant sur la façon dont il a été traité dans le cadre de la procédure interne de l´AFPC en matière d´enquête sur une plainte concerne des processus décisionnels qui ne peuvent être liés à l´employeur. La manière dont l´AFPC a mené son enquête interne relative à la plainte est, à mon avis, une question complètement distincte de la manière dont les défendeurs ont agi dans des démarches auprès de l´employeur auxquelles peut avoir été mêlé le plaignant. Dans notre juridiction (et dans la plupart des autres), les dispositions législatives qui établissent le « devoir de représentation juste » donnent à l´employé la possibilité de faire en sorte que ses préoccupations sur ce dernier type d´activité soient examinées par la Commission. Ces dispositions n´attribuent pas un rôle à la Commission quant au premier type d´activité.

117 Assurément, la nouvelle Loi autorise bel et bien la Commission à examiner certains aspects de la gouvernance et des opérations internes d´un agent négociateur et d´énoncer des conclusions à ce propos, mais ce pouvoir découle de l´article 188 et non de l´article 187 :

188. Il est interdit à l´organisation syndicale, à ses dirigeants ou représentants ainsi qu´aux autres personnes agissant pour son compte :

[…]

b) d´expulser un fonctionnaire de l´organisation syndicale ou de le suspendre, ou de lui refuser l´adhésion, en appliquant d´une manière discriminatoire les règles de l´organisation syndicale relatives à l´adhésion;

c) de prendre des mesures disciplinaires contre un fonctionnaire ou de lui imposer une sanction quelconque en appliquant d´une manière discriminatoire les normes de discipline de l´organisation syndicale;

d) d´expulser un fonctionnaire de l´organisation syndicale, de le suspendre, de prendre contre lui des mesures disciplinaires ou de lui imposer une sanction quelconque parce qu´il a exercé un droit prévu par la présente partie ou la partie 2 ou qu´il a refusé d´accomplir un acte contraire à la présente partie;

e) de faire des distinctions illicites à l´égard d´une personne en matière d´adhésion à une organisation syndicale, d´user de menaces ou de coercition à son égard ou de lui imposer une sanction, pécuniaire ou autre, pour l´un ou l´autre des motifs suivants :

(i) elle a participé, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie ou la partie 2, ou pourrait le faire,

(ii) elle a soit présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie, soit déposé un grief sous le régime de la partie 2,

(iii) elle a exercé un droit prévu par la présente partie ou la partie 2.

118 En vertu de la précédente législation, qui était en vigueur lorsque le plaignant a déposé sa plainte, il n´y avait aucune disposition comparable à l´article 188 de la nouvelle Loi. À cet égard, le commentaire suivant du vice-président de la Commission dans la récente décision Laplante c. Murray et al., 2007 CRTFP 73, s´applique également au cas dont je suis saisi :

[…]

[155] Il existe de nouvelles dispositions de la nouvelle Loi, sous la rubrique des pratiques déloyales, qui traitent de l´obligation de l´agent négociateur de s´assurer d´une application juste (interdiction d´agir de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi) des règles de régies internes d´un syndicat. Toutefois, […] au moment des incidents qui sont au cœur des présentes plaintes, ces dispositions n´existaient pas. Les dispositions de transition qui permettent à une plainte de se poursuivre en vertu de la nouvelle Loi ne viennent pas changer la nature de l´obligation qui était en vigueur au moment des évènements […]

[…]

119 En résumé, la conduite d´un dirigeant d´un agent négociateur représentant un employé dans ses relations avec l´employeur est sujette à examen en vertu de l´article 187 de la nouvelle Loi. Tel n´est cependant pas le cas pour ce qui est de la manière dont l´agent négociateur a considéré, dans le cadre de sa propre procédure de redressement, les efforts de représentation d´un de ses dirigeants vis-à-vis d´un employé représenté. Par conséquent, j´accueille l´objection des défendeurs à ma compétence pour examiner les allégations du plaignant concernant la façon dont il a été traité dans le cadre de la procédure de plainte interne de l´AFPC. La preuve présentée par le plaignant sur cette question ne sera pas prise en compte dans la décision sur la question de savoir si le plaignant a établi que les défendeurs avaient violé l´article 187 de la nouvelle Loi.

2. Est-ce que les défendeurs avaient un devoir envers le plaignant en vertu
de l´article 187 de la nouvelle Loi?

                                                                       

120 Le témoignage du plaignant a établi de façon concluante que ce dernier n´a pas demandé un service de représentation aux défendeurs quand il a appris l´existence du grief de Mme X contre lui. Pour reprendre ses propres termes, il ne considérait pas [traduction] « que c´était alors nécessaire ». Il a subséquemment répété qu´il n´avait pas [traduction] « besoin de la participation du syndicat ». Puis il a commenté [traduction] : « Pourquoi l´aurais-je fait? C´était inutile. » Son témoignage indique qu´il a activement cherché à être représenté par le syndicat beaucoup plus tard seulement, lorsqu´il a pris contact avec un représentant de l´AFPC pour la signature de 69 griefs contre l´employeur. C´était en réponse à la décision de l´employeur – presque un an après que Mme X eut déposé son grief – voulant que les allégations contre le plaignant en matière de harcèlement aient été fondées. Ces événements ultérieurs ne sont pas en cause dans la présente espèce. Ils ne sont pas mentionnés dans la plainte, et le plaignant n´a jamais durant l´audience qualifié d´arbitraire, de discriminatoire ou de mauvaise foi le service de représentation qu´il a obtenu à cette étape ultérieure.

121 Dans ces circonstances, le devoir de représentation juste selon l´article 187 de la nouvelle Loi entrait-il en ligne de compte et, dans l´affirmative, de quelle manière? Le plaignant avait-il droit à une protection contre tout comportement arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi de la part des défendeurs, alors que, de son propre aveu, il n´a jamais demandé un service de représentation à l´un quelconque des défendeurs pendant les périodes pertinentes aux fins de sa plainte?

122 L´absence d´une demande du plaignant visant à obtenir un service de représentation rend très inhabituelle la plainte qui m´est soumise. En rédigeant les présents motifs, j´ai cherché à déterminer et examiner les décisions pertinentes rendues par la Commission et son prédécesseur depuis que, le 1er juin 1993, une disposition officielle de la législation est entrée en vigueur quant au « devoir de représentation juste ». Parmi les décisions où était en cause la conduite d´un défendeur dans la représentation d´un plaignant auprès de l´employeur – par opposition à une question touchant les affaires internes d´un agent négociateur –, il semble qu´il y ait eu seulement deux cas dans lesquels on pouvait dire que le plaignant n´avait pas demandé un service de représentation au défendeur. Dans la majorité des cas, le défendeur avait convenu de fournir un service de représentation, et le plaignant alléguait subséquemment des manquements quant à la manière dont le défendeur avait rempli ses fonctions de représentation. Dans presque toutes les décisions restantes, le défendeur avait refusé de fournir un service de représentation, et le différend qui en était résulté portait principalement sur la question de savoir si la décision du défendeur de ne pas fournir un tel service était contraire à son devoir envers le plaignant. Aucun des deux scénarios ne s´applique en l´espèce.

123 Si je devais reconnaître que la présente espèce est un cas dans lequel il convient de procéder à un examen en vertu de l´article 187 de la nouvelle Loi, ma décision engloberait en fait la proposition voulant qu´un agent négociateur ait un devoir de représentation juste envers un membre de l´unité de négociation qui n´avait pas demandé un service de représentation mais sur qui influe ou peut influer la représentation d´un autre employé par les défendeurs. Cette proposition résiste-t-elle à l´examen?

124 Deux décisions qui sont ressorties de mes recherches dans la jurisprudence de la Commission fournissent une certaine assistance. Dans King c. Squires et al., dossier de la CRTFP 161-02-728 (19950317), le plaignant était un délégué syndical qui avait eu une réprimande écrite de l´employeur. Il s´était représenté lui-même à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs, dans un grief dans lequel il alléguait qu´il y avait eu une violation de l´article « Élimination de la discrimination » de la convention collective. Il n´avait pas avisé l´agent négociateur de son action. Le défendeur, un président local de l´agent négociateur, avait appris l´existence du grief, avait avisé le plaignant que ce dernier n´avait pas le soutien de l´agent négociateur et avait ensuite retiré le grief au nom de l´agent négociateur. L´arbitre de grief a conclu que le défendeur n´avait pas enfreint un devoir de représentation juste comme l´alléguait le plaignant, parce que ce dernier n´avait pas porté son grief à l´attention de l´agent négociateur et n´avait pas donné à celui-ci « […] l´occasion de le représenter ». L´arbitre de grief a cité la jurisprudence provinciale à l´appui de sa décision, ainsi que l´extrait suivant de l´ouvrage de MacNeil, Link et Engelman intitulé Trade Union Law in Canada, lequel extrait figure à 7.690 :

[Traduction]

[…]

Avant de pouvoir se plaindre de la qualité de la représentation que lui fournit le syndicat, l´employé est tenu de porter à l´attention du syndicat le grief introduit contre l´employeur et de donner au syndicat l´occasion de le représenter […]

[…]

125 Dans Horstead c. Alliance de la Fonction publique du Canada et al., dossier de la Commission 161-02-739 (19950711), l´arbitre de grief a estimé ne pas avoir compétence pour examiner une plainte relative au devoir de représentation juste, parce que la plaignante n´avait pas établi que la défenderesse avait omis de la représenter relativement à son employeur. L´arbitre de grief a déclaré : « Mme Horstead n´a jamais déposé un grief qui me permettrait de juger si elle a été ou non traitée équitablement par son syndicat. »

126 Ces décisions indiquent que l´employé a la charge de porter sa cause à l´attention de l´agent négociateur avant qu´il puisse y avoir un acte de représentation auprès de l´employeur (ou de non-représentation) pouvant être assujetti au devoir de représentation juste qui est prévu dans la législation. En l´espèce, rien ne prouve qu´il y ait eu un empêchement à ce que le plaignant demande de l´aide à son agent négociateur, si ce n´est son propre jugement. Assurément, le fait que l´agent négociateur représentait une autre personne dans un grief contre le plaignant ne peut être considéré comme un empêchement à ce que le plaignant sollicite l´aide du même agent négociateur. Une politique d´un employeur sur le harcèlement ne peut non plus avoir pour effet d´empêcher un employé d´exercer un droit à un service de représentation de l´agent négociateur pouvant être prévu par la législation.

127 Dans Laplante, par exemple, l´agent négociateur de la plaignante représentait des collègues ayant accusé la plaignante de harcèlement, soit une situation fort semblable à celle qui m´est soumise dans la présente espèce. Toutefois, dans Laplante, la plaignante avait activement cherché à être représentée par le même agent négociateur. Une des défendeurs nommés dans la plainte était en fait la personne nommée par l´agent négociateur pour fournir de l´aide à la plaignante. L´arbitre de grief a considéré qu´il avait compétence pour déterminer si le service de représentation fourni par l´agent négociateur avait été assuré de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi.

128 L´affaire Sophocleous, citée par le plaignant, est un autre exemple de situation où un employé accusé de harcèlement dans une plainte qu´appuyait son propre agent négociateur a cherché à être représenté par le même agent négociateur. Tout comme dans Laplante, l´arbitre de grief a estimé que la demande de représentation du plaignant faisait entrer en ligne de compte le devoir de l´agent négociateur en matière de représentation juste. L´arbitre de grief s´est fondé là-dessus pour déterminer si la représentation assurée par l´agent négociateur violait le devoir incombant à ce dernier en vertu de la législation.

129 Ces types de situations figurent parmi les plus difficiles pour les agents négociateurs. La vaste jurisprudence indique clairement que le devoir d´un syndicat en matière de représentation juste s´applique à tous les employés inclus dans une unité de négociation. En accomplissant ce devoir, les syndicats doivent parfois mettre en balance des intérêts opposés ou contradictoires au sein de l´unité de négociation. Ce n´est pas peu fréquent qu´ils doivent faire face à la décision délicate de savoir qui représenter et dans quelle mesure. Assurément, il s´est élaboré un corpus jurisprudentiel considérable sur les exigences de la représentation juste lorsque les agents négociateurs soupèsent des demandes de représentation contradictoires. Il est à noter que dans l´arrêt de principe de la Cour suprême du Canada Gendron c. Syndicat des approvisionnements et services de l´Alliance de la Fonction publique du Canada, section locale 50057, [1990] 1 R.C.S. 1298, il a été conclu que le devoir de représentation juste n´empêche pas un agent négociateur de représenter les intérêts d´un ou plusieurs employés au détriment d´un ou plusieurs autres :

[…]

[…] un syndicat doit, dans certaines circonstances, faire un choix entre des intérêts opposés pour résoudre un différend. […] Lorsque les employés ont des intérêts opposés, le syndicat peut choisir de défendre un ensemble d´intérêts au détriment d´un autre pourvu que sa décision ne découle pas des motifs irréguliers décrits précédemment et pourvu qu´il examine tous les facteurs pertinents. Le choix de présenter une demande plutôt qu´une autre ne peut en soi faire l´objet d´une objection. Ce sont plutôt les motifs sous-jacents et la méthode utilisée pour effectuer ce choix qui peuvent faire l´objet d´une objection.

[…]

130 En l´espèce, le plaignant peut bien avoir eu de bonnes raisons de mettre en question la conduite des défendeurs ou à tout le moins celle de M. Stein dans la représentation des intérêts de Mme X dans son grief contre le plaignant, soit des intérêts s´opposant à ceux du plaignant. (Je vais commenter brièvement ce point dans la dernière section des présents motifs.) Toutefois, le plaignant ne peut selon moi demander à la Commission d´examiner la conduite des défendeurs par rapport aux exigences de l´article 187 de la nouvelle Loi sans avoir lui-même engagé les défendeurs pour qu´ils le représentent dans une relation avec l´employeur. On ne pouvait s´attendre que les défendeurs agissent à l´égard des besoins du plaignant en matière de représentation sans que le plaignant leur ait signalé ces besoins. Le plaignant a témoigné qu´il n´avait pas estimé avoir besoin d´un service de représentation à ce moment-là. Dans cette mesure, je ne peux interpréter l´article 187 de la nouvelle Loi dans les circonstances de l´espèce comme un article imposant aux représentants de l´agent négociateur un devoir proactif de représentation juste. Ce n´est pas à mon avis une interprétation raisonnable de ce devoir que d´exiger que les représentants de l´agent négociateur connaissent intuitivement les besoins en représentation d´un membre de l´unité de négociation dans le type de situation examiné en l´espèce et que ces représentants agissent en conséquence. Certes, je pourrais être facilement persuadé que, question de saine pratique, les défendeurs auraient dû aviser le plaignant de l´action contre lui soutenue par eux et qu´ils auraient dû lui suggérer d´envisager de demander son propre représentant de l´AFPC, mais je ne vois aucune disposition dans l´article 187 qui exige ces mesures proactives en tant que partie intégrante du devoir de représentation juste dans ces circonstances. Ce peut avoir été une erreur que de ne pas le faire, comme l´a concédé M. Stein, mais ce n´était pas une obligation juridique résultant de l´article 187.

131 En l´absence d´une demande de service de représentation du plaignant à l´un quelconque des défendeurs nommés dans sa plainte et en l´absence d´une décision de sa part durant la période pertinente aux fins de la présente plainte de déposer un grief contre l´employeur, le plaignant n´a pas prouvé qu´il était partie à un service de représentation auprès de l´employeur qui mettait en jeu le devoir des défendeurs en matière de représentation juste selon l´article 187 de la nouvelle Loi. Le plaignant a témoigné qu´il avait effectivement des problèmes à cette époque à l´égard de ce que faisait l´employeur, mais qu´il avait choisi de ne pas demander d´aide aux défendeurs. Il avait en outre des préoccupations à l´égard de ce que faisaient les défendeurs, bien qu´il semble s´être concentré sur ces préoccupations plus tard seulement, lorsqu´il en a appris davantage sur les circonstances entourant la représentation de Mme X par les défendeurs. Ces dernières questions, quand elles étaient précisées, se posaient entre le plaignant et l´agent négociateur et non l´employeur. Le plaignant aurait pu et aurait peut-être dû faire valoir ces préoccupations directement auprès des défendeurs à ce moment-là, comme il l´a fait ultérieurement. Il aurait pu par exemple prendre contact avec l´agent négociateur au printemps 2002 pour alléguer une violation des politiques de l´agent négociateur concernant la représentation dans les plaintes de harcèlement. Même s´il l´avait fait, la manière dont les défendeurs se sont comportés dans leur relation avec lui n´aurait pas constitué une question pouvant être examinée en vertu de l´article 187 si le plaignant n´avait pas engagé les défendeurs pour qu´ils le représentent auprès de l´employeur.

132 Je conclus en résumé que les circonstances factuelles de la plainte ne révèlent pas une situation où les défendeurs avaient été priés de fournir un service de représentation au plaignant dans une relation avec l´employeur. Ainsi, le devoir de représentation juste selon l´article 187 de la nouvelle Loi n´entrait pas en ligne de compte. Pour ce motif, la plainte doit être rejetée.

C. Conduite du défendeur Stein

133 Comme j´ai conclu que la plainte doit être rejetée pour des motifs se rapportant à la question de la compétence, rien n´exige d´entreprendre de déterminer si les défendeurs se sont comportés d´une manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. Néanmoins, il y a dans les faits de l´espèce un élément unique en son genre qui, je crois, nécessite un commentaire.

134 Autant que je sache, la Commission n´a pas précédemment examiné une situation où un défendeur avait été contesté pour des actions représentant les intérêts adverses d´un employé dont le poste appartenait à une unité de négociation différente et qui était représenté par un agent négociateur différent. En l´espèce, on ne conteste pas que le défendeur Stein, agissant en sa qualité de représentant de l´AFPC, a appuyé une employée qui n´était pas membre d´une unité de négociation représentée par l´AFPC et qui était en fait représentée par l´IPFPC. En agissant pour Mme X, M. Stein a défendu les intérêts d´une personne qu´il n´était pas légalement en droit de représenter contre les intérêts d´un employé qui était inclus dans une unité de négociation de l´AFPC et qui aurait pu choisir une représentation juste par l´AFPC et y avoir droit dès lors.

135 Le plaignant a argué que les actions de M. Stein étaient une violation du paragraphe 91(4) de l´ancienne Loi. Une disposition pratiquement identique fait partie de la législation actuelle :

[…]

213. Le fonctionnaire faisant partie d´une unité de négociation pour laquelle une organisation syndicale a été accréditée ne peut être représenté par une autre organisation syndicale à l´occasion de la présentation d´un grief individuel ou du renvoi d´un tel grief à l´arbitrage.

[…]

136 Le paragraphe 91(4) de l´ancienne Loi et l´article 213 de la nouvelle Loi reflètent un principe fondamental du régime des relations de travail créé par les deux lois. Lorsque la Commission accrédite un agent négociateur pour qu´il représente les employés inclus dans une unité de négociation, l´octroi des droits de représentation est exclusif aux fins, entre autres, de présenter des griefs individuels ou de renvoyer de tels griefs à l´arbitrage au nom des employés qui cherchent à obtenir une représentation ou qui doivent engager un représentant, selon l´objet du grief. Aucune autre organisation syndicale ne peut assumer cette responsabilité. Sinon, les possibilités de confusion et de conflit dans la conduite de la représentation de l´employé seraient vraiment considérables.

137 M. Stein a témoigné qu´il avait demandé l´autorisation de l´IPFPC pour représenter Mme X, quoique les défendeurs n´aient pas présenté une preuve claire que l´IPFPC ait accordé une telle autorisation. Ce témoignage n´est pas pertinent. L´interdiction visée au paragraphe 91(4) de l´ancienne Loi et à l´article 213 de la nouvelle Loi ne peut être mise de côté par consentement. Elle est obligatoire et non ambiguë.

138 Si j´avais eu compétence pour examiner la question du bien-fondé de la plainte en vertu de l´article 187 de la nouvelle Loi, le fait que M. Stein semble avoir violé le paragraphe 91(4) de l´ancienne Loi pourrait bien avoir été un facteur important dans l´évaluation de son comportement. En tenant compte aussi d´autres témoignages qui en définitive dépeignaient M. Stein comme étant quelqu´un qui avait dès le départ présumé que le plaignant était coupable de ce dont il avait été accusé – de sa « troisième infraction » – et comme étant quelqu´un qui avait ensuite agi avec une détermination tenace pour obtenir que le plaignant soit retiré de son lieu de travail, il y a à tout le moins de sérieuses raisons de s´interroger sur le caractère approprié du comportement de M. Stein.

139 Néanmoins, la décision en matière de compétence que j´ai rendue ne me permet pas d´envisager une conclusion officielle concernant les actions de M. Stein.

140 Pour ces motifs, la Commission rend l´ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

141 La plainte est rejetée.

Le 29 avril 2008.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,

commissaire

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