Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été nommé à un poste du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) pour une durée déterminée au cours de plusieurs mandats consécutifs - il a déposé un grief afin de contester le non-renouvellement de son contrat d’emploi pour une période déterminée, alléguant qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée parce qu’il avait déposé contre son superviseur une plainte de harcèlement qui avait été accueillie - le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé lui avait indiqué à plusieurs reprises que son poste pour une période déterminée serait converti en poste continu, ce qui ne s’était jamais produit - le fonctionnaire s’estimant lésé avait eu plusieurs rapports humiliants et embarrassants avec son superviseur et avait déposé contre lui une plainte de harcèlement après le départ de ce dernier en congé de maladie - le rapport de harcèlement a été produit après que le fonctionnaire s’estimant lésé a quitté le lieu de travail à la fin de son contrat pour une période déterminée - le fonctionnaire s’estimant lésé ne relevait pas du superviseur qui l’aurait harcelé pendant au moins les deux dernières années de son emploi - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas posé sa candidature à huit concours tenus par le CNRC et auxquels il était admissible, même si des représentants de l’employeur lui ont conseillé de le faire à plusieurs reprises - l’employeur a fait valoir qu’il ne pouvait nommer le fonctionnaire s’estimant lésé à un poste continu sans concours, en raison de ses propres politiques énoncées dans le Manuel des ressources humaines et du texte de la convention collective - l’arbitre de grief a statué qu’il ne pouvait avoir compétence que si la décision de l’employeur de ne pas nommer le fonctionnaire s’estimant lésé constituait un licenciement au sens de l’alinéa209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - la jurisprudence de la Cour fédérale et de l’ancienne Commission portant sur des dispositions semblables a établi que le non-renouvellement d’une nomination pour une période déterminée ne constitue pas un licenciement - sans déterminer si l’existence de la mauvaise foi donnerait à un arbitre de grief la compétence d’entendre le grief, l’arbitre de grief a statué qu’aucun élément de preuve ne démontrait que l’employeur avait agi de mauvaise foi - la mauvaise foi à laquelle a fait allusion le fonctionnaire s’estimant lésé était la façon dont s’était comporté son superviseur et il n’existait aucun lien de causalité entre la conduite de ce dernier et la décision de ne pas nommer le fonctionnaire s’estimant lésé, que ce soit à un poste pour une période déterminée ou à un poste continu. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-07-08
  • Dossier:  566-09-1227
  • Référence:  2008 CRTFP 51

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MING ZHOU

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA

employeur

Répertorié
Zhou c. Conseil national de recherches du Canada.

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John A. Mooney, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Jon Peirce, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Laura B. Stewart, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
le 31 mars et les 1er et 2 avril 2008.
(Traduction de la CRTFP)

I.  Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1      Le Dr Ming Zhou (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») était agent de recherches dans le groupe de classification RO au sein du groupe Systèmes photoniques de l’Institut des étalons nationaux de mesure (IÉNM) au Conseil national de recherches du Canada (CNRC ou l’« employeur »). Il a été engagé pour la première fois à court terme le 22 octobre 2001. Il a été engagé comme employé nommé pour une période déterminée le 21 janvier 2002, et cette nomination a été prolongée trois fois. La dernière prolongation a pris fin le 29 décembre 2006.

2      Le 12 décembre 2006, le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un grief à l’employeur pour contester, entre autres choses, le non-renouvellement de son contrat d’emploi. Son grief se lisait en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

B) Je conteste le non-renouvellement de mon contrat à durée déterminée au Centre national de recherches du Canada, mesure qui, d’après moi, constitue de la discipline et des représailles déguisées. Si je n’avais pas été harcelé de façon répétitive par mon superviseur […] et si l'on avait mené plus rapidement l’enquête sur le harcèlement mentionnée ci-après sous ‘C’, il est presque certain que j'aurais obtenu une nomination continue au CNRC il y a de nombreuses années. (Veuillez noter que, dans le rapport d’enquête sur le harcèlement, […] a été déclaré coupable de dix des accusations de harcèlement, dont une était de m’avoir traité différemment en ne concluant avec moi qu’un contrat à durée déterminée dès le début de ma carrière au CNRC, alors que d’autres personnes embauchées pratiquement au même moment se sont vu offrir des nominations continues, et une autre était de me promettre de façon répétée que j’obtiendrais un poste continu au CNRC).

[…]

3     Le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé que les mesures correctrices suivantes soient prises :

[…]

C) Que je sois indemnisé intégralement. Un poste continu ou de durée déterminée au CNRC et des excuses de la part de la direction de la CNRC pour les retards excessifs dans le cadre de l’enquête sur le harcèlement et pour n'avoir pas donné suite aux recommandations du rapport plus tard. La mise en œuvre complète des recommandations du rapport sur le harcèlement.

[…]

4      Le grief a été porté jusqu’au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, mais le résultat obtenu n’a pas satisfait le fonctionnaire s’estimant lésé. Le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé le grief à l’arbitrage le 1er mai 2007 en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP).

5      En l’espèce, la majorité de la preuve porte sur la personne qui a supervisé le fonctionnaire s’estimant lésé durant pratiquement toute la durée de son emploi au CNRC. J’ai décidé de ne pas nommer ce superviseur, parce que la preuve a trait à des questions de harcèlement et parce que cette personne n’était pas présente à l’audience d’arbitrage du grief, ni m'a-t-on informé si cette personne avait reçu un avis de la tenue de l’audience. Les questions de harcèlement sont très personnelles. Généralement, si un fonctionnaire s’estimant lésé présente une preuve qui aura un impact négatif sur un gestionnaire, l’employeur défendra les actions de son gestionnaire. La situation est assez différence lorsqu’il s’agit de harcèlement, surtout lorsqu’un rapport sur le harcèlement est émis, comme cela a été le cas en l’espèce. Dans ces cas-là, l’employeur adopte généralement une position neutre et impartiale et garde ses distances par rapport à la situation de harcèlement. Par conséquent, j’ai omis le nom de cette personne dans toute la décision ou, quand je parle d’elle, je dis le « superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé » ou son « superviseur ».

II. Résumé de la preuve

6      La Dre Marie D’Iorio, directrice générale, Institut des sciences de microstructures (ISM), CNRC, a témoigné au nom de l’employeur. Elle est directrice générale de l’Institut depuis cinq ans. Il y a 19 instituts au CNRC. L’ISM emploie quelque 150 scientifiques et techniciens, dont 30 sont des étudiants. À n’importe quel moment donné, de 20 à 30 % de ce personnel est engagé pour des périodes de durée déterminée.

7     La Dre D’Iorio a donné un aperçu du travail que faisait le fonctionnaire s’estimant lésé. Le fonctionnaire s’estimant lésé était un agent de recherches qui faisait partie du groupe Systèmes photoniques, IÉNM. Le fonctionnaire s’estimant lésé se concentrait sur les produits chimiques et les matériaux utilisés dans le domaine de la photonique. Le fonctionnaire s’estimant lésé a occupé ce poste pour la première fois en tant qu’employé à court terme du 22 octobre 2001 au 18 janvier 2002 (pièce E-2). Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a signé la lettre d’offre.

8      Puis, le fonctionnaire s’estimant lésé a été nommé pour une période déterminée de trois ans qui a commencé le 21 janvier 2002 et qui s'est terminée le 21 janvier 2005 (pièce E-3). Le fonctionnaire s’estimant lésé a obtenu cette nomination en se présentant à un concours. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a signé la lettre d’offre.

9       Le 25 août 2004, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est vu offrir une prolongation d’un an de sa nomination de durée déterminée jusqu’au 21 janvier 2006 (pièce E-4). La raison de cette prolongation était que l’IÉNM faisait l’objet d’une restructuration durant l’été de 2004. Sherif Baraket, directeur général par intérim, IÉNM, CNRC, a signé la lettre d’offre. Le 4 juillet 2005, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est vu offrir une deuxième prolongation de son emploi, jusqu’au 31 mars 2006 (pièce E-5). La Dre D’Iorio a autorisé cette prolongation, tel qu’indiqué dans la lettre d’offre. Puis, le 26 janvier 2006 (pièce E-6), on a offert une troisième prolongation de son emploi au fonctionnaire s’estimant lésé, qui a eu pour effet de le prolonger jusqu’au 29 décembre 2006.

10 La Dre D’Iorio a souligné que les lettres d’offre concernant la deuxième et la troisième prolongation (pièces E-5 et E-6) renfermaient le paragraphe suivant :

[Traduction]

[…]

La présente offre de prolongation de votre emploi de durée déterminée n’est accompagnée d’aucun engagement que ce soit que votre emploi au CNRC sera prolongé au-delà de cette période.

[…]

11  Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné. Il a donné un court aperçu des études qu’il avait faites et de l’expérience qu’il avait acquise avant de travailler pour le CNRC. Il a obtenu un baccalauréat en chimie en 1984 et une maîtrise en chimie en 1987, les deux diplômes ayant été décernés par l’Université de sciences et de technologie de Chine. En 1995, il a obtenu un doctorat en chimie de l’Université de Montpellier II en France. En 1996, il était chercheur universitaire Humboldt à l’Université de Fribourg, en Allemagne. Il est arrivé au Canada en 1998. De janvier 2000 à octobre 2001, il a travaillé à Ottawa dans le secteur privé pour Zenastra Photonics Inc. en tant que chercheur scientifique. Son domaine de spécialité est la biodétection dans le contexte de la photonique. La photonique a des applications dans les domaines des communications, de la médecine, de la surveillance environnementale, de l’inspection des eaux et de la découverte de nouveaux médicaments.

12 Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé, en tant qu’éléments de preuve, ses examens du rendement portant sur les périodes annuelles allant d’avril 2002 au 31 décembre 2005 (pièces G-4 à G-7). Il a témoigné qu’il avait obtenu les cotes les plus élevées chaque fois. La cote la plus élevée durant la première année était « supérieur », mais le CNRC avait changé l’échelle de cotation les années suivantes et, à partir de ce moment-là, la cote la plus élevée était « entièrement satisfaisant ». Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que son rendement ne suscitait jamais de préoccupations.

13 Le fonctionnaire s’estimant lésé a rencontré son superviseur durant l’été de 2001. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé était responsable du groupe Systèmes photoniques, mais il ne restait personne dans ce groupe puisque tous les employés avaient accepté un emploi dans le secteur privé. Pendant les trois premiers mois de son emploi au CNRC durant l’automne 2001, le fonctionnaire s’estimant lésé a été affecté à plusieurs projets. Il a interviewé des candidats pour des postes dans le groupe Systèmes photoniques, a acheté de l’équipement pour reconstituer ce groupe et a accompli des tâches opérationnelles quotidiennes. Durant cette période, il a grandement contribué au CNRC. Le groupe Systèmes photoniques a été rebâti en grande partie sur la base des propositions qu’il a faites. Puis, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est vu offrir un emploi de durée déterminé de trois ans au CNRC, tel qu’indiqué plus haut.

14 Durant son emploi au CNRC, le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu plusieurs offres d’emploi de l’extérieur. Il a reçu une offre d’une compagnie en Allemagne, une autre offre d’une compagnie de haute technologie à Montréal, une autre d’une organisation à Singapour et une dernière de l’Université de Fribourg, en Allemagne. Le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé toutes ces offres parce que son superviseur lui a dit que son poste de durée déterminée serait converti en un poste continu.

15 Pendant la période d’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé au CNRC, le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a plusieurs fois mentionné son intention de convertir le poste qu’occupait le fonctionnaire s’estimant lésé en un poste continu. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a fait cette promesse dix fois, mais n’y a jamais donné suite. Parfois, le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé faisait la promesse devant d’autres collègues. Par exemple, en février 2004, le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a tenu une réunion avec plusieurs membres de son personnel pour discuter de l’examen de rendement annuel des employés. Lors de cette réunion, le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il commencerait le processus de conversion de l’emploi de durée déterminée du fonctionnaire s’estimant lésé en un poste continu.

16 Le fonctionnaire s’estimant lésé a donné plusieurs exemples d’incidents où son superviseur l’a humilié et l’a embarrassé. Il a décrit un incident où ce dernier a crié contre lui quatre mois après qu’il avait commencé à travailler au CNRC. Son superviseur lui avait demandé de préparer un devis pour l'aménagement d'une pièce de travail. Le fonctionnaire s’estimant lésé a envoyé un courriel à des personnes qui pourraient l’aider à préparer ce devis et à son superviseur, les invitant à une réunion pour discuter de la question. Peu après, le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a appelé celui-ci et lui a dit en criant : [traduction] « Que faites-vous? ». Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé était furieux et a dit durant la conversation téléphonique que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas le pouvoir de convoquer une réunion. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a dit que celui-ci pouvait communiquer avec ces personnes, mais qu’il ne pouvait pas leur demander de se réunir avec lui. Le superviseur a dit au fonctionnaire s’estimant lésé qu'il ne devrait pas essayer de faire de telles choses et qu’un tel comportement était [traduction] « ni bon pour moi ni bon pour vous ».

17 Le deuxième incident où le superviseur a crié contre le fonctionnaire s’estimant lésé est survenu en septembre ou au début d’octobre 2003. Le Dr Sadiq Hasnain, un gestionnaire à l’ISM, a envoyé au fonctionnaire s’estimant lésé un courriel pour lui demander de l’information au sujet de son travail dans le domaine de la biophotonique. Il voulait inclure cette information à un site Web d’Industrie Canada. Le fonctionnaire s’estimant lésé a fourni cette information au Dr Hasnain. Lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé a dit à son superviseur ce qu’il avait fait, le visage de ce dernier est devenu pourpre et il a crié ce qui suit : [traduction] « Vous n’avez aucunement le pouvoir de lui dire quoi que ce soit au sujet de notre projet; il n’a pas le pouvoir de vous demander quoi que ce soit au sujet de votre projet, et vous allez payer pour cela. »

18 À part ces incidents où il a crié contre lui, le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a fait subir à celui-ci plusieurs autres expériences humiliantes. L’une d'elles est survenue en 2002, peu après que le fonctionnaire s’estimant lésé avait commencé à travailler au CNRC. Le fonctionnaire s’estimant lésé avait besoin d’un ordinateur portatif pour faire son travail et a proposé à son superviseur que l’on achète un ordinateur portatif de moins de 2 000 $ par l’entremise de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé pensait que c’était trop cher et lui a suggéré d'aller à Future Shop. Lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé est arrivé à Future Shop, le gestionnaire du magasin lui a dit qu’il devait appeler quelqu’un au CNRC pour confirmer l’identité du fonctionnaire s’estimant lésé. Quand le gestionnaire a appelé le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé, celui-ci a répondu qu’il ne pouvait rien dire au téléphone. Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est senti humilié. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a fait d’autres suggestions concernant l’ordinateur portatif. Finalement, le fonctionnaire s’estimant lésé a acheté un ordinateur portatif, mais il a fallu près de 20 heures sur quatre mois pour le faire. La situation avait mis mal à l'aise le fonctionnaire s’estimant lésé. L’ordinateur était essentiel pour lui permettre de faire un travail efficace, et le fait de ne pas en posséder un nuisait à la qualité de celui-ci.

19 Un autre incident embarrassant est survenu à la fin de 2002. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé avait incité vivement celui-ci à inviter un professeur de l’Université de Toronto à Ottawa pour qu'il donne un séminaire au CNRC. Après que tous les arrangements avaient été pris, le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a remis en question la justification fournie par le fonctionnaire s’estimant lésé pour l’invitation et a refusé de payer les coûts de voyage et les frais d’hébergement d’une nuit du professeur, qui se seraient probablement élevés à 500 $. Au bout du compte, le professeur a annulé le voyage. Le fonctionnaire s’estimant lésé se sentait très embarrassé d’avoir été obligé de traiter le professeur ainsi.

20 Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a de nouveau embarrassé ce dernier en février 2004 lors d’une réunion du personnel. Le CNRC avait conclu un accord de travail avec le gouvernement de Taïwan. Les participants à la réunion discutaient d’une éventuelle proposition de recherche coopérative avec un professeur à Taïwan. Le fonctionnaire s’estimant lésé avait rédigé la proposition. Lors de cette réunion, le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a dit que le travail fait par celui-ci était sans importance. Le fonctionnaire s’estimant lésé s'est senti blessé.

21 Une autre expérience humiliante s’est produite en avril 2004. Le fonctionnaire s’estimant lésé et son superviseur rencontraient trois enseignants du Collège Algonquin pour discuter d’un programme de formation d’étudiants. Le fonctionnaire s’estimant lésé avait supervisé un étudiant qui participait à ce programme. Pendant que le fonctionnaire s’estimant lésé répondait aux questions des enseignants au sujet du programme et au sujet de l’étudiant qu’il supervisait, son superviseur l’interrompait constamment et grossièrement, le critiquait et criait même contre lui. Après la réunion, le Dr G. Xiao, l’un des enseignants, a dit au fonctionnaire s’estimant lésé qu’il n’avait jamais vu un tel comportement de la part d’un gestionnaire.

22 Le fonctionnaire s’estimant lésé se sentait menacé par son superviseur. En mai 2004, il l’a rencontré pour discuter de son statut d’emploi. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé lui a dit d’arrêter de monter un dossier contre lui. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a dit [traduction] « Si tu t’opposes à moi, je m’opposerai à toi ». Quand le fonctionnaire s’estimant lésé a rappelé à son superviseur que celui-ci lui avait promis de lui fournir un emploi continu, il a répondu [traduction] « une promesse n’est pas un engagement ».

23 Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a menacé celui-ci une deuxième fois durant le même mois. Il s'est rendu au bureau du fonctionnaire s’estimant lésé et lui a demandé s'il avait discuté de questions liées au bureau avec un tiers. Le fonctionnaire s’estimant lésé a répondu qu’il avait discuté de son statut d’emploi et du harcèlement dont il était victime le 15 mars 2004 avec le Dr Peter Hackett, directeur intérimaire, IÉNM, et plus tard, avec le représentant de son agent négociateur, M. Jon Peirce. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que si le fonctionnaire s’estimant lésé parlait à des tiers, il ne lui parlerait plus et ne lui fournirait pas une bonne référence dans le cadre de la recherche d’un emploi futur.

24 Puis, le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné au sujet de sa plainte de harcèlement. Il a rencontré le Dr Hackett le 15 mars 2004 pour lui faire part de ses préoccupations concernant son statut d’emploi et le style de gestion de son superviseur. Le Dr Hackett a dit qu’il examinerait ces questions. Après cela, M. Peirce a fixé une réunion avec M. Gerry Gauthier, au Bureau des relations de travail à la Direction des ressources humaines, pour discuter de ces mêmes questions. Le fonctionnaire s’estimant lésé a fait comprendre à M. Gauthier que sa principale préoccupation était son statut d’emploi. La nomination pour une période déterminée du fonctionnaire s’estimant lésé devait prendre fin en janvier 2005, et il n’y avait donc pas beaucoup de temps pour résoudre cette question. M. Gauthier a affirmé que la CNRC ne pouvait rien faire en ce qui concernait la question de l’emploi avant que le fonctionnaire s’estimant lésé dépose une plainte officielle de harcèlement et lui a suggéré de le faire. Puis, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé à M. Gauthier combien de temps il faudrait pour mener l’enquête. M. Gauthier a répondu que la Politique sur le harcèlement en milieu de travail (« la politique sur le harcèlement », pièce G-10) exigeait que l’enquête soit menée en l’espace de trois mois. Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que c’était trop long, puisque son emploi de durée déterminée prendrait fin en janvier 2005.

25 Lors de cette même réunion, M. Gauthier a suggéré au fonctionnaire s’estimant lésé d'examiner les avis d’emploi dans d’autres instituts du CNRC. M. Gauthier a remis au fonctionnaire s’estimant lésé une liste des noms des directeurs généraux au CNRC.

26 En août 2004, le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé une plainte de harcèlement en envoyant un courriel à Steve Blais, gestionnaire du Bureau des relations de travail, à la Direction des ressources humaines. Ses allégations portaient sur son statut d’emploi et d’autres questions de harcèlement, telles que l’humiliation et l’embarras qu’il avait subis aux mains de son superviseur. Le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé que son statut d’emploi soit examiné séparément. Plus tard, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé à plusieurs reprises à Louis Séguin, le gestionnaire qui dirigeait l’enquête sur le harcèlement, que son statut d’emploi soit traité séparément, parce qu’il était plus important que la question du harcèlement, puisque son emploi prendrait fin bientôt.

27 Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé m’a renvoyé à la politique sur le harcèlement (pièce G-10). On y lit que la direction devrait faire la distinction entre le présumé auteur du harcèlement et la présumée victime du harcèlement. La section pertinente de cette politique est formulée comme suit :

[Traduction]

[…]

10.2.6.7

Le DG responsable peut prendre les mesures appropriées sans préjudice afin de séparer physiquement et hiérarchiquement le défendeur et le plaignant durant la procédure de règlement de la plainte. Le DG responsable peut également demander qu’une personne qui travaille dans les installations du CNRC en soit retirée lorsqu’on juge qu’une telle mesure est dans l’intérêt supérieur du CNRC.

[…]

28 Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné que M. Séguin lui a envoyé un courriel le 16 mars 2005 pour l’informer qu’il ne pouvait séparer la question du statut d’emploi des autres questions de harcèlement sur lesquelles portait l’enquête (pièce G-11). Plus tard, le fonctionnaire s’estimant lésé a rencontré M. Séguin pour discuter avec lui de son statut d’emploi, mais M. Séguin a déclaré qu’il n’avait aucun contrôle sur la situation. M. Séguin a affirmé que si le fonctionnaire s’estimant lésé avait des préoccupations concernant son statut d’emploi, il pouvait déposer un grief. Le fonctionnaire s’estimant lésé a décidé de déposer un grief en envoyant un courriel au Dr Pierre Coulombe, le président du CNRC (pièce G-12), plutôt que de soumettre le document de grief officiel. Le 8 juillet 2005, Patricia Mortimer, secrétaire générale, CNRC, a répondu au nom du Dr Coulombe. Mme Mortimer a écrit au fonctionnaire s’estimant lésé que les préoccupations de ce dernier seraient examinées une fois que l’enquête sur le harcèlement serait terminée (pièce E-1, onglet 6).

29 Le fonctionnaire s’estimant lésé a ajouté que l’employeur n’a rien fait pour améliorer sa situation autre que de lui offrir les services d’un conseiller par l’intermédiaire du Programme d’aide aux employés.

30 L’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé s’est terminé le 29 décembre 2006. Le rapport sur le harcèlement a été présenté après le départ du fonctionnaire s’estimant lésé. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a bénéficié d’aucune indemnisation ou autre mesure de redressement pour le harcèlement qu’il avait subi; il n’a même pas reçu d’excuses. Le fonctionnaire s’estimant lésé a ajouté que s’il avait su qu’aucune mesure de redressement ne serait prise en ce qui concernait son statut d’emploi, il n’aurait pas déposé la plainte de harcèlement.

31 Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que l’expérience a eu un impact négatif sur son cheminement professionnel. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé lui a interdit de communiquer avec d’autres personnes et, par conséquent, de nombreuses possibilités d’emploi lui ont échappé. Le fonctionnaire s’estimant lésé a également perdu beaucoup de temps à s’occuper de la plainte de harcèlement.

32 Les expériences et les incidents décrits ci-dessus ont également eu de graves conséquences pour la situation financière du fonctionnaire s’estimant lésé. Son salaire au CNRC était d’environ 95 000 $CAN, montant auquel s’ajoutait une prime de maintien en fonction. Son salaire actuel à l’Institut chinois de recherche en Chine est d’environ 25 000 $CAN. Il est obligé de louer un appartement en Chine et de garder une maison à Ottawa, puisque sa jeune famille continue d'habiter dans la capitale canadienne. Les enfants du fonctionnaire s’estimant lésé ne peuvent déménager en Chine, puisqu’ils ont été éduqués à Ottawa. Le fonctionnaire s’estimant lésé doit également voyager de la Chine au Canada pour visiter son épouse et ses enfants. Le fonctionnaire s’estimant lésé a dû emprunter de l’argent pour payer ses dépenses et il craint de perdre sa maison.

33 Durant le contre-interrogatoire, le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé qu’il avait lu et accepté les lettres d’offre concernant ses nominations pour des périodes déterminées et les prolongations (pièces E-2 à E-6).

34 Le fonctionnaire s’estimant lésé a répondu à plusieurs questions qui lui ont été posées par la représentante de l’employeur au sujet de la chronologie des événements. Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) en septembre ou octobre 2004. Après avoir déposé cette plainte, son contrat d’emploi conclu avec le CNRC a été prolongé à deux reprises. En ce qui concerne la plainte de harcèlement, le fonctionnaire s’estimant lésé l’a déposée en août 2004 et son emploi a été prolongé deux fois, après cette date.

35 Pour ce qui est du départ du superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé, celui-ci a déclaré que son superviseur a quitté le lieu de travail durant l’été de 2004. Le fonctionnaire s’estimant lésé ne relevait pas de lui après cela. Le fonctionnaire s’estimant lésé relevait d’un nouveau dirigeant de groupe à partir d’août 2004. En novembre 2005, le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu une lettre de la Dre D’Iorio qui précisait qu’il rendrait compte directement à elle à partir de ce moment-là. Le fonctionnaire s’estimant lésé a ajouté que le fait qu’il ne voyait pas son superviseur ne signifiait pas que celui-ci ne reviendrait pas.

36 Pour ce qui est de la question des concours, le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il aurait pu postuler des postes dans d’autres instituts au CNRC. Il a présenté une demande à un concours en octobre 2005, mais n’a pas réussi. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas présenté des demandes à d’autres concours, car il a abandonné ses efforts de trouver un autre emploi et ne satisfaisait pas aux exigences liées aux études et à l'expérience de certains des autres postes qui étaient affichés.

37 Mme Lorna Jacobs a témoigné au nom de l’employeur. Depuis 1984, elle travaille comme généraliste en ressources humaines à la Direction des ressources humaines du CNRC. Mme Jacobs a expliqué comment se déroule le processus de dotation au CNRC. Les différentes façons de doter les postes sont décrites dans le Manuel des ressources humaines du CNRC (pièce E-7). La clause A.2.1.1.30 de l’annexe du chapitre 2 du manuel précise qu’il y a trois types d’occupation d’un poste au CNRC. Les employés peuvent y être nommés à court terme, pour une période déterminée ou de façon continue. La même clause précise qu’un changement dans la nature de l’occupation du poste peut uniquement se faire par la prise d’une mesure de nomination.

38 Mme Jacobs m’a renvoyé au tableau à l’annexe 2.2-B du chapitre 2 du Manuel des ressources humaines qui montre les quatre situations où un employeur peut procéder à une nomination sans la tenue d’un concours. La première est lorsqu’un employeur procède à une affectation ou à une mutation latérale. Cependant, le CNRC ne peut pas prendre ces mesures de dotation si elles modifient la nature de l’occupation du poste, ce qui se serait produit si le fonctionnaire s’estimant lésé avait été affecté ou muté à un poste continu, puisqu’il était un employé engagé pour une période déterminée.

39 La deuxième situation où le CNRC peut procéder à une nomination sans la tenue d’un concours en est une où cette mesure sert un intérêt supérieur du CNRC. Cela constituerait une exception à la règle générale qui veut que les nominations se fassent par la tenue d’un concours. Il pourrait s’agir, par exemple, de la nomination d’un candidat dont les connaissances ou les compétences sont essentielles pour le CNRC.

40 La troisième situation qui figure dans le Manuel des ressources humaines en est une où la nomination est faite dans le contexte d’un programme pilote de formation. Ce programme existait à la fin des années 1990, et les employés représentés par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, comme c'était le cas pour le fonctionnaire s’estimant lésé, ne pouvaient y présenter leur candidature. Finalement, la quatrième situation concerne les nominations à court terme, d’une durée maximale de trois mois. Mme Jacobs a conclu en affirmant que le fonctionnaire s’estimant lésé ne se trouvait dans aucune de ces situations. Par conséquent, le CNRC ne pouvait nommer le fonctionnaire s’estimant lésé à un poste permanent sans tenir un concours.

41 La note qui suit le paragraphe 2.1.2.2 du chapitre 2 du Manuel des ressources humaines précise que si les dispositions de ce chapitre ayant trait à la dotation entrent en conflit avec le contenu d’une convention collective, c’est le contenu de la convention collective qui s’applique. Puis, Mme Jacobs m’a renvoyé à la Convention entre le Conseil national de recherches du Canada et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada pour les groupes des agents de recherches et des agents du Conseil de recherches (date d’expiration : le 19 juillet 2007) (la « convention collective », pièce E-1, onglet 7), qui était en vigueur à l’époque où le fonctionnaire s’estimant lésé était employé. Le fonctionnaire s’estimant lésé faisait partie du groupe des agents de recherches. La stipulation 2.01 de la convention collective précise que « [t]ous les postes vacants permanents du groupe AR/ACR seront affichés à l’interne ». Donc, l’employeur doit combler ces postes en tenant des concours et, s’il ne le fait pas, l’agent négociateur pourrait déposer une plainte selon laquelle l’employeur a enfreint la convention collective.

42 Mme Jacobs a rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé en 2004 et lui a dit qu’il pouvait présenter sa candidature à des concours de postes continus.

43 Mme Jacobs a examiné et a énuméré toutes les vacances au CNRC qui étaient survenues depuis novembre 2001 (pièce E-8). Puis, elle a comparé le curriculum vitæ du fonctionnaire s’estimant lésé aux critères de sélection établis pour ces postes et a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé aurait pu participer à huit concours autres que celui auquel il a présenté sa candidature. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a présenté de candidature à aucun de ces huit concours. Le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté sa candidature à l’un des concours figurant dans la liste, mais il ne possédait pas les qualifications requises pour le poste. D’après Mme Jacobs, si le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas été nommé à un poste continu, c’était en grande partie de sa propre faute, puisqu’il n’a pas posé sa candidature aux postes continus qui étaient annoncés.

44 En ce qui concerne le rapport sur le harcèlement, Mme Jacobs a déclaré que Margaret Michaels, une enquêteuse indépendante, avait été chargée de mener l’enquête sur le harcèlement. Mme Michaels a commencé l’enquête au début de 2005. La raison pour laquelle il a fallu tant de temps pour conclure l’enquête est que le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé avait quitté le lieu de travail en juin 2004 et était en congé de maladie. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé est revenu à la fin de 2005, mais seulement pour une courte période, puisqu’il a quitté le CNRC de façon permanente  le 1er février 2006. L’enquêteuse a fait plusieurs tentatives pour obtenir sa coopération, mais en vain. M. Séguin a décidé au printemps de 2006 d’émettre le rapport sur le harcèlement sans la participation du superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé, puisqu’il était impossible d’obtenir ses commentaires. Même si le rapport sur le harcèlement était prêt au printemps de 2006, il a seulement été présenté officiellement le 30 novembre 2006.

45 En ce qui a trait aux rapports hiérarchiques du fonctionnaire s’estimant lésé, Mme Jacobs a témoigné qu’en juillet ou août 2004, le Dr Hackett a nommé le Dr Frank Zhang à la tête du groupe dont faisait partie le fonctionnaire s’estimant lésé. À la connaissance de Mme Jacobs, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a jamais relevé de son superviseur après juin 2004.

46 Pour ce qui est de la politique sur le harcèlement, Mme Jacobs a déclaré qu’elle exige que l’employeur fournisse à son personnel un lieu de travail libre de harcèlement. Cet objectif a été atteint en juin 2004 lorsque le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a quitté le lieu de travail. Parmi les mesures correctrices pouvant être prises à la suite de la présentation d’un rapport sur le harcèlement, on peut fournir de la formation corrective au harceleur et on peut le discipliner.

47 Durant le contre-interrogatoire, Mme Jacobs a déclaré que l’organigramme a continué de renfermer le nom du superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé jusqu’au moment où celui-ci a quitté le CNRC. Mais en réalité, le fonctionnaire s’estimant lésé ne relevait pas de cette personne. Le Dr Zang était le dirigeant du groupe lorsque le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a quitté le lieu de travail.

48 Durant le contre-interrogatoire de Mme Jacobs, le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a demandé à déposer en preuve deux extraits d’un rapport d’enquête dressé par la CCDP daté du 30 octobre 2007 (pièce G-14). L’avocate de l’employeur a soulevé une objection pour le motif que les extraits n’étaient pas pertinents, étant donné qu’ils avaient trait à une plainte déposée par une personne qui n’était pas incluse au grief examiné ici. Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a répondu qu’ils étaient pertinents puisqu’ils illustraient que le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé tendait à avoir un comportement abusif à l'égard de ses employés. J’ai déclaré que je prendrais cette objection en délibéré et que je statuerais sur cette question plus tard lorsque je rédigerais ma décision à propos des mérites du grief.

49 J’ai décidé d’autoriser cet élément de preuve parce que les deux extraits sont pertinents dans le contexte du grief. L’un des principaux aspects soulevés dans le grief est la manière dont le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé traitait ce dernier. Les extraits renferment des déclarations faites par Mme Jacobs à l’enquêteur de la CCDP, sur la façon dont le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé gérait ses employés. Le deuxième extrait est également pertinent pour une autre raison. Il concerne l’état d’esprit de Mme Jacobs lorsqu’elle tient des propos négatifs au sujet du superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé et ainsi a un lien avec sa crédibilité lorsqu’elle témoigne au sujet des gestes posés par le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé, dans le cadre de ce grief. L’extrait montre qu’elle craignait de faire l'objet de représailles de la part du superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé si elle parlait de ses actions durant son témoignage. Étant donné que l’un des buts du contre-interrogatoire est de remettre en question la crédibilité d’un témoin, l’extrait est pertinent puisqu'il a un lien avec sa crédibilité lorsqu’elle témoigne au sujet du superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé. De plus, étant donné que Mme Jacobs témoignait à l’audience, elle pouvait corriger toute interprétation erronée des déclarations qu’elle a faites à l’enquêteur de la CCDP. Je reproduirai ici uniquement les parties plus pertinentes de ces extraits :

[Traduction]

[…]

143. Selon Mme Jacobs, un autre aspect qui caractérise le comportement du directeur vis-à-vis des gens est qu’il impose sa volonté et qu’il profite d’eux lorsqu’ils sont à leur plus vulnérable […]

[…]

154. Mme Jacobs a admis qu’elle-même craignait des représailles pour avoir parlé durant cette enquête et a dit que cette crainte tient au fait que le directeur a tendance à poursuivre les personnes qui s’opposent à lui. Mme Jacobs a déclaré qu’il y a longtemps, quand le directeur était représenté par son syndicat dans le cadre de sa propre plainte liée au respect des droits de la personne, un autre membre du syndicat a émis l’opinion durant une réunion qu’il ne pensait pas que le syndicat devrait consacrer une si grande part des cotisations syndicales à la plainte du directeur. Celui-ci a intenté des poursuites contre ce membre du syndicat. Mme Jacobs s’est également souvenue que […] a déposé une plainte de harcèlement contre le directeur à une époque où la définition de harcèlement n’était pas aussi vaste qu’elle ne l’est aujourd’hui. L’enquêteuse interne a déterminé qu’elle n’avait pas été harcelée, mais a fait des commentaires négatifs au sujet du style de gestion du directeur. Après que la plainte de […] avait été déclarée sans fondement, le directeur a intenté des poursuites contre elle pour diffamation. Elle est devenue malade à cause de stress et a fini par vendre sa maison et par retourner en Grande-Bretagne.

[…]

50 On a rappelé la Dre D’Iorio pour qu’elle témoigne au nom de l’employeur. Elle a fourni plus de détails au sujet de l’emploi et de la plainte de harcèlement du fonctionnaire s’estimant lésé. En ce qui concernait les examens du rendement, elle a expliqué qu’au cours de l’année 2002-2003, l’échelle d’évaluation du rendement des employés comportait cinq niveaux : la cote « supérieur » n’était pas la cote la plus élevée, contrairement à ce qu’a affirmé le fonctionnaire s’estimant lésé. La cote la plus élevée était « exceptionnel ». De 30 à 40 p. 100 des employés à l’ISM ont obtenu cette cote. L’échelle de cotation a été changée pour l’examen du rendement annuel de 2003-2004.  Depuis lors, il n’y a plus que trois niveaux de cotation et la cote la plus élevée est « entièrement satisfaisant ». À l’ISM, 99,4 % des employés ont reçu cette cote. Dans le cas des agents de recherches, l’attente est qu’ils aient un rendement entièrement satisfaisant.

51 Ottawa est l’une des cinq villes au Canada où l’on trouve des regroupements de compagnies utilisant la photonique. Il y a 90 compagnies à Ottawa qui œuvrent dans ce secteur et, ensemble, elles emploient plus de 10 000 personnes. À Ottawa, plus de 80 000 personnes travaillent dans l’industrie de la haute technologie, notamment en télécommunications ou en médecine. Deux universités à Ottawa ont des centres ou des programmes de photonique, soit l’Université d’Ottawa et l’Université Carleton. L’Université du Québec en Outaouais a également un programme dans le domaine de la photonique. On en trouve également un au Collège Algonquin.

52 En décembre 2005, la Dre D’Iorio a discuté avec le fonctionnaire s’estimant lésé de la fin de son emploi. Le mandat du fonctionnaire s’estimant lésé devait se terminer le 31 mars 2006. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas cherché un autre travail. Le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé une autre prolongation de sa nomination pour une période déterminée jusqu’à la fin de décembre 2006, afin d'avoir le temps de chercher du travail et de conclure son projet. La Dre D’Iorio trouvait qu’il s’agissait d’une requête raisonnable et a accepté de prolonger l’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé jusqu’au 29 décembre 2006. Généralement, on accorde aux agents de recherches six mois pour terminer leurs opérations. La Dre D’Iorio a ajouté que les agents de recherche se servent également de cette période pour rédiger des mémoires scientifiques et pour donner des exposés.

53 Le CNRC n’a pas poursuivi les activités dont s’occupait le fonctionnaire s’estimant lésé après son départ du CNRC et n’a engagé personne pour le remplacer. Le projet du fonctionnaire s’estimant lésé ne faisait plus partie des activités de recherche du CNRC.

54 En décembre 2005 et par la suite, la Dre D’Iorio a parlé des processus de nomination imminents au fonctionnaire s’estimant lésé et l’a encouragé à postuler ces postes. Elle lui a fait bien comprendre à ce moment-là et souvent par la suite que la seule façon d’obtenir un poste continu était de participer à un concours. Plusieurs postes sont devenus disponibles cette année-là. D’après la Dre D’Iorio, le fonctionnaire s’estimant lésé aurait dû présenter sa candidature à ces concours. S’il avait présenté une demande, il aurait eu la priorité sur les candidats qui ne travaillaient pas au CNRC, puisque la convention collective précisait que la candidature de personnes qui travaillent au CNRC est examinée en premier lorsqu’il y a des postes vacants.

55 La Dre D’Iorio savait que le CNRC peut procéder à une nomination sans concours, lorsque c’est dans l’intérêt supérieur du CNRC, comme le précise le Manuel des ressources humaines (pièce E-7). À sa connaissance, on n’avait jamais exercé cette option depuis qu’elle était entrée en fonctions au CNRC en 1983.

56 La Dre D’Iorio a expliqué comment elle a séparé le fonctionnaire s’estimant lésé de son superviseur. La dernière fois que le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a travaillé avec celui-ci était en juin 2004. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a alors quitté le lieu de travail en prenant un congé de maladie. Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé la plainte de harcèlement en août 2004. De décembre 2004 à novembre 2005, le fonctionnaire s’estimant lésé relevait d’un autre dirigeant de groupe. En novembre 2005, elle a écrit au fonctionnaire s’estimant lésé pour l’informer qu’il relèverait directement d’elle à partir de ce moment-là. Au même moment, la Dre D’Iori a écrit au superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé pour l’informer que celui-ci ne relevait plus de lui et qu’il ne devait pas lui parler. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé est revenu au CNRC le 1er novembre 2005 et a quitté le CNRC de façon permanente au début de 2006. Durant cette courte période où il était de retour au travail, le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé relevait d’elle. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a travaillé 30 jours en tout après son retour en novembre 2005, puisqu’il travaillait uniquement un jour sur deux.

57 La Dre D’Iorio a déclaré que ce n’était pas nécessaire de faire déménager le fonctionnaire s’estimant lésé, étant donné qu’il ne travaillait pas au même étage que son superviseur. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé avait trois bureaux. La Dre D’Iorio en a fermé deux après juin 2004. Lorsque le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé est revenu au CNRC pour une période de trois mois à la fin de 2005, il occupait le bureau qui se trouvait en face de celui de la Dre D’Iorio au premier étage de l'édifice où elle travaille. Le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait au troisième étage du même édifice.

58 Puis, la Dre D’Iorio a parlé du suivi du rapport sur le harcèlement (pièce E-1, onglet 5). Dans le rapport sur le harcèlement, on a conclu que 10 des allégations de harcèlement formulées par le fonctionnaire s’estimant lésé étaient fondées. Étant donné que le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas au travail au moment de la présentation du rapport de harcèlement en novembre 2006, la Dre D’Iorio lui a écrit le 26 janvier 2007 pour l’informer que le CNRC acceptait les constatations du rapport et qu'on discuterait de mesures correctrices ou administratives au moment de son retour au travail (pièce E-9).

59 La Dre D’Iorio avait trois options pour intervenir auprès du superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé après la présentation du rapport sur le harcèlement. La première était de demander au superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé de suivre de la formation. Elle envisageait d’exercer cette option au moment où le fonctionnaire s’estimant lésé reviendrait au travail. La deuxième option était de discipliner le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé. La Dre D’Iorio envisageait de le faire quand le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé serait de retour au travail. Elle ne pouvait pas le discipliner en son absence, puisqu’il avait le droit de formuler des observations à propos de n’importe quelle mesure disciplinaire proposée. Une troisième option était de suspendre ses pouvoirs de surveillance. Cette option n’était pas possible à ce moment-là, puisque le superviseur de la fonctionnaire s’estimant lésé était absent du travail. Il n’y avait aucun pouvoir de surveillance à suspendre. La Dre D’Iorio a ajouté qu’elle n’avait pris aucune des mesures énumérées ci-dessus puisque le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé n’est jamais revenu au travail après la présentation du rapport sur le harcèlement.

60 La Dre D’Iorio a ajouté que la mesure correctrice prévoyait également la séparation du fonctionnaire s’estimant lésé de son superviseur. À son avis, cela s’est fait puisque le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé était absent du travail depuis juin 2004.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

61 Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que le fait pour le CNRC de ne pas renouveler la nomination pour une période déterminée du fonctionnaire s’estimant lésé et de ne pas le nommer à un poste continu constituait des mesures disciplinaires déguisées et des représailles faites de mauvaise foi.

62 Le CNRC doit faire un choix. Si le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé avait le pouvoir de nommer un employé à un poste continu, il a abusé de ce pouvoir en promettant à plusieurs reprises au fonctionnaire s’estimant lésé qu’il lui fournirait un emploi permanent. Si le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas ce pouvoir, il a trompé le fonctionnaire s’estimant lésé et a fait preuve d’une malhonnêteté patente.

63 Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé que pour être attribuées à l'employeur, il n'est pas nécessaire que les représailles soient exercées par un membre de la haute direction. La preuve montre que le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a dit à celui-ci en mai 2004 que s’il s’opposait à lui, il se défendrait. Peu après cela, le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a menacé ce dernier qu’il lui fournirait une mauvaise référence lorsqu’il postulerait un autre emploi.

64 L’employeur n’a pas appliqué sa politique sur le harcèlement (pièce G-10). Cette politique précise ce qui suit :

[Traduction]

[…]

10.2.10.2     

Les gestionnaires et superviseurs sont responsables et obligés :

[…]

b) de favoriser un environnement de travail qui est libre de discrimination, de comportements offensants et de harcèlement;

c) de s’abstenir de commettre des actes de harcèlement et d’interdire aux employés de harceler d’autres employés;

d) d’intervenir immédiatement et de façon appropriée dans toute situation de harcèlement apparente dont ils prennent connaissance, qu’il y ait eu une plainte ou non […];

e) de faire en sorte que des représailles ne soient pas exercées contre des personnes déposant des plaintes de harcèlement;

[…]

65 Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que le CNRC a agi de mauvaise foi en n’empêchant pas ou en n’arrêtant pas le harcèlement auquel se livrait le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé à l’égard de ce dernier. Les responsabilités énoncées ci-dessus s’appliquent que l’employé dépose ou non une plainte de harcèlement officielle. Le fonctionnaire s’estimant lésé a porté la situation de harcèlement à l’attention du CNRC déjà en mars 2004, très longtemps avant qu’il soit séparé physiquement et hiérarchiquement de son superviseur. La séparation n’est pas vraiment survenue avant novembre 2005. Or, la politique sur le harcèlement précise qu’il incombe aux gestionnaires d’intervenir dans une situation de harcèlement aussi rapidement que possible. Quand le fonctionnaire s’estimant lésé l'a mentionné au CNRC en mars 2004, le CNRC aurait dû séparer le fonctionnaire s’estimant lésé de son superviseur. La seule réaction qu’a eue le CNRC a été d’informer le fonctionnaire s’estimant lésé qu’il pouvait déposer une plainte de harcèlement.

66 Même si le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas au travail, son nom continuait de figurer dans l’organigramme du CNRC pendant la durée de l’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé. Mme Jacobs a témoigné que le nom du superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas été retiré de l’organigramme avant qu’il ne quitte le CNRC de façon permanente le 1er février 2006. Le fonctionnaire s’estimant lésé ne savait pas quand son superviseur reviendrait et il craignait que cela puisse se produire à n’importe quel moment.

67 Le comportement abusif du superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé a été souligné dans le rapport d’enquête de la CCDP. Le rapport renferme le témoignage de Mme Jacobs, qui a affirmé à l’enquêteur qu’elle craignait que le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé exerce des représailles contre elle si elle témoignait au sujet de ses actions. Le rapport indique que le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé affichait un comportement abusif depuis longtemps. Son comportement était bien connu au CNRC.

68 Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a noté qu’on n’a pas donné suite au rapport sur le harcèlement. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas été discipliné. Malheureusement, le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé ne sera jamais discipliné puisqu’il ne travaille plus au CNRC.

69 Le CNRC n’a jamais indemnisé le fonctionnaire s’estimant lésé pour le harcèlement qu’il a subi aux mains de son superviseur. L’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé s’est terminé et il n’a reçu aucune indemnisation, ni même des excuses.

70 Ce qui est choquant ici, c’est que la Dre D’Iorio a témoigné que la politique sur le harcèlement ne prévoit aucune mesure de redressement en cas de harcèlement d'un employé. Si tel est le cas, la politique sur le harcèlement n’est qu’un tigre de papier. Pourquoi une personne déposerait-elle une plainte s’il n’y a aucune possibilité de redressement? Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné que s’il avait su qu’il n’y avait aucune mesure de redressement en réponse à sa plainte de harcèlement, il n’aurait jamais déposé la plainte. De l’avis du fonctionnaire s’estimant lésé, la mesure de redressement devait inclure le changement de son statut d’emploi.

71 Les gestes de l’employeur ont eu un effet néfaste sur les possibilités d’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé, sa situation financière, sa santé mentale et sa vie familiale.

72 Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé m’a renvoyé à Longpré c. Conseil du Trésor (Défense nationale), 2004 CRTFP 81. Dans cette affaire, l’arbitre de grief a statué qu’il avait compétence d’entendre le grief parce que la décision de ne pas renouveler la nomination de l’employé avait été prise de mauvaise foi.

73 Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé m’a également renvoyé à Laird c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration), dossier de la CRTFP 166‑02‑19981 (19901207). Dans cette affaire, un employé engagé pour une période de durée déterminée avait été licencié. L’arbitre de grief a décidé qu’il avait compétence en la matière puisque le licenciement constituait une mesure disciplinaire déguisée.

74 Un autre bon exemple est Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.). Dans cette affaire, le juge a rendu qu’un arbitre de grief peut assumer la compétence de l’affaire si l’employeur a agi de mauvaise foi lorsqu’il a rejeté un employé en probation.

B. Pour l’employeur

75 L’avocate de l’employeur a fait valoir que je n’ai pas compétence pour entendre ce grief. À son avis, la décision du CNRC de ne pas renouveler la nomination du fonctionnaire s’estimant lésé ne constituait pas un licenciement au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP.

76 L’avocate de l’employeur a observé que la raison pour laquelle CNRC insiste que le statut d’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé et le harcèlement sont des questions distinctes est que juridiquement, il s’agit de deux questions différentes.

77 L’avocate de l’employeur a souligné les principaux faits entourant ce grief. Elle a noté que les deux dernières prolongations de l’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé précisaient clairement que les prolongations n’étaient accompagnées d’aucun engagement de poursuivre son emploi (pièces E-5 et E-6). Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné qu’il avait lu ce paragraphe et accepté les prolongations.

78 Quand le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé une prolongation de son emploi en décembre 2005 afin qu’il puisse travailler une année civile complète en 2006, la Dre D’Iorio pensait qu’il s’agissait d’une requête raisonnable. Cela a donné le temps au fonctionnaire s’estimant lésé de mettre fin à son projet et de rédiger des mémoires. Elle a également encouragé le fonctionnaire s’estimant lésé à chercher un autre emploi durant cette année.

79 L’avocate de l’employeur a fait remarquer que la Dre D’Iorio, et non pas le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé, a décidé de ne pas renouveler le contrat de celui-ci. La Dre D’Iorio a pris cette décision après qu’elle avait commencé à superviser le fonctionnaire s’estimant lésé.

80 L’avocate de l’employeur a également fait des commentaires au sujet de la façon dont le fonctionnaire s’estimant lésé se serait fié à son superviseur. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé ne pouvait pas faire des promesses concernant l’obtention d’un emploi continu puisque les postes continus qui deviennent vacants doivent être comblés par la tenue d’un concours. Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il ne savait pas que son superviseur ne pouvait pas lui fournir un emploi continu. Cependant, le fonctionnaire s’estimant lésé ressentait de la profonde méfiance à l’égard de son superviseur. Le fonctionnaire s’estimant lésé a passé plusieurs heures à l’audience à décrire un certain nombre d’incidents qui étaient à l’origine de ce sentiment de méfiance. Le fonctionnaire s’estimant lésé dit qu’il croyait aux promesses d’une personne dont il se méfiait.

81 L’avocate de l’employeur a noté que le Manuel des ressources humaines et la convention collective précisent que la seule façon dont un employé peut être nommé à un poste continu est par la tenue d’un concours. La nomination du fonctionnaire s’estimant lésé à un poste permanent sans la tenue d’un concours aurait enfreint les dispositions des deux documents.

82 L’employeur a donné au fonctionnaire s’estimant lésé d’amples renseignements sur des concours. M. Gauthier, Mme Jacobs et la Dre D’Iorio ont rencontré plusieurs fois le fonctionnaire s’estimant lésé et l’ont encouragé à présenter sa candidature à des concours. M. Gauthier a suggéré que le fonctionnaire s’estimant lésé ne se limite pas à l’ISM et lui a donné une liste des directeurs généraux de tous les instituts au CNRC.

83 Le fonctionnaire s’estimant lésé aurait pu soumettre une demande à de nombreux concours durant son emploi au CNRC. L’analyse du CNRC des concours qui ont été tenus durant cette période montre que le fonctionnaire s’estimant lésé aurait pu participer à huit concours, autres que celui auquel il a soumis sa candidature. Pour effectuer cette analyse, on a tenu compte de l’expérience que possédait le fonctionnaire s’estimant lésé dans le domaine de la photonique. Le nombre de concours auxquels le fonctionnaire s’estimant lésé aurait pu soumettre sa candidature aurait été encore plus important si l’on se fondait sur son expérience plus vaste. Toutefois, le fonctionnaire s’estimant lésé a soumis une demande à un seul concours. Malheureusement, il ne satisfaisait pas aux exigences minimales du poste.

84 L’avocate de l’employeur a également examiné la plainte de harcèlement. Le fonctionnaire s’estimant lésé a rencontré le Dr Hackett en mars 2004 pour discuter de la situation de harcèlement. En juin 2004, le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé avait quitté le travail. À partir de ce moment-là, le lieu de travail où était employé le fonctionnaire s’estimant lésé était libre de harcèlement.

85 Un employeur a différentes options lorsqu’il s’agit de répondre à une allégation de harcèlement fondée. L’employeur peut rééduquer le harceleur, le discipliner ou suspendre ses fonctions de surveillance s’il en exerce. Mais pour qu’il puisse prendre ces mesures, l’auteur du harcèlement doit être au lieu de travail. Comment peut-on discipliner une personne qui n’est pas au travail? Ce serait étonnant, du point de vue de l’équité procédurale, de discipliner un employé en son absence. Il ne semble pas très logique non plus de suspendre une personne qui n’est pas au travail. L’employeur avait l’intention d’imposer des sanctions au superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé lorsqu’il reviendrait au travail. Fait ironique, le fait pour le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé de ne pas revenir au travail était la solution la plus efficace pour régler la situation de harcèlement. Puisque le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas au travail, il n’avait aucunement la possibilité de harceler le fonctionnaire s’estimant lésé.

86 L’avocate de l’employeur a noté que le fonctionnaire s’estimant lésé souhaite une indemnisation pour avoir subi du harcèlement. La politique sur le harcèlement exige que lorsqu’une personne allègue qu’elle est victime de harcèlement, l’employeur ouvre une enquête sur l’allégation. Le CNRC a mené cette enquête. La politique sur le harcèlement exige que l’employeur prenne des mesures pour s’assurer que le lieu de travail est libre de harcèlement. Le CNRC avait rempli cette obligation en fournissant au fonctionnaire s’estimant lésé un lieu de travail libre de harcèlement depuis juin 2004. La politique sur le harcèlement ne prévoit pas d’indemnisation. Elle ne précise pas qu’une personne qui a été harcelée a droit à autre chose qu’un lieu de travail libre de harcèlement.

87 L’avocate de l’employeur s’est penchée sur la loi applicable en l’espèce. Elle a affirmé que dans le cadre de ce grief, il n’y avait pas eu licenciement; l’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé a pris fin parce qu'il est arrivé à la fin de la période de nomination. Si la mesure prise par l’employeur ne constitue pas un licenciement, la motivation de l’employeur, en ne renouvelant pas l’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé, n’est pas pertinente dans le contexte de la question de compétence. S’il ne s’agit pas d’un licenciement, un arbitre de grief ne peut se prononcer au sujet de la question de mauvaise foi. L’avocate de l’employeur m’a renvoyé aux deux cas suivants qui, de son avis, appuient ce point de vue : Pieters c. Conseil du Trésor (Cour fédérale du Canada), 2001 CRTFP 100 et Marta c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2001 CRTFP 31.

88 L’avocate de l’employeur a également soutenu que si je décide que l’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé s’est terminé par un licenciement au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP et que j’ai compétence en la matière du fait qu’il y a eu mauvaise foi, l’employé doit prouver qu’il y a effectivement eu mauvaise foi. En droit, on suppose qu'il y a bonne foi. Sur ce point, l’avocate de l’employeur m’a renvoyé à Keuleman c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 40.

89 L’avocate de l’employeur a déclaré que non seulement le fonctionnaire s’estimant lésé doit prouver que l’employeur a agi de mauvaise foi, mais il doit aussi prouver qu’il y a un lien de cause à effet entre la décision de l’employeur de ne pas nommer le fonctionnaire s’estimant lésé et la présumée mauvaise foi. La décision de l’employeur doit avoir été prise en réponse au comportement du fonctionnaire s’estimant lésé. En l’absence d’un tel lien, l’arbitre de grief n’a pas la compétence voulue pour entendre le grief.

90 Dans ce grief, il n’y a aucun lien entre la décision du CNRC de ne pas renouveler la nomination du fonctionnaire s’estimant lésé et le comportement du superviseur de ce dernier. Il n’y a aucune preuve que la décision a été prise en réponse à l’un ou à l’autre des gestes posés par le fonctionnaire s’estimant lésé. Le rendement au travail du fonctionnaire s’estimant lésé ne présentait aucun problème; il a obtenu de bonnes évaluations. Il n’a pas été remplacé par quiconque et personne n’a pris la relève de ses fonctions. La preuve la plus évidente de l’absence de mauvaise foi est que le CNRC a prolongé deux fois l’emploi pour une période déterminée du fonctionnaire s’estimant lésé après qu’il a déposé une plainte de harcèlement et deux fois après qu’il a déposé une plainte auprès de la CCDP.

91 L’avocate de l’employeur m’a également renvoyé aux cas suivants, qui portent sur la question du refus de l’employeur de renouveler la nomination d’un employé : Savic c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2001 CRTFP 104; Khinda c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2005 CRTFP 71; Monteiro c. Conseil du Trésor (Agence spatiale canadienne), 2005 CRTFP 27. L’avocate de l’employeur m’a également renvoyé Wright c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 139, où l’arbitre de grief a statué que dans les cas de renvoi en période de stage c’est à l’employé qu’incombe le fardeau de prouver que le renvoi était de mauvaise foi. En ce qui concerne la question des dommages-intérêts, l’avocate de l’employeur m’a renvoyé à Chénier c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada Service correctionnel), 2003 CRTFP 27.

92 Se penchant sur la question du redressement, l’avocate de l’employeur a souligné que je n’avais pas la compétence pour nommer le fonctionnaire s’estimant lésé à un poste. Sur ce point, elle m’a renvoyé à Foreman c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), 2003 CRTFP 73.

93 L’avocate de l’employeur a également parlé de la question de l’atténuation des dommages-intérêts. Le fonctionnaire s’estimant lésé ne devait pas nécessairement aller en Chine pour trouver un emploi. Durant son témoignage, la Dre D’Iorio a indiqué qu’Ottawa est un centre pour les compagnies spécialisées en photonique au Canada. Il y a 90 compagnies à Ottawa qui emploient plus de 10 000 employés. On ne dispose d’aucune preuve que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a jamais postulé un emploi dans ces compagnies. Le fonctionnaire s’estimant lésé a dit qu’il serait difficile d’obtenir un emploi sans une référence de son superviseur, mais il n’y a aucune preuve que cela est vrai. Il n’y a également aucune preuve qu’il a essayé d’obtenir une référence d’autres personnes qui travaillaient au CNRC.

94 L’avocate de l’employeur a conclu que je n’ai pas compétence en la matière. La décision de ne pas renouveler la nomination du fonctionnaire s’estimant lésé ne constitue pas un licenciement. S’il y a eu mauvaise foi, cela ne donne pas à un arbitre de grief la compétence de statuer sur le non-renouvellement d’une nomination. Si je décide que la mesure prise par l’employeur constitue un licenciement et si je décide qu’il y a eu mauvaise foi et qu'en raison de cela, j’ai compétence en la matière, je devrais quand même rejeter le grief parce qu’il n’y a aucun lien entre la décision de ne pas renouveler l’emploi pour une période déterminée du fonctionnaire s’estimant lésé et le comportement affiché par le superviseur de celui-ci.

C. Réponse du fonctionnaire s’estimant lésé

95 Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a maintenu qu’un arbitre de grief a la compétence voulue pour entendre un grief qui a trait au non-renouvellement d’une nomination lorsque l’employeur a agi de mauvaise foi, comme cela a été le cas en l'espèce.

96 L’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé a souligné que le CNRC suppose qu’il y a une barrière qui sépare le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé et l’employeur. Le représentant de l’employeur a admis que le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé harcelait celui-ci, mais a fait valoir que le CNRC n’était pas responsable des conséquences du comportement du superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé. Cela démontre de la mauvaise foi de la part du CNRC.

97 Les arguments avancés par l’employeur sont un peu schizophrènes. D’un côté, M. Séguin a dit que les questions du statut d’emploi et du harcèlement ne pouvaient être séparées. Or, dans son courriel daté du 16 mars 2005, il a écrit ceci : [traduction] « […] il m’est impossible de ‘scinder’ votre plainte en deux et d’examiner la question de l’emploi soulevée dans votre plainte séparément de la question globale du harcèlement, du fait que, d’après moi, il s’agit d’une seule et même question » (pièce G-11). Mme Mortimer, dans sa lettre au fonctionnaire s’estimant lésé, a également traité la question du statut d’emploi comme faisant partie intégrante de la plainte de harcèlement (pièce E-1, onglet 6). Par contraste, l’avocate de l’employeur a soutenu durant la présente audience que les deux questions doivent être séparées. Quelle est la bonne réponse? Ce qu’ont dit M. Séguin et Mme Mortimer ou ce qu’a affirmé la représentante de l’employeur à cette audience?

98 Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé n'estimait pas que le lieu de travail était libre de harcèlement à partir de juin 2004. Le fonctionnaire s’estimant lésé craignait qu’il y eût d'autres actes de harcèlement puisqu’il ne savait pas si son superviseur reviendrait.

IV. Motifs

99 Le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé son grief à l’arbitrage conformément à l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, qui est formulé comme suit :

          209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

[…]

100 Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief afin de contester le non-renouvellement de son contrat d’emploi pour une période de durée déterminée au CNRC ainsi que le fait qu’on ne l’avait pas nommé à un poste continu au sein de cet organisme. Le fonctionnaire s’estimant lésé soutient que la décision de ne pas le nommer ainsi était une mesure disciplinaire déguisée et constituait des représailles exercées de mauvaise foi. Le fonctionnaire s’estimant lésé est d’avis que si son supérieur ne l’avait pas harcelé à plusieurs reprises et que si l’enquête sur le harcèlement avait été menée plus rapidement, il aurait été nommé à un poste continu au CNRC.

101 C’est un fait reconnu que le fonctionnaire s’estimant lésé était harcelé par son superviseur. Une enquête sur le harcèlement a conclu que le superviseur avait harcelé le fonctionnaire s’estimant lésé à plusieurs reprises. L’employeur a accepté les conclusions de ce rapport. Le fonctionnaire s’estimant lésé a également témoigné sur tous ces incidents à la présente audience, et l’employeur n’a pas remis en question son témoignage sur ces points. Ce harcèlement incluait le fait que le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé avait plusieurs fois amené le fonctionnaire s’estimant lésé à croire qu’il serait nommé à un poste continu, qu’il avait crié contre lui plusieurs fois, parfois en la présence de collègues, qu'il l’avait humilié en la présence d’enseignants du Collège Algonquin en l’interrompant constamment durant une réunion et qu’il l’avait embarrassé en changeant constamment d’avis en ce qui concernait l’achat d’un ordinateur portatif. Après la présentation du rapport sur le harcèlement, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a reçu aucune indemnisation de l’employeur pour le harcèlement dont il avait été victime, et il n’a pas reçu d’excuses.

102 L’employeur a fait valoir que je n’ai pas compétence en la matière parce que sa décision de ne pas nommer le fonctionnaire s’estimant lésé ne constitue pas un licenciement au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP. Je conviens que je peux seulement assumer la compétence sur cette question si la décision de ne pas renouveler la nomination du fonctionnaire s’estimant lésé constituait un licenciement au sens de cet alinéa.

103 La question de savoir si le fait de ne pas renouveler une nomination constitue un licenciement a été analysée par l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (« l’ancienne CRTFP »), le prédécesseur de l’actuelle Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP »), dans Pieters. Après avoir examiné le grief, l’arbitre de grief a statué que le non-renouvellement d’une nomination ne constitue pas un licenciement :

[…]

[45] Je dois donc commencer par déterminer si la décision de l’employeur de ne pas reconduire le contrat d’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé constitue un « licenciement » au sens de l’alinéa 92(1)b) de la Loi. Je ne crois pas que ce soit le cas, pour les raisons suivantes : l’employeur n’a pas dû prendre de mesure précise à cette fin, alors qu’il aurait dû le faire, par exemple, pour renvoyer le fonctionnaire s’estimant lésé en période de stage ou pour le mettre à pied de façon à mettre fin à son emploi. L’emploi de M. Pieters a cessé conformément aux dispositions de son contrat d’emploi à terme et en application de l’article 25 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. J’estime que les arrêts de la Cour d’appel fédérale dans Dansereau c. Office national du film (supra) et Eskasoni School Board/Eskasoni Band Council c. MacIsaac (supra) étayent cette conclusion.

[46] Les arbitres saisis d’un grief contestant le défaut de l’employeur de reconduire un contrat d’emploi ont tous conclu qu’ils n’ont pas compétence pour trancher la question en vertu des dispositions pertinentes de la Loi : Hanna (supra), Blackman (supra), Beaulieu (supra), Lecompte (supra)et Marta (supra)[…]

[…]

[Je souligne]

104 Dans Monteiro, un arbitre de grief de l’ancienne CRTFP est arrivé à la même conclusion. L’arbitre de grief a statué que le non-renouvellement d’un contrat d’emploi ne constitue pas un licenciement. Un licenciement suppose la prise d’une décision par l’employeur de mettre fin à un emploi qui, sinon, se serait poursuivi :

[…]

[11]    La compétence conférée à un arbitre aux termes de l’article 92 est assez restreinte et ne peut être élargie, même par consentement des parties. Cette compétence est, d’une part, limitée à l’interprétation ou à l’application d’une convention collective et, d’autre part, à un licenciement ou à rétrogradation et à une mesure disciplinaire. Selon le libellé de son grief, M. Monteiro conteste sa cessation d’emploi. Je dois donc commencer par déterminer si la décision de l’employeur de ne pas reconduire le contrat d’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé constitue soit un « licenciement » au sens de l’alinéa 92(1)b) de la LRTFP ou, comme M. Monteiro l’exprime dans son grief, d’un congédiement déguisé. Je ne crois pas que ce soit le cas, pour les raisons qui suivent.

[12]    Premièrement, l’employeur n’a pas dû prendre de mesure précise à cette fin, alors qu’il aurait dû le faire, par exemple, pour renvoyer le fonctionnaire s’estimant lésé en période de stage ou pour le mettre à pied de façon à mettre fin à son emploi. La preuve est à l’effet que l’emploi de M. Monteiro a cessé conformément aux dispositions de son contrat d’emploi à terme et en application de l’article 25 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. J’estime que les arrêts de la Cour d’appel fédérale dans Dansereau c. Office national du film [1979] 1 C.F. 100 et Eskasoni School Board/Eskasoni Band Council c. MacIsaac, [1986] A.C.F. no 263 (C.A.) étayent cette conclusion. La notion de congédiement implique une décision prise par un employeur de mettre fin unilatéralement à un contrat de travail qui, autrement, aurait continué à exister.

[…]

[Je souligne]

105 La jurisprudence de l’ancienne CRTFP sur cette question est assez constante. Dans Savic, l’arbitre de grief a décidé que le non-renouvellement de la nomination pour une période déterminée de la fonctionnaire s’estimant lésée ne constituait pas un licenciement ni une mesure au sens de l’article 92 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, qui précédait l’actuelle LRTFP :

[…]

35    La relation d’emploi de la Dre Savic avec l’Agence a pris fin conformément à son contrat d’emploi. […] Je suis convaincu que ce qui s’est passé en l’espèce n’équivaut pas à un « licenciement » ou à une « sanction disciplinaire » au sens de l’article 92 de la Loi.

[…]

106 Dans Kerr-Alich c. Conseil du Trésor (ministère du Développement social), 2007 CRTFP 33, l’arbitre de grief de la CRTFP a déclaré que, normalement, le non-renouvellement d’une nomination pour une durée déterminée ne relève pas des arbitres de griefs (paragraphe 162).

107 Dans Dansereau c. Office national du film, [1979] 1 C.F. 100, la Cour d’appel  fédérale a conclu également qu’un arbitre de grief n’a pas compétence en ce qui concerne la décision de ne pas renouveler un contrat d’emploi. Dans cette affaire, l’employée avait fait valoir que le non-renouvellement de sa nomination pour une période déterminée constituait une mise à pied. La Cour a rejeté cet argument et a décidé qu’elle n’avait pas été mise à pied, mais que son emploi avait cessé en conformité avec les conditions du contrat.

108 Ainsi, la jurisprudence de la Cour fédérale, de l’ancienne CRTFP et de l’actuelle CRTFP a établi assez clairement que le non-renouvellement d’une nomination d’emploi pour une période déterminée ne constitue pas un licenciement. En l’espèce, le contrat du fonctionnaire s’estimant lésé a expiré à la fin de son mandat, et l’employeur a décidé de ne pas renouveler la nomination. Il n’y avait pas de licenciement au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP.

109 Le fonctionnaire s’estimant lésé soutient que j'ai compétence en la matière si la décision de ne pas reconduire la nomination pour une période déterminée du fonctionnaire s’estimant lésé ou de ne pas le nommer à un poste permanent était une forme de discipline déguisée ou était prise de mauvaise foi. L’employeur, de l'autre côté, fait valoir qu'il s'il y a eu mauvaise foi, cela ne me donne pas compétence à l’égard du non-renouvellement d’une nomination. Dans Pieters, l’arbitre de grief a décidé que les motifs de l’employeur de ne pas reconduire le contrat d’emploi ne sont pas pertinents lorsqu'il s'agit de déterminer la compétence de l’arbitre de grief :

[…]

[46] […] Dans Laird (supra), bien que la décision de l’employeur de mettre une fonctionnaire nommée pour une période déterminée en disponibilité avant la fin de son contrat d’emploi ait été motivée par la mauvaise foi, l’arbitre conclut que sa compétence lui permettait seulement d’accorder à l’intéressée un dédommagement pour le reste de la période couverte par sa nomination pour une période déterminée. Dans la présente affaire, les motifs pour lesquels l’employeur n’a pas reconduit le contrat d’emploi de M. Pieters ne sont pas pertinents pour la détermination de la compétence de l’arbitre. Les décisions que le fonctionnaire s’estimant lésé a invoquées pour démontrer qu’un arbitre aurait compétence pour entendre et trancher son grief, à condition qu’il puisse prouver la mauvaise foi de l’employeur, portent sur une mise à pied ou un renvoi en période de stage, ce qui implique, dans les deux cas, que l’employeur devait prendre une mesure quelconque pour mettre fin à l’emploi des intéressés.

[…]

[Je souligne]

110 Cependant, il n’est nullement nécessaire pour moi de décider si je peux assumer la compétence si une décision de ne pas nommer une personne est prise de mauvaise foi, étant donné qu'en l'espèce, il n’y a aucune preuve que l’employeur a agi de mauvaise foi en refusant de renommer le fonctionnaire s’estimant lésé à un poste au CNRC. La mauvaise foi à laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé fait allusion a trait à la façon dont son superviseur l’a traité et à la réaction de l’employeur au comportement de son superviseur. Or, la preuve montre qu’il n’y a pas de relation de cause à effet entre le comportement du superviseur envers le fonctionnaire s’estimant lésé et la décision de ne pas nommer celui-ci à un poste pour une période déterminée ou à un poste continu. Le surveillant du fonctionnaire s’estimant lésé a quitté le travail en juin 2004 et il n’était pas au travail lorsqu’on a décidé de ne pas procéder à une nouvelle nomination du fonctionnaire s’estimant lésé en décembre 2005. À ce moment-là, l'employeur avait retiré officiellement au superviseur les responsabilités de supervision du fonctionnaire s’estimant lésé. La Dre D’Iorio et Mme Jacobs ont témoigné que le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé n’a aucunement contribué à la décision de ne pas renouveler la nomination de ce dernier. C’est la Dre D’Iorio, et non pas le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé, qui a décidé de ne pas renouveler la nomination du fonctionnaire s’estimant lésé pour une période déterminée.

111 Il n’y a également aucune preuve que le harcèlement que subissait le fonctionnaire s’estimant lésé de la part de son superviseur a influencé d’une quelconque façon la décision de la Dre D’Iorio de ne pas nommer le fonctionnaire s’estimant lésé à un poste au CNRC. La preuve indique que la Dre D’Iorio a décidé de ne pas renouveler la nomination du fonctionnaire s’estimant lésé parce que l’employeur a décidé de ne pas poursuivre le projet du fonctionnaire s’estimant lésé. Quand le fonctionnaire s’estimant lésé est parti, personne n’a poursuivi ses activités. Par conséquent, il n’y a pas de preuve que la Dre D’Iorio a agi de mauvaise foi lorsqu’elle a décidé de ne pas procéder à la nomination du fonctionnaire s’estimant lésé.

112 En ce qui concerne la question de la nomination du fonctionnaire s’estimant lésé à un poste continu, il y a une raison additionnelle et encore plus convaincante qui fait que je ne puis conclure que l’employer a agi de mauvaise foi en refusant de procéder à une telle nomination. L’employeur n’aurait pas pu nommer le fonctionnaire s’estimant lésé à un poste continu sans la tenue d’un concours, comme le souhaitait le fonctionnaire s’estimant lésé. S’il l’avait fait, il aurait enfreint les dispositions du Manuel des ressources humaines du CNRC (pièce E-7) ainsi que la convention collective. Le Manuel des ressources humaines énonce les situations où on peut procéder à une nomination sans concours, et aucune de ces situations ne s’appliquait au fonctionnaire s’estimant lésé. La stipulation 2.01 de la convention collective (pièce E-1, onglet 7) précise que [traduction] « [t]ous les postes vacants permanents du groupe AR/ACR seront affichés à l’interne ». La seule façon d’être nommé à un poste continu au CNRC était de participer à des concours organisés pour ces postes. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas présenté sa candidature aux concours qui avaient lieu durant son emploi au CNRC, à l’exception d’un seul concours, pour lequel il ne possédait pas les qualifications nécessaires.

113 L’argument selon lequel la décision de ne pas renouveler la nomination du fonctionnaire s’estimant lésé constituait une mesure disciplinaire déguisée n’a aucun mérite. Comme je l’ai affirmé plus haut, cette décision n’a été prise en réponse à aucun des gestes posés par le fonctionnaire s’estimant lésé, mais parce que l’employeur a décidé de ne pas continuer son projet.

114 Il n’y a aucune preuve qui appuie l’affirmation selon laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé aurait obtenu une nomination continue s’il n’y avait pas eu des délais dans l'établissement du rapport sur le harcèlement. Comme je l’ai indiqué plus haut, la seule façon dont le fonctionnaire s’estimant lésé aurait pu obtenir un poste continu était s’il avait présenté une demande à un concours, ce qu’il n’a pas fait, à l’exception d’un concours où sa candidature a été rejetée parce qu’il ne satisfaisait pas aux exigences minimales définies pour le poste, malgré le fait que de nombreuses personnes lui avaient conseillé à de nombreuses occasions de se présenter ainsi à des concours.

115 Pour résumer ce qui précède, je n’ai pas la compétence voulue pour entendre ce grief, étant donné que la décision de l’employeur de ne pas nommer le fonctionnaire s’estimant lésé à un autre poste pour une période déterminée ou à un poste continu ne constitue pas un licenciement au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP. En ce qui concerne la question de mauvaise foi, il n’est pas nécessaire pour moi de décider si l'existence de mauvaise foi me permet d’assumer la compétence en l'espèce, puisqu'il n’y avait pas de relation de cause à effet entre le comportement du superviseur à l'égard du fonctionnaire s’estimant lésé (c’est-à-dire la mauvaise foi à laquelle celui-ci fait allusion) et la décision de ne pas nommer le fonctionnaire s’estimant lésé à un poste pour une période déterminée ou à un poste continu. Le superviseur du fonctionnaire s’estimant lésé n’a aucunement pris part à cette décision. La Dre D’Iorio a pris cette décision, et il n’y a aucune preuve qu’elle a agi de mauvaise foi. La Dre D'Iorio n’aurait pas pu nommer le fonctionnaire s’estimant lésé à un poste continu sans la tenue d’un concours, parce que si elle l’avait fait, elle aurait enfreint les dispositions à la fois du Manuel des ressources humaines et de la convention collective. Le non-renouvellement de la nomination du fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est fait en réponse à aucune de ses actions, mais parce que l’employeur a décidé de ne pas poursuivre son projet.

116 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

117 Le grief est rejeté.

Le 8 juillet 2008.

Traduction de la CRTFP

John A. Mooney,
arbitre de grief

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