Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur a refusé de payer au fonctionnaire s’estimant lésé l’indemnité de repas de 9$ prévue à la convention collective lorsqu’un employé <<[...] effectue trois (3) heures supplémentaires ou plus juste avant ou juste après les heures de travail prévues à son horaire [...]>> - les parties ont convenu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait travaillé trois heures supplémentaires immédiatement après son quart de travail un jour désigné férié - l’arbitre de grief a conclu que l’indemnité de repas était payable même lorsque les heures supplémentaires étaient effectuées un jour férié. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-08-12
  • Dossier:  166-02-37179
  • Référence:  2008 CRTFP 67

Devant un arbitre de grief


ENTRE

YVES JULIEN

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Julien c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Amarkai Laryea, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Caroline Proulx, stagiaire en droit

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 24 juin 2008.

I. Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Le 21 février 2004, Yves Julien (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») a déposé un grief alléguant que l’employeur aurait dû lui payer une indemnité de repas lorsqu’il a fait des heures supplémentaires le 27 décembre 2003. La convention collective applicable est celle conclue entre l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’ « ADRC ») et l’Alliance de la Fonction publique du Canada le 22 mars 2002 à l’égard de l’unité de négociation de l’exécution des programmes et des services administratifs (la « convention collective »). Depuis, le Conseil du Trésor (l’« employeur ») a remplacé l’ADRC à titre d’employeur.

2 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

II. Résumé de la preuve

3 La preuve déposée lors de l’audience consiste en un énoncé conjoint des faits, qui se lit comme suit :

[…]

[1] Le 12 décembre 2003, le Gouverneur en conseil, en vertu du décret 2003-2064 et ce, en conformité avec la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique, a transféré certaines parties de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) à l’Agence des services frontalier du Canada (ASFC). L’ADRC est maintenant appelé l’Agence du revenu du Canada (ARC) et est demeurée un organisme distinct qui se trouve à l’Annexe V de la Loi sur la gestion des finances publique (LGFP).

[2] Les portions qui on été transférées à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) incluaient le transfert des postes et des employés de la fonction publique en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. L’ASFC fait partie du secteur de l’administration publique centrale en vertu de l’annexe IV de la LGFP.

[3] La convention collective qui s’appliquait durant cette période de transition, soit du 12 décembre 2003 au 14 mars 2005 (date à laquelle la convention du groupe des Services des programmes et de l’administration (PA) a été signée), est celle qui avait été signée entre l’Agence des douanes et du revenu du Canada et l’Alliance de la fonction publique du Canada.

[4] Yves Julien est un agent des services frontaliers (PM-02 au moment où il a déposé son grief).  La convention collective entre l’Agence des douanes et du revenu du Canada et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (Exécution des programmes et des services administratif; date d’expiration : 31 octobre 2003) s’applique.

[5] Le samedi 27 décembre 2003 constituait un jour désigné jour férié pour M. Julien.

[6] Le 27 décembre 2003, M. Julien devait travailler pour une durée de 10.72 heures, soit le nombre d’heures de travail prévues à son horaire. Le plaignant a été payé selon l’article 25.27 e) de la convention collective en question.

[7] Le 27 décembre, 2003, à la demande de l’employeur, M. Julien a travaillé trois (3) heures juste après les heures de travail prévues à son horaire, soit un total de 13.72 heures pour cette journée.

[8] Le système SAE (Système Administratif d’Entreprise) a été mis sur pied par l’Agence des douanes et du revenu du Canada le 8 juillet 1999. Avant cette date, il arrivait que les agents qui travaillaient trois (3) heures en plus des heures prévues à leur horaire lors d’une journée fériée désignée payée étaient remboursés pour un repas selon l’article 28.09. Depuis Juillet 1999, étant donné que la configuration du SAE ne le permet pas, les employées qui travaillent trois (3) heures en plus des heures prévues à leur horaire lors d’une journée fériée désignée ne sont plus remboursées selon l’article 28.09.

[9] L’employé n’a pas reçu un remboursement de $9 pour un repas pour le travail effectué juste après les heures de travail prévues à son horaire le 27 décembre 2003.

[10] Le 16 février 2004, M. Julien dépose un grief. Le grief est rejeté au palier final le 23 janvier 2006.

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

4 Les stipulations suivantes de la convention collective s’appliquent en l’espèce:

[…]

ARTICLE 2
INTERPRÉTATION ET DÉFINITIONS

2.01 Aux fins de l’application de la présente convention :

[…]

« heures supplémentaires » (overtime) désigne :

(i)       dans le cas d’un employé-e à temps plein, le travail autorisé qu’il ou elle exécute en plus des heures de travail prévues à son horaire,

[…]

**ARTICLE 25
DURÉE DU TRAVAIL

[…]

25.27 Champ d’application particulier de la présente convention

Pour plus de certitude, les dispositions suivantes de la présente convention sont appliquées comme suit :

[…]

e)       Jours fériés payés (paragraphe 30.08)

(i)       Un jour férié désigné payé correspond à sept heures et demie (7 1/2).

[…]

**ARTICLE 28
HEURES SUPPLÉMENTAIRES

[…]

28.04 Généralités

a)       L’employé-e a droit à la rémunération des heures supplémentaires prévue aux paragraphes 28.06 et 28.07 pour chaque période complète de quinze (15) minutes de travail supplémentaire qu’il ou elle accomplit :

(i)       quand le travail supplémentaire est autorisé d’avance par l’Employeur ou est conforme aux consignes d’exploitation normales,

et

(ii)      quand l’employé-e ne décide pas de la durée du travail supplémentaire.

b)       Les employé-e-s doivent consigner de la manière déterminée par l’Employeur les heures auxquelles commence et se termine le travail supplémentaire.

c)       Afin d’éviter le cumul des heures supplémentaires, l’employé-e ne doit pas être rémunéré plus d’une fois pour les mêmes heures supplémentaires effectuées.

d)       Les paiements prévus en vertu des dispositions de la présente convention concernant les heures supplémentaires, les jours fériés désignés payés et l’indemnité de disponibilité, ne sont pas cumulés, c’est‑à-dire que l’employé-e n’a pas droit à plus d’une rémunération pour le même service.

[…]

28.09          Repas

a)       L’employé-e qui effectue trois (3) heures supplémentaires ou plus juste avant ou juste après les heures de travail prévues à son horaire reçoit un remboursement de neuf dollars (9 $) pour un repas, sauf si le repas est fourni gratuitement.

[…]

ARTICLE 30
JOURS FÉRIÉS PAYÉS

[…]

Travail accompli un jour férié

[…]

30.08

a)       L’employé-e qui travaille un jour férié est rémunéré au tarif et demi (1 1/2) pour toutes les heures effectuées jusqu’à concurrence de sept heures et demie (7 1/2) et au tarif double (2) par la suite, en plus de la rémunération qu’il ou elle aurait reçue s’il ou elle n’avait pas travaillé ce jour-là,

ou

b)       sur demande, et avec l’approbation de l’Employeur, l’employé-e peut bénéficier :

(i)       d’un jour de congé payé (au tarif des heures normales), à une date ultérieure, en remplacement du jour férié,

et

(ii)      d’une rémunération calculée à raison d’une fois et demie (1 1/2) le tarif horaire normal pour toutes les heures qu’il ou elle effectue jusqu’à concurrence de sept heures et demie (7 1/2),

et

(iii)     d’une rémunération calculée à raison de deux (2) fois le tarif normal pour toutes les heures qu’il ou elle effectue le jour férié en sus de sept heures et demie (7 1/2).

[…]

III. Résumé de l’argumentation

A.  Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

5 Le 27 décembre 2003, alors qu’il a travaillé trois heures supplémentaires à la suite de sa journée de travail lors d’un jour férié, le fonctionnaire s’estimant lésé avait droit, selon la stipulation 28.09a) de la convention collective, à un remboursement de 9 $ pour un repas. Il ne l’a pas reçu.

6 Le fonctionnaire s’estimant lésé a été payé pour le 27 décembre 2003 selon la stipulation 25.27e) de la convention collective, qui est liée à la stipulation 30.08.

7 La seule raison qui pourrait empêcher le paiement de l’indemnité de repas serait le fait qu’un tel remboursement constitue un cumul de rémunération, ce qui est prohibé selon la stipulation 28.04d) de la convention collective. Or, on ne se trouve pas ici en présence d’un cumul de rémunération car la raison du paiement, en l’occurrence un repas, est différente.

8 Comme argument subsidiaire, le fonctionnaire s’estimant lésé soumet que, selon la preuve, l’employeur a payé l’indemnité de repas de 9 $ dans des circonstances similaires dans le passé et que cette pratique établit, sur la base de la pratique passée, un droit pour le fonctionnaire s’estimant lésé.

9 Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé les décisions suivantes en appui de son argumentation : Municipality of Metropolitan Toronto v. Canadian Union of Public Employees, Local 43 (1984), 13 L.A.C. (3e) 356; John Bertram & Sons Co. Ltd. v.International Association of Machinists, Local 1740 (1967), 18 L.A.C. 362; Associated Freezers of Canada Ltd. v. Teamsters Union, Local 419 (1979), 23 L.A.C. (2e) 40. Il m’a aussi renvoyé au paragraphe 8:2140 du Canadian Labour Arbitration, 4e éd., de Brown and Beatty.

B. Pour l’employeur

10 L’employeur n’a pas enfreint la convention collective en ne remboursant pas le repas réclamé par le fonctionnaire s’estimant lésé.

11 L’article 30 de la convention collective traite des jours fériés et l’article 28 des heures supplémentaires. Il s’agit d’articles indépendants l’un de l’autre. Les stipulations 28.09 et 30.08 de la convention collective sont claires, précises et complètes. Si l’ADRC et l’agent négociateur du fonctionnaire s’estimant lésé avaient voulu que l’article 28, la stipulation 28.09 et la stipulation 30.08 soient interreliés, ils l’auraient exprimé dans la convention collective, ce qui n’est pas le cas.

12 L’employeur a fait référence à plusieurs stipulations de la convention collective où des interrelations sont faites et dans chacun des cas les renvois à l’autre stipulation sont explicites.

13 L’employeur rappelle que l’article 30 de la convention collective est complet en soi et que la définition des heures supplémentaires n’est pas nécessaire pour l’interpréter. Les heures travaillées le 27 décembre 2003 par le fonctionnaire s’estimant lésé n’étaient pas des heures supplémentaires.

14 De plus, la jurisprudence est claire à l’effet qu’un avantage pécuniaire n’est payable que lorsqu’il est explicitement mentionné dans la convention collective. Or, ce n’est pas le cas pour le remboursement du repas lors d’heures supplémentaires travaillées un jour férié.

15 Enfin, pour ce qui est de l’argument fondé sur la pratique antérieure, l’employeur reconnaît qu’il est arrivé que le repas soit remboursé dans des circonstances similaires. Il s’agissait là d’erreurs administratives qui ont été corrigées depuis plus de quatre ans.

16 L’employeur a déposé la décision suivante en appui de son argumentation : Cardinal Transportation B.C. Inc. v. Canadian Union of Public Employees, Local 561 (1997), 62 L.A.C. (4e) 230. Il m’a aussi renvoyé au paragraphe 3:4400 du Canadian Labour Arbitration et aux pages 136 à 139 du Collective Agreement Arbitration in Canada, 3e éd., de Palmer and Palmer.

IV. Motifs

17 La question à trancher dans la présente affaire est la suivante : le fonctionnaire s’estimant lésé avait-il droit, lorsqu’il a travaillé 3 heures après les 10,72 heures de son horaire de travail le jour férié du 27 décembre 2003, de recevoir l’indemnité de repas selon la stipulation 28.09 de la convention collective?

18 Le paragraphe 7 de l’énoncé conjoint des faits mentionne que le fonctionnaire s’estimant lésé, à la demande de l’employeur, a travaillé trois heures juste après les heures de travail prévues à son horaire le 27 décembre 2003. Cette situation cadre parfaitement avec la définition d’« heures supplémentaires » à la stipulation 2.01(i) de la convention collective. Le fonctionnaire s’estimant lésé a donc travaillé 3 heures supplémentaires le 27 décembre 2003, juste après les 10.72 heures prévues à son horaire de travail.

19 La stipulation 28.09 de la convention collective prévoit qu’une indemnité de repas de 9 $ est payée à l’employé qui travaille au moins trois heures supplémentaires juste après ou juste avant les heures prévues à son horaire de travail. C’est précisément ce qui s’est produit le 27 décembre 2003 pour le fonctionnaire s’estimant lésé. L’employeur devait alors lui payer une indemnité de repas de 9 $, ce qu’il n’a pas fait.

20 La raison du refus invoquée par l’employeur est que la stipulation 28.09 de la convention collective ne s’applique pas aux heures supplémentaires travaillées un jour férié, car ces heures sont rémunérées selon l’article 30 et non pas selon l’article 28. Selon l’employeur, si l’ADRC et l’agent négociateur du fonctionnaire s’estimant lésé avaient voulu payer l’indemnité de repas lors d’un jour férié, un renvoi à la stipulation 28.09 aurait été inscrit à la stipulation 30.08. Je ne partage pas ce point de vue. En effet, si les parties à la convention collective avaient voulu exclure le paiement de l’indemnité de repas pour les heures supplémentaires travaillées un jour férié, elles en auraient fait mention à la stipulation 28.09 ou à la stipulation 30.08. Elles ne l’ont pas fait.

21 J’ai révisé la jurisprudence et la doctrine déposées par les parties et elles me sont de peu d’utilité pour trancher la question qui m’est soumise, puisque la convention collective me semble claire et ne pose aucune difficulté d’interprétation.

22 Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire de statuer sur les arguments des parties ayant trait à la pratique passée.

23 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

24 Le grief est accueilli.

25 J’ordonne à l’employeur de payer au fonctionnaire s’estimant lésé l’indemnité de repas de 9 $, prévue à la stipulation 28.09a) de la convention collective, à l’égard des heures supplémentaires que le fonctionnaire s’estimant lésé a travaillées le jour férié du 27 décembre 2003.

Le 12 août 2008.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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