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Informations sur la décision

Résumé :

La Guilde de la Marine marchande du Canada a renvoyé un grief de principe à l’arbitrage - il s’agissait de déterminer si le fait de recevoir une familiarisation à bord d’un navire équivaut à recevoir une formation aux fins du calcul des jours de relâche - l’arbitre de grief a conclu qu’une familiarisation n’équivaut pas à une formation et que le temps consacré à la familiarisation doit être considéré comme du temps passé au travail. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-07-09
  • Dossier:  569-02-35
  • Référence:  2008 CRTFP 52

Devant un arbitre de grief


ENTRE

GUILDE DE LA MARINE MARCHANDE DU CANADA

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Pêches et des Océans)

employeur

Répertorié
Guilde de la marine marchande du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans)

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour l’agent négociateur :
David Jewitt, avocat

Pour l'employeur:
Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 16 juin 2008.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1 La Guilde de la marine marchande du Canada (GMMC) a déposé un grief de principe contre le Conseil du Trésor (le CT ou l’« employeur ») le 1er mars 2007. Le grief se lisait comme suit :

[Traduction]

[…]

La Guilde conteste par les présentes, en son propre nom et au nom de ses membres, la décision unilatérale de l’employeur énoncée dans la circulaire de la flotte FC-03-2007 au sujet de la rémunération de la formation visant à payer les officiers uniquement à taux régulier pour « […] des activités comme de la familiarisation avec un emploi […] »

Cette décision va à l’encontre de la convention conclue concernant la LA 04-5 et, en outre, enfreint les dispositions de la convention sur les officiers à l’« Appendice H », dans lesquelles il est établi qu’un officier est en jours de relâche, travaille ou est en congé rémunéré autorisé, seulement sous réserve des dispenses spécifiques acceptées par la Guilde.

[…]

2 La GMMC a demandé la mesure corrective suivante :

[Traduction]

[…]

La Guilde ne souscrit pas à l’inclusion, par l’employeur, de la familiarisation dans la LA 04-5 et demande par les présentes un jugement déclaratoire selon lequel la circulaire de la flotte FC-03-2007 constitue un manquement aux obligations de l’employeur prévues dans la convention collective ainsi qu’une ordonnance de dédommagement rétroactif de tout officier touché.

[…]

3 Le CT a répondu au grief de principe le 13 juillet 2007. Dans sa réponse, le CT a déclaré qu’il ne voyait pas de quelle façon l’employeur a contrevenu à la disposition de la convention collective intervenue entre le CT et la GMMC qui a expiré le 31 mars 2006 (la « convention collective ») dans sa circulaire de la flotte FC-03-2007. Je reviendrai ultérieurement dans cette décision à la justification qui sous-tend la réponse de l’employeur au grief. Le 17 juillet 2007, la GMMC a renvoyé le grief à l’arbitrage.

II. Résumé de la preuve

4 La GMMC a déposé cinq documents et le CT en a déposé quatre. La GMMC a convoqué comme témoin Mark Boucher, secrétaire-trésorier national de la GMMC, lors du dépôt du grief. Le CT a convoqué Max Birch, surintendant des services maritimes de la Garde côtière canadienne, région du Pacifique.

5 Les employés représentés par la GMMC sont les officiers de navire. Ils sont visés par la convention collective. Au moment du grief, la convention collective n’avait pas été renouvelée et continuait de s’appliquer. C’est encore le cas à ce jour.

6 Le travail des officiers de navire auxquels ce grief de principe s’applique est régi par le « Système de dotation en personnel navigant et d’accumulation des jours de relâche » décrit à l’Appendice H de la convention collective. Règle générale, dans ce système, tous les jours sont considérés comme des jours de travail, et il n’y a pas de jours de repos, sauf les congés rémunérés autorisés qui sont prévus dans la convention collective.

7 Dans les faits, les employés travaillent par cycles dont la durée, variable, est le plus souvent de 28 jours. Dans ce système, un employé est à bord d’un navire pendant 28 jours et travaille 12 heures par jour. Au cours de ces 28 jours, les employés accumulent des jours de relâche. Ils sont ensuite en congé pendant 28 jours. Pour chaque jour de congé, les employés utilisent les jours de relâche accumulés. Les employés sont rémunérés à raison de 6 heures par jour, 7 jours par semaine, pour chaque jour du cycle complet de 56 jours. La même logique s’applique en adaptant les chiffres si les cycles de travail sont plus courts ou plus longs que 28 jours.

8 Lorsqu’un employé est en formation à court terme telle qu’elle est définie dans la lettre d’accord 04-5 (LA 04-5), il demeure dans son cycle de travail. Si l’activité de formation est entreprise pendant une période de congé du cycle de travail, la formation de l’employé est rémunérée au taux des heures normales.

9 Lorsque débute un nouveau cycle de travail, un employé peut être affecté à un navire sur lequel il n’avait jamais été affecté auparavant. Dans une telle situation, l’employeur peut exiger que cet employé reçoive une formation initiale (« familiarisation ») à bord, qui peut durer de quelques heures à quatre jours, selon le nombre et la complexité des sujets à couvrir.

10 Le chapitre 6 du manuel de la sécurité de la flotte expose dans quelles circonstances une familiarisation est nécessaire et ce qu’elle comprend. Le manuel précise que les employés qui se joignent à un navire pour la première fois doivent suivre une formation initiale, tout comme les employés qui n’ont pas travaillé sur un navire depuis plus de six mois ou, dans le cas de navires saisonniers, qui n’étaient pas à bord à la fin du cycle précédent.

11 La familiarisation a pour objet de permettre que les employés connaissent leurs fonctions et leurs responsabilités en matière de sûreté, de sécurité et de protection de l’environnement. Elle est propre à chaque navire. Elle permet d’acquérir des connaissances précises sur le fonctionnement et les caractéristiques d’un navire, sur son programme ou sa mission, sur son secteur d’exploitation et sur l’activité exercée dans le secteur.

12 Le CT estime que la familiarisation doit être considérée comme de la formation telle que celle-ci est définie dans la LA 04-5. Sa position concorde avec celle qui est exprimée par la Garde côtière canadienne dans la circulaire de la flotte FC 03-2007. La GMMC prétend quant à elle que la familiarisation ne devrait pas être considérée comme de la formation au sens où l’entend la LA 04-5.

13 Si la familiarisation est considérée comme de la formation, les employés qui suivent une familiarisation au cours de leurs jours de relâche sont rémunérés au tarif normal et se font déduire un jour de relâche pour chaque jour de familiarisation. Si la familiarisation n’est pas considérée comme de la formation, les employés, pour chaque jour de familiarisation, seraient considérés comme étant au travail et accumuleraient un jour de relâche plutôt que d’en utiliser un.

14 La LA 04-5 définit la formation comme « a) un cours offert par l’Employeur, b) un cours offert par un établissement d’enseignement reconnu, c) un séminaire, un congrès ou une séance d’études dans un domaine spécialisé directement rattaché au travail de l’officier ». La GMMC a déposé comme pièce un document de une page portant la date du 21 novembre 2006 qui renferme un amendement de la LA 04-5. L’amendement a été accepté par les parties le 21 novembre 2006. Il a pour objet d’ajouter ce qui suit : [traduction] « d) temps nécessaire pour actualiser sa formation, pour y accéder de nouveau ou pour renouveler l’accréditation de la formation déjà suivie sous a), b) ou c). » Toutefois, il convient de noter que l’amendement n’a pas encore été mis en œuvre, car la nouvelle convention collective n’a pas été signée.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

15 Le contenu de la circulaire de la flotte FC 03-2007 n’a jamais été porté à l’attention de l’agent négociateur avant d’être publié. L’employeur a décidé unilatéralement d’inclure la familiarisation avec l’emploi dans la définition de la formation pour que la LA 04-5 s’applique.

16 La LA 04-5 constitue une exception à la règle énoncée à l’Appendice H de la convention collective, selon laquelle un employé est, en tout temps, au travail, en jour de relâche ou en congé rémunéré autorisé. Compte tenu de cet énoncé, la LA 04-5 devrait être interprétée restrictivement et son application devrait être limitée aux activités de formation qui y sont énumérées.

17 L’amendement à la LA 04-5 accepté par les parties le 21 novembre 2006 vient étayer cet argument. Il établit que si l’employeur désire inclure davantage d’activités à la LA 04-5, il doit obtenir l’approbation de l’agent négociateur.

18 En signant la LA 04-5, les parties se sont montrées très spécifiques et n’avaient pas d’intention commune de donner à l’employeur la latitude d’ajouter ce qu’il souhaite ajouter. Il existe une règle de rédaction d’une convention collective selon laquelle si vous mentionnez les détails, vous excluez les autres possibilités.

19 Il existe une distinction nette entre la familiarisation et la formation. La familiarisation concerne un changement de lieu de travail et à ce titre, elle ne se range pas dans la formation telle qu’elle est définie dans la LA 04-5.

20 La GMMC a invoqué les décisions suivantes à l’appui de ses arguments : Giasson c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans), 2000 CRTFP 94 et Labatt Breweries Ontario v. Brewery, General and Professional Workers’ Union, Local 1 (2003), 116 L.A.C. (4e) 81. La GMMC a également invoqué les paragraphes 4:2100 et 6:3230 de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration.

B. Pour l’employeur

21 Dans cette affaire, le rôle de l’arbitre de grief consiste à établir si la familiarisation représente une activité qui s’inscrit dans la définition de la formation négociée par les parties dans la LA 04-5.

22 Cette affaire diffère de l’affaire Giasson, qui avait trait à des changements d’équipage. En l’espèce, la formation est nécessaire lorsqu’un employé est affecté à un nouveau navire qu’il ne connaît pas. Le contenu de cette formation est précisé dans le manuel de sécurité de la flotte. Il est adapté à chaque situation et à chaque employé. Le manuel explique également quand la formation est nécessaire.

23 La familiarisation se caractérise par un transfert de connaissances au sujet d’un navire en particulier. Les employés possèdent les compétences de base nécessaires, mais ils doivent apprendre les particularités de chaque navire dans le contexte d’un programme de jumelage pendant lequel aucune tâche formelle ne leur est attribuée.

24 La liste des activités de formation comprises dans la LA 04-5 n’est pas exhaustive et reflète simplement ce dont les parties ont expressément convenu. En mentionnant la formation à court terme ultérieurement dans la LA 04-5, les parties ont ouvert la définition à d’autres genres de formation qui ne sont pas expressément énumérés dans la LA 04-5.

25 Les parties estimaient nettement que la formation à court terme pouvait avoir lieu pendant les congés. Il importe de mentionner que les employés sont rémunérés pendant leur formation. Ils ne subissent donc pas de perte dans de telles circonstances.

26 Le CT a invoqué les décisions suivantes à l’appui de ses arguments : Banton et Donald c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-22966 et 22967 (19930216); Lacroix et al. c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans), 2003 CRTFP 71 et Vernon Nursing Home Services Ltd. v. U.F.C.W., Loc. 175 (1990), 15 L.A.C. (4e) 348. Le CT a également invoqué les paragraphes 4:2100 et 4:2110 de Brown et Beatty.

IV. Motifs

27 Il n’y a qu’une question en litige dans le présent grief de principe : il s’agit d’établir si la familiarisation que doivent suivre les employés lorsqu’ils changent de navire équivaut à de la formation telle qu’elle est définie par la LA 04-5 jointe à la convention collective. Si je conclus que c’est de la formation, il n’y a pas eu infraction à la convention collective. Si je tire la conclusion contraire, l’employeur a enfreint la convention collective en incluant la familiarisation dans les activités de formation énumérées dans la circulaire de la flotte 03-2007.

28 La décision d’inclure ou non la familiarisation dans la définition de la formation affecte le statut des employés lorsqu’ils se familiarisent, de même que leur paie et leur cumul ou leur dépense de jours de relâche.

29 La LA 04-5 se lit comme suit :

[…]

Objet : Formation

Nous confirmons par la présente l’accord intervenu entre les parties lors des négociations concernant l’application de la formation à l’endroit des officiers visée aux appendices « H », « I » et « J ».

Définition

Par formation, on entend toute activité que l’Employeur juge nécessaire pour aider l’officier à s’acquitter de ses fonctions.

Les activités suivantes sont considérées comme étant de la formation :

a) un cours donné par l’Employeur,

b) un cours offert par une maison d’enseignement reconnue,

c) un séminaire, un congrès ou une séance d’étude dans un domaine spécialisé directement relié au travail de l’officier.

La formation peut être à court ou à long terme. La formation à court terme ne dépasse pas vingt-huit (28) jours, tandis que celle à long terme dépasse vingt-huit (28) jours.

Formation à court terme

Pendant la formation à court terme, l’officier respecte son « cycle de travail » normal. Lorsque l’officier doit suivre de la formation pendant la période normalement hors-service de son cycle de travail, il est rémunéré à temps simple.

Formation à long terme

Pendant la formation à long terme, l’officier ne respecte plus temporairement le régime de travail et il travaille et est rémunéré conformément à l’appendice « K ».

Autres

L’officier en formation visé à l’appendice « K » est rémunéré à temps simple pendant la formation prévue.

On rembourse à l’officier en formation toutes ses dépenses de voyage raisonnables.

[…]

30 Le manuel de sécurité de la flotte définit la familiarisation. Le manuel renferme également un exemple de liste de vérification en matière de familiarisation, qui figure à l’annexe A de la section 6.C.1. L’annexe A est ainsi rédigé :

[Traduction]

Annexe A – Exemple d’une liste de vérification des systèmes de sûreté et de sécurité à bord des navires

  • Les signaux et les procédures d’urgence des casernes de pompiers, des postes d’embarquement et de l’évacuation de navires sont expliqués.

  • Les fonctions dans les casernes de pompiers sont expliquées – Identification du lieu et de la personne chargée des parties.

  • Les fonctions liées aux postes d’embarquement sont expliquées – Identification du lieu et de la personne chargée des parties.

  • Deux (2) itinéraires distincts menant de la cabine de la personne à la caserne de pompier et au poste d’embarquement sont illustrés.

  • Gilets de sauvetage inspectés et en bon ordre – Démonstration de méthodes adéquates de les revêtir, de les fixer et de méthodes de remorquage.

  • Emplacement des combinaisons de plongeur illustré – Combinaison revêtue et éléments de sûreté expliqués.

  • Emplacement et capacité de tous les canots de sauvetage et embarcations rapides de sauvetage du navire illustrés – Explications des procédures de mise à l’eau et d’embarquement.

  • Emplacement et capacité de tous les dispositifs de survie du navire et embarcations rapides de sauvetage du navire illustrés - Explications des procédures de mise à l’eau et d’embarquement.

  • Emplacement des bouées de sauvetage et de l’équipement attaché illustré – Explications de la procédure de sauvetage des hommes à la mer.

  • Emplacement du matériel d’alarme incendie et d’extinction des incendies illustré et utilisation expliquée – Explication de la procédure d’avertissement des incendies.

  • Emplacement des trousses de premiers soins et des postes pour le lavage des yeux illustré – Explication de la procédure de déclaration des accidents.

  • Emplacement des postes de commande étanches et des postes de commande à distance illustré – Explication des précautions de fonctionnement et de sécurité.

  • Zones à accès restreint (caissons pour les armes, salle des moteurs, etc.) repérées.

  • Emplacement et fonctionnement des systèmes téléphoniques du navire (interne et externe) illustrés et expliqués.

  • Emplacement des planches à voile du navire illustré – Explication de la signification des divers ordres et procédures de rappel.

  • Politique sur la consommation d’alcool et de tabac expliquée.

  • Responsabilités du système de sécurité du navire expliquées.

31 L’annexe A comprend également une déclaration que doivent signer la personne qui se joint au navire et le commandant :

[Traduction]

[…]

Les systèmes et les politiques énumérés ci-dessus m’ont été expliqués par […] et je les comprends. J’en ferai l’utilisation et je les appliquerai selon les besoins et les directives. Si j’ai des questions, je demanderai immédiatement des éclaircissements à mon superviseur.

[…]

32 Outre les sujets donnés comme exemples dans le manuel de sécurité de la flotte, la familiarisation procure également des connaissances spécifiques sur le programme ou la mission que doivent exécuter l’équipage et les officiers.

33 La preuve qui m’est présentée est claire. La familiarisation n’a pas pour but d’acquérir les compétences nécessaires pour exercer un métier ou une profession. Elle vise à permettre à l’équipage d’acquérir des connaissances propres à un navire avant d’entreprendre un programme ou une mission.

34 À la page 3363, le New Shorter Oxford English Dictionary, Oxford University Press, 1993, définit le mot « training » (« formation ») comme [traduction] « acte ou processus consistant à donner ou recevoir un enseignement dans ou pour un savoir-faire, une profession, une activité, etc. » Même si le mot familiarisation n’est pas défini, à la page 913, le dictionnaire définit le terme « familiarize » ((se) « familiariser (avec) ») comme [traduction] « rendre habituel ou bien connu; bien faire connaître ou rendre à l’aise; d’usage familier ».

35 Au paragraphe 6:3230, Brown et Beatty établissent une distinction entre formation et familiarisation dans le contexte de l’accès à des emplois ou à des promotions. Même si le contexte de la présente affaire diffère, les distinctions exposées par les auteurs se révèlent utiles :

[Traduction]

[…]

Toutefois, les arbitres ont toujours insisté sur le fait qu’un employeur doit accorder aux employés une période de familiarisation ou d’orientation au cours de laquelle ils peuvent prendre connaissance des détails et de la routine de l’emploi, notamment en ce qui a trait aux emplois qui ne sont ni très techniques ni hautement spécialisés. En ce faisant, ils ont rejeté la proposition selon laquelle un employé qui fait une demande d’emploi doit être en mesure d’exécuter immédiatement toutes les facettes de l’emploi lorsqu’il entre en fonctions, parce qu’une telle exigence ferait en sorte que les droits d’ancienneté n’auraient pour ainsi dire aucune signification. Toutefois, avant qu’un employé puisse prétendre avoir droit à une période de familiarisation, l’employé doit pouvoir démontrer qu’il existe des motifs raisonnables de conclure qu’après avoir bénéficié d’une période d’orientation dans le cadre du poste, il pourra accomplir le travail. En outre, les arbitres ont souligné qu’une période de familiarisation n’équivaut pas à une formation formelle ni n’englobe une telle formation. Tandis que la formation comprend l’acquisition de nouvelles compétences, la familiarisation à un nouveau poste consiste à apprendre les détails et la routine quotidienne d’un nouveau poste. Les périodes d’essai comportent un volet d’apprentissage et de perfectionnement, de même qu’un objectif d’établissement ou de confirmation, mais elles ne comprennent pas habituellement de formation substantielle.

[…]

36 Dans ce paragraphe, Brown et Beatty estiment que pour l’essentiel, la formation concerne l’acquisition de nouvelles compétences et que la familiarisation a trait à l’apprentissage des détails et de la routine quotidienne d’un nouvel emploi. L’arbitre dans Labatt Breweries Ontario appuie généralement cette interprétation.

37 Dans leurs observations sur la signification d’une disposition d’une convention collective, Brown et Beatty écrivent au paragraphe 4:2110 :

[Traduction]

[…]

En cherchant à découvrir l’intention des parties à l’égard d’une disposition particulière de la convention, les arbitres ont généralement supposé que le libellé dont ils sont saisis doit s’entendre au sens normal ou ordinaire, à moins que cette interprétation ne donne lieu à une absurdité ou à une contradiction avec le reste de la convention, ou à moins que le contexte ne révèle que les mots sont employés dans un autre sens.

[…]

38 Dans leur sens normal ou ordinaire, la familiarisation et la formation ont des significations différentes et renvoient à des activités différentes. Si les parties avaient eu l’intention de donner à la formation une signification qui différerait de son sens habituel, elles auraient dû l’écrire dans la convention collective, mais elles ne l’ont pas fait.

39 La LA 04-5 définit le terme « formation » avec précision. Premièrement, il doit s’agir d’une activité jugée nécessaire pour aider les employés à s’acquitter de leurs fonctions. Deuxièmement, les activités suivantes sont réputées constituer de la formation : un cours donné par l’employeur, un cours offert par une maison d’enseignement reconnue, ou un séminaire, un congrès ou une séance d’étude dans un domaine spécialisé qui est directement lié au travail de l’employé.

40 Il ne fait aucun doute que les employés ont besoin de familiarisation pour exécuter leur travail. En outre, il est clair que les employés acquièrent des connaissances lorsqu’ils se familiarisent avec les tâches à accomplir. Cependant, la familiarisation ne s’inscrit pas dans la signification ordinaire de la formation et n’est pas mentionnée comme activité réputée constituer de la formation dans la LA 04-5.

41 Dans Banton et Donald, l’arbitre de grief a écrit qu’un employé ne devrait pas être autorisé à se faire payer un jour de relâche additionnel lorsqu’il est déjà rémunéré pour le jour de relâche en question. Je souscris à cette interprétation, mais ce n’est pas ce que demande la GMMC. En outre, il n’est pas pertinent de considérer que la familiarisation est distincte de la formation.

42 Dans Lacroix et al., l’arbitre de grief écrit, au paragraphe 62, qu’« [i]l est nécessaire de tenir compte de l’ensemble de la convention collective pour comprendre ce qu’inclut une semaine ou un mois de travail […] ». En l’espèce, la convention collective n’indique pas si la familiarisation devrait être considérée comme de la formation ou si les jours de relâche devraient être accumulés ou dépensés dans le contexte d’un jour de familiarisation qui tombe un jour de relâche prévu.

43 Dans Vernon Nursing Home Services Ltd., l’arbitre de grief a statué qu’un employé ne devrait pas être rémunéré pour faire des travaux dans le cadre d’un cours de formation. Il a tiré cette conclusion d’après le libellé de la convention collective. L’arbitre de grief a écrit que l’intention des parties ne consistait pas à permettre à l’employée de faire plus d’argent en suivant un cours qu’en s’acquittant de ses fonctions régulières. En l’espèce, je suis en présence d’une convention collective différente, et je ne peux transposer l’intention de ces parties dans l’interprétation de la convention collective dans la présente affaire.

44 Les deux parties ont invoqué Giasson. Dans cette affaire, il s’agissait d’établir si l’employeur pouvait déduire des crédits d’un jour de relâche pour une période de débreffage de une heure et demie survenant pendant un changement de quart. L’arbitre de grief a statué que l’employeur ne pouvait déduire de crédits d’un jour de relâche pour cette période parce que l’employé devrait être considéré comme s’il était au travail.

45 Je souscris à la position du CT selon laquelle la situation dans Giasson diffère de celle de la présente affaire. Toutefois, il est également possible d’établir un parallèle, en ce sens que la familiarisation se rapproche davantage du débreffage que de la formation.

46 Comme il a été statué que la familiarisation ne constitue pas de la formation au sens où l’entend la LA 04-5, les employés qui suivent une familiarisation exigeant leur présence au travail devraient être considérés au travail et non en jours de relâche. Les jours de relâche sont des jours de congé rémunérés que les employés accumulent lorsqu’ils travaillent. Exiger des employés d’être au travail pendant leurs jours de relâche ou leur ordonner de le faire va à l’encontre de la convention collective, sauf s’il existe une disposition de la convention autorisant l’employeur à le faire. Si l’employeur désire que des employés travaillent pendant leurs jours de relâche, il doit transformer ces jours de relâche en jours de travail pendant lesquels les employés accumuleraient des jours de relâche.

47 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

48 Le grief de principe est accueilli.

49 La circulaire de la flotte FC 03-2007 doit être modifiée par la suppression de toute mention de la familiarisation avec l’emploi sous la rubrique Application.

50 Les employés ayant subi des répercussions de l’application de la circulaire de la flotte FC 03-2007 dans le cas de la familiarisation avec l’emploi doivent être rémunérés rétroactivement.

51 Je demeure saisi de l’affaire pour une période de 120 jours à compter de la date de la présente décision afin de me prononcer sur toutes les questions concernant son exécution.

Le 9 juillet 2008.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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