Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur avait contrevenu à l’article63 de sa convention collective en raison de la méthode qu’il avait utilisée pour calculer le montant de l’indemnité de départ qui devait lui être accordée à sa retraite - le fonctionnaire s’estimant lésé a pris sa retraite des Forces canadiennes (les <<Forces>>) après presque 11années de service et a touché une indemnité de départ correspondant à la moitié d’une semaine de rémunération pour chacune des 10,82années de service - il a ensuite travaillé à la fonction publique fédérale pendant près de 28ans avant de prendre sa retraite définitive - sa période totale d’emploi continu, qui incluait ses années de service dans les Forces et dans la fonction publique, était de 38,39années - aux termes de la convention collective, l’indemnité de départ était payable à raison d’une semaine de rémunération pour chaque période complète d’emploi continu - le temps que le fonctionnaire s’estimant lésé a passé dans les Forces a été compté comme faisant partie de sa période totale d’emploi continu - lorsque l’employeur a calculé l’indemnité de départ du fonctionnaire s’estimant lésé, il a utilisé comme point de départ le plafond de 30semaines prévu dans la convention collective et a ensuite déduit 10,82semaines pour la période pendant laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé avait travaillé dans les Forces - par conséquent, il a touché une indemnité de départ de 19,18semaines - l’arbitre de grief a statué que le plafond de 30semaines s’appliquait aux semaines de rémunération payables plutôt qu’aux années de service - il a conclu que l’employeur aurait dû déterminer la période de service continu pour laquelle l’indemnité de départ était payable, puis déduire les 10,82semaines de cette période et payer le solde, jusqu’à concurrence du maximum de 30semaines de rémunération - le fonctionnaire s’estimant lésé avait droit à une indemnité de départ supplémentaire de 8,39semaines. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-07-18
  • Dossier:  566-02-1535
  • Référence:  2008 CRTFP 60

Devant un arbitre de grief


ENTRE

Ray Burzynski

fonctionnaire s'estimant lésé

and

CONSEIL DU TRÉSOR (Agence canadienne de développement international)

employeur

Répertorié
Burzynski c. Conseil du Trésor (Agence canadienne de développement international)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Amarkai Laryea, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Martin Desmeules, Conseil du Trésor

Affaire entendue à Ottawa, Ontario,
le 25 juin 2008.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Le 24 avril 2007, Ray Burzynski (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») s’est plaint de ce que l’Agence canadienne de développement international (l’« employeur ») aurait contrevenu à l’article 63 de la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration (PA), venue à échéance le 20 juin 2007) (la « convention collective »). L’employeur a fourni une réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le 20 juillet 2007. L’Alliance de la Fonction publique du Canada a renvoyé le grief à l’arbitrage le 15 novembre 2007.

2 Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur a contrevenu à la convention collective en faisant une mauvaise interprétation de la stipulation 63.02, et ce, en employant une méthode inadéquate pour le calcul de son indemnité de départ à la retraite.

II. Résumé de la preuve

3 Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits, qui se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Le Conseil du Trésor (Agence canadienne de développement international) et l’Alliance de la Fonction publique du Canada conviennent de ne pas produire d’élément de preuve additionnel et que les faits suivants, qui se rapportent au grief susmentionné, ne sont pas contestés :

[1]      Au moment du dépôt de ce grief, Ray Burzynski était employé au niveau AS-07 par l’Agence canadienne de développement international (ACDI). Par conséquent, la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (table 1 – date d’expiration : 20 juin 2007) s’applique en l’espèce.

[2]      Le 15 août 1969, il a commencé son emploi dans les Forces armées canadiennes. Il a pris sa retraite des Forces canadiennes le 8 juin 1980 et a touché une indemnité de départ obligatoire. M. Burzynski a poursuivi sa vie active au sein de la fonction publique, en commençant à travailler au Service correctionnel du Canada le 9 juin 1980 et a pris sa retraite de l’ACDI le 4 janvier 2008. Il compte en tout 38 années et 143 jours de service continu (10 ans et 299 jours au sein des Forces canadiennes et 27 ans et 209 jours au sein de la fonction publique fédérale).

[3]      Il a été libéré des Forces canadiennes en vertu de l’article 15.01, (4d) et alinéa 4c) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, qui prévoient le versement d’une indemnité obligatoire de départ d’une demi-semaine de traitement pour chaque année de service, ce qui s’établit en l’occurrence à 10,82 semaines de rémunération.

[4]      Lorsqu’il a pris sa retraite de l’ACDI, le 4 janvier 2008, M. Burzynski a reçu une indemnité de départ de 33 238,56 $, laquelle correspondait à 19 ans et 66 jours (ce qui représente 19,18 semaines de rémunération) de service continu dans la fonction publique. Cette somme a été calculée en fonction de ce que prévoit l’article 63 (Indemnité de départ) de la convention collective (en particulier les stipulations 63.01 d) et 63.02).

[5] M. Burzynski soutient que l’article 63 (Indemnité de départ) de la convention collective applicable n’a pas été appliqué et interprété correctement par l’employeur, ce qui a entraîné un mauvais calcul de son indemnité de départ.

[6]      Le grief a été déposé le 24 avril 2007. Il a été rejeté au dernier palier, le 20 juillet 2007.

Les parties conviennent en outre que les documents suivants sont produits sur consentement :

- convention collective entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor – Services des programmes et de l’administration (convention du groupe PA) – date d’expiration : 20 juin 2007 (article 63);

- réponse au grief d’interprétation d’Hélène Laurendeau, en date du 4 mai 2007, au sujet de la violation alléguée à l’indemnité de départ de la convention collective du groupe Architecture, génie et arpentage, date d’expiration : 30 septembre 2007. 20 juin 2007) (article 19);

- note de service d’Hélène Laurendeau aux chefs des ressources humaines datée du 29 août 2007;

- convention collective entre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor pour le groupe Architecture, génie et arpentage, date d’expiration : 30 septembre 2007. 20 juin 2007) (article 19)

[…]

 

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

4 La méthode utilisée par l’employeur pour calculer l’indemnité de fin d’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé est inéquitable et viole la convention collective.

5 Le fonctionnaire s’estimant lésé a travaillé 10,82 années aux Forces canadiennes (les « Forces ») et 27,57 années à la fonction publique fédérale. La durée totale de son service continu aux fins de l’indemnité de départ était de 38,39 années. Lorsque l’employeur a calculé l’indemnité de départ du fonctionnaire s’estimant lésé, il a utilisé le plafond de 30 semaines puis a déduit 10,82 semaines pour la période que le fonctionnaire s’estimant lésé a passé au sein des Forces. Ainsi, le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu 19,18 semaines de rémunération de fin d’emploi.

6 En appliquant la stipulation 63.02 de la convention collective, l’employeur n’aurait pas dû déduire 10,82 semaines du temps que le fonctionnaire s’estimant lésé a passé dans les Forces, mais plutôt la somme d’argent qu’il a reçue au titre de l’indemnité de départ lorsqu’il a quitté les Forces. Le fonctionnaire s’estimant lésé était en droit de recevoir 30 semaines d’indemnité de fin d’emploi moins 2 791 $ reçus des Forces au titre de l’indemnité de départ.

7 Le problème résulte de l’ambigüité que renferme la stipulation 63.02 de la convention collective, où le temps passé à travailler dans un emploi antérieur est déduit de l’indemnité de fin d’emploi payable à un employé. Ce temps ne peut être déduit de la rémunération. La juste interprétation consiste à soustraire ce qui a été payé de la rémunération, ce que le fonctionnaire s’estimant lésé demande.

8 Subsidiairement, le fonctionnaire s’estimant lésé soutient que l’interprétation fournie le 4 mai 2007 par le Conseil du Trésor, en réponse à un grief déposé par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), s’appliquait en l’espèce. En vertu de cette interprétation, les 10,82 années de service passées dans les Forces seraient déduites des 38,39 années de service, ce qui donnerait lieu à une indemnité de départ de 27,57 semaines.

9 À l’appui de ses arguments, la représentante du fonctionnaire s’estimant lésé m’a cité les décisions Martin c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-28191 (19981029), et Toronto Catholic District School Board v. Ontario English Catholic Teachers Association (Toronto Elementary Catholic Teachers) (2000), 88 L.A.C. (4e) 47. La représentante du fonctionnaire s’estimant lésé a également invoqué le paragraphe 4:2100 de l’ouvrage de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition.

B. Pour l’employeur

10 La méthode qu’a utilisée l’employeur pour calculer l’indemnité de fin d’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé est équitable et respecte la convention collective. Le fonctionnaire s’estimant lésé a été traité de façon juste.

11 L’employeur soutient que la décision rendue par le Conseil du Trésor dans le grief d’interprétation déposé par l’IPFPC ne s’applique pas en l’espèce, au motif que le libellé de la convention collective actuelle diffère de celui de la convention collective de l’IPFPC.

12 Pour calculer l’indemnité de départ du fonctionnaire s’estimant lésé, l’employeur a appliqué à bon droit les dispositions de la convention collective. Il a tenu compte du plafond de 30 semaines stipulé à la stipulation 63.01d), puis il a déduit, conformément à la stipulation 63.02, la période correspondant à l’indemnité de cessation d’emploi que lui avaient déjà versée les Forces.

13 L’employeur convient que l’on pourrait interpréter la stipulation 63.02 de la convention collective de plus d’une façon. Cependant, il ne souscrit pas à l’interprétation qu’en a fournie l’arbitre de grief dans Martin. La décision rendue dans Martin crée des anomalies. En appliquant cette décision, le fardeau du paiement de l’entière indemnité de fin d’emploi (une semaine par année de service) se déplace des Forces à l’employeur.

14 La véritable question à trancher, pour le fonctionnaire s’estimant lésé, est que, lorsqu’il a quitté les Forces, l’employeur lui avait versé, au titre de l’indemnité de cessation d’emploi, une demi-semaine de traitement par année de service. Les règles en matière d’indemnité de départ qui s’appliquent dans les Forces ne sont pas contrôlées par l’employeur, de sorte que l’employeur ne devrait pas avoir à payer pour cela.

IV. Motifs

15 La principale question à trancher dans le présent grief est de déterminer si l’employeur a utilisé la bonne méthode pour calculer l’indemnité de fin d’emploi payable au fonctionnaire s’estimant lésé, lorsqu’il a pris sa retraite. 

16 Pour ce faire, il faut se pencher sur les stipulations suivantes de la convention collective :

[…]

ARTICLE 63

INDEMNITÉ DE DÉPART

63.01Dans les cas suivants et sous réserve du paragraphe 63.02, l'employé-e bénéficie d'une indemnité de départ calculée selon le taux de rémunération hebdomadaire auquel l'employé-e a droit à la date de cessation de son emploi, conformément à la classification qu'indique son certificat de nomination.

[…]

d) Retraite

(i)       Au moment de la retraite, lorsque l'employé-e a droit à une pension à jouissance immédiate aux termes de la Loi sur la pension de la fonction publique ou qu'il ou elle a droit à une allocation annuelle à jouissance immédiate aux termes de ladite loi,

ou

(ii)      dans le cas d'un employé-e à temps partiel qui travaille régulièrement pendant plus de treize heures et demie (13 1/2) mais moins de trente (30) heures par semaine et qui, s'il ou elle était un cotisant en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique, aurait droit à une pension à jouissance immédiate en vertu de la loi, ou qui aurait eu droit à une allocation annuelle à jouissance immédiate s'il ou elle avait été cotisant en vertu de ladite loi,

une indemnité de départ à l'égard de la période complète d'emploi continu de l'employé-e à raison d'une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d'emploi continu et, dans le cas d'une année partielle d'emploi continu, une (1) semaine de rémunération multipliée par le nombre de jours d'emploi continu et divisée par trois cent soixante-cinq (365), jusqu'à concurrence de trente (30) semaines de rémunération.

[…]

63.02Les indemnités de départ payables à l'employé-e en vertu du présent article sont réduites de manière à tenir compte de toute période d'emploi continu pour laquelle il ou elle a déjà reçu une forme quelconque d'indemnité de cessation d'emploi. En aucun cas doit-il y avoir cumul des indemnités de départ maximales prévues au paragraphe 63.01.

[…]

[Les passages en gras le sont dans l’original]

 

17 Je conviens avec la représentante du fonctionnaire s’estimant lésé que la stipulation 63.02 de la convention collective renferme une ambigüité. Cette ambigüité vient du fait que l’article prévoit le calcul de l’indemnité de départ en fonction du nombre de semaines de traitement pour chaque année de service, mais parle de déduire de ce montant quelque chose qui est calculé en temps. Or, on ne peut pas soustraire du temps à une rémunération; cela n’a pas de sens.

18 Dans Martin, l’arbitre de grief a convenu qu’il y avait là une ambigüité, et elle l’a résolue en soustrayant une rémunération à une autre. L’extrait qui suit résume ces motifs :

[…]

[91] Bien qu'aucun des termes de la clause 18.02 ne soit équivoque en soi, une application littérale de la clause n'est pas possible, tant dans l'idéal que dans la pratique. Comment peut-on soustraire du temps, soit "une période d'emploi continu", d'une somme d'argent, soit l'"indemnité de départ"? Le libellé de cette phrase est à la fois illogique et absurde, ce qui oblige le lecteur à déterminer l'intention des parties. De même, il contient une équivoque qui devient apparente quand on tente de l'appliquer.

[…]

[93] L'intention des parties (une semaine de rémunération par année d'emploi continu) et le but de la clause 18.02 (empêcher le paiement en double de l'indemnité de départ et le cumul des indemnités de départ) peuvent être respectés en appliquant une interprétation de la clause 18.02 fondée sur une prémisse logique, soit qu'un paiement est déduit d'un paiement et qu'il ne peut pas être déduit du temps. Par conséquent, l'indemnité de départ du fonctionnaire aurait dû être calculée en soustrayant du montant de l'indemnité de départ qui lui était due, et qui a été calculée en fonction de son emploi continu, le montant de l'indemnité de départ qu'il a reçue quand il a quitté les Forces canadiennes. Cela respecte l'intention des parties et le but de la clause 18.02.

[…]

[100] En résumé, j'estime que la question du droit à l'indemnité de départ s'est posée au moment du départ de Transports Canada, que le montant de l'indemnité de départ est calculé à raison d'une semaine de rémunération par année "d'emploi continu" (jusqu'à concurrence de 30 semaines de rémunération, ce qui comprend deux semaines de rémunération pour la première année d'emploi continu) et que du montant ainsi obtenu doit être déduite l'indemnité de départ reçue par le fonctionnaire quand il a quitté les Forces canadiennes.

[…]

 

19 Bien que je souscrive aux observations que l’arbitre de grief a faites dans Martin au sujet de l’ambigüité de la stipulation 63.02 de la convention collective (qui correspond à la stipulation 18.02 de la convention collective examinée dans Martin), je ne suis pas d’accord avec la conclusion qu’elle en a tirée sur la façon de résoudre cette ambigüité. En ce qui concerne les arguments avancés par le représentant de l’employeur, la conclusion à laquelle en arrive l’arbitre de grief engendre des anomalies et est susceptible de déplacer le fardeau du paiement de l’entière indemnité de départ des Forces à l’employeur.

20 Comme on le mentionne dans Martin, les Forces versent des indemnités de départ d’une semaine de traitement par année de service lorsque les personnes quittent les forces après 20 ans. Si ce départ se produit après 9 ans mais avant 20 ans de service, les Forces réduisent de moitié ces indemnités de départ. Si le départ se produit avant que neuf années de service aient été terminées, aucune indemnité de fin d’emploi n’est payée. Selon la règle de calcul énoncée dans Martin, l’employeur aurait à payer une indemnité de cessation d’emploi pour les années travaillées dans la fonction publique, plus la différence entre l’indemnité de départ réellement versée par les Forces et l’indemnité de fin d’emploi à laquelle le fonctionnaire aurait eu droit, pour la même période, s’il avait travaillé dans la fonction publique. En d’autres termes, l’employeur serait tenu de « rajuster à la hausse » l’indemnité de départ versée par les Forces au moment auquel le fonctionnaire s’estimant lésé aurait eu droit s’il avait travaillé, pendant cette période, au sein de la fonction publique plutôt que dans les Forces.

21 Pour illustrer l’anomalie créée par la règle énoncée dans Martin, prenons l’exemple d’un fonctionnaire âgé de 60 ans qui prend sa retraite après 19 ans passées dans les Forces suivies d’une année seulement dans la fonction publique. Pour simplifier l’exemple, supposons que l’employé gagnait 1 000 $ par semaine à son départ des Forces et 1 000 $ par semaine après avoir quitté la fonction publique. Le fonctionnaire aurait dont reçu des Forces 9 500 $ (19 000 $ ÷ 2) au titre de l’indemnité de départ. En appliquant la règle énoncée dans Martin, l’employeur se verrait obliger de payer 10 500 $ (soit 20 000 $ - 9 500 $) au titre de l’indemnité de cessation d’emploi.

22 La façon la plus logique de résoudre l’ambigüité que renferme la stipulation 63.02 de la convention collective consiste à soustraire du « temps » à du « temps » et non une « rémunération » à une autre, comme on le fait dans Martin. La stipulation 63.02 de la convention collective stipule que les indemnités « […] sont réduites de manière à tenir compte de toute période d’emploi continu […] » Ce passage de la stipulation 63.02 est clair et n’a pas besoin d’être interprété par un arbitre de grief, comme ce fut le cas dans Martin. La partie de la stipulation 63.02 qui pose problème et prête à équivoque est plutôt la première partie, qui se rapporte aux « indemnités de départ payables ». En adoptant ce libellé, je crois que les parties ont pris un raccourci. À la lecture de l’article 63 de la convention collective, on comprend que les indemnités sont directement liées à la durée d’emploi et représentent une semaine ou une demi-semaine de traitement par année de service. Ainsi, en parlant d’« indemnités de départ payables » dans la stipulation 63.02, il me semble logique que les parties faisaient allusion à la période utilisée pour calculer les indemnités de départ.

23 Maintenant que nous avons établi que l’on pouvait déduire du « temps » du « temps », il est essentiel de se pencher sur le plafond utilisé pour calculer ce « temps ». Il n’y a rien dans la stipulation 63.01d) de la convention collective qui mentionne un plafond de 30 ans. Le plafond dont il est question porte plutôt sur 30 semaines de rémunération au titre de l’indemnité de départ. Lorsque l’employeur impose une limite de 30 ans de service comme point de départ au calcul de l’indemnité de fin d’emploi, il prive un employé de ses droits et viole la convention collective.

24 Le 4 mai 2007, dans sa réponse à un grief déposé par l’IPFPC, l’employeur a reconnu que le plafond s’appliquait au nombre de semaines de traitement payables plutôt qu’au nombre d’années de service. Je rejette l’argument de l’employeur selon lequel l’interprétation que l’IPFPC a fournie dans son grief ne s’applique pas au cas de l’espèce sous prétexte que le libellé des deux conventions collectives diffère.

25 Même s’il est vrai que ces deux libellés ne sont pas identiques, on n’observe pas de différence notable entre eux. Le libellé de la stipulation 63.01 de la convention collective du groupe PA est reproduit au paragraphe 16 de la présente décision. Le libellé comparable de la convention collective mentionnée dans le grief présenté par l’IPFPC et auquel je fais allusion ici se trouve dans la stipulation 19.01c) :

[…]

ARTICLE 19

INDEMNITÉ DE DÉPART

[…]

Retraite

(c) au moment de la retraite, lorsque l’employé a droit à une pension à jouissance immédiate ou qu’il a droit à une allocation annuelle à jouissance immédiate, aux termes de la Loi sur la pension de la fonction publique, une indemnité de départ à l’égard de la période complète d’emploi continu de l’employé, à raison d’une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d’emploi continu et, dans le cas d’une année partielle d’emploi continu, une (1) semaine de rémunération multipliée par le nombre de jours d’emploi continu et divisée par 365, jusqu’à concurrence de trente (30) semaines de rémunération.

26 En appliquant mon interprétation de la convention collective à la situation du fonctionnaire s’estimant lésé, l’employeur aurait dû lui verser une semaine d’indemnité de départ pour chacune des années 27,57 années qu’il a travaillées à la fonction publique. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas droit à une indemnité de départ de l’employeur pour les années qu’il a passées dans les Forces, étant donné que les Forces lui ont déjà versé une indemnité de cessation d’emploi à son départ.

27 L’employeur a déjà payé au fonctionnaire s’estimant lésé 19,18 semaines de traitement au titre de l’indemnité de fin d’emploi. En appliquant ma décision, l’employeur devra verser au fonctionnaire s’estimant lésé un supplément de 8,39 semaines de rémunération au titre de l’indemnité de cessation d’emploi.

28 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

29 Le grief est accueilli en partie.

30 J’ordonne à l’employeur de payer au fonctionnaire s’estimant lésé un supplément de 8,39 semaines d’indemnité de départ au taux applicable.

31 Je demeure saisi de l’affaire pour une période de 90 jours à compter de la date de la présente décision, afin de me prononcer sur toutes les questions concernant son exécution.

Le 18 juillet 2008.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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