Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé à l’arbitrage un grief de congédiement déguisé - le fonctionnaire s’estimant lésé avait démissionné, puis s’était ravisé - l’employeur a refusé de le réintégrer parce qu’il considérait la démission comme définitive - le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’il s’était senti contraint de démissionner, mais il n’a jamais fait état de cette contrainte avant le renvoi à l’arbitrage - l’employeur a soulevé comme objection préliminaire le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait jamais déposé de grief comme tel, et donc que le fonctionnaire s’estimant lésé ne pouvait le soumettre le grief à l’arbitrage - le fonctionnaire s’estimant lésé a par ailleurs demandé à l’arbitre de grief de se récuser, parce que celui-ci avait déjà rendu une décision défavorable contre lui dans sa plainte contre l’agent négociateur - l’arbitre de grief a refusé de se récuser - l’arbitre de grief a accueilli l’objection de l’employeur car aucun grief n’avait été formulé au départ. Objection accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-07-10
  • Dossier:  566-02-1013
  • Référence:  2008 CRTFP 53

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ALAIN LAFERRIÈRE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GENERAL
(Agence spatiale canadienne)

défendeur

Répertorié
Laferrière c. Administrateur général (Agence spatiale canadienne)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour le défendeur:
Eric Daoust, conseiller en représentation, Conseil du Trésor

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés les 26 mai, 9 juin et 12 juin 2008.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Alain Laferrière (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») a renvoyé le 20 mars 2007 un grief à l’arbitrage. Il allègue qu’il a été victime d’un licenciement injuste de la part du défendeur, l’Agence spatiale canadienne (ASC ou l’ « employeur »). Il prétend que le 27 novembre 2006, il a été contraint de donner sa démission à la suite de l’imposition de conditions de retour au travail qui lui ont été communiquées par l’employeur lors d’une réunion tenue le 24 novembre 2006.

2 Le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») m’a nommé conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par l’alinéa 223(2)d) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22(la « Loi »), pour entendre et trancher la présente affaire.

II. Résumé de la preuve

3 Le fonctionnaire s’estimant lésé a été embauché à titre d’ingénieur classifié EN-ENG-05 par l’ASC le 2 octobre 2000. Son poste d’attache était celui de gestionnaire, matériel, sécurité et assurance de mission. En juillet 2006, alors qu’il occupait un poste classifié EN-ENG-06 de façon intérimaire, le fonctionnaire s’estimant lésé a vécu une situation conflictuelle très sérieuse avec son employeur. Comme conséquence à cette situation conflictuelle, le fonctionnaire s’estimant lésé a été en absence rémunérée du travail du 19 juillet au 24 novembre 2006.

4 Le 22 novembre 2006, Carole Lacombe, présidente intérimaire de l’ASC, a convoqué le fonctionnaire s’estimant lésé à une rencontre le 24 novembre 2006 à 13 h 30 dont le but était de discuter du retour au travail du fonctionnaire s’estimant lésé à compter du 27 novembre 2006. Plutôt que de se présenter au travail le 27 novembre 2006, le fonctionnaire s’estimant lésé a transmis à Mme Lacombe, le jour même, une lettre de démission. Le 30 novembre 2006, Mme Lacombe a écrit au fonctionnaire s’estimant lésé pour l’informer qu’elle acceptait sa démission entrant en vigueur à la fermeture des bureaux le 28 novembre 2006.

5 Le 6 décembre 2006, le fonctionnaire s’estimant lésé a écrit à Mme Lacombe l’informant qu’il était désormais en mesure de revoir sa décision de démissionner et lui demandant la permission de réintégrer son poste d’attache à l’ASC. Le 12 janvier 2007, Mme Lacombe a répondu au fonctionnaire s’estimant lésé que la date d’entrée en vigueur de sa démission demeurait inchangée, autrement dit qu’elle refusait sa demande de réintégration. La lettre du 6 décembre 2006 se lit en partie comme suit :

[…]

Madame, depuis le 27 novembre dernier, j’ai reçu des nouvelles très encourageantes de la part de Madame Cynthia Fulton et de Monsieur Ian Foster à l’effet que les mesures prises par la direction pour améliorer les conditions de travail dans la section S&MA and Configuration Management [sic] ont fait la preuve de la détermination de la direction de poser des gestes concrets en vue de régulariser la situation.

Devant ces informations, je suis à présent en mesure de revoir ma décision de démissionner et de vous demander la permission de réintégrer mon poste d’attache au sein de l’équipe S&MA and Configuration Management [sic].

[]

6 Le 22 janvier 2007, le fonctionnaire s’estimant léséa de nouveau écrit à Mme Lacombe pour demander que sa démission soit reconsidérée afin qu’il puisse réintégrer son poste d’attache. Le 12 mars 2007, Dominique Brault, directrice des ressources humaines à l’ASC, a répondu qu’à la demande de Mme Lacombe, elle lui écrivait pour lui signaler que l’ASC considérait le dossier clos à la suite de l’acceptation de sa démission ayant pris effet le 28 novembre 2006.

III. Demande de récusation

7 Le 23 mai 2008, le fonctionnaire s’estimant lésé a écrit à la Commission l’avisant de ce qui suit :

[…]

J’avise la Commission que je récuse le Commissaire Renaud Paquet pour trancher quelque question que ce soit dans le présent dossier et dans tout autre dossier me concernant. Je reproche au Commissaire Renaud Paquet d’avoir affiché indument des positions préjudiciables à mon endroit dans les motifs de la décision 2008 CRTFP 26. Par conséquent, je ne peux pas croire que le Commissaire Renaud Paquet pourra rendre une décision impartiale me concernant dans un avenir proche ou lointain.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

8 Tout d’abord, je rappelle que la Loi ne confère pas au fonctionnaire s’estimant lésé un droit de récuser l’arbitre de grief. Je considérerai plutôt sa lettre comme une demande de récusation.

9 Dans sa requête, le fonctionnaire s’estimant lésé prétend que je ne peux rendre une décision impartiale dans la présente affaire compte tenu des motifs que j’ai exprimés dans Laferrière c. Hogan et Baillairgé, 2008 CFRTFP 26, décision rendue le 24 avril 2008. Cette affaire concernait une plainte déposée par le fonctionnaire s’estimant lésé contre les représentants syndicaux de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« Institut »). Le fonctionnaire s’estimant lésé y alléguait que les représentants syndicaux avaient manqué à leur devoir de représentation dans son présent litige avec l’ASC. J’ai rejeté la plainte.

10 Pour disposer de la demande de récusation, je dois appliquer les directives des tribunaux pour aider le juge des faits à déterminer l’existence d'une crainte raisonnable de partialité. À cet effet, l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. National Energy Board,[1978]1 R.C.S. 369, établit les principes à appliquer :

[…]

[…] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. […] à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait–elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste.

[…]

11  L’arrêt Adams v. British Columbia (Workers’ Compensation Board) (1989), 42 B.C.L.R. (2d) 228 (B.C.C.A.) fournit des précisions sur la nature de la preuve requise pour démontrer l’existence d’une apparence de partialité :

[Traduction]

[…] des preuves suffisantes pour démontrer à une personne raisonnable qu’il y a tout lieu de craindre que la personne contre laquelle (l’allégation) est formulée ne fera pas montre d’un esprit impartial […] de simples soupçons ne sauraient être considérés comme suffisants

[…]

12 Il appartient donc au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer, au-delà de simples soupçons ou affirmations, que selon toute vraisemblance, une personne raisonnable et bien renseignée croirait que je ne rendrais pas une décision juste dans la présente affaire.

13 Le fonctionnaire s’estimant lésé avance que j’ai affiché dans la décision 2008 CRTFP 26 des positions qui lui sont préjudiciables. Dans cette décision, je constate que les représentants syndicaux ont agi honnêtement sur la foi des renseignements soumis. Après le refus final de l’employeur de le réintégrer, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé aux représentants syndicaux quels étaient ses recours; ils lui ont répondu qu’il n’avait pas de recours à la lumière des faits et de la jurisprudence. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas informé le syndicat qu’il se serait senti menacé lors de la rencontre visant son retour au travail, de sorte que les représentants syndicaux étaient convaincus que sa démission était volontaire et sans contrainte. J’en ai donc conclu que les représentants syndicaux n’ont pas agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi.

14 Les motifs de la décision expliquent pourquoi j’en suis arrivé à la conclusion que les actions des représentants syndicaux ne justifiaient pas que je donne droit à la plainte du fonctionnaire s’estimant lésé contre les représentants. Cependant, on ne peut raisonnablement conclure, à la lecture de ces motifs, que je prends position sur la question qui fait l’objet du présent grief, à savoir que la démission du fonctionnaire s’estimant lésé serait un congédiement déguisé. Tout ce que j’affirme dans les motifs, c’est que les représentants syndicaux ne pouvaient agir ou prendre de décisions sur quelque chose qu’ils ne savaient pas. En effet, le fonctionnaire s’estimant lésé ne les a jamais informés du fait qu’il s’était senti menacé lors de la rencontre quelques jours avant sa démission. Cela ne veut aucunement dire que je croyais ou que je crois qu’il ne s’est pas senti menacé. J’ai tout simplement conclu, à partir de la preuve alors soumise, que le syndicat ne pouvait le savoir.

15 Dans les motifs de la décision, la question de la santé mentale du fonctionnaire s’estimant lésé à l’automne 2006 a aussi été soulevée. Les certificats médicaux alors émis avaient pour but d’établir si le fonctionnaire s’estimant lésé était en mesure de retourner travailler. Ce dernier n’a jamais prétendu dans ses discussions avec le syndicat qu’il était dans un état mental tel que son jugement aurait été sérieusement altéré lors de sa démission. Néanmoins, la représentante syndicale a examiné les certificats médicaux et a rejeté cette dernière option. Cela ne veut aucunement dire que j’ai alors établi qu’au moment de sa démission, et compte tenu des circonstances, le fonctionnaire s’estimant lésé était dans un état médical qui lui permettait ou non d’évaluer ce qu’il faisait. Il s’agit là d’une toute autre question sur laquelle il faudrait entendre la preuve des parties si un argument était présenté sur le sujet.

16 En somme, j’ai rejeté la plainte du fonctionnaire s’estimant lésé le 24 avril 2008, car il ne m’a pas démontré que ses représentants syndicaux avaient enfreint les dispositions de la Loi. Cela ne biaise en rien ma capacité de faire preuve d’un esprit totalement impartial en traitant le présent renvoi à l’arbitrage qui conteste une décision de l’employeur. Selon moi, une personne raisonnable et bien informée du contexte de la présente affaire ainsi que des motifs de ma décision du 24 avril 2008 conclurait que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas établi qu’il y a ici matière à récusation.

17 Compte tenu de ce qui précède, la demande de récusation est donc rejetée.

IV. Objection préliminaire de l’employeur

18 Le 17 avril 2007, Mark Sullivan, conseiller en représentation de l’employeur, a fait parvenir à la Commission une lettre présentant une objection voulant que la Commission n’avait pas compétence pour traiter du renvoi à l’arbitrage présenté par le fonctionnaire s’estimant lésé. L’objection est ainsi formulée :

[…]

L’employeur soumet que, contrairement à ce que M. Laferrière allègue, son courriel du 6 décembre 2006 ne constitue pas un grief au sens de l’article 35 de la Convention entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canda régissant le groupe Architecture, Génie et Arpentage (date d’expiration le 30 septembre 2007). Nous réitérons également que les documents cités ci-hauts [sic] ne font aucunement état d’une représentation de grief et n’ont pas été traités comme tel par les représentants de la gestion de l’Agence spatiale canadienne. Dans l’éventualité que la Commission décide que ce renvoi constitue un grief, la position de l’employeur est que l’article 209(1) de la Loi n’a pas été respecté et que la Commission n’a pas compétence pour traiter du renvoi de M. Laferrière.

[…]

19 L’employeur réitère l’importance de l’article 35 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada régissant le groupe Architecture, Génie et Arpentage (date d’expiration le 30 septembre 2007) (la « convention collective »). L’employeur soumet que cet article qui traite des griefs s’applique au fonctionnaire s’estimant lésé même si ce dernier est d’avis qu’il n’a pas reçu une juste représentation de la part de son syndicat. C’est d’ailleurs à partir de cet article de la convention collective que le fonctionnaire s’estimant lésé obtient son droit de grief.

20 Le 26 mai 2008, puis en réplique le 12 juin 2008, le fonctionnaire s’estimant lésé a soumis ses arguments écrits. Le 26 mai 2008, il a rappelé sa demande de récusation. Puis, il a enchaîné avec ses arguments qui se lisent comme suit :

[…]

J’estime que la Convention entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada n’est pas applicable en l’espèce (incluant l’article 35), puisque je n’ai pas reçu une juste représentation de la part de l’Institut à divers moment survenus tout au long du très sérieux conflit qui m’opposait à mon employeur et qui s’est soldé par le renvoi à l’arbitrage faisant l’objet du présent dossier. J’estime important de souligner que la décision de rejeter ma plainte contre l’institut (2008 CRTFP 26) n’est pas représentative de la représentation que j’ai reçu de la part de l’Institut tout au long du conflit, et ce en vertu du paragraphe 39 des motifs de décision publiés le 24 avril 2008, Dans ce paragraphe 39 on retrouve l’extrait suivant : « Pour trancher la présente plainte, je tiendrai compte que des éléments de preuve […] et qui portent sur les actions des défendeurs qui font suite à la demande d’aide formulée par le plaignant le 19 mars 2007 ».

J’estime avoir fait l’objet d’un licenciement injuste de la part de mon employeur, licenciement que je peux qualifier de déguisé.

J’estime que l’article 209 (1) de la LRTFP est applicable en l’espèce.

J’ai soulevé des questions d’interprétation de la Loi sur les droits de la personne relativement aux gestes et ligne de conduite de certains représentants de la gestion de mon employeur.

La Commission des Droits de la personne a signalé qu’elle n’avait pas l’intention d’allouer de ses ressources au présent dossier et a demandé une copie de la décision finale pour compléter ses dossiers.

J’estime que la Commission des relations de travail dans la fonction publique a le mandat et la compétence pour entendre cette affaire.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

21 Dans sa réplique du 12 juin 2008, le fonctionnaire s’estimant lésé réitère sa position voulant que l’article 35 de la convention collective sur la procédure de griefs n’est pas applicable dans son cas car il n’a pas reçu une juste représentation de son syndicat pendant le conflit qui l’a opposé à son employeur.

22 Le fonctionnaire s’estimant lésé avance qu’il ne se base pas sur la convention collective pour déposer son grief et que la Loi lui confère un droit de renvoyer tout grief individuel à l’arbitrage sans limiter ce droit aux griefs régis par une convention collective.

23 Le fonctionnaire s’estimant lésé avance que le processus qu’il a suivi satisfait à l’esprit de l’article 209 de la Loi. Il estime qu’il n’a pas obtenu satisfaction à la suite de la lettre du 12 mars 2007 de son employeur qui lui indiquait que son dossier était clos. Il est d’avis qu’il a fait l’objet d’un licenciement injuste qu’il peut maintenant qualifier de congédiement déguisé. La Commission a donc le mandat et la compétence pour entendre l’affaire.

V. Motifs

24 Les articles de la Loi qui s’appliquent en l’espèce pour établir la compétence de l’arbitre de grief sont les suivants :

[…]

     225. Le renvoi d’un grief à l’arbitrage de même que son audition et la décision de l’arbitre de grief à son sujet ne peuvent avoir lieu qu’après la présentation du grief à tous les paliers requis conformément à la procédure applicable.

[…]

     241.(1) Les procédures prévues par la présente partie ne sont pas susceptibles d’invalidation pour vice de forme ou de procédure.

     (2) Pour l’application du paragraphe (1), l’omission de présenter le grief à tous les paliers requis conformément à la procédure applicable ne constitue pas un vice de forme ou de procédure.

[…]

25 La question qui se pose pour trancher de l’objection formulée par l’employeur est de savoir si le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé ou non un grief. Le fonctionnaire s’estimant lésé a prétendu, lors du renvoi à l’arbitrage, qu’il l’a fait à l’aide du courriel qu’il a fait parvenir à Mme Lacombe le 6 décembre 2006. Compte tenu que la réponse reçue n’a pas donné satisfaction au fonctionnaire s’estimant lésé, il s’est adressé de nouveau à Mme Lacombe le 22 janvier 2007. Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, il s’agissait là de la transmission de son « grief » du 6 décembre 2006 au palier suivant. Puis, la réponse du 12 mars 2007 de Mme Brault à la lettre adressée à Mme Lacombe le 22 janvier 2007 constituait, selon le fonctionnaire s’estimant lésé, la réponse au dernier palier de la procédure de grief.

26 Rien dans la Loi, ni dans la convention collective, ne définit le terme grief. Il est de connaissance commune en relations de travail qu’un grief est, à la base, une plainte écrite à l’encontre d’une décision de l’employeur au sujet de laquelle un employé s’estime lésé.

27 Or, à aucun endroit dans son prétendu grief du 6 décembre 2006 le fonctionnaire s’estimant lésé ne fait état de la décision de l’employeur qu’il a renvoyé à l’arbitrage, c’est-à-dire qu’il a été victime d’un licenciement injuste de la part de l’employeur et qu’il a été contraint de donner sa démission suite à l’imposition de conditions de retour au travail qui lui ont été communiquées par l’employeur lors d’une réunion tenue le 24 novembre 2006. Le fonctionnaire s’estimant lésé demande plutôt à l’employeur de ne pas tenir compte de sa démission et de le réintégrer dans ses fonctions.

28 La procédure interne de règlement des griefs existe pour fournir une possibilité aux parties de trouver elles-mêmes des solutions aux litiges qui les opposent. Les divers paliers de la procédure leur fournissent autant d’occasions de dialogue et de discussions en vue d’en arriver à une solution. À défaut d’entente, elles peuvent par la suite s’en remettre à une tierce partie qui a le pouvoir d’imposer une solution. Il s’agit là de la base même des systèmes de griefs des régimes canadiens de relations de travail et sur ce, la Loi ne diffère pas.

29 La lettre du 6 décembre 2006 du fonctionnaire s’estimant lésé à Mme Lacombe ne constitue pas un grief au sens de l’article 35 de la convention collective. Certes, le fonctionnaire s’estimant lésé y formule une demande à l’employeur. Par contre, aucun indice dans le contenu de cette lettre ne pouvait raisonnablement donner l’impression à l’employeur qu’il s’agissait d’un grief. De plus, je ne considère pas que la lettre adressée à Mme Lacombe le 22 janvier 2007 constitue une transmission de grief au palier suivant.

30 L’obligation d’utiliser au préalable la procédure interne de griefs n’a pas été respectée tel que l’exige l’article 225 de la Loi. Comme en fait foi le paragraphe 241(2) de la Loi, il ne d’agit pas là d’un vice de forme au sens du paragraphe 241(1) de la Loi. L’article 225 prend donc toute sa force et m’amène à accepter l’objection présentée par l’employeur.

31 Enfin, même si je concluais que la procédure interne de règlement des griefs avait été suivie, je ne pourrais avoir compétence compte tenu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a jamais formulé de grief de licenciement.

32 Le fonctionnaire s’estimant lésé prétend que la convention collective ne s’applique pas à son cas puisqu’il n’a pas reçu une juste représentation de la part de son syndicat tout au long du conflit avec son employeur. Un tel argument doit être rejeté à sa face même : la convention collective est l’unique contrat de travail de tous les fonctionnaires qui font partie d’une unité de négociation. Si un employé n’est pas satisfait de la représentation syndicale reçue, il peut déposer une plainte contre son syndicat, mais la convention collective continue de s’appliquer, peu importe la nature et le résultat de la plainte.

33 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

34 La demande de récusation est rejetée.

35 L’objection préliminaire est accueillie.

36 Le grief est rejeté, car l’arbitre de griefs n’a pas compétence pour en traiter.

Le 10 juillet, 2008.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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