Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Description de poste - Admissibilité de la preuve - Compétence Les quatre fonctionnaires s’estimant lésés ont affirmé que la description générique de leurs postes de groupe et niveau PM-03 ne décrivait pas avec exactitude l’envergure de leurs tâches - la description de leurs postes stipulait qu’ils traitaient des dossiers << simples/courants >> - la preuve indiquait que l’employeur leur avait aussi assigné des dossiers << difficiles >> et qu’il leur avait versé un traitement provisoire correspondant au groupe et niveau PM-04 pendant les périodes concernées - l’arbitre de grief a accepté comme preuve une description générique modifiée du poste de groupe et niveau PM-03 adoptée par l’employeur après le dépôt des griefs - il a aussi accepté le dépôt d’une description générique de poste de groupe et niveau PM-04 - l’arbitre de grief a conclu que son rôle ne consistait pas à déterminer si la description de poste de groupe et niveau PM-04 s’appliquait aux postes des fonctionnaires s’estimant lésés, étant donné que cela équivaudrait à reclassifier leurs postes - il a également conclu que les tâches des fonctionnaires s’estimant lésés comprenaient le traitement de dossiers << difficiles >>, même si de tels dossiers ne leur étaient confiés que pendant certaines périodes - il a ordonné que la description de poste de groupe et niveau PM-03 soit modifiée en conséquence pour trois des fonctionnaires s’estimant lésés. Griefs accueillis en partie. Rémunération - Traitement provisoire - Demande rétroactive - Date limite Une fonctionnaire s’estimant lésée a demandé de recevoir un traitement provisoire parce qu’elle avait traité des dossiers << difficiles >> non stipulés dans la description générique de son poste de groupe et niveau PM-03 - la description de son poste stipulait qu’elle traitait des dossiers << simples/courants >> - la période faisant l’objet de la demande de la fonctionnaire s’estimant lésée était antérieure aux 25jours précédant le dépôt de son grief - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’était pas fiée à une promesse de l’employeur, qui aurait justifié la demande de traitement provisoire visant la période antérieure aux 25 jours précédant le dépôt du grief - l’arbitre de grief a également conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas exécuté de tâches d'un niveau supérieur pendant les 25 jours précédant le dépôt du grief. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-08-22
  • Dossier:  166-34-32044, 31464, 31568, 31585 et 31586
  • Référence:  2008 CRTFP 69

Devant un arbitre de grief


ENTRE

GLENN CURRIE, EARL O. HENDERSON, TERRY V. WILLISKO
ET HEATHER MARGARET WILSON

fonctionnaires s'estimant lésés

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Currie et al. c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant des griefs renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
I. R. Mackenzie, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Alison Dewar, avocate

Pour l'employeur:
Karen L. Clifford, avocate

Affaire entendue à Saint John (Nouveau Brunswick), du 24 au 26 octobre 2006;
à Hamilton (Ontario) les 22 et 23 mars 2007;
à Edmonton (Alberta) du 30 mai au 1er juin 2007;
et à Ottawa (Ontario) le 7 juin 2007.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs renvoyés à l’arbitrage

1 Glenn Currie, Earl O. Henderson, Terry V. Willisko et Heather Margaret Wilson (les « fonctionnaires s’estimant lésés ») étaient enquêteurs/vérificateurs dans des bureaux des services fiscaux (BSF) de différentes régions du pays quand ils ont déposé leurs griefs. Leur employeur – leur ancien employeur, dans le cas de Mme Wilson – est l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur »). Tous les quatre ont présenté des griefs pour contester la description de travail générique PM0286 (la « description de travail originale de PM-03 ») des postes d’enquêteur/vérificateur classifiés PM-03 qu’ils occupaient. Mme Wilson a aussi présenté un grief pour obtenir une rémunération d’intérim. Le grief de M. Currie a été entendu par un arbitre de grief qui l’a rejeté dans une décision rendue le 29 juin 2004 (2004 CRTFP 75). Cette décision a été maintenue en 2005 par la Cour fédérale (2005 CF 733), puis renversée en mai 2006 par la Cour d’appel fédérale (2006 CAF 194), qui a renvoyé le grief de M. Currie à un autre arbitre de grief afin qu’il soit tranché conformément à ses motifs (auxquels nous reviendrons plus loin).

2 Les griefs de M. Willisko, de M. Henderson et de Mme Wilson sont restés en suspens jusqu’à ce que le résultat du contrôle judiciaire de la décision sur le grief de M. Currie soit connu. Les parties ont accepté qu’ils soient ajoutés à celui de M. Currie à l’audience. La preuve a été déposée à Saint John, au Nouveau-Brunswick, à Hamilton, en Ontario et à Edmonton, en Alberta. Les arguments finals ont été présentés de vive voix à Ottawa, en Ontario.

3 Vincent Patrick O’Neill, qui avait initialement présenté un grief avec M. Currie, a retiré son grief après avoir témoigné, mais avant que les arguments finals des parties aient été entendus. L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a soutenu que je devrais tenir compte du témoignage de M. O’Neill dans mon analyse des autres griefs. Je n’ai pas pris en considération ce qu’il a déclaré sur ses fonctions et ses responsabilités parce que ces éléments ne sont plus pertinents depuis qu’il a retiré son grief, mais j’ai par contre tenu compte de ce qu’il a témoigné sur les programmes pertinents de l’employeur, quoique seulement dans la mesure où cela me donne un contexte où situer ce que les autres témoins ont déclaré.

4 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. Conformément à l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l’arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne Loi »).

II. Contexte

5 Le grief de M. Currie avait été entendu en 2004 par un arbitre de grief dont la décision a fait l’objet de deux demandes de contrôle judiciaire, la première devant la Cour fédérale (2005 CF 733) et la seconde devant la Cour d’appel fédérale (2006 CAF 194), laquelle a ordonné qu’un autre arbitre de grief l’instruise conformément aux motifs de sa décision, qui sont essentiellement les suivants :

[…]

[24] Il ressort clairement de la décision de l’arbitre que celui-ci pensait qu’il ne pouvait pas ou ne devait pas exiger de l’employeur qu’il fournisse des descriptions de travail se rapportant à des postes particuliers. Comme il en a été fait mention, il estimait que cela mènerait à la balkanisation des descriptions de travail génériques de l’employeur. Cette conception l’a amené à indiquer, dans les motifs qu’il a prononcés oralement à la clôture de l’audience et qu’il a ensuite consignés par écrit, que le recours d’un employé qui doit effectuer de façon continue et permanente un travail substantiellement distinct de la description applicable à son poste est la demande de reclassification.

[25] Cela dénote une conception assez rigide de la finalité de la description de travail, qui n’est pas partagée par tous les arbitres. Ainsi, l’arbitre Galipeau a indiqué dans Breckenridge et la Bibliothèque du Parlement, [1996] C.R.T.F.P. no 69 (Q.L.), que :

[70] La description de tâches ou, pour employer l’expression consacrée par la convention collective, « l’exposé des fonctions et responsabilités », constitue la pierre angulaire de la relation d’emploi entre ces employés et la Bibliothèque du Parlement. Il s’agit d’un document fondamental et polyvalent auquel on a recours en matière de classification, de dotation, de rémunération, de discipline, d’évaluation de rendement, d’identification des exigences linguistiques et de planification de carrière. C’est une erreur de réduire sa portée à son seul usage en matière de classification. Il doit être suffisamment complet pour se prêter aux nombreux autres usages que je viens d’énumérer.

[26] Cette conception de la fonction de la description de travail donne à penser qu’il s’agit d’un document qui doit refléter la réalité de la situation d’emploi en raison des nombreux aspects des droits et obligations de l’employé qui sont liés à sa description de travail.

[27] L’affirmation de l’arbitre selon laquelle le recours de l’employé qui effectue régulièrement des tâches débordant de sa description de travail est la demande de reclassification est un exemple particulièrement pertinent de ce point. L’avocat des appelants, dans l’argumentation non contredite qu’il nous a soumise, indique qu’un grief de reclassification ne sera examiné que si l’employé convient de l’exactitude de sa description de travail. Par conséquent, un fonctionnaire occupant un poste PM-03 qui travaille de façon régulière à des dossiers de complexité 20 ou plus ne peut demander de reclassification que s’il reconnaît que la description de travail PM-0286 décrit fidèlement ses fonctions et responsabilités. Comme nous l’avons vu, la caractéristique distinctive de cette description réside dans le fait que le titulaire du poste est affecté à des dossiers de complexité 10. Ainsi, celui qui demande qu’un poste PM-03 soit reclassé PM-04 doit reconnaître que son travail consiste à traiter des dossiers de complexité 10, ce qui a pour effet de détruire le fondement de sa demande.

[28] Il s’ensuit que le processus de reclassification n’est ouvert que si la description de travail est révisée de façon à décrire fidèlement les fonctions et responsabilités du poste occupé. C’est l’article 56.01 de la convention collective qui établit la procédure applicable à l’obtention d’une telle description de travail. Une interprétation de l’article 56.01 qui empêcherait le recours à cette disposition dans les circonstances mêmes pour lesquelles elle a été prévue ne pourrait résister à un examen par notre Cour, même le plus empreint de déférence.

[29] J’accueillerais donc l’appel avec dépens, j’annulerais l’ordonnance du juge de première instance ainsi que la décision de l’arbitre et je renverrais l’affaire devant un arbitre différent pour examen conformément aux présents motifs. Il importe de signaler que rien dans les présents motifs n’a valeur de conclusion de fait sur la question de savoir si les appelants traitent des dossiers de complexité 20 ou plus et dans quelle mesure. Il s’agit là d’une question qu’il appartient à l’arbitre de trancher compte tenu de la preuve dont il dispose.

[…]

III. Décisions préliminaires

6 Au début de l’audience, l’avocate de l’employeur a demandé le rejet des griefs en déclarant qu’ils étaient [traduction] « essentiellement théoriques ». Elle a fait valoir que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient présenté des griefs pour contester la description de travail originale de PM-03 datée du 6 décembre 1996, qui était en vigueur en avril 2000, lorsque Mme Wilson a présenté son grief contestant sa description de travail. Or, en octobre 2000, l’employeur a produit la description de travail révisée de PM-03 PM0286-20004171 (la « description de travail révisée de PM-03 »), qui est entrée en vigueur rétroactivement au 18 mai 2000. La description de travail originale de PM-03 n’est donc restée en vigueur que six semaines. Comme les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas présenté de griefs pour contester la description de travail révisée de PM-03, ils ne peuvent pas demander un redressement. L’avocate de l’employeur a aussi maintenu que la décision rendue dans Jaremy et al. c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes, Accise et Impôt), 2000 CRTFP 59, était basée sur des faits très différents et n’est donc pas applicable en l’espèce. Elle a maintenu que nous ne pouvons pas nous demander pourquoi cette question n’a pas été soulevée à la première audience d’arbitrage, en disant que les griefs sont tout à fait théoriques et que je devrais par conséquent les rejeter.

7 Subsidiairement, l’avocate de l’employeur a déclaré que, si l’affaire devait être entendue, l’employeur estime que seule la description de travail originale de PM-03 est visée par les griefs, en affirmant que cela deviendrait plus clair encore dans le contexte du grief de M. Henderson, déposé en 1997. Elle a conclu en affirmant qu’il y a de bonnes raisons, dans l’intérêt des relations de travail, pour que les limites des griefs soient respectées.

8 L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a déclaré pour sa part que c’était la première fois que l’employeur soulevait cette objection, après presque six ans de litiges. Elle a soumis que l’employeur ne peut pas invoquer cet argument maintenant. Elle a rappelé que la description de travail visée par les griefs est identique à la description de travail révisée de PM-03 et que celle-ci ne reflète ni ce que les fonctionnaires s’estimant lésés faisaient à l’époque, ni ce qu’ils font maintenant.

9 L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a fait valoir qu’il ne faudrait pas interpréter les griefs étroitement : Blouin Drywall Contractors Ltd. v. United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, Local 2486 (1975), 8 O.R. (2d) 103 (C.A.);et Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42. Elle a aussi rappelé que l’employeur a incorporé par renvoi la description de travail révisée de PM-03 dans sa réponse aux griefs, en déclarant que cette description de travail révisée de PM-03 [traduction] « […] devrait constituer une description de travail fidèle à la réalité […] » et en affirmant que les différences entre la description de travail originale de PM-03 et la description révisée étaient minimes. Enfin, elle m’a également renvoyé à Jaremy et al., en déclarant cette décision applicable en l’espèce.

10 L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a soutenu que je viderais de leur sens les droits que leur convention collective reconnaît aux fonctionnaires s’estimant lésés si j’accueillais la demande de l’employeur. Cela signifierait qu’il lui suffirait de produire une nouvelle description de travail pour se soustraire à l’arbitrage de tout grief contestant une description de travail. Elle a aussi déclaré que refuser aux fonctionnaires s’estimant lésés la possibilité de contester la description de travail révisée de PM-03 reviendrait à les contraindre à se représenter devant un autre arbitre de grief après avoir déposé de nouveaux griefs. Elle a affirmé que la demande de l’employeur devrait être rejetée.

11 En réplique, l’avocate de l’employeur a déclaré que Blouin Drywall Contractors Ltd. et Parry Sound ne sont pas applicables, puisque l’affaire dont je suis saisi n’est pas entachée de vices de procédure ni de problèmes techniques.

12 J’ai rejeté la demande de l’employeur. À mon avis, l’approche appliquée dans Jaremy et al. était appropriée. Dans cette affaire-là, l’arbitre de grief avait rejeté l’argument de l’employeur voulant qu’il n’ait pas compétence pour rendre une décision sur une description de travail révisée :

[…]

[23] […] Je ne suis pas d’accord. Il est évident que les fonctionnaires s’estimant lésés ont présenté leurs griefs parce qu’ils estimaient que leur description de travail n’était pas conforme aux exigences de la convention collective. Malgré les diverses tentatives déployées par l’employeur en vue de régler le problème, les fonctionnaires continuent de maintenir que celui-ci persiste. On ne peut affirmer que l’employeur a été amené à tort à croire que sa dernière tentative de révision de la description de travail, c’est-à-dire la pièce G-4, avait réglé leurs griefs. Je conclus, par conséquent, que j’ai compétence pour trancher les présents griefs.

[…]

C’est une approche pratique pour se prononcer sur ce que les fonctionnaires s’estimant lésés reprochent à leurs énoncés de fonctions. Le système des relations de travail pourrait être inondé de griefs chaque fois qu’une description de travail est modifiée si l’on devait opter pour l’approche restrictive que préconise l’employeur. Dans ses réponses aux griefs, l’employeur laissait les fonctionnaires s’estimant lésés espérer que la révision de la description de travail originale de PM-03 répondrait à leurs doléances, en introduisant la description de travail révisée de PM-03 et en suscitant des attentes légitimes. J’ai aussi pris bonne note que la Cour d’appel fédérale a renvoyé le grief de M. Currie à la Commission afin qu’il soit tranché par un nouvel arbitre de grief « […] conformément aux présents motifs ». Il m’est donc impossible de rejeter les griefs à ce stade de la procédure.

13 L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a voulu introduire en preuve un document produit en 2002 (une formule d’évaluation de complexité de cas). L’avocate de l’employeur s’y est opposée en contestant sa pertinence parce que ce document reflète des fonctions exécutées après le dépôt des griefs. L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés l’a déclaré pertinent, puisqu’il révèle que la description de travail révisée de PM-03 ne reflète pas fidèlement la complexité des tâches accomplies. J’ai jugé le document inadmissible parce que la présente audience doit porter sur les fonctions qui étaient exercées à l’époque des événements pour lesquels les griefs ont été déposés. La preuve ultérieure au grief doit être utilisée avec parcimonie; autrement, l’audience deviendrait une enquête permanente sur les tâches exécutées au travail.

14 L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a tenté d’introduire la description de travail générique PM0677 des postes d’enquêteurs/vérificateurs classifiés PM-04 (la « description de travail de PM-04 »), en disant que c’est la plus pertinente. L’employeur s’y est opposé. La description de travail de PM-04 est entrée en vigueur en mai 2000, mais comme elle n’a été communiquée aux fonctionnaires qu’en octobre 2000, elle est ultérieure aux griefs. L’avocate de l’employeur a fait valoir qu’un des griefs ajoutés à l’audience a été déposé en 1997, avant même qu’on commence à élaborer cette description de travail de PM-04. Elle a aussi déclaré que la comparer à la description de travail originale de PM-03 est une question de classification excédant la compétence d’un arbitre de grief. L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a soutenu que les instructions de la Cour d’appel fédérale m’obligeaient à me pencher sur la description de travail de PM-04, en déclarant qu’elle avait clairement été introduite en preuve dans la procédure initiale d’arbitrage, et que la Cour d’appel fédérale en avait donc été saisie. Selon elle, pour tenir compte de la question de la complexité comme la Cour d’appel fédérale l’exige, la meilleure preuve disponible est la description de travail de PM-04. L’avocate de l’employeur a fait valoir que la présente audience est une nouvelle audience, en alléguant que je ne suis pas tenu d’autoriser l’introduction de documents produits dans la première audience d’arbitrage. Elle a déclaré que l’affaire avait peut-être [traduction] « déraillé » parce que la première audience d’arbitrage a commencé par une médiation qui s’est soldée par un échec. Elle a également affirmé que la Cour d’appel fédérale [traduction] « s’était trompée » en tenant compte de la description de travail de PM-04.

15 J’ai accepté l’introduction de la description de travail de PM-04 pour l’instruction du grief de M. Currie, mais j’ai réservé ma décision sur sa pertinence pour les autres griefs en me prononçant sur sa pertinence globale pour tous les griefs dans mes motifs. Étant donné que la Cour d’appel fédérale en avait tenu compte, j’ai jugé que je devais en tenir compte moi aussi pour arriver à une décision conformément à ses motifs.

16 Au début de la preuve concernant M. Henderson, l’employeur a soulevé une autre objection. M. Henderson avait déposé son grief en 1997 (bien qu’il n’ait été renvoyé à l’arbitrage qu’en 2002). L’employeur s’est opposé à ce que je tienne compte de la description de travail de PM-04 dans ce grief-là parce qu’elle n’est entrée en vigueur qu’en mai 2000, trois ans après le dépôt du grief de M. Henderson. L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a fait valoir que M. Henderson avait été promu à un poste de PM-04 en juin 2002 et qu’il allait témoigner que ses fonctions en 1997 étaient identiques à celles dont il s’acquittait en 2002 comme PM-04, ce qui démontrerait que la description de travail de PM-04 est la plus pertinente pour fins de comparaison. Elle a aussi déclaré que les parties s’étaient entendues sur les cas types et que l’employeur ne pouvait plus changer d’idée.

17 J’ai réservé ma décision sur cette objection en déclarant que je serais disposé à entendre d’autres arguments des parties dans leurs conclusions finales. Ma décision sur la pertinence générale de la description de travail de PM-04 et sur sa pertinence pour le grief de M. Henderson figure plus loin.

IV. Résumé de la preuve

18 J’ai rendu une ordonnance d’exclusion des témoins comme on me l’a demandé. Les parties ont produit conjointement un ensemble de documents (pièces J-1 à J-9). Les fonctionnaires s’estimant lésés ont témoigné et l’employeur a fait comparaître sept témoins.

19 Avec le consentement des parties, j’ai ordonné que l’identité des contribuables et celle de toutes les personnes faisant ou ayant fait l’objet d’une enquête ne soient pas divulguées dans la présente décision. Toutes les mentions dans les pièces permettant de les identifier seront également protégées.

A. Nature du travail

20 Les parties ont soumis l’énoncé conjoint des faits suivant :

[Traduction]

[…]

[L’employeur] a été créé en tant qu’agence indépendante de l’État en 1999, sous la direction générale d’un commissaire.

[L’employeur a] son siège à Ottawa et comprend trente-quatre bureaux des services fiscaux (BSF) répartis aux quatre coins du pays.

Chaque BSF administre un Programme de conformité constitué d’un volet de vérification civile et d’un volet d’enquête criminelle.

Si, après une vérification civile, on soupçonne un comportement criminel s’apparentant à de la fraude, une évasion fiscale délibérée ou un revenu obtenu à la suite d’une activité criminelle, l’affaire est renvoyée au volet de la vérification criminelle des enquêtes criminelles du BSF.

Le volet d’enquête criminelle englobe lui-même deux sous-programmes : le Programme des enquêtes criminelles (PEC) et le Programme spécial d’exécution (PSE).

Dans le contexte des enquêtes, il y a deux principaux types d’emplois à l’échelle nationale : les vérificateurs (AU) et les administrateurs de programme (PM).

21 La description de travail originale de PM-03 (pièce J-4) contient une description générale du rôle d’un enquêteur/vérificateur :

[…]

Réalisation d’enquêtes pouvant donner lieu à des poursuites criminelles contre des particuliers ou des sociétés; que l’on soupçonne de tirer un revenu d’activités illégales; prestation d’aide à d’autres organismes et programmes.

[…]

22 Deux programmes de vérification sont en cause dans les griefs en l’espèce : le Programme spécial d’exécution (PSE) et le Programme des enquêtes criminelles (PEC). Le PSE consiste essentiellement à faire des vérifications concernant des personnes et des entreprises soupçonnées de tirer la plus grande partie de leurs revenus de sources illégales, comme le trafic de stupéfiants. Ces vérifications ont pour but de déterminer l’impôt dû sur le revenu illégal. Le PEC a essentiellement pour but d’enquêter et d’intenter des poursuites en cas d’infractions à la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) ainsi qu’à la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15. Le PEC effectue des enquêtes criminelles exigeant une preuve au-delà de tout doute raisonnable.

23 Les activités principales de la description de travail révisée de PM-03 (pièce G-2) sont les suivantes :

ACTIVITÉS PRINCIPALES

[1] Mener des enquêtes courantes à l’égard de stratagèmes frauduleux canadiens et internationaux, ayant une cote de complexité de 10, et exigeant des connaissances minimales ou moyennes de la comptabilité, c’est-à-dire analyser et évaluer les renseignements et les allégations provenant de nombreuses sources afin de vérifier si les faits disponibles révèlent qu’il y a fraude, afin de veiller à ce que les lois dont l’Agence assure l’application soient observées.
[2] Planifier et mener des enquêtes courantes, y compris des perquisitions et des saisies, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, de la Loi sur la taxe d’accise, de la Loi sur l’accise ou du Code criminel.
[3] Établir la règle de preuve, mener des entrevues, évaluer des témoins, obtenir, conserver et évaluer toutes les preuves et les défenses afin de déterminer si une recommandation de poursuite criminelle est justifiée.
[4] Préparer des rapports d’étape au sujet des enquêtes, notamment des rapports de poursuite accompagnés de recommandations au ministère de la Justice.
[5] Effectuer des vérifications de particuliers et de sociétés soupçonnés de tirer des revenus d’activités illégales, notamment du trafic de drogues, de l’extorsion, de la prostitution, etc. La plupart de ces vérifications sont menées en l’absence d’états comptables complets, de sorte qu’il faut recourir à des méthodes indirectes de vérification.
[6] Participer à la définition et à l’élaboration de la charge de travail, c’est-à-dire trier des dossiers et des indications des corps policiers, d’autres organismes et des Unités mixtes des produits de la criminalité, identifier et évaluer les problèmes éventuels d’observation et donner des conseils et de l’aide aux organisations externes.
[7] Préparer ou exécuter des documents juridiques, notamment des mandats de perquisition, des documents d’information sur les perquisitions (affidavits), des demandes, des ordonnances de détention, des assignations, des significations et des dénonciations concernant les accusations au criminel, des documents à l’appui de demandes en vertu de l’article 490(15) CC, des documents requis pour exiger la remise de renseignements, des documents et divers rapports dont des mémoires destinés au ministère de la Justice recommandant des poursuites en vertu de l’article 238 de la Loi de l’impôt sur le revenu, ou de l’article 326 de la Loi sur la taxe d’accise (TPS).
[8] Aider et conseiller l’avocat de la Couronne en ce qui a trait aux poursuites, notamment aider l’avocat à se familiariser avec les éléments de preuve, les dispositions législatives fiscales applicables, les questions comptables à caractère technique et les infractions commises.
[9] Organiser et préparer des éléments de preuve pour présentation en cour.
[10] Préparer des rapports de vérifications et des documents de travail à l’appui de cotisations, de nouvelles cotisations et d’amendes.
[11] Préparer la divulgation de toute l’information pertinentes des documents et pièces par la Couronne conformément aux prescriptions de la loi.
[12] Déterminer et recueillir les données résultant de l’examen de l’observation, de l’établissement de la valeur, des programmes de stimulants fiscaux, de l’évitement fiscal, de l’inobservation de tierces parties et des cas d’évasions fiscales à la section appropriée pour leur examen.
[13] Servir de témoin de la Couronne en cas de poursuite au criminel ou au civil et consulter l’avocat de la Couronne à l’égard de toute négociation de plaidoyer.
[14] Élaborer des communiqués à l’intention de Communication.
[15] Vérifier les déclarations de revenus ou les documents financiers de particuliers ou de sociétés que l’on soupçonne de tirer un revenu d’activités illégales.
[16] Élargir son réseau de contacts et de sources d’information à l’interne et à l’externe en vue de recevoir des renseignements qui permettront d’identifier, d’appuyer, de vérifier ou de réfuter les allégations d’activité frauduleuse par rapport aux lois dont l’Agence assure l’application.
[17] Faire des recherches concernant les lois fiscales, d’autres lois, la jurisprudence et les publications et les politiques de l’Agence afin de tirer des conclusions justes lors des enquêtes ou des vérifications.
[18] Aborder et négocier les redressements proposés, les recommandations de pénalité, les questions techniques et litigieuses avec les contribuables ou leurs représentants.
[19] Obtenir des renseignements et des éléments de preuve à l’intention d’autres bureaux des services fiscaux, d’administrations fiscales canadiennes et étrangères, d’organismes d’exécution et d’autres programmes et fournir une expertise connexe, notamment témoigner dans des juridictions étrangères.
[20] Filtrer des indices de dénonciateurs et traiter sur une base prioritaire les demandes d’aides internationales à recueillir des éléments de preuves pour des enquêtes criminelles incluant des enquêtes menées par le « grand jury » et plusieurs ministères.
[21] Évaluer les envois reçus de toutes provenances pour acceptation à titre de cas d’enquête.
[22] Recueillir et analyser des données afin de déterminer les cas d’inobservation intentionnelle.
[23] Conseiller et aider les contribuables ou leurs représentants pour ce qui est de régler des problèmes de vérification litigieux ayant trait à l’application ou à l’exécution des diverses lois relevant de l’Agence.
[24] Recueillir des renseignements sur les avoirs afin d’aider au recouvrement des dettes des contribuables et d’encourager le paiement anticipé et volontaire des dettes envers la Couronne.
[25] Offrir de l’aide à l’exécution des sentences imposées par le tribunal, notamment des amendes.
[26] Aider à la formation et au perfectionnement des membres de l’équipe les moins expérimentés et d’autres membres du personnel de l’Agence.
[27] Donner suite avec diligence et précision aux diverses demandes de services présentées par des contribuables.
[28] Présenter et diffuser l’information au public afin d’encourager l’observation volontaire.
[29] Aider Communication à publier les résultats des procès.
[30] Participer aux prises de décisions de l’équipe et à l’évaluation du rendement de l’équipe.

24 Une distinction critique de la description de travail révisée de PM-03 contestée dans les griefs est le code de complexité des dossiers d’enquête du PEC. La note suivante apparaît presque au tout début de la description de travail révisée de PM-03 (pièce G-2; une note semblable figure dans la description de travail originale de PM-03, pièce J-4) :

[…]

NOTA : Les cas sont attribués en fonction d’une échelle de complexité faisant entrer en ligne de compte la portée de l’enquête, les difficultés anticipées aux plans du droit ou de la preuve, la méthode de fraude, les défis en matière de vérification et de comptabilité judiciaires posés par le cas et le degré de difficulté que présentent les questions fiscales rencontrées […]

[…]

Lorsqu’un enquêteur mène une enquête au sein d’une équipe, le dossier attribué peut être affecté d’un code de complexité plus élevé.

[…]

25 La description de travail révisée de PM-03 (pièce G-2, entrée en vigueur le 18 mai 2000) résume succinctement le processus employé pour déterminer le code de complexité des cas, comme suit :

[…]

[…] La fiche de notation T20CR contient l’échelle des facteurs de pondération numérique à considérer au moment d’établir la complexité d’un cas à des fins de répartition. La somme des facteurs numériques obtenue détermine à quel niveau le dossier sera affecté […]

[…]

26 Généralement, on attribue un code de complexité aux dossiers d’enquête fiscale en se servant d’une formule dite d’évaluation de complexité de cas (pièce J-7). À cette fin, on accorde des points dans les catégories suivantes :

  • connaissances requises (au civil et au criminel);
  • infractions (nombre de lois applicables, stratagème d’évasion, période pertinente et nombre d’entités devant faire l’objet d’une accusation);
  • acte manifeste (rédaction d’information sur la perquisition, nombre d’endroits à perquisitionner, compétences provinciales multiples, recours à des « CSER » durant la perquisition et quand il y a des systèmes informatiques complexes);
  • expertise judiciaire de la preuve (degré de difficulté et expertise judiciaire en laboratoire);
  • méthode d’enquête (calcul de l’avoir net, emploi d’une autre méthode indirecte, analyse des mouvements de fonds);
  • preuve de tiers (témoin(s) clé(s) non coopératifs contraignables, nombre de témoins, demandes de preuve de l’étranger, témoins de l’étranger et autres facteurs liés aux témoins);
  • procédures judiciaires (témoignages par commission requis, contestation juridique durant l’enquête, invocation du secret professionnel d’un avocat, divulgation de la preuve vraisemblablement nécessaire, contestation probable du cas, cas satisfaisant aux critères de mise en accusation);
  • facteurs créant des complications (arrestation de l’intéressé, enquêtes conjointes en règle, enquête en équipe à temps plein, intéressé impliqué dans d’autres activités illégales liées aux infractions, nouvelle cotisation de protection, faillite et autres).

27 L’échelle de répartition des points est la suivante : de 0 à 29 points, le code de complexité est 10 ou 11 et correspond au niveau AU-01 ou PM-03; de 30 à 42 points, le code de complexité est 22 et correspond au niveau AU-02 (pièce J-7). Quand la description de travail de PM-04 est entrée en vigueur en 2000, le niveau de complexité des cas confiés à des PM-04 était le même que celui des cas dont on chargeait des AU-02 (pièce G-3). Dans la description de travail révisée de PM-03 (pièce G-2), un cas auquel on attribue le code de complexité 10/11 est qualifié de « simple/courant »; avec un code de complexité 20/22, il est qualifié de « difficile ».

28 La description de travail révisée de PM-03 décrit aussi la différence entre les niveaux de complexité sous la rubrique « Effort de réflexion », de la façon suivante (pièce G-2) :

[…] Les cas affectés d’un code de complexité de 10 comportent un moins grand nombre defacteurs que les cas affectés d’un code de complexité de 20, sans compter qu’un grand nombre des facteurs présents sont d’une complexité moindre. L’effort de réflexion est moins intense lorsqu’il y a moins de facteurs et que ces derniers sont moins complexes.

[…]

29 Sous la rubrique « Connaissances et habiletés », la description de travail révisée de PM-03 (pièce G-2) précise la distinction entre les cas « courants » et « complexes » comme suit :

[…] Les cas affectés d’un code de complexité de 10 exigent moins de compétences et de connaissances que les cas affectés du code de complexité de 20. Lorsqu’il y a moins de facteurs de compétence et de connaissance, la situation est moins complexe. Dans l’ensemble, le contexte fait appel à des situations courantes.

30 On a publié en 1988 un guide d’évaluation de la complexité des cas (le « guide de 1988 ») (pièce J-5); la version modifiée a été publiée en 2000 (le « guide de 2000 ») (pièce J-6). Le guide de 1988 stipule que la formule d’évaluation de complexité de cas était conçue pour mesurer la complexité des enquêtes sur les cas d’évasion fiscale (relevant du PEC), pour servir de base à la répartition des cas et pour faciliter la planification future des besoins de personnel. Le guide de 1988 précise aussi que l’enquête préliminaire sur un dossier devrait être confiée à un enquêteur d’un niveau de classification « […] qui [soit] fonction du degré de complexité de l’enquête exhaustive qui pourrait s’ensuivre ». Les cas de vérification dans le contexte du PSE ne font pas l’objet d’une telle évaluation.

31 Claudette Miller était chef d’équipe à la Division des enquêtes du BSF de Saint John de 1997 à 2005; elle supervisait M. O’Neill. Mme Miller a témoigné que les cas d’enquête du PEC ne se font généralement pas attribuer de code de complexité à l’étape de l’enquête préliminaire ou de collecte de l’information, parce qu’on n’a pas suffisamment d’information pour évaluer la complexité du dossier. Les dossiers d’enquête se font généralement attribuer un code de complexité lorsqu’on entame la préparation de la « dénonciation », c’est-à-dire du document servant à justifier des accusations portées en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu ou de la Loi sur la taxe d’accise. Le guide de 1988 stipulait que le dossier ne devait être coté qu’une seule fois (au début de l’enquête exhaustive) :

[…]

[…] sauf si l’enquête permet de découvrir de nouveaux renseignements qui en modifient sensiblement la complexité. De telles situations se manifesteront au cours de certaines enquêtes exhaustives. Cependant, les facteurs de complexité subséquentes ne serviront plus de critères d’attribution des cas, car tous les enquêteurs devraient être en mesure de surmonter les difficultés créés par ces facteurs additionnels.

[…]

[Le passage souligné l’est dans l’original]

32 Le guide de 2000 (pièce J-6) stipule que la formule ne devrait être modifiée que si des points additionnels changent le code de complexité du cas.

33 Le guide de 1988 (pièce J-5) et celui de 2000 (pièce J-6) stipulent que les cas devraient être confiés à un enquêteur du niveau indiqué sur la formule d’évaluation de complexité de cas. Les deux guides précisent en outre qu’il peut parfois arriver, à cause du volume de travail, de l’insuffisance de l’effectif ou de la participation de certains de ses membres à des programmes de formation, qu’il faille confier des dossiers à des enquêteurs d’un niveau inférieur ou supérieur au niveau prescrit. Les deux prévoient qu’il peut arriver que des cas soient confiés à des enquêteurs dont le niveau n’est pas conforme aux critères normaux de répartition des dossiers. À cet égard, le guide de 1988 stipule ce qui suit (la formulation dans le guide de 2000 est virtuellement identique) :

[…]

[…] Dans [ces] circonstances […] il faudrait que [l’enquêteur] et la direction du Bureau de district s’entendent clairement sur les conditions sous lesquelles l’enquête sera menée par l’enquêteur […]

[…]

34 Les enquêtes sont habituellement des cas renvoyés à la Division des enquêtes par la Division de la vérification du BSF. Mme Miller a témoigné qu’environ 75 p. 100 des cas qui lui étaient confiés provenaient de la Division de la vérification. À l’occasion, toutefois, les dossiers provenaient d’autres sources ou étaient autogénérés. Les cas qui ne proviennent pas de la Division de la vérification exigent plus de travail au stade préliminaire, parce qu’elle n’a pas travaillé sur le dossier. Après le stade préliminaire, le traitement des cas est le même quelle que soit leur source. Il peut comprendre quatre stades, bien que tous les cas ne se rendent pas aux derniers stades : 1) le stade préliminaire; 2) l’enquête; 3) la procédure judiciaire; 4) l’appel.

35 Au stade préliminaire, l’enquêteur a 60 jours pour évaluer le renvoi et pour décider d’accepter le dossier pour enquêter ou pas. Ce stage consiste alors à examiner le résumé écrit des problèmes préparé par la Division de la vérification, à examiner les documents de travail et les notes de la vérification, à parler avec le vérificateur ainsi qu’à interroger les tiers et le contribuable visés par l’enquête. C’est à ce stade-là que l’enquêteur décide s’il y a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise et qu’il rédige un rapport préliminaire, en recommandant qu’on accepte de faire enquête sur le dossier ou pas. Ce rapport préliminaire est signé par le chef d’équipe et le directeur adjoint. S’il n’est pas recommandé de faire enquête sur le dossier, le dossier est renvoyé à la Division de la vérification.

36 Le rapport est un des outils dont on se sert pour attribuer un code de complexité au cas (pièces J-5 à J-7). Une fois ce code attribué, le cas est confié à un enquêteur en fonction de sa classification, quoiqu’on ne procède pas invariablement de cette façon; les différences sont précisées plus loin dans les résumés des témoignages individuels des fonctionnaires s’estimant lésés.

37 Le travail dans le cadre du PSE est décrit au cinquième paragraphe de la rubrique des « Activités principales » de la description de travail révisée de PM-03 (pièce G-2; voir le paragraphe 23 de la présente décision). Sous la rubrique « Effort de réflexion », il est décrit comme suit :

[…]

Le travail d’exécution spécial est accompli dans un contexte où les contribuables visés sont soupçonnés d’être engagés dans des activités illégales dont ils tirent des revenus. Un vérificateur doit élaborer des plans d’intervention permettant de dépister, de chiffrer et d’attester les revenus que des contribuables tirent de leurs activités illégales, souvent en faisant appel à des méthodes inédites d’analyse et d’évaluation de l’information, de dépistage des stratagèmes frauduleux et des ruses, d’établissement de théories de preuve suffisante à l’appui de l’émission de cotisations et de nouvelles cotisations au civil.

[…]

38 Dans ces cas-là, on effectue ce qu’on appelle une vérification de « l’avoir net ». Comme il n’existe pas de dossier en bonne et due forme sur le revenu, à cause de son illégalité, les vérificateurs font enquête et effectuent une vérification de l’avoir net de l’individu concerné.

39 Barbara Toole est directrice adjointe de l’Exécution (qu’on appelait auparavant les « Enquêtes ») au BSF de Saint John; elle occupe son poste depuis octobre 2000. Elle a témoigné que les fonctions de vérification dans le cadre du PSE d’un PM-03 étaient précisées dans la description de travail révisée de PM-03. Lorsqu’on effectue des vérifications ordinaires sur le terrain, les vérifications de l’avoir net sont réalisées par des vérificateurs PM-02 ou AU-01. Les vérifications dans le cadre du PSE sont semblables, mais il n’y a habituellement ni livres, ni dossiers; s’il en existe, ils sont incomplets et désorganisés. Les vérifications du PSE comprennent aussi l’élément supplémentaire que sont des soupçons d’activités criminelles. Par conséquent, elles sont effectuées par des enquêteurs/vérificateurs PM-03.

B. Grief de M. Currie

40 M. Currie a commencé à travailler pour Revenu Canada (devenu depuis l’Agence du revenu du Canada) en 1977. Il s’est joint à la Division des enquêtes du BSF de Saint John en septembre 1996.

41 Dès son arrivée à la Division, M. Currie a travaillé sur un gros dossier d’enquête concernant un individu qui préparait des formulaires de déclaration de revenu pour ses clients et qui leur avait conseillé de commettre des fraudes fiscales. Avec 280 personnes en cause dans le dossier, il a fallu jusqu’à quatre ans pour conclure s’il y avait eu fraude et, dans l’affirmative, pour en déterminer l’ampleur. Le dossier avait été confié au fonctionnaire s’estimant lésé comme enquêteur en chef à l’automne de 1997, après qu’on eut décidé d’entreprendre une enquête exhaustive sur le cas.

42 Le 22 août 1997, on avait attribué au dossier un code de complexité correspondant au niveau d’un PM-03. M. Currie a témoigné que cela résultait d’une demande qu’il avait adressée à son superviseur, John Landry, en février 1997. M. Currie travaillait sur le dossier depuis déjà un an et demi. Il avait terminé sa recherche dans les dossiers du contribuable et interrogé un grand nombre de ses clients. Il avait entamé le processus de vérification pour contester les réclamations frauduleuses de crédits d’impôt. Selon lui, le code de complexité n’était pas justifié : il a témoigné qu’on aurait dû donner des points pour les connaissances nécessaires. En outre, le code ne reflétait pas les nombreuses méthodes d’évasion fiscale dont différents contribuables s’étaient servis. M. Currie a aussi témoigné qu’on n’avait pas tenu compte non plus du grand nombre de dossiers informatiques à examiner lorsqu’on avait attribué le code de complexité. Quand il a soulevé tous ces points-là avec M. Landry, celui-ci lui a dit qu’il estimait que le code de complexité était justifié et qu’il n’avait pas l’intention de réévaluer le dossier. M. Currie a présenté un grief.

43 En janvier 1999, M. Landry a réexaminé le dossier et lui a attribué le code de complexité le plus élevé pour le niveau PM-03 rétroactivement à 1997. Le 8 mars 1999, M. Landry a examiné le dossier une fois de plus, en lui attribuant cette fois-là un code de complexité correspondant au niveau AU-02. La note qu’il a écrite figure au bas de la formule d’évaluation de complexité de cas (pièce G-1) :

[Traduction]

[…]

Avec les lignes directrices sur la cotation, on obtient 17 points, ce qui place le dossier au niveau d’un AU2. Comme Glenn n’a pas les compétences fondamentales [pour un poste d’AU-02] il ne peut pas se faire confier une affectation [par intérim] comme AU2 ou comme PM4, parce qu’il n’y a pas de postes d’enquêteur PM4 à RevCan. Impôt. Glenn va continuer à travailler sur le dossier à son niveau actuel.

[…]

44 M. Currie a maintenu son grief et obtenu un redressement au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. On lui a accordé rétroactivement une rémunération d’intérim au niveau AU-02 de septembre 1996 au début de 1999 et ce, pour le nombre d’heures qu’il avait déclaré avoir consacrées au dossier. Celui-ci a ensuite été confié à un autre employé, parce que M. Currie ne satisfaisait pas aux exigences de scolarité du groupe AU.

45 M. Currie a témoigné que près de 400 accusations criminelles ont été portées dans le dossier, qui s’est rendu en cour. M. Currie a été le principal témoin de l’État. Deux ou trois requêtes ont retardé le procès plus de deux ans. Quand la date du procès a été fixée, l’accusé a plaidé coupable; il a été condamné en septembre 2001. De 1996 à 2001, M. Currie n’avait pas travaillé sur d’autres dossiers.

46 La description de travail de PM-04 est entrée en vigueur en mai 2000. Le code de complexité du cas lui aurait correspondu.

47 M. Currie a comparé certaines des activités principales de la description de travail révisée de PM-03 (pièce G-2) aux fonctions dont il s’était acquitté dans son dossier d’enquête. Il a témoigné qu’une affaire d’évasion fiscale « courante » est utopique et que le dossier sur lequel il avait travaillé n’aurait pas pu être qualifié de « courant ». Il a aussi déclaré que tous les dossiers étaient traités conformément aux mêmes normes.

48 La deuxième activité principale mentionnée dans la description de travail révisée de PM-03 (voir le paragraphe 23 de cette décision) consiste à planifier et mener « des enquêtes courantes ». M. Currie a déclaré que l’enquête qu’il avait faite sur le dossier en question n’était ni simple, ni courante.

49 Il a témoigné sur la description de travail de PM-04 (pièce G-3) en disant qu’elle reflétait plus fidèlement les tâches qu’il avait accomplies. Il s’est également dit d’avis qu’un code de complexité 20 (correspondant au niveau PM-04) aurait été plus approprié pour le dossier qu’on lui avait confié. Il a déclaré que l’activité principale de la description de travail de PM-04 consistant à conseiller et aider les membres de l’équipe et les contribuables reflétait mieux les fonctions dont il s’acquittait. En effet, 10 ou 11 enquêteurs participaient à l’enquête, et il devait leur donner des instructions à tous. Il était appelé à coordonner les interrogatoires et à donner de l’information aux membres de l’équipe. Certains des enquêteurs devaient être informés de ce qui distingue une demande de crédit d’impôt valide d’une frauduleuse.

50 M. Currie a aussi témoigné avoir participé à l’activité principale mentionnée dans la description de travail de PM-04 consistant à conseiller et aider les membres de l’équipe dans la négociation des nouvelles cotisations proposées relativement à des déclarations de revenu « […] lorsque les questions sont complexes ou litigieuses ou mettent en cause des sommes importantes ». Il a témoigné qu’aucun paragraphe figurant dans la description de travail révisée de PM-03 ne contenait des détails aussi précis que ceux qu’on trouve dans la description de travail de PM-04.

51 M. Currie a déclaré qu’il avait eu de nombreuses interactions avec près de 300 personnes travaillant notamment pour des caisses de crédit et des cabinets d’experts-comptables. La description de travail de PM-04 précise que les cas ayant un code de complexité élevé font intervenir plus de tiers, alors que la description de travail révisée de PM-03 est muette sur ce point.

52 La description de travail de PM-04 stipule aussi que les cas auxquels on attribue un code de complexité plus élevé « […] porte[…]nt éventuellement sur des plans plus complexes impliquant des montants plus élevés de sorte que les échanges sont plus difficiles », une précision qui ne figure pas dans la description de travail de PM-03. Dans le dossier sur lequel M. Currie travaillait, on avait eu recours à divers stratagèmes, certains plus complexes que d’autres. Cela n’avait pas accru la difficulté du travail, mais exigé plus de recherche, à cause du nombre même de stratagèmes utilisés.

53 La description de travail de PM-04 stipule aussi que les affaires dont le code de complexité est élevé comporteront vraisemblablement des témoignages plus difficiles et des questions plus complexes en contre-interrogatoire. M. Currie avait été soumis à un contre-interrogatoire poussé dans le contexte d’une des requêtes concernant le dossier sur lequel il travaillait. Il a témoigné que la description de travail révisée de PM-03 ne reflète pas fidèlement cette situation.

54 La description de travail de PM-04 précise qu’il faut échanger avec des membres de l’équipe pour donner des conseils en matière de technique et d’enquête ainsi que de la formation. M. Currie a témoigné qu’il devait donner de tels conseils.

55 En termes d’« incidence », M. Currie a déclaré que les répercussions nationales des enquêtes ne sont habituellement pas liées à la complexité du dossier, mais à quelque chose de nouveau ou d’innovateur dans la fraude fiscale ou dans la tactique de défense. Il a évoqué une affaire d’une grande incidence sur la jurisprudence dans laquelle on avait attribué le code de complexité le plus bas au cas, alors que c’était un des plus importants des 20 dernières années.

56 En ce qui concerne la couverture médiatique, M. Currie a témoigné que le dossier auquel il avait travaillé avait attiré l’attention des médias provinciaux. La description de travail révisée de PM-03 parle de couverture médiatique dans la région et celle des PM-04 de couverture régionale et même nationale à l’occasion.

57 Sous la rubrique « Effort de réflexion », la description de travail de PM-04 précise que l’enquêteur peut devoir composer avec « […] un nombre de facteurs de complexité […] » qui peuvent généralement se révéler assez tôt dans l’enquête, tandis que d’autres de ces facteurs « […] peuvent survenir plus tard et obliger l’enquêteur à ajuster le tir ». La description de travail révisée de PM-03 précise qu’il peut exister « […] un ou quelques facteurs […] » de complexité « […] qui peuvent généralement être prévus assez tôt » dans l’enquête. M. Currie a témoigné qu’il y avait quatre facteurs de complexité dans le cas sur lequel il travaillait, puisque le montant concerné dépassait 100 000 $, qu’il y avait eu des contestations judiciaires, que le procès avait été « contesté » (même si l’on a conclu une entente, en définitive) et qu’il y avait eu des déclarations quant aux répercussions sur les victimes. Il y avait eu aussi des retombées sur la collectivité, en raison des sommes dont il s’agissait et de sa population.

58 La description de travail de PM-04 précise que l’enquêteur doit analyser et évaluer « […] un volume moyen et varié d’éléments de preuve […] », alors que la description de travail révisée de PM-03 précise simplement qu’il doit analyser et évaluer la preuve. M. Currie a témoigné que le volume d’éléments de preuve était important plutôt que modéré.

59 Les deux descriptions de travail font état de la nécessité de modifier les plans d’enquête de façon à tenir compte d’éléments échappant au contrôle de l’enquêteur, par exemple les contestations juridiques et les preuves découvertes pendant l’enquête. La description de travail révisée de PM-03 précise que la complexité de ces facteurs et l’étendue des modifications requises sont généralement « de niveau peu élevé » d’après le système d’évaluation de la complexité des cas. La description de travail de PM-04 stipule que ces facteurs correspondent à une « cote de complexité moyenne ». M. Currie a témoigné que les contribuables [traduction] « ne démordaient pas de leur version » dans l’affaire sur laquelle il travaillait, de sorte qu’il a dû modifier son approche et devenir plus agressif dans ses interrogatoires.

60 M. Currie a déclaré qu’il avait les compétences nécessaires pour gérer le cas qu’on lui avait confié. En termes de connaissances et de compétences en comptabilité judiciaire, la seule différence entre les deux descriptions de travail est que celle des PM-04 mentionne des stratagèmes d’évasion « difficiles », alors que la description de travail révisée de PM-03 mentionne simplement des stratagèmes d’évasion. M. Currie a témoigné qu’il devait connaître les méthodes de comptabilité judiciaire en raison des interconnections dans le stratagème sur lequel il enquêtait.

61 M. Currie a déclaré qu’il avait l’ultime responsabilité du dossier en sa qualité d’enquêteur en chef, et qu’on se fiait à lui pour prendre à cet égard des décisions basées sur un solide raisonnement. Il a été l’enquêteur en chef de septembre 1996 à avril 2000.

62 On a déjà précisé que M. Currie avait touché une rémunération d’intérim au niveau AU-02 pour son travail sur le dossier de septembre 1996 au début de 1999, mais il y a aussi travaillé en 2001, en touchant une rémunération d’intérim au niveau PM-04 pour les heures qu’il lui a consacrées entre le 18 juin 2001 et le 28 septembre 2001.

63 En contre-interrogatoire, M. Currie a témoigné qu’il avait fait des vérifications dans le cadre du PSE entre 1996 et 2000 et que ses fonctions à ce titre étaient précisées dans sa description de travail originale de PM-03. Il a aussi témoigné que la description de travail de PM-04 reflétait plus fidèlement ses fonctions sur une base quotidienne. Il avait assumé par intérim des fonctions de PM-04 de juin 2005 à juillet 2006 parce qu’il travaillait sur un cas auquel on avait attribué une cote de complexité plus élevée que la cote de complexité correspondant à la description de travail révisée de PM-03.

64 Mme Toole a témoigné avoir régulièrement rencontré les chefs d’équipe au sujet de la répartition des dossiers. Si un enquêteur/vérificateur PM-03 se faisait confier un dossier d’une complexité excédant celle qui correspondait à sa description de travail, on lui versait une rémunération d’intérim.

C. Grief de M. Henderson

65 M. Henderson a présenté le 23 octobre 1997 un grief contestant sa description de travail (pièce G-4). Il a reçu une réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 1er août 2002; son grief a été renvoyé à l’arbitrage le 9 septembre 2002 (pièce G-5). Le 1er juin 2002, M. Henderson a été promu à un poste de PM-04. Il a pris sa retraite de la fonction publique en mars 2005.

66 M. Henderson a commencé à travailler à Revenu Canada (devenu depuis l’Agence du revenu du Canada) en 1970; il est devenu PM-03 en 1975. Au début des années 1990, on l’a nommé à un poste d’enquêteur du PSE au BSF de Hamilton. Après avoir travaillé à un projet pilote sur l’économie parallèle, il est revenu le 1er avril 1995 au PSE, où il s’est fait charger de l’élaboration de la charge de travail et de la liaison entre Revenu Canada et divers corps policiers de la région (pièce G-6). À l’époque, le BSF de Hamilton reconstituait son PSE. En plus de sa tâche d’élaboration de la charge de travail du bureau, M. Henderson faisait du mentorat et formait de nouveaux enquêteurs. Il était également chargé de préparer des demandes en vertu du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, pour obtenir des dossiers des corps policiers. On s’attendait aussi à ce qu’il effectue un certain nombre de vérifications pour le PSE; il en avait fait six dans sa première année (pièce G-6). Il a témoigné que les dossiers du PSE n’avaient pas de code de complexité et qu’on ne se servait pas des formules d’évaluation de complexité de cas à cet égard.

67 Durant l’exercice suivant, il a continué à élaborer la charge de travail du BSF de Hamilton. Il a aussi eu des activités de liaison avec plusieurs corps policiers afin d’obtenir des noms et des cibles pour les vérifications. Cette année-là, il a effectué quatre vérifications, puisqu’il consacrait plus de temps que l’année précédente à ses activités de formation et de mentorat. Il avait donné de la formation à deux AU-01 (pièce G-6). Enfin, M. Henderson avait aussi servi plusieurs demandes péremptoires de déclarations de revenu et d’avoir net, des documents qui sont des demandes officielles aux contribuables.

68 M. Henderson a déclaré estimer qu’il consacrait la moitié de son temps à des tâches d’élaboration de la charge de travail et de mentorat, l’autre moitié étant consacrée à la vérification.

69 Dans son interrogatoire principal, M. Henderson a été invité à décrire sa journée de travail typique. Il a témoigné qu’il rencontrait la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ayant des dossiers dont elle voulait lui parler du point de vue fiscal. S’il rencontrait la GRC à son bureau, il emmenait le chef d’équipe ou un enquêteur/vérificateur subalterne avec lui pour [traduction] « leur montrer comment faire ». La GRC l’informait de ce qu’elle avait dans ses dossiers. Ensuite, il retournait au BSF de Hamilton et faisait une recherche sur le nom dans la base de données fiscales pour voir si les dossiers fiscaux correspondaient à l’information obtenue de la GRC. Il faisait ensuite des recoupements de l’information dans les bases de données de la TPS, de l’impôt sur le revenu personnel et de l’impôt sur le revenu des sociétés. Il ouvrait lui-même des dossiers sur tous les renvois, ou les faisait ouvrir par des collègues à qui il demandait de le faire. Après un contrôle initial pour vérifier notamment s’il y avait un casier judiciaire, des véhicules et des immeubles, le dossier était confié à un employé pour enquête.

70 M. Henderson a témoigné qu’il suivait parfois les cas jusque dans les procédures judiciaires, auxquelles il assistait comme observateur en prenant des notes sur la preuve, puis en ajoutant l’information dans la banque des indices. Il lisait aussi les journaux, pour obtenir les noms des personnes accusées d’infractions criminelles et téléphonait à l’occasion au corps policier responsable pour obtenir l’historique d’une accusation.

71 M. Henderson a déclaré avoir dû s’adresser aux tribunaux, à l’occasion, pour obtenir des ordonnances d’accès. Ces ordonnances autorisent la partie qui les obtient à consulter des documents obtenus grâce à un mandat de perquisition délivré à un autre organisme chargé d’appliquer la loi.

72 M. Henderson a dit aussi s’être fait renvoyer des cas d’autres BSF et s’en être fait signaler par un réseau de [traduction] « croisés fiscaux » qu’il a qualifiés de [traduction] « sources fiables ».

73 Côté mentorat et formation, M. Henderson a témoigné que les AU n’avaient pas suffisamment de formation pour effectuer des vérifications de l’avoir net; il devait donc leur montrer comment faire dans ces cas-là. Les AU lui demandaient souvent d’assister aux interrogatoires initiaux. Il leur disait aussi comment préparer des ordonnances d’accès.

74 Dans son interrogatoire principal, M. Henderson s’est fait demander quelles sortes de vérifications il effectuait. Il a témoigné qu’il faisait ce qu’il a décrit comme des vérifications de « PM-03 », autrement dit qu’on ne s’attendait pas à voir s’éterniser.

75 Il a déclaré qu’aucun autre employé du BSF de Hamilton n’était chargé de tâches d’élaboration de la charge de travail quand il s’acquittait de cette fonction. Dans ce contexte, il ne savait pas nécessairement s’il s’agissait par exemple de la charge de travail d’un PM-03 ou d’un AU. Une grande partie des indices qu’il avait trouvés étaient confiés à des AU-02 et des AU-03 ou transférés à d’autres BSF.

76 Toujours dans son interrogatoire principal, M. Henderson s’est fait demander pourquoi il avait présenté son grief en octobre 1997. Il a témoigné que le poste avait été occupé auparavant par des AU-02, voire par des employés de niveau supérieur. Les agents chargés de l’élaboration de la charge de travail aux autres BSF étaient soit des chefs d’équipe AU-03, soit des enquêteurs AU-02 qui se consacraient exclusivement à cette tâche. Il a déclaré qu’il voulait une rémunération équivalente. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait évoqué la description de travail originale de PM-03 dans son grief, il a dit que c’était probablement parce que son agent négociateur le lui avait conseillé. Il a témoigné que des rumeurs couraient depuis plusieurs années et qu’on disait que l’employeur était en train de produire une autre description de travail.

77 Le 6 novembre 1998, M. Henderson a écrit une lettre à Roy Prince, le directeur adjoint par intérim de la Division des enquêtes du BSF de Hamilton, pour lui réclamer une rémunération d’intérim (pièce E-4). Après avoir précisé les fonctions de son poste, M. Henderson a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

En mars 1997, un AU2 s’était fait confier la responsabilité du programme des indices, d’aide et de divulgations volontaires (IAD). Ensuite, en avril 1998, un poste de chef d’équipe par intérim AU3 a été créé pour cet AU2. Une partie substantielle des fonctions du poste sont identiques aux miennes; en fait, il y a fréquemment eu des chevauchements, voire de la duplication d’efforts. Pourtant, on ne m’a jamais informé d’un changement quelconque dans mes propres fonctions, dont je continue de m’acquitter maintenant.

Compte tenu de la récente nomination intérimaire à un poste d’AU3 pour des fonctions identiques à celles que j’accomplis, je demande une rémunération d’intérim et un niveau équivalent à AU3 à compter de la date à laquelle on m’a affecté à ces fonctions, le 1er avril 1995.

[…]

78 M. Prince a répondu à cette lettre le 12 novembre 1998 (pièce E-5), en rejetant la demande de rémunération d’intérim pour deux raisons. Premièrement, il déclarait que M. Henderson ne satisfaisait pas aux exigences fondamentales du groupe AU, de sorte qu’il n’était pas admissible à une rémunération d’intérim au niveau AU-03. Deuxièmement, il affirmait que les activités principales du poste original de PM-03 comprenaient les fonctions que M. Henderson disait justifier sa rémunération d’intérim.

79 M. Henderson a présenté un grief de classification le 17 octobre 1997 (pièce E-6). Il a reçu le 19 février 1998 une réponse rejetant son grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs (pièce E-7). Il n’a pas poursuivi ce grief de classification plus loin (son seul recours aurait été une demande de contrôle judiciaire).

80 En décembre 2000, M. Henderson a parlé d’une rémunération d’intérim au niveau PM-04 avec Patricia Northey, qui était alors sa chef d’équipe (pièce E-14). Elle lui a répondu qu’il ne s’acquittait pas vraiment [traduction] « dans une large mesure » de toutes les activités principales de la description de travail de PM-04, en déclarant que celles qu’il n’accomplissait pas étaient liées aux vérifications et aux enquêtes. Elle lui a demandé de faire une autoévaluation des tâches qu’il accomplissait, pour vérifier s’il effectuait effectivement les activités principales figurant dans la description de travail de PM-04. Il lui a répondu dans une note de service (pièce E-15) où il présentait un résumé de ses fonctions en concluant comme suit :

[Traduction]

[…]

À cause de mes fonctions décrites ci-dessus, je n’ai pas récemment réalisé mes propres vérifications/enquêtes. Par conséquent, faire un suivi de mon rendement selon la méthode classique risquerait d’être pour le moins subjectif en vue de déterminer ma contribution aux Activités principales figurant dans la description de travail de [PM-04].

Dans les discussions que j’ai eues avec les anciens gestionnaires Roy Prince et Andre Verschoore au sujet de cette description de travail récemment établie, on m’a déclaré que je serais nommé à titre intérimaire jusqu’à ce que les postes soient dotés normalement.

Qui plus est, ma contribution aux Activités principales de la description de travail est en partie attestée par le succès du PSE dans ce BSF. Un examen de mes évaluations de rendement récentes, de la production actuelle au titre des dossiers réglés du PSE, du nombre de dossiers dans la banque des indices et de ma nomination récente comme membre d’un comité de sélection confirme la validité de cette déclaration.

Les fonctions de mon poste, telles que décrites plus haut, avaient auparavant été confiées à des membres du personnel du bureau au niveau AU2. Mes collègues dans d’autres BSF sont à des niveaux allant jusqu’à AU3. J’estime donc que je devrais être nommé PM4 par intérim rétroactivement au 18 mai 2000.

[…]

81 Mme Northey a témoigné qu’elle ne se rappelait pas que des tâches de liaison pour le PSE aient été confiées à quelqu’un classifié AU-02 au BSF de Hamilton. Elle ne savait pas non plus quelle était la classification des personnes chargées de cette fonction dans d’autres BSF.

82 Arthur Payne, un autre des chefs d’équipe de M. Henderson, a témoigné que tous les membres de l’équipe participaient à l’élaboration de la charge de travail. Il a déclaré que M. Henderson n’accomplissait aucune fonction ne figurant pas dans la description de travail originale de PM-03. Recueillir l’information (le stade préliminaire d’une enquête) n’est pas une tâche complexe, selon lui. C’est l’analyse de l’information recueillie qui est déterminante pour la complexité du dossier. M. Payne a témoigné que M. Henderson n’avait jamais effectué une vérification relevant du PSE sur des cas auxquels on avait attribué un code de complexité correspondant à un niveau supérieur à PM-03 et ne lui avait jamais non plus réclamé une rémunération d’intérim. Quand on lui a demandé si M. Henderson aurait eu droit à une telle rémunération, M. Payne a dit que le BSF de Hamilton n’avait que des postes de PM-03 et que M. Henderson n’avait pas la scolarité nécessaire pour une affectation d’intérim comme AU. En contre-interrogatoire, il a reconnu que les descriptions de travail d’AU-02 et de PM-03 étaient virtuellement identiques. En réinterrogatoire, il a souligné que les occupants des postes d’AU-02 n’étaient pas chargés de tâches d’élaboration de la charge de travail, mais plutôt de vérification.

83 M. Henderson a reçu en décembre 2000 une description de travail révisée de PM-03 qu’il a signée (pièce E-9). Il n’a pas présenté de grief pour contester cette description de travail. Il a témoigné qu’il n’était pas satisfait d’être classifié PM-03, mais qu’il croyait qu’on afficherait bientôt un avis de concours pour le nouveau poste de PM-04, en disant avoir confiance que la description de travail révisée de PM-03 ferait alors double emploi. En contre-interrogatoire, il a déclaré que le poste de PM-04 était dans la « filière » depuis un certain temps, en disant avoir parlé avec d’anciens chefs d’équipe qui l’avaient assuré qu’il serait nommé à un poste de PM-04. Il a déclaré que c’était plus une attente qu’une promesse.

84 En novembre 2002, M. Henderson et un représentant de son agent négociateur sont allés voir M. Landry, qui était alors directeur adjoint de la Division des enquêtes du BSF de Hamilton, pour lui parler des questions de rémunération intérimaire qu’il avait initialement soulevées dans un document soumis le 11 décembre 2000. M. Henderson réclamait une rémunération d’intérim au niveau PM-04 pour la période du 18 mai 2000 au 1er juin 2002. M. Landry lui a répondu le 5 décembre 2002 (pièce E-10) en rejetant sa demande parce qu’il ne s’acquittait pas d’une importante partie de toutes les activités principales du poste de PM-04.

85 Le 10 janvier 2003, M. Henderson a demandé (pièce E-11) à M. Landry d’étoffer sa réponse, et celui-ci lui a répondu une semaine plus tard (pièce E-12) en énumérant les fonctions que M. Henderson avait décrites, puis en précisant les activités principales de la description de travail révisée de PM-03 qui correspondaient selon lui à ces fonctions :

[Traduction]

[…]

Vous [avez déclaré que] vos « Fonctions consistaient à :

  • Établir des contacts avec les corps policiers afin de leur demander des indices et d’obtenir de l’information à l’intention du PSE.
  • Gérer des informateurs confidentiels de l’extérieur, en obtenant d’eux des indices et de l’information.
  • Évaluer les indices pour le PSE et analyser les renseignements de même que faire des recherches supplémentaires.
  • Intégrer les indices et une analyse dans l’élaboration de la charge de travail du PSE.
  • Quand c’est approprié, communiquer les indices à d’autres programmes de l’ADRC.
  • Animer des réunions avec la GRC et d’autres organismes d’application de la loi, en vue d’identifier des cibles pour le PSE et d’en parler.
  • Agir comme formateur et mentor pour les recrues et pour le personnel moins expérimenté du PSE.
  • Assurer la liaison avec les organismes d’application de la loi au nom du personnel des autres programmes de l’ADRC.

En outre, au cours de l’année en question, j’ai été désigné comme représentant fiscal de l’ADRC au SRCO. »

J’ai analysé chacune des fonctions que vous avez décrites et j’aimerais vous citer la partie des ACTIVITÉS PRINCIPALES précisées dans la description de travail de PM-03 […]

[…]

86 M. Landry poursuivait avec une liste des paragraphes 6, 12, 16, 19, 21, 22, 26 et 27 de la rubrique des « Activités principales » qui reflétaient selon lui les fonctions énumérées par M. Henderson (voir la liste des activités principales, au paragraphe 23 de la présente décision).

87 Le 1er juin 2002, M. Henderson a été promu par concours à un poste de PM-04. Dans son interrogatoire principal, on lui a demandé en quoi ses fonctions avaient changé après sa promotion. Il a témoigné qu’il n’y avait eu que très peu, voire pas du tout de changements. Il a fait moins de vérifications, donné plus de formation et accompli plus de tâches d’élaboration de la charge de travail. On lui a demandé si la complexité des vérifications qu’il effectuait avait changé, et il a répondu : [traduction] « Je ne pense pas. » Il ne savait pas exactement combien de vérifications il avait effectuées comme PM-04. Son rapport de gestion du rendement de 2001-2002 (pièce G-8) stipule qu’il avait effectué une vérification concernant une entreprise de culture hydroponique. Il a déclaré que la seule différence par rapport aux autres vérifications était le risque qu’il n’y ait aucun recouvrement, à cause de la nature de l’exploitation, ce qui l’avait obligé à établir une « cotisation de protection » pour le dossier.

88 M. Payne a reconnu que les fonctions de M. Henderson n’avaient pas nettement changé quand il était devenu PM-04. Il a déclaré que M. Henderson avait moins de vérifications à faire, de sorte que l’accent portait surtout sur l’élaboration de la charge de travail. De plus, M. Henderson avait été en congé prolongé au cours de cette période; on lui avait donc confié moins de vérifications. Après s’être fait dire qu’il comptait prendre sa retraite, M. Payne ne lui a confié aucune vérification dans le cadre du PSE, en raison du temps qu’exige une telle entreprise.

D. Grief de M. Willisko

89 M. Willisko a déposé le 14 août 2000 un grief contestant sa description de travail (pièce G-12), en déclarant que la description de travail originale de PM-03 ne reflétait pas fidèlement les tâches qu’il accomplissait depuis le 1er janvier 1992. Il avait été nommé à un poste de PM-03 en août 1980 et avait commencé à faire des enquêtes en 1992. Il était devenu examinateur agréé en matière de fraudes en 1997.

90 M. Willisko a été détaché à la Section intégrée des produits de la criminalité (la « Section IPC ») d’Edmonton en avril 1998. La Section IPC, qui groupe des représentants de plusieurs organisations, est dirigée par la GRC. Un protocole d’entente (PE) conclu entre la GRC et l’employeur (pièce E-27) précise les conditions applicables au détachement d’enquêteurs/vérificateurs fiscaux à la GRC et souligne que les exigences opérationnelles nécessitent [traduction] « […] une réévaluation du rôle traditionnel » de Revenu Canada dans le contexte des enquêtes policières; cela suppose surtout que les fonctionnaires détachés sont censés assister constamment la GRC, dès les premières étapes des enquêtes sur les produits de la criminalité.

91 Le PE stipule en outre l’officier responsable (OR) de la GRC de chaque Section IPC a la responsabilité globale de la gestion de la section de même que le pouvoir de supervision directe de tout son personnel, comme suit :

[Traduction]

[…]

4.2 Le OR de chaque Section IPC a l’entière discrétion de décider si des dossiers doivent faire l’objet d’une enquête – et ce à quel moment – et de décider si des dossiers peuvent être communiqués à [l’employeur] conformément à la loi. Les membres de la Section IPC [représentant l’employeur] peuvent communiquer et divulguer de l’information et de la documentation aux agents [de l’employeur] à l’extérieur de la Section IPC seulement avec l’autorisation de l’OR […]

4.3 Chaque OR d’une Section IPC consulte un représentant des Enquêtes [de l’employeur] quant aux questions susceptibles d’influer sur les conditions de travail de la Section IPC ou sur sa capacité opérationnelle.

[…]

92 De plus, le PE stipule que [traduction] « […] les politiques d’administration internes […] » de l’employeur s’appliquent à ses fonctionnaires détachés, et que ces fonctionnaires conservent les [traduction] « […] droits et obligations de leur organisme respectif ».

93 Le PE précise le rôle des employés détachés :

[Traduction]

[…]

5.3 Le rôle du personnel [de l’employeur] détaché aux sections IPC peut consister notamment, mais non exclusivement à :

1) analyser des renseignements pour fins d’enquête [sur les produits de la criminalité];

2) conseiller les sections IPC relativement aux questions financières dans le contexte des enquêtes [sur les produits de la criminalité] en identifiant les sources et les documents financiers pertinents;

3) examiner les documents et les éléments de preuves financières obtenus par des perquisitions dans le contexte des enquêtes [sur les produits de la criminalité] conformément à la loi;

4) le cas échéant, effectuer des analyses de l’avoir net des cibles;

5) aider à l’application de l’art. 462.48 du Code criminel;

6) aider l’OR à évaluer les cas confiés aux sections IPC pour renvoi à [l’employeur] et donner une rétroaction sur les renvois de cas confiés aux sections IPC, en suivant et en maintenant des statistiques sur les cotisations, les amendes et la perception;

7) assurer la liaison avec les vérificateurs et enquêteurs [de l’employeur] à l’extérieur des sections IPC pour les fins des vérifications et des enquêtes sur les cas qui leur sont renvoyés par les OR de ces sections.

[…]

94 M. Willisko a décrit son rôle d’enquêteur à la Section IPC en disant qu’il donnait de l’information au sujet de la Loi de l’impôt sur le revenu et menait des enquêtes sur des cas d’allégations d’évasion fiscale. Il devait aussi identifier les dossiers à renvoyer au PSE. En outre, il était qualifié pour comparaître comme témoin expert en analyse financière. Son chef d’équipe, Layne Wilson, lui confiait des dossiers du PSE à traiter. Selon M. Wilson, c’étaient des vérifications « de base ». Il a témoigné que M. Willisko lui téléphonait régulièrement, sans toutefois venir souvent au BSF d’Edmonton pour le tenir au courant des cas sur lesquels il travaillait.

95 David Poon était directeur adjoint par intérim de la Division de l’exécution du BSF d’Edmonton depuis 1996 quand il a été confirmé dans ce poste en 2001. Il a témoigné qu’il rencontrait l’OR de la Section IPC au moins deux fois l’an pour parler notamment des activités de M. Willisko. La GRC était le principal organisme qui portait des accusations; il dirigeait toujours les enquêtes sur les dossiers de la Section IPC. En contre-interrogatoire, M. Poon a déclaré qu’il ne parlait pas de dossiers particuliers avec l’OR. Pour les fins de l’audience, il avait préparé un graphique (pièce E-28) des correspondances entre le rôle à la Section IPC et la description de travail originale de PM-03. Il a conclu que les fonctions de M. Willisko s’inscrivaient dans le cadre de cette description de travail. En outre, il a témoigné qu’on n’attribuait pas de code de complexité aux vérifications du PSE.

96 M. Willisko a déposé le 8 juin 2000 un grief réclamant une rémunération d’intérim pour la période du 1er janvier 1992 à juin 2000 (pièce E-24). On lui a accordé la rémunération demandée pour la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1997 dans l’entente qui devait régler son grief. La réponse de M. Poon au grief se lisait notamment comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] Les cas sont confiés aux enquêteurs de la Division des enquêtes conformément à la Formule T20CR d’évaluation de complexité de cas. La T20CR est remplie lorsqu’on entame une enquête exhaustive sur le cas. Il n’est pas nécessaire d’en remplir une au stade de l’élaboration de la charge de travail, ni pour les vérifications du Programme spécial d’exécution. La T20CR applicable durant cette période stipule que les cas d’enquête ayant un code de complexité 15 à 22 sont normalement confiés à des enquêteurs AU02.

[…]

M. Poon a identifié trois cas au niveau d’un AU-02 qui avaient été confiés à M. Willisko. Il n’a pas admis que les autres cas se situaient à ce niveau. Un des cas avait un code de complexité 13, correspondant au niveau PM-03. Les autres cas avaient [traduction] « […] été traités comme des vérifications du PSE et non comme des enquêtes […] ». D’après M. Poon, la formule d’évaluation de la complexité n’était pas applicable à ces dossiers, qui étaient donc restés au niveau d’un PM-03. Un cas au stade de l’élaboration de la charge de travail n’avait pas encore exigé qu’on remplisse une formule d’évaluation de sa complexité. M. Poon a aussi déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Le travail accompli sur le […] cas fait partie de votre affectation à la GRC. Comme nous en avons parlé, toutes les enquêtes de l’ADRC qui pourraient être faites sur [le cas] devraient être renvoyées à votre chef d’équipe pour qu’il les confie.

[…]

97 En août 2000, M. Willisko travaillait sur un gros dossier de contrebande et de trafic auquel on n’avait pas attribué de code de complexité, mais il a témoigné qu’il savait depuis le début que ce n’était pas un dossier du niveau d’un PM-03, et que [traduction] « la direction » le savait aussi. Après avoir consulté la formule d’évaluation de complexité de cas, il a conclu que le dossier aurait dû avoir un code de complexité 33. Il a terminé son travail sur ce dossier en 2004. Entre-temps, il avait aussi travaillé sur d’autres dossiers auxquels on n’avait pas attribué de code de complexité. L’un d’eux n’était pas aussi complexe que le dossier de contrebande, mais on aurait dû lui attribuer un code de complexité de plus de 23, à son avis.

98 M. Willisko s’est fait demander pourquoi il avait déposé son grief. Il a témoigné qu’il était évident que sa demande de rémunération d’intérim serait partiellement rejetée. En outre, en mai 2000, il existait une description de travail de PM-04. Il a témoigné que sa description de travail originale de PM-03 ne reflétait pas le genre de travail qu’il faisait depuis au moins sept ou huit ans. À son avis, il était insensé de croire qu’il avait moins de connaissances qu’un vérificateur sur le terrain. La complexité du dossier sur lequel il travaillait justifiait qu’il soit confié à un enquêteur AU-02, et certains dossiers auraient même dû l’être à des AU-03. M. Willisko a également déclaré qu’il avait déposé un autre grief en août 2000, en réclamant une description de travail complète à jour, de même que le code numérique attribué à son poste conformément aux facteurs de complexité (pièce G-12).

99 M. Poon lui a écrit le 20 novembre 2000 (pièce E-25) au sujet de ses responsabilités à la Section IPC :

[Traduction]

[…]

[…] vous n’êtes pas tenu de vous acquitter de fonctions quelconques au-delà de celles qui sont mentionnées dans cette description de travail. Vous avez la responsabilité de vous assurer qu’on vous confie des tâches conformes à votre description de travail. Tous les dossiers ou toute la charge de travail au-delà [de votre description de travail] devraient être immédiatement signalés à votre chef d’équipe pour qu’il prenne les mesures appropriées.

Pour vous aider à déterminer si votre travail à la GRC correspond aux paramètres de [votre description de travail], le seul outil dont nous disposons pour le moment est la Formule T20CR [la formule d’évaluation de complexité de cas]. Par conséquent, nous vous demandons d’évaluer votre charge de travail à la GRC en vous servant de la Formule T20CR.

[…]

100 M. Poon a témoigné n’avoir jamais menacé de retirer M. Willisko de la Section IPC. Les « mesures appropriées » qu’il avait mentionnées signifiaient que le dossier serait confié à quelqu’un d’autre si son code de complexité était trop élevé. En contre-interrogatoire, M. Poon a admis que le ton de sa lettre [traduction] « semblait intimidant », mais dit qu’il avait parlé à M. Willisko et l’avait rassuré, en lui affirmant qu’il n’avait pas l’intention de le retirer de la Section IPC.

101 M. Poon a témoigné sur une rencontre qu’il avait eue avec M. Willisko et M. Wilson le 27 février 2001. Il a produit des notes prises à cette occasion (pièce E-31). En se reportant à ses notes, il a déclaré que M. Willisko avait dit qu’il voulait rester à la Section IPC et que travailler sur des dossiers de la Section ne lui posait pas de problème du point de vue fiscal. Au cours de la rencontre, M. Willisko a été informé qu’il ne serait pas l’enquêteur en chef sur les dossiers de la GRC, et que sa description de travail précisait qu’il pouvait travailler sur des dossiers d’une complexité supérieure à celle correspondant à son niveau s’il n’était pas l’enquêteur en chef. M. Poon a témoigné que M. Willisko avait déclaré que [traduction] « ce n’était pas un problème ». M. Willisko s’était également fait dire à cette occasion que tous les dossiers de la Section IPC avaient un volet relevant du PSE également prévu dans sa description de travail. On lui avait aussi déclaré que tous les dossiers de vérifications du PEC qui lui étaient renvoyés pour des enquêtes exhaustives seraient évalués conformément à la formule d’évaluation de complexité de cas, et que tous ceux qui se feraient attribuer un code supérieure à la limite pour un PM-03 devraient être confiés à quelqu’un d’autre. M. Poon a témoigné que M. Willisko avait souscrit à cette déclaration.

102 À la suite de la rencontre, le 8 mars 2001, M. Wilson a envoyé à M. Willisko un courriel (pièce E-30) pour préciser la position de l’employeur sur les fonctions de M. Willisko pendant qu’il était à la Section IPC. M. Wilson a répété les commentaires que M. Poon avait faits dans sa lettre du 20 novembre 2000 (pièce E-25), cités au paragraphe 99 de la présente décision, mais il écrivait aussi ce qui suit :

[Traduction]

[…]

  • Toutes les parties conviennent que les dossiers sur les produits de la criminalité sont considérés comme des dossiers du Programme spécial d’exécution pour les fins du programme des Enquêtes.
  • Pour les fins du Programme spécial d’exécution, il est convenu que les vérifications de ce Programme spécial d’exécution sont considérées comme prévues dans [votre description de travail].
  • Si des questions complexes ou d’autres facteurs quelconques sont constatés dans les vérifications du Programme spécial d’exécution et qu’elles peuvent entraîner une évaluation de la complexité de la vérification qui ne correspond pas à [votre] description de travail, vous devez en parler avec votre superviseur pour qu’on puisse prendre d’autres mesures. Voici certains exemples de questions complexes : stratagèmes frauduleux perfectionnés, nombreuses transactions intercompagnies, série de sociétés ayant fait des transactions interreliées ou stratagème créant un précédent.
  • Dans les situations où la vérification du Programme spécial d’exécution aboutit à une poursuite du Programme des enquêtes criminelles, on doit remplir une formule T134 pour renvoyer la vérification au Programme des enquêtes criminelles. La T20CR [formule d’évaluation de complexité de cas] doit alors être remplie, et vous devez parler à votre superviseur de la complexité du cas pour qu’il puisse prendre d’autres mesures, le cas échéant.
  • Cette entente n’a aucune incidence sur votre description de travail actuelle ni sur votre grief de classification.

[…]

103 M. Poon a téléphoné à M. Willisko le 15 mars 2001, puis a résumé leur conversation dans un courriel qu’il a envoyé à M. Wilson le lendemain (pièce E-30). M. Willisko a dit à M. Poon qu’il avait lu et compris ce courriel. Il lui a déclaré qu’il n’avait aucune question à lui poser et l’a informé que le grief qu’il avait présenté pour contester sa description de travail était porté à l’arbitrage.

104 M. Willisko a été assigné à témoigner dans une affaire d’évasion fiscale qui devait être entendue le 22 mai 2001. Il a déclaré avoir constaté, en prenant connaissance du dossier d’enquête, que cette affaire était considérée comme du niveau d’un AU-03. Il a également déclaré qu’on avait rejeté sa demande de rémunération d’intérim dans ce contexte. Il a laissé un message dans la boîte vocale de son chef d’équipe le 18 mai 2001 pour l’informer que, sur l’avis de son avocat, il devait refuser de s’acquitter de quelque fonction que ce soit ne figurant pas dans sa description de travail. Dans une lettre à M. Willisko datée du 28 mai 2001 (pièce E-29), M. Poon a déclaré qu’il devait déduire de ce message téléphonique qu’il refusait de témoigner. Le procureur fédéral avait décidé le 18 mai 2001 qu’il n’avait de toute façon pas besoin de son témoignage. M. Poon déclarait dans sa lettre (pièce E-29) que l’employeur estimait que comparaître pour témoigner – comme témoin expert ou autrement – était prévu dans la description de travail révisée de PM-03. M. Poon concluait sa lettre en demandant à M. Willisko de l’informer ou d’en informer M. Wilson, pour qu’il puisse prendre des mesures en conséquence, s’il estimait qu’une activité quelconque dont il s’acquittait à la Section IPC n’était pas prévue dans la description de travail révisée de PM-03.

105 M. Willisko a été nommé à un poste de PM-04 en 2002. Il a témoigné qu’il n’y avait pas de différence dans ses fonctions après sa nomination. M. Poon a témoigné pour sa part que l’introduction des postes de PM-04 permettait aux PM-03 de travailler à titre intérimaire sur des dossiers plus difficiles et donnait aux gestionnaires plus de latitude pour leur confier des dossiers d’une complexité accrue. Il a aussi déclaré qu’il arrivait très souvent que les employés travaillent sur des dossiers d’un niveau de complexité inférieur à ce qui était écrit dans leur description de travail.

106 M. Wilson a témoigné que M. Willisko ne s’était jamais fait confier de fonctions qui n’étaient pas précisées dans sa description de travail, sauf pendant la période pour laquelle il a touché une rémunération d’intérim.

E. Griefs de Mme Wilson

107 Mme Wilson a déposé le 28 avril 2000 un grief concernant la rémunération d’intérim (pièce G-10). Elle a déposé le même jour un grief contestant sa description de travail (pièce G-11).

108 Mme Wilson a commencé sa carrière en 1970; elle a commencé à travailler à la Division de la vérification du BSF du Sud de l’intérieur de la Colombie-Britannique en 1980. En octobre 1988, elle est devenue enquêteuse/vérificatrice PM-03 dans le PEC. De janvier à décembre 2001, elle a occupé un poste de PM-04 par intérim jusqu’à ce qu’elle gagne un concours pour un poste de PM-04. Elle a pris sa retraite de la fonction publique en octobre 2006.

109 Quand elle a débuté comme enquêteure/vérificatrice, en 1988, son superviseur confiait les dossiers à ses subordonnés en fonction des connaissances et des qualités de chacun. On n’affectait normalement qu’un enquêteur à un dossier; s’il avait besoin d’aide, il en demandait au chef d’équipe.

110 Mme Wilson a décrit les gros dossiers qu’on lui avait confiés comme enquêteure. Les formules d’évaluation de complexité de cas de ces dossiers qui ont été produites à l’audience (pièces G-13 à G-17) portaient ses notes manuscrites sur les codes qui auraient dû leur être attribués, selon elle. Elle avait écrit ces notes après avoir présenté ses griefs et ne les avait pas montrées à son chef d’équipe.

111 Le premier cas dont elle a parlé lui avait été confié en 1989; il concernait deux sociétés reliées qui n’avaient pas déclaré une vente d’actions ni une entente de fiducie modifiée. Il y avait 25 témoins, et l’on avait perquisitionné à plusieurs endroits, notamment à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. Son superviseur avait attribué au dossier un code de complexité 11, ce qui signifiait qu’un PM-03 pouvait s’en charger (pièce G-13). Mme Wilson a témoigné que le code attribué n’était pas justifié en raison des facteurs de complexité du dossier. À son avis, il aurait fallu lui attribuer un code de complexité 25, ce qui signifiait qu’il aurait dû être confié à un AU-03. Elle a avancé des arguments pour faire valoir qu’on aurait dû ajouter des points pour chaque facteur de complexité. Elle a fini de travailler sur ce dossier en 1995.

112 Le second cas dont elle a parlé concernait également des ventes non déclarées. Il y avait 213 témoins. Au procès, le cas a été réglé après la première comparution, avec l’imposition d’une amende de plus de 100 000 $. Son superviseur lui avait attribué un code de complexité 14, au niveau d’un PM-03. Mme Wilson a témoigné que ce code-là n’était pas justifié non plus; le dossier aurait dû avoir un code de complexité 18, compte tenu des facteurs constatés, de sorte qu’il aurait fallu le confier à un AU-02. Son travail sur ce cas-là s’est terminé en 1993.

113 Mme Wilson a aussi parlé d’un cas qui lui avait été confié en 1990 auquel on avait attribué un code de complexité 15, autrement dit du niveau d’un AU-02. Elle a témoigné que ce dossier aurait dû se faire attribuer plus de points à cause de sa complexité. Elle y a travaillé dès le début comme seule enquêteuse, en terminant ce travail en 1995.

114 Paul Brisson était directeur adjoint de la Division de l’exécution au BSF du Sud de l’intérieur de la Colombie-Britannique. Il a été nommé à ce poste en 1997 après l’avoir occupé par intérim en 1996. Il a témoigné avoir eu chaque jour ou chaque semaine des discussions au sujet des dossiers avec ses employés. Il animait chaque mois une réunion de planification des cas où les enquêteurs énuméraient les cas sur lesquels ils travaillaient en disant ce qu’ils avaient fait et ce qu’ils comptaient faire dans le dossier. Il a déclaré qu’il déterminait le niveau de complexité des dossiers avant de les confier à un enquêteur disponible. L’enquêteur faisait une enquête préliminaire pour déterminer s’il y avait des motifs raisonnables et probables justifiant une enquête exhaustive (avec perquisition et saisie). Après la perquisition et la saisie, M. Brisson réévaluait le code de complexité du dossier pour déterminer si des changements s’imposaient. Si une modification du code de complexité changeait le niveau de classification de l’enquêteur à qui le dossier devait être confié, on versait à l’enquêteur qui en était déjà chargé une rémunération d’intérim au niveau supérieur. Lorsque cet enquêteur n’était pas admissible à un poste de niveau supérieur, M. Brisson devait envisager de confier le dossier à quelqu’un d’autre.

115 En 1996, Mme Wilson s’était fait confier un dossier d’enquête auquel on avait initialement attribué un code de complexité 11 porté par la suite à 16, ce qui aurait dû le faire confier à un AU-02. Le 5 février 1998, M. Brisson avait envoyé un courriel à Kevin J. Ritcey, le directeur des Services fiscaux du BSF du Sud de l’intérieur de la Colombie-Britannique (pièce E-19), pour lui demander d’accorder rétroactivement à Mme Wilson une rémunération d’intérim au niveau AU-02. Il soulignait que plusieurs agents PM-03 de Vancouver avaient récemment touché une rémunération d’intérim à ce niveau et réclamait cette rémunération d’intérim pour Mme Wilson pour la période du 14 mai 1997 au 5 février 1998. Le 5 février 1998, il avait pris le dossier en main, et il précisait dans son courriel que Mme Wilson avait accepté de l’aider dans ce contexte. M. Brisson déclarait aussi ce qui suit sur la difficulté de confier des dossiers de cas :

[Traduction]

[…]

L’administration centrale, Rod Jamieson et moi-même avons eu de longues discussions sur ce problème de ne pas avoir de PM4 et 5 pour des intérims quand les dossiers d’enquête sont traités par des PM – qui sont très capables de mener l’enquête – mais que la complexité du cas s’accroît, de sorte que nous [devons] leur retirer le cas et le mettre en veilleuse jusqu’à ce qu’un AU soit disponible.

[…]

116 Après avoir parlé avec un représentant des Ressources humaines, Vince Boutilier a informé M. Brisson que la politique de l’employeur stipulait que les employés devaient être « qualifiés » pour occuper des postes par intérim. Les PM-03 ne satisfaisaient généralement pas aux exigences de scolarité pour occuper un poste d’AU. Le 2 mars 1998, M. Ritcey a envoyé à M. Brisson un courriel (pièce E-19) répondant à ses demandes de rémunération d’intérim pour deux PM-03 (dont Mme Wilson) :

[Traduction]

J’ai soulevé cette question à la réunion des directeurs fiscaux de la semaine dernière. Notre consensus a été que nous ne devrions pas payer de rémunération d’intérim, en règle générale, à moins que les intéressés ne soient « qualifiés » pour le niveau de rémunération en question.

Toutefois, je suis convaincu que le travail effectué par [Mme Wilson] l’a été sur des dossiers d’une complexité d’AU02 et que c’est directement grâce à leurs efforts que ces dossiers ont été réglés de façon productive. Je vais donc approuver à titre exceptionnel la demande de leur verser une rémunération d’AU02 pour le temps consacré à ces dossiers.

J’espère que les Enquêtes à l’administration centrale vont bientôt terminer leur travail de classification des postes d’enquêteurs et réviser les systèmes et les outils d’évaluation de la complexité pour faire en sorte que les employés soient rémunérés équitablement pour le travail qu’ils font.

117 Mme Wilson a donc touché une rémunération d’intérim du 8 octobre 1997 au 5 février 1998 (date à laquelle le dossier a été confié à quelqu’un d’autre), pour un total de 650 heures. Elle a témoigné avoir consacré plus de 2 000 heures au dossier et déclaré que son superviseur l’avait informée qu’un contact aux Ressources humaines lui avait dit qu’il faudrait une nomination intérimaire par concours afin de pouvoir lui faire toucher une rémunération d’intérim pour plus de 650 heures. M. Brisson a témoigné qu’il avait additionné toutes les heures déclarées pour le dossier de la date à laquelle il avait été confié à Mme Wilson à celle à laquelle il le lui avait repris, et que c’est ainsi qu’il était arrivé au total de 650 heures. On a terminé le travail sur ce dossier en 1999.

118 Mme Wilson a touché une rémunération d’intérim pour la période du 16 février 1999 au 29 décembre 1999 en raison de la complexité accrue de ses dossiers (pièce E-20). Elle a reçu une «lettre d’intérim » pour ce travail le 21 février 2000 (pièce E-20).

119 M. Brisson a témoigné que le cas confié à Mme Wilson en 1998 lui avait été repris et que c’est à lui-même qu’il avait été confié à titre d’enquêteur en chef en 2000, après qu’elle l’eut informé que la complexité du cas avait changé. Il l’a reconnu, en augmentant le nombre de points attribués. Il a déclaré que Mme Wilson avait continué à travailler sur le dossier pendant qu’il y travaillait lui-même. En outre, il avait demandé de l’aide à d’autres enquêteurs. En contre-interrogatoire, il a témoigné que Mme Wilson l’avait aidé dans ce dossier et qu’elle avait fait la plus grande partie du travail qu’on lui avait consacré. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas lui confier le dossier parce qu’il n’y avait pas de poste de PM-04 auquel elle aurait été admissible à l’époque. Quand la description de travail de PM-04 a été développée, il lui a de nouveau confié le dossier en lui versant une rémunération d’intérim à compter de janvier 2001. En contre-interrogatoire, il a témoigné que le travail sur le dossier était presque fini quand il se l’était confié. Mme Wilson avait recueilli la preuve et fait tous les interrogatoires de tiers. Elle était responsable de la liaison avec le ministère de la Justice, parce que c’était elle qui avait porté les accusations. En réinterrogatoire, M. Brisson a souligné que la responsabilité ultime du dossier lui incombait une fois qu’il se l’était confié.

120 Mme Wilson a touché une rémunération d’intérim comme PM-04 pour la période du 2 janvier 2001 au 31 mars 2001 en raison de la complexité accrue des dossiers qui lui étaient confiés et de sa charge de travail (pièce E-21). Elle a bénéficié d’une autre période de rémunération d’intérim du 1er avril 2001 au 31 décembre 2001 pour les mêmes raisons, et elle en a été informée le 16 mars 2001 (pièce E-21). Sur la formule d’évaluation de complexité de cas du dossier, M. Brisson avait souligné qu’il avait été confié à Mme Wilson à titre de PM-04 par intérim parce qu’il n’y avait pas de PM-04 ni d’AU-02 disponibles pour s’en charger (pièce E-21).

121 M. Brisson a également témoigné que Mme Wilson n’avait jamais demandé de rémunération d’intérim pour un autre dossier.

122 Mme Wilson a témoigné que ses autres fonctions consistaient à donner de la formation à tous les enquêteurs sur tous les aspects d’une enquête, notamment sur la façon de préparer une « dénonciation » et des mandats de perquisition, ainsi que de perquisitionner. Elle formait des PM-03 et des AU-03.

123 Mme Wilson a déclaré avoir présenté un grief contestant sa description de travail parce qu’elle était convaincue que les tâches qu’elle accomplissait correspondaient au niveau AU-02 plutôt que PM-03. En outre, tous les agents des douanes avaient été reclassifiés PM-04. À son avis, la description de travail de PM-04 reflétait plus fidèlement les tâches qu’elle accomplissait.

124 Mme Wilson s’est fait demander pourquoi elle avait attendu avant de déposer un grief concernant la rémunération d’intérim. Elle a témoigné s’être toujours fait dire qu’elle n’était pas admissible à une rémunération d’intérim au niveau PM-04 parce qu’il n’existait pas de postes de PM-04 pour les enquêteurs à l’époque.

125 Mme Wilson était intérimaire comme PM-04 en janvier 2001; elle a été nommée à un poste de PM-04 en décembre 2001. Elle a témoigné qu’on ne lui a pas attribué de nouvelles fonctions ni confié de nouveaux dossiers et qu’elle n’a pas reçu de formation particulière quand elle est entrée en fonctions dans ce poste de PM-04.

126 Mme Wilson a produit une lettre datée du 21 avril 2001 (pièce G-18) rédigée par son superviseur de 1988 à 1996, Brian T. Rodger. L’avocate de l’employeur s’est opposée à l’introduction de cette pièce, parce que M. Rodger n’avait pas été convoqué comme témoin. J’ai admis la pièce en réservant ma décision sur le poids que je lui accorderais. M. Rodger écrivait sur sa façon de confier des cas et sur la confiance qu’il avait en Mme Wilson, en lui confiant des cas d’une complexité supérieure à celle que son niveau de classification justifiait. Comme M. Rodger n’était pas à l’audience pour témoigner, ni pour être contre-interrogé, ce qui est plus important, je n’ai accordé aucun poids à sa lettre.

V. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

127 L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a déclaré que la décision de la Cour d’appel fédérale renversant la décision originale d’arbitrage du grief de M. Currie montre clairement ce dont il faut tenir compte dans ces griefs. Il s’agit de savoir si la description de travail révisée de PM-03 est une description de travail complète et fidèle, comme la convention collective l’exige. Lorsque les fonctionnaires s’estimant lésés s’acquittent régulièrement de fonctions qui ne sont pas prévues dans la description de travail révisée de PM-03, leurs fonctions sont plus fidèlement reflétées dans celle de PM-04, selon l’avocate. La Cour d’appel fédérale a déclaré dans son arrêt que l’arbitre de grief doit accueillir les griefs s’il constate qu’une importante partie des fonctions des fonctionnaires s’estimant lésés était consacrée à des dossiers ayant un code de complexité 20 ou plus :

[…]

[…] Il importe de signaler que rien dans les présents motifs n’a valeur de conclusion de fait sur la question de savoir si les appelants traitent des dossiers de complexité 20 ou plus et dans quelle mesure. Il s’agit là d’une question qu’il appartient à l’arbitre de trancher compte tenu de la preuve dont il dispose.

[…]

128 L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a déclaré que la date d’entrée en vigueur de la description de travail de PM-04 ne posait pas de problème. Les griefs ont été déposés entre 1997 et août 2002. La description de travail de PM-04 (qui est une description complète et fidèle des fonctions des fonctionnaires s’estimant lésés) n’est entrée en vigueur qu’en mai 2000. Toutefois, même avant mai 2000, on évaluait la complexité des dossiers. L’avocate a fait valoir que ma première tâche devait consister à déterminer la complexité des dossiers sur lesquels chaque fonctionnaire s’estimant lésé travaillait. Si celle-ci ne correspondait pas à la description de travail révisée de PM-03, je devrais donc conclure que cette description de travail n’avait ni la fidélité, ni l’exhaustivité requises.

129 Selon l’avocate, puisque la description de travail de PM-04 est identique à la description de travail révisée de PM-03, sauf en ce qui concerne les codes de complexité, c’est la description de travail de PM-04 qu’on doit considérer comme pertinente. La description de travail originale de PM-03 (pièce J-4) est entrée en vigueur en juin 1994 et sa version révisée, en mai 2000. L’avocate les a examinées en détail, et a affirmé qu’il n’existait pas de différence sensible entre les deux, sauf une mise à jour du libellé. Les deux descriptions de travail précisent que les enquêteurs peuvent travailler sur des dossiers auxquels on a attribué un code de complexité 10. La Cour d’appel fédérale a comparé la description de travail révisée de PM-03 et celle de PM-04 en concluant que la seule différence entre les deux était la complexité des dossiers. L’avocate a fait de même pour ces deux descriptions de travail (pièces G-2 et G-3) en soulignant que la seule différence importante est le code de complexité des dossiers confiés.

130 Jusqu’au moment où les griefs ont été déposés, les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient sur des cas dont le code de complexité correspondait à un niveau supérieur, ou qui auraient dû avoir un code de complexité plus élevé. L’avocate a passé en revue le témoignage de chaque fonctionnaire s’estimant lésé en faisant valoir qu’ils montraient que leur description de travail ne reflétait pas les tâches qu’ils accomplissaient.

131 L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a déclaré que je devrais chercher d’autres indications de la complexité des dossiers auxquels on n’avait pas attribué un tel code. La preuve a révélé que les tâches accomplies par les fonctionnaires s’estimant lésés étaient d’un niveau de complexité plus élevé que celles qu’exécutaient des vérificateurs AU-02. Dans les cas où les dossiers avaient été repris par le chef d’équipe comme enquêteur en chef, rien n’indique qu’il y ait travaillé. Les fonctionnaires s’estimant lésés continuaient à faire leur travail sur les dossiers, et tout ce qui compte, c’est la nature du travail accompli.

132 Dans le cas de Mme Wilson, le code de complexité de certains dossiers n’était pas le bon parce qu’on n’avait pas tenu compte de certains facteurs dans leur évaluation initiale. Si ces facteurs avaient été pris en compte, leur code de complexité aurait été plus élevé.

133 Le travail de tous les fonctionnaires s’estimant lésés ultérieurement nommés à un poste de PM-04 n’a pas changé après leur nomination, pas plus d’ailleurs que la complexité des dossiers sur lesquels ils travaillaient.

134 Dans le cas de M. Willisko, l’employeur n’avait jamais rempli de formule d’évaluation de complexité de cas et ses témoins n’avaient aucune connaissance directe du travail qu’il avait effectué. La preuve la plus probante sur la complexité de son travail est son témoignage, et c’est lui qu’il faudrait préférer. M. Willisko a également témoigné que la nature de son travail n’a pas changé après sa nomination à poste de PM-04.

135 L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a affirmé que la seule jurisprudence pertinente en l’espèce est l’arrêt de la Cour d’appel fédérale qui a renvoyé le grief de M. Currie à l’arbitrage. La Cour d’appel fédérale s’est penchée sur les enjeux du grief d’une manière compatible avec les principes généraux applicables aux descriptions de travail. Elle a déclaré dans son jugement qu’une description de travail qui ne reflète pas intégralement et fidèlement les tâches accomplies est contestable. L’avocate m’a aussi renvoyé à Breckenridge et al. c. Bibliothèque du Parlement, dossiers de la CRTFP 466-LP-225 à 233 et 241 à 245 (19960912), décision sur laquelle la Cour d’appel fédérale s’est fondée pour montrer qu’une description de travail ne sert pas qu’à la classification. Ce que les fonctionnaires s’estimant lésés décident de faire avec une description de travail complète et fidèle dépasse la compétence d’un arbitre de grief.

136 L’avocate a soutenu qu’un arbitre de grief peut ordonner la production d’une nouvelle description de travail de PM-03 reflétant les codes de complexité attribués aux dossiers. La description de travail de PM-04 reflète la complexité des dossiers confiés, et il est donc justifié pour un arbitre de grief de conclure que c’est la description de travail pertinente pour les fonctionnaires s’estimant lésés.

137 En ce qui concerne le grief que Mme Wilson avait présenté concernant la rémunération d’intérim, la preuve a montré qu’elle s’acquittait d’une grande partie des fonctions d’une classification supérieure. Il s’agissait d’un grief continu, de sorte qu’on peut le distinguer de la décision sur la recevabilité dans Canada (Office national du film) c. Coallier,[1983] A.C.F. no 813 (C.A.) (QL). L’avocate m’a renvoyé à Macri c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord), dossier de la CRTFP 166-02-15319 (19871016), décision maintenue par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Conseil du Trésor) c. Macri, [1988] A.C.F. no 581 (C.A.) (QL). Dans ce cas, l’arbitre avait ordonné le versement d’une rémunération d’intérim pour la période dépassant la limite de 25 jours établie dans la convention collective :

[…]

          Si le jugement rendu par la Cour d’appel fédérale [dans Coallier] est interprété de façon à empêcher Mme Macri ou quelque employé s’estimant lésé de recevoir ce qui lui est apparemment dû pour une période plus longue que les vingt ou vingt-cinq jours (selon le cas) précédant celui où un grief a été présenté et dans lesquels des mesures doivent être prises, cela entraîne à coup sûr des conséquences malheureuses pour les deux parties. Cela forcera les employés à exiger que la direction ne prenne pas plus de vingt ou vingt-cinq jours pour prendre des décisions, à défaut de quoi un grief pourra automatiquement être présenté en vue de protéger leurs droits. Cela pourrait nuire à des négociations délicates à un moment tout à fait inopportun. Cela pourrait bien mener à une augmentation inutile du nombre de griefs présentés devant la Commission. D’un autre côté, si le raisonnement adopté dans l’arrêt Coallier est tel que je le crains, la chose incitera l’employeur à retarder sa décision dans l’espoir que l’employé en cause négligera de présenter un grief avant le vingtième ou le vingt-cinquième jour, de sorte qu’il omettrait ainsi de protéger ses intérêts et ne pourrait plus demander son dû. En d’autres termes, cela inciterait l’employeur à ne pas agir. Un tel résultat serait déraisonnable ou inéquitable.

[…]

138 L’avocate m’a aussi renvoyé à Muir c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-17714 (19890201).

139 L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a fait valoir que refuser de verser à Mme Wilson la rémunération d’intérim qu’elle demandait n’était pas équitable parce qu’on l’avait informée initialement qu’elle n’était pas admissible à une rémunération d’intérim faute d’avoir la scolarité exigée pour un poste d’AU. Il est clair qu’il y avait des pratiques différentes dans différentes régions du pays et que les mêmes normes devraient s’appliquer dans toute la fonction publique. Qui plus est, Mme Wilson s’était fondée sur ce que la direction lui avait dit, et c’est pour cette raison qu’elle n’avait pas réclamé une rémunération d’intérim.

140 Subsidiairement, si Coallier s’appliquait, Mme Wilson devrait toucher une rémunération d’intérim pour la période de 25 jours précédant la date du dépôt de son grief.

B. Pour l’employeur

141 L’avocate de l’employeur a déclaré que la question à trancher consiste à savoir si la description de travail originale de PM-03 est un énoncé complet et à jour des fonctions des fonctionnaires s’estimant lésés. La Cour d’appel fédérale n’a pas entendu de témoignages. Elle a simplement [traduction] « coupé et collé » des descriptions de travail figurant dans la documentation qu’on lui avait soumise. Rien dans l’arrêt de la Cour ne me lie d’une façon ou d’une autre. La Cour me demande de jeter un regard neuf sur la preuve (voir le paragraphe 29 de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale, cité au paragraphe 5 de la présente décision).

142 Une description de travail définit la relation entre la direction et les employés. Toute la preuve indique que la description de travail originale de PM-03 satisfait aux conditions puisqu’elle est complète et reflète la situation actuelle. Même si son libellé n’est peut-être pas exactement tel que les fonctionnaires s’estimant lésés le souhaitent, ils n’ont pas droit à une description de travail de leur choix. Aucun d’entre eux n’a contesté la description de travail originale de PM-03 avant de rencontrer des employés du groupe des douanes. C’est ce qui les a tous poussés à déposer les griefs, sauf M. Henderson.

143 L’avocate a déclaré que tous les gestionnaires ont été clairs et catégoriques dans leurs témoignages, en déclarant que lorsqu’un enquêteur/vérificateur PM-03 se faisait confier des fonctions débordant le cadre de sa description de travail, de deux choses l’une : on lui payait une rémunération d’intérim ou le dossier était confié à quelqu’un d’autre.

144 L’avocate a fait valoir que la description de travail en jeu est celle qui existait quand les griefs ont été déposés. Cela s’applique aux griefs de M. Currie, de Mme Wilson et de M. Henderson. M. Willisko a déposé son grief de classification en août 2000, entre les dates d’effet des descriptions de travail. L’avocate a souligné qu’un des principaux points est la nature fondamentalement théorique des griefs, parce que les fonctionnaires s’estimant lésés ont demandé une nouvelle description de travail, en ont obtenu une et ne l’ont pas contestée en présentant un grief. La description de travail révisée de PM-03 (pièce G-2) est restée en vigueur pendant six ans. Pour assurer la certitude des relations de travail, il est important que les griefs portent sur des affaires qui existaient au moment où ils ont été déposés.

145 L’avocate de l’employeur a déclaré que le reste de ses arguments était subsidiaire.

146 En ce qui concerne la description de travail de PM-04, l’avocate a déclaré qu’il est important de se rappeler qu’aucun des enquêteurs/vérificateurs qui occupaient des postes de PM-03 n’a été reclassifié dans un poste de PM-04. Ils ont tous dû se porter candidats à des postes de PM-04. C’est différent d’une reclassification. Une partie de la jurisprudence sur laquelle les fonctionnaires s’estimant lésés se fondent portait sur une situation analogue à une reclassification, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

147 Quand M. Currie travaillait sur des dossiers plus complexes, on lui versait une rémunération d’intérim. Il a témoigné que la description de travail révisée de PM-03 décrivait fidèlement toutes les fonctions dont il s’acquittait dans le cadre du PSE. Mme Toole a témoigné que tout ce qu’un enquêteur/vérificateur PM-03 fait est prévu dans la description de travail révisée; si ses fonctions en débordent, l’employé touche une rémunération d’intérim. Tous les témoins de l’employeur ont déclaré que toutes les fonctions dont M. Henderson s’acquittait étaient prévues dans sa description de travail originale de PM-03. Il avait demandé une rémunération d’intérim à trois reprises à trois gestionnaires différents; aucun d’entre eux n’avait conclu qu’il s’acquittait de fonctions débordant de sa description de travail, mais il n’a jamais déposé de grief pour contester ces conclusions.

148 Il ne serait pas équitable qu’on accorde à Mme Wilson la rémunération d’intérim qu’elle a réclamée. Elle n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait jamais signalé à son superviseur que certaines formules d’évaluation de complexité de cas avaient été mal remplies. Remplir ces formules n’est pas la prérogative d’un employé, car ce sont des outils pour la direction, et elles doivent être remplies par le chef d’équipe. Il est injuste que Mme Wilson soulève une question de rémunération d’intérim si longtemps après coup, particulièrement quand toute la preuve indique que son gestionnaire l’aurait écoutée si elle s’était plainte. Le superviseur de Mme Wilson avait la responsabilité ultime des dossiers auxquels on avait attribué un code de complexité plus élevé.

149 L’avocate m’a aussi renvoyé à Coallier. La période prévue dans la convention collective commence dès que l’employé a connaissance des faits sur lesquels son grief est basé. Le redressement qu’un arbitre de grief peut lui accorder est donc limité aux 25 jours préalables à la date de dépôt du grief. L’avocate m’a aussi renvoyé à Babiuk et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CRTFP 51.

150 L’avocate a fait une analyse extrêmement détaillée des deux descriptions de travail de PM-03 en déclarant que les fonctions étaient décrites en termes généraux dans bien des cas et qu’elles reflétaient correctement les tâches accomplies par les fonctionnaires s’estimant lésés.

151 Dans le cas de M. Willisko, l’avocate a déclaré qu’il n’était pas l’enquêteur en chef dans les dossiers en question. Elle a aussi fait valoir que la formule d’évaluation de complexité de cas n’avait pas été conçue pour les enquêtes de la GRC. Tout ce que M. Willisko faisait était prévu dans la description de travail originale de PM-03. Il a touché une rémunération d’intérim pour un total d’environ cinq ans, mais rien de plus n’était justifié. L’employeur avait pris soin de rappeler à M. Willisko les paramètres de son emploi.

152 L’avocate a déclaré qu’une description de travail n’est pas nécessairement extrêmement détaillée et qu’on la juge suffisante si elle contient les [traduction] « éléments fondamentaux ». Elle m’a renvoyé à Kerswill c. Conseil du Trésor (Ressources naturelles Canada), 2000 CRTFP 91, Jaremy et al. et Hughes c. Conseil du Trésor du Canada (Ressources naturelles Canada), 2000 CRTFP 69.

153 L’avocate m’a également renvoyé à Batiot et al. c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2005 CRTFP 114. Cette décision comportait aussi une distinction comparable entre des descriptions de travail en fonction de la complexité des cas. Dans Batiot et al., on avait témoigné que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient décidé de terminer leur travail sur des cas d’une trop grande complexité pour leur niveau plutôt que de demander à leurs chefs d’équipe de les confier à quelqu’un d’autre. L’arbitre de grief avait conclu qu’ils étaient arrivés à cette décision volontairement et que des cas d’une telle complexité ne correspondaient pas à leur description de travail. Il a aussi jugé que l’employeur avait le droit de gérer le lieu de travail et qu’inclure les cas d’une grande complexité dans la description de travail aurait eu pour effet de l’empêcher de réorganiser le BSF.

154 L’avocate a déclaré que c’était aux fonctionnaires s’estimant lésés de prouver que les fonctions qui ne figuraient pas dans la description de travail originale de PM-03 étaient importantes. Or, ils ne se sont pas acquittés de cette charge. Quand les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient sur des dossiers d’une complexité dépassant leur niveau, on leur versait une rémunération d’intérim. Même si la description de travail originale de PM-3 n’était peut-être pas [traduction] « tout ce dont ils rêvaient », elle n’était pas erronée pour autant.

C. Réfutation des fonctionnaires s’estimant lésés

155 La Cour d’appel fédérale a jugé qu’un arbitre de grief a compétence pour modifier des descriptions de travail génériques d’application nationale. L’employeur n’a pas le droit de dire que la question est purement théorique puisqu’elle était tranchée dès le début de l’audience.

156 Il est clair que les fonctionnaires s’estimant lésés ne peuvent pas se prévaloir d’autres droits sans une description de travail reflétant fidèlement leurs fonctions. Ils ont droit à une telle description de travail et ne devraient pas être pénalisés parce qu’il leur a fallu sept ans pour arriver à l’audience. L’employeur a brouillé la distinction entre la description de travail générique et la complexité des fonctions. Si l’on fait abstraction des facteurs de complexité, les descriptions de travail de PM-03 et de PM-04 sont virtuellement identiques. Il n’y a tout simplement rien pour étayer l’argument de l’employeur que les adjectifs ne font pas de différence, car il n’aurait pas fait la distinction si les adjectifs étaient sans importance.

157 Si les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas eu droit à une rémunération d’intérim pour une partie de leur travail, cela ne signifie pas qu’ils ne s’acquittaient pas de tâches de complexité supérieure.

158 La formule d’évaluation de complexité de cas est normalement remplie par la direction et l’employeur a déclaré que la remplir n’était pas une prérogative des employés. Il ne peut pas se soustraire à sa responsabilité de remplir cette formule correctement pour ensuite se plaindre quand les employés le font. Les employés comprennent ce qui se passe dans le dossier, et quand l’employeur ne le comprend pas, ils doivent corriger la situation.

159 L’avocate a fait valoir que les circonstances étaient différentes dans Batiot et al., car les employés n’étaient pas tenus de s’acquitter de leurs fonctions dans cette affaire-là; on leur avait même enjoint de ne pas le faire.

VI. Motifs

160 Cette décision porte sur quatre griefs contestant une description de travail et sur un grief concernant la rémunération d’intérim. La Cour d’appel fédérale a renversé la décision qu’un arbitre de grief avait rendue sur le grief de M. Currie contestant sa description de travail. Les autres griefs sont restés en suspens en attendant le jugement de la Cour d’appel fédérale.

161 J’ai déjà répondu (au paragraphe 12) à l’argument que l’employeur m’a soumis au début de l’audience en prétendant que les griefs étaient théoriques. J’ai rejeté son objection, parce que la Cour d’appel fédérale m’a ordonné de trancher les questions en jeu conformément à ses motifs. Si l’employeur voulait dénoncer le caractère théorique des griefs, il aurait dû le faire dans le contexte de la première audience d’arbitrage, ou devant les Cours fédérales. Le dossier révèle toutefois que les parties avaient convenu de garder les griefs en suspens jusqu’à ce que le résultat de la demande de contrôle judiciaire de la première décision d’arbitrage du grief de M. Currie soit connu. L’employeur ne peut plus prétendre que les griefs sont théoriques parce que les fonctionnaires s’estimant lésés les ont retirés ou qu’ils ont d’autres emplois.

162 Dans ses arguments finals, l’avocate de l’employeur a répété ses arguments que les griefs ne portent pas sur la description de travail révisée de PM-03. J’ai déjà rejeté cette objection, de sorte que je n’ai pas besoin de me prononcer sur cela. Je présenterai plus loin mes conclusions sur les arguments subsidiaires de l’employeur.

A. Griefs contestant la description de travail

163 Pour bien situer les motifs que je vais présenter, il vaut la peine d’énumérer les principaux points établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt 2006 CAF 194 :

  • la description de travail est « […] un document qui doit refléter la réalité de la situation d’emploi […] »;
  • le caractère distinctif de la description de travail révisée de PM-03 est qu’on confie des dossiers de complexité 10;
  • la question que l’arbitre de grief doit trancher en se fondant sur la preuve consiste à déterminer si les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient sur des dossiers de complexité 20 ou plus, et si oui, dans quelle mesure.

164 La description de travail contestée dans ces griefs est générique. Les arbitres de griefs se sont penchés sur la question du droit d’avoir une description de travail reflétant correctement les fonctions actuelles dans un contexte de descriptions de travail génériques. Dans Hughes, l’arbitre de grief a conclu qu’une description de travail générique ne doit pas nécessairement renfermer une liste détaillée de toutes les activités accomplies dans le cadre d’une fonction particulière, ni décrire longuement la manière d’accomplir ces activités. Dans Jaremy et al., un arbitre de grief a souligné qu’il n’est pas inhabituel que des descriptions de travail génériques soient écrites « […] en termes assez généraux ». La description de travail satisfait aux exigences de la convention collective si elle décrit de façon adéquate, « […] en termes généraux […] », les fonctions et les tâches des fonctionnaires s’estimant lésés. L’absence d’une « description […] détaillée » des fonctions ne signifie pas nécessairement que la description de travail n’est pas complète, ni qu’elle ne reflète pas la situation d’emploi.

165 Par sa nature même, je reconnais qu’une description de travail générique ne reflète pas toutes les activités quotidiennes de la personne qui occupe le poste. Toutefois, les activités qui font l’objet du litige dans ces griefs sont plus qu’une « description détaillée ». La complexité du travail attribué est fondamentale dans le travail. La preuve a montré que la complexité est le principal facteur sur lequel l’employeur se fonde pour déterminer à qui confier quel cas. La complexité du travail est aussi fondamentale pour l’emploi. Qui plus est, la Cour d’appel fédérale a été très précise dans ses instructions : l’arbitre de grief que je suis doit décider si les fonctionnaires s’estimant lésés s’acquittaient de fonctions correspondant à un code de complexité 20 ou plus et, si oui, dans quelle mesure.

166 L’employeur s’est opposé à l’introduction de la description de travail de PM-04 comme pièce. Je l’ai acceptée en réservant ma décision sur sa pertinence. La Cour d’appel fédérale s’était clairement servie de la description de travail de PM-04 pour la comparer avec la description de travail révisée de PM-03, particulièrement pour insister sur l’attribution de codes de complexité aux dossiers. L’arbitre de grief qui doit se prononcer sur un grief contestant une description de travail doit décider si la description de travail du fonctionnaire s’estimant lésé reflète fidèlement les fonctions dont il s’acquitte. Il peut le faire sans se pencher sur d’autres descriptions de travail. En l’espèce, ma tâche consiste encore à décider si les fonctions des fonctionnaires s’estimant lésés incluaient notamment à travailler sur des dossiers auxquels on avait attribué un code de complexité plus élevé que celui qui était précisé dans leur description de travail. La description de travail de PM-04 est un point de comparaison commode, mais pas essentiel pour que je tranche les griefs. Par contre, dans un grief concernant la rémunération d’intérim, la description de travail du poste de niveau supérieur est importante et manifestement pertinente.

167 L’avocate des fonctionnaires s’estimant lésés a déclaré qu’un arbitre de grief a compétence pour rendre une ordonnance déclarant que la description de travail de PM-04 est appropriée pour les fonctionnaires s’estimant lésés. À mon avis, ce serait l’équivalent d’une reclassification de leurs postes. La Cour d’appel fédérale a comparé de façon détaillée la description de travail révisée de PM-03 et celle de PM-04. Toutefois, je pense qu’elle l’a fait pour insister sur le facteur critique dont le premier arbitre de grief n’avait pas tenu compte : l’attribution d’un code de complexité aux enquêtes. Je ne crois pas que la Cour laissait entendre qu’un arbitre de grief a le pouvoir de déclarer que la description de travail de PM-04 est la bonne, dans les circonstances. Ce serait clairement contraire à l’ancienne Loi, qui laisse expressément à l’employeur le droit exclusif d’établir la classification des postes.

168 D’après la preuve entendue à l’audience, quand les fonctionnaires s’estimant lésés devaient être enquêteurs en chef sur des dossiers auxquels on avait attribué un code de complexité supérieur à 10 (en d’autres termes, des dossiers qui auraient normalement dû être confiés soit à un PM-04, soit à un AU-02), on leur versait une rémunération d’intérim pour les heures qu’ils avaient consacrées aux dossiers, ou ceux-ci leur étaient repris et confiés à un autre enquêteur au niveau de classification approprié (souvent le chef d’équipe). Je vais me prononcer séparément sur ces deux situations.

169 En versant une rémunération d’intérim aux fonctionnaires s’estimant lésés parce qu’ils avaient travaillé sur un dossier dont le code de complexité était 20 ou plus, l’employeur reconnaissait que le travail accompli n’était pas prévu dans la description de travail révisée de PM-03 de leur poste d’attache. Le versement d’une rémunération d’intérim peut fort bien avoir été une réaction pragmatique aux différences de complexité des dossiers traités par un BSF donné. Toutefois, ce n’est pas la conclusion de la Cour d’appel fédérale :

[…]

[19] L’arbitre a fini par rejeter les griefs parce qu’il estimait que la description de travail PM-0286 était assez large pour englober les tâches effectivement confiées aux appelants. Il était ainsi disposé à accepter que l’accomplissement, même de façon continue et permanente, de tâches qui ne figuraient pas dans la description de travail des appelants n’avait pas d’incidence sur cette description, bien que les appelants puissent avoir droit à une rémunération additionnelle […]

[…]

[Je souligne]

L’arbitre de grief avait laissé entendre qu’une rémunération d’intérim pourrait être versée lorsque les tâches qui ne figuraient pas dans la description de travail étaient « temporaires ». Toutefois, la Cour avait des réserves, comme la citation qui précède le prouve, lorsque le travail ne figurant pas dans la description de travail était accompli « […] de façon continue et permanente […] ». Elle n’a fait aucun commentaire sur une situation où l’attribution de travail ne figurant pas dans la description de travail aurait été « temporaire ».

170 La preuve a révélé que trois des fonctionnaires s’estimant lésés (M. Currie, Mme Wilson et M. Willisko) s’acquittaient de façon régulière et continue de fonctions débordant de la description de travail révisée de PM-03 (à titre d’enquêteurs en chef dans des dossiers auxquels on avait attribué un code de complexité 20). Qu’ils aient touché une rémunération d’intérim pour ce travail ne change en rien le fait que la description de travail révisée de PM-03 ne reflétait pas fidèlement le travail accompli. La nature du travail d’enquête signifie que l’enquêteur suit le dossier jusqu’à sa conclusion une fois qu’il lui a été confié, bref que son travail sur le dossier se poursuit durant une longue période, ce qui ne peut pas être qualifié de « temporaire ». Le travail effectué à titre d’enquêteur en chef sur des dossiers auxquels on avait attribué un code de complexité 20 était accompli de façon régulière et continue. On ne pouvait toutefois pas le qualifier de « permanent » puisqu’il était accompli sur une base épisodique. Dans certaines périodes, les trois fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient exclusivement sur des dossiers de complexité 10 et n’accomplissaient pas de travail (à titre d’enquêteurs en chef) sur des dossiers auxquels on avait attribué un code de complexité 20. M. Henderson n’a d’ailleurs jamais travaillé sur des dossiers auxquels on avait attribué un code de complexité 20.

171 La décision Batiot et al. que l’employeur a invoquée n’est pas applicable aux faits en l’espèce. Rien dans la preuve ne laisse entendre que les fonctionnaires s’estimant lésés se soient fait offrir le choix de continuer à travailler sur des dossiers d’une complexité supérieure ou qu’on leur ait enjoint de renvoyer ces dossiers à des enquêteurs/vérificateurs d’une classification supérieure.

172 Pour refléter leur exécution sur une base régulière bien qu’épisodique de fonctions d’enquêteurs en chef dans des dossiers auxquels on attribue un code de complexité 20, les descriptions de travail de PM-03 de M. Currie, de Mme Wilson et de M. Willisko doivent être modifiées. Sous la rubrique des « Activités principales », après la première activité, l’activité principale suivante devrait être ajoutée :

[Traduction]

Sur une base épisodique et durant une longue période, enquêter sur des stratagèmes de fraude fiscale difficiles tant canadiens qu’internationaux correspondant à un code de complexité 20 et exigeant des connaissances minimales ou moyennes en comptabilité, en analysant et évaluant les dénonciations et les allégations de nombreuses sources pour déterminer si les faits disponibles révèlent une fraude, en vue d’assurer la conformité aux lois administrées par l’Agence.

173 Quand des cas d’une complexité 20 ou plus étaient réassignés à un employé du niveau de classification approprié – souvent au chef d’équipe – les fonctionnaires s’estimant lésés ont témoigné qu’ils continuaient à travailler sur ces dossiers. La description de travail révisée de PM-03 reconnaît que les employés travaillent sur des dossiers dont le code de complexité dépasse leur niveau lorsqu’ils font partie d’une équipe. Une note figurant dans l’introduction de cette description de travail (pièce G-2) le stipule :

[…]

NOTA : […] Lorsqu’un enquêteur mène une enquête au sein d’une équipe, le dossier attribué peut être affecté d’un code de complexité plus élevé.

[…]

Cette note ne figure pas dans le corps de la description de travail révisée de PM-03, mais j’estime qu’elle correspond pourtant à une activité principale du poste. Pour plus de clarté et de certitude, elle aurait dû figurer sous la rubrique des « Activités principales » de cette description de travail, ce pourquoi il faudrait ajouter à la fin de la première activité principale ce qui suit : [traduction] « Travailler sur des dossiers d’enquête dont le code de complexité est supérieur à 10 quand l’enquêteur fait partie d’une équipe relevant d’un enquêteur en chef. »

174 Les fonctionnaires s’estimant lésés ont fait valoir qu’ils faisaient [traduction] « tout le travail » sur le dossier lorsque celui-ci était réassigné à leur chef d’équipe. La preuve n’est pas concluante sur ce point, et les fonctionnaires s’estimant lésés ne se sont pas acquittés de leur charge à cet égard. Même s’ils s’en étaient acquittés, d’ailleurs, ce ne serait pas pertinent pour les griefs contestant la description de travail. La description de travail révisée de PM-03 fait une distinction entre le fait d’être enquêteur en chef et celui d’être membre d’une équipe. C’est une distinction valide entre ces rôles, étant donné que l’enquêteur en chef a la responsabilité ultime du dossier.

175 Les autres situations soulevées dans ces griefs sont des cas où le dossier d’enquête ne s’était pas fait attribuer un code de complexité, ou encore des cas où le fonctionnaire contestait le code attribué. La Cour d’appel fédérale a été claire dans ses instructions, en m’enjoignant de décider si les fonctionnaires s’estimant lésés traitaient des dossiers « […] de complexité 20 ou plus […] ». Il n’est pas clair qu’elle voulait qu’un arbitre de grief se prononce sur les codes de complexité des dossiers. Cela dit, je conclus de toute manière que les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas prouvé que les dossiers sur lesquels ils travaillaient auraient dû se faire attribuer un tel code de complexité. En d’autres termes, ils ne se sont pas acquittés de la charge de la preuve. Généralement parlant, le code de complexité d’un dossier est un élément dont on devrait parler avec son superviseur et avec ses supérieurs hiérarchiques, au besoin. Une fois qu’un dossier a été réévalué et qu’on lui a peut-être attribué un code de complexité plus élevé, il peut être confié à quelqu’un d’autre.

176 Les dossiers du PSE n’ont jamais été évalués grâce à la formule d’évaluation de complexité de cas. Le travail correspondant est décrit à la quinzième « activité principale » dans la description de travail révisée de PM-03 (voir le paragraphe 23 de la présente décision) : « Vérifier les déclarations de revenus ou les documents financiers de particuliers ou de sociétés que l’on soupçonne de tirer un revenu d’activités illégales. » Il y a aussi une description plus détaillée de cette activité sous la rubrique « Effort de réflexion », et elle est citée au paragraphe 37 de la présente décision.

177 Certains fonctionnaires s’estimant lésés ont produit des éléments de preuve laissant entendre que des employés qui s’acquittaient des mêmes fonctions dans d’autres BSF étaient classifiés à un niveau supérieur. Toutefois, on ne m’en a donné aucune preuve directe. Dans son témoignage, Mme Wilson a mentionné la classification des agents des douanes, qui étaient PM-04. De plus, M. Henderson a témoigné que les employés qui étaient chargés auparavant de l’élaboration de la charge de travail au BSF de Hamilton avaient été classifiés à un niveau supérieur. Néanmoins, parler de la classification d’autres postes ne prouve pas le bien-fondé des griefs que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient présentés pour contester leur description de travail. Faire de telles comparaisons équivaut à contester la classification de leurs postes, et cette contestation échappe à la compétence d’un arbitre de grief.

178 En ce qui concerne M. Henderson, la description de travail révisée de PM-03 (pièce G-2) mentionne l’élaboration de la charge de travail au point 6 des « Activités principales » (paragraphe 23 de la présente décision) : « Participer à la définition et à l’élaboration de la charge de travail, c’est-à-dire trier des dossiers et des indications […] »

179 Mme Wilson a témoigné avoir formé un certain nombre d’employés classifiés à un niveau supérieur au sien. M. Henderson a lui aussi témoigné sur son rôle de mentor et de formateur de plusieurs nouveaux employés classifiés AU. Je souligne que la description de travail révisée de PM-03 mentionne comme « activité principale », au point 26 (voir le paragraphe 23 de la présente décision) ce qui suit : « Aider à la formation et au perfectionnement des membres de l’équipe les moins expérimentés […] », ce qui décrit clairement son rôle.

180 M. Willisko a déclaré à son superviseur que la description de travail révisée de PM-03 ne précisait pas qu’il était tenu de témoigner dans un procès comme témoin expert sur une question à laquelle on avait attribué un code de complexité supérieur à 10. La description de travail révisée de PM-03 stipule clairement que témoigner dans un procès fait partie des fonctions du poste. Dans la description de travail révisée de PM-03, sous la rubrique des « Activités principales », on peut lire au point 13 (voir le paragraphe 23 de la présente décision) ce qui suit : « Servir de témoin de la Couronne en cas de poursuite au criminel ou au civil […] »

B. Grief concernant la rémunération d’intérim

181 La Cour d’appel fédérale a jugé dans Coallier que le délai de présentation d’un grief commence dès que le fonctionnaire s’estimant lésé a connaissance des faits sur lesquels son grief est basé. Dans ces cas-là, l’effet rétroactif du grief est limité aux 25 jours précédant le dépôt du grief.

182 Mme Wilson a témoigné que la raison pour laquelle elle n’avait pas déposé plus tôt son grief concernant la rémunération d’intérim était que l’employeur lui avait dit qu’elle n’était pas admissible à cette rémunération. Toutefois, elle a touché une rémunération d’intérim à plusieurs reprises, aussi bien avant qu’après avoir déposé son grief. De toute manière, la position de l’employeur qu’une disposition d’une convention collective ne s’applique pas à un employé ne peut justifier le non-respect de l’obligation de déposer le grief dans le délai prescrit. Contrairement à la situation dans Macri, l’employeur n’avait en l’occurrence fait à Mme Wilson aucune promesse explicite ni implicite qu’il se pencherait sur la question. Par conséquent, Mme Wilson ne peut pas réclamer une rémunération d’intérim pour la période antérieure aux 25 jours précédant le dépôt de son grief.

183 Quoi qu’il en soit, Mme Wilson a déposé le 28 avril 2000 son grief concernant la rémunération d’intérim. Dans les 25 jours précédant le 28 avril 2000, elle travaillait sur un dossier qu’on lui avait retiré pour le confier à M. Brisson. M. Brisson était donc l’enquêteur en chef et Mme Wilson travaillait sous sa direction. La description de travail révisée de PM-03 reconnaît expressément que [traduction] : « […] Lorsqu’un enquêteur mène une enquête en tant que membre d’une équipe, le dossier attribué peut être affecté d’un code de complexité plus élevé. » Comme Mme Wilson n’était pas l’enquêteur en chef, elle n’avait pas droit à une rémunération d’intérim pour cette période. Je souligne qu’elle a été réaffectée comme enquêteur en chef au dossier en janvier 2001 et qu’elle a bel et bien touché une rémunération d’intérim à partir de ce moment.

184 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

185 Le grief de M. Henderson contestant sa description de travail est rejeté.

186 Les griefs de M. Currie, de Mme Wilson et de M. Willisko contestant leur description de travail sont accueillis en partie.

187 Les descriptions de travail de PM-03 de M. Currie, de Mme Wilson et de M. Willisko sont modifiées par l’ajout à la première activité de ce qui suit :

[Traduction]

Travailler sur des dossiers d’enquête dont le code de complexité est supérieur à 10 quand l’enquêteur fait partie d’une équipe relevant d’un enquêteur en chef.

188 Les descriptions de travail de PM-03 de M. Currie, de Mme Wilson et de M. Willisko sont aussi modifiées par l’ajout sous la rubrique « Activités principales » du paragraphe suivant, après la première activité principale :

[Traduction]

Sur une base épisodique et durant une longue période, enquêter sur des stratagèmes de fraude fiscale difficiles tant canadiens qu’internationaux correspondant à un code de complexité 20 et exigeant des connaissances minimales ou moyennes en comptabilité, en analysant et évaluant les dénonciations et les allégations de nombreuses sources pour déterminer si les faits disponibles révèlent une fraude, en vue d’assurer la conformité aux lois administrées par l’Agence.

189 Le grief de Mme Wilson concernant la rémunération d’intérim est rejeté.

Le 22 août 2008.

Traduction de la CRTFP

I.R. Mackenzie,
arbitre de grief

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