Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le demandeur a demandé que, conformément à l’article43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Commission réexamine l’une de ses décisions, dans laquelle elle a rejeté la plainte du demandeur - sa demande demandait des changements qu’il n’a pas précisés à un paragraphe en particulier de la décision, mais il n’en a pas fait mention dans ses arguments écrits à la Commission sur sa demande; à la place, il a fait valoir que la Commission était tenue d’accepter tous les éléments de preuve qu’il a présentés au cours de l’audience et non seulement les éléments de preuve se rapportant à la plainte même - il a allégué qu’au cours de l’audience, la Commission n’avait pas appliqué cette règle équitablement, puisqu’elle avait privilégié une application stricte à son égard et non à l’égard des défendeurs - il a allégué également qu’un document qu’il avait tenté de présenter à la date à laquelle il a déposé sa plainte aurait dû être admis en preuve au motif qu’il faisait partie de la plainte - la Commission a statué qu’une demande fondée sur l’article43 n’est pas un processus d’appel - le demandeur n’avait présenté aucun fait, circonstance ou élément de preuve nouveau - le fait qu’un paragraphe en particulier dans la décision puisse lui causer un préjudice ne constitue pas un motif de révision. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-07-04
  • Dossier:  525-02-14
  • Référence:  2008 CRTFP 48

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

ALAIN LAFERRIÈRE

demandeur

et

STANISLAUS HOGAN ET LUCIE BAILLARGÉ

défendeurs

Répertorié
Laferrière c. Hogan et Baillargé

Affaire concernant une demande d'exercice par la Commission de l'un ou l'autre des pouvoirs prévus à l'article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, commissaire

Pour le demandeur:
Lui-même

Pour les défendeurs:
Gaston Nadeau, avocat

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 20 mai et le 28 mai 2008.

Demande devant la Commission

1 Le 7 mai 2008, Alain Laferrière (le « demandeur ») a demandé à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») qu’elle révise, conformément au pouvoir qui lui est conféré par l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22(la « Loi »), la décision Laferrière c.Hogan et Baillargé, 2008 CRTFP 26, rendue le 24 avril 2008.

2 Dans cette décision, la Commission a rejeté la plainte soumise par le demandeur contre Stanislaus Hogan et Lucie Baillargé (les « défendeurs »).

3 La demande de révision vise particulièrement le paragraphe 44 de la décision du 24 avril 2008 de la Commission. Le demandeur propose de corriger, sans spécifier les corrections demandées, le paragraphe 44 dont le contenu, à son avis, pourrait lui causer préjudice dans d’autres dossiers l’opposant à son employeur. Le paragraphe 44 se lit comme suit :

[44]    Comme le prétend le plaignant, il est vrai que l’employeur a transmis deux avis médicaux le concernant au syndicat. Le plaignant était d’ailleurs déjà au courant en novembre 2006 qu’un des deux avis avait été transmis au syndicat, ce dernier étant en copie conforme de la lettre de couverture qui a été envoyée au plaignant le 6 novembre 2006. À partir de la preuve soumise, je ne peux dire si le plaignant savait en novembre 2006 que le deuxième avis médical avait été transmis au syndicat. Quoiqu’il en soit, on ne peut conclure de ces envois, comme le fait le plaignant, qu’il y a eu une sorte de collusion ou de complicité entre l’employeur et le syndicat à l’encontre du plaignant. Ces avis médicaux ne servaient d’ailleurs qu’à établir que le plaignant était apte à réintégrer son poste en novembre 2006. Sur ce, la transmission de ces documents au syndicat pourrait même être considérée comme souhaitable compte tenu de la responsabilité de représentation du syndicat à l’égard du plaignant.

4 Le 16 mai 2008, la Commission a écrit aux parties pour demander aux défendeurs de lui faire parvenir, avant le 2 juin 2008, leur réponse à la demande de révision. Le demandeur a soumis des arguments le 20 mai 2008 et les défendeurs, le 28 mai 2008. Puis, le 16 juin 2008, la Commission a écrit aux parties pour leur indiquer qu’aucun autre argument ne serait demandé et qu’elle rendrait une décision sur la base des documents déjà au dossier.

5 Le 18 juin 2008, le demandeur a écrit à la Commission pour l’aviser qu’il « récusait » le commissaire Renaud Paquet pour trancher quelque question dans ce dossier même si la Commission avait déjà indiqué aux parties le 16 juin 2008 qu’elle rendrait une décision sur la base de ce qu’elle avait au dossier à cette date.

Résumé de l’argumentation

6 Dans ses arguments écrits soumis le 20 mai 2008, le demandeur ne revient aucunement sur l’objet de sa demande de révision initiale qui a trait au paragraphe 44 de Laferrière c.Hogan et Baillargé. Il prétend plutôt que la Commission n’a pas tenu compte de toute la preuve pour trancher la plainte en question.

7 Selon le demandeur, la Commission devait accepter toute la preuve qu’il a soumise lors de l’audience et non pas seulement les éléments de preuve qui avaient trait à la plainte.

8 Sur ce, le point de vue de la Commission se trouve au paragraphe 39 de Laferrière c.Hogan et Baillargé :

[39]    Pour trancher la présente plainte, je tiendrai compte que des éléments de preuve qui ont trait à la plainte elle-même et qui portent sur les actions des défendeurs qui font suite à la demande d’aide formulée par le plaignant le 19 mars 2007. Certes, comme l’avance le plaignant, ce qui s’est passé entre juillet 2006 et mars 2007 est lié, en ce sens qu’il s’agit d’une même problématique qui a commencé par un conflit entre le plaignant et l’employeur, a été suivie d’une démission et qu’elle est devenue dans la présente affaire un conflit entre le plaignant et le syndicat. Par contre, là n’est pas la question. Si le plaignant croyait avoir été traité de façon injuste par son syndicat à l’été 2006 ou en novembre 2006, il lui fallait déposer une plainte dans les 90 jours. Il ne l’a pas fait et il a attendu au 10 avril 2007 pour se plaindre spécifiquement des actions des défendeurs de mars 2007. Ce ne sont donc que ces actions qui seront examinées.

9 Le demandeur prétend donc qu’en limitant l’analyse de la preuve aux faits reprochés dans la plainte (la demande d’aide du 19 mars 2007), la Commission aurait enfreint l’esprit de la Loi. Le demandeur prétend que le document introductif qu’il avait présenté à l’occasion de sa plainte aurait du être considéré car il faisait partie de la plainte. Une bonne partie de ce document traitait du conflit que le demandeur avait vécu avec son employeur et en relatait les différentes étapes.

10 Le demandeur avance que la Commission a été stricte avec lui, eu égard à la preuve admissible. Elle n’aurait imposé aucune restriction quant à la preuve admissible de la part des défendeurs. La Commission aurait donc, de l’avis du défendeur, agi de façon discriminatoire. Le demandeur cite quelques extraits de la décision en appui de son argument.

11 Selon les défendeurs, la demande de révision est irrecevable et mal fondée à sa face même. Les décisions de la Commission sont finales et ne peuvent être réexaminées que dans les cas où il y a eu erreur grave dans la décision initiale, manquement aux règles de justice naturelle ou qu’il y a des faits nouveaux.

12 Au sujet du paragraphe 44 de Laferrière c.Hogan et Baillargé, les défendeurs avancent qu’il s’agit d’une conclusion bien fondée et pertinente à l’affaire que la Commission devait trancher.

Motifs

13 Tout d’abord, il me faut examiner la demande de récusation formulée par le demandeur. Cette demande n’est aucunement argumentée par le demandeur. Le seul motif qu’il invoque tient au fait que j’aurais rendu auparavant une décision qui lui serait préjudiciable. Il ne s’agit pas là d’une preuve de partialité. Le demandeur ne rencontre certainement pas les critères appliquéspar la Commission et s’inspirant de l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. l’Office national de l’énergie,[1978]1 R.C.S. 369.

14 Il ne s’agit pas simplement d’alléguer la partialité. La crainte de partialité doit être raisonnable. Il faut se demander si une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait à la partialité.

15 La présente demande de révision a été présentée en vertu de l’article 43 de la Loi qui se lit comme suit :

      43. (1) La Commission peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances ou réentendre toute demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

      (2) Dans un tel cas, les droits acquis par suite d’une de ces décisions ou ordonnances ne peuvent être modifiés ou abolis qu’à compter de la date du réexamen, de l’annulation ou de la modification de la décision ou de l’ordonnance.

16 L’article 43 ne constitue pas en soi un mécanisme d’appel qui permet à une partie qui a été déboutée de faire valoir à nouveau son point de vue. Appelée à statuer sur une demande de révision, la Commission a écrit ce qui suit au paragraphe 11 dans Czmola c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel du Canada), 2003 CRTFP 93 :

[11] […] La décision qui fait autorité sur la question a été rendue dans l’affaire Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (dossier de la Commission no 125-2-41). Dans cette décision, la Commission, appelée à interpréter la portée de l’article 27 (auparavant l’article 25), a déterminé que l’article 27 ne vise pas à permettre à une partie qui a été déboutée de faire valoir à nouveau sa thèse, mais qu’il a plutôt pour objet de donner à la Commission la possibilité de réexaminer une décision lorsque les circonstances ont changé, ou pour permettre à une partie de présenter de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux arguments qu'elle ne pouvait raisonnablement avancer lors de l'audience initiale, ou encore lorsqu'il existe d'autres motifs de révision impérieux : voir C.A.T.T. et Conseil du Trésor et Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral est (dossier de la Commission no 125-2-51). La Commission a statué que permettre à la partie perdante d’étayer ou de formuler à nouveau des arguments qui ont déjà été examinés et tranchés serait non seulement incompatible avec la nécessité de mettre un terme aux procédures, mais également injuste et fastidieux pour la partie qui a eu gain de cause. Le pouvoir de réexaminer une décision doit être exercé de manière judicieuse, avec beaucoup de soin et peu fréquemment.

17 L’extrait de Czmola résume bien l’orientation des décisions de la Commission quant à l’article 43 de la Loi (article 27 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35). Les deux versions de l’article sont quasi identiques et rien dans leur essence ne diffère.

18 Le demandeur n’a introduit aucun fait nouveau, aucune nouvelle circonstance ou aucun nouvel élément de preuve. Dans la demande de révision, il soutient que le paragraphe 44 de Laferrière c.Hogan et Baillargé lui porte préjudice. Il ne s’agit pas là d’un motif de révision. Qui plus est, le paragraphe 44 relate et analyse des éléments de preuve soumis par les parties lors de l’audience.

19 Dans sa lettre du 20 mai 2008, le demandeur avance que la Commission devait accepter toute la preuve qu’il a soumise lors de l’audience, incluant le document introductif, et non pas seulement les éléments de preuve qui avaient trait à la plainte. Sur ce, la Commission n’avait pas à admettre des éléments de preuve qui étaient liés à autre chose qu’à la plainte elle-même. Lors de l’audience de la plainte, le demandeur a pu présenter la documentation qu’il souhaitait présenter mais les éléments qui n’étaient pas reliés à la plainte n’ont pas été retenus. À cet effet, le demandeur n’a pas été traité différemment des défendeurs. L’argument du demandeur ne tient donc pas. La Commission en agissant comme elle l’a fait n’a certainement pas agi de façon discriminatoire à l’endroit du demandeur.

20 En somme, le demandeur n’a pas fait la preuve qu’il existait un motif valable, en vertu de l’article 43 de la Loi, pour la Commission de réviser sa décision du 24 avril 2008.

21 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

22 La demande de récusation est rejetée.

23 La demande de révision est rejetée.

Le 4 juillet 2008.

Renaud Paquet,
commissaire

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