Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur a fait parvenir à la fonctionnaire s’estimant lésée une réprimande écrite parce qu’elle a refusé de suivre une procédure- il l’a également suspendue pour un refus subséquent de suivre une procédure et pour n’avoir pas reconnu son comportement d’insubordination- la fonctionnaire s’estimant lésée a contesté à la fois la réprimande écrite et la suspension de cinq heures et demie- l’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait pas compétence en ce qui concerne la réprimande écrite- il a également conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’était pas conformée, subséquemment, à des directives précises que son superviseur lui avait données- l’arbitre de grief a rejeté les allégations de la fonctionnaire s’estimant lésée selon lesquelles les directives de son superviseur étaient incompatibles avec la politique de l’employeur et qu’elles étaient contraires à l’éthique ou de nature frauduleuse ou illégale- la règle consistant à obéir d’abord et à déposer un grief ensuite s’appliquait dans les circonstances- la suspension de cinq heures et demie était raisonnable dans les circonstances. Grief rejeté. Suspension (trois jours) - Comportement agressif - Voie de fait contre un superviseur- Crédibilité L’employeur a suspendu la fonctionnaire s’estimant lésée pour trois jours parce qu’elle a donné un coup de pied à son superviseur- la fonctionnaire s’estimant lésée a contesté la suspension- l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait volontairement donné un coup de pied à son superviseur- il a également conclu que la suspension de trois jours était une mesure disciplinaire peu sévère dans les circonstances- aucune circonstance atténuante ne justifiait une intervention de la part de l’arbitre de grief. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-01-25
  • Dossier:  166-34-31778 et 31779
  • Référence:  2008 CRTFP 7

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CATHERINE FOCKER

fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Focker c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant des griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Elle-même

Pour l'employeur:
Amita R. Chandra, avocate

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
du 20 au 23 novembre 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Griefs renvoyés à l’arbitrage

1 Le 6 mars 2000, Catherine Focker (la « fonctionnaire s’estimant lésée ») a présenté un grief (pièce E-1), dans lequel elle contestait la réprimande écrite qui lui avait été adressée le 9 février 2000 et la suspension non rémunérée d’une durée de cinq heures et demie qui lui avait été imposée le 16 février 2000. La fonctionnaire s’estimant lésée travaillait alors au bureau des services fiscaux de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) situé à Vancouver (le « BSF de Vancouver »), à titre de commis préposée aux services d’évaluation, CR-04 (groupe et niveau), à l’unité d’évaluation des biens immobiliers, Section de la vérification des moyennes entreprises, Division de la validation et de l’exécution.

2 La lettre de réprimande du 9 février 2000 (pièce E-12) est reproduite ci-après :

[Traduction]

[…]

Après vous avoir adressé une réprimande verbale, le 3 février, je vous remets par les présentes une réprimande écrite officielle relativement à un nouvel acte d’insubordination de votre part, en l’occurrence votre refus d’obéir à deux directives de votre chef d’équipe. La première directive concerne la création de dossiers supplémentaires pour consigner le temps de traitement post-évaluation. On m’a récemment informé que vous n’aviez pas inclus ces unités dans nos données mensuelles. Le 2 février, nous avons eu une réunion d’équipe durant laquelle nous avons discuté et convenu d’une procédure pour consigner une vingtaine d’unités de consultation qui n’avaient pas été créditées. Vous n’avez pas formulé une seule objection pendant la réunion. Plus tard dans la journée, vous m’avez mentionné que certains dossiers vous causaient un problème, car les dossiers originaux étaient fermés dans le SIGV. Nous avons discuté de diverses solutions et vous avez accepté ma recommandation de créer, dans ces cas-là, des numéros fictifs de cas et de dossier, comme nous le faisons pour l’équipe du secteur non résidentiel. Le lendemain matin, vous avez refusé d’appliquer cette procédure en disant qu’elle était contraire à l’éthique et vous m’avez demandé de vous donner des directives écrites. Je vous ai avisée qu’il s’agissait d’un acte d’insubordination et que vous vous exposiez à des sanctions.

Vous vous faites parfois prier pour créer des dossiers supplémentaires afin de consigner le temps de traitement post-évaluation et vous insistez pour appliquer de vieilles politiques du M.O.I. qui n’existent plus. Cela cause beaucoup de mécontentement parmi les membres du personnel et nuit au bon rendement de l’équipe. En plus de ne pas vous conformer aux directives de votre chef d’équipe sur ce point, vous avez refusé d’obéir aux consignes concernant vos communications avec l’équipe du SIGV à Vancouver. Vous avez récemment communiqué avec leur chef d’équipe par téléphone, alors que cela vous est interdit.

Nous nous attendons à que vous respectiez désormais les directives qui vous ont été données ou qui pourraient vous être données à l’avenir, à défaut de quoi vous vous exposez à de nouvelles mesures disciplinaires.

3 La lettre de suspension du 16 février 2000 (pièce E-16) est pour sa part libellée en ces termes :

[Traduction]

[…]

Je vous avise officiellement que vous êtes suspendue, sans rémunération, à partir de 10 h 45 aujourd’hui, et ce, jusqu’à la fin de la journée, pour avoir désobéi aux ordres, le 15 février, et refusé d’admettre vos torts ce matin. Cette sanction fait  suite à une réprimande écrite en date du 9 février. Vous vous exposez à d’autres mesures disciplinaires si vous persistez dans votre refus d’obéir aux ordres.

4 Sept mois plus tard, le 20 octobre 2000, la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un second grief (pièce E-2), qui est rédigé comme suit :

[Traduction]

[…]

  1. Je conteste la suspension qui m’a été infligée dans la lettre de l’Agence en date du 16 octobre 2000.

  2. Je conteste la manière dont la direction a procédé pour m’interroger avant de m’imposer une sanction disciplinaire, c’est-à-dire sans m’informer de mon droit d’exiger la présence d’un représentant syndical, comme le prévoit la convention collective.

  3. Je conteste également la décision de me retirer de l’unité d’évaluation des biens immobiliers no 443-32.

[…]

5 La lettre de suspension en date du 16 octobre 2000 (pièce E-24) dit ceci :

[Traduction]

[…]

J’ai examiné attentivement les déclarations écrites et orales que vous avez faites au sujet de l’incident survenu avec John Weldon, le 2 octobre 2000. J’ai conclu que vous lui aviez délibérément donné un coup de pied peu de temps après qu’il vous eut adressé une réprimande verbale. Il s’agit là d’un comportement inacceptable de votre part et d’une faute de conduite grave.

Pour en arriver à ma conclusion, j’ai noté que vous m’aviez fait des déclarations peu crédibles et fourni des renseignements contradictoires sur les détails de l’incident dans votre déclaration écrite et au cours de notre entretien téléphonique, le 2 octobre 2000. Après avoir entendu votre version des faits au téléphone ce jour-là, j’ai mentionné que John m’avait dit que vous lui aviez délibérément donné un coup de pied. C’est seulement après que je vous ai dit cela que vous avez prétendu que John vous avait agressée, poussée et bousculée physiquement. Or vous n’avez rien mentionné de tel aux personnes que vous avez appelées après l’incident, ni dans votre déclaration écrite.

Afin que vous compreniez bien la gravité de vos gestes, je vous suspends, sans rémunération, pour une période de trois (3) jours ouvrables, du mardi 17 octobre 2000 jusqu’à la fermeture des bureaux le jeudi 19 octobre 2000.

La présente lettre demeurera dans votre dossier pendant la période prescrite par votre convention collective. Veuillez prendre note que tout autre écart de conduite de votre part pourrait vous valoir une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au congédiement.

Comme il m’apparaît d’une importance primordiale de maintenir un climat de travail harmonieux, j’ai décidé de vous affecter à la section 444. Le 20 octobre 2000, vous devez donc vous présenter au bureau de Shawn Maples, situé 3e étage de l’immeuble Post Office/Winch du Centre Sinclair. Veuillez communiquer avec Shawn […] afin de prendre les dispositions nécessaires pour votre déménagement et votre arrivée. Il s’agit d’une affectation latérale temporaire qui prend fin le 30 avril 2001; nous examinerons alors votre rendement et votre conduite au travail, ainsi que votre situation professionnelle. Jusqu’à nouvel ordre, je vous demande de ne pas communiquer avec les membres de l’équipe d’évaluation des biens immobiliers ou de leur rendre visite. Vous continuerez d’être rémunérée comme CR-4 pendant votre affectation à titre de CR-3 dans votre nouvelle unité de travail.

Afin de résoudre les problèmes et de rétablir un climat de travail sain et productif, je vous encourage à accepter l’offre que nous vous avons faite précédemment de vous prévaloir d’un mode substitutif de règlement des différends pour trouver une solution à vos problèmes avec John Weldon.

Je compte sur votre collaboration pour arriver à ce résultat et pour répondre aux attentes de votre nouvelle unité de travail.

[…]

6 Le commissaire adjoint D.G.J. Tucker a répondu aux deux griefs dans une décision au dernier palier de la procédure de règlement des griefs en date du 8 octobre 2002. Il a rejeté le premier et confirmé la suspension de trois jours dans le second, qu’il a accueilli en partie, au motif que la direction avait présenté des excuses à la fonctionnaire s’estimant lésée, comme elle l’avait demandé, pour ne pas lui avoir permis de bénéficier de la présence de son représentant syndical lors d’une réunion, le 2 octobre 2000.

7 La fonctionnaire s’estimant lésée a renvoyé les deux griefs à l’arbitrage le 21 novembre 2002, avec l’appui de son agent négociateur, en indiquant que la disposition applicable à l’objet de ses griefs était l’alinéa 92(1)c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35 (l’« ancienne Loi »).

8 Les paragraphes 92(1) et (2) de l’ancienne Loi sont libellés comme suit :

     92. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur :

a) l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) dans le cas d’un fonctionnaire d’un ministère ou secteur de l’administration publique fédérale spécifié à la partie I de l’annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

     (2) Pour pouvoir renvoyer à l’arbitrage un grief du type visé à l’alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l’approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

9 La fonctionnaire s’estimant lésée a pris sa retraite depuis le renvoi de ses griefs à l’arbitrage.

10 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.  En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l'ancienne Loi.

11 Le 12 décembre 2005, l’ADRC est devenue l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur »).

II. Questions préliminaires

12 D’après les dossiers, les renvois à l’arbitrage ont été mis au rôle à six reprises entre mai 2005 et septembre 2006, mais les audiences ont chaque fois été reportées.

13 En novembre 2006, l’agent négociateur de la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé le report de l’audience prévue les 29 et 30 novembre 2006, pour le compte de la fonctionnaire, parce qu’elle avait l’intention de se trouver un autre représentant ou qu’elle allait avoir besoin de temps pour préparer son dossier en vue de se représenter elle-même. Le report a été autorisé, en dépit de l’opposition de l’employeur, et l’affaire a été mise au rôle en juin 2007. Malheureusement, il a été nécessaire de reporter l’audience à nouveau, faute d’arbitre de grief pour entendre la cause.

14 À l’audience qui s’est tenue du 20 au 23 novembre 2007, la fonctionnaire s’estimant lésée s’est représentée elle-même. J’ai jugé bon d’intervenir plusieurs fois pour la conseiller sur divers points de procédure, principalement la différence qui existe entre la présentation de la preuve et les plaidoiries et ce que suppose chacune de ces étapes. Je lui ai expliqué avec le plus grand soin qu’elle devait produire en preuve tous les faits qu’elle souhaitait que je prenne en considération avant que nous passions à l’étape de la plaidoirie finale. À la fin de son témoignage, elle a convenu qu’elle avait conclu la présentation de sa preuve. Il n’empêche que dans sa plaidoirie finale, elle a parfois repris le récit des événements survenus au travail, comme si elle était encore en train de témoigner.

15 Il va de soi que la plupart des fonctionnaires s’estimant lésés qui se représentent eux-mêmes ne sont pas très familiers avec la procédure d’arbitrage des griefs. C’est pourquoi il est généralement nécessaire d’assouplir quelque peu les règles d’audience en présence de fonctionnaires qui se représentent eux-mêmes. Il n’en demeure pas moins crucial de sauvegarder l’équité de la procédure pour les deux parties. Dans ce cas-ci, j’ai conseillé la fonctionnaire s’estimant lésée sur des points de procédure lorsque c’était nécessaire et j’ai tenté de lui accorder un peu plus de latitude dans la présentation de sa preuve et dans son argumentation. Il reste qu’elle a parfois eu de la difficulté à suivre mes conseils. Par exemple, elle a dévié de la voie tracée en présentant de nouveaux éléments de preuve dès le début de son argumentation et à d’autres moments par la suite. L’employeur a soulevé une objection. J’ai statué en sa faveur en exposant les motifs de ma décision — c’est-à-dire qu’il serait injuste, maintenant que la phase de la présentation de la preuve était terminée, de prendre en considération de nouveaux « faits » qui n’avaient pas été éprouvés en contre-interrogatoire. Après ma première explication sur ce point, la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle comprenait ce que je disais et qu’elle ne voulait pas rouvrir la preuve. Lorsqu’elle a recommencé à faire le récit des événements en ajoutant des observations qui s’apparentaient davantage à des éléments de preuve, je lui ai rappelé ma décision, mais cela a eu peu d’effet.

16 J’ai limité mon résumé de la plaidoirie finale de la fonctionnaire s’estimant lésée, reproduit plus loin dans la présente décision, à celles de ses remarques qui s’apparentaient davantage à des arguments. Afin d’en arriver à ma décision, j’ai pris en considération tout ce que la fonctionnaire s’estimant lésée avait dit dans ses observations finales et je me suis assuré que les nouveaux éléments de « preuve » qu’elle avait mentionnés dans son argumentation n’avaient pas d’incidence appréciable sur mon évaluation du fond de l’affaire.

III. Résumé de la preuve

17 À titre de chef d’équipe de l’unité d’évaluation des biens immobiliers durant la période visée par les griefs, John Weldon détenait l’autorité administrative et fonctionnelle sur le personnel du BSF de Vancouver et sur trois évaluateurs de biens immobiliers dans chacun des bureaux de l’ADRC situés à Victoria et à Penticton respectivement. M. Weldon a accédé à ces fonctions en 1995, à titre intérimaire d’abord, et il a occupé le poste jusqu’à ce qu’il soit promu  au poste de chef d’équipe régional en novembre 2001. L’unité qu’il dirigeait s’occupait des questions d’évaluation de biens immobiliers et autres que lui soumettaient les vérificateurs de l’ADRC et produisait des rapports d’évaluation à l’intention de l’ADRC dans les cas où les « clients » contestaient leur cotisation fiscale.

18 Les membres de l’équipe de M. Weldon étaient souvent obligés de revenir en arrière pour compléter des rapports d’évaluation déjà classés, souvent plusieurs mois plus tard. Avant 1998, ce surplus de travail (« temps de traitement post-évaluation ») était inclus dans l’unité initiale de production, dans le Système d’information de gestion de la vérification (SIGV). À la suite de l’introduction d’un nouveau manuel de procédures, en 1998, en l’occurrence le M.O.I. 12(25) (Manuel des opérations de l’impôt), les évaluateurs ont obtenu le droit de consigner une unité de consultation distincte quand le traitement post-évaluation dépassait trente minutes (pièce E-7). M. Weldon a témoigné que les évaluateurs voulaient que ce temps soit consigné, de manière à atteindre leur objectif budgétaire annuel de 33 unités d’évaluation et 35 unités de consultation environ. Une unité d’évaluation correspond au temps consacré au traitement initial du dossier et une unité de consultation, au temps consacré au traitement postérieur du même dossier (pièce E-7).

19 M. Weldon a expliqué que la direction avait distribué une version provisoire du nouveau M.O.I. 12(25) à tous les membres du personnel, en mars 1998, afin d’obtenir leurs commentaires. La version définitive est entrée en vigueur en septembre 1998, y compris la nouvelle procédure de consignation des unités de consultation (pièce E-7). M. Weldon a déclaré que le nouveau système avait été bien accueilli par les employés, qui réclamaient des modifications afin de pouvoir consigner clairement leur temps de traitement post-évaluation. Il a toutefois indiqué que la fonctionnaire s’estimant lésée s’était dite en désaccord avec ce changement et qu’elle s’y était opposée.

20 Le 14 janvier 1999, Agnes Louie, ancienne chef d’équipe de l’unité du SIGV, a communiqué avec Alan E. Farres, gestionnaire de la Division de la validation et de l’exécution au BSF de Vancouver, afin qu’il informe le chef d’équipe de la fonctionnaire s’estimant lésée, M. Weldon, d’une nouvelle procédure sur laquelle Mme Louie et M. Farres (pièce E-6) s’étaient entendus relativement aux communications entre la fonctionnaire et l’unité du SIGV. M. Farres s’est exécuté et a discuté de la nouvelle procédure avec son subalterne, M. Weldon. La direction avait décidé d’interdire à la fonctionnaire s’estimant lésée de communiquer avec l’unité du SIGV autrement que par courrier électronique et de l’obliger à faire part de ses réserves à propos du SIGV par l’entremise de son chef d’équipe. M. Weldon a témoigné que l’unité du SIGV avait des problèmes avec la fonctionnaire s’estimant lésée. Les employés de l’unité trouvaient difficile et déplaisant de traiter avec elle. La nouvelle procédure visait donc à répondre à leurs doléances. M. Weldon a ajouté qu’il avait discuté de la nouvelle directive avec la fonctionnaire s’estimant lésée, mais il n’arrivait pas à se souvenir comment elle avait réagi exactement. Il avait eu l’impression qu’elle avait compris la procédure puisqu’il l’a lui avait expliquée.

21 Le 2 février 2000, un évaluateur de l’unité d’évaluation des biens immobiliers, Wilf Cushnie, s’est plaint à M. Weldon que la fonctionnaire s’estimant lésée avait refusé de créer des dossiers supplémentaires pour consigner son temps de traitement post-évaluation (pièce E-8). M. Weldon a découvert une vingtaine de dossiers pour lesquels des unités de consultation n’avaient pas été consignées. Il a alors réuni l’équipe afin de discuter de la façon de procéder pour consigner le temps de traitement post-évaluation dans le SIGV, notamment dans les cas où les numéros de cas et de dossier initiaux n’existaient plus. La solution consistait à créer des numéros fictifs de cas et de dossier auxquels le temps de traitement post-évaluation pouvait être rattaché. L’équipe a admis qu’il s’agissait là d’une solution efficace et raisonnable au vu de l’énorme arriéré de travail. M. Weldon a ajouté que personne ne s’était élevé contre cette suggestion.

22 M. Weldon a indiqué que le SIGV comportait des lacunes et que c’était un système plutôt lourd. Il existait bien un autre moyen de consigner le temps de traitement post-évaluation sans créer de numéros fictifs de cas et de dossier, mais cela supposait de demander à l’unité du SIGV de rouvrir des dossiers fermés, d’y consigner le temps de traitement et de les refermer ensuite. C’était beaucoup plus rapide et beaucoup plus efficace de créer des numéros fictifs de cas et de dossier. Sans cette procédure, une partie du temps de traitement post-évaluation ne serait pas consignée.

23 M. Weldon a déclaré que c’était la responsabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée d’appliquer la nouvelle procédure, à titre de commis préposée aux services d’évaluation de l’unité. À l’issue de la réunion, il s’est entretenu avec elle et lui a demandé de faire le nécessaire pour consigner le temps de traitement post-évaluation des dossiers en suspens.

24 Le lendemain, la fonctionnaire s’estimant lésée lui a dit qu’elle était en désaccord avec la nouvelle procédure et qu’elle refusait de l’appliquer. Elle a prétendu que c’était contraire à l’éthique de créer des numéros fictifs de cas et de dossier. M. Weldon a répondu qu’il n’en était rien et qu’il reconnaîtrait sa responsabilité en cas de problème. Il a ajouté qu’elle commettait un acte d’insubordination en refusant d’appliquer les directives reçues. Après lui avoir adressé une réprimande verbale, il lui a dit qu’il avait l’intention de mettre M. Farres au courant de la situation (pièce E-9).

25 La fonctionnaire s’estimant lésée a continué à refuser de créer des numéros fictifs de cas et de dossier après avoir reçu la réprimande verbale. M. Weldon dit qu’il n’arrivait pas à comprendre pourquoi elle soulevait une question d’éthique. Selon lui, le M.O.I. 12(25) autorisait explicitement les évaluateurs à déclarer du temps de traitement post-évaluation. La façon dont on procédait pour consigner ce temps était une question d’ordre administratif plutôt qu’une question d’éthique. M. Weldon a affirmé que personne n’avait quoi que ce soit à gagner à privilégier une procédure par rapport à une autre.

26 Le 8 février 2000, M. Weldon a reçu un appel de Rosemary Cheng, chef d’équipe de l’unité du SIGV (pièce E-10). Elle lui a dit que la fonctionnaire s’estimant lésée avait laissé un message dans sa boîte vocale à propos de la réouverture d’un dossier. Elle croyait que la fonctionnaire ne respectait pas la directive qui lui avait été donnée. M. Weldon a rencontré la fonctionnaire pour lui rappeler que la direction lui avait interdit de communiquer avec l’unité du SIGV autrement que par courrier électronique. Il lui a également dit qu’il avait discuté de la nouvelle procédure en place pour créer des numéros fictifs de cas et de dossier avec l’administration centrale, qui avait approuvé cette approche. D’après les notes qu’il a consignées à l’issue de l’entretien (pièce E-11), la fonctionnaire lui avait répondu qu’il [traduction] « gonflait les chiffres ». Elle lui avait dit qu’elle avait l’intention d’appeler M. Farres pour lui faire savoir qu’il (M. Weldon) ne faisait pas son travail. M. Weldon a rappelé à la fonctionnaire s’estimant lésée que c’était son travail à elle de consigner le temps de traitement post-évaluation.

27 M. Weldon a adressé une réprimande écrite à la fonctionnaire s’estimant lésée le 9 février 2000 (pièce E-12), parce qu’elle persistait à ne pas respecter les directives qu’on lui avait données à propos de ses communications avec l’unité du SIGV et de la consignation du temps de traitement post-évaluation en créant des numéros fictifs de cas et de dossier. M. Weldon a témoigné que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait exprimé aucun regret après avoir reçu cette réprimande.

28 Le 15 février 2000, la fonctionnaire s’estimant lésée a envoyé à M. Weldon une note dans laquelle elle l’informait que toutes les demandes provenant de l’unité du SIGV devaient être faites par courrier électronique (pièce E-13). M. Weldon a indiqué que la fonctionnaire s’estimant lésée avait instauré cette « nouvelle procédure » après avoir reçu un message d’un évaluateur qui lui demandait de fermer immédiatement un dossier à la suite d’un appel d’un employé de l’unité du SIGV (pièce E-14). Elle estimait que M. Weldon devait obliger l’unité du SIGV à communiquer avec l’unité d’évaluation des biens immobiliers par courrier électronique seulement. M. Weldon a eu une discussion avec la fonctionnaire s’estimant lésée, mais elle a refusé de fermer le dossier. Il lui a dit que son refus constituait un acte d’insubordination et qu’il allait en discuter avec M. Farres.

29 Le lendemain, 16 février 2000, M. Weldon a de nouveau rencontré la fonctionnaire s’estimant lésée pour discuter de son insubordination (pièce E-15). La fonctionnaire a refusé d’admettre qu’elle avait désobéi aux ordres la veille. M. Weldon lui a rappelé qu’elle ne pouvait pas communiquer avec l’unité du SIGV autrement que par courrier électronique, mais que l’unité du SIGV pouvait communiquer avec l’unité d’évaluation des biens immobiliers comme bon lui semblait. La fonctionnaire a déclaré qu’elle ne savait pas comment envoyer un courriel. M. Weldon a offert de lui montrer comment faire. Vu que la fonctionnaire persistait à ne pas respecter les directives reçues et qu’elle ne semblait pas éprouver de regrets, M. Weldon l’a suspendue pour le reste de la journée, soit pour une durée de cinq heures et demie (pièce E-16). Il a déclaré que la fonctionnaire lui avait dit qu’il n’avait pas le droit de faire cela et que c’était lui qui commettait un acte d’insubordination — à son endroit.

30 La fonctionnaire s’estimant lésée s’est présentée au travail le lendemain, mais elle ensuite pris un congé de maladie d’une durée de deux mois environ. À son retour au travail à la fin d’avril 2000, la situation était plutôt tendue. Dans l’intervalle, elle avait déposé un grief pour contester la suspension de cinq heures et demie (pièce E-1). M. Weldon a témoigné que la situation ne s’était pas améliorée par la suite.

31 À la fin de septembre 2000, Mme Cheng a informé M. Weldon que la fonctionnaire s’estimant lésée essayait encore de communiquer avec l’unité du SIGV par téléphone et que la nature de ses communications continuaient de causer des problèmes (pièce E-17). Un étudiant de l’unité s’était notamment plaint du comportement de la fonctionnaire. M. Weldon a aussi appris qu’elle avait fait des démarches, à son insu, auprès de l’administration centrale afin d’obtenir un nouveau profil d’utilisateur pour le SIGV, lequel avait été remplacé par le Système de gestion de la validation et de l’exécution (SGVE).

32 M. Weldon a déclaré qu’une nouvelle employée de l’unité du SGVE, Trena Engineer, avait rapporté que la fonctionnaire s’estimant lésée avait tenté à deux reprises de communiquer avec elle par téléphone en septembre 2000 (pièce E-18). M. Weldon a décidé de rencontrer à nouveau la fonctionnaire pour lui rappeler que cela lui était interdit. Durant l’entretien qu’ils ont eu le 2 octobre 2000, la fonctionnaire a d’abord nié qu’elle avait communiqué avec l’unité du SGVE par téléphone; elle est ensuite passée aux aveux en disant que c’est Mme Engineer (pièce E-19), qui n’était pas au courant de la directive à ce moment-là, qui l’avait appelée la première. M. Weldon lui a adressé une réprimande verbale et l’a prévenue qu’elle s’exposait à une réprimande écrite si elle continuait à communiquer avec l’unité du SGVE par téléphone.

33 M. Weldon a déclaré qu’il avait reçu un appel du fournisseur de photographies de l’unité d’évaluation des biens immobiliers, le 2 octobre 2000. Il voulait savoir si l’unité avait des films à faire développer. La boîte utilisée pour déposer les films se trouvait à proximité du bureau de la fonctionnaire s’estimant lésée. M. Weldon lui a demandé à deux reprises s’il y avait des films à développer, mais elle a chaque fois refusé de répondre. Peu de temps après cet incident, alors qu’il circulait dans un corridor de cinq ou six pieds de large, il a aperçu la fonctionnaire qui s’en venait dans sa direction. Il a fait un pas de côté pour la laisser passer, mais en arrivant à sa hauteur, elle a brusquement tendu le pied droit au-dessus de sa chaussure et lui a frappé le tibia. Il a trébuché. La fonctionnaire s’est excusée. M. Weldon a déclaré qu’il était convaincu que ce n’était pas un accident, mais bien un geste [traduction] « réfléchi et délibéré ». Il a dit que l’incident était encore très frais dans sa mémoire. Compte tenu de ses 45 années d’expérience comme joueur de soccer et comme entraîneur, il savait quand un coup de pied était donné délibérément. L’incident l’avait bouleversé. Il était retourné à son bureau et avait communiqué avec son superviseur, Nasir Amlani, gestionnaire, Section de la vérification des moyennes entreprises, Division de la validation et de l’exécution, BSF de Vancouver. Ils avaient décidé de se rencontrer à l’extérieur de l’immeuble et M. Weldon lui avait raconté ce qui était arrivé. Il lui avait ensuite relaté les détails de l’incident dans une note de suivi (pièce E-21).

34 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé à M. Weldon s’il lui avait tenu les propos suivants : [traduction] « On a besoin de sang neuf ici »; « C’est moi qui décide, je suis le chef d’équipe, et vous, vous obéissez aux ordres »; « Vous n’êtes qu’une commis; c’est moi qui prend toutes les décisions ici ». M. Weldon a répondu qu’il ne se souvenait pas d’avoir dit cela.

35 La fonctionnaire s’estimant lésée a demandé à M. Weldon s’il était au courant que le M.O.I. 12(25) ne s’appliquait plus en février 2000 et que [traduction] « tout était en ligne ».M. Weldon a répondu qu’elle devait se tromper, car le M.O.I. 12(25) était encore en vigueur à ce moment-là.

36 M. Weldon a de nouveau confirmé qu’il avait demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée de créer des numéros fictifs de cas et de dossier pour consigner le temps de traitement post-évaluation. Quand la fonctionnaire a déclaré que cela faussait les rapports statistiques du fait que les dossiers étaient comptabilisés en double, il a observé qu’elle n’avait probablement pas bien compris la procédure. Il a expliqué que l’ancien système permettait de consigner une unité de production seulement, alors que le système actuel permet aux évaluateurs d’en consigner deux. Quand la fonctionnaire a déclaré que les dossiers originaux avaient été fermés et qu’on ne pouvait pas les rappeler dans le SIGV, M. Weldon a dit qu’il ne se rappelait pas si c’était le cas, mais il a réitéré que les évaluateurs avaient le droit de consigner le temps de traitement post-évaluation.

37 La fonctionnaire s’estimant lésée a demandé à M. Weldon s’il lui avait demandé de supprimer les dossiers fictifs dans le SIGV à la fin de l’exercice. Il a répondu qu’il ne se rappelait pas lui avoir fait une telle demande.

38 Lorsque la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé si c’était contraire à l’éthique de créer des dossiers en double, M. Weldon a répondu qu’ils ne consignaient pas les données en double, mais qu’ils appliquaient à la lettre les procédures décrites dans le M.O.I. 12(25).

39 La fonctionnaire s’estimant lésée a demandé à M. Weldon pourquoi il ne lui avait pas donné ses directives par écrit relativement à la création de numéros fictifs de cas et de dossier. Il a répondu que la demande verbale suffisait et qu’il n’avait pas besoin de mettre ses directives par écrit.

40 À la question de savoir s’il se rappelait que l’unité du SIGV avait demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée de donner de la formation au personnel de l’unité après le départ de Mme Louie en décembre 1999, M. Weldon a répondu qu’il ne s’en rappelait pas.

41 La fonctionnaire s’estimant lésée a terminé son contre-interrogatoire par une longue déclaration, qui se résume à ceci : si on lui demandait à nouveau aujourd’hui de créer des numéros fictifs de cas et de dossier, elle refuserait de le faire. « Ce serait contraire à l’éthique; je ne crois pas que ce soit justifié », a-t-elle dit.

42 En réinterrogatoire, M. Weldon a rappelé qu’il avait l’autorité voulue pour appliquer les procédures décrites dans le M.O.I. 12(25), lequel était toujours en vigueur durant la période visée par les griefs. Il a aussi mentionné qu’il avait discuté de la procédure mise en place pour créer des numéros fictifs de cas et de dossier avec Ron Dacey, le consultant en évaluation qui occupait le poste le plus élevé à l’administration centrale, et que celui-ci lui avait jugé la procédure acceptable.

43 M. Amlani a été le deuxième et dernier témoin de l’employeur. Employé depuis 1984, il occupe actuellement le poste de chef des appels au BSF de Vancouver. À ce titre, il dirige un effectif d’une centaine de personnes. À l’époque où la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé son second grief (pièce E-2), M. Amlani dirigeait l’unité d’évaluation des biens immobiliers et était le supérieur immédiat de M. Weldon.

44 M. Amlani a déclaré qu’il était au courant de la procédure consistant à créer des numéros fictifs de cas et de dossier pour consigner le temps de traitement post-évaluation. L’unité d’évaluation des avoirs, dont il avait été le chef d’équipe, avait aussi appliqué cette procédure. Il a indiqué que c’était une procédure courante et qu’elle n’était aucunement contraire à l’éthique.

45 C’est le 2 octobre 2000 que M. Amlani a initialement eu connaissance des circonstances ayant donné lieu au second grief de la fonctionnaire s’estimant lésée, quand M. Weldon a laissé un message dans sa boîte vocale à propos d’un incident qui était survenu ce matin-là avec la fonctionnaire. M. Amlani dit qu’il s’est entretenu avec M. Weldon et la fonctionnaire ce jour-là et qu’il a consigné dans des notes (pièce E-22) les détails de ses échanges. Lorsqu’il a appelé la fonctionnaire ce jour-là afin de recueillir sa version des faits, elle lui a dit qu’elle voulait le rencontrer personnellement en présence de son représentant syndical. Elle a néanmoins accepté de lui parler de l’incident au téléphone. En plus de s’être entretenu avec M. Weldon et la fonctionnaire, M. Amlani a reçu une note de suivi de M. Weldon à propos de l’incident (pièce E-21), de même qu’une déclaration que la fonctionnaire avait remise à son représentant syndical, qui l’avait transmise à la direction (pièce E-23).

46 Le 16 octobre 2000, M. Amlani a rencontré la fonctionnaire s’estimant lésée et son représentant syndical, afin de permettre à la fonctionnaire de lui fournir des faits supplémentaires avant qu’il rende sa décision. La fonctionnaire n’ayant rien de nouveau à ajouter, il a décidé de lui remettre une lettre lui imposant une suspension de trois jours, lettre qu’il avait rédigée en prévision de la réunion (pièce E-24). Il estimait qu’une suspension de trois jours était une sanction appropriée, au vu de tout ce qu’il avait appris et du fait que la fonctionnaire manquait de franchise à propos de l’incident. Dans l’avis de suspension, M. Amlani offrait à la fonctionnaire la possibilité de se prévaloir d’un mode substitutif de règlement des différends pour l’aider à résoudre ses problèmes au travail. Il ne croit qu’elle ait donné suite à son offre. Dans l’intérim, il avait décidé de la réaffecter temporairement dans un autre secteur.

47 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé à M. Amlani s’il connaissait l’existence du nouveau manuel de procédures, le M.O.I. 12(25) (pièce E-7), et s’il était au courant des procédures qui étaient en vigueur à l’époque. Dans les deux cas, M. Amlani a répondu par la négative.

48 Seule la fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné pour son compte. D’entrée de jeu, elle a déposé deux documents sur consentement, soit les Principes de la fonction publique du Canada, tirés du site Web du gouvernement fédéral (pièce G-1), et un courriel en date du 24 octobre 2000, dans lequel la direction envisage de muter latéralement la fonctionnaire de son poste d’attache (pièce G-2). Malgré l’opposition de l’employeur, j’ai admis un deuxième courriel, en date du 4 décembre 2001, dans lequel la fonctionnaire mentionne que son poste d’attache à l’unité d’évaluation des biens immobiliers a été affiché (pièce G-3), ainsi qu’un troisième courriel, en date du 24 juillet 2000, dans lequel un représentant de l’employeur indique que la direction envisage d’affecter quelqu’un temporairement, par intérim, au poste d’attache qu’occupait alors la fonctionnaire (pièce G-4). Dans le cas de ces deux derniers éléments de preuve, j’ai précisé que je tiendrais compte des réserves de l’employeur quant à leur recevabilité lorsque viendrait le moment pour moi d’en apprécier la valeur probante.

49 La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle avait travaillé comme commis à l’unité d’évaluation des biens immobiliers pendant plus de 28 ans, que c’était le seul poste qu’elle avait occupé et qu’elle aimait son travail.

50 Elle a soutenu que le M.O.I. 12(25) (pièce E-7) n’était plus utilisé en 2000. Toute la documentation nécessaire se trouvait en ligne dans le SIGV. Le manuel du SIGV, pour sa part, n’indiquait pas qu’il était permis de créer des dossiers fermés en double. Il existait « de nombreuses exceptions », telles que les dossiers provenant de la direction générale des appels et les dossiers relatifs à des enquêtes spéciales.

51 La description de travail de la fonctionnaire s’estimant lésée indiquait notamment qu’elle devait établir des rapports mensuels, trimestriels et annuels sur le travail de l’unité d’évaluation de biens immobiliers. Elle produisait aussi, pour le chef d’équipe, un rapport annuel de rendement indiquant le nombre de dossiers réglés, par catégorie. Elle a déclaré qu’elle avait protesté lorsque la direction lui avait dit de ne pas appliquer la procédure. Elle avait refusé d’obéir aux ordres chaque fois qu’on lui avait demandé d’entrer des données erronées dans le SIGV. Elle a déclaré : [traduction] « Lorsqu’on me dit de faire quelque chose qui est contraire à l’éthique, ce n’est pas dans ma nature d’obéir. Je refuse; je ne peux pas le faire ».

52 La fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné qu’elle avait demandé à M. Weldon de mettre ses directives par écrit à propos de la création de numéros fictifs de cas et de dossier, mais qu’il avait refusé, ce qu’elle avait trouvé étrange. Comme c’était elle qui avait la responsabilité de créer des dossiers pour l’unité d’évaluation des biens immobiliers, la sécurité la préoccupait beaucoup; elle tenait aussi à protéger son emploi. En cas de vérification de la sécurité ou de la qualité, c’est elle qui serait blâmée si des problèmes étaient mis au jour. La fonctionnaire a affirmé que M. Weldon lui disait toutes les deux semaines qu’il allait l’accuser d’insubordination si elle refusait de créer des numéros fictifs de cas et de dossier. Elle estimait que ses directives étaient contraires à l’éthique et à la loi. Elle a déclaré ceci : [traduction] « Si quelqu’un me demandait de faire cela aujourd’hui, j’agirais de la même manière ». Elle a aussi mentionné que M. Weldon avait l’habitude de prendre des notes et de tenir des dossiers sur toutes les personnes qui travaillaient à l’étage.

53 La fonctionnaire s’estimant lésée a raconté qu’elle avait rencontré M. Farres pour lui faire part de ses préoccupations au sujet de M. Weldon. Elle a dit que M. Farres avait fermé la porte de son bureau et pointé du doigt deux plaques accrochées au mur sur lesquelles il était écrit : [traduction] « Règle no 1 : le patron a toujours raison; règle no 2 : voir la règle no 1 ». La fonctionnaire a déclaré qu’elle ne savait pas si, en faisant cela, M. Farres avait tenté de l’intimider.

54 La fonctionnaire s’estimant lésée en est venue à la situation mettant en cause M. Cushnie (pièce E-8). Elle trouvait discutable qu’il consigne du temps de traitement post-évaluation relativement à l’évaluation de 20 véhicules, vu le peu de temps qu’il avait consacré à la tâche. Elle a ajouté que la situation avait fini par se régler et qu’elle avait effectivement créé des numéros fictifs de cas et de dossier, comme on le lui avait demandé. Elle a dit qu’elle reconnaissait aujourd’hui qu’il s’agissait bien de temps de traitement post-évaluation, mais elle a aussi observé qu’elle n’était [traduction] « plus certaine de rien à ce sujet » et qu’elle [traduction] « ne se rappelait plus très bien parce que cela fai[sait] très longtemps ».

55 Concernant les communications avec l’unité du SIGV que Mme Cheng a rapportées à M. Weldon (pièce E-11), la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle devait répondre aux appels des évaluateurs et entrer les changements de valeur qu’ils lui indiquaient. Cela l’obligeait à communiquer avec l’unité du SIGV pour faire rouvrir les dossiers en cause. Une fois les dossiers ouverts, elle apportait les modifications nécessaires et rappelait l’unité du SIGV pour faire fermer les dossiers. Elle a déclaré qu’elle procédait toujours de cette manière. Mme Cheng n’était pas au courant des procédures et ne se rendait pas compte de l’urgence des demandes que les évaluateurs lui adressaient relativement à la consignation de leur temps de traitement post-évaluation. La fonctionnaire a bien tenté d’utiliser le courrier électronique, mais cela occasionnait souvent un retard de trois heures. Dans l’intervalle, des évaluateurs lui téléphonaient pour savoir pourquoi les dossiers n’étaient pas fermés. Elle dit qu’on lui a demandé de donner de la formation sur les procédures de rapport aux membres du personnel de l’unité du SIGV, en décembre 1999, après le départ de Mme Louie et l’arrivée de Mme Cheng.

56 La fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné qu’elle était [traduction] « de la vieille école, [qu’elle] aimai[t] avoir des contacts humains et parler au téléphone et [qu’elle] connaissai[t] personnellement une partie des membres du personnel de l’unité du SIGV ». Elle a déclaré qu’elle n’avait pas reçu beaucoup de formation sur l’utilisation du courrier électronique, avant de dire que [traduction] « les courriels étaient [son] point faible ».

57 Au sujet de la réprimande écrite du 9 février 2000 (pièce E-12), la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que M. Weldon ne connaissait pas son propre travail et qu’elle lui avait montré ce qu’il avait à faire, mais qu’il était toujours obligé de demander de l’aide aux autres quand il avait des problèmes dans l’unité d’évaluation des biens immobiliers. Elle a déclaré qu’il faisait erreur quand il disait qu’il y avait 20 dossiers en suspens à consigner. Les 20 unités de consultation en question avaient déjà été entrées dans le SIGV et les dossiers étaient fermés. La fonctionnaire dit qu’elle n’a pas réussi à les réactiver dans le système et qu’il n’y avait pas de temps de traitement à consigner. M. Weldon voulait simplement que les données figurent dans les résultats de fin d’exercice. En réponse à une question que je lui ai alors posée pour obtenir des éclaircissements, la fonctionnaire a déclaré que les directives de M. Weldon équivalaient à lui demander de fermer les yeux sur un acte frauduleux.

58 En ce qui concerne l’absence présumée de regrets à la suite de la décision de M. Weldon de la suspendre pour le reste de la journée, le 16 février 2000, la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que pour éprouver du regret, il aurait d’abord fallu qu’elle eût fait quelque chose de mal. Elle a poursuivi en disant : [traduction] « l’intimidation et le harcèlement incessants ont fait que la situation était devenue difficile ce jour-là ». Elle a ajouté qu’elle avait été obligée de prendre un congé de maladie en raison du stress et des problèmes de santé que cette situation lui avait occasionnés.

59 La fonctionnaire s’estimant lésée a décrit les mesures de harcèlement et d’intimidation dont elle se disait victime. Elle a accusé M. Weldon de lui avoir suggéré à plusieurs reprises d’abandonner son grief, à défaut de quoi [traduction] « il allait [le] lui faire payer ». Elle a déclaré que M. Weldon la prenait parfois à partie à son poste de travail. Il lui avait dit : [traduction] « on a besoin de sang neuf ici ». Au dire de la fonctionnaire, M. Weldon s’assurait qu’il n’y avait pas de témoins quand il s’en prenait ainsi à elle.

60 La fonctionnaire s’estimant lésée a décrit le contenu d’un courriel en date du 24 juillet 2000, dans lequel il était écrit qu’on envisageait d’affecter quelqu’un d’autre temporairement, par intérim, à son poste d’attache (pièce G-4), ce qui, selon elle, constituait [traduction] « une mesure d’intimidation ».

61 La fonctionnaire s’estimant lésée en est ensuite venue aux circonstances de l’incident avec M. Weldon, le 2 octobre 2000. Elle a déclaré qu’elle avait appelé Mme Engineer parce que cette dernière lui avait demandé de la rappeler à propos d’un dossier du SIGV. La fonctionnaire a confirmé qu’elle avait communiqué avec Mme Engineer par téléphone tout en sachant que cela lui était interdit. Elle a déclaré que le dossier en question était resté sur le bureau de M. Weldon du 26 au 29 septembre 2000 et que les évaluateurs voulaient que les données soient entrées rapidement parce qu’ils avaient un objectif budgétaire à respecter. Elle a ajouté qu’elle ne voulait pas leur déplaire.

62 La fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué que, dès son arrivée au travail le lundi 2 octobre 2000, M. Weldon lui avait annoncé qu’elle était suspendue. Dans la déclaration écrite qu’elle a remise à son représentant syndical (pièce E-23), elle admet qu’elle lui a fait une remarque déplacée ce jour-là. Elle dit qu’elle a ensuite quitté brièvement son poste de travail pour aller parler avec un collègue. En revenant à son bureau, elle a croisé M. Weldon. Voici comment elle décrit la suite des événements : [traduction] « J’ai tendu le pied, ne me demandez pas pourquoi, c’était juste une réaction de ma part ». Elle n’arrive pas à comprendre pourquoi M. Weldon soutient qu’elle a essayé de lui donner un coup de pied. Elle dit que ce n’était pas un geste délibéré de sa part et qu’elle s’en est excusée immédiatement.

63 Concernant la question de M. Weldon au sujet des films à faire développer, la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que M. Weldon aurait pu regarder lui-même dans la boîte de collecte. Elle croit qu’elle était au téléphone à ce moment-là.

64 La fonctionnaire s’estimant lésée a terminé son témoignage un lisant un extrait des Principes de la fonction publique du Canada(pièce G-1), où il est dit que les fonctionnaires servent« […] les Canadiens et les Canadiennes […] avec intégrité, honnêteté, équité, sincérité, ouverture d’esprit, respect, représentativité et courage ». Elle a ajouté qu’il [traduction] « f[allait] mettre un frein à la fraude et la falsification de données avant de perdre lecontrôle de la situation » et que [traduction] « les gestionnaires ne devraient jamais demander à leur personnel de faire quoi que ce soit de frauduleux ».

65 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire s’estimant lésée a continué d’affirmer que le M.O.I. 12(25) n’existait plus 2000 et que les procédures se trouvaient plutôt en ligne dans le SIGV. Elle a admis que les évaluateurs lui demandaient de rouvrir des dossiers fermés pour y consigner du temps de traitement post-évaluation, et que c’était facile à faire. Elle a déclaré [traduction] : « Il suffisait de rouvrir le dossier, les évaluateurs apportaient ensuite des corrections, qu[’elle] vérifiai[t] à l’aide de [leurs] feuilles de temps ». Elle a de nouveau admis qu’elle n’avait pas appliqué la procédure de consignation que M. Weldon lui avait imposée. Elle considérait que les 20 nouveaux dossiers en cause se trouvaient déjà dans son [traduction] « rapport platine », d’où son refus de les consigner à nouveau.

66 Concernant la formation donnée aux membres du personnel de l’unité du SIGV en décembre 1999, l’employeur a voulu savoir si elle avait obtenu l’autorisation de M. Weldon pour s’acquitter de cette tâche. Après avoir répondu que oui, elle a déclaré que c’était peut-être la personne qui l’avait remplacé pendant ses vacances qui lui avait donné cette autorisation. Elle a dit qu’elle [traduction] « n’aurai[t] pas donné de la formation sans en avoir reçu l’autorisation; [on lui] a[avait] adressé une demande et [elle s’était] exécutée à deux reprises ».

67 L’employeur a demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée de confirmer qu’elle n’avait pas utilisé le courrier électronique pour communiquer avec l’unité du SIGV/SGVE, contrairement aux directives reçues de M. Weldon. La fonctionnaire a indiqué qu’elle avait de la difficulté avec le courrier électronique, qu’elle ne savait pas dactylographier et qu’elle [traduction] « ne conna[issait] rien à l’informatique quand [elle] a[vait] quitté le secteur ». Elle a affirmé que M. Weldon avait tenté de l’aider à deux ou trois occasions, mais qu’elle ne savait pas comment utiliser le logiciel de courrier électronique. On lui a alors demandé si elle avait déjà réussi à envoyer des courriels, ce à quoi elle a répondu qu’elle en avait expédié [traduction] « par pur hasard », mais qu’elle [traduction] « avai[t] de la difficulté dans ce domaine ». La fonctionnaire a confirmé qu’elle avait réussi à expédier des lettres par courrier électronique après son départ de l’unité d’évaluation des biens immobiliers en octobre 2000, mais qu’avant cela, [traduction] « elle avait fait de son mieux ».

68 Au sujet des événements du 2 octobre 2000, l’employeur a demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée si elle en voulait à M. Weldon. Elle a répondu qu’elle n’était pas vraiment en colère contre lui, mais que son harcèlement la perturbait. Quand on lui a demandé si elle avait donné un coup de pied à M. Weldon, elle a répondu qu’elle ne l’avait pas frappé, que c’était M. Weldon qui était contrarié et qui [traduction] « cherchait des moyens de s’en prendre à [elle] ». Elle a ajouté qu’elle s’était excusée et qu’elle [traduction] « ne sa[vait] pas pourquoi [elle] a[vait] tendu le pied, [qu’]il [l]’a[vait] piégée ».

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

69 La conduite de la fonctionnaire s’estimant lésée équivaut-elle à de l’insubordination? Le cas échéant, la décision de la direction de lui imposer des sanctions disciplinaires était-elle raisonnable eu égard aux circonstances qui existaient à ce moment-là? Ce sont là les questions que je dois trancher, selon l’employeur.

70 L’employeur estime que ma compétence se limite aux deux suspensions mentionnées dans les griefs (pièces E-1 et E-2) : la première, d’une durée de cinq heures et demie, le 16 février 2000, et la seconde, d’une durée de trois jours, à partir du 16 octobre 2000. L’employeur soutient que je n’ai pas la compétence voulue pour trancher l’aspect du premier grief ayant trait à la réprimande écrite.

71 La fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas le droit de soulever la question de la présumée violation de son droit contractuel à la présence d’un représentant syndical durant une réunion avec la direction, qui constitue l’objet de son second grief. En vertu de l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne Loi, le fonctionnaire qui allègue une violation de la convention collective doit, pour renvoyer un grief à l’arbitrage, obtenir l’approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter à l’arbitrage. Dans ce cas-ci, la fonctionnaire s’estimant lésée se représente elle-même. L’absence de représentation syndicale fait totalement obstacle à l’arbitrage de la prétendue violation de la convention collective.

72 Au cas où je me déclarerais compétent pour statuer sur ce point, l’employeur avance à titre subsidiaire que la preuve établit clairement que l’entretien téléphonique du 2 octobre 2000 entre la fonctionnaire s’estimant lésée et M. Amlani s’inscrivait dans le cadre d’une enquête et d’une recherche des faits et non pas d’une mesure disciplinaire. La fonctionnaire a indiqué d’entrée de jeu qu’elle préférait avoir une rencontre personnelle en présence de son représentant syndical, mais elle a volontiers accepté de discuter avec lui au téléphone de l’incident qui était survenu avec M. Weldon plus tôt dans la journée. L’employeur avait pleinement le droit d’avoir rapidement un entretien de cette nature avec une employée et cela n’était en aucun cas contraire à la politique applicable. La distinction qui existe entre une réunion à des fins d’enquête et une réunion disciplinaire est attestée par une série de décisions arbitrales, dont la plus récente est celle qui a été rendue dans l’affaire Thompson c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2007 CRTFP 71. Étant donné que l’entretien avec la fonctionnaire s’estimant lésée s’inscrivait dans le cadre d’une enquête plutôt que d’une mesure disciplinaire, la jurisprudence corrobore la prétention de l’employeur voulant qu’aucun droit de la fonctionnaire n’ait été violé.

73 À titre subsidiaire encore, l’employeur avance que Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.) (QL), établit que les vices de procédure qui surviennent durant ou après une enquête sont réparés par la tenue d’une audience de novo devant l’arbitre, qui peut examiner le bien-fondé des prétentions du fonctionnaire s’estimant lésé.

74 Suivant l’un ou l’autre argument subsidiaire, l’aspect du second grief ayant trait au processus d’entrevue et à la prétendue violation du droit de la fonctionnaire à être représentée par l’agent négociateur doit être rejeté.

75 Pour prouver qu’il y a eu faute de conduite et, partant, insubordination, ce que conteste la fonctionnaire dans son premier grief, l’employeur a admis qu’il devait démontrer qu’un ordre avait réellement été donné, que cet ordre avait été clairement donné à la fonctionnaire s’estimant lésée, que la personne ayant donné l’ordre avait l’autorité requise et que la fonctionnaire avait refusé d’en prendre acte ou d’y obéir : Nowoselsky c. le Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14291 (19840724).

76 La fonctionnaire s’estimant lésée était assujettie à la règle bien établie selon laquelle il faut [traduction]« obéir d’abord et se plaindre ensuite ». Les dérogations particulières à cette règle se limitent aux situations où un ordre « […] met en péril [la] santé et [la] sécurité [de l’employé s’estimant lésé] ou […] oblige [l’employé] à commettre un acte illégal; dans le cas d’un représentant syndical, il en résulterait des préjudices irréparables aux intérêts d’autres employés […] » : Nowoselsky, à la page 15. Aucune des dérogations reconnues ne s’appliquait dans le cas du premier grief.

77 M. Weldon a démontré qu’il avait donné deux directives à la fonctionnaire s’estimant lésée : la première était de créer des numéros fictifs de cas et de dossier pour consigner le temps de traitement post-évaluation en vertu du M.O.I. 12(25) en vigueur en septembre 1998 (pièces E-7, E-8 et E-9); et la deuxième, de ne pas communiquer avec l’unité du SIGV (et du SGVE par la suite) autrement que par courrier électronique et de faire part de ses doléances au sujet de l’unité du SIGV/SGVE à son chef d’équipe (pièce E-6).

78 À propos de la première directive, la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas caché durant son témoignage qu’elle ne croyait pas en la nouvelle politique, peut-être en raison d’un véritable malentendu ou parce qu’elle croyait que ce serait contraire à l’éthique que de s’y conformer. Quoi qu’il en soit, la preuve indique qu’elle a persisté dans son refus d’appliquer la politique en dépit de la consigne que son chef d’équipe lui avait clairement donnée. M. Weldon a confirmé dans son témoignage que la politique en question était en vigueur pendant toute la durée de la période visée par les griefs et que l’administration centrale l’avait chargé de sa mise en œuvre. Il avait aussi obtenu l’autorisation d’utiliser la méthode particulière de consignation du temps de traitement post-évaluation que la fonctionnaire refusait d’appliquer.

79 Le refus de la fonctionnaire s’estimant lésée de créer des numéros fictifs de cas et de dossier pour consigner le temps de traitement post-évaluation a incité les évaluateurs à faire part de leurs préoccupations à M. Weldon relativement à l’arriéré de dossiers supplémentaires nécessitant une rétroaction (pièce E-8). M. Weldon a tenté de résoudre les problèmes opérationnels persistants en tenant une réunion du personnel, le 2 février 2000, puis en rencontrant la fonctionnaire. Les efforts de M. Weldon démontrent que la direction a tenté à maintes reprises de communiquer avec la fonctionnaire et de trouver une solution à un problème qui prenait de plus en plus d’ampleur, sans succès. La fonctionnaire a persisté dans son refus d’appliquer les directives.

80 Concernant la deuxième directive, il ressort de la preuve que Mme Louie de l’unité du SIGV a écrit à M. Farres, en janvier 1999, et que ce dernier a demandé à M. Weldon d’interdire à la fonctionnaire s’estimant lésée de communiquer avec l’unité du SIGV autrement que par courrier électronique (pièce E-6). La fonctionnaire a refusé d’obéir aux ordres. Elle a admis avoir fait des appels téléphoniques à l’unité du SIGV après avoir reçu la directive, pour la bonne raison qu’elle avait besoin de contacts humains et qu’elle ne connaissait rien à l’informatique.

81 Devant le refus de la fonctionnaire s’estimant lésée d’obéir aux ordres, M. Weldon a décidé de sévir en lui adressant une réprimande écrite, le 9 février 2000 (pièce E-12), dans laquelle il indiquait explicitement qu’il s’attendait à ce qu’elle respecte les directives qui lui étaient données, à défaut de quoi elle s’exposait à d’autres sanctions disciplinaires. La fonctionnaire n’en a pas moins continué de faire fi des ordres, allant même jusqu’à donner des instructions à son supérieur sur la façon de diriger l’unité de travail (pièce E-13). Le 16 février 2000, M. Weldon lui a imposé une suspension de cinq heures et demie en raison de son insubordination persistante.

82 L’employeur en est ensuite venu à la suspension de trois jours non rémunérée faisant l’objet du second grief, en disant que la preuve relative à cet incident était limpide. Après avoir appris, le 2 octobre 2000, que la fonctionnaire s’estimant lésée avait de nouveau communiqué par téléphone avec l’unité du SGVE (le nouveau nom de l’unité en cause), en dépit des directives (pièces E-17 et E-18), M. Weldon l’avait rencontrée et lui avait adressé une réprimande verbale à propos de son insubordination, en la prévenant qu’elle s’exposait à une réprimande écrite en cas de récidive (pièce E-19).

83 Un peu de temps après lui avoir adressé la réprimande verbale, le 2 octobre 2000, M. Weldon, qui se trouvait dans la zone de travail de la fonctionnaire, l’a aperçue qui marchait dans sa direction. Il a fait un pas de côté pour la laisser passer, mais elle aurait marqué un temps d’arrêt et aurait brusquement tendu le pied droit au-dessus de sa chaussure pour lui frapper le tibia. M. Weldon était sûr qu’elle l’avait délibérément frappé, et il en était toujours convaincu à l’audience, Les notes que M. Amlani a consignées ce jour-là après que M. Weldon lui eut relaté l’incident, ainsi que le compte rendu écrit que M. Weldon lui a adressé par la suite confirment cette version des faits (pièces E-21 et E-22).

84 Pour sa part, la fonctionnaire s’estimant lésée a admis qu’elle avait tendu le pied, mais elle ne savait pas pourquoi. Elle a refusé d’admettre qu’elle avait donné un coup de pied. L’employeur lui a demandé pourquoi elle avait tendu le pied, si ce n’était pas pour frapper M. Weldon ou le faire trébucher.

85 Lorsque M. Amlani a discuté de l’incident avec la fonctionnaire s’estimant lésée, il a eu l’impression qu’elle ne lui disait pas toute la vérité au sujet de la prétendue agression. Ce n’est qu’après qu’il lui eut mentionné qu’elle avait tendu le pied qu’elle a admis son geste (pièce E-22). Elle a alors réagi en formulant à son tour des allégations à propos de M. Weldon. M. Amlani a déclaré qu’il avait tenu compte du manque de franchise de la fonctionnaire pour déterminer la sanction à imposer. Compte tenu de l’information dont il disposait, il a décidé qu’une suspension de trois jours était nécessaire dans les circonstances. L’employeur a déclaré que l’incident du coup de pied justifiait à lui seul une telle sanction. Compte tenu du manque de franchise de la fonctionnaire et du fait qu’elle avait déjà fait l’objet d’une mesure disciplinaire, la sanction imposée par M. Amlani était tout à fait raisonnable. M. Amlani était ouvert à l’idée de trouver d’autres façons d’aider la fonctionnaire à résoudre les problèmes qu’elle estimait avoir au travail. Il lui a offert la possibilité de se prévaloir d’un mode substitutif de règlement des différends, mais elle n’a pas jugé bon de le faire.

86 L’employeur a attiré l’attention sur des aspects du témoignage de la fonctionnaire s’estimant lésée qui lui semblaient contradictoires ou déroutants. Par exemple, la fonctionnaire a admis qu’elle avait créé des numéros fictifs de cas et de dossier, comme M. Weldon le lui avait demandé, après avoir dit plus tôt que le M.O.I. 12(25) n’existait plus durant la période où sont survenus les événements ayant donné lieu au premier grief, que la procédure de rapport était contraire à l’éthique, qu’elle avait refusé de l’appliquer et que si c’était à refaire, elle agirait de la même façon. Concernant l’utilisation du courrier électronique, elle a déclaré qu’elle [traduction]« ne conna[issait] rien à l’informatique », alors qu’ailleurs dans son témoignage, elle a reconnu que M. Weldon lui avait montré à quelques reprises comment utiliser le courrier électronique et qu’elle avait expédié un certain nombre de courriels.

87 L’employeur a conclu en disant qu’il s’était acquitté de la charge de démontrer que la fonctionnaire s’estimant lésée avait commis une faute de conduite dans les deux cas où il lui avait imposé une suspension disciplinaire et que ces mesures étaient justifiées et raisonnables.

88 L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes sur la question des mesures disciplinaires découlant d’un refus d’obéir aux ordres et des sanctions à appliquer : Lambert c. le Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossier de la CRTFP 166-02-24197 (19940221); Odusanya c. le Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-25179 (19940209); Imperatore c. le Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes, Accise et Impôt), dossiers de la CRTFP 149-02-169 et 166-02-27963 (19980504); Hogarth c. le Conseil du Trésor (Approvisionnement et Services), dossier de la CRTFP 166-02-15583 (19870331).

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

89 La fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu qu’elle connaissait très bien les procédures à appliquer, ayant travaillé pendant presque 29 ans à l’unité d’évaluation des biens immobiliers. Quand on lui a demandé de créer des numéros fictifs de cas et de dossier pour consigner le temps de traitement post-évaluation, elle a bien été obligée [traduction] « de dire non ». Si elle avait obéi aux ordres, des données auraient été consignées en double dans le SIGV. En cas de vérification de la qualité des dossiers, c’est à elle qu’on aurait posé des questions au sujet des données en double, car elle était la seule personne qui avait le profil informatique voulu pour créer de nouveaux documents. Elle a observé que M. Weldon avait lui-même mentionné qu’il avait l’intention de supprimer cette information des rapports statistiques dans le nouvel exercice.

90 La fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué qu’elle avait maintes et maintes fois demandé à M. Weldon de lui donner des directives écrites à propos de la consignation du temps de traitement post-évaluation, mais qu’il avait refusé. Elle a dit que [traduction] « s’il [lui] avait donné des [directives écrites], [elle] les aurai[t] suivies ». Elle a ensuite déclaré qu’elle [traduction] « ne voulai[t] pas créer de faux dossiers contenant plus de données que nous n’en avions ». Par la suite, dans son argumentation, elle a affirmé que M. Weldon n’arrivait pas à faire toutes les mises à jour dans le SIGV et qu’il aurait dû s’en remettre à sa commis. Elle a déclaré que l’unité d’évaluation des biens immobiliers [traduction] « n’arrivait pas à suivre le rythme, tout comme lui, mais [qu’elle] n’avai[t] pas voix au chapitre ».

91 La fonctionnaire s’estimant lésée a prétendu que M. Weldon l’avait harcelée et intimidée tout au long du processus. Elle estimait qu’il devait porter la responsabilité de sa conduite. Elle a déclaré : [traduction] « Quand quelqu’un n’est pas capable de gérer une section, on doit faire quelque chose; on ne peut pas avoir des gestionnaires qui ne connaissent pas les politiques ni les procédures ». La fonctionnaire a observé qu’elle n’avait pas eu de problèmes avec les précédents chefs d’équipe.

92 La fonctionnaire s’estimant lésée estimait que je n’aurais pas dû admettre les 11 pièces justificatives produites par l’employeur, c’est-à-dire les notes consignées par M. Weldon. Elle a émis l’opinion que n’importe qui pouvait avoir rédigé ces notes. Elle a également dit qu’elle trouvait« bizarre » que M. Weldon se serve de ces notes pour former des arguments contre elle.

93 La fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué que le « fil conducteur » de son argumentation était queles fonctionnaires doivent établir les normes de travail les plus rigoureuses qui soit, et non pas [traduction] « falsifier des dossiers ». À plusieurs reprises pendant son argumentation, elle a utilisé les termes [traduction] « contraire à l’éthique », « fraude » et « acte criminel » pour décrire ce que M. Weldon lui demandait de faire relativement à la création de numéros fictifs de cas et de dossier.

94 En ce qui concerne la règle selon laquelle il faut [traduction]« obéir d’abord et se plaindre ensuite », la fonctionnaire s’estimant lésée a répété qu’elle ne pouvait pas obéir aux ordres de M. Weldon relativement à la consignation du temps de traitement post-évaluation parce que cela n’était pas prévu dans la politique applicable et qu’elle aurait pu perdre son emploi. Elle a ajouté que cette règle devait être changée.

95 La fonctionnaire s’estimant lésée a ajouté : [traduction] « C’est terriblement injuste de causer un préjudice à une personne et de la priver de son gagne-pain ».

96 Après que la fonctionnaire s’estimant lésée eut conclu son argumentation, je lui ai demandé de préciser sur quelle preuve elle se fondait pour affirmer que la création de numéros fictifs de cas et de dossier constituait une fraude ou un acte criminel, ce à quoi elle a répondu : [traduction] « Plus personne ne possède cette preuve ».

C. Réfutation de l’employeur

97 L’employeur a formulé des réserves au sujet de la prétention de la fonctionnaire s’estimant lésée selon laquelle la procédure de consignation du temps de traitement post-évaluation était contraire à l’éthique. Il a déclaré que rien dans la preuve dont je disposais ne me permettait de tirer une telle conclusion. M. Amlani a même témoigné qu’une autre unité appliquait la procédure que M. Weldon avait demandé à la fonctionnaire d’utiliser.

98 Les consignes que M. Weldon a données à la fonctionnaire sur l’utilisation du courrier électronique pour communiquer avec l’unité du SIGV/SGVE n’étaient pas arbitraires. Elles faisaient suite à un appel de M. Farres, qui avait reçu une demande de la gestionnaire de l’unité du SIGV à propos des communications de la fonctionnaire (pièce E-6).

V. Motifs

A. Le premier grief

1. Compétence

99 L’employeur s’est opposé à ce que je statue sur le premier aspect du grief en date du 6 mars 2000 se rapportant à la réprimande écrite du 9 février 2000.

100 J’estime que l’objection de l’employeur est justifiée dans ce cas-ci. En vertu de l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne Loi, dans les affaires de discipline mettant en cause des fonctionnaires de l’ADRC (nom que l’ARC portait alors) qui ne sont pas visés à l’alinéa 92(1)b), la compétence de l’arbitre de grief se limite aux mesures disciplinaires entraînant « […] le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire ». Si la preuve dont je dispose en l’espèce indique que la réprimande écrite du 9 février 2000 a été suivie, peu de temps après, le 16 février 2000, d’une suspension non rémunérée, qui elle aussi est contestée dans le même grief, il n’en reste pas moins que les incidents ayant donné lieu aux deux mesures disciplinaires sont indépendants l’un de l’autre. Il s’ensuit que pour trancher la question de ma compétence en vertu de l’alinéa 92(1)c), il faut que la réprimande écrite soit examinée séparément. Comme il s’agit d’une mesure disciplinaire autre qu’un licenciement, une suspension ou une sanction pécuniaire, l’arbitre de grief ne peut exercer sa compétence, en vertu de l’alinéa 92(1)c), pour statuer sur la réprimande écrite. Pour ce motif, je conclus que, dans le cas du premier grief, ma compétence se limite à la question du bien-fondé de la suspension non rémunérée du 16 février 2000.

2. Bien-fondé

101 Dans l’avis écrit par lequel il suspend la fonctionnaire pour le reste de la journée, le 16 février 2000, l’employeur indique que cette mesure lui est imposée parce qu’elle « […] a[…] désobéi aux consignes le 15 février et refusé d’admettre [ses] torts ce matin[-là] […] » (pièce E-16). L’employeur a défendu la position que la décision de M. Weldon de sévir contre la fonctionnaire, le 16 février 2000, visait à sanctionner deux fautes de conduite, soit son refus de respecter la directive lui interdisant de communiquer avec l’unité du SIGV autrement que par courrier électronique et son refus de consigner le temps de traitement post-évaluation de la façon dont on le lui avait demandé, c’est-à-dire en créant des numéros fictifs de cas et de dossier.

102 Il semble acquis que la fonctionnaire s’estimant lésée a reçu de son employeur l’ordre explicite de ne pas communiquer avec l’unité du SIGV autrement que par courrier électronique. Cet ordre lui a été donné par M. Farres, un gestionnaire qui avait assurément l’autorité requise pour donner cette directive. M. Weldon, le chef d’équipe, a transmis l’ordre à la fonctionnaire. Le fait qu’elle ait refusé d’y obéir au moins une fois me semble également acquis. Il ressort de la preuve non contestée que Mme Cheng a téléphoné à M. Weldon, le 8 février 2000, pour lui dire que la fonctionnaire avait communiqué avec l’unité du SIGV par téléphone à propos de la réouverture d’un dossier (pièce E-10). Quand on l’a interrogée sur cet incident, la fonctionnaire a admis qu’elle avait l’habitude de communiquer avec l’unité du SIGV par téléphone, à tout le moins quand il s’agissait de fermer un dossier. Elle a n’a pas nié à ce moment-là, ni à l’audience, que l’incident que Mme Cheng avait rapporté à M. Weldon était vrai.

103 À en juger par ces éléments de preuve, j’estime que les quatre conditions qui sont énoncées dans Nowoselsky pour déterminer s’il y a eu désobéissance à un ordre sont réunies : l’employeur a donné un ordre; il a clairement donné cet ordre à la fonctionnaire s’estimant lésée; la personne qui a donné l’ordre avait l’autorité requise; et la fonctionnaire a refusé au moins une fois d’obéir à l’ordre. La fonctionnaire s’est donc rendue coupable d’insubordination.

104 Je conclus néanmoins que l’employeur ne s’est pas acquitté de la charge qui lui incombait de prouver que c’est le refus de la fonctionnaire d’obéir à la directive qui lui avait été donnée à propos de ses communications avec l’unité du SIGV qui explique la suspension de cinq heures et demie qui lui a été imposée le 16 février 2000. M. Weldon indique explicitement dans l’avis de mesure disciplinaire en date du 16 février 2000 que la faute de conduite en cause est survenue la veille, le 15 février 2000 (pièce E-16). Il écrit, et je cite : [traduction] « […] vous êtes suspendue […] pour avoir désobéi aux ordres, le 15 février […] ». L’employeur ne m’a pas démontré que, ce jour-là, la fonctionnaire avait communiqué avec l’unité du SIGV d’une manière qui lui était interdite. D’après la preuve dont je dispose, l’incident mettant en cause l’unité du SIGV qui est survenu ce jour-là  n’a rien à voir avec une communication non autorisée de la fonctionnaire; il se rapporte plutôt à la note qu’elle a adressée à M. Weldon et aux propos qu’elle lui a tenus afin que l’unité du SIGV communique avec l’unité d’évaluation des biens immobiliers par courrier électronique seulement (pièces E-13 et E-14). En discutant de cette question avec M. Weldon, la fonctionnaire a refusé d’obéir à un ordre de créer des numéros fictifs de cas et de dossier (pièce E-14).

105 Il n’est pas exclu que la note ou les observations de la fonctionnaire s’estimant lésée visant à obliger l’unité du SIGV à communiquer avec l’unité d’évaluation des biens immobiliers par courriel seulement constituent en soi de l’insubordination. Il n’est pas exclu non plus que l’insubordination auquel M. Weldon fait référence dans son avis de mesure disciplinaire englobe les deux fautes de conduite. Il reste qu’à l’audience, l’employeur a défendu la position que la faute de conduite qui avait donné lieu à la mesure disciplinaire du 16 février 2000 était le double refus de la fonctionnaire d’obéir aux consignes et d’admettre ses torts. En toute justice pour la fonctionnaire, il n’y a pas lieu d’accorder beaucoup d’importance ici à la preuve distincte de ses remarques orales et écrites à propos des communications « provenant » de l’unité du SIGV.

106 Comme je l’ai mentionné précédemment, l’employeur n’a pas démontré que la fonctionnaire s’estimant lésée avait eu des communications non autorisées avec l’unité du SIGV le 15 février 2000. La preuve directe que nous avons de telles communications nous vient de Mme Cheng, qui a rapporté à M. Weldon, le 8 février 2000, que la fonctionnaire avait communiqué avec l’unité du SIGV par téléphone, ce qui lui a valu une réprimande écrite, le 9 février 2000 (pièce E-12). En l’absence de preuve que la fonctionnaire avait continué d’ignorer la directive reçue à propos de ses communications avec l’unité du SIGV après le 8 février 2000, rien ne justifiait de sanctionner à nouveau cette faute de conduite, le 15 février 2000. La réprimande écrite antérieure avait réglé la question.

107 Ce qu’il nous reste dès lors à examiner pour expliquer la mesure disciplinaire du 16 février 2000, c’est le prétendu refus de la fonctionnaire s’estimant lésée d’obéir aux directives reçues à propos de la consignation du temps de traitement post-évaluation et de reconnaître ses torts à cet égard. En ce qui a trait à la preuve de l’insubordination, il me semble acquis, ici aussi, que les quatre conditions essentielles énoncées dans Nowoselsky que j’ai énumérées plus tôt sont réunies : l’employeur a donné un ordre; la personne ayant donné l’ordre avait l’autorité requise; l’employeur a clairement donné l’ordre à la fonctionnaire; celle-ci a refusé d’y obéir.

108 M. Weldon a témoigné qu’après la réunion avec le personnel, le 2 février 2000, il avait rencontré la fonctionnaire s’estimant lésée et lui avait expliqué comment appliquer une nouvelle procédure pour consigner le temps de traitement post-évaluation en créant des numéros fictifs de cas et de dossier dans le SIGV. M. Weldon était le supérieur de la fonctionnaire et à ce titre, il était en droit d’exiger que ses directives soient appliquées. Il les avait données clairement et la fonctionnaire les avait comprises. La fonctionnaire a clairement expliqué comment elle réagissait à ce genre de directives. Elle a confirmé plusieurs fois qu’elle avait refusé d’appliquer la directive de M. Weldon de consigner le temps de traitement post-évaluation en créant des numéros fictifs de cas et de dossier. Elle a déclaré volontairement et sans exprimer aucune réserve qu’elle refuserait encore aujourd’hui d’appliquer les mêmes directives. En ce qui concerne l’allégation qu’elle aurait passé outre aux directives, le 15 février 2000, la fonctionnaire n’a pas contesté les faits allégués par l’employeur.

109 Il y a divergence de vues sur deux aspects du refus de la fonctionnaire s’estimant lésée. Le premier est d’ordre factuel. La fonctionnaire a témoigné que le M.O.I. 12(25) n’était pas en vigueur à l’époque où M. Weldon lui a imposé les mesures disciplinaires. M. Weldon a affirmé le contraire dans son témoignage. Le second aspect est plus fondamental. La fonctionnaire a soutenu qu’elle ne pouvait pas appliquer les directives de M. Weldon parce qu’elles étaient contraires à l’éthique ou à la loi ou frauduleuses. Cet argument soulève la question de savoir si la fonctionnaire était confrontée à une situation où elle était justifiée de faire fi de la règle normale qui consiste à obéir d’abord et à se plaindre ensuite; en d’autres termes, son refus était-il fondé et pertinent au vu de la nature de la directive qu’elle avait reçue? Même si la fonctionnaire n’a pas formulé la question exactement en ces termes, elle n’en a pas moins soutenu que la règle devait être changée. Elle a très clairement exprimé sa conviction que son intégrité personnelle lui interdisait d’obéir aux ordres, au même titre que son appréciation des obligations imposées aux fonctionnaires par les Principes de la fonction publique du Canada (pièce G-1). Ajoutons à cela son utilisation des termes [traduction] « contraires à l’éthique », « frauduleuses » et « interdites par la loi » pour décrire les directives de M. Weldon et on aboutit à un argument voulant que je la soustraie à l’obligation d’obéir aux ordres et que je l’absolve de l’allégation d’insubordination.

110 Au sujet du premier point — c’est-à-dire si le M.O.I. 12(25) était en vigueur —, la pièce E-7 déposée par M. Weldon établit que le M.O.I. 12(25) était effectivement en vigueur en septembre 1998. M. Weldon a témoigné que le manuel s’appliquait encore durant la période visée par les griefs, qu’il permettait aux évaluateurs de faire consigner leur temps de traitement post-évaluation et que la nouvelle procédure adoptée lors de la réunion avec le personnel, le 2 février 2000, était une bonne façon de procéder pour consigner ce temps. M. Weldon a par la suite confirmé qu’il avait reçu l’autorisation de l’administration centrale de créer des numéros fictifs de cas et de dossier à cette fin. M. Amlani a indiqué — il s’agit là d’un détail crucial — qu’une autre section de l’organisation avait appliqué la même procédure et il a émis l’opinion qu’elle n’était aucunement contraire à l’éthique. Malheureusement, M. Amlani n’a pas fourni de preuve directe pour établir que le M.O.I. 12(25) était en vigueur, mais le fait qu’il ait mentionné qu’un autre service utilisait couramment une procédure qui était cohérente avec la politique du M.O.I. 12(25) m’indique que c’était certainement le cas.

111 En prétendant le contraire, la fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu que les politiques applicables étaient toutes en ligne dans le SIGV durant la période visée par les griefs et qu’elles avaient remplacé le M.O.I. 12(25). Elle n’a cependant pas fourni de preuve pour corroborer cette affirmation. Elle n’a pas non plus produit de documents attestant que l’employeur avait suspendu ou éliminé le M.O.I. 12(25), ni de documentation tirée du SIGV comme tel pour établir le bien-fondé de ses prétentions.

112 Compte tenu de la preuve limitée dont je dispose, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le M.O.I. 12(25) était en vigueur quand la fonctionnaire s’estimant lésée a été suspendue, le 16 février 2000. Le témoignage assuré de M. Weldon sur ce point et la preuve de M. Amlani selon laquelle une autre section appliquait une procédure semblable font pencher la balance en faveur de la thèse de l’employeur. Cela dit, je considère que ma conclusion de fait  à propos de l’existence du M.O.I. 12(25) n’est pas déterminante aux fins de l’analyse en cours. Il n’en reste pas moins que le point essentiel pour l’application des critères établis par Nowoselsky c’est que M. Weldon, à titre de supérieur de la fonctionnaire, lui avait donné des ordres clairs sur la façon de procéder pour atteindre l’objectif relatif à la consignation du temps de traitement post-évaluation — un objectif qui me paraît cohérent avec le contenu du M.O.I. 12(25) — et que la fonctionnaire a refusé d’appliquer ces directives.

113 Les directives de M. Weldon de créer des numéros fictifs de cas et de dossier à cette fin étaient-elles par ailleurs contraires à l’éthique ou à la loi ou frauduleuses?

114 Pour justifier son refus d’appliquer les directives reçues, la fonctionnaire s’estime lésée formule de très graves allégations à propos de M. Weldon. Je suis convaincu qu’elle croyait et qu’elle croit encore sincèrement qu’elle était dans son bon droit en faisant ces allégations. Seulement, cela ne prouve aucunement que ce qu’elle allègue est vrai. Lorsqu’un fonctionnaire s’estimant lésé met si sérieusement en doute la motivation ou la conduite de son supérieur, j’estime qu’il lui incombe de prouver ce qu’il avance, ce que la fonctionnaire n’a pas fait ici.

115 Je déduis du témoignage de la fonctionnaire s’estimant lésée que c’est la possibilité que le travail des évaluateurs soit consigné en double et que cette double consignation fausse le système d’évaluation du rendement de chaque évaluateur ou la productivité de l’unité d’évaluation des biens immobiliers qui faisait que les directives de M. Weldon lui semblaient contraires à l’éthique ou à la loi ou frauduleuses. Il reste qu’elle n’a produit aucune preuve concrète à l’audience pour établir que cette possibilité était bien réelle. Qui plus est, la fonctionnaire a elle-même déclaré à l’audience que : [traduction] « plus personne ne posséd[ait] cette preuve ». Le fait qu’elle n’a pas fourni la moindre preuve pour étayer ses allégations à propos des directives reçues de M. Weldon ou de la motivation de ce dernier mine considérablement sa crédibilité. Dans ce cas-ci aussi, j’estime que la fonctionnaire croyait sincèrement qu’on lui demandait de prendre des mesures qui étaient à tout le moins susceptibles d’être contraires à l’éthique ou à la loi ou frauduleuses; il reste qu’en l’absence de d’éléments de preuve concluants, je dois conclure qu’elle était dans l’erreur. Je suis également troublé par le peu d’éléments de preuve qu’elle m’a fournis pour établir qu’elle avait tenté de défendre ses convictions par d’autres moyens qu’en refusant d’obéir aux ordres M. Weldon, une personne qui, de toute évidence, ne lui inspire aucun respect. Elle a affirmé qu’elle avait discuté de la situation avec M. Farres, mais sans succès; or rien n’indique qu’elle a pris d’autres mesures pour attirer l’attention d’une autre autorité, interne ou externe, sur ce qu’elle considérait comme une fraude ou un acte contraire à la loi. Au contraire, elle a admis en contre-interrogatoire qu’une fois au moins, elle avait créé des dossiers pour consigner du temps de traitement post-évaluation, comme on le lui avait demandé. Cela témoigne d’un manque de cohérence dans la défense de ses convictions au sujet de la nature des directives reçues. Elle a pris la décision d’obéir aux ordres dans certains cas; c’est donc qu’elle pouvait le faire.

116 Je conclus donc que la fonctionnaire s’estimant lésée ne m’a pas fourni matière à la soustraire à l’obligation d’obéir aux directives reçues de M. Weldon, le 15 février 2000, à propos de la consignation du temps de traitement post-évaluation. Son refus d’appliquer les directives de M. Weldon constituait de l’insubordination. Autrement dit, il ne s’agit pas ici d’un cas où il y aurait lieu de déroger à la règle selon laquelle il faut « obéir d’abord et se plaindre ensuite ». J’estime que l’employeur a eu raison de sévir contre la fonctionnaire dans ce cas-ci.

117 Étant donné que cela n’est pas nécessaire pour rendre ma décision, je ne me prononce pas sur le second argument de l’employeur selon lequel le refus de la fonctionnaire de reconnaître ses torts constituait une raison supplémentaire de lui imposer une sanction disciplinaire.

118 La décision de M. Weldon, le 16 février 2000, de renvoyer la fonctionnaire chez elle s’est soldée par une suspension non rémunérée d’une durée de cinq heures et demie. Compte tenu des récentes réprimandes verbales et écrites des 3 et 9 février 2000 respectivement, c’était une sanction somme toute assez légère qui cadrait avec l’optique des mesures disciplinaires progressives. Si la suspension avait été beaucoup plus longue, j’aurais probablement jugé utile d’examiner minutieusement les facteurs aggravants et atténuants afin de déterminer si elle était justifiée. Dans les circonstances, je n’ai, à mon avis, aucune raison d’intervenir dans la décision de l’employeur.

B. Le second grief

1. Compétence

119 Dans son second grief, la fonctionnaire s’estimant lésée conteste « […] la manière dont la direction a procédé pour [l’]interroger avant de [lui] imposer une sanction disciplinaire, c’est-à-dire sans l’informer de [s]on droit d’exiger la présence d’un représentant syndical, comme le prévoit la convention collective ». L’employeur a défendu la position que je n’avais pas la compétence voulue pour examiner cet aspect du grief puisqu’il porte sur l’interprétation ou l’application d’une disposition d’une convention collective. Le fait est qu’en vertu du paragraphe 92(2) de l’ancienne Loi, la fonctionnaire devait obtenir l’approbation de son agent négociateur et son acceptation de la représenter relativement à ce point. Or la fonctionnaire n’était pas représentée par son agent négociateur à l’audience. Par conséquent, la condition préalable énoncée au paragraphe 92(2) n’a pas été remplie.

120 Si fondée que puisse être l’objection de l’employeur, je ne crois pas qu’il me soit nécessaire de statuer sur ma compétence. En aucun moment au cours de l’audience l’une ou l’autre partie n’a déposé la convention collective à laquelle l’employeur aurait contrevenu ni précisé les dispositions qui étaient en cause. La fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas soulevé la question de [traduction] « […] la manière dont la direction a procédé pour l’interroger avant de [lui] imposer une sanction disciplinaire» dans son témoignage, ni n’a fait allusion à cet élément dans son argumentation. N’ayant devant moi ni convention collective ni observations de la fonctionnaire à propos de son interprétation, je n’ai pas à me prononcer sur quoi que ce soit. Je rejette donc sommairement l’aspect du second grief ayant trait au caractère irrégulier de la procédure disciplinaire appliquée par l’employeur.

121 Dans le second grief, la fonctionnaire s’estimant lésée conteste également « […] la décision de [la] retirer de l’unité d’évaluation des biens immobiliers no 443-32 ». Hormis l’avis de mesure disciplinaire de M. Amlani en date du 16 octobre 2000 (pièce E-24) avisant la fonctionnaire de sa réaffectation, je dispose de peu d’éléments de preuve sur le « retrait » de celle-ci. M. Amlani et la fonctionnaire ont tous les deux fait brièvement allusion, dans leur témoignage, à l’affectation de la fonctionnaire dans une autre section. Ni l’une ni l’autre partie n’a toutefois formulé d’observations particulières, dans sa plaidoirie finale, à ce propos. Si la fonctionnaire demande dans son grief [traduction] « […] d’être réintégrée dans [ses] fonctions initiales […] », elle est demeurée muette sur ce point dans son argumentation. L’audience s’est en grande partie déroulée comme si la fonctionnaire avait décidé de ne pas plus contester la décision de l’employeur de l’affecter à une autre unité.

122 On pourrait être fondé à se demander si la décision de l’employeur de réaffecter la fonctionnaire s’estimant lésée constitue en soi une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire, au sens de l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne Loi et une question qui relève dès lors de la compétence d’un arbitre de grief. À mon sens, pour en arriver à une telle conclusion, il aurait fallu démontrer que la décision de l’employeur de réaffecter la fonctionnaire à une autre unité constituait une suspension, avait entraîné une sanction pécuniaire ou avait porté atteinte à la relation d’emploi d’une manière équivalente à un licenciement. C’est à la fonctionnaire qu’incombait la charge d’établir que la décision de l’employeur constituait une mesure disciplinaire au sens de l’alinéa 92(1)c). Comme elle a failli à la tâche à cet égard, je conclus que je n’ai pas à poursuivre l’analyse de cette question ici. Je signale en outre que la question de la réparation à accorder relativement au « retrait » de la fonctionnaire est vraisemblablement devenue sans objet dans les faits, puisque la fonctionnaire est maintenant à la retraite.

2. Bien-fondé

123 Dans l’avis de mesure disciplinaire en date du 16 octobre 2000 (pièce E-24), M. Amlani conclut que la fonctionnaire s’estimant lésée a délibérément donné un coup de pied à M. Weldon, le 2 octobre 2000. Il considère aussi qu’elle lui a fait des déclarations contradictoires et peu crédibles à propos de cet incident. L’inconduite de la fonctionnaire et son comportement ultérieur l’incitent à lui imposer une suspension de trois jours.

124 Dans sa lettre, M. Amlani invoque l’agression dont M. Weldon aurait été victime pour justifier la mesure disciplinaire. Cette lettre définit les paramètres dont je dois tenir compte pour analyser le bien-fondé de sa décision. Si l’on a prétendu devant moi que la fonctionnaire s’estimant lésée avait continué de désobéir aux ordres jusqu’au matin du 2 octobre 2000 inclusivement, en communiquant avec l’unité du SIGV/SGVE par téléphone, malgré la consigne, ou en refusant de créer des numéros fictifs de cas et de dossier pour consigner le temps de traitement post-évaluation, ce ne sont pas là les raisons que M. Amlani donne dans sa lettre pour justifier la mesure disciplinaire. La question que je dois trancher se limite donc à celle de la prétendue agression. L’employeur a-t-il prouvé que, selon la prépondérance des probabilités, la fonctionnaire avait délibérément donné un coup de pied à M. Weldon ou avait par ailleurs porté atteinte à son intégrité physique? Dans l’affirmative, la suspension de trois jours non rémunérée était-elle une sanction raisonnable dans les circonstances et était-elle proportionnelle à la gravité de la faute, compte tenu des facteurs aggravants et atténuants?

125 La fonctionnaire s’estimant lésée a admis dans son témoignage qu’au moment où elle avait croisé M. Weldon, le matin du prétendu incident, elle avait « tendu le pied » dans sa direction et qu’elle ne savait pas pourquoi elle avait fait cela. Elle a avancé l’hypothèse que c’était « juste une réaction de [sa] part », qu’elle ne l’avait pas fait exprès et qu’elle s’était empressée de s’excuser.

126 Le souvenir que M. Weldon a gardé est que c’était un geste délibéré, que la fonctionnaire s’estimant lésée avait brusquement tenu le pied droit au-dessus de sa chaussure pour lui frapper le tibia, qu’il avait trébuché et que cet incident l’avait bouleversé. La fonctionnaire s’était empressée de s’excuser, certes, mais ses excuses lui avaient paru vides de sens, peu sincères et dénuées d’émotion.

127 Aucun témoin indépendant de l’incident n’a témoigné à l’audience. Le seul autre élément de preuve dont nous disposons, ce sont les notes de M. Amlani relatant les faits que M. Weldon lui avait rapportés plus tard ce jour-là (pièce E-22). Le récit des événements contenu dans ces notes me semble généralement concorder avec le témoignage de M. Weldon à l’audience.

128 Il m’est impossible d’établir avec certitude dans quel état d’esprit se trouvait la fonctionnaire au moment de l’incident et de déterminer si elle a délibérément donné un coup de pied à M. Weldon ou s’il s’agissait d’un geste moins agressif fait sans aucune mauvaise intention. Il reste que, selon la prépondérance des probabilités, le témoignage de M. Weldon me paraît plus crédible, puisqu’il est corroboré par les notes de M. Amlani, lesquelles contiennent le récit de l’incident que M. Weldon lui a fait le jour même. En revanche, la crédibilité de la version de la fonctionnaire est grandement entachée par le peu de détails qu’elle a fournis à propos de l’incident et des raisons qui l’ont poussée à agir de la sorte. Sa déclaration à l’audience selon laquelle M. Weldon essayait [traduction] « de [la] piéger » n’a pas été corroborée, non plus que les propos qu’elle a tenus à M. Amlani après l’incident et selon lesquels [traduction] « […] John [l’]avait agressée, poussée et bousculée physiquement […] » (pièce E-24). J’ajouterai que la fonctionnaire n’a pas repris cette dernière version des faits à l’audience.

129 Je conclus donc que la fonctionnaire a délibérément agressé M. Weldon en lui donnant un coup de pied, ou d’une autre manière.

130 Il est difficile d’imaginer quelles circonstances atténuantes, s’il en est, pourraient être invoquées pour justifier la conduite de la fonctionnaire s’estimant lésée. Pour résumer le contexte, la fonctionnaire a prétendu que M. Weldon la harcelait constamment et lui tenait des propos qui démontraient, à son avis, qu’il était déterminé à se débarrasser d’elle. Il ressortait clairement de son témoignage qu’elle se sentait vulnérable et victimisée depuis un certain temps. La rencontre qu’elle avait eue avec M. Weldon plus tôt dans la matinée et le fait qu’il lui avait alors adressé une réprimande ont vraisemblablement amplifié ses émotions et exacerbé son sentiment de frustration et de victimisation.

131 Cela dit, rien ne peut justifier l’agression physique à l’endroit M. Weldon. Il s’agit là d’une faute de conduite. Je considère que les excuses que la fonctionnaire a adressées à M. Weldon immédiatement après l’incident montrent qu’elle était bien consciente d’avoir mal agi. Elle savait à ce moment-là qu’elle avait fait quelque chose d’inadmissible.

132 Le consensus indéniable qui se dégage de la jurisprudence arbitrale établie, toutes administrations confondues, est que les agressions physiques commises à l’endroit d’un supérieur ou d’un gestionnaire — voire d’un collègue de travail — sont des fautes graves qui doivent être sévèrement punies. Une suspension de trois jours non rémunérée se situe tout à fait dans le registre des mesures disciplinaires qui sont généralement imposées dans des cas semblables. Étant donné que la fonctionnaire avait déjà fait l’objet de plusieurs mesures disciplinaires en 2000, la suspension de trois jours figurait probablement, dans les faits, parmi les mesures les moins sévères qui pouvaient lui être imposées dans le cadre d’un régime de sanctions disciplinaires progressives.

133 Dans le cas qui nous occupe, j’estime que les longs états de service de la fonctionnaire ne peuvent pas être considérés comme un facteur atténuant. Si l’employeur avait imposé une suspension beaucoup plus longue, j’aurais peut-être accepté d’en tenir compte.

134 Pour les fins de la présente analyse seulement, je rejette également la prétention que les allégations de la fonctionnaire à propos de M. Weldon servent à atténuer la gravité de la faute. À cet égard, je dois préciser qu’il ne m’appartient pas ici de tirer une conclusion de fait sur la question de savoir si M. Weldon a harcelé la fonctionnaire de façon continuelle, comme elle le prétend. Même si c’était le cas, cela ne pourrait pas excuser l’agression physique contre lui. La fonctionnaire a formulé un certain nombre d’allégations, durant son témoignage, qui donnent à penser que son supérieur aurait tenu des propos ou eu des comportements extrêmement répréhensibles, c’est le moins que l’on puisse dire. Or, le second grief en litige ici ne contient aucune de ces allégations. La fonctionnaire soutient plutôt que M. Amlani a fait une erreur en lui imposant la suspension de trois jours, le 2 octobre 2000. Aux fins de la présente décision, je dois dire que les allégations de la fonctionnaire à propos de M. Weldon demeurent de simples allégations. Il aurait fallu que la fonctionnaire me présente des preuves supplémentaires plus convaincantes pour que j’y accorde foi. Je n’ai donc aucune raison d’admettre ces allégations dans ma recherche de circonstances atténuantes possibles. Il y aurait peut-être le courriel du 25 juillet 2000 (pièce G-4), dans lequel M. Weldon transmet un message en date du 24 juillet 2000 à un groupe d’employés, y compris la fonctionnaire. Le message indique que la direction envisage d’affecter quelqu’un, par intérim, au poste d’attache de la fonctionnaire. L’employeur n’a pas réussi, à mon avis, à me fournir une explication satisfaisante à propos de ce courriel. La fonctionnaire a prétendu qu’il s’agissait d’une tentative d’intimidation. Je serais porté à partager son point de vue. Quoi qu’il en soit, je ne dispose pas d’autre élément de preuve à propos de l’auteur du message, des raisons pour lesquelles il a expédié ce message ou encore des raisons pour lesquelles M. Weldon a décidé de le faire circuler. Je suis donc incapable de tirer des conclusions solides de la pièce G-4 qui pourraient me servir de point de départ pour établir l’existence de circonstances atténuantes.

135 Je n’ai pas trouvé d’autres facteurs atténuants significatifs en l’espèce et la fonctionnaire s’estimant lésée ne m’en a pas proposé un seul.

136 J’estime, par conséquent, que je n’ai aucune raison de modifier la suspension de trois jours.

137 Bref, je conclus que l’employeur était fondé à imposer une mesure disciplinaire et que la suspension de trois jours était une mesure raisonnable et proportionnelle à la faute.

138 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

139 Les griefs sont rejetés.

Le 25 janvier 2008.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Dan Butler,
arbitre de grief

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