Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé, un employé de l’Agence du revenu du Canada, a été suspendu pendant cinq jours pour être intervenu de manière irrégulière dans une affaire concernant une contribuable - dans le cadre de la procédure de règlement du grief, l’employeur a réduit la sanction à une réprimande écrite - le fonctionnaire s’estimant lésé avait utilisé tous ses crédits de congé de maladie parce que l’enquête et la suspension lui avaient causé beaucoup de stress - l’employeur a fait valoir que l’utilisation des crédits de congé de maladie ne pouvait pas être considérée comme une sanction pécuniaire aux fins d’attribuer la compétence à l’arbitre de grief - l’arbitre de grief a accueilli l’objection soulevée par l’employeur et a rejeté le grief. Objection accueillie. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-11-19
  • Dossier:  166-34-37434
  • Référence:  2008 CRTFP 94

Devant un arbitre de grief


ENTRE

LANCE ROGERS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Rogers c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Evan Heidinger, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Harvey Newman, avocat

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
le 28 octobre 2008.
(Traduction de la CRTFP)

 I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1      Le 20 mai 2004, Lance Rogers (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») a contesté la suspension de cinq jours que lui a imposée l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur »). À ce moment,  le fonctionnaire s’estimant lésé était régi par la convention collective conclue entre l’employeur et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, s’appliquant au groupe Vérification et personnel financier et scientifique (la « convention collective ») du 22 décembre 2000 au 21 décembre 2003. La réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs est datée du 18 décembre 2006, et le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 22 janvier 2007.

2      Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’ « ancienne Loi »).

3      Dans son grief, le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’enquête, la procédure disciplinaire et la mesure disciplinaire imposée par l’employeur violaient son droit à une procédure équitable, ainsi que les articles 24 et 37 de la convention collective. Comme mesure corrective, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé l’annulation de la suspension, le rétablissement du salaire et des avantages perdus, ainsi que des crédits de congé perdus, l’élimination de toute mention de la mesure disciplinaire et une pleine réparation à tous égards.

4      Le 5 juillet 2004, au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a réduit la suspension de cinq jours à une réprimande écrite. En s’appuyant sur cette décision, l’employeur a écrit à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), le 13 février 2007, pour s’opposer à la compétence d’un arbitre de grief étant donné qu’il ne s’agissait plus d’une mesure disciplinaire entraînant une suspension ou une sanction pécuniaire. La Commission a demandé aux parties de soumettre par écrit des arguments sur l’objection soulevée. Elle a reçu les arguments écrits en juin et juillet 2008. L’arbitre de grief a jugé qu’il ne pouvait pas rendre une décision sur la base de ces arguments seulement, et une audience a donc été fixée.

5      Au début de l’audience, les parties ont convenu que l’audience porterait exclusivement sur la preuve et les arguments concernant ma compétence. Il a également été entendu que le témoignage du fonctionnaire s’estimant lésé se limiterait aux éléments reliés à la compétence et, plus particulièrement, à sa prétention selon laquelle une sanction pécuniaire lui a été imposée.

II. Résumé de la preuve du fonctionnaire s’estimant lésé

6      Le fonctionnaire s’estimant lésé travaille comme vérificateur au Bureau des services fiscaux de Burnaby-Fraser. L’employeur l’a suspendu pour avoir agi de façon irrégulière en intervenant pour le compte d’une contribuable.

7      Le fonctionnaire s’estimant lésé estime n’avoir rien fait de mal. Il affirme avoir agi de manière ouverte et n’avoir rien caché à l’employeur. Il a simplement envoyé un courriel pour le compte d’une dame rencontrée lors d’une activité paroissiale. Cette femme lui avait parlé de ses problèmes avec l’Agence du revenu du Canada (l’« Agence ») qui exigeait le remboursement de trois années de prestations fiscales pour enfants lui ayant déjà été versées. Le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas occupé du dossier de la femme dans le cadre de ses fonctions à l’Agence. Cependant, il estimait que la situation était injuste et voulait faire quelque chose pour la corriger.

8      Le fonctionnaire s’estimant lésé a parlé à ses supérieurs qui l’ont avisé de ne pas intervenir personnellement dans le dossier. Quelques mois plus tard, le fonctionnaire s’estimant lésé a assisté à une présentation donnée par un spécialiste de la Direction générale de la politique législative de l’Agence qui traitait notamment des « décrets de remise » pouvant être rendus dans des circonstances spéciales pour régler des litiges entre des contribuables et l’Agence.

9      Peu après la présentation, le fonctionnaire s’estimant lésé a envoyé un courriel au spécialiste lui exposant les problèmes de la femme et lui suggérant d’appeler l’agent de solution des problèmes au bureau du fonctionnaire s’estimant lésé, qui connaissait les problèmes auxquels faisait face la femme. Une période de 18 mois s’est écoulée, et le fonctionnaire s’estimant lésé a finalement appris qu’un décret de remise avait été rendu. Les problèmes de la femme étaient réglés.

10 Le fonctionnaire s’estimant lésé était fier de sa démarche et estimait avoir aidé une personne dans le besoin. Lors de son évaluation de rendement annuelle, il a informé son supérieur de sa réalisation et a demandé qu’une mention soit inscrite dans son évaluation. Son supérieur lui a cependant rappelé qu’on lui avait demandé de ne pas intervenir dans le dossier de la femme.

11  L’employeur a ensuite décidé de lancer une enquête en règle sur la conduite du fonctionnaire s’estimant lésé relativement au dossier de la femme, ce qui a profondément blessé celui-ci. Il avait de la difficulté à dormir et vivait beaucoup de stress. Après avoir consulté son médecin, il a pris un congé de maladie d’un mois environ, en raison de l’extrême stress qu’il vivait à cause de la situation. À son retour au travail après son congé de maladie, les enquêteurs de l’employeur chargés d’établir les faits ont rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé et lui ont expliqué l’accusation qui pesait contre lui. Face à ce nouveau stress, le fonctionnaire s’estimant lésé a de nouveau consulté son médecin. Ce dernier lui a émis un autre certificat médical, et le fonctionnaire s’estimant lésé a pris un autre congé de maladie d’un mois environ.

12 Ces congés de stress étaient étayés de certificats médicaux. Le stress était directement relié à l’enquête et à l’accusation d’inconduite portée par l’employeur. Éventuellement, le fonctionnaire s’estimant lésé a utilisé tous ses congés de maladie. Par la suite, lorsque sa femme est tombée malade et que sa présence était requise, le fonctionnaire s’estimant lésé a pris des congés de maladie sans rémunération.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

13 Selon l’employeur, lorsqu’un fonctionnaire quitte son lieu de travail en prenant un congé de maladie et non pas parce que l’employeur lui demande de quitter, il ne fait pas l’objet d’une mesure disciplinaire et on ne peut pas considérer qu’il s’agit d’une sanction pécuniaire découlant d’une mesure disciplinaire conformément à l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne Loi.

14 Il est possible que le fonctionnaire s’estimant lésé ait ressenti du stress pendant l’enquête, mais l’employeur lui a accordé les congés de maladie demandés. Les congés de maladie n’étaient pas imputables à une intention de l’employeur de le punir, mais étaient plutôt liés au fait que le fonctionnaire était malade. L’employeur n’a pas imposé de congés de maladie.

15 L’employeur a fait valoir que cette affaire se distingue de Massip v. Canada (Treasury Board), [1985] F.C.J. No, 12 C.A. (QL). Dans Massip, la prime de service extérieur de la fonctionnaire, une agente du service extérieur, a été annulée pour des motifs disciplinaires. La Cour d’appel fédérale a jugé que la perte de la prime de service extérieur constituait une sanction pécuniaire et qu’elle découlait immédiatement et inévitablement de la mesure disciplinaire. Dans l’affaire qui nous occupe, l’employeur n’a pas imposé au fonctionnaire s’estimant lésé de prendre des congés de maladie. C’est plutôt le fonctionnaire s’estimant lésé qui a demandé des congés de maladie, et l’employeur les lui a accordés.

16 Dans Procureur général du Canada c. Demers, 2008 CF 873, la Cour fédérale a annulé la décision de l’arbitre de grief, qui avait conclu que le congé de maladie pris par le fonctionnaire s’estimant lésé découlait directement du stress que lui avait causé l’employeur. L’arbitre de grief avait ordonné à l’employeur d’indemniser le fonctionnaire s’estimant lésé pour la perte reliée à son congé de maladie. La Cour n’a pas souscrit au raisonnement de l’arbitre de grief et a déclaré qu’un arbitre de grief de la Commission n’a pas l’expertise nécessaire pour établir que certaines actions de l’employeur pourraient causer une détresse psychologique menant à un congé de maladie. En se prononçant ainsi, l’arbitre de grief a outrepassé ses pouvoirs.

17 L’employeur ne conteste pas le fait qu’une enquête disciplinaire et une mesure disciplinaire peuvent causer du stress aux employés. Cependant, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a fourni aucune preuve médicale démontrant que les congés de maladie étaient une conséquence directe de l’action de l’employeur. En l’absence d’une telle preuve médicale, et compte tenu de Demers, un arbitre de grief ne peut pas conclure que les congés de maladie constituaient une sanction pécuniaire découlant d’une mesure disciplinaire.

18 L’employeur a reconnu que le fonctionnaire s’estimant lésé est un employé hors pair. Cependant, l’employeur était préoccupé par l’intervention du fonctionnaire s’estimant lésé dans le dossier d’une contribuable. Il était en droit de mener une enquête, et l’enquête a été effectuée de bonne foi. Après avoir examiné les circonstances de l’affaire, l’employeur a décidé de réduire la sanction à une réprimande écrite. Depuis, la réprimande écrite a été supprimée du dossier du fonctionnaire s’estimant lésé.

19 L’employeur a également invoqué Parkolub et Hu c. Agence du revenu du Canada, 2007 CRTFP 64, et Price c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 47.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

20 Au début de son argumentation, le fonctionnaire s’estimant lésé a retiré ses allégations de violation des articles 24 et 37 de la convention collective. Comme l’employeur a réduit la mesure disciplinaire à une réprimande écrite, le fonctionnaire s’estimant lésé demande que ses crédits de congé de maladie soient rétablis ou remboursés.

21 Il ne fait aucun doute que les congés de maladie pris par le fonctionnaire s’estimant lésé étaient reliés à l’enquête disciplinaire et à la mesure disciplinaire imposée par l’employeur. Le fonctionnaire s’estimant lésé est devenu stressé, a consulté son médecin et a pris un congé de maladie. Il a liquidé tous ses crédits de congé de maladie et a ensuite subi une perte financière lorsqu’il a dû prendre un autre congé de maladie sans rémunération. Cette perte a découlé de la mesure disciplinaire imposée par l’employeur.

22 La jurisprudence appuie l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel la perte de congés de maladie peut être assimilée à une sanction pécuniaire. Comme il a été établi dans Massip, une sanction pécuniaire ne doit pas nécessairement découler d’une suspension. Dans Massip, c’est une prime de service extérieur qui a été perdue. En l’espèce, ce sont les crédits de congé de maladie. Dans Lavigne c. Conseil du Trésor (Travaux publics), dossiers de la CRTFP 166-02-16452 à 16454, 166-02-16623 et 16624, et 166-02-16650 (19881014), dans Guay c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Impôt), dossier de la CRTFP 166-02-24899 (19950217), et dans Gingras c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), 2002 CRTFP 46, les arbitres de grief de la Commission ont retenu l’interprétation qu’a faite la Cour d’appel fédérale dans Massip.

23 Dans Lavigne, l’arbitre de grief a conclu que l’utilisation des congés de maladie par le fonctionnaire s’estimant lésé pourrait être considérée comme une perte financière équivalente à une sanction pécuniaire imposée par l’employeur. Dans cette décision, l’arbitre de grief a ordonné à l’employeur de rétablir les crédits de congé de maladie du fonctionnaire s’estimant lésé. Dans Guay, l’arbitre de grief a également considéré l’utilisation des crédits de congé de maladie comme une sanction pécuniaire et ordonné à l’employeur de rétablir les crédits de congé de maladie. Dans Gingras, l’arbitre de grief a été appelé à se prononcer sur une objection soulevée par l’employeur faisant valoir que la question de la perte de la prime de service extérieur ne pouvait pas être débattue à l’arbitrage parce que le grief n’en faisait pas mention. L’arbitre de grief a rejeté l’objection et s’est attribué la compétence. 

24 L’employeur ne conteste pas le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé a utilisé ses congés de maladie immédiatement après avoir été informé de la tenue de l’enquête disciplinaire et immédiatement après avoir appris sa suspension. Le fonctionnaire s’estimant lésé a fourni à l’employeur les certificats médicaux à l’appui de ses demandes de congé de maladie, et l’employeur a approuvé ces demandes.

25 La présente affaire se distingue de Demers. Dans cette dernière affaire, l’arbitre de grief est allé trop loin en concluant que l’action de l’employeur avait provoqué l’utilisation des congés de maladie. En l’espèce, l’arbitre de grief devrait appliquer les principes établis dans Massip ou dans Lavigne et Guay. La maladie du fonctionnaire s’estimant lésé est apparue lorsque la mesure disciplinaire lui a été imposée. Il existe un lien direct de cause à effet entre la mesure disciplinaire et le congé de maladie. Dans Demers, le lien direct de cause à effet ne pouvait pas être établi.

IV. Motifs

26 L’employeur a contesté la compétence, à la suite de la réduction de la suspension sans rémunération initiale à une lettre de réprimande, dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Le fonctionnaire s’estimant lésé rétorque qu’il a subi une sanction pécuniaire parce qu’il a dû utiliser ses crédits de congé de maladie. Par conséquent, la seule question devant être tranchée est de savoir si les congés de maladie que le fonctionnaire s’estimant lésé a pris devraient être considérés comme une sanction pécuniaire découlant d’une mesure disciplinaire. Le paragraphe 92(1) de l’ancienne Loi est libellé comme suit :

     92. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur

a) l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale,

b) dans le cas d’un fonctionnaire d’un ministère ou secteur de l’administration publique fédérale spécifié à la partie I de l’annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques,

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

27 En s’appuyant sur Massip, il appert clairement qu’une sanction pécuniaire ne se limite pas nécessairement à une suspension sans rémunération. Dans Massip, c’est la perte de la prime de service extérieur qui constituait une sanction pécuniaire. L’extrait suivant résume bien la logique que la Cour d’appel fédérale a appliquée :

[Traduction]

[…]

Le remboursement des faux frais découlant du service à l’étranger ne constitue qu’un des motifs raisonnables pour l’octroi de la prime de service extérieur. Il s’agit surtout d’une incitation pécuniaire. Je ne vois pas comment son retrait pourrait être considéré comme étant moins une perte pécuniaire que la perte de tout autre élément de la rémunération à laquelle un employé a droit. J’en déduis, en l’absence de preuve ou d’une conclusion contraire, que le mot mutation comporte un élément de permanence.

L’absence de lien entre la sanction pécuniaire et la mesure disciplinaire constitue une considération valable. Toutefois, ce n’est pas le cas en l’espèce. La perte a résulté immédiatement et de façon inévitable de la mesure disciplinaire, par l’application d’une disposition expresse de la convention collective régissant l’emploi de la requérante. Il y avait certainement un lien.

[…]

28 Dans Massip, l’employeur a rappelé la fonctionnaire au Canada et a cessé de lui verser sa prime de service extérieur. La perte a été immédiate et inévitable. En l’espèce, les congés de maladie ont suivi immédiatement l’enquête disciplinaire et la mesure disciplinaire. Cependant, aucune preuve n’a démontré que les congés de maladie étaient inévitables, comme l’était la perte de la prime de service extérieur dans Massip.

29 L’employeur n’a pas obligé le fonctionnaire s’estimant lésé à prendre un congé de maladie. L’employeur a simplement approuvé les congés de maladie lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé lui a soumis ses demandes. La preuve ne me permet pas de conclure que le congé de maladie était inévitable.

30 Dans Demers, la Cour a annulé la décision de l’arbitre de grief parce qu’elle a conclu à l’existence d’un lien entre l’action de l’employeur et la détresse psychologique vécue par le fonctionnaire, sans qu’une preuve scientifique à cet effet ne soit produite. L’extrait suivant est particulièrement intéressant :

[…]

[34] Dans sa décision l’arbitre fait référence à la détresse psychologique de M. Demers. Il faut se rappeler que le champ d’expertise de l’arbitre se situe au niveau des relations de travail et, à moins qu’elle ne se réfère à l’opinion soit d’un médecin ou d’un psychologue lorsqu’elle conclut qu’un certain événement a causé la détresse psychologique chez M. Demers, elle excède clairement sa compétence.

[…]

31 Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a présenté aucune preuve établissant que les congés de maladie étaient une conséquence inévitable de l’enquête et de la mesure disciplinaire imposée par l’employeur. Il a invoqué les décisions Lavigne et Guay pour étayer son argument. Dans ces deux affaires, les arbitres de grief ne se sont pas appuyés sur une preuve d’expert pour établir un lien entre le congé de maladie et l’action de l’employeur. Par ailleurs, les faits de ces deux affaires étaient fort différents des faits de Demers. De plus, les deux décisions ont été rendues avant que la Cour fédérale ne se penche sur la question dans Demers en 2008.

32 Dans Lavigne, l’employeur a ordonné à M. Lavigne de prendre un congé. Il a choisi d’utiliser ses congés de maladie, alors que d’autres gestionnaires également sous enquête ont pris des congés annuels, leur ayant par la suite été remboursés. Les congés de maladie n’ont pas été remboursés à M. Lavigne. Dans Guay, l’arbitre de grief a jugé que les actions de l’employeur étaient telles qu’elles avaient inévitablement causé du stress et qu’à tout le moins une partie du congé de maladie de M. Guay était directement imputable à ces actions.

33 En l’espèce, l’employeur n’a rien fait de mal en décidant de lancer une enquête sur la conduite du fonctionnaire s’estimant lésé. Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il était stressé par le fait que l’employeur mène une enquête. Par la suite, il a subi un autre stress en raison de la mesure disciplinaire lui étant imposée. Il incombait au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer que l’utilisation de ses congés de maladie était une conséquence inévitable de la mesure disciplinaire. Il ne s’est pas acquitté de ce fardeau, et, pour ce motif, j’accepte l’objection soulevée par l’employeur.

34 Je ne suis pas compétent pour instruire le présent grief en l’absence d’une sanction pécuniaire découlant de la mesure disciplinaire prise par l’employeur, conformément à l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne Loi.

35 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

36 J’accepte l’objection soulevée par l’employeur.

37 Le grief est rejeté.

Le 19 novembre 2008.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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