Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a renvoyé à l’arbitrage un grief contestant la façon dont l’employeur avait appliqué la Politique sur le réaménagement des effectifs - l’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait pas compétence pour traiter du grief, car aucune des dispositions permettant un renvoi à l’arbitrage ne visait la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-10-06
  • Dossier:  166-34-34179
  • Référence:  2008 CRTFP 79

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CHARLOTTE RHÉAUME

fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Rhéaume c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
elle-même

Pour l'employeur:
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 8 septembre 2008.

I. Grief renvoyé à l'arbitrage

1  Le 21 janvier 2002, Charlotte Rhéaume (la « fonctionnaire s’estimant lésée ») a déposé un grief contre son employeur l’Agence des douanes et du revenu du Canada, maintenant, pour la partie du revenu, l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur »). La fonctionnaire s’estimant lésée occupait alors un poste classifié au niveau PM-02 et était membre de l’Alliance de la fonction publique du Canada.

2 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne Loi »).

3 Initialement, l’audience du grief devait avoir lieu en novembre 2004. À la demande de la fonctionnaire s’estimant lésée, l’audience a été reportée et fixée de nouveau pour septembre 2005. La fonctionnaire s’estimant lésée a demandé de reporter la date de l’audience une deuxième fois compte tenu qu’elle attendait la décision de la Cour fédérale dans une autre cause qui l’opposait à l’employeur. La décision de la Cour n’a été rendue que le 9 octobre 2007.

4 La fonctionnaire s’estimant lésée a soumis, pour le même grief, trois renvois à l’arbitrage : le premier, le 16 mars 2004 en vertu de l’alinéa 92(1)(c) de l’ancienne Loi, le second, le 16 mars 2004 en vertu de l’alinéa 92(1)(b) de l’ancienne Loi et le troisième, le 23 mars 2004 en vertu du paragraphe 99(1) de l’ancienne Loi. Aucun des trois renvois à l’arbitrage n’a reçu l’approbation de l’agent négociateur. La fonctionnaire s’estimant lésée a ajouté, à la section 15 du premier formulaire de renvoi, ce qui suit : « réaménagement des effectifs » et, à la section 15 du second formulaire de renvoi, elle a ajouté ce qui suit : « congédiement déguisé, rétrogradation et réaménagement des effectifs ».

5 L’énoncé du grief déposé par la fonctionnaire s’estimant lésée se lit comme suit :

Lors de la réunion tenue le 13 décembre 2001 entre les représentants de la gestion et moi-même, ces derniers m’ont appris que je ne pouvais bénéficier de la Politique/Directive sur le Réaménagement des effectifs pour être prioritaire à un poste à la Fonction publique fédérale. Étaient présents lors de cette rencontre, monsieur Michel Gionet en qualité de Directeur int. du BSF de Montréal, monsieur Jack Triassi, Gestionnaire int. Moyennes entreprises et Accise, madame Hélène Garneau, Chef de section Vérification au bureau, madame Catherine Hamel, Conseillère Ressources humaines Vérification, monsieur Jacques Lafleur, Premier Vice-président CEUDA, madame Lyne Landry, Deuxième Vice-présidente CEUDA, monsieur Daniel Paquette, Délégué syndical CEUDA et moi-même. La Politique/Directive sur le Réaménagement s’applique dans mon cas, compte-tenu de toutes les circonstances entourant mon transfert à la Vérification au bureau.

La réunion du 13 décembre 2001 faisait suite à la lettre datée du 29 octobre 2001 de monsieur Michel Gionel, Directeur adjoint de la Vérification à laquelle j’ai répondu le 30 octobre et à ma rencontre avec ce dernier le 15 novembre 2001. Dans sa lettre, M. Gionet m’a informée que, par manque de travail, il ne pouvait maintenir qu’une personne sur le poste d’interprétation technique.

Au 29 octobre 2001, je bénéficiais encore d’une garantie d’emploi de deux ans — une garantie qui a débuté le 1er novembre 1999 lors de mon passage du ministère du Revenu national à l’Agence des douanes et du revenu du Canada. Dans sa lettre du 29 octobre 2001, M. Gionet m’a demandé de me présenter le 31 octobre 2001 à la section de la Vérification au bureau sous la supervision de madame Hélène Garneau. II m’a aussi mentionné que de nouvelles tâches d’Agent d’examen au bureau de niveau PM-02 me seraient assignées temporairement.

Selon la lettre du 29 octobre 2001 de M Gionet et des rencontres avec les gestionnaires (notamment, rencontre avec M. Moinuddin à son bureau le 31 octobre, rencontre avec messieurs Triassi et Moinuddin et madame Hamel le 30 octobre, rencontre avec M. Gionet le 15 novembre), cette mesure devait être pour un court laps de temps dans l’attente de la classification de ma description de tâches. En tout état de cause, mon assujettissement à la Politique/Directive sur le Réaménagement des effectifs remonte au moment de mon transfert du ministère du Revenu national à l’Agence. Compte tenu du fait que, selon l’employeur, les agents d’interprétation technique n’avaient pas à exécuter des tâches en matière de TPS et de l’étude faite par l’employeur en ce qui a trait au volume et à la complexité des tâches, l’employeur doit appliquer la Politique/Directive sur le réaménagement des effectifs telle qu’elle existait avant le 1er novembre 1999.

En effet, le manque de travail dont faitétat la lettre du 29 octobre 2001 de M. Gionet existait depuis 1999, selon la logique de l’employeur. Dans cet ordre d’idées, au 1er novembre 1999, lors de mon transfert du ministère du Revenu national à l’Agence j’aurais du être déclarée excédentaire.

De plus, le 8 juin 2001, l’employeur a transféré également les tâches de TPS de l’Interprétation technique de Montréal à Ottawa. Si l’employeur n’applique pas rétroactivement au 1er novembre 1999 la Politique/Directive sur le réaménagement des effectifs, je demande le rapatriement de mes tâches de TPS à Montréal.

Dans la semaine du 12 novembre 2001, ma nouvelle superviseure madame Hélène Garneau m’a confié des tâches de PM-01 disant que ces tâches étaient plus faciles pour débuter et que les tâches de PM-01 requièrent très peu ou pas de formation. Je lui ai mentionné que je n’ai pas de formation en impôt et que j’estime que le travail à la pièce sans formation technique préalable ne m’apporte rien et nuit à mes chances d’avancement et à mes réalisations personnelles en impôt. Madame Garneau m’a dit qu’elle n’a pas besoin de mes services à titre de PM-02 Elle devait en informer M. Asif Moinuddin.

À ce jour, je demeure à la section de madame Hélène Garneau avec des tâches de PM-01 et je n’ai eu aucune formation en impôt. L’employeur me confie des tâches non spécialisées. Pourtant, l’employeur sait fort bien que je suis qualifiée pour un poste de vérification de groupe AU Accise depuis 1991 (note de service datée du 27 mars 1991 de M. Charbonneau, Chef Programmes de la vérification Accise au Directeur de la vérification Accise). L’employeur nuit à mon image face à mes collègues, à d’autres gestionnaires et aux clients de mon employeur. L’employeur m’atteint dans ma dignité en refusant de me donner des cours en impôt et en me confiant des tâches de niveau PM-01.

À la rencontre que j’ai eue avec M. Gionet le 15 novembre 2001, ce dernier disait vouloir régler le dossier de façon permanente en tenant compte de mes intérêts. II devait, dit-il, vérifier certaines propositions, notamment l’option de priorité, eu égard au poste de Coordonnateur en Environnement dans un ministère pour lequel j’étais en processus de sélection et vérifier aussi des possibilités d’emploi à la section scientifique de Recherche et Développement de I’ADRC.

J’ai su de madame Garneau à la fin de novembre 2001 que mon dossier ne se règlera pas avant la fin de décembre 2001. À la réunion du 13 décembre 2001, les gestionnaires de l’ADRC m’ont dit qu’ils vont me faire une offre raisonnable de groupe et niveau PM-02 et que, pour cette raison, je n’ai pas droit aux Options décrites dans la Politique/Directive sur le réaménagement des effectifs.

Mes supérieurs ont déterminé que j’étais excédentaire en Interprétation technique sans utiliser l’évaluation au mérite. La sélection pour identifier l’employé(e) excédentaire en Interprétation technique n’a pas été faite selon le mérite mais selon le niveau actuel des deux postes.  L’employeur n’a pas de critères pour établir et différencier le niveau de complexité des postes à l’Interprétation technique. L’employeur n’a pas établi de son étude, ni le volume, ni la complexité dont fait état la lettre de M. Gionet du 29 octobre 2001. Mon transfert a été fait arbitrairement.

 De plus, lors de ma rencontre du 9 octobre 2001 avec mon employeur, ce dernier m’a informé que la revue de notre travail en termes de volume et de complexité n’est pas terminée, que la période estivale n’est pas représentative et qu’il ne peut déterminer à ce moment lequel des deux postes d’interprétation sera maintenu. Mon transfert à la Vérification au bureau s’est fait prématurément.

Je possède un DEC en chimie-biologie, un Baccalauréat en Administration des affaires, un Certificat et une Maitrise en Sciences de l’environnement de 60 crédits. Le ministère du Revenu national m’a qualifié pour un poste de vérificateur du groupe AU à l’Accise en 1991, tel que cité précédemment. J’ai réussi le test FI 360 pour des postes de la catégorie Finances du groupe Fi. J’ai de l’expérience variée dans les domaines administratifs et scientifiques dont plus de 14 ans en Accise et 8 ½ ans en interprétations techniques. J’ai aussi de l’expérience en supervision de personnel.

Je considère que:

  • L’employeur m’a transférée prématurément ;
  • L’employeur a violé la Loi sur l’équité;
  • L’employeur nuit à mes chances d’avancement en ne considérant pas mes qualifications, mes expériences et mes intérêts;
  • L’employeur ne me donne pas accès à la formation nécessaire et pertinente;
  • L’employeur m’assigne des tâches non professionnelles de niveau inférieur PM-01 et viole ma dignité;
  • L’employeur nuit à mon image professionnelle;
  • L’employeur me limite l’accès à des affectations dans le domaine scientifique pour lequel je détiens une Maitrise et de l’expérience;
  • L’employeur contrevient à l’article 11 de la Charte canadienne et à la Loi sur l’équité et de son Règlement connexe;
  • L’employeur a violé la Loi et le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique;
  • L’employeur a violé la Loi sur l’Agence des douanes et du revenu du Canada.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

6 La fonctionnaire s’estimant lésée demande comme mesures correctives que l’employeur lui confie des tâches de son groupe et niveau, qu’il lui offre de la formation technique adéquate et qu’il respecte les différentes lois et la Politique sur le réaménagement des effectifs. La fonctionnaire s’estimant lésée demande aussi un accès prioritaire à des emplois spécialisés ou à un poste de son niveau. Comme alternative à ces mesures, la fonctionnaire s’estimant lésée demande que l’employeur rapatrie ses anciennes tâches relatives à la taxe sur les produits et services (« TPS ») à Montréal.

7 La preuve a révélé que la fonctionnaire s’estimant lésée n’a jamais cessé de recevoir son salaire de PM-02 même si pour une période de quelques mois en 2002, elle effectuait des tâches de PM-01. Le 12 juin 2002, la fonctionnaire s’estimant lésée a été mutée de façon permanente au poste d’examinateur principal au bureau de Montréal. La classification de ce poste est PM-02.

8 Le 25 octobre 2004, l’employeur a formulé diverses objections sur la compétence d’un arbitre de grief eu égard aux présents renvois à l’arbitrage. Les parties ont soumis par la suite des arguments écrits. La présente audience a porté sur les objections de l’employeur et la réplique de la fonctionnaire s’estimant lésée. Les arguments écrits des parties y ont été repris et complétés. La présente décision ne porte que sur ces objections.

II. Résumé de l’argumentation de l’employeur

9 L’essence du grief déposé par la fonctionnaire s’estimant lésée a trait à l’application de la Politique sur le réaménagement des effectifs. Cette politique fait partie intégrante de la convention collective intervenue entre l’Agence des douanes et du revenu du Canada et l’Alliance de la fonction publique du Canada pour le groupe de l’exécution des programmes et des services administratifs. La version de la convention collective en vigueur au moment du grief est celle qui expirait le 31 octobre 2000 et qui a été renouvelée le 21 mars 2002.

10 Le premier renvoi à l’arbitrage est daté du 16 mars 2004 et a été fait en vertu de l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne Loi. Cet alinéa a trait au renvoi à l’arbitrage dans les cas d’une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire. Or, il n’est nullement question dans le grief de mesure disciplinaire directe ou déguisée, de licenciement, de suspension ou de sanction pécuniaire. Le renvoi à l’arbitrage ne peut donc être fait en vertu de l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne Loi.

11 Le grief a plutôt trait à la Politique sur le réaménagement des effectifs qui fait partie de la convention collective. Le renvoi à l’arbitrage devrait donc être fait en vertu de l’alinéa 92(1)a) de l’ancienne Loi. Pour faire un tel renvoi, la fonctionnaire s’estimant lésée devait au préalable obtenir, comme le stipule le paragraphe 92(2) de l’ancienne Loi, l’approbation de l’agent négociateur. Or, la fonctionnaire s’estimant lésée a admis qu’elle n’a pas obtenu cette approbation. L’arbitre de grief ne peut donc entendre le grief s’il a trait à la Politique sur le réaménagement des effectifs, c’est-à-dire à la convention collective, car l’agent négociateur n’a pas donné son approbation.

12 Le deuxième renvoi à l’arbitrage est daté du 16 mars 2004 et a été fait en vertu de l’alinéa 92(1)b) de l’ancienne Loi. Cet alinéa a trait au renvoi à l’arbitrage dans les cas d’une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire, ainsi que la rétrogradation. Cet alinéa ne s’applique cependant qu’aux fonctionnaires de l’administration publique fédérale spécifiés à la partie I de l’annexe I de l’ancienne Loi. Ni l’Agence des douanes et du revenu du Canada, ni l’Agence du revenu du Canada, ne faisaient ou ne font partie de cette annexe. L’alinéa 92(1)b) de l’ancienne Loi ne s’applique donc pas à la fonctionnaire s’estimant lésée. Elle ne peut l’utiliser pour renvoyer un grief à l’arbitrage.

13 Dans le deuxième renvoi à l’arbitrage daté du 16 mars 2004, la fonctionnaire s’estimant lésée a ajouté à la section 15 du formulaire ce qui suit : « congédiement déguisé, rétrogradation et réaménagement des effectifs ». Il n’y aucune référence à ces éléments dans le grief. Par le fait même, ces éléments ne peuvent être soulevés à l’étape de l’arbitrage. En les soulevant, la fonctionnaire s’estimant lésée s’est alors trouvée à déposer un nouveau grief ou à modifier substantiellement le grief déjà déposé. Conformément aux principes établis dans l’arrêt Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109, l’arbitre doit s’en tenir au grief soumis initialement et ne peut accepter un grief dont l’essence est changée.

14 Le troisième renvoi à l’arbitrage est daté du 23 mars 2004 et a été fait en vertu du paragraphe 99(1) de l’ancienne Loi. Ce paragraphe ne peut être utilisé par un fonctionnaire individuellement et les renvois qui y sont prévus sont réservés à l’employeur et à l’agent négociateur. Compte tenu que le renvoi a été fait par la fonctionnaire s’estimant lésée et non par l’agent négociateur, il est irrecevable.

III. Résumé de l’argumentation de la fonctionnaire s’estimant lésée

15 La fonctionnaire s’estimant lésée a admis que l’agent négociateur n’a pas signé les renvois à l’arbitrage de son grief. Toutefois, elle soumet que le grief a été signé par la déléguée syndicale de l’agent négociateur lorsqu’il a été déposé. De plus, les représentants syndicaux ont assuré la représentation aux divers paliers de la procédure interne de griefs. Le grief a donc été approuvé par l’agent négociateur.

16 La fonctionnaire s’estimant lésée estime que les diverses décisions de l’employeur concernant l’organisation de la prestation de service ont fait en sorte que son poste devienne excédentaire à la fin de 2001. Elle estime que l’employeur n’a pas appliqué le principe du mérite dans l’analyse qui a mené à cette situation. Au cours de ce processus, la Politique sur le réaménagement des effectifs n’a pas été respectée.

17 La fonctionnaire s’estimant lésée soumet que l’employeur lui a assigné des tâches de PM-01 après avoir aboli son poste. On lui a par la suite offert de la formation. Ce n’est qu’un an plus tard qu’elle a eu des tâches de PM-02. La fonctionnaire s’estimant lésée prétend que l’employeur l’a menacée de prendre des mesures disciplinaires contre elle si elle n’acceptait pas le travail qui lui avait été offert. Aucune mesure disciplinaire n’a cependant été prise.

18 En appui de ses arguments, la fonctionnaire s’estimant lésée soumet les décisions suivantes : Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941; Canada (Conseil du Trésor) c. Rinaldi, [1997] A.C.F. no 225; Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, [2001] A.C.F. no 802; Canada (Procureur général) c. Fortin, [2003] A.C.F. 120 et Edwards c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 146.

IV. Motifs

19 L’employeur prétend qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre les renvois à l’arbitrage du grief déposé par la fonctionnaire s’estimant lésée. Pour disposer des objections, les dispositions suivantes de l’ancienne Loi doivent être examinées :

[…]

    92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

   (2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

[…]

    99. (1) L'employeur et l'agent négociateur qui ont signé une convention collective ou sont liés par une décision arbitrale peuvent, dans les cas où l'un ou l'autre cherche à faire exécuter une obligation qui, selon lui, découlerait de cette convention ou décision, renvoyer l'affaire à la Commission, dans les formes réglementaires, sauf s'il s'agit d'une obligation dont l'exécution peut faire l'objet d'un grief de la part d'un fonctionnaire de l'unité de négociation visée par la convention ou la décision.

[…]

20 Le libellé du paragraphe 99(1) est clair : ce recours est réservé à l’employeur et à l’agent négociateur. La fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait donc s’en prévaloir.

21 Le libellé de l’alinéa 92(1)b) est lui aussi clair : cet alinéa ne s’applique qu’aux fonctionnaires employés dans les secteurs de l'administration publique fédérale spécifiés à la partie I de l’annexe I de l’ancienne Loi. Or, au moment de déposer son grief, la fonctionnaire s’estimant lésée travaillait à l’Agence des douanes et du revenu du Canada. Cette agence ne figurait pas à l’annexe I, ni au moment du dépôt du grief, ni lors du renvoi à l’arbitrage. La fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait donc renvoyer son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 92(1)b) de l’ancienne Loi.

22 Le grief traite, dans son sens large, de la Politique sur le réaménagement des effectifs. Cette politique fait partie de la convention collective et, aux termes du paragraphe 92 de l’ancienne Loi, le renvoi à l’arbitrage devait au préalable être approuvé par l’agent négociateur. La fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait donc elle-même renvoyer son grief à l’arbitrage selon l’alinéa 92(1)a) de l’ancienne Loi.  L’agent négociateur ayant refusé d’approuver le renvoi, je fais droit à cette objection de l’employeur. Certes, le grief avait reçu l’appui de l’agent négociateur dans la procédure interne de griefs mais cela ne suffit pas. C’est l’approbation lors du renvoi à l’arbitrage qui importe.

23 Le renvoi à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne Loi ne s’applique pas non plus à la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée. Cette option est limitée aux renvois à l’arbitrage dans les cas de mesures disciplinaires entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire. Or, la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas été suspendue, n’a pas subi de sanction pécuniaire et n’a pas été licenciée. Certes, la fonctionnaire s’estimant lésée a inscrit dans le second renvoi à l’arbitrage ce qui suit : « congédiement déguisé, rétrogradation et réaménagement des effectifs ». Mais à la lecture du grief, rien n’indique qu’il s’agit d’un grief qui a trait à un congédiement déguisé.

24 En prétendant que son grief est un grief de mesures disciplinaires, la fonctionnaire s’estimant lésée en change l’essence car cet élément ne fait pas partie du grief soumis à l’origine. Comme l’a établi Burchill, un arbitre de grief n’a compétence que pour traiter du grief qui a été soumis à l’origine et non pas d’un grief différent ou d’un grief dont l’essence n’est plus la même. Le grief d’origine déposé par la fonctionnaire s’estimant lésée vise avant tout la Politique sur le réaménagement des effectifs, il ne s’agit aucunement d’un grief disciplinaire. J’accepte donc l’objection formulée par l’employeur en ce sens.

25 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

26 Les objections préliminaires soulevées par l’employeur sont accueillies.

27 Le grief est rejeté car l’arbitre de grief n’a pas compétence pour en traiter.

Le 6 octobre 2008

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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