Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté une suspension de 20 jours - le fonctionnaire s’estimant lésé et l’administrateur général ont réglé le grief à l’arbitrage - le fonctionnaire s’estimant lésé a par la suite allégué que l’administrateur général avait omis de mettre en œuvre une condition de l’entente de règlement - le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé que son grief soit entendu sur le fond - l’arbitre de grief a demandé que des arguments écrits soient soumis relativement à sa compétence et a accordé à l’ensemble des agents négociateurs et des employeurs de la fonction publique le statut d’intervenant à cette fin - l’arbitre de grief a conclu qu’un arbitre de grief a la compétence pour déterminer si l’entente de règlement conclue par les parties était finale et exécutoire - il n’a pas souscrit au point de vue du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel la non-observation d’une condition d’une entente de règlement exigeait nécessairement que le grief soit entendu sur le fond - en se fondant sur les décisions de la Cour suprême du Canada dans Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, Nouveau-Brunswick c. O'Leary, [1995] 2 R.C.S. 967, Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14, et Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11, l’arbitre de grief a conclu que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique confère à un arbitre de grief la compétence pour entendre une allégation portant sur le défaut d’une partie de se conformer à une entente de règlement finale et exécutoire concernant un grief pouvant être renvoyé à l’arbitrage - il a finalement statué qu’un arbitre de grief était compétent pour rendre l’ordonnance qu’il juge appropriée dans les circonstances. Compétence assumée. Audience ordonnée pour déterminer si les conditions de l’entente de règlement ont été respectées et pour établir un redressement approprié, selon le cas.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-09-25
  • Dossier:  566-02-10
  • Référence:  2008 CRTFP 74

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ANDREW DONNIE AMOS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

défendeur

et

FRATERNITÉ INTERNATIONALE DES OUVRIERS EN ÉLECTRICITÉ, SECTION
LOCALE 2228, INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA
et ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

intervenants

Répertorié
Amos c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Kenneth A. MacLean, avocat

Pour le défendeur:
Harvey A. Newman et Jennifer Lewis, avocats

Pour l'intervenante, Fraternité internationale des ouvriers en électricité,section locale 2228:
James L. Shields, avocat

Pour l'intervenant, Institut professionnel de la fonction publique du Canada:
Geoffrey Grenville-Wood, avocat

Pour l'intervenante, Alliance de la Fonction publique du Canada:
Jacquie de Aguayo, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés les 6 et 8 février, les 14, 26 et 27 mars et le 18 avril 2008.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demande devant l’arbitre de grief

1 La présente décision porte sur une demande présentée par Andrew Donnie Amos (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») en vue de faire rouvrir une audience d’arbitrage sur le bien-fondé de son grief parce que le sous-ministre du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (l’« administrateur général ») a refusé de respecter un engagement pris dans un protocole d’entente (PE) signé par les parties en règlement de ce grief.

2 L’objet du grief était une suspension disciplinaire. Le sous-ministre adjoint John Shearer, Intégration des services, ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, a suspendu le fonctionnaire s’estimant lésé sans solde pendant 20 jours ouvrables par lettre datée du 29 mars 2005.

3 Le 2 mai 2005, le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief dans lequel il conteste la mesure disciplinaire. Voici les détails de son grief :

[Traduction]

[…]

[…] ce grief a trait à la mesure disciplinaire énoncée dans l’avis disciplinaire daté du 29 mars 2005 signé par le SMA Shearer et à d’autres mesures disciplinaires prises à ce jour. Ces mesures étaient et demeurent tout à fait injustifiées. Des lacunes ont été constatées au niveau de l’observation de la procédure établie, du respect du droit naturel, du fardeau de la preuve, de la norme de preuve et de l’équité administrative.

Veuillez prendre note que j’attends toujours de recevoir le reste des renseignements demandés depuis longtemps, c’est-à-dire il y a 6 mois, par le truchement de l’AIPRP.

MESURE CORRECTIVE DEMANDÉE

Que les mesures disciplinaires soient annulées et que je sois dédommagé de toutes les pertes et de tous les dommages que j’ai subis.

4 N’ayant pas connu de succès au cours de la procédure applicable aux griefs, le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé son grief à l’arbitrage le 10 août 2005.

5 J’ai été nommé pour instruire et trancher l’affaire à titre d’arbitre de grief. Une audience a d’abord été tenue à Halifax, en Nouvelle-Écosse, le 28 novembre 2006. Elle s’est poursuivie jusqu’au 1er décembre 2006 et elle a repris à Halifax le 1er mai 2007.

6 Dès la reprise de l’audience, les parties ont convenu d’étudier la possibilité d’un règlement volontaire des questions en litige. Elles ont signé une formule de consentement à la médiation et se sont rencontrées en privé (pour l’essentiel) afin de discuter de la question. À plusieurs reprises, j’ai apporté mon soutien comme médiateur conformément au paragraphe 226(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (« la nouvelle Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22. Le paragraphe 226(2) est ainsi rédigé :

   226. (2) En tout état de cause, l’arbitre de grief peut, avec le consentement des parties, les aider à régler tout désaccord entre elles, sans qu’il soit porté atteinte à sa compétence à titre d’arbitre chargé de trancher les questions qui n’auront pas été réglées.

7 Le 2 mai 2007, les parties ont annoncé qu’elles avaient conclu et signé un règlement complet. J’ai rappelé à l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé que, lorsqu’un règlement est conclu par voie de médiation, la pratique développée sous la nouvelle Loi veut que le fonctionnaire s’estimant lésé avise officiellement le greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « greffe ») qu’il a retiré son grief. J’ai alors mis fin à l’audience.

8 Le greffe a écrit à l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé le 6 septembre 2007 pour lui demander de faire le point sur l’affaire. Le dossier ne renferme pas de réponse du représentant du fonctionnaire s’estimant lésé à cette demande ni de retrait écrit de son grief.

9 Le 14 décembre 2007, le greffe a reçu la demande suivante du fonctionnaire s’estimant lésé :

[Traduction]

[…]

En mai 2007, les parties ont convenu d’un protocole d’entente réglant le dossier susmentionné. Sur la foi de cette entente, le fonctionnaire s’estimant lésé a convenu de retirer ses griefs. L’une des conditions spécifiques de cette entente sur laquelle se fondait le fonctionnaire s’estimant lésé est ainsi rédigée :

Les parties conviennent par les présentes :

  1. De participer à une réunion ou à des réunions raisonnablement nécessaires afin de discuter et de régler des questions d’intérêt mutuel qui ont trait à la relation de travail du fonctionnaire s’estimant lésé avec TPSGC. Ce processus doit avoir lieu dans les plus brefs délais possibles. Les deux parties entendent établir une relation de travail positive dans leur intérêt mutuel futur.

Malheureusement, bien que le fonctionnaire s’estimant lésé ait tenté d’obtenir une date de rencontre tout de suite après la signature de l’entente et à plusieurs reprises au cours des sept mois suivants, le Ministère ne voulait pas prendre part à une réunion. Ce retard de sept mois nous a mené bien au-delà « des plus brefs délais possibles ». En plus, il a été impossible d’établir une « relation de travail positive ». En fait, la relation s’est gravement détériorée.

En conséquence de ce qui précède, M. Amos demande par la présente qu’il soit donné suite à son grief initial en raison de la violation par l’employeur du protocole d’entente conclu par les parties.

[…]

10 Le greffe a écrit à l’administrateur général pour lui demander quelle était sa position en réponse à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé. L’administrateur général a déposé la réponse et l’objection suivantes le 7 janvier 2008 :

[Traduction]

[…]

L’employeur estime que l’arbitre de grief n’a plus compétence sur cette affaire étant donné qu’un règlement complet et définitif (PE) a été conclu entre les parties le 2 mai 2007.

L’existence d’un règlement définitif et exécutoire rend l’arbitre de grief totalement inhabile à se saisir de l’affaire. La jurisprudence est sans équivoque sur cette question (MacDonald c. Canada [1998] A.C.F. no 1562 (CF 1re inst.), (Bhatia 166-2-17829), Skandharajah (2000 CRTFP 114), Fox (2001 CRTFP 130), Lindor (2003 CRTFP 10), Bedok (2004 CRTFP 163)).

En outre, il existe un principe bien établi selon lequel un arbitre de grief n’a pas compétence sur la mise en œuvre d’un PE. (Déom (148-02-107), Bhatia (166-2-17829), Carignan (2003 CRTFP 58), Van de Mosselaer (2006 CRTFP 59)).

Nonobstant ce qui précède, si le fonctionnaire s’estimant lésé a des préoccupations au sujet de la mise en œuvre du PE, ses gestionnaires locaux sont tout à fait disposés à en discuter avec lui.

[…]

11 Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé une réfutation le 23 janvier 2008 :

[Traduction]

[…]

[…] nous estimons que l’employeur a omis de respecter une modalité de l’entente qui constituait un élément fondamental sous-jacent au PE. Par conséquent, l’employeur a nettement enfreint le PE, ce qu’il n’a nullement tenté de nier dans sa réponse.

[…] cette circonstance permet d’établir une distinction d’avec la jurisprudence citée par M. Heavens […] bon nombre des décisions prennent en compte les meilleurs intérêts des relations de travail en vertu de la législation pertinente. Par exemple, au paragraphe 80 de la décision Skandharajah (2000 CRTFP 114), le commissaire Giguère conclut ce qui suit :

[80] Ayant statué que les parties ont réglé le présent grief, je conclus qu’il n’existe plus de différend entre elles et, par conséquent, qu’il n’y a aucun conflit à être tranché par un arbitre nommé en vertu de la Loi. En outre, afin de favoriser des relations de travail harmonieuses, les ententes de médiation exécutoires doivent être respectées. […]

Nous partageons le point de vue du commissaire Giguère selon lequel les relations de travail sont mieux servies par des ententes de règlements exécutoires. C’est la raison pour laquelle la demande de M. Amos de poursuivre son grief doit être accueillie, car l’employeur ne doit pas se voir reconnaître la possibilité de ne pas respecter un PE […]

Concrètement, la seule autre option qui s’offre à M. Amos consisterait à présenter un grief à l’encontre de la violation du PE, ce qui ne lui donnerait pas la possibilité de bénéficier d’un arbitrage indépendant dans le cadre du régime de règlement des griefs prévu par la loi; ainsi, son grief serait revu par le même ministère et les mêmes personnes qui n’ont pas respecté le PE. Une telle situation est insoutenable, n’est pas dans le meilleur intérêt ni ne respecte l’esprit des relations de travail. L’affaire doit être entendue par la Commission.

[…]

[Le passage souligné l’est dans l’original]

II. Questions préliminaires

12 Le fonctionnaire s’estimant lésé demande que j’ordonne la reprise de l’audience pour examiner le bien-fondé de son grief en raison de l’inobservation présumée, par l’administrateur général, d’une modalité du PE du 2 mai 2007 qui a réglé son grief. L’administrateur général objecte que je ne peux pas examiner la demande faite par le fonctionnaire s’estimant lésé de rouvrir l’audience parce que l’existence d’un règlement exécutoire rend un arbitre de grief totalement inhabile à se saisir de l’affaire. Cette entente exécutoire, soutient l’administrateur général, rend également un arbitre de grief inhabile à examiner des questions liées à la mise en œuvre d’une entente de règlement.

13 En vertu de la loi régissant les griefs déposés avant le 1er avril 2005, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (« l’ancienne Loi »), L.R.C. (1985), ch. P-35, des questions concernant la compétence d’un arbitre de grief lorsque les parties règlent un grief au moyen de la médiation ont été analysées à plusieurs reprises, comme l’illustre la jurisprudence citée par l’administrateur général. Il a généralement été considéré que cette jurisprudence impose des limites strictes au pouvoir des arbitres de griefs, voire les dépouille de tout pouvoir, une fois que les parties ont signé une entente de règlement.

14 Pour autant que je sache, la demande du fonctionnaire s’estimant lésé et l’opposition de l’administrateur général à cette demande posent pour la première fois en vertu de la nouvelle Loi certains de ces mêmes problèmes de compétence. Bien que les deux lois soient similaires à de nombreux égards, elles comportent également des différences. Ne serait-ce que pour ce motif, je crois qu’il convient, dans cette première affaire du genre sous le régime de la nouvelle Loi, d’étudier avec soin si les décisions antérieures concernant la compétence d’un arbitre de grief, qui reposaient sur des interprétations de l’ancienne Loi, demeurent applicables en vertu des dispositions de la nouvelle Loi.

15 L’une des dispositions de la nouvelle Loi qui pourrait avoir une incidence sur la compétence d’un arbitre de grief en l’espèce est l’article 236, qui est ainsi rédigé :

     236. (1) Le droit de recours du fonctionnaire par voie de grief relativement à tout différend lié à ses conditions d’emploi remplace ses droits d’action en justice relativement aux faits — actions ou omissions — à l’origine du différend.

     (2) Le paragraphe (1) s’applique que le fonctionnaire se prévale ou non de son droit de présenter un grief et qu’il soit possible ou non de soumettre le grief à l’arbitrage.

[…]

16 Le paragraphe 236(1) de la nouvelle Loi semble indiquer à sa face même que la partie 2 de la nouvelle Loi établit un régime exclusif de règlement des griefs portant sur les questions de relations de travail visées par ledit régime. Si tel est le cas, l’octroi d’une compétence exclusive a-t-il des répercussions sur le mode de règlement d’un différend touchant l’exécution d’une entente de règlement ou sur l’instance devant laquelle ce différend doit être débattu?

17 Outre cette question, quelle importance la jurisprudence changeante portant sur la compétence des arbitres de griefs et des commissions des relations du travail a-t-elle, si elle en a une, pour comprendre le pouvoir d’un arbitre de grief dans cette affaire? Certaines analyses ont laissé entendre que les décisions ayant fait suite aux arrêts fondamentaux rendus par la Cour suprême du Canada dans Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, et dans Nouveau-Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967, et, ultérieurement, dans Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14, ont démontré une évolution générale vers un pouvoir accru des commissions des relations de travail et des arbitres de griefs. Ces décisions présentent-elles des pistes de réflexion permettant de statuer sur la présente affaire? Les conclusions tirées dans l’arrêt Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11, dans lequel la Cour suprême du Canada a expressément statué sur le pouvoir que l’ancienne Loi conférait à un arbitre de grief, sont-elles utiles en l’espèce? Dans l’affirmative, comment Vaughan s’applique-t-il sous le régime de la nouvelle Loi?

18 Selon moi, l’évolution de la jurisprudence constitue une autre raison pour laquelle il est opportun d’examiner de nouveau les bases du pouvoir d’un arbitre de grief lorsqu’il est allégué que les modalités d’une entente de règlement n’ont pas été respectées.

19 Enfin, je crois qu’une autre raison très importante de procéder à un tel examen repose dans l’intérêt de relations de travail harmonieuses. Les arbitres nommés pour entendre les griefs promeuvent depuis longtemps l’importance que les parties elles-mêmes fassent un effort pour régler volontairement leurs différends, essentiellement par la médiation. Le paragraphe 226(2) de la nouvelle Loi, cité précédemment, accorde de façon explicite à un arbitre de grief le mandat d’assurer la médiation dans le contexte de l’audience d’un grief. Comme les arbitres de griefs prêtent davantage attention au rôle primordial et aux possibilités de la médiation, il faut s’attendre à ce qu’un plus grand nombre de participants posent des questions sur le statut des règlements obtenus par la médiation et en particulier sur leur caractère exécutoire. Ces participants s’intéressent tout naturellement à l’idée que la nouvelle Loi devrait établir clairement le rôle joué par les arbitres de griefs, s’il y a lieu, relativement au caractère exécutoire de ces règlements.

20 Pour ces raisons, j’ai décidé d’aviser les parties à la présente affaire que j’avais besoin d’observations supplémentaires de leur part sur plusieurs questions de compétence qui, selon moi, découlent de leurs observations initiales. En outre, compte tenu de la possibilité que ma décision en l’espèce ait des répercussions plus vastes et intéresse la collectivité élargie des relations du travail visée par la nouvelle Loi, j’ai décidé que je devais examiner avec les parties la possibilité de solliciter des interventions d’autres personnes intéressées.

21 Suivant mes instructions, le greffe a écrit ce qui suit au fonctionnaire s’estimant lésé et à l’administrateur général le 4 février 2008 :

[Traduction]

[…]

Le dossier indique que les parties ne contestent pas qu’elles ont conclu une entente pour régler le grief individuel renvoyé à l’arbitrage dans le dossier susmentionné. Le fonctionnaire s’estimant lésé allègue que l’administrateur général a failli à ses obligations découlant de l’entente de règlement et demande que son grief soit entendu sur le fond. L’administrateur général s’oppose à cette demande, plaidant que l’entente de règlement prive un arbitre de grief de toute compétence, et se fonde sur une série de décisions rendues sous l’égide de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35. Le fonctionnaire s’estimant lésé répond que l’omission de l’administrateur général de se conformer aux termes de l’entente de règlement ne devrait pas lui faire perdre son droit de poursuivre son grief.

La compétence d’un arbitre de grief dans les circonstances de la demande du fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas encore été étudiée dans le cadre de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de son article 236. De plus, cette compétence n’a pas encore été étudiée à la lumière de la jurisprudence changeante de la Cour suprême du Canada : Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; Nouveau-Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967; Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14; et Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11.

L’arbitre de grief Butler a décidé qu’il demandera bientôt aux parties de traiter de certaines questions de compétence, dont le libellé sera fourni dans une lettre ultérieure.

En raison de l’importance des questions de compétence qui découlent de cette affaire et de la portée possible des conséquences de toute décision qui pourrait être rendue à leur égard, l’arbitre de grief Butler envisage d’octroyer la qualité d’intervenant aux agents négociateurs et aux employeurs dans la fonction publique, à la seule fin de déposer des arguments écrits sur les questions de compétence mentionnées précédemment. Par conséquent, il est demandé aux parties de déposer auprès du directeur général les arguments écrits qu’elles pourraient vouloir formuler sur l’opportunité d’octroyer cette qualité d’intervenant […]

[…]

A. Arguments écrits sur l’opportunité d’accorder le statut d’intervenant aux agents négociateurs et aux employeurs

                                      

22 Le 6 février 2008, le fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué qu’il consentait « [traduction] […] à autoriser les intervenants à produire des arguments dans cette affaire. »

23 L’administrateur général s’est opposé dans les termes suivants à la sollicitation d’interventions, dans des arguments reçus le 8 février 2008 :

[Traduction]

[…]

[…] Bien que les parties se soient fait demander de déposer leurs arguments écrits sur l’opportunité d’accorder ce statut d’intervenant, l’employeur est d’avis que le fait d’accorder le statut d’intervenant est inextricablement lié à la question de compétence. Par conséquent, même si l’arbitre de grief Butler fournira des questions précises sur la question de la compétence, l’employeur estime que cette question doit, dans une certaine mesure, être abordée dans le contexte de ces arguments en ce qui touche le statut d’intervenant.

Le paragraphe 14(1) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, DORS/2005-79 (le « Règlement de la CRTFP ») prévoit ce qui suit :

14. (1) Quiconque a un intérêt substantiel dans une affaire dont la Commission est saisie peut demander à celle-ci d’y être ajouté à titre de partie ou d’intervenant. [Je souligne]

La question de savoir si des personnes autres que les parties devraient se voir accorder le statut d’intervenant a fait l’objet de nombreux débats tant devant les tribunaux judiciaires que devant les tribunaux administratifs. De fait, le Tribunal de la dotation de la fonction publique [« TDFP »] a eu l’occasion au cours de la dernière année d’instruire une telle demande dans Wardlaw c. Président de l’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada et al., 2007 TDFP 0017 (Giguère) [« Wardlaw »] [Jointe en annexe « A »].

Dans cette affaire, la plaignante a déposé sa plainte devant le TDFP parce qu’elle n’a pas été retenue dans le cadre d’un processus de sélection interne publicisé pour un poste à l’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada [« AGRHFPC »]. L’Alliance de la Fonction publique du Canada [« AFPC »] était l’agent négociateur accrédité de la plaignante et des personnes nommées dans le cadre de ce processus, mais a choisi de ne pas représenter la plaignante ou les personnes nommées devant le TDFP. Après s’être retirée comme participante à cette instance, l’AFPC a déposé une demande de statut d’intervenant en vertu du paragraphe 19(1) du Règlement du Tribunal de dotation de la fonction publique, DORS/2006-6 [le « Règlement du TDFP »], qui prévoit ce qui suit :

19. (1) Quiconque ayant un intérêt important dans une affaire dont le Tribunal est saisi peut lui demander le statut d’intervenant. [Je souligne] [Joint en annexe « B »]

Bien que le libellé du Règlement du TDFP ne soit pas identique à celui du Règlement de la CRTFP, il est très similaire et il est clair qu’en vertu des deux régimes, une personne qui demande le statut d’intervenant doit avoir un « intérêt substantiel » en l’instance. Bien que le Règlement de la CRTFP ne comporte pas d’autres indications sur ce que la Commission peut percevoir comme un intérêt substantiel dans une affaire, le paragraphe 19(4) du Règlement du TDFP dresse la liste des facteurs que le TDFP peut prendre en compte lorsqu’il étudie une demande d’intervention :

19. (4) Le Tribunal peut octroyer au requérant le statut d’intervenant après avoir considéré les facteurs suivants :
a) le fait que le requérant est directement concerné par l’instance;
b) le fait que le requérant défend une position déjà soutenue devant le Tribunal;
c) la mesure dans laquelle l’intervention du requérant servirait l’intérêt public ou celui de la justice;
d) la mesure dans laquelle l’apport du requérant aidera le Tribunal à décider de la plainte. [Joint en annexe « B »]

Comme l’a mentionné le président Giguère dans la décision Wardlaw au paragraphe 21, « [l]es facteurs […] s’apparentent à ceux qu’utilisent les tribunaux pour décider s’ils octroient le statut d’intervenant ». Les facteurs auxquels les tribunaux ont généralement recours ont été mentionnés dans Syndicat canadien de la fonction publique (Division du transport aérien) c. Lignes aériennes Canadien International ltée, [2000] A.C.F. no 220 (C.A.F.) (QL) [Joint en annexe « C »] et sont les suivants :

  1) La personne qui se propose d’intervenir est-elle directement touchée par l’issue du litige?
  2) Y a-t-il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu’un véritable intérêt public?
  3) S’agit-il d’un cas où il semble n’y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?
  4) La position de la personne qui se propose d’intervenir est-elle défendue adéquatement par l’une des parties au litige?
  5) L’intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée?
  6) La Cour peut-elle entendre l’affaire et statuer sur le fond sans autoriser l’intervention?

L’employeur fait valoir que les facteurs a), b), c) et d) sont comparables aux facteurs 1, 4, 5 et 6, respectivement.

Dans Wardlaw, le processus de nomination qui était à l’étude était un processus utilisé pour doter en personnel le Programme d’apprentissage mixte (« PAM »), dont l’AFPC était non seulement parraine conjointe, mais également partenaire à part entière au niveau de la conception et de la mise en œuvre. Le président Giguère a accordé le statut d’intervenant à l’AFPC, quoique sur une base limitée, parce qu’il a décidé que l’AFPC, en plus d’avoir un intérêt substantiel dans l’affaire, avait un intérêt direct dans l’affaire compte tenu du fait que des membres du personnel de l’AFPC ont participé comme membres de jurys de sélection qui évaluaient les candidats à ces postes. Pour ces motifs, l’AFPC a satisfait aux critères a) et d).

Le président Giguère était également convaincu, compte tenu de la situation unique de l’AFPC dans cette affaire, que sa thèse n’était pas déjà représentée en l’instance. Le rôle de l’AFPC comme membre du jury de sélection la place essentiellement dans la même position qu’un employeur, mais ses intérêts n’étaient pas représentés par l’employeur défendeur en l’espèce. En outre, le président Giguère a statué que l’AFPC possédait de l’expérience en matière de plaintes de discrimination, ce qui constituait la question essentielle de cette affaire, et pouvait apporter un point de vue additionnel ou différent de celui de l’employeur défendeur et de la plaignante, qui n’était pas actuellement représentée étant donné le retrait de l’AFPC. Pour ces motifs, l’AFPC a satisfait au critère b).

Enfin, l’AFPC respectait le critère c) en ce sens que le président Giguère a décidé que les intérêts de la justice seraient bien servis en permettant à l’AFPC d’intervenir si ses commentaires étaient limités à des observations sur les arguments soulevés par les parties. Dans ces circonstances, le président Giguère était convaincu que l’instance ne serait pas indûment compliquée ou prolongée en raison de l’intervention de l’AFPC.

L’employeur soutient que les quatre facteurs codifiés aux termes du Règlement sur le TDFP sont étroitement liés à ce que l’employeur considère comme des considérations pertinentes dans l’analyse faite par la CRTFP en l’espèce. Le facteur a) stipule que le demandeur doit être touché directement par l’affaire. Les seules personnes ou entités touchées directement par cette affaire sont le fonctionnaire s’estimant lésé, Andrew Amos, et l’employeur. De plus, comme Andrew Amos n’est pas représenté par un agent négociateur et que ses droits ne touchent pas l’interprétation d’une convention collective, toute décision dans cette affaire qui porte sur la question de compétence n’aura d’impact direct sur aucun agent négociateur ou employeur. L’affaire qui nous occupe touche seulement les droits des deux parties, à savoir le fonctionnaire s’estimant lésé et son employeur. Par conséquent, l’employeur estime que toute demande d’intervention dans cette affaire ne répond pas au critère a).

Le facteur b) soulève la question de savoir si la thèse du demandeur est déjà représentée dans l’affaire. Tant l’employeur que M. Amos sont représentés par des avocats chevronnés qui sont très capables de soulever la question de la compétence et d’en débattre dans cette affaire. L’employeur estime donc que toute demande d’intervention en l’espèce ne respecte pas non plus le critère b).

Dans le même sens, le facteur c) vise à établir si l’intérêt public ou les intérêts de la justice seraient servis si le demandeur était autorisé à intervenir. L’employeur prétend que le fait de permettre d’intervenir dans cette affaire compliquera indûment les choses et prolongera l’instance sans raison valable, ce qui ne va pas dans le sens de l’intérêt public ou des intérêts de la justice. De plus, ce facteur pose la question de l’intérêt que pourrait avoir un intervenant dans cette affaire, autre que son intérêt à l’égard de l’issue jurisprudentielle de la question de la compétence. La jurisprudence établit clairement que l’intervention ne devrait pas être autorisée si le seul intérêt de l’intervenant proposé est de nature jurisprudentielle. Tel qu’il a été établi dans Anderson c. Canada (Agence des douanes et du revenu), [2003] R.C.F. no 1388 (C.A.F.) (QL) au paragraphe 9 : « Toutefois, il me semble qu'il s'agit là d'un cas où l'intérêt de l'Institut est essentiellement de nature jurisprudentielle. La Cour n'a jamais considéré qu'il s'agissait là d'un motif suffisant pour accorder l'autorisation d'intervenir. » [Joint en annexe « D »]

Enfin, le facteur d) soulève la question de savoir si la contribution des intervenants aiderait la Commission à statuer sur la question. Ce dernier facteur dépend de la nature de la question à trancher. La lettre de M. Rabbouh en date du 4 février indique que la question de la compétence s’inscrit dans le contexte de la demande du fonctionnaire s’estimant lésé qui n’a pas encore été réglée en vertu de la nouvelle LRTFP et son article 236; cette question n’a pas non plus été examinée à la lumière de la jurisprudence changeante de la Cour suprême du Canada.

La question de compétence à trancher dans cette affaire consiste à déterminer si l’arbitre de grief Butler possède le pouvoir de rouvrir le dossier d’arbitrage du fonctionnaire s’estimant lésé. Relativement à cette question, l’employeur s’appuie sur les arguments déjà présentés dans la lettre de Drew Heavens datée du 8 janvier 2008. L’employeur rappelle sa position selon laquelle l’existence d’une entente de règlement finale et exécutoire rend l’arbitre de grief totalement inhabile à se saisir de l’affaire.

De plus, un arbitre de grief n’a pas compétence sur l’exécution d’un règlement. Ce principe bien établi a été repris dans Maiangowi c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé) (2008 CRTFP 6), une décision rendue récemment par l’arbitre de grief Mooney en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35. [Jointe en annexe « E »]

La lettre de M. Rabbouh semble laisser croire que l’article 236 et les arrêts de la Cour suprême donneront en quelque sorte d’autres indications aux arbitres de griefs sur la question de leur compétence. Sur ce point, l’employeur soumet respectueusement que le lien entre la question de la compétence en l’espèce et l’article 236 de la nouvelle LRTFP ou les arrêts de la Cour suprême cités dans la lettre de M. Rabbouh n’est pas apparent. Les arrêts de la Cour suprême qui sont cités traitent de la question de savoir si un tribunal judiciaire a compétence sur les conflits de travail lorsqu’un employé préférerait poursuivre son employeur devant le tribunal judiciaire plutôt que de se prévaloir du régime des relations de travail déjà prévu par la loi ou par la convention collective. L’interprétation que fait l’employeur de ces arrêts est qu’ils cherchent à déterminer si la compétence des tribunaux judiciaires est écartée dans les circonstances et qu’ils ne portent pas sur la compétence d’un arbitre de grief. L’employeur est donc d’avis que les arrêts de la Cour suprême qui sont cités donnent peu d’indications aux arbitres de griefs sur cette question.

De même, l’article 236 de la nouvelle LRTFP prévoit ce qui suit :

Différend lié à l’emploi

236 (1) Le droit de recours du fonctionnaire par voie de grief relativement à tout différend lié à ses conditions d’emploi remplace ses droits d’action en justice relativement aux faits — actions ou omissions — à l’origine du différend.

Application

(2) Le paragraphe (1) s’applique que le fonctionnaire se prévale ou non de son droit de présenter un grief et qu’il soit possible ou non de soumettre le grief à l’arbitrage.

L’employeur estime que l’article 236 codifie les principes formulés dans Vaughan c. Canada, [2005] A.C.S. no 12 (C.S.C.) (QL) [joint en annexe « F »] et amène peut-être ceux-ci plus loin en interdisant complètement aux employés d’intenter des poursuites devant les tribunaux judiciaires relativement à des différends concernant leur emploi, et donc en exigeant que les employés cherchent à obtenir un redressement sous le régime établi par le Parlement. Cela dit, toutefois, l’employeur prétend que l’article 236 de la nouvelle LRTFP a non seulement eu pour effet de ne pas modifier la loi, mais que, comme les arrêts de la Cour suprême dont il a été question précédemment, l’article 236 traite de la compétence d’un tribunal judiciaire et non de celle d’un arbitre de grief. Par conséquent, l’employeur ne voit pas comment l’article 236 peut être utile à l’arbitre de grief Butler dans la présente affaire, dans le cadre de laquelle il est question de l’effet d’une entente finale et exécutoire.

En réponse à la lettre de M. Rabbouh en date du 4 février 2008, l’employeur soutient qu’aucune invitation à intervenir ne devrait être faite en l’espèce pour les motifs énoncés précédemment.

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

B.  Décision sur l’opportunité d’accorder le statut d’intervenant aux agents négociateurs et aux employeurs

24 L’opposition de l’administrateur général à la possibilité de solliciter des interventions d’autres personnes en l’espèce soulève des préoccupations plausibles mais, tout bien considéré, j’ai conclu qu’il serait approprié et utile, dans les circonstances de la présente affaire, de donner à d’autres personnes une occasion d’exprimer leurs points de vue.

25 La demande du fonctionnaire s’estimant lésé m’est soumise à titre d’arbitre de grief nommé pour instruire et trancher son grief, qui a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la nouvelle Loi. Le fonctionnaire s’estimant lésé vise à relancer et poursuivre l’audience d’arbitrage de grief. Dans ce contexte, je considère que cette demande s’inscrit à juste titre dans le cadre du renvoi actuel à l’arbitrage de grief et non dans le cadre d’une demande distincte. Il est établi que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas déposé cette demande en vertu d’une disposition de la nouvelle Loi qui aurait pour effet d’en faire une instance distincte.

26 L’importance technique de cette décision tient au fait que le paragraphe 14(1) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement de la CRTFP »), DORS/2005-79, qui est cité par l’administrateur général n’est pas le texte réglementaire habilitant. Le paragraphe 14(1) s’applique aux affaires soumises à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») en vertu de la partie 1 de la nouvelle Loi. La disposition pertinente en matière d’intervention dans une procédure d’arbitrage de grief est plutôt l’article 99 du Règlement de la CRTFP, qui est ainsi rédigé :

     99. (1) Quiconque a un intérêt substantiel dans un grief dont le président ou un arbitre de grief est saisi peut demander à celui-ci d’y être ajouté à titre de partie ou d’intervenant.

     (2) Après avoir donné aux parties l’occasion de présenter leurs observations à l’égard de la demande, le président ou l’arbitre de grief peut ajouter le demandeur à titre de partie ou d’intervenant.

27 En soi, la distinction technique que je fais en l’espèce n’est pas importante. Tant le paragraphe 14(1) que le paragraphe 99(1) du Règlement de la CRTFP mettent l’accent sur le concept de l’« intérêt substantiel » comme facteur crucial de l’examen de la possibilité d’intervention. En se fondant sur ce concept, l’administrateur général soutient que d’autres personnes n’ont pas un « intérêt substantiel » dans les questions de compétence soulevées par la demande du fonctionnaire s’estimant lésé. Je souscris à la thèse de l’administrateur général selon laquelle le concept d’« intérêt substantiel » est pertinent et j’y reviendrai sous peu. Toutefois, il faut établir une autre distinction technique. Selon moi, le paragraphe 99(1) s’appliquerait si l’affaire qui m’occupe était une demande d’une personne visant à obtenir le statut d’intervenant. Tel n’est pas le cas. En l’espèce, l’initiative de proposer la possibilité d’intervention est la mienne, en ma qualité d’arbitre de grief, plutôt que celle d’un fonctionnaire, d’un employeur, d’un agent négociateur ou d’une autre personne.

28 Ni le Règlement de la CRTFP ni la nouvelle Loi n’énoncent spécifiquement la procédure ou les critères qui s’appliquent lorsqu’un arbitre de grief propose de solliciter des interventions relativement à une affaire dont l’arbitre est saisi. Je crois que le fait de déterminer s’il convient de le faire, dans quelles circonstances le faire et de quelle manière le faire s’inscrit dans l’exercice normal du pouvoir d’un arbitre de grief en vertu de la partie 2 de la Loi. Il a été reconnu depuis longtemps et de façon constante dans la pratique élaborée sous de la nouvelle Loi et sous l’ancienne Loi qu’un arbitre de grief jouit d’une latitude considérable pour gérer et instruire l’instance devant lui ou devant elle. Je crois que cette latitude est présente en l’espèce.

29 La décision Djan c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2001 CRTFP 60, appuie cette proposition. Dans Djan, la compétence d’un arbitre de grief dans le contexte d’un licenciement disciplinaire a été remise en question. Dans cette affaire, l’arbitre de grief s’est dit d’avis que la question de compétence aurait « […] des conséquences pour tous les fonctionnaires fédéraux […] ». Il a ensuite invité tous les employeurs et les agents négociateurs à présenter des observations en qualité d’intervenant.

30 Je crois que les questions de compétence soulevées par la demande du fonctionnaire s’estimant lésé sont également des questions qui auraient ou pourraient avoir de vastes conséquences. L’administrateur général fait valoir, au contraire, que les autres personnes n’ont pas d’« intérêt substantiel » dans l’issue de la présente affaire. Il soutient que, comme le fonctionnaire s’estimant lésé n’est pas représenté par un agent négociateur et que son grief ne touche pas une convention collective, « [traduction] […] toute décision dans cette affaire qui porte sur la question de compétence n’aura d’impact direct sur aucun agent négociateur ou employeur […] ». L’argument de l’administrateur général est peut-être correct, mais il ne l’est que dans son sens technique et limité. Dans les faits, seulement deux parties, à savoir le fonctionnaire s’estimant lésé et l’administrateur général, seront touchées de façon immédiate et directe par ma décision. Par ailleurs, tous les fonctionnaires régis par la nouvelle Loi et tous les agents négociateurs et employeurs sont des parties éventuelles à une procédure de médiation portant sur un grief renvoyé à l’arbitrage. Tous les fonctionnaires, agents négociateurs et employeurs ont un intérêt commun dans le bon fonctionnement du processus de médiation et, je crois, dans l’intégrité des ententes de règlement. Les intérêts de tous les fonctionnaires, agents négociateurs et employeurs sont en jeu dans la mesure où les questions de compétence en l’espèce portent sur des questions liées à l’efficacité fondamentale de la médiation : qu’arrive-t-il si une partie croit que l’autre n’a pas observé les modalités de l’entente établie au moyen de la médiation?

31 L’administrateur général cite Anderson c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2003 CAF 352, une décision de la Cour d’appel fédérale selon laquelle les interventions ne devraient pas être permises si le seul intérêt de l’intervenant proposé est de nature jurisprudentielle. L’administrateur général invoque également les critères utilisés par la Cour d’appel fédérale pour déterminer s’il convient d’accorder le statut d’intervenant, comme l’indique Canadian Airlines International Ltd. v. Canada (Human Rights Commission), 2000 CanLII 14938 (C.A.F.). Bien que ces décisions présentent un certain intérêt, les règles qu’elles proposent ne sont pas contraignantes dans cette affaire. Elles sont élaborées en vue de la conduite de litiges dans le contexte formel d’un tribunal judiciaire, où les exigences techniques et procédurales sont à juste titre plus précises et onéreuses. À l’opposé, les exigences qui s’appliquent habituellement aux tribunaux administratifs et, plus précisément, à la procédure d’arbitrage de grief favorisent plus de souplesse.

32 L’administrateur général attire également mon attention sur les facteurs utilisés par le Tribunal de la dotation de la fonction publique lorsqu’il examine les demandes d’intervention; ces facteurs sont formulés au paragraphe 19(4) du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Règlement du TDFP »), DORS/2006-6 :

     19. (4) Le Tribunal peut octroyer au requérant le statut d’intervenant après avoir considéré les facteurs suivants:

a) le fait que le requérant est directement concerné par l’instance;

b) le fait que le requérant défend une position déjà soutenue devant le Tribunal;

c) la mesure dans laquelle l’intervention du requérant servirait l’intérêt public ou celui de la justice;

d) la mesure dans laquelle l’apport du requérant aidera le Tribunal à décider de la plainte.

33 Manifestement, le Règlement du TDFP ne s’applique pas à la présente affaire. Cependant, s’il s’appliquait, je tirerais des conclusions assez différentes sur la manière dont il s’applique de celles que tire l’administrateur général. Pour les motifs énoncés précédemment, je crois que d’autres personnes pourraient bien être touchées directement dans l’avenir par l’issue du litige, même si elles ne le sont pas directement maintenant. En ce qui concerne l’alinéa 19(4)b), ce ne sont pas tous les intérêts qui sont nécessairement représentés. Il est compréhensible que le fonctionnaire s’estimant lésé concentre son examen des questions de compétence sur le contexte immédiat du présent dossier. Il est permis de croire que les agents négociateurs et les employeurs ont, pour leur part, un intérêt général continu à l’égard du fonctionnement de la procédure de règlement des conflits établie par la nouvelle Loi et de s’attendre à ce qu’ils soient préoccupés lorsque sont prises des décisions en matière de compétence qui peuvent avoir un impact systémique sur cette procédure. Plus particulièrement, les agents négociateurs et les employeurs sont souvent signataires d’ententes établies au moyen de la médiation et peuvent être touchés directement par toute modification qui affectent le statut de ces ententes. Ils peuvent posséder une expérience précieuse à partager dans cette affaire. Comme l’a mentionné la Cour suprême du Canada dans un contexte similaire, « […] [l]es opinions et les arguments des intervenants sur des questions d’importance publique sont souvent d’une aide considérable pour les tribunaux […] » : Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236, paragr. 43.

34 En ce qui concerne les alinéas 19(4)c) et d) du Règlement du TDFP, j’ai confiance qu’un éventail plus large de points de vue sur les questions de compétence que je dois traiter m’aidera considérablement à prendre ma décision. À tout le moins, il ne peut être invoqué que l’intérêt public à l’égard de l’efficacité du processus de médiation dans la fonction publique sera miné par le lancement du débat. L’effet devrait plutôt aller dans le sens contraire. Quant aux parties elles-mêmes, je ne crois pas que l’une d’elles subisse un préjudice du fait des interventions. Le retard occasionné par la sollicitation des interventions ne sera pas important. Il n’y aura aucun déni de justice naturelle si les deux parties ont une occasion juste et équitable de répondre aux questions soulevées par les intervenants éventuels.

35 Je constate finalement que les arguments de l’administrateur général sur la question des interventions renferment également des commentaires sur la signification et l’importance de l’article 236 de la nouvelle Loi et des décisions judiciaires citées dans la lettre du greffe adressée aux parties en date du 4 février 2008. Ces commentaires reprennent la position défendue par l’administrateur général dans sa réponse initiale à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé. Aux fins de la décision préliminaire sur les interventions, je constate qu’il serait prématuré pour moi de traiter de l’un ou l’autre des arguments principaux invoqués par l’administrateur général sur le fond.

36 Pour les motifs qui précèdent, j’ai statué en faveur de contacter tous les agents négociateurs et les employeurs en vertu de la nouvelle Loi pour leur donner l’occasion de présenter des arguments écrits sur les mêmes questions de compétence que celles qui seront soumises aux parties.

37 Le 15 février 2008, le greffe a écrit aux parties pour leur faire part des questions de compétence au sujet desquelles je désirais recevoir leurs arguments écrits. La lettre informait également les parties de ma décision de solliciter des interventions sur les questions :

[Traduction]

[…]

Le dossier de l’affaire en rubrique indique que le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé à l’arbitrage un grief individuel présenté sous la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, à l’encontre d’une mesure disciplinaire entraînant une suspension. Le dossier indique aussi que les parties ne contestent pas qu’elles ont conclu une entente pour régler le grief. Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’administrateur général a failli à ses obligations découlant de l’entente de règlement et a demandé que son grief soit entendu sur le fond. L’administrateur général s’est opposé à cette demande, plaidant que l’entente de règlement prive un arbitre de grief de toute compétence, et s’est fondé sur une série de décisions rendues sous l’égide de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35. Le fonctionnaire s’estimant lésé a répondu que l’omission de l’administrateur général de se conformer aux termes de l’entente de règlement ne devrait pas lui faire perdre le droit de poursuivre son grief.

La compétence d’un arbitre de grief dans les circonstances de la demande du fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas encore été étudiée dans le cadre de la nouvelle Loi.

L’arbitre de grief Butler a décidé de demander aux parties des arguments écrits sur les questions de compétence énoncées plus bas. En raison de l’importance de ces questions de compétence, et de la portée possible des conséquences de toute décision qui pourrait être rendue à leur égard, l’arbitre de grief Butler a aussi décidé, après avoir consulté les parties, d’octroyer la qualité d’intervenant à tous les agents négociateurs et employeurs dans la fonction publique, à la seule fin de déposer des arguments écrits, s’ils le désirent.

Compte tenu de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi en général, et de son article 236 en particulier, et au vu de la mouvance jurisprudentielle touchant la compétence des arbitres — par ex. Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; Nouveau-Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967; Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14; et Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11 —, l’arbitre de grief Butler demande des arguments écrits sur les questions suivantes :

1) Lorsque les parties ont conclu une entente de règlement à l’égard d’un grief individuel renvoyé à l’arbitrage à l’encontre d’une mesure disciplinaire entraînant une suspension, la nouvelle Loi donne-t-elle compétence à un arbitre de grief pour décider si l’entente de règlement des parties est finale et exécutoire?

2) Dans l’éventualité où la nouvelle Loi donne compétence à un arbitre de grief pour décider si l’entente de règlement des parties est finale et exécutoire, l’arbitre de grief a-t-il compétence pour entendre une allégation à l’effet qu’une partie ne s’est pas conformée à l’entente de règlement finale et exécutoire?

3) Dans l’éventualité où l’arbitre de grief a compétence pour entendre une allégation à l’effet qu’une partie ne s’est pas conformée à l’entente de règlement finale et exécutoire, l’arbitre de grief a-t-il la compétence d’émettre l’ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances?

[…]

III. Arguments écrits

38 Dans les circonstances particulières de la présente affaire, j’ai décidé de m’écarter de ma pratique habituelle qui consiste à présenter un résumé indépendant des arguments formulés par les parties et, dans le présent cas, par les intervenants. J’ai plutôt annexé leurs arguments écrits sous forme essentiellement complète. Je le fais à des fins pratiques et pour donner à la collectivité des relations du travail qui s’intéresse à l’issue du litige la possibilité d’étudier toute l’étendue des arguments détaillés qui ont été formulés.

39 Outre les arguments des parties, j’ai reçu des arguments des trois intervenants suivants : la section locale 2228 de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité (FIOÉ), l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

40 J’ai également reçu de brefs commentaires dans un courriel d’un représentant d’un quatrième agent négociateur qui m’ont été présentés nettement hors délai. Comme aucun motif n’a été donné pour expliquer le retard de cette présentation, le courriel d’une page n’a pas été pris en compte.

41 L’administrateur général a présenté des arguments en réfutation. Le fonctionnaire s’estimant lésé ne l’a pas fait.

42 J’ai examiné de très près toutes les observations. Les motifs qui suivent renvoient à des éléments des arguments, de part et d’autre, que j’ai jugés les plus importants. Je ne mentionne pas de manière uniforme l’origine de ces arguments.

43 Dans sa réfutation, l’administrateur général prétend que les parties et les intervenants « [traduction] […] ne se sont pas fait demander d’examiner le bien-fondé de la jurisprudence établie de la Commission sur la question des ententes de règlement finales et exécutoires […] ». L’administrateur général soutient plutôt que les questions que j’ai posées visaient à obtenir une réponse « [traduction] […] à la lumière de […] » la nouvelle Loi et des décisions expressément mentionnées que j’appellerai dans la présente décision les « décisions rendues dans la foulée de Weber ». L’administrateur général défend cette position sur la base du passage suivant de la lettre de la Commission datée du 15 février 2008 :

[Traduction]

[…]

Compte tenu de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi en général et de son article 236 en particulier, et au vu de la mouvance jurisprudentielle touchant sur la compétence des arbitres — par ex. Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; Nouveau-Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967; Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14; et Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11 —, l’arbitre de grief Butler demande des arguments écrits sur les questions suivantes :

[…]

[L’administrateur général souligne]

44 Je ne saisis pas clairement quel argument de fond ou de procédure l’administrateur général tente de faire valoir. Je ne trouve dans la lettre du greffe aucune directive qui pourrait raisonnablement être interprétée comme si elle interdisait à une partie ou à un intervenant de faire valoir les arguments jugés nécessaires et appropriés concernant les trois questions que je leur ai posées. Les autres observations établissent clairement que le fonctionnaire s’estimant lésé et les intervenants ne ressentaient pas de telles restrictions. Si l’administrateur général sentait qu’il était limité dans les arguments qu’il pouvait présenter, je crois qu’il s’imposait lui-même ces limites. Quoi qu’il en soit, l’administrateur général avait pleinement et librement l’occasion à l’étape de la réfutation de traiter de toutes les facettes des arguments du fonctionnaire s’estimant lésé et des intervenants. Selon moi, l’administrateur général n’a subi aucun préjudice, si c’est ce qu’il laisse entendre.

IV. Motifs

45 Je tiens d’entrée de jeu à exprimer ma reconnaissance aux parties et aux intervenants pour la réflexion et les efforts qu’ils ont manifestement consacrés à leurs arguments. Ensemble, je crois qu’elles représentent une base riche et complète d’examen des questions de compétence que j’ai posées relativement à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé de rouvrir la procédure d’arbitrage de grief.

46 Quelles que soient les autres façons dont je pourrais formuler les questions de compétence, le véritable problème qui sous-tend la demande du fonctionnaire s’estimant lésé peut être exprimé assez simplement : à qui une partie s’adresse-t-elle pour obtenir un redressement lorsqu’elle a réglé un grief renvoyé à l’arbitrage et qu’elle allègue par la suite que l’autre partie n’a pas respecté l’entente de règlement?

A. La jurisprudence s’appuyant sur l’ancienne Loi

47 En termes directs, la réponse usuelle à cette question dans la jurisprudence s’appuyant sur l’ancienne Loi était : « pas à un arbitre de grief ». Dans une suite constante de décisions rendues en application de l’ancienne Loi, il a été statué que l’existence d’une entente de règlement finale et exécutoire — le plus souvent conclue à la suite d’un processus de médiation — rend l’arbitre de grief totalement inhabile à se saisir de l’affaire.

48 Dès 1985 dans la décision Conseil du Trésor c. Déom, dossier de la CRTFP 148-02-107 (19850522), la Commission des relations de travail dans la fonction publique a formulé l’exclusion de la façon suivante :

[…]

La preuve révèle qu’après le renvoi du grief à l’arbitrage et plus précisément le 27 octobre 1982, un règlement est intervenu entre l’employeur et M. Déom. Si l’affaire est encore en suspens, c’est que M. Déom prétend que l’employeur n’a pas satisfait à ses engagements, ce que l’employeur nie.

La Commission est d’avis que vu le règlement dont il est question plus haut, elle ne peut entendre le grief. La Commission n’est pas le tribunal compétent pour décider si les termes du règlement ont été respectés ou non. La Commission se rapporte aux décisions dans Walter Masson (no du dossier : 166-2-9779); re Government of the province of Alberta and Alberta Union of Provincial employees, 10 L.A.C. (3d) 71; et The Letter Carriers' Union of Canada and Canada Post Corporation(décision non rapportée du 15 avril 1985 au sujet du grief de Al Young) où l’on discute de façon exaustive [sic] des conséquences du règlement d’un grief. La jurisprudence arbitrale est unanime à l’effet que s’il y a un règlement, le tribunal d’arbitrage n’a plus compétence.

[…]

49 Des conclusions semblables ont été tirées dans, par exemple, Bhatia c. Conseil du Trésor (Travaux publics Canada), dossier de la CRTFP 166-02-17829 (19890531); Skandharajah c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), 2000 CRTFP 114; Myles c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2002 CRTFP 53; Lindor c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel Canada), 2003 CRTFP 10; Carignan c. Conseil du Trésor (Anciens combattants Canada), 2003 CRTFP 58; Bedok c. Conseil du Trésor (ministère du Développement des ressources humaines), 2004 CRTFP 163; Castonguay c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2005 CRTFP 73; Van de Mosselaer c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2006 CRTFP 59; Dillon c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 135; et Nash c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 98.

50 L’exposé des conclusions dans Lindor est typique des décisions les plus récentes :

[…]

[16] Il est de jurisprudence constante à la Commission qu’un protocole de règlement valide rend la Commission totalement inhabile à se saisir de l’affaire […] C’est dans le but d’apporter de la certitude dans les relations de travail que les ententes de règlement sont finales et exécutoires pour toutes les parties.

[…]

51 L’administrateur général a cité dans ses arguments une décision encore plus récente, Maiangowi c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 6, à titre de décision dans laquelle « [traduction] […] ce principe bien établi a été réitéré […] ». Je ne suis pas d’accord. Le fondement de la décision rendue par l’arbitre de grief dans Maiangowi n’était pas l’existence d’une entente de règlement, mais plutôt le retrait de son grief par la fonctionnaire. Dans cette situation factuelle, l’arbitre de grief se fondait sur Canada (Procureur général) c. Lebreux, [1994] A.C.F. no 1711 (C.A.) (QL), comme précédent selon lequel le retrait d’un grief fait perdre tout droit à l’arbitre de grief :

[…]

[60] La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que le retrait de son grief n’aurait pas dû lui porter préjudice au point d’empêcher la Commission de se prononcer sur la question de compétence. Je ne peux pas souscrire à cet argument. À mon avis, la Cour d’appel fédérale a clairement établi qu’un arbitre de grief nommé par la Commission perd sa compétence pour entendre un grief lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé le retire. Dans Canada (Procureur général) c. Lebreux, [1994] A.C.F. no 1711, le fonctionnaire s’estimant lésé avait conclu une entente avec l’employeur et retiré son grief. La Commission avait fermé les dossiers, mais le fonctionnaire s’estimant lésé est revenu à la charge en demandant qu’on les rouvre, parce que les parties n’auraient pas conclu une entente satisfaisante, selon lui. La Commission a accepté d’être saisie de l’affaire et d’entendre le grief au fond. La Cour d’appel fédérale a jugé que l’arbitre de grief avait erré, parce que le retrait du grief privait la Commission de sa compétence, au paragraphe 12 de sa décision :

[12] À partir du moment où le défendeur a retiré ses griefs, la Commission et l’arbitre de grief désigné sont devenus functus officio, puisqu’ils n’étaient plus saisis de l’affaire. La Commission n’était tenue ni de s’interroger sur le bien-fondé ou sur la faisabilité d’un tel retrait, ni de consentir à l’accepter ou le rejeter. Le retrait mettait immédiatement fin au processus de règlement du grief à l’égard duquel il a été déposé. En conséquence, aucune ordonnance ou décision ne pouvait être et n’a été rendue au sens de la Loi qui puisse faire l’objet d’une annulation ou d’une révision sous l’article 27.

[Renvoi omis.]

[61] La Cour a déclaré que la seule chose que l’arbitre de grief aurait pu faire aurait consisté à prendre note du retrait du grief. À mon avis, Lebreux établit le principe que le retrait d’un grief interdit son arbitrage non seulement sur le fond du grief, mais aussi sur l’exécution de l’entente conclue pour le régler, si j’avais compétence pour en connaître. Une fois qu’un grief est retiré, la Commission n’a plus compétence sur tout ce qui le concerne; l’arbitre de grief n’en est tout simplement plus saisi.

[…]

52 L’arbitre de grief dans Maiangowi énonçait clairement qu’il n’a pas pris de décision sur l’effet qu’une entente de règlement pouvait avoir sur sa compétence, quoiqu’il ait noté de la jurisprudence sur cette question :

[…]

[62] Puisque je n’ai pas compétence pour entendre le grief, la question de savoir si un arbitre de grief a compétence pour se prononcer sur l’exécution de l’entente n’est pas pertinente. Je peux simplement rappeler que les arbitres de griefs ont toujours refusé d’assumer une compétence quant à la mise en œuvre d’une entente portant règlement d’un grief […]

[…]

[Je souligne]

53 Dans la présente affaire, le dossier indique que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas retiré son grief après avoir conclu l’entente de règlement. Je crois que cette distinction est importante. Qu’il suffise d’affirmer que je n’ai pas à me déclarer inhabile pour entendre le grief parce que « […] l’arbitre de grief n’en est tout simplement plus saisi […] » dans le même sens que dans Maiangowi. Je constate également que Maiangowi a été tranchée conformément aux dispositions de l’ancienne Loi, et non de la nouvelle Loi.

54 Le fondement principal qui permet de conclure qu’une entente de règlement rendait l’arbitre de grief totalement inhabile à se saisir de l’affaire en vertu de l’ancienne Loi était le paragraphe 92(1), soit la disposition qui limitait les types de grief qui pouvaient être renvoyés à l’arbitrage :

      92. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur :

a) l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) dans le cas d’un fonctionnaire d’un ministère ou secteur de l’administration publique fédérale spécifié à la partie I de l’annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

55 Les arbitres de griefs ayant interprété le paragraphe 92(1) de l’ancienne Loi ont statué qu’un différend sur une entente de règlement ne touchait ni l’interprétation ni l’application d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale en vertu de l’alinéa 92(1)a) ni une mesure disciplinaire ou un licenciement au sens des alinéas 92(1)b) et c). Ainsi, ils ont statué que l’ancienne Loi empêche un arbitre de grief d’appliquer une entente de règlement (en présumant qu’il existait effectivement une entente finale et exécutoire).

56 Les décisions rendues sous le régime de l’ancienne Loi acceptaient que, dans certaines situations, un arbitre de grief avait le pouvoir de prendre certaines décisions au sujet d’une prétendue entente de règlement. Les arbitres de griefs ont pris compétence, pour instruire, par exemple, un litige portant sur l’existence même d’une entente finale et exécutoire elle-même; voir par exemple Bedok. Les arbitres de griefs acceptaient également qu’ils avaient compétence pour déterminer si, dans certaines circonstances, une entente de règlement ne devrait pas être reconnue, comme lorsqu’une partie signe une entente de règlement sous l’effet de la contrainte ou d’une pression indue ou si d’autres facteurs rendent l’entente inique; voir par exemple Nash et Van de Mosselaer. Dans cette dernière décision, l’arbitre de grief a expressément reconfirmé son « […] pouvoir discrétionnaire résiduel pour déterminer si l'entente devrait ne pas être appliquée du fait qu'il s'agit d'une opération déraisonnable […] » et a cité Macdonald c. Canada, 1998 CanLII 8736 (C.F. 1re inst.) relativement aux critères qui permettent de déterminer si l’entente était inique.

57 Outre ces décisions limitées, la compétence des arbitres de griefs prévue par l’ancienne Loi prenait fin. On estimait habituellement qu’un redressement pour un prétendu défaut de se conformer à une entente de règlement passait par une poursuite civile devant les tribunaux judiciaires. Un fonctionnaire avait également la possibilité de choisir de déposer un nouveau grief pour contester cette inobservation. Le renvoi d’un tel grief à l’arbitrage était toutefois autre chose. Dans Fox c. Conseil du Trésor (Commission de l’immigration et du statut de réfugié), 2001 CRTFP 130, par exemple, l’arbitre de grief a statué qu’une entente de règlement ne pouvait être considérée comme une « décision arbitrale » et que le dépôt d’un nouveau grief visant à faire appliquer une entente de règlement ne constituait pas en soi l’un des objets prévus au paragraphe 92(1) de l’ancienne Loi pour le renvoi à l’arbitrage.

B. Les choses ont-elles vraiment changées sous la nouvelle Loi?

58 L’administrateur général fait valoir que rien n’a véritablement changé en vertu de la nouvelle Loi. Selon lui, la jurisprudence établie sous le régime de l’ancienne Loi continue de s’appliquer et l’existence d’une entente de règlement finale et exécutoire continue de rendre l’arbitre de grief totalement inhabile à se saisir de l’affaire. D’après l’administrateur général, les questions qui peuvent faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage demeurent définies, en vertu du paragraphe 209(1) de la nouvelle Loi, de manière à ne pas englober un différend concernant une entente de règlement :

     209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une sentence arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

59 L’administrateur général fait valoir que le recours dont dispose une partie qui allègue l’inobservation d’une entente de règlement consiste d’abord à déposer un nouveau grief. Comme c’était le cas en vertu de l’ancienne Loi, il prétend qu’une décision rendue par l’employeur au dernier palier de la procédure applicable aux griefs relativement à un tel grief demeure finale et exécutoire en vertu de la nouvelle Loi. Le renvoi à l’arbitrage de grief ne constitue pas une option. D’après l’administrateur général, le fonctionnaire s’estimant lésé peut demander plutôt le contrôle judiciaire de la décision de l’employeur au dernier palier.

60 Le fonctionnaire s’estimant lésé et les intervenants défendent des arguments très différents. Leurs arguments reposent sur une autre interprétation de ce que prévoit la nouvelle Loi et de la façon dont la nouvelle Loi devrait être perçue compte tenu de l’accumulation des décisions judiciaires et autres décisions d’arbitres de griefs.

61 Pour décider comment la nouvelle Loi devrait s’appliquer dans les circonstances de la demande du fonctionnaire s’estimant lésé, j’accepte la proposition selon laquelle je dois donner une interprétation large fondée sur l’objet des dispositions de la nouvelle Loi. L’intervenante FIOÉ m’a renvoyé, à cet égard, à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Machtinger c. HOJ Industries Ltd., [1992] 1 R.C.S. 986. La nature réparatrice des lois sur les relations du travail a depuis été confirmée régulièrement par les tribunaux judiciaires et le pouvoir réparateur des arbitres de griefs et des commissions des relations de travail a généralement été renforcé. Dans Weber, par exemple, la Cour suprême du Canada a statué que les tribunaux établis par une loi, notamment ceux qui sont investis d’un mandat en matière de relations de travail, peuvent avoir « […] une compétence exclusive […] pour entendre tous les litiges qui résultent de la convention collective […] » Weber a également illustré ce que signifie l’adoption d’une interprétation large fondée sur l’objet d’une loi sur les relations de travail en concluant que le champ d’application de la loi du travail à l’étude dans cette décision englobait non seulement les différends qui découlent expressément d’une convention collective, mais également ceux qui peuvent être liés implicitement aux dispositions d’une convention collective.

62 L’intervenante AFPC s’est jointe à la FIOÉ pour demander instamment que j’interprète la nouvelle Loi de manière large et fondée sur son objet conformément à sa nature réparatrice. Pour étayer ses arguments, elle m’a renvoyé au principe directeur établi par le législateur à l’article 12 de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21 :

     12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

En vertu de cette disposition, l’interprétation « […] la plus équitable et la plus large […] » que je dois appliquer à la nouvelle Loi doit tenir compte de sa nature réparatrice et doit être compatible avec « […] la réalisation de son objet ». Les objets de la nouvelle Loi sont énoncés dans son préambule, auquel je peux me reporter à titre indicatif en vertu de l’article 13 de la Loi d’interprétation. Les passages pertinents du préambule sont ainsi rédigés :

     Attendu

[…]

     que des relations patronales-syndicales fructueuses sont à la base d’une saine gestion des ressources humaines, et que la collaboration, grâce à des communications et à un dialogue soutenu, accroît les capacités de la fonction publique de bien servir et de bien protéger l’intérêt public;

[…]

     que le gouvernement du Canada s’engage à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi;

[…]

     que l’engagement de l’employeur et des agents négociateurs à l’égard du respect mutuel et de l’établissement de relations harmonieuses est un élément indispensable pour ériger une fonction publique performante et productive;

[…]

63 Compte tenu des objets énoncés dans le préambule de la nouvelle Loi, j’estime qu’il est de mon devoir en l’espèce de faire en sorte que la nouvelle Loi « […] s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large […] » qui soit conforme avec la promotion de « […] la collaboration [entre les parties] […] » tout en contribuant « […] à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes […] » et en encourageant le « […] respect mutuel et […] l’établissement de relations harmonieuses […] ».

64 Tel que plaidé dans plusieurs des arguments, il ne fait aucun doute que la pierre d’assise de la réalisation des objets de la nouvelle Loi est l’accent qu’elle met sur la procédure qui favorise le règlement volontaire de différends par les parties elles-mêmes, en particulier au moyen de la médiation. J’ai fait référence précédemment au paragraphe 226(2) à titre d’exemple important à cet égard :

     226. (2) En tout état de cause, l’arbitre de grief peut, avec le consentement des parties, les aider à régler tout désaccord entre elles, sans qu’il soit porté atteinte à sa compétence à titre d’arbitre chargé de trancher les questions qui n’auront pas été réglées.

65 Le paragraphe 226(2) indique que même au dernier palier du mécanisme de règlement des différends, qui peut donner lieu à l’imposition d’une décision finale et exécutoire par un arbitre de grief, les parties peuvent encore régler leur différend de façon volontaire. Dans les faits, les arbitres de griefs mentionnent maintenant régulièrement dans le contexte des audiences leur disponibilité à agir comme médiateurs et, dans un nombre important de cas, ont contribué avec succès à un règlement de dernière minute des différends de préférence à l’imposition d’une solution sous la forme de décision finale et exécutoire.

66 L’accent mis sur le règlement volontaire de différends et sur le rôle de la médiation à cette fin est également apparent ailleurs dans la nouvelle Loi,comme dans l’article 13, qui identifie la médiation comme l’un des trois mandats de la nouvelle Commission. L’article 207 exige en outre que chacun des administrateurs généraux de l’administration publique centrale établisse un système de gestion informelle des différends permettant de régler volontairement et rapidement les différends. De plus, en vertu du paragraphe 223(3), le président de la nouvelle Commission peut ordonner la tenue d’une conférence afin de tenter de régler ou d’atténuer les différends. Enfin, des dispositions analogues de la partie 1 de la nouvelle Loi s’appliquent aux différends qui surviennent au cours de la négociation collective ainsi qu’à d’autres types de procédure : les articles 37, 108, 145 et 172.

67 Les conditions permettant de réaliser les avantages des mécanismes de médiation comprennent l’attente selon laquelle les parties qui prennent part à la médiation le font volontairement et s’engagent de bonne foi à faire fonctionner la médiation. À mon avis, l’un des éléments essentiels de cet engagement est l’autre attente selon laquelle les différents engagements pris dans le cadre d’un règlement seront fidèlement respectés. Si les parties n’ont pas de motif de croire fermement que les modalités d’un règlement volontaire seront mises en œuvre tel que prévu, il n’est dès lors plus justifié d’envisager une entente établie par médiation volontaire de préférence à une solution exécutoire imposée par une tierce partie. En ce sens, on peut avancer de façon convaincante que le caractère exécutoire d’un règlement est nécessaire à l’intégrité même du processus de médiation. Si une partie ne peut raisonnablement s’attendre à ce qu’une entente de règlement soit exécutoire, les divers mécanismes établis par la nouvelle Loi pour faciliter les règlements volontaires pourraient avoir peu de chances de contribuer à la réalisation des objets de la nouvelle Loi tels qu’ils sont établis par le législateur. L’intervenante AFPC plaide directement cet argument de la façon suivante :

[Traduction]

[…]

50. Si le syndicat ne peut assurer à ses membres que l’entente de règlement contractée pourra être exécutée par un tiers auquel leur grief a été renvoyé, il est probable que cela encouragera plutôt les gens à intenter des poursuites plutôt qu’à faire valoir leurs droits de grief et tenter le sort alors qu’il y a un risque réel de non-respect.

51. Si l’AFPC a conscience d’être ni trop ferme ni trop véhémente sur cette question, elle y accorde toutefois une importance certaine. S’il s’agit d’un cas où une entente de règlement ne peut être exécutée par la Commission ou par un arbitre dans l’exercice de sa compétence inhérente à la procédure de départ (que ce soit une plainte, une demande ou un grief), le syndicat ne peut, de bonne foi, recommander le recours à la médiation ou confirmer à ses membres l’existence d’un moyen rapide pour contraindre l’autre partie à respecter sa part de l’entente.

[…]

68 Je doute fortement que l’administrateur général nierait que le caractère exécutoire des règlements est crucial pour la réalisation des objets de la nouvelle Loi. L’administrateur général fait toutefois valoir que la Loi n’a pas donné aux arbitres de griefs la responsabilité de régler des questions liées à l’exécution des règlements. Comme je l’indiquais précédemment, l’administrateur général soutient que cette responsabilité est celle du décideur de dernier palier dans la procédure applicable aux griefs; il présume ainsi qu’un fonctionnaire déposera un nouveau grief pour faire appliquer une entente de règlement. Par la suite, cette responsabilité devient celle des tribunaux judiciaires si le fonctionnaire présente une demande de contrôle judiciaire de la décision prise par le décideur au dernier palier. Si le fonctionnaire ne dépose pas un nouveau grief, le seul recours plausible qui lui reste, compte tenu de l’interprétation que fait l’administrateur général de la nouvelle Loi, réside probablement dans une poursuite devant les tribunaux judiciaires, quoique les arguments de l’administrateur général ne traitent pas de cette éventualité.

69 S’agit-il bien de l’intention du législateur? L’article 236 de la nouvelle Loi, qui est une nouveauté, va dans un sens différent. Voici le texte du paragraphe 236(1) :

     236. (1) Le droit de recours du fonctionnaire par voie de grief relativement à tout différend lié à ses conditions d’emploi remplace ses droits d’action en justice relativement aux faits — actions ou omissions — à l’origine du différend.

Il me semble que ce paragraphe interdit rigoureusement tout recours devant une instance autre que celle établie par la nouvelle Loi pour obtenir une réparation liée à des conditions d’emploi. Les mots utilisés dans le paragraphe 236(1) sont très généraux. La disposition s’applique à « […] tout différend lié à [des] […] conditions d’emploi […] [je souligne] » dont la réparation peut être recherchée par voie de grief. L’exercice du droit de déposer un grief « […] remplace [les] droits d’action en justice […] [je souligne] » « relativement aux faits — actions ou omissions — à l’origine du différend [je souligne] .»

70 Le poids du paragraphe 236(1) de la nouvelle Loi est renforcé par le paragraphe 236(2), qui prévoit que l’interdiction s’applique même si le fonctionnaire ne s’est pas prévalu de son droit de présenter un grief et qu’il soit possible ou non de soumettre le grief à l’arbitrage :

     236. (2) Le paragraphe (1) s’applique que le fonctionnaire se prévale ou non de son droit de présenter un grief et qu’il soit possible ou non de soumettre le grief à l’arbitrage.

J’estime que les paragraphes 236(1) et (2) de la nouvelle Loi constituent des indications prépondérantes de l’intention du législateur d’écarter, au moyen de la procédure de règlement des différends prévue par la partie 2 de la nouvelle Loi, la compétence des tribunaux judiciaires à l’égard des poursuites « […] par voie de grief […] ». Il m’est difficile de trouver dans ces dispositions des appuis à toute affirmation selon laquelle un différend sur l’exécution d’une entente de règlement peut ou devrait, en définitive, être tranché par les tribunaux judiciaires, autrement qu’en ce qui concerne les possibilités limitées de contrôle judiciaire.

71 Interpréter le paragraphe 236(1) de la nouvelle Loi comme une disposition écartant la compétence des tribunaux judiciaires lorsqu’un fonctionnaire procède « […] par voie de grief […] » est conforme à considérer que la partie 2 de la nouvelle Loi constitue un régime exclusif et complet de règlement de ce type de différends en matière de relations de travail. Le concept d’un « régime exclusif et complet » de règlement des conflits de travail découle des décisions rendues dans la foulée de Weber.

72  Dans Weber, la Cour suprême du Canada a statué que les arbitres régis par la Loi sur les relations de travail de l’Ontario (LRTO), L.R.O. (1990), ch. L.2, possèdent une compétence exclusive et complète en matière de différends émanant des conventions collectives. La Cour a notamment invoqué dans sa décision le paragraphe 45(1) de la LRTO, qui est ainsi rédigé :

     45.-(1) Chaque convention collective contient une disposition sur le règlement, par voie de décision arbitrale définitive et sans interruption du travail, de tous les différends entre les parties que soulèvent l’interprétation, l’application, l’administration ou une prétendue inexécution de la convention collective, y compris la question de savoir s’il y a matière à arbitrage.

La Cour a tiré la conclusion suivante de la disposition de la LRTO :

[…]

45 […] Le paragraphe 45(1) de la Loi sur les relations de travail de l’Ontario, à l’instar de la disposition en cause dans St. Anne Nackawic, fait mention de « tous les différends entre les parties que soulèvent l’interprétation, l’application, l’administration ou une prétendue inexécution de la convention collective » (je souligne). La loi ontarienne fait donc de l’arbitrage le seul recours possible à l’égard de ces différends. Le mot «différends» indique le litige qui oppose les parties, mais par les actions en justice qu’une partie peut avoir le droit d’intenter contre l’autre. Cette disposition vise – et donc exclut de la portée des tribunaux – toutes les procédures qui découlent du différend opposant les parties, quel que soit l’angle sous lequel ces procédures sont abordées. Le litige qui relève des dispositions de la Loi ferme la porte à toute procédure concomitante.

[…]

[Le passage souligné l’est dans l’original]

73 Les conclusions de la Cour suprême du Canada dans Weber s’inspiraient de ses décisions antérieures qui reconnaissaient généralement les compétences spécialisées des tribunaux administratifs du travail et s’en remettaient à eux pour régler des conflits en matière de relations de travail. Dès 1979, la Cour, dans l’arrêt S.C.F.P. c. Société des Alcools du N.-B., [1979] 2 R.C.S. 227, écrivait ce qui suit :

[…]

[…] La commission est un tribunal spécialisé chargé d’appliquer une loi régissant l’ensemble des relations de travail. Aux fins de l’administration de ce régime, une commission n’est pas seulement appelée à constater des faits et à trancher des questions de droit, mais également à recourir à sa compréhension du corps jurisprudentiel qui s’est développé à partir du système de négociation collective, tel qu’il est envisagé au Canada, et à sa perception des relations de travail acquise par une longue expérience dans ce domaine.

[…]

74 De même, dans St. Anne Nackawic Pulp & Paperc. SCTP, [1986] 1 R.C.S. 704, la Cour suprême du Canada a formulé les observations suivantes :

[…]

[…] les lois en matière de relations de travail prévoient un code régissant tous les aspects des relations de travail et […] l'on porterait atteinte à l'économie de la loi en permettant aux parties à une convention collective […] d'avoir recours aux tribunaux ordinaires […]

[…]

[…] Les tribunaux ne sont pas compétents pour entendre des réclamations qui découlent des droits créés par une convention collective […] les tribunaux [ne peuvent pas] non plus trancher à bon droit des questions qui auraient pu [par ailleurs] résulter en common law de la relation employeur-employé […] si la convention collective […] prévoit […] une procédure et une juridiction pour son application.[…]

[…]

Il en reste une attitude de respect de la part des juges envers la procédure d'arbitrage. […]

[…]

75 Pour déterminer si un différend relève des tribunaux judiciaires ou d’un tribunal du travail, d’après Weber, « […] il faut s'attacher non pas à la qualité juridique du tort, mais aux faits qui donnent naissance au litige […] ». Weber précise qu’il faut, pour identifier le tribunal compétent, effectuer une analyse qui détermine l’« essence » d’un différend. D’après la Cour suprême du Canada, l’essence d’un différend est une question de relations de travail — et, par conséquent, relève exclusivement d’un arbitre de grief — si « […] le comportement qui donne naissance au litige opposant les parties découle expressément ou implicitement de la convention collective qui les unit. »

76 Dans l’arrêt connexe O’Leary, la Cour suprême du Canada a résumé son point de vue de la façon suivante :

[…]

[…] les tribunaux ne sont pas compétents pour connaître d'un litige qui découle de la convention collective, sous réserve du pouvoir discrétionnaire résiduel qu'ont les tribunaux de compétence inhérente d'accorder une réparation que la procédure d'arbitrage d'origine législative ne prévoit pas. Pour déterminer si une affaire découle ou non de la convention collective, il faut prendre en considération l'essence du litige et des dispositions de la convention collective. […]

[…]

77 La Cour suprême du Canada a explicité le critère de Weber dans Regina Police Assn. Inc. :

[…]

25      Pour déterminer si un litige résulte de la convention collective, nous devons donc tenir compte de deux aspects: la nature du litige et le champ d’application de la convention collective. L’examen de la nature du litige vise à en déterminer l’essence. Cette détermination s’effectue compte tenu non pas de la façon dont les questions juridiques peuvent être formulées, mais des faits entourant le litige qui oppose les parties: voir Weber, précité, au par. 43. Après en avoir examiné le contexte factuel, l’instance décisionnelle doit tout simplement déterminer si l’essence du litige concerne une matière visée par la convention collective. Après avoir établi l’essence du litige, l’instance décisionnelle doit examiner les dispositions de la convention collective afin de déterminer si elle prévoit des situations factuelles de ce genre. Il est clair qu’il n’est pas nécessaire que la convention collective prévoie l’objet du litige de façon explicite. Si l’essence du litige découle expressément ou implicitement de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de l’inexécution de la convention collective, l’arbitre a compétence exclusive pour statuer sur le litige: voir, par exemple, Weber, au par. 54; Nouveau-Brunswick c. O’Leary, précité, au par. 6.

[…]

78 À mon avis, l’orientation de la Cour suprême du Canada dans les décisions rendues dans la foulée de Weber, qui favorise la compétence exclusive et complète en vertu de la loi sur les relations de travail (par opposition aux tribunaux judiciaires) de régler les différends en milieu de travail, s’applique à la partie 2 de la nouvelle Loi, compte tenu du libellé explicite du paragraphe 236(1). Ce paragraphe ne constitue un énoncé ni moins substantiel ni moins fort de la primauté de l’arbitre de grief sur les poursuites qui procèdent « […] par voie de grief […] » que, par exemple, le paragraphe 45(1) de la LRTO. Le paragraphe 236(1) signifie que la partie 2 de la nouvelle Loi prévoit les seuls mécanismes de règlement des différends qui peuvent être utilisés pour régler des griefs déposés en vertu de cette loi. Autrement dit, il s’agit d’un régime exclusif et complet de règlement des griefs.

79 Je n’ignore pas que la nouvelle Loi renferme certains éléments qui limitent le type des conflits pouvant être réglés en ayant recours à la procédure applicable aux griefs d’une façon qui diffère, par exemple, de la LRTO. À titre d’exemple, l’article 7 de la nouvelle Loi reconnaît le droit exclusif de l’employeur d’attribuer des fonctions et de classifier des postes, ce qui soustrait ces sujets de la compétence d’un arbitre de grief (et du champ d’application de la négociation collective). Il demeure toutefois que le paragraphe 236(1) confirme que la partie 2 de la Loi constitue un régime exclusif et complet de règlement des différends qui peuvent procéder « […] par voie de grief […] ».

80 Le pouvoir d’un tribunal judiciaire sur les griefs en vertu de la partie 2 de la nouvelle Loi est également limité par une clause privative, au moins lorsqu’une décision d’un arbitre de grief est en cause :

[…]

     233. (1) La décision de l’arbitre de grief est définitive et ne peut être ni contestée ni révisée par voie judiciaire.

     (2) Il n’est admis aucun recours ni aucune décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action de l’arbitre de grief exercée dans le cadre de la présente partie.

[…]

81 Il existe une distinction importante à faire entre la nouvelle Loi et l’ancienne Loi. Dans Vaughan, la Cour suprême du Canada a confirmé une déférence générale à l’égard des arbitres de griefs en vertu de l’ancienne Loi à titre de tribunaux administratifs spécialisés, mais n’acceptait pas que le libellé même de l’ancienne Loi servait à écarter la compétence des tribunaux judiciaires :

[…]

2        Je suis d’accord avec l’appelant pour dire que le texte et le contexte de la LRTFP ne vont pas jusqu’à écarter explicitement la compétence des tribunaux, comme c’était le cas dans l’affaire Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929. Bien que les tribunaux conservent une compétence résiduelle pour trancher les questions liées au secteur de travail qui découlent de l’art. 91 de la LRTFP et qui ne peuvent faire l’objet de l’arbitrage prévu à l’art. 92, je suis néanmoins d’avis qu’ils devraient généralement exercer leur pouvoir discrétionnaire pour refuser d’intervenir, sauf dans le cadre limité du contrôle judiciaire. Les faits dans la présente affaire, dans la mesure où l’on peut les établir, illustrent bien pourquoi il est souhaitable de faire preuve de retenue judiciaire dans ce domaine. […]

[…]

13      Les relations de travail sont depuis longtemps reconnues comme champ d’expertise. Au cours des dernières années, les tribunaux ont cherché à adopter une attitude non interventionniste (ou de « déférence ») à l’égard des tribunaux administratifs spécialisés dans ce domaine, y compris les arbitres. Cette déférence s’est cristallisée dans l’arrêt Weber, où cette Cour a établi une ligne de démarcation « nette » dans le cas des différends régis par le genre de législation sur les relations de travail que l’on trouve communément au Canada et qui prévoit l’arbitrage obligatoire. Dans de tels cas, si le différend qui oppose les parties découle, dans son « essence », de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de la violation d’une convention collective, ce différend doit être tranché non pas par les tribunaux, mais par un arbitre nommé conformément à la convention collective.

[…]

39      […] lorsque le législateur a clairement établi un régime complet pour le règlement des différends en matière de relations de travail, comme c’est le cas en l’espèce, les tribunaux ne devraient pas mettre en péril le mécanisme exhaustif de règlement des différends que contient la loi en permettant l’accès systématique aux tribunaux. […]

[…]

82 Fait important, même en l’absence d’une disposition législative écartant explicitement la compétence des tribunaux judiciaires, Vaughan a néanmoins confirmé que l’ancienne Loi comportait effectivement un « […] mécanisme exhaustif de règlement des différends […] » pour les différends qui découlent du lien d’emploi. Appliquant l’approche de Weber, Vaughan a effectivement limité à des circonstances relativement restreintes l’exercice du pouvoir discrétionnaire résiduel des tribunaux judiciaires à l’égard des questions relevant de l’ancienne Loi. Compte tenu de Vaughan et de l’accent qu’il met sur une « […] règle générale de déférence […] », tous les doutes se sont dissipés sur la question de savoir si les arbitres de griefs bénéficiaient dans le cadre de leur mandat en vertu de l’ancienne Loi du même statut privilégié relativement aux conflits de relations de travail que les autres arbitres ou les commissions des relations de travail au Canada.

83 Dans ses arguments, l’administrateur général défend la position suivante en ce qui concerne l’article 236 de la nouvelle Loi :

[Traduction]

[…]

[…] l’article 236 codifie les principes formulés dans Vaughan et amène peut-être ceux-ci plus loin en interdisant complètement aux employés d’intenter des poursuites devant les tribunaux relativement à des différends concernant l’emploi, et donc en exigeant que les employés cherchent à obtenir un redressement sous le régime établi par le Parlement.

[…]

[Le passage souligné l’est dans l’original]

Dans cette mesure, l’administrateur général semble souscrire à la conclusion selon laquelle la partie 2 de la nouvelle Loi doit être considérée comme un régime exclusif et complet de règlement des griefs. Toutefois, l’administrateur général ne trouve rien dans l’article 236 qui modifie la compétence d’un arbitre de grief :

[Traduction]

[…]

[…] l’employeur prétend que l’article 236 de la LRTFP a non seulement eu pour effet de modifier la loi, mais que comme les arrêts de la Cour suprême dont il a été question précédemment, l’article 236 traite de la compétence d’un tribunal judiciaire et non de celle d’un arbitre de grief. Par conséquent, l’employeur ne voit pas comment l’article 236 peut être utile à l’arbitre de grief Butler dans la présente affaire, dans le cadre de laquelle il est question de l’effet d’une entente finale et exécutoire.

[…]

[Le passage souligné l’est dans l’original]

84 Avant de cesser de traiter de Vaughan, j’aimerais signaler que les circonstances examinées dans cette décision diffèrent à plusieurs égards importants de la présente affaire. Dans Vaughan, le fonctionnaire avait intenté une poursuite en Cour fédérale alléguant de la négligence de la part de son employeur après avoir contesté sans succès le défaut de son employeur de lui accorder un avantage aux termes d’une politique d’encouragement à la retraite anticipée. Ce défaut était contestable par grief en vertu de l’article 91 de l’ancienne Loi, mais ne pouvait faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage en vertu du paragraphe 92(1). La Cour suprême du Canada a fini par débouter le fonctionnaire dans sa tentative d’avoir recours aux tribunaux judiciaires pour contester la décision de son employeur et s’en est remise à la décision prise par l’employeur au dernier palier de la procédure applicable aux griefs de refuser d’accorder l’avantage en question.

85 En l’espèce, la cause d’action initiale était une décision disciplinaire. Le fonctionnaire s’estimant lésé avait le droit de déposer un grief à l’encontre de cette décision et avait aussi le droit de renvoyer le grief à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1) de la nouvelle Loi (comme il aurait eu le droit de le faire en application du paragraphe 92(1) de l’ancienne Loi), et il l’a fait. Cet accès à l’arbitrage de grief constitue un élément de distinction important d’avec Vaughan. De plus, contrairement à la présente affaire, Vaughan ne concernait pas le règlement volontaire d’un grief. Dans Vaughan, aucune question ne se posait non plus au sujet de la compétence d’un arbitre de grief au regard d’une entente finale et exécutoire par les parties.

86 Je tire de l’exposé sur ce point les conclusions suivantes qui orienteront mon analyse des trois questions que j’ai soumises aux parties et aux intervenants :

- Je dois faire en sorte que les dispositions de la nouvelle Loi « […] s’interprète[nt] de la manière la plus équitable et la plus large […] » qui soit conforme avec la promotion de « […] la collaboration [entre les parties] […] » tout en contribuant « […] à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes […] » et en encourageant le « […] respect mutuel et […] l’établissement de relations harmonieuses […] ».

- L’une des pierres d’assise de la nouvelle Loi est l’accent qu’elle met sur le règlement volontaire de différends par la médiation. Il est essentiel, pour l’efficacité des mécanismes de médiation, que l’on puisse s’attendre à ce que les modalités d’une entente de règlement soient respectées.

- Compte tenu du paragraphe 236(1) de la nouvelle Loi et de l’orientation donnée par les décisions rendues dans la foulée de Weber, dont Vaughan, la partie 2 de la nouvelle Loi doit être considérée comme un régime exclusif et complet de règlement des différends qui procède « […] par voie de grief […] ». La compétence d’un arbitre de grief doit s’inscrire dans ce cadre.

C.  Question 1 : Lorsque les parties ont conclu une entente de règlement à l’égard d’un grief individuel renvoyé à l’arbitrage à l’encontre d’une mesure disciplinaire entraînant une suspension, la nouvelle Loi donne-t-elle compétence à un arbitre de grief pour décider si l’entente de règlement des parties est finale et exécutoire?

87 Je crois que la réponse à la première question est simple. Dans ses arguments, l’administrateur général fait valoir que ni la nouvelle Loi ni la jurisprudence examinées précédemment n’ont modifié la situation de façon importante. Tant en vertu de l’ancienne Loi qu’en vertu de la nouvelle Loi, un arbitre de grief possède le pouvoir de déterminer si les parties ont conclu une entente finale et exécutoire. L’administrateur général énonce cette conclusion dans les termes suivants :

[Traduction]

[…]

[…] L’employeur prétend qu’aucune des décisions susmentionnées ou des dispositions de la nouvelle Loi n’a modifié la compétence de l’arbitre de grief à cet égard.

[…]

[…] La jurisprudence soumise dans la lettre de l’employeur datée du 8 janvier est cohérente et, au dire de l’employeur, correcte du point de vue de son approche selon laquelle la première question à trancher consiste à établir s’il existe ou non un protocole d’entente final et exécutoire entre les parties. Dans la négative, l’arbitre de grief a peut-être compétence. L’analyse de la question de savoir s’il existe un protocole d’entente final et exécutoire est donc inhérente à la décision de l’arbitre de grief sur sa compétence en application de l’article 209 de la LRTFP […]

[…]

88 Les arguments du fonctionnaire s’estimant lésé et des intervenants reconnaissent également sans réserve la compétence d’un arbitre de grief de déterminer s’il existe une entente de règlement finale et exécutoire. Je ne vois aucun motif basé sur les dispositions de la nouvelle Loi ou sur la jurisprudence pour ne pas être d’accord avec cette position. Je réponds donc par l’affirmative à la question 1.

89 Pour déterminer s’il existe une entente de règlement finale et exécutoire, il faut examiner les faits. Cet examen peut comprendre une analyse du texte d’une entente de règlement pour déterminer si son contenu reconnaît explicitement la nature finale et exécutoire de l’entente conclue par les parties ou une analyse d’autres éléments de preuve desquels l’intention des parties de rendre une telle entente finale et exécutoire peut être raisonnablement tirée. Un tel examen peut être fait avec la prudence procédurale appropriée malgré la nature confidentielle du processus de médiation qui a donné lieu au règlement; voir Van de Mosselaer. Comme d’autres décisions le corroborent, l’examen de l’effet final et exécutoire d’une entente de règlement peut également comporter une évaluation de la preuve censée établir qu’une partie a signé cette entente sous la contrainte ou sous une pression indue ou que d’autres facteurs font en sorte qu’elle est inique.

90 Pour procéder aux examens nécessaires, je conclus qu’il s’inscrit bien dans le pouvoir reconnu d’un arbitre de grief de convoquer ou de reconvoquer une audience à cette fin. Dans cette mesure, les pouvoirs usuels de l’arbitre de grief en vertu du paragraphe 226(1) de la nouvelle Loi s’appliquent également et pleinement au cours d’une audience qui se penche sur une entente de règlement, y compris les pouvoirs suivants :

     226. (1) Pour instruire toute affaire dont il est saisi, l’arbitre de grief peut :

a) de la même façon et dans la même mesure qu’une cour supérieure d’archives, convoquer des témoins et les contraindre à comparaître et à déposer sous serment, oralement ou par écrit;

b) ordonner l’utilisation de moyens de télécommunication permettant aux parties et à l’arbitre de grief de communiquer les uns avec les autres simultanément lors des audiences et des conférences préparatoires;

c) faire prêter serment et recevoir les affirmations solennelles;

d) accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice;

e) obliger, en tout état de cause, toute personne à produire les documents ou pièces qui peuvent être liés à toute question dont elle est saisie;

[…]

91 Si un arbitre de grief conclut qu’il n’existe pas d’entente finale et exécutoire, l’arbitre de grief peut se saisir ou demeurer saisi du grief sur le fond.

92 Si un arbitre de grief conclut qu’une entente de règlement est inique ou qu’il existe d’autres motifs impérieux pour lesquels l’entente ne devrait pas être reconnue, il est quand même saisi ou demeure saisi du grief sur le fond, l’entente de règlement ayant été invalidée.

93 Dans les circonstances de la présente demande, il semble incontesté que les parties ont signé une entente qu’elles considéraient alors comme un règlement final et exécutoire de la question en litige. En outre, il n’est nullement allégué devant moi que l’entente de règlement est viciée parce qu’elle est inique ou pour tout autre motif. Le fonctionnaire s’estimant lésé prétend plutôt qu’une clause de l’entente de règlement n’a pas été observée.

94 L’administrateur général n’a pas directement pris position sur l’allégation d’inobservation. Il a simplement affirmé dans sa réplique initiale à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé que « […] si le fonctionnaire s’estimant lésé a des préoccupations au sujet de la mise en œuvre du PE, ses gestionnaires locaux sont tout à fait disposés à en discuter avec lui. »

95 D’après le fonctionnaire s’estimant lésé, l’allégation d’inobservation exige que je rouvre l’audience d’arbitrage de grief pour examiner au fond le grief initial. Je ne suis pas d’accord. La réouverture d’une audience à cette fin pourrait bien être un redressement adéquat dans certaines circonstances, mais d’autres redressements plus directs seront habituellement disponibles s’il est établi qu’il y a eu inobservation. Quoi qu’il en soit, l’inobservation doit d’abord être prouvée par le fonctionnaire s’estimant lésé à moins que l’administrateur général reconnaisse explicitement ce fait. La preuve requise pour établir l’inobservation se limitera à cette question. L’étape de la « preuve sur le fond » est passée. Il faut par conséquent établir si un arbitre de grief a compétence pour continuer plus avant, en autant qu’il existe un règlement final et exécutoire. L’arbitre de grief peut-il statuer sur la question de l’inobservation, puis faire quelque chose à ce sujet?

D.  Question 2 : Dans l’éventualité où la nouvelle Loi donne compétence à un arbitre de grief pour décider si l’entente de règlement des parties est finale et exécutoire, l’arbitre de grief a-t-il compétence pour entendre une allégation à l’effet qu’une partie ne s’est pas conformée à l’entente de règlement finale et exécutoire?

96 La question 2 est au cœur du litige. Où un litige sur une entente de règlement devrait-il être tranché, et comment? Un arbitre de grief a-t-il compétence?

97 En vertu de la nouvelle Loi, la compétence et l’autorité d’un arbitre de grief ne sont pas définies essentiellement par une convention collective, comme c’est souvent le cas ailleurs dans le domaine des relations de travail au Canada. Elles sont plutôt établies par les dispositions de la nouvelle Loi elle-même, en commençant par le paragraphe 209(1). En donnant à l’alinéa 209(1)a) une interprétation « [traduction] […] équitable et large […] » qui soit compatible avec les objets de la nouvelle Loi — et compte tenu du fait que la partie 2 de la Loi comprend un régime exclusif de règlement des conflits qui procède « […] par voie de grief […] » en vertu du paragraphe 236(1) et à la lumière des décisions rendues dans la foulée de Weber —, le mandat conféré à un arbitre de grief par la nouvelle Loi devrait-il être considéré comme un mandat qui inclut l’autorité de se saisir d’une allégation selon laquelle une partie n’observe pas une entente de règlement finale et exécutoire?

98 Les arguments invoqués par le fonctionnaire s’estimant lésé et par les intervenants m’ont persuadé de façon prépondérante que je dois répondre affirmativement à la deuxième question qui leur a été soumise. Je crois qu’il existe des motifs juridiques et politiques impérieux d’adopter une nouvelle approche en vertu de la nouvelle Loi. Je le fais avec beaucoup de respect pour les conclusions contraires des arbitres de griefs qui ont traité avant moi de la question en vertu de l’ancienne Loi.

99 Tel qu’il était soutenu dans les arguments, il existe deux scénarios possibles en vertu de la partie 2 de la Loi pour résoudre un différend portant sur une entente de règlement :

Option 1 : Le différend fait clairement l’objet d’un nouveau grief déposé en vertu de l’article 208 de la nouvelle Loi. Puisque l’objet d’un tel grief ne fait pas partie de la liste des sujets qui peuvent être renvoyés à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1), la décision au dernier palier de la procédure applicable aux griefs est finale et exécutoire.

Option 2 : Le différend sur l’entente de règlement découle du grief initial. Un arbitre a compétence pour examiner le différend si le sujet du grief initial tombe dans le champ de compétence d’un arbitre de grief, tel que prévu par le paragraphe 209(1) de la nouvelle Loi.

100 L’administrateur général a fait valoir que ni l’article 236 de la nouvelle Loi ni les décisions rendues dans la foulée de Weber ne justifient que l’option 1 cesse d’être la bonne approche. Selon l’administrateur général, l’article 236 et les décisions rendues dans la foulée de Weber sont pertinents seulement si le problème réside dans l’attribution de compétence soit aux tribunaux judiciaires soit aux arbitres de griefs. Dans la présente affaire, le choix diffère. D’après l’administrateur général, l’article 236 et les décisions rendues dans la foulée de Weber ne sont d’aucune utilité pour déterminer laquelle des deux options de règlement des différends devrait s’appliquer en vertu de la partie 2 de la nouvelle Loi si une partie allègue l’inobservation d’une entente de règlement.

101 Je ne suis pas d’accord sur un aspect primordial. J’estime que les décisions rendues dans la foulée de Weber, tel qu’il est davantage expliqué dans Regina Police Assn. Inc., laissent entendre qu’il est fortement justifié de choisir entre les options 1 et 2.

102 Une contribution cruciale des décisions rendues dans la foulée de Weber, revues précédemment, est la position prise par la Cour suprême du Canada selon laquelle l’attribution d’une compétence exige que le décideur détermine l’« essence » d’un différend. Dans les causes initiales des décisions rendues dans la foulée de Weber, la Cour a appliqué le critère de l’« essence » du différend pour établir la distinction entre la compétence d’un arbitre de grief et celle des tribunaux judiciaires. Dans Regina Police Assn. Inc., la Cour a élargi l’application du critère pour décider lesquelles des deux procédures de règlement des différends prévues par une loi régissaient un différend.

103 Dans la situation étudiée dans Regina Police Assn. Inc., un sergent de police a démissionné de ses fonctions pour ne pas faire face à un licenciement disciplinaire, puis a tenté de retirer sa démission pour les motifs qu’elle avait été forcée. Le chef de police a refusé d’accepter le retrait. La Cour suprême du Canada a dû établir si le sergent avait le droit de contester la décision par voie de grief en vertu des dispositions de Trade Union Act de la Saskatchewan, R.S.S., 1978, c. T-17, ou par voie d’appel de la mesure disciplinaire en vertu des dispositions de la Police Actde la Saskatchewan, 1990, S.S. 1990-91, c. P-15.01. La Cour a appliqué le critère de l’« essence » du différend. Elle a statué que la cause du sergent ne découlait ni expressément ni implicitement de la convention collective — sujet pouvant faire l’objet d’un grief en vertu de laTrade Union Act— et portait essentiellement sur la décision du chef de police de prendre une mesure disciplinaire à l’égard du sergent. À ce titre, la Police Act, 1990 devait s’appliquer.

104 Dans Regina Police Assn. Inc., la Cour suprême du Canada a résumé l’approche dont elle s’est servie pour déterminer la compétence de la façon suivante :

[…]

26      Avant d’analyser le champ d’application de la convention collective, il importe de reconnaître que, dans l’arrêt Weber, notre Cour a été appelée à choisir qui des arbitres ou des tribunaux a compétence pour entendre le litige. En l’espèce, The Police Act et le Règlement forment un autre régime législatif qui régit également les rapports entre les parties. Comme je l’ai mentionné précédemment, le modèle de la compétence exclusive a été adopté afin de garantir que l’attribution de compétence à une instance décisionnelle que n’avait pas envisagée le législateur ne porte pas atteinte au régime législatif en cause. Il faut donc se demander si le législateur a voulu que le présent litige soit régi par la convention collective ou par The Police Act et le Règlement. Lorsque ni l’arbitre ni la Commission n’ont compétence pour entendre le litige, les tribunaux possèdent une compétence résiduelle pour régler le litige. Tout comme le juge Vancise, j’estime que le modèle décrit dans Weber s’applique quand il faut déterminer lequel des deux régimes législatifs concurrents devrait régir le litige.

[…]

39      En résumé, le raisonnement qui sous-tend l’arrêt Weber, précité, est que les questions de compétence doivent être tranchées d’une manière qui soit conforme au régime législatif régissant les parties. Cette logique s’applique, qu’il s’agisse de choisir entre un tribunal et une instance décisionnelle créée par la loi ou entre deux organismes créés par la loi. La question clé dans chaque cas est de savoir si l’essence du litige, dans son contexte factuel, est expressément ou implicitement visée par un régime législatif. Pour statuer sur cette question, il convient de donner à la loi une interprétation libérale de façon à ce que l’attribution de compétence à une instance que n’avait pas envisagée le législateur ne porte pas atteinte au régime.

[…]

105 Aux fins de la présente affaire, selon le précédent crucial établi par Regina Police Assn. Inc., le critère de l’« essence » du différend établi dans Weber peut et devrait être utilisé lorsqu’un décideur doit déterminer lequel de plusieurs processus possibles de règlement des différends prévus par une loi devrait s’appliquer à un différend. Dans Regina Police Assn. Inc., les deux options possibles étaient prévues dans des lois distinctes. Je ne vois rien dans la logique de l’approche de la Cour suprême du Canada, cependant, qui suggère que le même critère ne devrait pas s’appliquer si le choix doit être fait entre deux options de règlement des différends prévues par la même loi, comme c’est le cas en l’espèce. Selon moi, le même critère de l’« essence » du différend constitue un fondement nécessaire et suffisant pour décider si un différend portant sur une entente de règlement relève du décideur au dernier palier de la procédure applicable aux griefs (option 1) ou d’un arbitre de grief (option 2).

106 Il m’apparaît par conséquent qu’un examen de la jurisprudence et de la nouvelle Loi appuie le cheminement analytique suivant :

- La partie 2 de la nouvelle Loi est un régime complet de règlement des différends procédant par voie de grief : Weber, Vaughan etl’article 236 de la nouvelle Loi.

- Un différend sur une entente de règlement est visé par le régime de règlement des différends de la partie 2 de la nouvelle Loi : Vaughan etl’article 236 de la nouvelle Loi.

- Les tribunaux judiciaires devraient s’abstenir d’exercer leur pouvoir discrétionnaire résiduel lorsqu’un recours existe en vertu du régime prévu par la loi : Vaughan.

- Il s’agit de déterminer si l’essence d’un différend sur une entente de règlement qui doit être réglé en vertu de la partie 2 de la nouvelle Loi est visée par l’arbitrage de grief en vertu du paragraphe 209(1) ou non : Regina Police Assn.

- Le différend sur une entente de règlement relève de la compétence d’un arbitre de grief si le contexte factuel établit qu’il découle explicitement ou implicitement d’un sujet prévu au paragraphe 209(1) de la nouvelle Loi : Weber et Regina Police Assn.

107 Le contexte factuel le plus important de l’examen du lien entre une entente de règlement et un sujet prévu à l’article 209 de la nouvelle Loi est la nature du grief initial.

108 L’intervenante AFPC m’a renvoyé à Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [2006] CCRI no 362, à l’appui de la proposition selon laquelle un différend sur l’application d’une entente de règlement ne constitue pas une nouvelle action, mais est plutôt liée à la cause initiale :

[…]

[32][…] le syndicat a demandé au Conseil de déterminer et de déclarer qu’il y avait eu entente et que les modalités de cette entente étaient exécutoires. Dans ce contexte, la demande du syndicat ne constituait pas une demande distincte ou « nouvelle » non reliée à une procédure principale devant le Conseil. Il ne s’agissait pas d’une demande unique cherchant à obtenir l’exercice des pouvoirs généraux du Conseil et de son pouvoir de redressement isolément, comme c’était le cas dans les décisions invoquées par le CN, mentionnées précédemment.

[…]

109 Le lien entre un différend sur une entente de règlement et le différend initial que l’entente de règlement prétend régler me semble nécessaire et inextricable. La présente affaire servant d’illustration, le différend initial entre le fonctionnaire s’estimant lésé et l’administrateur général découle de la décision de ce dernier d’imposer une suspension disciplinaire. La procédure de règlement de grief qui s’est ensuivie portait essentiellement sur cette décision. Quand les parties ont décidé d’envisager un règlement volontaire de leur différend au cours de l’audience d’arbitrage de grief, l’une des conditions nécessaires du règlement était leur entente sur la façon de régler la mesure disciplinaire. En concluant un règlement, les parties ont signifié qu’elles s’étaient entendues sur la disposition de la mesure disciplinaire. Quand le fonctionnaire s’estimant lésé a ultérieurement conclu que l’administrateur général ne respectait pas une condition du règlement, il a allégué que le différend sur la mesure disciplinaire initiale n’était plus réglé de façon concluante. C’est la raison pour laquelle il a demandé la réouverture de l’audience. En ce sens très important, le différend sur l’entente de règlement, dans son essence, a découlé de la mesure disciplinaire initiale. En fait, aucun nouveau différend indépendant n’a pris naissance — ou si l’on pouvait affirmer qu’il y avait un nouveau différend, celui-ci était lié si expressément ou implicitement à la mesure disciplinaire qu’il ne pourrait pas être séparé de ce contexte.

110 L’un des indices prépondérants du lien inextricable entre un différend sur une entente de règlement et le grief initial réside dans la question du redressement. Quand une partie demande à un décideur de déterminer si les modalités d’une entente de règlement ont été respectées, l’objectif sous-jacent de cette démarche est habituellement de faire appliquer les modalités du règlement. Ces modalités du règlement n’ont pas de signification ou d’importance indépendante en dehors du contexte du différend initial. La partie qui allègue l’inobservation ne demande pas habituellement un nouveau redressement, mais plutôt l’application d’un redressement qui, prétend-elle, a déjà fait l’objet d’une entente entre les parties. Par conséquent, sous l’angle du redressement, un différend sur une entente de règlement est nécessairement lié au grief initial. Il n’existe pas de distinction importante.

111 Je suis intimement convaincu que, dans le cadre de l’application du critère de l’« essence » du différend de la façon proposée par Regina Police Assn. Inc., la position correcte est que les différends sur une entente de règlement sont expressément ou implicitement liés au grief initial et sont admissibles à l’arbitrage de grief en vertu du paragraphe 209(1) de la nouvelle Loi si le grief initial porte lui-même sur une question qui pourrait être renvoyée à l’arbitrage. En ce sens et dans ces circonstances, il est possible d’affirmer que l’« essence » du différend sur l’entente de règlement relève de la compétence d’un arbitre de grief.

112 Je suis très conscient que la nouvelle Loi ne contient pas de disposition explicite qui établit l’intention du législateur de conférer à un arbitre de grief la compétence d’examiner un différend portant sur une entente de règlement. Je crois toutefois que le fait de confirmer la compétence d’un arbitre de grief de trancher et de résoudre un tel différend si l’objet du grief initial est visé par le paragraphe 209(1) de la nouvelle Loi est conforme à la réalisation des objets de la Loi, reflète de manière adéquate une interprétation « […] juste et large […] » du paragraphe 209(1), et découle logiquement de l’application du critère de l’« essence » du différend établi dans Weber, tel qu’il est précisé dans Regina Police Assn. Inc.

113 La décision du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada constitue selon moi une validation indirecte solide de la conclusion que j’ai tirée. Mis également en présence d’une loi qui ne conférait pas expressément au CCRI le pouvoir de traiter des différends sur des ententes de règlement, le CCRI a conclu de façon très claire que sa compétence doit comprendre ces questions afin qu’il puisse réaliser les objectifs de la loi et que la compétence sur les différends relatifs aux ententes de règlement était inhérente aux pouvoirs qui lui avaient déjà été conférés :

[…]

[39] Le Conseil estime que […] de cet objectif législatif, il est nécessaire de protéger l’intégrité du processus informel de règlement. Ses pouvoirs généraux doivent être considérés de manière à lui permettre de réaliser ses objectifs législatifs et son engagement à l’égard du règlement positif des différends. À cette fin, le Conseil doit être habilité à se pencher sur la question de déterminer s’il y a eu ou non entente et, le cas échéant, avoir le pouvoir de faire appliquer les modalités de l’entente afin d’empêcher les parties de manquer aux engagements pris dans le cadre du processus informel de règlement des différends relativement aux questions visées dans les plaintes ou demandes en instance devant le Conseil.

[40][…]Contrairement à ce qu’affirme l’employeur, le Conseil ne voit pas la nécessité d’avoir une disposition distincte conférant un pouvoir exprès pour permettre au Conseil de réaliser les objectifs du Code à cet égard. À titre de tribunal administratif, les pouvoirs généraux du Conseil de se prononcer sur les affaires dont il est saisi comprennent nécessairement le pouvoir et la compétence de déterminer si une demande ou une plainte devant lui est devenue théorique ou a déjà été jugée, par exemple, ou s’il existe une raison sur le plan des relations du travail de mener une enquête particulière. Ce pouvoir, combiné aux vastes pouvoirs de redressement conférés au Conseil par les articles 98 et 99, exercé afin d’assurer la réalisation des objectifs du Code est, de l’avis du Conseil, assez général pour lui permettre également de déterminer si les parties ont conclu une entente exécutoire concernant l’affaire dont il est saisi et donc de statuer sur l’affaire en partie ou en totalité. Conclure que le Conseil n’a pas ce pouvoir, alors que l’aide aux parties pour régler les différends est un des principaux buts et objectifs du Code, aurait pour effet de saper grandement l’autorité du Conseil et son processus en vue de s’acquitter de son mandat législatif. Obliger le Conseil à instruire l’affaire sur le fond ou les parties à engager des procédures civiles pour violation d’une entente irait à l’encontre des fins clairement établies sous-tendant l’existence du Conseil et du mandat qui lui est conféré par le Code.

[…]

[50] En conclusion, lorsque les parties se sont engagées dans le processus informel de règlement prévu dans les dispositions expresses et les objectifs généraux du Code, en vue de régler des questions en litige ayant été dûment soumises devant le Conseil, il en résulte que celui-ci a la compétence nécessaire pour déterminer s’il y a bel et bien eu entente et, le cas échéant, pour en faire appliquer les modalités. Ceci est vrai avec ou sans la participation d’un agent du Conseil au moment de la conclusion de l’entente. Le Conseil estime qu’il existe des raisons impérieuses sur le plan des relations du travail, conformément au Code et au rôle du Conseil, de conclure qu’il possède la compétence nécessaire pour se prononcer sur la question et que les pouvoirs dont il est investi en vertu de l’alinéa 16p) et des articles 15.1, 98 et 99 sont assez généraux pour appuyer et justifier cette conclusion.

[…]

114 On peut trouver d’autres appuis à l’habilitation d’une commission des relations de travail ou d’un arbitre de grief à statuer sur des différends concernant une entente de règlement dans un certain nombre de décisions arbitrales qui ne sont pas de compétence fédérale, tel qu’il est cité de manière très évidente dans les arguments de l’intervenant IPFPC. Je note particulièrement les conclusions de la Commission des relations de travail de l’Ontario dans Rexway Sheet Metal Limited, [1989] OLRB Rep. November 1154, au paragraphe 11 :

[Traduction]

[…]

[…] De toute façon, je suis convaincu que la Commission est compétente pour instruire des plaintes alléguant la violation d’une entente conclue à l’égard de questions lui ayant été soumises à juste titre, comme c’est le cas dans la présente affaire. Le cas contraire aurait pour effet de tourner en dérision le processus de règlement et de permettre aux parties de se dégager de leurs engagements impunément. La Commission est constituée à titre de tribunal administratif expert et doit appliquer et administrer la Loi sur les relations de travail. Il serait effectivement curieux qu’une partie puisse retirer à la Commission une affaire qui relève de sa compétence exclusive initiale simplement en concluant une entente de règlement et en ne l’honorant pas. Même si la partie à une entente de règlement qui est lésée disposait d’un autre recours pour obtenir réparation, l’intention du législateur n’était certes pas qu’une instance autre que cette Commission statue sur cette question relevant expressément de l’expertise en matière de relations du travail et de la compétence initiale de la Commission.

[…]

115 Un certain nombre de motifs stratégiques pratiques justifient de privilégier l’habilitation d’un arbitre de grief à statuer sur les conflits en matière d’entente de règlement (si le sujet du grief initial est visé par le paragraphe 209(1) de la nouvelle Loi). D’abord et avant tout, l’approche soutient le processus de médiation et les objets de la nouvelle Loi qui consistent à assurer un règlement des conflits qui soit juste, crédible et efficace. Elle répond à une préoccupation importante visant le caractère exécutoire des ententes de règlement qui pourrait par ailleurs faire en sorte que certaines parties n’aient pas recours à la médiation et soumettent plutôt leur différend initial au processus formel de l’arbitrage de grief et au prononcé d’une décision finale. Cette approche rehausse la crédibilité du système en donnant du poids à l’attente que les engagements pris en faveur du règlement d’un grief seront respectés.

116 L’approche élimine la nécessité de déposer un nouveau grief pour régler distinctement la question de l’inobservation. En procédant ainsi et en appuyant des processus de médiation qui peuvent écourter le processus de règlement des différends, l’approche contribue à un règlement plus efficace des problèmes. L’approche est également équitable, en ce sens qu’elle semble offrir aux deux parties la possibilité qu’un différend sur leur entente de règlement soit entendu par un arbitre de grief. Si un grief a été dûment renvoyé à l’arbitrage, puis réglé, rien ne semble s’opposer à ce que le défendeur, en tant que partie à ce grief, renvoie une question d’inobservation à l’arbitre de grief. Dans le cadre de l’option 1, aucune possibilité du genre ne s’offrirait à un administrateur général.

117 Pour les motifs exposés précédemment, je conclus qu’un arbitre de grief a compétence pour examiner une allégation selon laquelle une partie ne respecte pas un règlement final et exécutoire si le différend sur l’entente de règlement est lié à un grief initial dont l’objet est visé par le paragraphe 209(1) de la nouvelle Loi.

E.  Question 3 : Dans l’éventualité où l’arbitre de grief a compétence pour entendre une allégation à l’effet qu’une partie ne s’est pas conformée à l’entente de règlement finale et exécutoire, l’arbitre de grief a-t-il la compétence d’émettre l’ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances?

118 La dernière question traite des mesures de redressement dont dispose un arbitre de grief en vertu de la nouvelle Loi s’il a conclu qu’il existe un règlement final et exécutoire, s’il a pris compétence pour entendre une allégation selon laquelle une partie n’a pas respecté une ou des modalités de ce règlement, et s’il a décidé que l’allégation était fondée.

119 Dans ses arguments principaux, l’administrateur général n’a pas traité expressément de la question 3, autrement qu’en déclarant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Compte tenu de la position de l’employeur au sujet de la question 2, l’employeur s’en remet à sa réponse à la question 2 qui précède et prétend qu’un arbitre de grief n’a pas compétence tel qu’il est énoncé dans la question 3. L’employeur soutient en outre qu’aucune des décisions susmentionnées ni aucune disposition de la nouvelle Loi n’a modifié la compétence de l’arbitre de grief à cet égard.

[…]

120 Dans ses arguments en réfutation, l’administrateur général n’a pas traité expressément des observations du fonctionnaire s’estimant lésé et des intervenants en réponse à la question 3. Il n’a pas présenté non plus de nouveaux arguments portant expressément sur la question 3.

121 La position de l’administrateur général concernant la question 3 est simple. Comme un arbitre de grief n’a pas compétence pour examiner une allégation selon laquelle une partie n’a pas respecté une modalité d’une entente de règlement, l’arbitre de grief ne peut non plus avoir compétence pour rendre l’ordonnance qu’il juge appropriée.

122 Il est malheureux que je n’aie pas d’observations de l’administrateur général sur la nature de la compétence d’un arbitre de grief dans les cas où l’arbitre de grief a effectivement compétence pour entendre une allégation selon laquelle une partie n’a pas respecté une entente de règlement finale et exécutoire. En ce sens, la réponse de l’administrateur général à la question 3 ne répond pas à la question 3.

123 En l’absence d’un argument à l’effet contraire de la part de l’administrateur général ou dans la jurisprudence qui m’a été soumise, et à la lumière des arguments du fonctionnaire s’estimant lésé et des intervenants, je crois que l’on peut répondre succinctement à la question 3 de façon positive. Les pouvoirs de redressement d’un arbitre de grief en vertu de la nouvelle Loi sont étendus. Un arbitre de grief n’est pas lié par une liste précise de redressements : la nouvelle Loi ne renferme pas une telle liste. La nouvelle Loi prévoit plutôt ce qui suit au paragraphe 228(2) :

     228. (2) Après étude du grief, il tranche celui-ci par l’ordonnance qu’il juge indiquée […]

[…]

124 Je conclus donc qu’un arbitre de grief a compétence pour rendre l’ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances, ce qui est fondamental pour le mandat accordé à un arbitre de grief en vertu de la nouvelle Loi. J’ajouterais que les décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans des arrêts comme Weber, O’Leary et Vaughan décrivent de manière constante le pouvoir de redressement des arbitres de griefs comme un pouvoir étendu.

F. Conclusion

125 J’ai conclu antérieurement qu’il n’est pas fondé de rouvrir l’audience d’arbitrage de grief pour entendre le grief initial sur le fond. J’ai noté que l’on ne m’a pas demandé de vérifier si l’entente de règlement signée par les parties le 2 mai 2007 est finale et exécutoire ou de déterminer si elle est par ailleurs viciée. C’est l’allégation du fonctionnaire s’estimant lésé selon laquelle l’administrateur général n’a pas respecté une modalité du règlement qui est à l’origine de la présente demande.

126 L’objet du grief initial est une suspension disciplinaire, qui est visée par le paragraphe 209(1) de la nouvelle Loi. La question de l’inobservation de l’entente de règlement découle, dans son essence, du grief initial. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas retiré ce grief.

127 Je conclus qu’un arbitre de grief a compétence pour déterminer si l’administrateur général n’a pas respecté les modalités du règlement signé le 2 mai 2007, et qu’il a compétence pour rendre une ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances.

128 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

129 Je déclare qu’un arbitre de grief a compétence pour déterminer si les parties ont conclu une entente de règlement finale et exécutoire.

130 Je déclare en outre qu’un arbitre de grief a compétence pour examiner l’allégation du fonctionnaire s’estimant lésé selon laquelle l’administrateur général n’a pas respecté l’entente de règlement finale et exécutoire conclue par les parties.

131 Je déclare également qu’un arbitre de grief a compétence pour rendre l’ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances.

132 L’audience d’arbitrage de grief doit reprendre aux fins de déterminer si l’administrateur général a manqué aux modalités de l’entente de règlement signée par les parties le 2 mai 2007, et, le cas échéant, pour déterminer un redressement indiqué.

Le 25 septembre 2008.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
arbitre de grief


I. Arguments écrits

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[Traduction]

[...]

Nous faisons respectueusement valoir que, lorsqu’un grief individuel a été renvoyé à l’arbitrage sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. (2003), ch. 22, art. 2 (la « Loi ») et que les parties ont convenu d’un règlement en cours d’instance, l’arbitre de grief est habilité à :

·         établir si le règlement est définitif et exécutoire;

·         statuer sur les allégations de non-respect d’une entente de règlement définitive et exécutoire;

·         rendre une ordonnance qu’il estime indiquée dans les circonstances.

À cet égard, nous faisons nôtres les arguments présentés par [la Section locale 2228 de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité] et [l’Alliance de la Fonction publique du Canada]. Puisque nous souscrivons à leur argumentation au sujet des dispositions applicables de la Loi, nous ne la répéterons pas ici, ce qui nous permettra de demeurer concis.

À notre avis, la question centrale en l’espèce découle de la jurisprudence citée par l’arbitre Butler dans sa lettre du 15 février 2008. L’arrêt Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, d’abord, puis l’arrêt Nouveau-Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967, ont statué que les employés régis par une convention collective ou par une procédure de règlement de grief d’origine législative (Vaughan c. Canada, 2005 C.S.C. 11) ne peuvent saisir un tribunal judiciaire d’une question liée à l’’emploi. La jurisprudence établit clairement que si le différend concerne une question régie par une convention collective ou des dispositions législatives c’est la procédure de grief prévue qui s’applique et non la procédure judiciaire.

La situation de M. Amos s’apparente beaucoup, d’une certaine façon, à celle de Nouveau-Brunswick c. O’Leary. Dans O’Leary, le gouvernement avait tenté de contourner ses propres dispositions législatives afin de s’adresser aux tribunaux. En l’espèce, le gouvernement fédéral essaie de faire la même chose en prétendant que l’arbitre Butler ne peut connaître de la question en cause. Depuis Vaughan, le gouvernement fédéral a systématiquement demandé et obtenu le rejet des actions intentées par ses employés devant des juridictions civiles. Il prétend que le régime applicable empêche les employés de s’adresser aux tribunaux, qu’il établit une procédure de médiation et de règlement, et qu’il permet ensuite à l’employeur de ne pas se conformer à l’entente de règlement sans que l’employé puisse exercer de recours. Il dispose ainsi d’un moyen économique et efficace de régler les questions liées aux employés, mais l’employé ne dispose d’aucune mesure analogue si l’employeur ne respecte pas le règlement intervenu au moyen de la médiation. Ce n’est tout simplement pas ainsi que la loi devrait être appliquée.

Nous estimons respectueusement que les principes juridiques établissant le caractère exclusif de la procédure de grief permettent de trancher la présente question. Dans Nouveau‑Brunswick c. O’Leary, la juge McLachlin s’est exprimée ainsi :

3. Dans l'arrêt connexe Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, j'analyse le droit pertinent. J'y conclus que les tribunaux ne sont pas compétents pour connaître d'un litige qui découle de la convention collective, sous réserve du pouvoir discrétionnaire résiduel qu'ont les tribunaux de compétence inhérente d'accorder une réparation que la procédure d'arbitrage d'origine législative ne prévoit pas. Pour déterminer si une affaire découle ou non de la convention collective, il faut prendre en considération l'essence du litige et des dispositions de la convention collective.

4. Ainsi, la Cour d'appel a commis une erreur en déclarant sans réserve qu'[traduction] «[i]l peut y avoir poursuite en négligence indépendamment de la convention collective» (p. 160). En fait, la négligence ne peut fonder une action que si le litige ne résulte pas de la convention collective.

5. Reste à savoir si, considéré dans son essence, le litige opposant les parties en l'espèce résulte de la convention collective. À mon avis, c'est le cas. [Je souligne]

6. La province fait principalement valoir que la convention collective n'envisage pas expressément la négligence de l'employé à l'égard des biens de l'employeur et ses conséquences. Toutefois, comme je l'ai noté dans Weber, on dira d'un litige qu'il résulte de la convention collective s'il relève de celle‑ci soit expressément, soit implicitement. En l'espèce, la convention ne mentionne pas explicitement la négligence dont un employé pourrait faire preuve dans le cadre de son travail. Cette négligence relève néanmoins implicitement de la convention collective. Encore une fois, il faut comprendre que c'est l'essence du différend entre les parties et non le cadre juridique dans lequel le litige est posé qui déterminera le tribunal qui convient pour régler l'affaire.

Il ne peut y avoir de réponse plus claire aux questions de l’arbitre Butler. Si, dans son essence, le litige résulte de la convention collective, il ne peut être soumis aux tribunaux judiciaires; il faut observer la procédure prévue par la loi. Le point important, on le voit, est que c’est l’essence du litige qui compte, non le cadre juridique dans lequel on le place. En outre, dans la mesure où la question relève implicitement de la convention collective (ou de la Loi), la procédure de grief s’applique.

Il est indéniable que le cas de M. Amos résulte de la Loi et que cette affaire est liée à l’emploi de M. Amos. Les parties, par suite de la médiation de l’arbitre, ont convenu d’un règlement. Le litige découle de ce règlement.

Les parties conviendront que la conclusion d’une entente de règlement par voie de médiation devrait être le but poursuivi et que c’est la solution qui sert le mieux les relations de travail. Les pouvoirs dont est investi l’arbitre, à cet égard, découlent du paragraphe 226(2) de la Loi, dont voici le texte :

226(2) En tout état de cause, l’arbitre de grief peut, avec le consentement des parties, les aider à régler tout désaccord entre elles, sans qu’il soit porté atteinte à sa compétence à titre d’arbitre chargé de trancher les questions qui n’auront pas été réglées.

Par conséquent, non seulement l’arbitre peut-il agir comme médiateur, mais il exerce ce rôle sans préjudice de son pouvoir de poursuivre l’arbitrage à l’égard des questions qui n’auront pas été réglées. S’agissant de M. Amos, il reste indéniablement des questions non réglées, même si un protocole d’entente a été signé. Nous faisons valoir que la Loi et, plus particulièrement le paragraphe 226(2), confère à l’arbitre le pouvoir de déterminer si des questions ont véritablement été réglées afin de décider s’il y a lieu de poursuivre l’arbitrage. Ce pouvoir découle implicitement, à tout le moins, du paragraphe 226(2) et du résumé des principes juridiques fait par la juge McLachlin dans l’extrait précité.

Si, malgré l’entente intervenue, il reste des questions à régler, de l’avis de l’arbitre, celui-ci peut alors rendre les ordonnances qu’il estime indiquées; ce pouvoir est non seulement sous-entendu dans la jurisprudence précitée et dans le préambule de la Loi, il est clairement prévu aux paragraphes 226(2) et 228(2) de la Loi.

Certes, des décisions ont souligné le caractère exécutoire des ententes de règlement, et on ne saurait permettre la remise en cause de questions réglées par ces ententes. Toutefois, il ressort de la jurisprudence et de l’énoncé clair de l’article 236 de la Loi, qu’un arbitre doit avoir compétence pour déterminer si une question a été réglée par suite de l’exécution par une partie des conditions d’un règlement intervenu en application de la Loi. Autrement, un employé serait dans l’impossibilité de s’adresser aux tribunaux judiciaires en cas d’inexécution de l’entente, puisqu’il est clair que, dans son essence, le différend relevait de la Loi. Une telle situation ne favoriserait aucunement de bonnes relations de travail et irait directement à l’encontre de la notion de respect des ententes exécutoires conclues par voie de médiation, notion formulée au paragraphe 80 des motifs du commissaire Giguère dans Skandharajah (200 CRTFP 144) [sic].

[...]

[Le passage souligné l’est dans l’original]

B. Pour l’administrateur général

[Traduction] 

[...]

[...] Le fonctionnaire s’estimant lésé demande à présent que son grief, qui a été réglé conformément au protocole d’entente, soit entendu au fond. L’employeur s’est opposé à cette demande dans une lettre en date du 8 janvier 2008 adressée à la Commission. Il soutient que l’entente définitive et exécutoire intervenue entre les parties dépouille l’arbitre de toute compétence pour instruire le grief. L’employeur a invoqué la jurisprudence suivante à l’appui de sa position :

MacDonald c. Canada, [1998] A.C.F. no 1562 (C.F. 1re inst.)

Bhatia (166-2-17829)

Skandharajah (200 CRTFP 114) [sic]

Fox (2001 CRTFP 130)

Lindor (2003 CRTFP 10)

Bedok (2004 CRTFP 163)

L’employeur s’est également opposé à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé, en raison de l’absence de compétence de l’arbitre en matière d’exécution d’un protocole d’entente. À l’appui de cet argument, il cite les décisions suivantes :

Déom (148-02-107)

Bhatia (166-2-17829)

Van de Mosselaer (2006 CRTFP 59)

Ces décisions invoquées par l’employeur ont toutes été rendues sous le régime de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (« LRTFP »). Compte tenu de ce fait, l’arbitre Butler a indiqué, dans la lettre de la Commission en date du 15 février, que la question de la compétence d’un arbitre d’instruire un grief ayant fait l’objet d’une entente n’avait pas encore été examinée en fonction de la nouvelle LRTFP, L.C. 2003, ch. 22, art. 2. L’arbitre Butler a demandé aux parties de présenter des arguments écrits. Il a formulé ainsi sa demande :

1.   [Traduction] Compte tenu de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi en général et, plus particulièrement, de l’article 236, et compte tenu de l’évolution jurisprudentielle sur la question de la compétence des arbitres (c.-à-d. Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, Nouveau-Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967, Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14, et Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11), lorsque, dans une affaire disciplinaire entraînant une suspension, un grief individuel est renvoyé à l’arbitrage alors que les parties ont conclu une entente de règlement, un arbitre de grief a‑t‑il compétence, aux termes de la nouvelle Loi, pour déterminer si l’entente de règlement conclue par les parties est définitive et exécutoire?

Il s’agit essentiellement de savoir en vertu de quelle disposition de la nouvelle Loi, le cas échéant, un arbitre aurait compétence pour déterminer si une entente de règlement est définitive et exécutoire. La réponse doit tenir compte de la nouvelle Loi et, plus particulièrement, de l’article 236, ainsi que de l’évolution jurisprudentielle dont il a été question ci‑dessus. La position de l’employeur est que ni les décisions susmentionnées ni les dispositions de la nouvelle Loi n’ont modifié la compétence des arbitres à cet égard.

L’employeur soutient que l’existence d’une entente définitive et exécutoire fait complètement obstacle à l’exercice de la compétence arbitrale. C’est l’article 209 de la LRTFP qui décrit la compétence des arbitres, et on n’y trouve rien sur l’application ou l’interprétation d’ententes. La jurisprudence invoquée dans la lettre du 8 janvier de l’employeur est uniforme et elle appuie, à juste titre selon l’employeur, la position selon laquelle la première question à trancher est la question de savoir s’il existe bien une entente définitive et exécutoire entre les parties. S’il n’y en a pas, peut‑être alors l’arbitre peut‑il exercer sa compétence. L’examen de l’existence d’une entente définitive et exécutoire fait donc intrinsèquement partie de l’analyse que doit effectuer l’arbitre pour statuer sur sa compétence sous le régime de l’article 209 de la LRTFP. Comme on l’a déjà indiqué, l’employeur soutient qu’aucune des décisions judiciaires citées et aucune des dispositions de la nouvelle Loi n’ont modifié la compétence de l’arbitre à cet égard.

2.   [Traduction] Compte tenu de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi en général et, plus particulièrement, de l’article 236, et compte tenu de l’évolution jurisprudentielle sur la question de la compétence des arbitres (c.-à-d. Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, Nouveau-Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967, Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14, et Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11), si l’arbitre de grief a compétence, aux termes de la nouvelle Loi, pour déterminer si l'entente de règlement conclue par les parties est définitive et exécutoire, a-t-il compétence pour statuer sur une allégation de non‑respect d'une entente de règlement définitive et exécutoire?

Puisqu’à l’égard de la question 1, l’employeur a exprimé l’opinion que l’arbitre conserve compétence pour déterminer si l’entente des parties est définitive et exécutoire, la prochaine question qui se pose est de savoir si, compte tenu du nouvel article 236 de la LRTFP et des arrêts précités de la Cour suprême du Canada, l’allégation qu’une partie n’a pas respecté l’entente de règlement est arbitrable.

Sur ce point, la position de l’employeur est que l’arbitre n’a pas compétence en matière d’application d’un protocole d’entente et qu’il ne peut donc connaître d’une allégation de non‑respect d’une entente de règlement définitive et exécutoire. C’est là un principe bien établi dans la jurisprudence citée dans la lettre du 8 janvier de l’employeur et qui, en outre, vient d’être réitéré dans Maiangowi c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé) (2008 CRTFP 6)1, une décision rendue récemment par l’arbitre Mooney sous le régime de la LRTFP. L’employeur affirme qu’aucun des arrêts précités ni aucune des dispositions de la nouvelle Loi n’ont modifié la compétence de l’arbitre à cet égard.

Comme l’employeur l’a indiqué dans sa lettre du 8 février 2008, il fait valoir qu’on ne voit pas bien le lien qui pourrait exister entre la question juridictionnelle qui se pose en l’espèce et l’article 236 de la LRTFP ou les arrêts susmentionnés de la Cour suprême. Trois de ces arrêts concernent la compétence des tribunaux judiciaires en matière de différends en droit du travail, lorsqu’un employé préfère poursuivre son employeur devant une juridiction civile plutôt que de se prévaloir de la procédure prévue par la loi ou par la convention collective. L’affaire Regina Police Association Inc. est quelque peu singulière à cet égard, du fait que les régimes dont chaque partie se réclamait étaient la convention collective d’une part (donc l’arbitrage en application de la Trade Union Act, R.S.S. 1978, ch. T‑17) et la Police Act, 1990, S.S. 1990‑91, ch. P‑15.01 et ses règlements d’application, d’autre part. L’appel portait sur la question de savoir si le différend entre l’employeur et l’employé résultait de la convention collective, auquel cas l’arbitre aurait eu compétence pour en connaître, sinon c’est la commission établie par la Police Act qui aurait eu compétence.

La Cour suprême a appliqué le modèle de la compétence exclusive adopté dans Weber et, pour déterminer si le différend résultait de la convention collective, elle a pris deux facteurs en considération : la nature du différend et le champ d’application de la convention collective. La Cour a statué que le différend était essentiellement de nature disciplinaire et que la convention collective ne régissait pas le renvoi motivé. Concluant que le législateur avait voulu que de tels différends relèvent de la Police Act et de ses règlements d’application, la Cour a statué que l’arbitre n’avait pas compétence.

La Cour suprême a résumé ainsi sa pensée sur la question juridictionnelle, au paragraphe 39 :

« En résumé, le raisonnement qui sous-tend l’arrêt Weber, supra, est que les questions de compétence doivent être tranchées d’une manière qui soit conforme au régime législatif régissant les parties. Cette logique s’applique, qu’il s’agisse de choisir entre un tribunal et une instance décisionnelle créée par la loi ou entre deux organismes créés par la loi. La question clé dans chaque cas est de savoir si l’essence du litige, dans son contexte factuel, est expressément ou implicitement visée par un régime législatif. Pour statuer sur cette question, il convient de donner à la loi une interprétation libérale de façon à ce que l’attribution de compétence à une instance que n’avait pas envisagée le législateur ne porte pas atteinte au régime. » [je souligne]

Au regard de l’analyse de la Cour suprême résumée au paragraphe 39, il se peut que l’argument de l’employeur exposé dans ses arguments du 8 février, selon lequel les arrêts invoqués de la Cour suprême ne portaient que sur la compétence des tribunaux judiciaires en matière de différends en droit du travail et non sur celle des arbitres, relève d’une simplification quelque peu excessive. Cela dit, l’employeur continue d’être d’avis que, sur la question de la compétence d’un arbitre nommé en application de la LRTFP, ces arrêts de la Cour suprême du Canada n’apportent rien qui ne figurait déjà dans la jurisprudence élaborée par la CRTFP et citée dans sa lettre du 8 janvier. D’abord et avant tout, si l’on excepte Vaughan (dont il sera question plus loin), l’arrêt le plus récent de la Cour suprême date de mars 2000. Cinq des décisions de la CRTFP citées par l’employeur dans sa lettre du 8 janvier ont été rendues après cette date (et l’une d’elles est même postérieure à Vaughan). L’employeur soutient donc que la jurisprudence de la CRTFP expose l’état actuel du droit et intègre ces arrêts de la Cour suprême. Par conséquent, l’arbitre Butler ne pouvait trouver dans ces arrêts aucune indication supplémentaire susceptible d’éclairer sa décision sur la question de sa compétence en matière d’application du protocole d’entente. Toute autre position équivaudrait à faire fi de nombreuses années de jurisprudence bien fondée émanant de la Commission.

Dans Regina Police Association Inc., la Cour suprême a également déclaré ce qui suit au paragraphe 23 :

« Par conséquent, pour déterminer si elle a compétence pour entendre un litige, l’instance décisionnelle doit se conformer à l’intention du législateur énoncée dans le ou les textes législatifs régissant les parties. »[je souligne]

L’intention du législateur, tant en vertu de l’ancienne que de la nouvelle LRTFP est claire en ce qui a trait à la compétence de l’arbitre de grief et elle est énoncée à l’article 209 de la LRTFP, dont voici le libellé :

Renvoi d’un grief à l’arbitrage

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

Concernant les griefs pouvant être renvoyés à l’arbitrage, l’employeur est d’avis que l’article 209 de la LRTFP détermine la compétence d’un arbitre. Contrairement aux relations de travail provinciales et aux employeurs fédéraux régis par le Code canadien du travail, les arbitres de grief de la fonction publique fédérale tirent leur compétence de la loi et non de la convention collective. Par conséquent, l’arbitre de grief a, conformément à l’article 209, compétence sur les griefs relatifs à l’interprétation ou à l’application d’une disposition de la convention collective ou d’une décision arbitrale touchant le fonctionnaire. L’arbitre de grief a également compétence sur les griefs relatifs à une mesure disciplinaire prise contre le fonctionnaire entraînant un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire; et sur les rétrogradations et les licenciements attribuables à un rendement insatisfaisant ou à toute autre raison non liée à un manquement à la discipline ou à une inconduite.

Par conséquent, un fonctionnaire a le droit, en vertu de l’article 208 de  la LRTFP, de présenter un grief concernant un protocole d’entente et, s’il y a lieu, une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale, à compter de l’étape finale de la procédure de règlement des griefs. Toutefois, l’employeur est d’avis que l’article 209 de la LRTFP ne confère pas à l’arbitre compétence sur la mise en œuvre d’un protocole d’entente. Essentiellement, le libellé de l’article 92 de l’ancienne Loi et de l’article 209 de la nouvelle Loi n’a pas été modifié au point de permettre une interprétation différente de la compétence de l’arbitre à cet égard.

De même, particulièrement en ce qui a trait à l’arrêt Vaughan et à l’article 236 de la LRTFP, voici le texte de la disposition :

Absence de droit d’action

Différend lié à l’emploi

236. (1) Le droit de recours du fonctionnaire par voie de grief relativement à tout différend lié à ses conditions d’emploi remplace ses droits d’action en justice relativement aux faits — actions ou omissions — à l’origine du différend.

Application

(2) Le paragraphe (1) s’applique que le fonctionnaire se prévale ou non de son droit de présenter un grief et qu’il soit possible ou non de soumettre le grief à l’arbitrage.

Exception

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas au fonctionnaire d’un organisme distinct qui n’a pas été désigné au titre du paragraphe 209(3) si le différend porte sur le licenciement du fonctionnaire pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite.

Comme il a déjà été indiqué dans les arguments du 8 février, l’employeur est d’avis que l’article 236 codifie les principes énoncés dans l’arrêt Vaughan c. Canada, [2005] A.C.S. no 12 (C.S.C.) (QL) et les rend peut-être encore plus efficaces en interdisant totalement aux fonctionnaires d’intenter un recours en justice en ce qui a trait aux différends en matière d’emploi, et exige, par conséquent, que les fonctionnaires exercent leur recours selon le régime établi par le législateur. Ceci étant dit, l’employeur observe, toutefois, que non seulement l’article 236 de la LRTFP n’a pas changé le droit, mais aussi que l’article 236 de la LRTFP ne traite réellement que de la compétence de la Cour et non de celle de l’arbitre. Par conséquent, l’employeur ne voit pas comment l’article 236 peut aider l’arbitre Butler dans la présente affaire où il est question des effets d’un règlement définitif et exécutoire.

3.   Compte tenu de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi en général, et de son article 236 en particulier, et compte tenu de l’évolution de la jurisprudence concernant la compétence des arbitres de grief (c.-à-d. les arrêts Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; Nouveau‑Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 1967; Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14; et Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11), advenant que l'arbitre de grief ait compétence pour statuer sur une allégation de non-respect d’une entente de règlement définitive et exécutoire, a-t-il compétence pour rendre l’ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances?

Étant donné sa position relativement à la question n2, l’employeur s’appuie sur sa réponse à la question n2 ci‑dessus pour observer que l’arbitre de grief n’a pas la compétence visée à la question n3. En outre, l’employeur observe qu’aucun des arrêts susmentionnés ou qu’aucune disposition de la nouvelle Loi n’a modifié la compétence de l’arbitre à cet égard.

Conclusion

En fin de compte, on ne nous a pas demandé d’examiner le bien-fondé de la jurisprudence de la Commission sur la question des ententes de règlement définitives et exécutoires. L’arbitre Butler nous a plutôt demandé s’il existe une nouvelle disposition de la LRTFP ou un arrêt de la Cour suprême du Canada qui permettrait une interprétation différente de la jurisprudence de la Commission. L’employeur observe que rien dans la nouvelle Loi ou dans la jurisprudence citée de la Cour suprême ne permettrait de donner une interprétation différente de la compétence de l’arbitre de grief dans la mesure où les règlements définitifs et exécutoires sont concernés.

[...]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

[J’omets les notes en bas de page]

C. Pour les intervenants

Les arguments écrits des intervenants sont exposés dans le même ordre qu’ils ont été reçus.

1. Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228

[Traduction]

[…]

ARGUMENTS

L’arbitre désigné en application de la LRTFP est habilité à déterminer si l’entente de règlement est définitive et exécutoire; il statue sur les allégations de non-respect de l’entente formulées à l’égard d’une partie; et il rend les ordonnances qu’il estime indiquées compte tenu de toutes les circonstances.

La compétence de l’arbitre à l’égard de ces trois aspects se fonde sur :

1.)  le fait que tout différend découlant des conditions d’emploi et que l’administration et l’interprétation de la convention collective sont assujetties à la procédure du règlement des griefs et au processus d’arbitrage;

2.)  une interprétation générale et téléologique de la LRTFP;

3.)  la jurisprudence de la Cour suprême du Canada (CSC) relative à la compétence exclusive des arbitres de différends en milieu de travail et à l’interprétation libérale qui s’impose à l’égard d’une loi réparatrice telle que la LRTFP.

1.) L’arbitre de grief a compétence exclusive en vertu de la convention collective

La compétence exclusive de l’arbitre de grief ou de l’arbitre de différends comprend toutes les controverses où l’« essence » du litige a un fondement factuel enraciné dans les clauses prévues expressément ou implicitement dans la convention collective (arrêts Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; Nouveau Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967; et Regina Police Assn. c. Regina Police Commission, [2000] 1 R.C.S. 360, où la convention collective a été interprétée en tenant compte d’un régime législatif plus large). Dans Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146, la CSC a appliqué cette méthode d'interprétation à la LRTFP. Dans cet arrêt, les juges majoritaires de la Cour ont conclu que le législateur avait créé dans la LRTFP un régime législatif complet. Dans le cadre de ce régime, le législateur a voulu que les différends en milieu de travail soient tranchés en conformité avec la procédure de griefs établie par la Loi.

L’arbitre de grief est habilité à statuer sur les ententes de règlement au regard de sa compétence principale et exclusive sur le différend sous-jacent. L’entente de règlement constitue une décision finale rendue à l’égard d’une question ayant trait au milieu de travail. Toutefois, dans les cas où la validité de l’entente est remise en question ou lorsqu’il est allégué qu’une partie ne respecte pas l’entente, le litige initial entre les parties n’a pas été réglé. Dans de tels cas, les parties ne s’entendent pas sur ce qui devait être la décision définitive concernant le différend sous-jacent en milieu de travail. Nonobstant le contrôle judiciaire, le législateur et les tribunaux ont toujours été d'accord pour dire que seul l’arbitre de grief ou l’arbitre de différends a compétence pour décider de l’issue des griefs relevant des relations de travail.

2.) L’arbitre de grief a compétence implicite sur les ententes de règlement selon la LRTFP

Une interprétation large et téléologique de la LRTFP étaie la conclusion selon laquelle l’arbitre de grief a compétence sur les différends relatifs aux ententes de règlement.

Bien que la compétence de l’arbitre à l’égard des ententes de règlement ne soit expressément prévue par la Loi, elle peut être implicitement fondée sur les articles 208 et 209. Le pouvoir de l’arbitre de grief de statuer sur des questions relatives à une entente de règlement découle de sa compétence pour régler tout différend sous-jacent en milieu de travail entre les parties. L’arbitre a également le pouvoir de statuer sur les ententes de règlement dans le cadre de sa compétence résiduelle pour administrer la Loi en application du préambule et de l’article 36.

Articles 208 et 209

En vertu de l’article 208 de la LRTFP, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il « s’estime lésé » par l’interprétation ou l’application de ce qui suit :

a)   [...] (i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

      (ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b)   par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi. [je souligne]

En vertu du sous-alinéa 208a)(i) de la LRTFP, une entente de règlement découlant d’une mesure disciplinaire contestée peut être interprétée comme constituant un « document de l’employeur concernant les conditions d’emploi », bien que ce document de l’employeur ait été établi en collaboration avec le syndicat. Cette interprétation du sous-alinéa 208a)(i) ferait intervenir la compétence de l’arbitre.

L’arbitre peut également se déclarer compétent relativement à une affaire liée à une entente de règlement en vertu de l’alinéa 208b), lequel établit une vaste catégorie de circonstances où un fonctionnaire peut présenter un grief. L’entente de règlement vise à régler un différend entre les parties concernant une condition d’emploi. Le désaccord quant au règlement final de ce différend est directement lié aux conditions d’emploi du fonctionnaire.

L’article 209 prévoit des motifs additionnels pour lesquels l’arbitre peut connaître de questions concernant une entente de règlement :

Renvoi d’un grief à l’arbitrage

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;  [je souligne]

Lorsqu’un fonctionnaire conteste une entente de règlement, cela indique que le grief visé par l’entente n’a pas été réglé à la satisfaction du fonctionnaire. Dans ces circonstances, l’entente de règlement relèverait d’emblée de la compétence de l’arbitre en vertu de l’article 209.

Lorsque l’arbitre est d’avis que l’une des parties n’a pas respecté l’entente de règlement valide, le paragr. 228(2) de la Loi lui confère de larges pouvoirs de rendre l’ordonnance « qu’il juge indiquée » pour disposer de l’affaire, dont les ordonnances d’exécution.

Pouvoirs résiduels prévus au préambule

Selon le préambule de la Loi, l’arbitre a également des pouvoirs résiduels ou accessoires concernant le règlement d’un grief sur lequel il avait initialement compétence.

L’objet et le but de la Loi figurent dans le préambule :

Attendu : [...]

que des relations patronales-syndicales fructueuses sont à la base d’une saine gestion des ressources humaines, et que la collaboration, grâce à des communications et à un dialogue soutenu, accroît les capacités de la fonction publique de bien servir et de bien protéger l’intérêt public; [...]

que le gouvernement du Canada s’engage à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi; [Je souligne]

Ces dispositions témoignent de l’importance d’encourager la médiation et le règlement des différends pour régler les problèmes en milieu de travail sous le régime de la LRTFP. Conclure qu’un arbitre de grief a compétence sur la mise en application d’une entente est conforme à l’objet de la Loi.

La Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), ancienne et nouvelle, n’a pas adopté une interprétation large de ces dispositions tant en vertu de l’ancienne que de la nouvelle loi (Maiangowi c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 6). Tant l’ancienne que la nouvelle Commission ont interprété étroitement les pouvoirs de l’arbitre de grief en application de la Loi et ont refusé de conclure qu’ils avaient compétence sur la mise en œuvre des ententes de règlement.

La récente jurisprudence de la Cour suprême du Canada avalise notre large interprétation de la LRTFP. La jurisprudence soutient notre conclusion selon laquelle la Loi habilite l’arbitre à statuer sur la validité de l’entente de règlement, à décider si une partie a respecté l’entente et à rendre des ordonnances visant l’exécution d’une entente valide.

3.) La LRTFP appelle une interprétation large, libérale et téléologique

La Cour suprême du Canada (CSC) a toujours jugé que les lois sur les droits de la personne et les autres lois réparatrices devaient être interprétées de façon large, libérale et téléologique. (Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114, Gould c. Yukon Order of Pioneers [1996] 1 R.C.S. 571; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665.

La CSC a élargi cette approche à d’autres types de lois réparatrices. Comme les lois sur les droits de la personne, les lois applicables au travail et à l’emploi protègent les droits fondamentaux des travailleurs. La Cour a reconnu la vulnérabilité inhérente des travailleurs au sein de la relation employeur/employé (Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313; Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038, juge Dickson à la p. 1051; Vorvis c. Insurance Corp. of British Columbia [1989] 1 R.C.S. 1085; [1989] A.C.S. no 46 et Wallace c. United Grain Growers Ltd., [1997] 3 R.C.S. 701).

Étant donné que les parties dans les relations employés-employeur ont un rapport de force inégal, la Cour a jugé que les lois qui protègent les intérêts des fonctionnaires sont réparatrices et qu’elles doivent « faire l'objet d'une interprétation large, juste et libérale, afin d'assurer la réalisation de son objet selon son sens, son intention et son esprit véritables » (Machtinger c. HOJ Industries Ltd., [1992] 1 R.C.S. 986). Nous sommes d’avis que la LRTFP appartient aussi à la catégorie des lois réparatrices qui doivent faire l’objet d’une interprétation libérale.

Plus récemment, la Cour a conclu que la liberté d’association garantie par le paragraphe 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés protège le droit de négociation collective (Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, [2007] 2 R.C.S. 391, 2007 CSC 27). En rendant cette décision, la Cour a souligné le statut quasi constitutionnel des lois relatives au travail. En raison de ce statut, les lois relatives au travail, notamment la LRTFP, exigent une interprétation large et libérale plutôt qu’étroite.

Finalement, la CSC a déclaré que pour déterminer si, dans son « essence », « expressément ou implicitement », un litige en milieu de travail est régi par une convention collective ou s’il est plutôt visé par un régime législatif, il convient de donner à la loi une interprétation libérale de façon à ce que l’attribution de compétence à une instance que n’avait pas envisagée le législateur ne porte pas atteinte au régime. (Regina Police Association, supra au paragr. 39.)

La LRTFP appelle une interprétation large et libérale. Une interprétation large de la Loi permet de conclure qu’un arbitre a compétence implicite pour établir si une entente de règlement est définitive et exécutoire; statuer sur les allégations de non-respect d’une entente; et rendre les ordonnances qu’il juge indiquées compte tenu de toutes les circonstances. Une telle interprétation serait conforme à l’objet ou à l’esprit de la Loi, qui consiste à assurer des services de médiation et à régler les conflits en milieu de travail, et à protéger les droits du fonctionnaire.

CONCLUSION

L’arbitre de grief désigné en application de la LRTFP est habilité à :

1)   établir si une entente de règlement est définitive et exécutoire;

2)   statuer sur les allégations de non-respect d’une entente;

3)   rendre les ordonnances qu’il juge indiquées compte tenu de toutes les circonstances.

La compétence de l’arbitre de grief se fonde sur la convention collective et sur les dispositions de la Loi. Ces documents confèrent à l’arbitre de grief le pouvoir exclusif de statuer sur les questions qui découlent des conditions d’emploi et d’assurer une réparation adéquate et efficace aux parties qui demandent le règlement de leur différend. Les différends concernant les ententes de règlement tiennent des relations employés-employeur. Par conséquent, ils relèvent du régime législatif prévu dans la LRTFP.

Le fait de conclure que l’arbitre de grief n’a pas compétence pour régler les différends concernant les ententes de règlement conclues en vertu de la LRTFP aurait une incidence négative sur les relations de travail et l’intérêt public. Cette conclusion obligerait les fonctionnaires à s’adresser aux tribunaux pour obtenir réparation. Permettre l’accès systématique aux tribunaux chaque fois que les parties ont un différend attribuable à l’entente de règlement nuirait aux relations de travail. En outre, ce résultat contrecarrerait l'intention du législateur, puisque l’article 236 de la Loi interdit expressément aux fonctionnaires d’intenter des recours civils pour les différends concernant leurs conditions d’emploi.

Comme il a été reconnu par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vaughan, supra (paragraphes 33-41), le régime de la LRTFP, ancienne et nouvelle, assure un processus de règlement des différends efficace et complet. S’adresser à un arbitre de grief pour obtenir réparation est une procédure plus informelle, c’est-à-dire qu’elle est, comparativement à celle utilisée par les tribunaux, « généralement plus rapid[e] et moins coûteus[e] en plus d’être efficac[e] ». Le coût personnel et financier que constitue le recours aux tribunaux pour le règlement de différends à l’égard des ententes de règlement excède les ressources de la plupart des fonctionnaires. Vu ces coûts, l’employeur n’aurait vraisemblablement pas à rendre des comptes relativement aux ententes de règlement conclues de bonne foi par les fonctionnaires et visant à régler les questions se rapportant au milieu de travail. Sans recours devant un arbitre de grief, le fonctionnaire se verrait privé de la réparation d’un préjudice découlant de la relation employés-employeur.

[...]

[Les passages en gras le sont dans l’original]

2. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

[Traduction]

[…]

III.     ANALYSE

QUESTION 1 : Lorsque, dans une affaire disciplinaire entraînant une suspension, un grief individuel est renvoyé à l'arbitrage alors que les parties ont conclu une entente de règlement, un arbitre de grief a-t-il compétence, aux termes de la nouvelle Loi, pour déterminer si l’entente de règlement des parties est définitive et exécutoire?

Le principe généralement reconnu est que l’entente de règlement constitue un contrat qui peut être exécuté comme tout autre contrat. Si une partie contrevient aux conditions de l’entente, l’autre partie peut considérer ce défaut comme une résiliation de l’entente et entreprendre des procédures comme si le litige initial n’avait jamais fait l’objet d’une entente de règlement. La partie qui n’est pas en défaut pourra également avoir la possibilité de déposer ou de continuer une poursuite déposée pour faire appliquer les conditions de l’entente.

Toutefois, dans la présente affaire, la question qu’il faut se poser consiste à savoir si, aux termes de la Loi, la Commission a compétence pour faire appliquer les ententes. En l’espèce, les parties se sont vraisemblablement engagées de bonne foi dans un processus de résolution informelle et sont parvenues à une entente. Aux fins du présent mémoire, j’ai également supposé que le renvoi à l’arbitrage n’avait pas été retiré à la suite de l’entente conclue entre les parties.

On a demandé [à l’intervenant] d’examiner la question à savoir si la Commission a compétence pour faire appliquer les modalités de l’entente.

Une question similaire a été examinée par le Conseil canadien des relations industrielles dans la décision Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada [2006] C.C.R.I. (2d) 137. Dans cette affaire, le Conseil devait décider s’il avait compétence en vertu du Code canadien du travail (le Code) pour déterminer si une question avait été réglée dans l’entente entre les parties.

Le Conseil a examiné les dispositions du Code, en particulier les articles 15.1, 16(p), 98 et 99. J’ai reproduit ci-dessous les articles 15.1, 21 et 98 que j’estime être les dispositions les plus pertinentes en ce qui concerne la question devant la Commission dans Amos et qui ont retenu plus particulièrement l’attention du Conseil dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada [2006] C.C.R.I. (2d) 137 :

15.1      Le Conseil, ou l’un de ses membres ou employés qu’il désigne, peut, en tout état de cause et avec le consentement des parties, aider les parties à régler les questions en litige de la façon que le Conseil juge indiquée sans qu’il soit porté atteinte à la compétence du Conseil de trancher les questions qui n’auront pas été réglées.

21.        Le Conseil exerce les pouvoirs et fonctions que lui confère la présente partie ou qu’implique la réalisation de ses objets, notamment en rendant des ordonnances enjoignant de se conformer à la présente partie, à ses règlements et d’exécuter les décisions qu’il rend sur les questions qui lui sont soumises.

98.(1)    Sous réserve du paragraphe (3), le Conseil peut, sur réception d’une plainte présentée au titre de l’article 97, aider les parties à régler le point en litige; s’il décide de ne pas le faire ou si les parties ne sont pas parvenues à régler l’affaire dans le délai qu’il juge raisonnable dans les circonstances, il statue lui-même sur la plainte.

Dans cette affaire, l’employeur a fait valoir que le Conseil n’avait pas compétence pour déterminer si les parties avaient conclu une entente exécutoire et que seul un tribunal judiciaire était habilité à le faire dans le cadre d’une procédure civile introduite par la partie qui allègue l’existence d’une entente.

Le Conseil a rejeté les arguments de l’employeur. Bien que l’article 15.1 n’énonce pas clairement que le Conseil a le pouvoir de déterminer si une entente exécutoire a été conclue, celui-ci estimait que le contexte global dans lequel la question se posait, ainsi que les objectifs législatifs et en matière de politique du Code, aidaient à cerner la portée du pouvoir du Conseil. Aux paragraphes 36 et 37 de sa décision, le Conseil indiquait ce qui suit :

« Il est indéniable que les principaux buts et objectifs du Code sont de promouvoir le règlement positif de différends. Il est préférable d’encourager et d’aider les parties à régler des questions qui les opposent sans recourir à l’arbitrage formel pour diverses raisons qui prennent toutes appui, en définitive, sur le fait que les relations du travail ne sont jamais statiques. Les parties doivent continuer à négocier entre elles de manière permanente. Les solutions aux questions propres à une relation qui sont obtenues par consentement mutuel des parties concernées sont plus susceptibles d’être acceptables et viables à long terme que les redressements imposés par un arbitre tiers.

Le Conseil s’est engagé à aider les parties à régler leurs différends et à conclure une entente relativement aux plaintes ou demandes devant lui, avant d’en arriver à l’arbitrage formel ou à une décision définitive d’un banc du Conseil. Il s’agit d’une pratique de longue date du Conseil à laquelle son personnel professionnel et les membres des bancs continuent d’adhérer. Cet engagement est repris dans plusieurs dispositions du Code, ainsi que dans l’énoncé général des buts et objectifs exposés dans son préambule2. L’ajout de l’article 15.1 au Code en 1999 témoigne de l’engagement renouvelé et manifeste du Conseil à l’égard de ce processus informel de médiation et des discussions en vue d’en arriver à une entente. Le Conseil a reconnu et confirmé son rôle à cet égard dans des énoncés antérieurs. »

En conséquence, le Conseil a conclu que les dispositions du Code sont suffisamment générales pour englober les pouvoirs et la compétence en la matière lorsqu’il s’agit de faire appliquer l’entente des parties. Il indique ce qui suit au paragraphe 40 :

« Conclure que le Conseil n’a pas ce pouvoir, alors que l’aide aux parties pour régler les différends est un des principaux buts et objectifs du Code, aurait pour effet de saper grandement l’autorité du Conseil et son processus en vue de s’acquitter de son mandat législatif. Obliger le Conseil à instruire l’affaire sur le fond ou les parties à engager des procédures civiles pour violation d’une entente irait à l’encontre des fins clairement établies sous‑tendant l’existence du Conseil et du mandat qui lui est conféré par le Code. »

Le Conseil a appuyé son analyse sur la décision de la British Columbia Labour Relations Board dans MacLure’s Cabs (1984) Ltd., No. 80/86, 3 avril 1986, où la BCLRB a souligné l’importance du mode informel de règlement par rapport à son mandat législatif :

[Traduction]

« La Commission considère le mode informel comme une partie intégrante et vitale du mandat dont elle est investie en vertu du Code du travail. Autrement dit, la Commission est engagée à aider les parties à régler leurs différends, dans la mesure du possible, sans recourir à un arbitrage en règle. Cela est conforme au régime du Code en général et, tout particulièrement, aux buts et objectifs de l’article 27.

[...]

Afin de protéger l’intégrité du mode informel, il faut limiter de manière stricte les circonstances où l’une des parties peut résilier unilatéralement une entente [...] une partie ne peut pas se soustraire à une entente simplement parce qu’elle a des « doutes » ou qu’elle a modifié sa position après de plus amples consultations et discussions : voir Tamco Limited, [1975] 1 Can LRBR 219 (Ont LRB). »

La décision Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (supra) n’a pas été renversée et continue de confirmer le principe qu’en vertu du Code le CCRI a compétence pour faire appliquer des ententes de règlement. Le maintien de ce principe revêt une importance particulière dans Amos puisque, tout comme le Code, la LRTFP ne confère pas explicitement à la CRTFP la compétence en la matière lorsqu’il s’agit de déterminer si une entente de règlement concernant une plainte en instance devant la Commission devrait être exécutée. Toutefois, si on lit la LRTFP dans son ensemble et que l’on tient compte du préambule de la Loi qui prévoit explicitement que « le gouvernement du Canada s’engage à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi » et s’engage à l’égard « du respect mutuel et de l’établissement de relations harmonieuses » entre l’employeur et les agents négociateurs, il serait contraire à ces principes d’imposer l’arbitrage formel ou le recours aux procédures civiles dans les cas où une partie ne s’est pas conformée aux modalités de l’entente qu’elle a signée.

Par ailleurs, la LRTFP, tout comme le Code, comporte des dispositions précises permettant à la CRTFP d’aider les parties à résoudre leurs différends et à conclure des ententes concernant les plaintes ou demandes avant qu’elles soient entendues en arbitrage formel ou pour détermination finale par la Commission. Il existe en effet des motifs et objectifs convaincants en matière de relations de travail, comme le prévoient la LRTFP et la mission de la CRTFP, pour conclure que la Commission est investie de la compétence en la matière lorsqu’il s’agit d’établir que les pouvoirs sont conférés à la Commission en vertu des articles 13, 14, 15, 226(2) et 228(2), et en conformité avec les objectifs énoncés dans le préambule de la Loi. Toute autre conclusion serait contraire à l’esprit de la Loi, à l’intention du législateur et au concept des bonnes relations de travail.

Une autre décision intéressante est celle dans Selkirk College and British Columbia Government and Service Employees’ Union (grief Hatherly) [1996] B.C.C.A.A.A. no 489 (Chertkow), où le syndicat demandait de réunir de nouveau le conseil conformément à l’entente de règlement au motif que les parties n’avaient pas tenu compte de certaines nouvelles modifications apportées à la Loi sur les pensions et que, en conséquence, elles avaient toutes deux fait erreur en concluant cette entente.

L’arbitre a conclu qu’il n’avait plus compétence dans ce dossier puisque la mise en œuvre de l’entente de règlement avait été complétée. Il a indiqué ce qui suit, au paragraphe 43 de sa décision :

[Traduction]

« [...] les autorités reconnaissent le besoin de certitude en matière d’ententes [...] Lorsqu’une entente de règlement est conclue, peu importe de savoir si les parties n’y auraient pas consenti si, comme c’est le cas en l’espèce, elles avaient disposé de renseignements additionnels au moment de la conclusion de l’entente relativement aux prestations de retraite du fonctionnaire s’estimant lésé. »

Le conseil a donc conclu qu’il n’avait pas compétence pour modifier l’entente et a plutôt préféré adopter le raisonnement du conseil dans Re De Havilland Aircraft Co. of Canada, Division of Boeing of Canada and C.A.W., Loc. 112 (1991), 19 L.A.C. (4th) 198 (Gorsky) qui a affirmé :

[Traduction]

« Le principe qui sous‑tend la promotion et l’exécution des ententes en est un très fort. Si une personne représentée par un syndicat prend part à une entente de règlement quant à un grief, tout devrait être mis en œuvre pour faire appliquer les modalités de cette entente [...] Je n’ai aucun doute que, si une entente existe et si les modalités de cette entente peuvent être démontrées, ma compétence dans le dossier est limitée à déterminer si l’entreprise a respecté les modalités de l’entente. »

La décision MacLure’s Cabs (1984), supra, a été citée avec approbation dans la décision Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, supra. Dans cette affaire, la question concernait le défaut de l’employeur de se conformer à l’entente intervenue entre les parties. En parvenant à la conclusion voulant qu’il ait bien compétence pour faire appliquer l’entente de règlement, l’arbitre a affirmé ce qui suit à la page 3 de sa décision :

[Traduction]

« La Commission considère le mode informel comme une partie intégrante et vitale du mandat dont elle est investie en vertu du Code du travail. Lorsque je fais référence au « mode informel », je ne pense pas uniquement aux efforts déployés par les membres du Conseil pour arriver à des ententes de règlement, mais également aux rencontres informelles menées par les agents spéciaux d’enquête. Autrement dit, la Commission est engagée à l’égard d’une politique d’aide aux parties à régler leurs différends, dans la mesure du possible, sans recourir à un arbitrage en règle. Cela est conforme au régime du Code en général et, tout particulièrement, aux buts et objectifs de l’article 27. »

Dans cette décision, il était également question d’évaluer la nécessité pour les parties de solliciter une ordonnance sur consentement dans le but de faire appliquer une entente par le Conseil conformément au paragraphe 28(3)3 du Code. L’arbitre a exprimé son désaccord avec les allégations de l’employeur de la façon suivante :

[Traduction]

« Lorsque les parties concluent de bonne foi une entente selon le mode informel, on s’attend à ce que les modalités de cette entente soient respectées par les deux parties. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Toutefois, dans le contexte des relations de travail, il serait indûment rigoureux de traiter systématiquement toutes les ententes sous la forme d’ordonnances sur consentement dans le but d’en assurer le caractère exécutoire en cas de non-respect de l’entente par une partie. L’entente verbale des parties, ou de préférence une courte convention écrite, devrait suffire. Ce n’est que plus tard, si un problème survient quant à l’exécution de l’entente, que le Conseil devrait rendre une ordonnance sur consentement. »

En conséquence, l’arbitre du grief a conclu que les parties avaient en effet conclu une entente exécutoire dont le Conseil pouvait ordonner l’application.

Dans Re Canadian General‑Tower Ltd. and U.R.W., Loc. 292 (1990) 12 L.A.C. (4th) 153 (Craven), le grief a été renvoyé à l’arbitrage et les parties ont réussi à conclure une entente de règlement avec l’aide de l’agent d’établissement du ministère du Travail. Le syndicat a allégué que l’employeur avait contrevenu à l’entente et a demandé à l’arbitre d’en ordonner l’exécution.

À la page 3 de sa décision, l’arbitre Craven a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

« Il est généralement accepté que les conseils d’arbitrage ont compétence pour ordonner l’application des ententes conclues par les parties dans le cadre de la procédure de règlement des griefs et que, dans l’exercice de cette compétence, un arbitre doit donner plein effet à l’entente des parties sans chercher à déterminer si, au-delà des modalités de l’entente, il s’agit du « bon » résultat dans les circonstances. Ce dernier principe découle non seulement du droit des contrats, mais également d’une politique bien fondée en matière de relations industrielles qui encourage les parties à résoudre leurs propres litiges : voir de façon générale, Crown Electric, [1978] O.L.R.B. Rep. 344; Perfection Rug Co. Ltd., [1984] O.L.R.B. Rep. 68; Corporation of Borough of Scarborough and C.U.P.E., Loc. 368 (non publiée, 23 mai 1978 (Brandt)); Re Corp. of Borough of Etobicoke and Etobicoke Professional Firefighters Assn., Loc. 1137 (1982), 5 L.A.C. (3d) 52 (Kennedy); Re Stelco Inc. (Hilton Works) and U.S.W. (1989), 5 L.A.C. (4th) 284 (Haefling). J’accepte ces arguments. »

En dernier ressort, l’arbitre a fait appliquer l’entente de règlement et a ordonné à l’employeur d’en respecter les modalités.

Fait intéressant, dans cette décision, l’arbitre ne fait même pas référence à la législation ontarienne pour étayer son ordonnance d’exécution de l’entente. Il fait plutôt seulement référence au principe généralement reconnu dans le contexte des relations industrielles selon lequel les parties doivent être encouragées à régler leurs litiges à l’amiable, sans recourir à la procédure formelle.

Dans Re Geo Tech Industries and International Association of Machinists & Aerospace Workers, Lodge 456 (1999) 83 L.A.C. (4th) 411, la question consistait à déterminer si l’arbitre Somjen avait ou non compétence pour déterminer les modalités de l’entente et pour ordonner réparation quant à la contravention à l’entente de règlement. En concluant qu’il avait la compétence nécessaire pour faire appliquer l’entente de règlement, l’arbitre a cité un extrait de la Cour suprême du Canada dans Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929 où la Cour a indiqué clairement que les litiges qui découlent d’une convention collective sont généralement réglés par les conseils d’arbitrage ou les commissions du travail et non par les tribunaux. Au paragraphe 67 [sic] de cette décision, la Cour [sic] a énoncé ce qui suit :

[Traduction]

« [...] les clauses d'arbitrage obligatoire comme le paragr. 45(1) de la Loi sur les relations de travail de l’Ontario confèrent en général une compétence exclusive aux tribunaux du travail pour entendre tous les litiges qui résultent de la convention collective. Dans chaque cas, il s'agit de déterminer si le litige, considéré dans son essence, résulte de la convention collective. [page 421] je rejette donc l’objection de l’employeur quant à la question de ma compétence pour connaître de l’affaire. »

L’arbitre Somjen a donc fondé sa décision sur les dispositions du Labour Relations Code de la Colombie-Britannique et sur la jurisprudence pour conclure que, de façon générale, les conseils d’arbitrage ont le pouvoir [traduction] « et l’obligation d’exiger que les parties qui règlent un grief par une entente respectent les modalités de celle-ci. »

Compte tenu de ce qui précède, les principes qui émergent de la jurisprudence, en dépit du libellé du Labour Act ou du Code canadien du travail, établissent que, dans le cas où les parties se sont engagées dans le mode de règlement informel des différends pour régler les questions en litige dont la Commission est saisie à bon droit, cette dernière a compétence pour trancher la question de savoir s’il existe une entente réelle entre les parties et, le cas échéant, pour la faire appliquer.

Sous le régime de l’ancienne loi (la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique), la Commission des relations de travail dans la fonction publique estimait que, lorsqu’il y avait retrait d’un grief, cela empêchait le recours à l’arbitrage, que cela concerne la question du bien-fondé du grief ou la question de l’exécution de l’entente de règlement. Ainsi, dans Canada (Procureur général) c. Lebreux, [1994] A.C.F. no 1711 (QL), l’employé est parvenu à une entente avec son employeur et a retiré son grief. La Commission a fermé les dossiers, mais le fonctionnaire s’estimant lésé a plus tard demandé la réouverture de ceux‑ci parce que les parties n’étaient arrivées à aucune entente satisfaisante. La Commission a accepté d’examiner le dossier de nouveau et elle a entendu le grief sur le fond. Au paragraphe 12, la Cour d’appel fédérale a conclu que, ce faisant, l’arbitre de grief avait commis une erreur parce que le retrait du grief l’avait privé de toute compétence :

À partir du moment où l’intimé s’est désisté de ses griefs, la Commission et l’arbitre désigné sont devenus functus officio puisqu’ils ont été alors déssaisis du litige. La Commission n’avait ni à s’enquérir du mérite et de l’opportunité d’un tel désistement ni à décider de l’accepter ou de le refuser. L’acte de désistement a mis, immédiatement et sans plus, un terme aux procédures à l’égard desquelles il fut produit. En conséquence, aucune ordonnance ou décision ne pouvait être et n’a été rendue au sens de la Loi qui puisse faire l’objet d’une annulation ou d’une révision sous l’article 27.

Dans cette affaire, et dans les affaires subséquentes, la CRTFP s’est dite d’avis que, dès qu’un grief est retiré, la Commission est dépouillée de sa compétence sur les questions connexes. Ce principe a été repris de nouveau sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique dans la décision récente de Maiangowi c. Conseil du Trésor (2008 CRTFP 6). Dans cette affaire, le Conseil du Trésor et Maiangowi ont conclu une entente de règlement et, en conséquence, le grief a été retiré. Lorsqu’il y a eu contravention aux modalités de l’entente, Maiangowi a demandé à la Commission d’en ordonner l’exécution. Fondant sa position sur la décision dans Leroux, la Commission a indiqué que, comme le grief avait été retiré, elle n’avait plus compétence pour statuer.

Après examen des arguments présentés dans les décisions  Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, ainsi que MacLure’s Cabs et les autres mentionnées plus haut, nous faisons valoir que l’arbitre de grief a commis une erreur en concluant qu’il n’avait pas compétence pour faire appliquer l’entente de règlement. Une nouvelle loi contenant plusieurs des mêmes dispositions ayant été interprétées par des tribunaux de différentes provinces d’un bout à l’autre du pays est maintenant en vigueur. Dans Maiangowi, l’arbitre n’a pas examiné la jurisprudence du CCRI qui applique des dispositions législatives similaires. Par ailleurs, l’arbitre ne s’est pas prononcé sur un certain nombre d’arguments (à savoir, l’importance des « relations industrielles » et l’interprétation libérale de la Loi). Nous soutenons que certains arguments importants indiquent encore que l’arbitre de grief a effectivement compétence pour faire exécuter l’entente de règlement, que le grief ait été retiré ou non.

De plus, nous alléguons qu’il convient de distinguer la décision Maiangowi de la présente affaire. Premièrement, le renvoi à l’arbitrage de la fonctionnaire s’estimant lésée s’est fait sous le régime de l’ancienne Loi. En conséquence, la médiation s’est déroulée conformément aux dispositions de cette loi. Comme il y a eu retrait du grief en application de l’entente, les parties demandaient que l’affaire soit instruite sous le régime de la nouvelle Loi. L’arbitre de grief a donc dû apprivoiser la nouvelle Loi. Aussi, si l’on tenait pour acquis que le grief n’avait pas été retiré, il devrait s’ensuivre que la Commission demeure saisie de l’affaire.

La difficulté principale qui se présente lorsque la CRTFP n’est pas convaincue d’avoir la compétence nécessaire pour faire appliquer une entente de règlement est que la Cour suprême du Canada a déterminé qu’il convenait de faire preuve d’une grande retenue en matière de relations de travail. Récemment, dans Vaughan c. Canada [2005] 1 R.C.S. 146, la Cour a refusé d’entendre une affaire non arbitrable suivant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la prédécesseure de l’actuelle LRTFP). En conséquence, l’employé ne disposait d’aucun recours au‑delà du processus de grief pour faire entendre ses plaintes. Au paragraphe 22, le juge Binnie, se prononçant au nom de la majorité, a indiqué ce qui suit :

[...] je ne suis pas d’accord avec l’appelant pour dire que l’absence d’un décideur indépendant est décisive. Il appartient encore au tribunal de déterminer, en examinant l’ensemble du régime législatif, si le législateur voulait que les différends en milieu de travail soient tranchés par les tribunaux ou au moyen de la procédure de grief établie par la LRTFP.

Si la CRTFP conclut ne pas avoir compétence, les tribunaux appliqueront le critère établi dans Weber c. Ontario Hydro, supra, pour déterminer si les tribunaux doivent intervenir pour trancher le litige. Il s'agira, dans chaque cas, de savoir si le litige, dans son essence, relève de l'interprétation, de l'application, de l'administration ou de l'inexécution de la convention collective.

Dans Amos, le litige relève clairement de l'interprétation, de l'application, de l'administration ou de l'inexécution de la convention collective, puisqu’il concerne une mesure disciplinaire ayant entraîné un licenciement. Les conventions collectives contiennent habituellement des dispositions relatives aux mesures disciplinaires et aux licenciements.

Compte tenu des dispositions législatives et de la jurisprudence examinées, nous estimons que, si les tribunaux étaient tenus de faire appliquer l’entente de règlement, il est probable qu’ils s’en remettraient à la Commission pour procéder à l’examen. Ceci serait conforme à un long courant jurisprudentiel ayant suivi l’arrêt Weber4.

QUESTION 2 : Si l'arbitre de grief a compétence, aux termes de la nouvelle Loi, pour déterminer si l’entente de règlement des parties est définitive et exécutoire, a-t-il compétence pour statuer sur une allégation de non-respect d’une entente de règlement définitive et exécutoire?

Il doit s’ensuivre que, si la Commission a compétence pour faire appliquer l’entente des parties, elle a aussi compétence pour déterminer si les modalités de l’entente de règlement ont été respectées. Cette position est conforme à la mission générale de la Commission de régler les différends dont elle est dûment saisie et de trancher les questions qui n’ont pas été réglées en médiation.

Par ailleurs, la LRTFP contient des dispositions précises qui confèrent à la Commission le pouvoir de statuer sur les allégations de non-respect. Ce pouvoir est conféré à la Commission aux termes du paragraphe 226(1) qui établit que l’arbitre de grief a le pouvoir d’« obliger, en tout état de cause, toute personne à produire les documents ou pièces qui peuvent être liés à toute question dont il est saisi ». Il est clair que, dans le cas où le litige se rapporte au non-respect d’une entente de règlement, toute preuve relative à un tel défaut peut être présentée à la Commission.

Dans la présente affaire, la Commission devrait pouvoir se fonder sur le paragraphe 226(1), de même que sur l’esprit et l’objet de la Loi, et sur les dispositions précises l’habilitant à régler les différends dont elle est dûment saisie pour statuer sur les allégations de non-respect d’une entente de règlement définitive et exécutoire.

L’employeur peut faire valoir que la preuve issue de la négociation de l’entente ne devrait pas être divulguée puisque procéder ainsi serait remettre en cause la confidentialité et l’intégrité du mode informel de règlement des différends, particulièrement lorsque l’entente prévoit que les pourparlers ont lieu « sous réserve de tous droits ». Toutefois, il faut équilibrer cet argument avec la nécessité du caractère définitif et le besoin d’indiquer aux parties qu’une fois qu’une entente est signée, elles ne peuvent y déroger en toute impunité.

Dans la décision Architectural Mouldings Ltd. c. U.S.W.A., Local 1‑700, [2005] O.L.A.A. no 273 (QL), l’arbitre Norman a décrit de façon claire et convaincante les intérêts conflictuels entre les principes de la confidentialité et du caractère définitif. Il a indiqué et examiné les quatre volets du critère de Wigmore aux paragraphes 17 et 18 de sa décision :

[Traduction]

La portée du privilège qui protège les négociations dans le cadre d’une procédure de grief selon Canadian Pacific Forest Products et Inco doit être interprétée de façon large et conférer un niveau de liberté et de protection qui ne compromettra pas, mais protégera plutôt les bonnes relations de travail. Il faut, pour établir de bonnes relations de travail, disposer d’occasions de rencontres informelles sans contraintes et sécuritaires et d’échanges illimités concernant les questions en litige. Ce privilège ne doit pas être restreint indûment, par exemple, il ne doit pas être limité aux rencontres convoquées pour instruire les griefs. Plus de travail est accompli dans les couloirs et les parcs de stationnement de nos lieux de travail qu’en tout temps dans les salles d’audience, et il est important de maintenir la confiance des parties en cette pratique universelle.

Cependant, aucune des décisions mentionnées ne portent sur ce qui constitue une exception claire et importante à ce privilège. On ne peut, en vertu de ce privilège, empêcher que le contenu des pourparlers ayant menés à la conclusion de l’entente soit admis en preuve. Dès que l’existence d’une entente constitue une question devant être tranchée par un tribunal ou un conseil d’arbitrage, le privilège confirmé par les trois premiers volets du critère de Wigmore est aboli par les éléments du quatrième volet. Lorsqu’il est allégué que les pourparlers ont mené à une entente, il est dans l’intérêt de la justice, sans compter l’importance qui doit être accordée aux relations entre les parties, que l’entente qui aurait été conclue soit examinée en preuve pour que la Commission puisse exercer à bon droit l’ensemble des pouvoirs qui lui sont conférés. [Je souligne]

Les décisions Rexway Sheet Metal Limited, [1989] OLRB Rep. November 1154 et Re Sunwest Food Processors, Ltd. [1999] B.C.L.R.B.D. no 49, permettent également d’affirmer que la Commission peut entendre des témoignages pour établir l’existence d’une entente ou pour étayer l’allégation de non-respect des modalités d’une entente.

Dans la décision Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, supra, le Conseil devait décider si les modalités d’une entente devaient être divulguées dans le but de déterminer s’il y avait eu contravention à l’entente de règlement. Dans cette décision, l’employeur a allégué que le Code contient une disposition portant expressément sur la nature exécutoire des ententes conclues et le pouvoir du Conseil de faire appliquer les modalités de l’entente (le paragraphe 96(7) du Code). Le Conseil était en désaccord avec ces allégations. Au paragraphe 48, il a indiqué que les décisions de la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) démontraient que celle-ci s’attribuerait la compétence même si le paragraphe 96(7) n’existait pas compte tenu des « principes en matière de relations du travail et du raisonnement susmentionnés ». Au paragraphe 11, le Conseil a cité l’extrait qui suit de la décision Rexway Sheet Metal Limited, supra :

« [...] De toute façon, je suis convaincu que la Commission est compétente pour instruire des plaintes alléguant la violation d’une entente conclue à l’égard de questions lui ayant été soumises à juste titre, comme c’est le cas dans la présente affaire. Le cas contraire aurait pour effet de tourner en dérision le processus de règlement et de permettre aux parties de se dégager de leurs engagements impunément. La Commission est constituée à titre de tribunal administratif expert et doit appliquer et administrer la Loi sur les relations de travail. Il serait effectivement curieux qu’une partie puisse retirer à la Commission une affaire qui relève de sa compétence exclusive initiale simplement en concluant une entente de règlement et en ne l’honorant pas. Même si la partie à une entente de règlement qui est lésée disposait d’un autre recours pour obtenir réparation, l’intention du législateur n’était certes pas qu’une instance autre que cette Commission statue sur cette question relevant expressément de l’expertise en matière de relations du travail et de la compétence initiale de la Commission. [Je souligne]

Dans Amos, l’arbitre devra, pour déterminer l’existence d’une entente de règlement, entendre des témoignages dans le but de bien cerner les questions en litige non réglées, tel que le permet le paragraphe 226(2) de la LRTFP.

QUESTION 3 : Advenant que l’arbitre de grief ait compétence pour statuer sur une allégation de non-respect de l’entente de règlement définitive et exécutoire, a-t-il compétence pour rendre l’ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances?

Il devrait également s’ensuivre que, si l’arbitre a compétence pour faire appliquer les modalités de l’entente de règlement des parties et pour statuer sur les allégations de non-respect, il devrait posséder les pouvoirs nécessaires pour rendre une ordonnance appropriée dans les circonstances.

À notre avis, l’arbitre peut faire appliquer les modalités de l’entente de règlement si la preuve établit clairement que les parties ont conclu l’entente de bonne foi.

On pourrait faire valoir que la compétence de l’arbitre de grief à imposer l’application des modalités de l’entente est limitée par les dispositions spécifiques de la LRTFP. Comme les seuls pouvoirs des arbitres sont ceux conférés par la Loi, l’arbitre ne peut imposer des modalités qui n’y sont pas expressément énoncées. En effet, lorsque l’arbitre conclut qu’un grief est fondé, il a le pouvoir de remettre le fonctionnaire s’estimant lésé dans sa position antérieure ou de lui accorder une indemnité au titre des pertes qu’il a subies, c’est‑à-dire :

·         de le réintégrer dans ses fonctions, sans perte de salaire ni d’avantages sociaux;

·         d’annuler une mesure disciplinaire ayant entraîné la suspension ou une sanction pécuniaire;

·         d’ordonner le paiement d’une indemnité pécuniaire en cas de violation d’une disposition de la convention collective.

L’arbitre de grief peut également interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf pour les affaires concernant le droit à un salaire égal pour un travail égal, et ordonner des mesures réparatrices. L’arbitre peut aussi adjuger des intérêts au taux et pour la période qu’il estime justifiés dans le cas de griefs portant sur le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire.

Partant du principe que les arbitres de griefs doivent aider les parties dans leurs démarches visant à résoudre leurs propres différends, et du principe que les moyens dont ils disposent pour ce faire ne doivent pas être limités aux mesures énoncées dans la LRTFP, aucun motif ne doit permettre de modifier l’entente conclue sur une base consensuelle et de bonne foi entre les parties. Il serait certainement contraire à l’esprit et à l’objet de la Loi, ainsi qu’aux principes généraux des bonne relations de travail, de limiter les mesures correctives pouvant être imposées par un tiers arbitre. Ce n’est ni le but ni l’esprit des dispositions de la Loi en matière de règlement informel des différends ou de la convention collective applicable.

Il n’existe qu’une seule réserve au principe susmentionné selon lequel l’arbitre de grief doit avoir le pouvoir de faire appliquer les ententes de règlement. Dans le cas où les parties souhaitent résilier l’entente de règlement et demandent simplement que l’affaire soit entendue de nouveau, il doit s’ensuivre que les pouvoirs de l’arbitre seront limités aux pouvoirs expressément énoncés et conférés par la LRTFP. Exception faite de cette situation, un conseil ou un arbitre ne peut substituer sa décision à celle prise par les parties, particulièrement lorsque ces dernières ont prises une décision libre et de bonne foi.

IV.     RÉSUMÉ

Lorsque, dans une affaire disciplinaire entraînant une suspension, un grief individuel est renvoyé à l’arbitrage alors que les parties ont conclu une entente de règlement, l’arbitre a-t-il compétence, aux termes de la nouvelle Loi, pour déterminer si l’entente de règlement conclue par les parties est définitive et exécutoire?

Les principes qui ressortent de la jurisprudence, quels que soient les termes exacts employés dans la Loi ou le Code, établissent que, dans le cas où les parties se sont engagées dans la procédure informelle de règlement des différends pour régler les questions en litige dont la Commission est dûment saisie, cette dernière a compétence pour trancher la question de savoir s’il existe une entente réelle entre les parties et, le cas échéant, pour la faire appliquer. Cet argument est conforme au principe généralement reconnu selon lequel les ententes entre les parties doivent être favorisées.

La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique a enchâssé plusieurs de ces principes relatifs aux bonnes relations de travail. Elle contient également une disposition précise qui permet aux arbitres d’agir comme médiateur dans les conflits entre les parties et de demeurer compétents pour statuer sur les questions non réglées.

Bien que le libellé de la LRTFP ne soit manifestement pas aussi explicite que celui du Code et de certaines lois provinciales, le langage est certes plus précis que celui employé dans de nombreuses décisions antérieures citées en l’espèce où les arbitres de grief ont conclu avoir compétence même en l’absence d’une indication formulée clairement dans la Loi (voir MacLure’s Cabs, supra, Selkirk College, supra, Re De Havilland Aircraft, supra, et Re Canadian General Tower, supra). Selon la jurisprudence citée, il semble que le principe généralement reconnu établit que, lorsque les parties règlent un grief, un arbitre a compétence pour exiger qu’elles se conforment aux modalités de leur entente.12

La CRTFP a toujours refusé de se déclarer compétente pour faire appliquer les ententes de règlement lorsque le dossier avait été retiré de la Commission et certaines décisions appuient ce point de vue général. Toutefois, il existe également un important courant jurisprudentiel selon lequel lorsqu’une affaire est retirée de l’arbitrage, mais que le grief ne l’est pas, ou lorsque le grief et le renvoi à l’arbitrage sont retirés « sous réserve de tous droits », le grief subséquent ou le renvoi portant sur le même litige est arbitrable. En conséquence, il convient certainement d’établir des distinctions entre les décisions où la CRTFP a refusé de se déclarer compétente et celles, comme Amos, où la question en litige existe toujours et doit être examinée par la Commission.

Si l’arbitre de grief a compétence, aux termes de la nouvelle Loi, pour déterminer si l’entente de règlement conclue par les parties est définitive et exécutoire, a-t-il compétence pour statuer sur une allégation de non-respect d'une entente de règlement définitive et exécutoire?

Bien que l’intégrité et la confidentialité du mode informel de règlement des différends doivent être protégées, il existe un principe primordial selon lequel les ententes de règlement doivent être prises au sérieux et le besoin d’indiquer aux parties qu’une fois qu’une entente est signée, elles ne peuvent y déroger impunément.

Par ailleurs, comme les arbitres doivent entendre des témoignages quant à l’existence d’une entente de règlement dans le but de cerner les questions non réglées, ils ont compétence pour entendre les témoignages relatifs au non‑respect d’une entente définitive et exécutoire.

Advenant que l’arbitre de grief ait compétence pour statuer sur une allégation de non-respect d’une entente de règlement définitive et exécutoire, a-t-il compétence pour rendre l’ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances?

Il est généralement reconnu que lorsque l’existence d’une entente est établie, la compétence de l’arbitre de grief se limite à déterminer si les modalités de l’entente ont été respectées ou non. En conséquence, bien que l’arbitre puisse rendre les ordonnances qu’il juge indiquées dans les circonstances, et sous réserve des limites que la Loi a prescrites, dans la mesure où les parties ont conclu l’entente librement et de bonne foi, l’arbitre ne devrait pas substituer sa volonté à celle des parties.

V.       CONCLUSION

1)   Dans le cas où les parties se sont engagées dans le mode de résolution informelle des différends pour régler les questions en litige dont la Commission est dûment saisie, celle‑ci a compétence pour trancher la question de savoir s’il existe une entente réelle entre les parties et, le cas échéant, pour l’appliquer.

2)   Comme il se peut que les arbitres de grief doivent entendre des témoignages pour établir l’existence d’une entente de règlement et déterminer si des questions restent à être réglées, ils ont compétence pour entendre les témoignages relatifs au non-respect d’une entente définitive et exécutoire.

3)   Bien que l'arbitre puisse rendre les ordonnances qu'il juge indiquées dans les circonstances, et sous réserve des limites que la Loi a prescrites, dans la mesure où les parties ont conclu l’entente librement et de bonne foi, l’arbitre ne devrait pas substituer sa volonté à celle des parties.

[...]

[Les passages en gras le sont dans l’original]

[J’omets les notes en bas de page]

3. Alliance de la Fonction publique du Canada

[Traduction]

[...]

[...] D’entrée de jeu, nous aimerions remercier la Commission de permettre au syndicat de traiter de ces questions, vu leur importance dans le milieu des relations de travail touché.

Nos réponses aux questions relatives à la compétence, soulevées par l’arbitre Butler, sont fondées sur deux hypothèses fondamentales : l’objet du grief en question peut être renvoyé à l’arbitrage en vertu de la LRTFP; et le grief lui-même a été renvoyé à la Commission en vertu de la Loi. Nous croyons comprendre d’après les renseignements qui nous ont été fournis par la Commission que le grief en question répond à ces critères en l’espèce.

Le cadre législatif

1. Il est bien établi que lorsqu’il s’agit de déterminer si la Commission est habilitée à enquêter, à rendre une décision et à accorder une réparation ayant trait à une entente de règlement, il faut tenir compte de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP » ou la « Loi »).

Article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22

2. En agissant ainsi, il est important de se rappeler que l’article 12 de la Loi d'interprétation prévoit ce qui suit :

Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

Article 12 de la Loi d’interprétation, L R.C. (1985), ch. 1-21

3. L’article 13 de la Loi d’interprétation prévoit également que le préambule « fait partie du texte et en constitue l'exposé des motifs ». Le préambule de la LRTFP comprend les énoncés suivants à l’appui d’un régime législatif complet et efficace conçu pour régler les différends et, en dernier ressort, servir le milieu des relations de travail et l’intérêt public :

[...]

[D]es relations patronales-syndicales fructueuses sont à la base d’une saine gestion des ressources humaines, et [...] la collaboration, grâce à des communications et à un dialogue soutenu, accroît les capacités de la fonction publique de bien servir et de bien protéger l’intérêt public; [...]

[Le] gouvernement du Canada s’engage à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi; [...]

Préambule de la LRTFP, supra

Article 13 de la Loi d’interprétation, supra

4. L’AFPC observe que, pour trancher les questions juridictionnelles qui se posent, la LRTFP doit être interprétée d’une manière qui cadre avec sa nature réparatrice et l’objectif qui consiste à promouvoir un régime de relations de travail complet et efficace et le règlement efficient des différends ayant trait généralement aux conditions d’emploi.

5. L’AFPC observe en outre que l’examen de la LRTFP montre que la Commission et l’arbitre de grief qu’elle désigne pour enquêter relativement à un grief sont chargés par le législateur de l’importante mission d’encourager et de faciliter le règlement consensuel des différends. L’entente de règlement est un produit nécessaire et la réalisation de cette mission.

6. À vrai dire, la pertinence d’un règlement consensuel conclu en vertu de la LRTFP va au-delà des limites de la Commission de manière à englober le règlement des différends en milieu de travail au sein de l’administration publique. En particulier, la Loi oblige les administrateurs généraux de l’administration publique centrale à établir un mode substitutif de règlement des différends (SGIC) en milieu de travail.

Article 207 de la LRTFP, supra

7. Concernant la Commission, l’article 13 de la Loi indique que la mission de la Commission comprend trois volets : assurer la prestation de services en matière d'arbitrage, de médiation, ainsi que d'analyse et de recherche en matière de rémunération. Dans le contexte des services d’arbitrage, l’article 14 indique que la Commission s’est vu confier une vaste mission à l’égard de l’audition des demandes et des plaintes au titre de la partie 1 de la Loi, de l'instruction des affaires dont la Commission est saisie au titre de la partie 3, et du renvoi des griefs à l'arbitrage au titre de la partie 2, de façon à ce qu’ils puissent être entendus par un arbitre de grief. L’arbitre de grief est défini dans la Loi comme étant un membre de la Commission.

Articles 2 et 13 de la LRTFP, supra

8. L’article 15 de la Loi précise en outre que la Commission peut offrir des services de médiation relatifs aux griefs. De nombreux griefs sont, en vertu de la nouvelle LRTFP, traités au moyen de ce processus légal sous les auspices de la Commission. À vrai dire, lors d’un renvoi à la Commission aux fins d’arbitrage, la présomption veut que les parties recourent à l’arbitrage à moins que la Commission ne soit avisée autrement.

Article 15 de la LRTFP, supra

9. La pertinence d’un règlement consensuel des différends est également soulignée à l’article 37 de la Loi, lequel prévoit ce qui suit :

37 La Commission ou n'importe lequel de ses membres ou fonctionnaires qu'elle désigne peut, en tout état de cause et avec le consentement des parties, aider celles-ci à régler les questions en litige de la façon qu'elle juge indiquée sans qu'il soit porté atteinte à la compétence de la Commission pour trancher les questions qui n'auront pas été réglées.

Article 37 de la LRTFP, supra

10. Ce vaste pouvoir est réaffirmé relativement au processus d’arbitrage au paragraphe 226(2) de la Loi, lequel prévoit ce qui suit :

226(2) En tout état de cause, l'arbitre de grief peut, avec le consentement des parties, les aider à régler tout désaccord entre elles, sans qu'il soit porté atteinte à sa compétence à titre d'arbitre chargé de trancher les questions qui n'auront pas été réglées.

Paragraphe 226(2) de la LRTFP, supra

11. En outre, conformément au paragraphe 223(2), après réception de l'avis, le président peut essayer de régler les questions en litige.

Paragraphe 223(3) de la LRTFP, supra

12. L’article 36 confirme que les pouvoirs de la Commission sont vastes et qu’ils comprennent l’exercice des pouvoirs et fonctions qu’implique la réalisation des objets de la Loi. L’AFPC soutient que ce principe s’applique aux pouvoirs de l’arbitre de grief – le décideur exerçant un pouvoir délégué en vertu de la loi étant chargé d’arbitrer les différends relativement aux griefs. Il suffit de se reporter au préambule de la Loi d’interprétation, à l’énoncé des obligations et fonctions qui sont attribuées à l’arbitre de grief, à titre de membre de la Commission, en vertu de la LRTFP, ainsi qu’aux principes établis par la Cour suprême du Canada (entièrement exposés ci-dessous) pour conclure que l’arbitre de grief est apte à exercer ces pouvoirs que la Loi lui confère et « qu’implique la réalisation de ses objets ».

Article 36 de la LRTFP, supra

13. En réalité, la jurisprudence établit que les arbitres de grief ont systématiquement exercé des pouvoirs non mentionnés dans la Loi, mais accessoires à ceux qui leur ont été conférés pour régler les différends pouvant, de par leur essence, être renvoyés à l’arbitrage.

L’affaire Dhaliwal 2004 CRTFP 109 (166-2-32549), aux paragraphes 93‑94 : principe également appliqué par la CRTFP actuelle, notamment dans Wright 2005 CRTFP 139 (166‑2‑34499) et Chaudry 2005 CRTFP 72 (166‑2‑338368 et 561-2-25).

Van de Mosselaer 2006 CRTFP 59 (166-02-35993 à 35995), au paragr. 42

14. La décision rendue par le Conseil canadien des relations industrielles dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada peut aider à résoudre les trois questions juridictionnelles soulevées par l’arbitre Butler. Dans cette affaire, le Conseil a conclu qu’il avait le pouvoir a) de déterminer s’il y a eu entente; b) de déterminer s’il y a eu violation de l’entente; c) d’ordonner le respect de l’entente. En arrivant à cette conclusion, il s’est déclaré compétent sur le fondement de dispositions du Code canadien du travail analogues à l’article 37 et au paragraphe 226(2) de la LRTFP, et investi des pouvoirs se rapportant aux instances dont il est saisi.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, (2006) CCRI no 362, aux paragraphes 14, 31-50

15. Compte tenu de ce qui précède, l’AFPC soutient que la Commission et les arbitres de grief sont chargés de la mission expresse en vertu de la LRTFP de favoriser, d’encourager et de faciliter le règlement consensuel des différends dont ils ont été dûment saisis. Elle soutient encore une fois qu’une entente de règlement est une preuve tangible de la réussite de cette mission et, par conséquent, qu’il existe un lien direct entre l’entente et l’attribution législative des pouvoirs en vertu de la LRTFP.

Article 236 de la LRTFP et jurisprudence de la Cour suprême du Canada

16. L’AFPC soutient respectueusement que l’article 236 de la nouvelle Loi ne fait qu’intégrer dans la loi un principe qui a déjà été confirmé par la Cour suprême du Canada : lorsqu’il existe un mécanisme prévu par la loi pour le règlement d’un différend, l’accès aux tribunaux est écarté. L’article 236 donne, en effet, une réponse complète à la question de savoir si c’est la loi ou les tribunaux qui déterminent la juridiction compétente. L’article 236 prévoit ce qui suit :

236. (1) Le droit de recours du fonctionnaire par voie de grief relativement à tout différend lié à ses conditions d'emploi remplace ses droits d'action en justice relativement aux faits — actions ou omissions — à l'origine du différend.

Application

(2) Le paragraphe (1) s'applique que le fonctionnaire se prévale ou non de son droit de présenter un grief et qu'il soit possible ou non de soumettre le grief à l'arbitrage.

Exception

(3) Le paragraphe (1) ne s'applique pas au fonctionnaire d'un organisme distinct qui n'a pas été désigné au titre du paragraphe 209(3) si le différend porte sur le licenciement du fonctionnaire pour toute raison autre qu'un manquement à la discipline ou une inconduite.

17. Il est bien établi par le plus haut tribunal du pays que les lois concernant les relations de travail se veulent des régimes complets pour le règlement de différends en milieu de travail et qu’elles constituent un moyen plus efficace et plus efficient pour résoudre les différends que de demander réparation aux tribunaux. À vrai dire, la Cour suprême du Canada a affirmé à maintes reprises que, sous réserve de leur compétence résiduelle, les tribunaux nuisent à l’efficacité des relations de travail lorsqu’ils se placent en parallèle ou en concurrence avec un régime de relations de travail complet prévu par la loi.

Weber c. Ontario Hydro, [1995] A.C.S. no 59, aux paragraphes 55‑58

Nouveau-Brunswick c. O'Leary, [1995] A.C.S. no 60, au paragr. 6

Vaughan c. Canada, [2005] A.C.S. no 12, aux paragraphes 37‑40

18. En renvoyant le règlement de différends à l’arbitrage ou à l’arbitrage de griefs pour le règlement de différends, les arrêts de la Cour suprême du Canada servent également de mise en garde relativement à la détermination de la compétence. Il faut éviter de conclure trop rapidement à la nature juridictionnelle d’une question lorsqu'il existe un doute à cet égard en tentant de formuler le différend comme s’il s’agissait d’une poursuite civile – à savoir une action pour rupture de contrat ou une action en responsabilité délictuelle. La compétence de l’arbitre peut résulter tant expressément qu’implicitement de la convention collective et il s’agit de déterminer si l’essence du différend en est une de relations de travail.

Weber c. Ontario Hydro, supra

Nouveau-Brunswick c. O'Leary, supra

Vaughan c. Canada, supra

19. On peut appliquer ces principes dans le contexte de la LRTFP. Bien qu’elle constitue un régime visant les relations de travail qui comprend un mécanisme pour le renvoi à l’arbitrage des différends se rapportant à la convention collective (situation correspondant précisément aux affaires Weber et O'Leary), elle prévoit également un autre mécanisme d’origine législative visant un éventail de questions, notamment les suspensions disciplinaires comme celles de l’espèce (situation correspondant précisément à Regina Police Association). La déférence à l’égard du régime législatif est la même dans les deux scénarios. En d’autres mots, en vertu de la LRTFP, la compétence de l’arbitre de grief doit être évaluée au regard non seulement de la convention collective mais aussi de la loi pertinente.

Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, [2000] A.C.S. no 15, paragr. 32

20. Il convient, par conséquent, de se poser la question suivante : est-ce qu’une entente de règlement découle expressément ou implicitement du régime de la LRTFP de manière à rendre l’arbitre de grief habile à trancher un différend qui se rapporte à cette entente et, de ce fait, priver les tribunaux de leur compétence sur le même différend?

21. Dans l’arrêt Weber, on a conclu que l’action fondée sur la responsabilité délictuelle était essentiellement une question découlant de la convention collective et relevait de la compétence d’un arbitre de grief. Dans O'Leary, on a également conclu que l’action pour négligence intentée contre l’utilisation par un fonctionnaire d’un véhicule motorisé d’une société découlait, essentiellement, de la relation de négociation collective et qu’elle relevait, par conséquent, d’un arbitre de grief. Dans Vaughan, une action pour négligence relativement à un incitatif lié à une retraite anticipée se situe dans la catégorie des affaires pouvant être tranchées au moyen de la procédure de règlement des griefs jusqu'au palier final de la procédure de règlement de griefs, mais sans excéder ce palier, en vertu de l’ancienne LRTFP. Dans Regina Police Association, on a conclu qu’un litige en matière disciplinaire découle, essentiellement, d’un régime législatif particulier visant les questions de discipline, malgré le droit concurrent à l’arbitrage à l’égard des questions connexes. Dans toutes ces instances, la difficulté consistait à s’éloigner de la qualification générale du litige sur le plan juridique pour en évaluer l’essence.

Weber c. Ontario Hydro, supra

Nouveau-Brunswick c. O'Leary, supra

Vaughan c. Canada, supra

Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, supra

22. En décembre 2002, l’ancienne Commission a donné une directive en vertu de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (« la LRTFP ») affirmant, notamment, que le mécanisme permettant d’appliquer un règlement était une question de nature civile et non une question relevant des relations de travail. La jurisprudence de l’ancienne Commission a confirmé cette opinion.

 

Lettre datée du 5 décembre 2002, adressée par le président Tarte à l’AFPC

Myles 2002 CRTFP 53 (166-2-30744 et 45), aux paragraphes 13, 19 et 20

Skandharajah 2000 CRTFP 114 (166-2-24127), aux paragraphes 78‑80

Lindor 2003 CRTFP 10 (166-2-30803 à 804), au paragr. 16

Dilon 2006 CRTFP 135 (166-02-35947), au paragr. 9

Bedok 2004 CRTFP 163 (166-2-33140 et 149-2-249), au paragr. 53

Carignan 2003 CRTFP 58 (166-2-29047), au paragr. 48

Castonguay 2005 CRTFP 73 (166-2-30919), aux paragr. 30 à 34

23. L’AFPC observe respectueusement que cela est contraire à la grande majorité des arrêts et incompatible avec les dispositions de la nouvelle LRTFP. L’article 236 est une confirmation de nature législative du fait que, sous réserve de la compétence résiduelle prépondérante qui est dévolue aux tribunaux, les différends qui sont essentiellement liés aux relations de travail et aux conditions d’emploi doivent être réglés dans le cadre du régime législatif approprié. En conséquence, dans la mesure où, en vertu de l’ancienne LRTFP, la jurisprudence ordonnait aux parties de régler tout différend concernant une entente de règlement devant les tribunaux civils, il est évident qu’une telle directive ne peut être maintenue, compte tenu de l’article 236 de l’actuelle LRTFP, lorsqu’il est établi, dans un premier temps, que le règlement du différend relève, dans son essence, du régime des relations de travail de la LRTFP.

24. L’AFPC fait valoir que, compte tenu de l’examen du cadre législatif et de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, il ne fait aucun doute que les règlements relèvent expressément d’une mission prévue à la LRTFP et qu’ils sont, dans leur essence, de la nature des relations de travail.

25. L’analyse ne s’arrête pas à cette conclusion. Il faut ensuite se concentrer sur la question de savoir quels sont les mécanismes prévus dans la Loi pour aborder une allégation de non-respect d'une entente de règlement : de tels différends découlent‑ils expressément ou implicitement du différend initial exposé sous forme de grief, maintenant ainsi la compétence de l’arbitre de grief, ou faut-il les régler en déposant un nouveau grief ne pouvant être renvoyé à l'arbitrage?

26. L’AFPC abordera ce point lorsqu’elle répondra aux questions juridictionnelles ci-dessous. Cependant, pour l’essentiel, l’AFPC soutient que lorsqu’un différend a été dûment renvoyé à l’arbitrage, l’arbitre de grief conserve sa compétence sur le règlement ultime du différend, notamment à l’égard de toute entente de règlement y afférent.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, supra, paragraphes 31‑32

1)      Lorsque, dans une affaire disciplinaire entraînant une suspension, un grief individuel est renvoyé à l'arbitrage alors que les parties ont conclu une entente de règlement, un arbitre de grief a‑t‑il compétence, aux termes de la nouvelle Loi, pour déterminer si l'entente de règlement conclue par les parties est définitive et exécutoire?

27. Une partie des principes énoncés dans la décision Van de Mosselaer ((2006) CRTFP 59) permet d’affirmer que l’arbitre a la compétence inhérente de déterminer s’il existe une entente de règlement définitive et exécutoire. Cette analyse peut consister notamment à déterminer si l’entente a été conclue dans des circonstances pouvant être considérées comme étant inadmissibles (et ne devrait donc pas être exécutoire), ou encore à établir s’il existait, en fait, une entente tenant compte de certaines conditions énoncées par écrit ou de la conduite des parties au moment dont il est question.

28. Bien que Van de Mosselaer ait été rendue en vertu de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la compétence inhérente d’un membre de la Commission siégeant à titre d’arbitre de grief n’a pas été restreinte en vertu de la nouvelle LRTFP.

29. Lorsque l’arbitre conclut que l’entente de règlement est inadmissible, il s’ensuit, en droit, que l’entente n’est pas exécutoire; l’arbitre de grief doit donc être autorisé à rendre une telle décision et à instruire le grief sous-jacent. Si l’arbitre de grief constate qu’une entente de règlement a été conclue, elle devient définitive et exécutoire et les parties doivent s’en tenir à leur entente et régler le grief selon les conditions qui y sont énoncées.

30. Si, par exemple, un fonctionnaire s’estimant lésé cherche à contester une suspension en arbitrage et que l’employeur affirme qu’un règlement définitif et exécutoire est en place, une affirmation que rejette le fonctionnaire s’estimant lésé, il est important de faire enquête pour déterminer laquelle de ces affirmations l’emporte. La capacité d’accepter ou de rejeter une telle affirmation est une composante essentielle du pouvoir de l’arbitre de grief de juger les faits.

31. Autrement dit, si la réponse à la première question est négative, la partie peut réduire à néant le droit à l’arbitrage d’un tiers en affirmant tout simplement qu’il existe une entente de règlement. Une telle affirmation ne saurait être justifiée, et par conséquent, l’AFPC observe respectueusement qu’il faut répondre par l’affirmative à la première question.

2)    Si l'arbitre de grief a compétence, aux termes de la nouvelle Loi, pour déterminer si l'entente de règlement conclue par les parties est définitive et exécutoire, a-t-il compétence pour statuer sur une allégation de non-respect de cette entente?

32. Pour répondre à cette question, il faut d’abord déterminer si une allégation de non-respect d’une entente de règlement définitive et exécutoire est visée expressément ou implicitement par le régime législatif. L’AFPC soutient respectueusement qu’il faut répondre à cette question par l’affirmative.

33. Qualifier la question seulement du point de vue juridique ne suffit pas. Au contraire, la Cour suprême du Canada a été claire sur ce point : la question est de savoir s’il s’agit d’un différend lié – essentiellement – aux relations de travail, visé par le régime législatif. Pour répondre à cette question, il faut garder à l’esprit quelques éléments clés.

34. Il faut prendre garde de confondre la forme et le fond. L’entente de règlement ne change pas fondamentalement le caractère du différend sous-jacent. Le grief renvoyé à l’arbitrage alléguant le défaut d’accommoder convenablement un travailleur blessé en milieu de travail, qui est réglé par une entente à l’égard d’un plan de réintégration en milieu de travail, ne cesse pas d’être un grief fondé sur la discrimination parce que l’employeur a omis de s’acquitter de ses obligations prévues dans l’entente de règlement. Le différend n’est pas essentiellement modifié. Les droits de la personne qui n’est pas réintégrée en conformité avec l’entente de règlement continuent d’être violés.

35. De la même façon, la personne qui renvoie à l’arbitrage un grief contestant une suspension de 20 jours et qui règle la question en acceptant d’effacer le grief moyennant le versement d’une rémunération de 20 jours, ne cesse pas d’avoir, essentiellement, un différend avec l’employeur concernant la suspension lorsque l’employeur omet de lui verser cette rémunération de 20 jours.

36. L’AFPC soutient, par conséquent, que l’essence, le fond du différend donnant lieu à un grief demeure et, par conséquent, continue d’appartenir à la catégorie des questions relevant de la compétence d’un arbitre de grief. L’allégation de violation d’une entente de règlement confirme que le différend demeure non réglé et il incombe à l’arbitre de le régler en application de la LRTFP et de mettre fin irrévocablement au processus. L’examen de la question de savoir si une entente a été violée renforce ces objectifs législatifs.

37. En outre, selon la pratique habituelle devant la Commission, intégrée expressément comme modalité dans la majorité des ententes de règlement auxquelles l’AFPC est partie, le grief à l’égard duquel la Commission exerce sa compétence principale n’est pas considéré comme ayant été retiré tant que l’entente de règlement n’est pas entièrement mise en œuvre. La compétence de la Commission est maintenue, car le grief n’est ni réglé ni retiré tant que les conditions préalables énoncées dans l’entente n’ont pas été remplies.

38. La Commission confirme cet usage par sa pratique, en ce sens que les griefs qui ont été réglés demeurent actifs au sein des opérations du greffe de la Commission tant que la mise en application du règlement n’a pas été confirmée et que le grief n’a pas été retiré. Le dossier de la Commission est alors fermé.

39. L’AFPC soutient que l’entente de règlement demeure liée organiquement à la question faisant l’objet du grief et qu’elle ne constitue pas une procédure entièrement distincte ou « nouvelle » dotée d’un mécanisme de recours distinct.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, supra, paragraphes 31‑32

40. Pourtant, l’ancienne Commission a conclu que le dépôt d’un grief demandant l’exécution d’un règlement n’est pas un grief pouvant être renvoyé à l’arbitrage (c.-à-d. qu’il requiert le dépôt d’une « nouvelle » procédure). Compte tenu de tout ce qui précède, l’AFPC soutient respectueusement que cette décision ne peut pas être maintenue. Si l’arbitre de grief dans Myles ne fait pas erreur, cela signifierait accepter, pour les besoins de la nouvelle LRTFP, qu’un règlement cesse d’avoir tout lien immédiat avec le différend et le grief initiaux. Pour les raisons déjà exposées précédemment, l’AFPC soutient que cela ne peut servir de fondement pour l’adoption d’une d’approche axée sur la forme plutôt que sur le fond à l’égard des ententes de règlement fondées sur la LRTFP.

Myles 2002 CRTFP 53 (166-2-30744 et 45), au paragr. 20

41. À cet égard, l’AFPC ne prétend pas que cela ouvre suffisamment la porte pour permettre le renvoi à l’arbitrage de toute affaire – rendant ainsi les dispositions de la LRTFP dénuées de sens. Au contraire, comme il a été énoncé ci-dessus, l’AFPC maintient que la compétence d’exécuter un règlement que possède l’arbitre de grief fait partie intégrante de sa compétence principale sur le différend initial donnant lieu à un grief.

42. De plus, ce serait aller à l’encontre du régime législatif décrit en détail ci-dessus, que de prétendre que la Commission ou l’arbitre de grief dispose d’une vaste gamme de pouvoirs pour encourager et faciliter le règlement des griefs dûment renvoyés à l’arbitrage, sans avoir toutefois le pouvoir de se prononcer relativement à une allégation de non-respect de l’entente.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, supra, paragraphes 35-40

43. L’AFPC fait valoir que le pouvoir de déterminer s’il y a eu violation de l’entente de règlement n’est pas seulement accessoire mais nécessaire pour permettre à la Commission, à l’arbitre de grief ou au président de maintenir l’intégrité du régime législatif, assurer la reddition de comptes entre les parties et de réaliser les objets d’un mode de règlement des différends efficace, juste et rapide dans le milieu des relations de travail qu’elle dessert.

44. En conséquence, l’AFPC soutient respectueusement que l’arbitre de grief a le pouvoir de déterminer si une entente a été violée.

3)    Advenant que l'arbitre de grief ait compétence pour statuer sur une allégation de non-respect d'une entente de règlement définitive et exécutoire, a-t-il compétence pour rendre l'ordonnance qu'il juge indiquée dans les circonstances?

45. Il est clairement énoncé au paragraphe 228(2) de la LRTFP que l’arbitre de grief peut rendre l’ordonnance qu’il juge indiquée. Hormis les pouvoirs prévus au paragraphe 228(2), les pouvoirs procéduraux et les pouvoirs conférés par la Loi canadienne sur les droits de la personne, les pouvoirs de l’arbitre de grief ne sont pas énoncés de façon exhaustive dans la LRTFP.

46. Comme l’a affirmé la Cour suprême, les pouvoirs d’un arbitre sont étendus et comprennent la capacité d’interpréter et d’appliquer les lois du pays, notamment la Charte, et de déterminer une réparation appropriée en matière de relations de travail.

Weber c. Ontario Hydro, supra

Nouveau-Brunswick c. O'Leary, supra

Vaughan c. Canada, supra

47. Si l’on accepte que l’arbitre détient l’autorité inhérente pour déterminer si une entente de règlement est définitive et exécutoire et qu’il y a contravention à cette entente, il s’ensuit alors qu’un droit ne peut exister sans être assorti d’une réparation. En conséquence, l’arbitre doit avoir compétence pour contraindre les parties à respecter l’entente intervenue entre elles pour régler le grief. Les compétences énumérées aux termes de la LRTFP sont suffisamment étendues pour permettre de rendre une ordonnance enjoignant aux parties de mettre en œuvre leur entente pour régler le grief de relations de travail dont la Commission était directement et à juste titre saisie par renvoi à l’arbitrage ou par renvoi devant le médiateur nommé par la Commission, ou dont l’arbitre de grief agissant à titre de médiateur était saisi.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, supra, au paragr. 50

48. L’AFPC fait valoir avec respect que la capacité de la Commission à faire appliquer l’entente de règlement constitue le fondement de sa mission en matière de relations de travail et il serait tout à fait contraire à cette mission, de permettre aux parties, dans le cas du non-respect de leur entente, de se désister de ladite entente ayant trait à leur grief sur lequel la Commission avait compétence initialement et, du même coup, d’empêcher celle-ci d’intervenir à titre de tiers chargé d’examiner l’entente.

49. La jurisprudence actuelle s’attache essentiellement à l’importance du caractère définitif. Maintenir le principe selon lequel une entente de règlement signée est définitive et exécutoire, permet d’empêcher les parties de s’écarter de l’entente parce qu’elles éprouvent des regrets, des doutes ou souhaitent accorder moins ou obtenir davantage. Maintenir le principe du caractère définitif permet également de donner au public et aux gens du milieu des relations de travail la certitude dont ils sont censés bénéficier et de renforcer la confiance des parties quant à la légitimité du processus. En d’autres mots, si une partie peut changer d’idée après avoir signé une entente, cela a pour effet de briser la confiance collective lorsqu’il s’agit d’affirmer qu’une entente est un mode de règlement significatif et fiable des conflits en milieu de travail.

50. Si le syndicat ne peut assurer à ses membres que l’entente de règlement contractée pourra être exécutée par un tiers auquel leur grief a été renvoyé, il est probable que cela encouragera plutôt les gens à intenter des poursuites plutôt qu’à faire valoir leurs droits de grief et tenter le sort alors qu’il y a un risque réel de non-respect.

51. Si l’AFPC a conscience d’être ni trop ferme ni trop véhémente sur cette question, elle y accorde toutefois une importance certaine. S’il s’agit d’un cas où une entente de règlement ne peut être exécutée par la Commission ou par un arbitre dans l’exercice de sa compétence inhérente à la procédure de départ (que ce soit une plainte, une demande ou un grief), le syndicat ne peut, de bonne foi, recommander le recours à la médiation ou confirmer à ses membres l’existence d’un moyen rapide pour contraindre l’autre partie à respecter sa part de l’entente.

Conclusion

52. Compte tenu de ce qui précède, l’AFPC soutient avec déférence que, peu importe si le décideur aux termes de la Loi est la Commission, le président ou un membre de la Commission agissant à titre d’arbitre de grief (comme dans la présente procédure), le régime législatif de la LRTFP prévoit d’importants pouvoirs dans le but de favoriser et de faciliter le règlement de différends de manière consensuelle. Constituent des preuves tangibles de ce processus, l’entente de règlement relevant clairement de la mission de la Commission et des arbitres de grief aux termes de la LRTFP et, en conséquence, les questions qui y sont traitées relevant expressément de leurs pouvoirs. La question en litige demeure, pour l’essentiel, telle qu’énoncée dans le grief.

53. L’AFPC soutient que l’exécution d’une entente portant sur une question qui serait autrement arbitrable constitue une question relevant de la compétence de la Commission et de l’arbitre puisqu’elle concerne l’administration de la Loi, qu’elle est accessoire à l’atteinte des objectifs de cette même loi et qu’elle fait partie de la compétence fondamentale et inhérente du décideur de régler de manière intégrale et définitive tout litige lié au grief.

[…]

II. La réponse de l’administrateur général

[Traduction]

[…]

L’employeur estime d’abord et avant tout que les arguments avancés par l’autre partie et par les intervenants cherchent à contester l’ensemble de la jurisprudence de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) sans tenir compte des questions effectivement posées en l’espèce par l’arbitre Butler. Les trois questions consignées par l’arbitre Butler étaient précédées du préambule suivant :

[Traduction]

« Compte tenu de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi en général et, plus particulièrement, de l’article 236, et compte tenu de l’évolution jurisprudentielle sur la question de la compétence des arbitres (c.‑à‑d. Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, Nouveau‑Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967, Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14, et Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11) – l’arbitre Butler sollicite des arguments écrits quant aux questions suivantes : » [je souligne]

En conséquence, l’employeur fait valoir que notre opinion concernant le bien-fondé de la jurisprudence établie par la Commission sur la question du caractère définitif et exécutoire des ententes de règlement6 n’était pas sollicitée. Il nous a plutôt été demandé de présenter des arguments quant à savoir si les nouvelles dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. (2003), ch. 22, art. 2 (LRTFP) ou de toute décision de la Cour suprême du Canada permettaient une interprétation différente de celle établie par la jurisprudence actuelle de la Commission. La jurisprudence de la Commission est bien claire quant à la compétence de l’arbitre de grief en matière d’ententes de règlement définitives et exécutoires. À moins qu’un argument se présente dans le cours de l’analyse d’un arrêt de la Cour suprême du Canada ou dans les dispositions de la LRTFP, l’employeur estime que la jurisprudence ne doit pas être renversée.

Les arguments présentés par le représentant de M. Amos et par les intervenants semblaient mettre l’accent sur la capacité de l’arbitre Butler à exercer sa compétence dans la présente procédure pour favoriser les relations de travail. Plusieurs articles de la LRTFP, notamment le préambule, sont cités à l’appui de ces arguments. L’employeur ne réitèrera pas ces arguments ici, mais il convient d’ajouter que les arbitres de griefs tirent leur compétence de l’article 209 de la LRTFP et non du préambule ou de tout autre article invoqué dans les autres arguments. Selon l’employeur, il existe un processus visant à assurer l’application des ententes de règlement définitives et exécutoires; ce processus prévoit le dépôt par le fonctionnaire s’estimant lésé, d’un grief visant le protocole d’entente, en vertu de l’article 208 de la LRTFP et, au besoin, le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Le législateur n’avait pas l’intention de permettre que l’arbitre demeure saisi d’un grief ayant été renvoyé à l’arbitrage puis réglé. Il est possible que les parties dans la présente affaire n’aiment pas le recours dont elles disposent, mais ceci ne permet pas de conférer à l’arbitre une compétence qu’il n’a pas.

Plus précisément, l’article 37 et le paragraphe 226(2) de la LRTFP énoncent ce qui suit :

Pouvoir général d’aider les parties

37 La Commission ou n'importe lequel de ses membres ou employés qu'elle désigne peut, en tout état de cause et avec le consentement des parties, aider celles-ci à régler les questions en litige de la façon qu'elle juge indiquée sans qu'il soit porté atteinte à la compétence de la Commission pour trancher les questions qui n'auront pas été réglées. [je souligne]

Médiation

226 (2) En tout état de cause, l'arbitre de grief peut, avec le consentement des parties, les aider à régler tout désaccord entre elles, sans qu'il soit porté atteinte à sa compétence à titre d'arbitre chargé de trancher les questions qui n'auront pas été réglées. [je souligne]

Ces dispositions permettent à la Commission ou à n’importe lequel des membres ou employés qu’elle désigne (y compris un arbitre de grief suivant le paragraphe 226(2)) d’aider les parties à trancher des questions qui n’ont pas été réglées. Premièrement, l’employeur fait valoir que les questions dans la présente affaire sont assujetties à un protocole d’entente définitive et exécutoire et qu’elles sont donc réglées. Dans sa lettre en date du 26 mars, l’employeur soutient que l’arbitre de grief demeure compétent pour déterminer l’existence d’une entente définitive et exécutoire. Toutefois, dès lors que l’existence de l’entente est établie, l’arbitre n’a plus compétence. Deuxièmement, ces dispositions supposent que les parties ont besoin d’aide. Or, ces dispositions n’aident pas les parties à établir si l’arbitre est habilité à statuer sur une allégation de non-respect de l’entente de règlement définitive et exécutoire ou s’il est habilité à rendre une ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances.

Pour ce qui est des arguments présentés par l’AFPC au paragraphe 13 de son document quant à la jurisprudence de l’ancienne et de la nouvelle CRTFP, les décisions invoquées concernaient des renvois en cours de stage. Ces décisions suivent un long courant jurisprudentiel de la Commission selon lequel l’arbitre de grief n’a pas compétence en matière de renvoi en cours de stage si ce renvoi tombe sous le coup de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, en vertu de laquelle l’employeur peut établir en preuve que le renvoi était lié à l’emploi et non à un autre motif. L’employeur tient à souligner que les arbitres de grief devaient tout de même renvoyer à l’article 92 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’ancienne LRTFP) et devaient tout de même déterminer s’ils avaient compétence en application de cet article (maintenant l’article 209 de la nouvelle LRTFP). Ces décisions n’aident pas l’arbitre Butler à se déclarer compétent.

 

Sans réitérer l’ensemble des arguments présentés par l’employeur le 26 mars 2008, ce dernier a fait valoir que l’article 209 de la nouvelle LRTFP est déterminant quant à la compétence de l’arbitre de grief. Les arbitres de la fonction publique fédérale tirent leur compétence des lois et non des conventions collectives. En conséquence, en ce qui concerne tous les arguments allégués qui étaient fondés sur des conventions collectives ou sur les lois autres que l’ancienne et la nouvelle LRTFP, l’employeur soutient que ces textes ne sont ni pertinents ni déterminants en l’espèce.

En conclusion, l’employeur fait valoir qu’aucune disposition de la nouvelle Loi ni aucun arrêt de la Cour suprême cité en l’espèce ne permet d’arriver à une conclusion différente quant à la compétence d’un arbitre de grief en matière d’ententes de règlement définitives et exécutoires.

[...]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

[J’omets les notes en bas de page]

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.