Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Des agents correctionnels de deux établissements fédéraux ont contesté le paiement tardif de différentes primes, telles que la rémunération des heures supplémentaires - dans une décision antérieure, l’arbitre de grief a conclu qu’il ressortait implicitement de la convention collective que les primes devaient être payées dans un délai raisonnable - à la suite des négociations fructueuses ayant mené à la conclusion d’une nouvelle convention collective, des changements importants ont été apportés au système de paie au chapitre du salaire rétroactif - l’employeur a choisi de traiter le salaire rétroactif avant les primes - les agents correctionnels ont attendu jusqu’à quatre mois pour toucher leurs primes - l’arbitre de grief a conclu que le délai n’était pas déraisonnable, compte tenu des circonstances. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-10-29
  • Dossier:  567-02-09 et 13
  • Référence:  2008 CRTFP 89

Devant un arbitre de grief


ENTRE

UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS - SYNDICAT DES AGENTS
CORRECTIONNELS DU CANADA - CSN

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs collectifs renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, arbitre de grief

Pour l'agent négociateur:
Corrine Blanchette, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour l'employeur:
Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue à Abbotsford (Colombie Britannique),
les 26 et 27 août 2008.
(Traduction de la CRTFP)

Griefs collectifs renvoyés à l'arbitrage

1 Deux griefs collectifs ont été déposés séparément en 2006 par des agents correctionnels (les « fonctionnaires s’estimant lésés ») de l’Établissement de Matsqui et de l’Établissement de la vallée du Fraser. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont prétendu ne pas avoir touché différentes primes dans un délai raisonnable. À titre de mesure corrective, ils ont demandé le paiement des montants dus dans une période de dix jours ouvrables et le versement d’intérêts. J’ai rendu une décision provisoire rejetant l’objection de l’employeur à ma compétence (Union of Canadian Correctional OfficersSyndicat des agents correctionnels du Canada – CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 120) et une audience a été prévue.

2 Dans la décision provisoire, j’ai conclu que la convention collective comportait des dispositions implicites prévoyant le paiement dans des délais raisonnables de primes telle la rémunération des heures supplémentaires (appelée également « rémunération des fonctions supplémentaires »). J’ai déterminé qu’il fallait tenir une audience pour trancher la question de savoir en quoi consisteraient des délais raisonnables dans les circonstances :

[…]

[34] En l’absence d’échéances pour le paiement de la rémunération dans la convention collective et dans la loi, la décision de ce qui constitue un délai raisonnable pour le paiement doit toujours être prise au cas par cas. Les facteurs pertinents à considérer comprennent, sans s’y limiter : la pratique antérieure, les circonstances particulières à ce moment, le nombre de transactions à traiter et la capacité de traiter le volume des transactions. Dans leurs observations, les parties ont soumis des allégations concernant les motifs du paiement tardif et la pratique antérieure et courante de l’employeur. Ces allégations ne sont naturellement pas des éléments de preuve et je ne peux pas m’appuyer sur elles pour déterminer si le retard était raisonnable ou non. Il faudra tenir une audience pour évaluer ces facteurs et permettre aux parties de présenter des éléments de preuve.

[…]

3 Le Union of Canadian Correctional OfficersSyndicat des agents correctionnels du Canada –CSN (l’« agent négociateur » ou le « syndicat ») a demandé le report de l’audience dans une lettre adressée à la Commission des relations de travail dans la fonction publique, le 30 juillet 2008, au motif que la Cour d’appel fédérale était saisie de la question du paiement d’intérêts en tant que mesure corrective (Nantel c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 66, dossier de la Cour no A-75-08). Le Conseil du Trésor (l’« employeur ») a consenti à la demande de report. Cependant, je l’ai rejetée. Les parties ont été informées, par une lettre datée du 1er août 2008, que l’audience aurait lieu, et que, si les griefs étaient accueillis, la demande de paiement d’intérêts comme mesure corrective serait reportée jusqu’à ce que la Cour d’appel fédérale fasse connaître les motifs de sa décision dans Nantel.

4 Six personnes ont témoigné au nom des fonctionnaires s’estimant lésés, deux au nom de l’employeur. Sur demande, j’ai ordonné l’exclusion des témoins.

5 Des talons de chèque de l’un des fonctionnaires s’estimant lésés ont été présentés en tant que preuves. Avec le consentement des parties, j’ai ordonné que les preuves (pièces G-2 à G-6 inclusivement) soient mises sous scellés, car elles contiennent des renseignements financiers personnels et de l’information autre qui permet d’identifier la personne concernée.

6 L’avocate de l’employeur a demandé que soient présentés des talons de chèque de l’un des témoins. J’ai reporté ma décision en réponse à cette demande jusqu’à ce que j’aie pris connaissance de plus amples preuves. J’ai ensuite conclu que le taux de rémunération des fonctionnaires s’estimant lésés constituait des preuves dont disposait l’employeur, et qu’il pouvait choisir de les produire. J’ai donc fait savoir que j’autoriserais l’employeur à rappeler tous témoins parus au nom des fonctionnaires s’estimant lésés pour qu’ils soient contre-interrogés sur le taux de rémunération. L’agent négociateur ne s’est aucunement opposé à la présentation en preuves du taux de rémunération (bien que les parties ne se soient pas entendues sur sa pertinence).

Résumé de la preuve

7 La région du Pacifique réunit neuf établissements correctionnels ainsi que des bureaux de libération conditionnelle dans la collectivité. La région compte 2 400 employés, dont près de 46 % entrent dans la catégorie des agents correctionnels (CX) (ce pourcentage comprend les agents correctionnels exclus).

8 La rémunération de base des employés du Service correctionnel du Canada (SCC) est déposée dans leur compte en banque le mercredi à intervalles de deux semaines. Jusqu’à récemment, la rémunération des heures supplémentaires, les primes de quart, la rémunération des jours fériés et les indemnités de repas (« rémunération des fonctions supplémentaires ») étaient payées par chèque. Or, depuis mai 2008, la rémunération des fonctions supplémentaires est déposée directement dans les comptes bancaires des employés.

9 Les témoins de l’agent négociateur ont déclaré que les employés des établissements dans lesquels ils travaillent touchaient normalement la rémunération des fonctions supplémentaires chaque mois, aux environs du 20e jour du mois suivant celui dans lequel elle était gagnée. La date variait du 17e au 21e jour du mois, en fonction des jours de fin de semaine et des jours fériés. La pratique décrite ci-dessus datait de 1976. Denis Richardson, agent correctionnel à la retraite depuis 2007, a témoigné que la direction avait informé le syndicat de la pratique, sans toutefois établir de procédures écrites. Susan McKenzie, administratrice régionale aux Ressources humaines, région du Pacifique, a fait savoir que, pendant de nombreuses années, il était entendu que la rémunération des fonctions supplémentaires était versée au plus tard le 20e jour du mois et que le SCC s’était efforcé de respecter ce principe, mais qu’il n’a pu le faire dans certains cas à cause de problèmes de ressources et de priorités divergentes.

10 Le SCC a rédigé un guide des services de rémunération à l’intention des employés, qui ne porte aucune date (pièce G-17) (le « guide »). Le guide énonce que les conseillers en rémunération [traduction] « donneront suite » aux relevés d’heures supplémentaires dans les quatre semaines qui suivent leur réception. Le guide estime à une semaine le délai de traitement des demandes et d’émission des chèques, et il est donc censé s’écouler cinq semaines en tout avant que les employés touchent leur chèque.

11 Les témoins ont déclaré que les membres de l’unité de négociation étaient contrariés s’ils ne touchaient pas leur rémunération le 20e jour du mois. Donna Collins, agente correctionnelle à l’Établissement de la vallée du Fraser, a témoigné que des employés, impatients de recevoir leur argent, avaient à l’occasion « rudoyé » le commis chargé de la saisie des heures supplémentaires et des particularités de paiements autres. John Williams était président, région du Pacifique, de l’agent négociateur en 2006. Il a fait savoir que sa boîte de courriel débordait de messages provenant de syndiqués irrités par le retard mis à leur verser leur rémunération. Cependant, il n’en avait conservé aucune copie. Il a ajouté que les membres étaient hésitants à faire des heures supplémentaires parce qu’ils n’étaient pas rémunérés en temps opportun. Il a ajouté que le niveau de frustration des membres avait augmenté lentement.

12 Gaelen Joe était agent de grief de la section locale du syndicat à l’Établissement de Matsqui à l’été 2006. Il a déclaré que les heures supplémentaires étaient fréquentes au cours de l’été à cet endroit en raison des congés annuels des employés. Selon lui, le retard mis à verser la rémunération des heures supplémentaires préoccupait incontestablement ceux pour qui le paiement rapide était [traduction] « d’importance capitale ». Lona Vedder, agente correctionnelle à l’Établissement de Matsqui a fait savoir qu’elle dépendait du paiement en temps opportun des sommes qui lui étaient dues en raison des besoins financiers qu’elle éprouvait en tant que mère de trois enfants, séparée depuis peu de son mari. Elle comptait tout particulièrement sur le paiement prévu en août pour préparer ses enfants au retour à l’école et acheter des fournitures scolaires.

13 L’employeur et l’agent négociateur négociaient une nouvelle convention collective depuis environ quatre ans et ont conclu une entente provisoire le 1er juin 2006 (pièce G-7).

14 La convention collective a été ratifiée le 24 juin 2006 (pièce G-8) et signée le 26 juin 2006 (pièce G-1). La convention devait être mise en œuvre dans les 90 jours qui suivaient la date de sa signature.

15 Le 28 juin 2006, le Secrétariat du Conseil du Trésor a adressé une note de service à tous les directeurs des ressources humaines (pièce E-2), leur donnant instruction de mettre en œuvre les taux de rémunération provisoires datés du 9 juin 2006. La note les informait, de plus, que les bureaux régionaux de paye de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) leur communiqueraient la date de programmation dans le système de paye des taux de rémunération révisés. Elle rappelait aux directeurs que toutes les données d’entrée du système de paye devaient être fournies à TPSGC [traduction] « le plus rapidement possible pour respecter » le délai de mise en œuvre fixé à 90 jours.

16 Le 14 juillet 2006, Rick Oakes, gestionnaire de la rémunération, région du Pacifique, a envoyé un courriel, dont le passage suivant est un extrait, au comité de gestion de la région du Pacifique :

[Traduction]

[…]

[…] les heures supplémentaires travaillées après le 25 juin doivent être rémunérées aux nouveaux taux, et nous ne pourrons donc verser la rémunération des heures supplémentaires tant que le système de paye n’aura pas été mis à jour. Les heures supplémentaires travaillées entre le 26 et le 30 juin seront traitées en août, en même temps que les heures supplémentaires de juillet.

[…]

Veuillez communiquer les renseignements ci-dessus à vos employés.

17 Mme McKenzie a témoigné que cette façon de faire avait été discutée avec la haute direction régionale et qu’elle avait été jugée avantageuse, compte tenu des autres priorités. Elle ne savait pas avec précision si les employés en avaient été informés ou si la direction avait tenté de communiquer sa décision au syndicat. La direction croyait que, de bouche à oreille, les employés finiraient pas en être informés. Mme Collins a dit avoir cru comprendre que l’employeur avait cessé de verser la rémunération des heures supplémentaires pour pouvoir traiter les paiements rétroactifs.

18 Mme McKenzie a témoigné que la rareté des ressources humaines nuisait au traitement des paiements. Il y avait pénurie de compétences en rémunération, et il faut compter en moyenne deux ans pour former un conseiller dans le domaine. Elle a ajouté qu’elle aurait engagé un employé occasionnel si un candidat avait été disponible.

19 Cheryl Fraser, commissaire adjointe, a envoyé un message à tous les employés le 21 juillet 2006 par voie du réseau InfoNet du ministère (pièce E-5). Elle les a informés que les nouveaux taux de rémunération seraient appliqués au calcul de la paye du 6 septembre 2006 et que tous les paiements rétroactifs seraient versés [traduction] « au plus tard » le 23 septembre 2006. Elle enjoignait également les employés de ne pas demander de renseignements particuliers aux conseillers en rémunération, afin qu’ils puissent procéder [traduction] « en temps opportun » à la vérification des paiements et à des fonctions connexes.

20 Mme Fraser a envoyé un courriel à tous les employés de la catégorie CX, le 31 août 2006 (pièce G-14), traitant de l’émission des chèques de rajustement salarial. Elle y mentionnait que les conseillers en rémunération y travaillaient en priorité afin de respecter le délai de mise en œuvre de 90 jours fixé au 23 septembre 2006. Elle a également précisé ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Nous prions les employés particuliers de ne pas communiquer avec leur conseiller en rémunération au sujet des paiements rétroactifs pour qu’ils puissent se consacrer aux vérifications et aux autres tâches dont ils doivent s’acquitter pour respecter le délai fixé.

[…]

21 Samantha Tamra est coordonnatrice de la rémunération dans la région du Pacifique. En 2006, elle était conseillère en rémunération. Elle a témoigné que chaque conseiller était chargé de 150 à 220 « comptes » particuliers (un par employé). Bien que les effectifs aient fluctué, un conseiller était affecté à l’Établissement de la vallée du Fraser, deux à l’Établissement de Matsqui. Elle a décrit le traitement des chèques de rémunération des heures supplémentaires ou des fonctions supplémentaires prévu dans le document intitulé Creation of an Overtime Cheque (Production d’un chèque de rémunération d’heures supplémentaires) (pièce E-8, dont il est question au paragraphe 32 de la présente décision).

22 Mme Tamra a témoigné qu’elle était en congé en août 2006 et qu’elle est rentrée au travail le 5 septembre 2006. Elle a dit que les services de rémunération et d’avantages sociaux se chargent de priorités autres que le traitement des chèques de paye courants : nouveaux employés, retraites et démissions, congés non rémunérés, congés avec étalement du revenu, congés d’invalidité, congés de maternité et congés parentaux, et calcul de la rémunération variable des employés occasionnels et des employés engagés pour une période déterminée dont la paye est fonction des heures travaillées. Selon elle, plusieurs mesures avaient été prises à ce moment pour venir à bout de la lourde charge de travail. Les conseillers en rémunération ont été autorisés à faire des heures supplémentaires à compter d’un certain moment en août. Le bureau était fermé les mardis, mercredis et jeudis, à compter du 8 août 2006, pour que les conseillers puissent se concentrer sur le volume de travail. À ce moment, ils n’étaient pas censés répondre au téléphone ou aux demandes de renseignements par courriel.

23 Mme Tamra a déclaré que TPSGC avait introduit les nouveaux taux de rémunération dans le système de paye le 21 août 2006 (pièce E-10).

24 Le syndicat a adressé un avis à tous les membres de la région du Pacifique en septembre 2006 (pièce G-10), dont voici un extrait :

[…]

Le service de rémunération et d’avantages sociaux a dit qu’ils [les chèques de paiement d’heures supplémentaires] seraient distribués avant la fin octobre! Quatre mois sans paye est un délai inacceptable […] Depuis 30 ans maintenant, une pratique bien établie consiste à payer les heures supplémentaires au plus tard le 20e jour du mois suivant.

[…] Pourquoi la situation touche-t-elle seulement la région du Pacifique? Les agents correctionnelsdesPrairies, de l’Ontario, du Québec et de l’Atlantique ont reçu leurs chèques de paiement d’heures supplémentaires.

Les représentants syndicaux régionaux ont soulevé le problème du retard mis à verser la rémunération des heures supplémentaires et le montant forfaitaire auprès de la nouvelle sous-commissaire régionale, Mme Anne Kelly. Le syndicat a demandé le paiement des sommes dues avant la date fixée par le service régional de rémunération et d’avantages sociaux. La fin octobre est inacceptable! Grâce aux arguments présentés par le président régional et le président national, le syndicat a obtenu les concessions suivantes :

- Les conseillers en rémunération et avantages sociaux ont été autorisés à faire des heures supplémentaires pour accélérer la production et la vérification des chèques;

- Des conseillers en rémunération et avantages sociaux d’autres régions ont été chargés de venir en aide à leurs collègues de la région du Pacifique pendant deux semaines.

[…]

L’avis invitait les membres à signer un grief collectif exigeant le paiement d’intérêts.

25 Le 2 octobre 2006, des représentants du syndicat ont rencontré la nouvelle sous-commissaire adjointe, Anne Kelly. Le syndicat a rédigé un sommaire de la rencontre (pièce G-11). Il y avait soulevé la question des retards mis à émettre les chèques de paiement d’heures supplémentaires. Selon le sommaire, Mme Kelly avait informé le syndicat que deux conseillers en rémunération de la région de l’Atlantique se rendraient dans la région du Pacifique le 9 octobre 2006 pour aider leurs collègues à produire des chèques. Elle avait ajouté que le traitement des chèques serait terminé à la fin octobre. Le syndicat s’était dit déçu. M. Williams, qui avait assisté à la rencontre, a témoigné que les raisons invoquées pour expliquer le retard des paiements étaient le personnel insuffisant et le travail consécutif au règlement de la convention collective.

26 Mme Tamra a témoigné qu’une conseillère en rémunération de la région de l’Atlantique avait été affectée pendant deux semaines à la région du Pacifique. Elle s’était occupée des cas d’employés radiés de l’effectif. De plus, un conseiller d’un autre service avait remplacé un collègue en congé de maladie.

27 M. Joe a témoigné avoir reçu le 6 octobre 2006 la rémunération d’heures et de fonctions supplémentaires gagnée en juillet et août (pièce G-2). De plus, il a reçu le 20 octobre 2006 sa rémunération de septembre (pièce G-3). Il a ajouté avoir touché au plus tard le 20e jour du mois suivant les paiements récents effectués en 2008 (pièces G-4, G-5 et G-6).

28 Gordon Robertson, vice-président régional de l’agent négociateur, a confirmé auprès d’autres vice-présidents régionaux que les paiements étaient retardés uniquement dans la région du Pacifique. Juste avant le 7 octobre 2006, M. Robertson a été interviewé par un journaliste du quotidien The Globe and Mail (pièce G-15). Les propos de M. Robertson et ceux d’un porte-parole du SCC étaient cités dans l’article.

[Traduction]

[…]

Selon le syndicat, les retards mis à les payer aussi bien que les pénuries de personnel les démoralisent.

« Il s’agit quand même du gouvernement fédéral. Il devrait être mieux organisé », a déclaré Gord Robertson, vice-président (région du Pacifique) du Syndicat des agents correctionnels du Canada.

« Un gestionnaire peut vous ordonner de demeurer en poste, et vous n’avez aucun choix », a dit M. Robertson au sujet d’une disposition de la convention collective selon laquelle les gardes peuvent être tenus de faire des heures supplémentaires en cas de « situation d’urgence survenant dans les pénitenciers ».

Bien que ses membres ne soient pas opposés aux heures supplémentaires, il n’est pas raisonnable qu’ils doivent attendre trois mois avant d’en toucher la rémunération, selon M. Robertson.

[…]

Les agents correctionnels fédéraux de la C.-B. sont les seuls au Canada à ne pas avoir touché la rémunération de leurs heures supplémentaires depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle convention, a fait remarquer M. Robertson. « Les autres régions ont réussi à émettre les chèques avant l’échéance. »

Les chèques de paiement d’heures supplémentaires se font attendre à cause de l’affectation de ressources au calcul de la rémunération rétroactive faisant suite à la conclusion de la convention collective, a expliqué Dennis Finlay, porte-parole du Service correctionnel du Canada.

« La tâche a été très longue. Nous avons expliqué qu’un retard était prévu. Il s’agissait de circonstances exceptionnelles. »

Des employés supplémentaires spécialisés en avantages sociaux ont été affectés temporairement à la région pour venir à bout des travaux accumulés de traitement des paiements rétroactifs.

Les agents correctionnels ont touché leurs paiements rétroactifs le mois dernier, et le personnel s’affaire maintenant à calculer la rémunération des heures supplémentaires, selon M. Finlay.

Les retards que connaît la région du Pacifique s’expliquent également du fait que la rémunération des heures supplémentaires est calculée différemment en C.-B., c’est-à-dire en tenant compte des nouvelles échelles salariales. M. Finlay estime que les agents correctionnels de la province devraient toucher d’ici la fin du mois en cours le paiement des heures supplémentaires travaillées en juin, juillet et août.

M. Robertson a affirmé que le problème de la paye était censé avoir été résolu au plus tard en août. Les retards accumulés préoccupent constamment ses membres, à cause des pénuries de personnel qui obligent les agents correctionnels à travailler un nombre grandissant d’heures supplémentaires qui ne leur ont pas encore été payées.

[…]

« Nous  ne sommes au courant d’aucune pénurie importante de personnel », a rétorqué M. Finlay. « Nous disposons de deux programmes de formation pour les agents correctionnels. »

[…]

29 M. Robertson était d’accord pour dire en contre-interrogatoire qu’il fallait prévoir de longs délais pour calculer la rémunération rétroactive par suite de la conclusion de la convention collective.

30 Une réunion syndicale-patronale a eu lieu le 6 novembre 2006, dont un sommaire a été rédigé par l’employeur (pièce E-6). Selon le sommaire, le syndicat avait demandé que [traduction] « les chèques soient distribués régulièrement » et s’était enquis de l’intention de l’employeur d’engager d’autres employés chargés de traiter les paiements. La direction avait répondu que la section de la rémunération comptait quatre employés supplémentaires [traduction] « et qu’il fallait en engager d’autres ». Le sommaire comprenait également le passage suivant :

[Traduction]

[…]

[…] La direction a informé le syndicat qu’elle ne pouvait s’engager à distribuer les chèques de paiement d’heures supplémentaires avant le 20e jour du mois. Elle entend engager de nouveaux employés lorsqu’elle en aura les moyens financiers.

[…]

31 Le syndicat a également appris que l’employeur adoptait un nouveau « chiffrier » pour gérer la rémunération des fonctions supplémentaires et que les employés qui en faisaient la demande seraient tenus de le signer. Les parties ont discuté de la nécessité des employés de signer tous les relevés d’heures et de fonctions supplémentaires. À l’occasion de la rencontre, la sous-commissaire adjointe, Services corporatifs, Judy Croft s’est engagée à examiner la question et à en discuter avec les sous-directeurs. Mme Croft a informé le syndicat, le 6 décembre 2006, que les employés ne seraient pas tenus de signer les relevés des heures supplémentaires tant que les nouveaux chiffriers n’étaient pas disponibles (pièce G-12).

32 Un document intitulé The Creation of an Overtime ChequePacific Region (Production d’un chèque de paiement d’heures supplémentaires – région du Pacifique) a été distribué à la réunion du 6 novembre 2006 (pièce E-8). Selon les propos de la direction consignés dans le sommaire, il fallait prévoir deux semaines pour émettre un chèque de paiement d’heures supplémentaires après réception des renseignements pertinents de l’établissement concerné. Le document énumère la série de mesures suivantes préalables à la production d’un tel chèque :

[Traduction]

[…]

  1. Le Rapport sur la paye du surtemps et le travail par équipes et le formulaire d’autorisation sont remplis sur place et acheminés au service de rémunération de l’Administration régionale.
  2. Le conseiller en rémunération saisit les renseignements sur les heures supplémentaires dans le système de paye en ligne. Un collègue vérifie la transaction.
  3. Chaque jour, le service des finances de chaque unité opérationnelle accède au système de paye et autorise les transactions.
  4. Les transactions autorisées demeurent consignées dans le système jusqu’à la mise à jour programmée suivante, qui a lieu normalement à intervalles de deux jours (le mardi et le jeudi les semaines sans paye, le lundi, le mercredi et le vendredi les semaines de paye).
  5. Après la mise à jour de la transaction, les renseignements la concernant sont acheminés automatiquement au bureau de paye (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada – TPSGC) à Vancouver et au service d’impression des chèques de TPSGC à Winnipeg, où le chèque de paiement d’heures supplémentaires est produit. Le chèque est daté de sept jours après l’achèvement de la transaction.
  6. Les chèques sont envoyés aux destinataires par poste prioritaire […]

[…]

Le service des finances de l’unité opérationnelle conserve les chèques jusqu’à la date de distribution prévue.

  1. Le service de rémunération a désormais la possibilité de vérifier l’exactitude des montants des chèques en consultant un registre en ligne (qui contient des précisions sur chaque chèque de paiement d’heures supplémentaires). Le registre est disponible dès la date de mise à jour de la transaction, mais les chèques sont datés de sept jours plus tard.
  2. Le conseiller en rémunération confirme l’exactitude du registre. Si les données sont exactes, il informe le service des finances de chaque unité opérationnelle que les chèques peuvent être distribués. Si l’examen du registre révèle qu’un chèque est erroné, ce chèque n’est pas distribué et peut être retourné au service de rémunération, qui corrige la transaction et en répète le traitement.
  3. Sauf application de droits acquis, tous les chèques de paiement de fonctions supplémentaires sont déposés par dépôt direct. Ce compte peut différer de celui dans lequel le salaire de l’employé est déposé normalement.

Il faut compter environ deux semaines entre le moment de la saisie initiale des données dans le système de paye en ligne et la date à laquelle l’employé touche son chèque, mais le délai peut être prolongé à cause de jours fériés qui retardent la mise à jour en ligne de la paye, de la date de mise à la poste, des horaires de levée et de livraison du courrier aussi bien que de l’arrêt temporaire du système de paye.

33 Mme McKenzie a témoigné qu’il existait 14,5 postes de conseiller en rémunération à l’été et à l’automne 2006 (dont un à temps partiel). À compter de 2008, 3 coordonnateurs de la rémunération dirigent chacun une équipe, en plus de traiter de cas particuliers, et le nombre de conseillers en rémunération, comprenant les 3 coordonnateurs, est de 19,5. Au dire de Mme Tamra, les heures supplémentaires sont toujours traitées en priorité et dans les meilleurs délais. Elle a déclaré que le SCC éprouvait des problèmes de niveau de dotation et qu’il n’existe aucune relève lorsqu’un conseiller s’absente en congé prévu ou imprévu. Selon elle, chaque conseiller en rémunération se chargerait idéalement de 125 comptes, tandis que chacun s’occupe actuellement de 150 à 220.

Résumé de l’argumentation

34 La représentante de l’agent négociateur estime que deux questions doivent être tranchées : celles de savoir ce qui constitue un délai raisonnable pour le paiement de la rémunération de fonctions supplémentaires, compte tenu des circonstances du moment, et si l’employeur a un motif raisonnable pour expliquer pourquoi il n’a pas effectué les paiements dans des délais raisonnables. L’employeur ne peut décider de ne pas effectuer de paiement. La rémunération est à la base de la relation d’emploi.

35 Selon elle, les conséquences du retard mis à effectuer les paiements sont claires. Les employés étaient agités, contrariés et tendus. Mme Collins a témoigné qu’elle-même et des collègues ont été ordonnés de faire des heures supplémentaires, et il s’agissait donc d’un travail non volontaire. Cette façon de faire ne favorise pas les relations syndicales-patronales harmonieuses.

36 La représentante de l’agent négociateur a fait valoir que les preuves concernant les employés et les témoignages présentés pour l’employeur montrent qu’une pratique était clairement établie. Selon la pratique en question, les employés touchaient leurs paiements au plus tard le 20e jour du mois suivant le mois dans lequel ils les avaient gagnés. Cette façon de faire était en vigueur depuis près de 30 ans, et le guide les entérinait (pièce G-17). Les fonctionnaires s’estimant lésés s’attendaient à recevoir des paiements au même moment chaque mois, et ils planifiaient leurs budgets en conséquence.

37 Ce n’est qu’en novembre 2006 que l’employeur a remis en question la pratique en vigueur (pièce E-6). Actuellement, c’est-à-dire à l’été 2008, l’employeur effectue les paiements au plus tard le 20e jour du mois. En ce sens, il a repris sa pratique antérieure. Mme McKenzie  a témoigné que les paiements [traduction] « étaient normalement effectués » à ce moment. De plus, cette pratique est conforme au délai prévu dans le guide (pièce G-17). Par ailleurs, des preuves montrent que la même pratique est en vigueur dans d’autres régions.

38 La représentante de l’agent négociateur m’a renvoyé à Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, paragraphe 3:4430, et a déclaré que la présente affaire satisfait à tous les critères qui y sont énoncés. Elle a également noté que la pratique antérieure ne doit pas nécessairement être écrite.

39 Elle a décrit l’ampleur du retard mis à effectuer les paiements. Les paiements de la rémunération gagnée entre le 26 et le 30 juin ont été effectués le 13 octobre, soit un retard de trois mois et demi. Les sommes gagnées en juillet ont également été versées en octobre, ce qui représente un retard de deux mois. La rémunération gagnée en août a été payée en octobre, un mois après la date prévue, tandis que les paiements de septembre ont été faits le 27 octobre, sept jours après la date normale.

40 Elle a signalé que la convention collective a été signée le 26 juin 2006 et que le calcul des paiements rétroactifs représentait un travail appréciable. Les parties ont négocié une période de mise en œuvre de 90 jours. Toutefois, elles n’ont pas convenu que le paiement de la rémunération de fonctions supplémentaires serait reporté à octobre. Elle a fait valoir que, selon les preuves déposées par l’employeur, le calcul des paiements rétroactifs à verser aux termes de la nouvelle convention collective n’a débuté qu’en juillet. L’accord provisoire a été annoncé le 1er juin 2006, et les directeurs des ressources humaines ont pris connaissance des nouveaux taux de rémunération le 28 juin 2006 (pièce E-2). Un bon mois de travail a été perdu. L’employeur n’a pas affecté toutes ses ressources disponibles au traitement de la rémunération des fonctions supplémentaires. Les conseillers en rémunération n’ont été autorisés à faire des heures supplémentaires qu’à la fin août. Ce n’est que le 8 août 2006 que le bureau de la rémunération a cessé de répondre aux appels téléphoniques et aux courriels afin que les conseillers puissent se concentrer sur leur charge de travail.

41 La représentante de l’agent négociateur a déclaré que le personnel de la région du Pacifique était insuffisant, mais que ce n’est qu’en août que l’administration a élaboré un plan pour remédier à la situation. De plus, ce n’est qu’à ce moment que les conseillers en rémunération ont été autorisés à faire des heures supplémentaires et que des ressources additionnelles ont été acquises. La région du Pacifique est la seule qui ne parvient pas à payer la rémunération des fonctions supplémentaires en temps opportun. Le plan de la région n’était pas approuvé par l’administration centrale. Dans les circonstances, il n’était pas raisonnable de retarder les paiements. L’employeur a clairement manqué de diligence.

42 En plus de la jurisprudence qui a fondé ma décision provisoire, la représentante de l’agent négociateur m’a renvoyé à General Electric Canada Inc. v. United Steelworkers of America, Local 8912 (1988), 3 L.A.C. (4e) 217, qui traite de l’application des pratiques antérieures.

43 La représentante de l’agent négociateur a demandé que j’accueille les griefs et que j’ordonne à l’employeur de reprendre sa pratique antérieure. Elle a demandé une ordonnance déclaratoire à cette fin.

44 L’avocate de l’employeur m’a signalé les arguments écrits au dossier (le 17 août 2007), qui exposent l’explication du retard offerte par l’employeur :

[Traduction]

[…]

[…] À la suite de la signature de la convention collective en juin 2006, les responsables de la rémunération à SCC étaient tenus, aux termes de la LRTFP, d’appliquer les conditions de la nouvelle convention dans une période de 90 jours suivant la date de la signature. Comme la période de rétroactivité portait sur sept ans, les conseillers en rémunération régionaux ont dû procéder à de laborieux calculs pour chaque membre du groupe CX. Afin de s’acquitter de ses obligations relativement à la mise en application de la nouvelle convention collective, SCC a accordé la priorité au traitement des paiements rétroactifs plutôt qu’au traitement des chèques pour leurs heures supplémentaires. Ce retard était regrettable, mais nécessaire étant donné les circonstances inhabituelles.

[…]

Selon l’avocate de l’employeur, les preuves déposées appuyaient les motifs offerts par l’employeur.

45 S’agissant de pratique antérieure, elle a signalé que les parties ont de longs antécédents de négociation collective et qu’elles ont déjà conclu des lettres d’entente. Il est digne de mention que la prétendue pratique antérieure, dont il est question dans la présente affaire, n’a jamais été couchée par écrit.

46 Elle a affirmé que l’employeur prend la rémunération très au sérieux et accorde la priorité aux paiements pour fonctions supplémentaires. Des circonstances exceptionnelles existaient à l’été 2006, ce dont témoigne le fait que les paiements avaient généralement été effectués le 20e jour du mois auparavant et qu’ils sont maintenant versés à cette date.

47 Les circonstances étaient exceptionnelles parce que la région du Pacifique éprouvait un problème de capacité. M. Oakes, gestionnaire de la rémunération, avait proposé le moyen d’utiliser les ressources et la capacité actuelles pour venir à bout de la gigantesque tâche à laquelle la région faisait face. Il avait recommandé que le traitement des chèques de paiement d’heures supplémentaires soit reporté jusqu’à ce que les nouveaux taux de rémunération soient introduits dans le système de paye. Les paiements n’ont pas été retenus. Les employés ont reçu leurs chèques de paiements rétroactifs au cours de la période. Les nouveaux taux de rémunération n’ont été programmés dans le système de paye que le 21 août 2006 (pièce E-10). Comme la direction avait décidé d’attendre la programmation des nouveaux taux, le traitement des heures supplémentaires a débuté le 21 août. La direction était tout à fait fondée à reporter le traitement des paiements aux termes de l’article 6 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et des alinéas 7(1)a) et e) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

48 L’avocate de l’employeur a avancé que la direction a informé les employés de sa décision à la mi-juillet (pièce E-4), mais aucun des témoins des fonctionnaires s’estimant lésés n’en a convenu. Mme Collins a effectivement fait allusion au fait que le traitement des chèques de paiement d’heures supplémentaires a été interrompu pour que les chèques de paiements rétroactifs puissent être émis. L’avocate de l’employeur était d’avis que la crédibilité des témoins devait être mise en doute, comme ils ne pouvaient se remémorer avoir discuté de la question avec quiconque à part Mme Croft ou Mme Kelly. Elle s’est demandé pourquoi les témoins ne pouvaient se rappeler s’être entretenus de la situation avec les sous-directeurs dans le milieu de travail. Elle a fait valoir que les témoins auraient dû connaître en juillet la décision prise par la direction d’attendre les nouveaux taux de rémunération avant de traiter les paiements. À ce propos, elle m’a renvoyé à Faryna v. Chorney, [1952] 2 D.L.R. 354.

49 L’avocate de l’employeur m’a indiqué le paragraphe 2:2221 de Brown et Beatty, selon qui la pratique antérieure ne peut être considérée qu’en cas d’ambiguïté de la convention collective. Elle m’a signalé également Rook et autres c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 146. Selon elle, comme il n’y a pas ambiguïté, je ne peux considérer la pratique antérieure. Celle-ci ne peut intervenir que si l’agent négociateur a invoqué le principe de la préclusion. Le cas échéant, le message de la direction contenu dans le courriel de M. Oakes (pièce E-4) constituait l’avis requis dans les circonstances.

50 En ce qui concerne la notion de délai raisonnable, l’avocate de l’employeur m’a invité à considérer Hickling c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2006 CRTFP 39, dont les parties se sont penchées sur le paiement des heures supplémentaires et ont convenu d’une limite de six semaines.

51 L’avocate de l’employeur a soutenu que le retard mis à effectuer les paiements doit être calculé à compter du 21 août, date de programmation des nouveaux taux dans le système de paye. Ainsi, le délai de traitement aurait varié de quatre à six semaines. Ce délai n’est pas excessif dans les circonstances.

52 Dans cette affaire, le fardeau de la preuve incombe à l’agent négociateur, et l’avocate de l’employeur a affirmé qu’il ne l’a pas assumée. Elle a invoquéHealth Employers’ Association of British Columbia (Summerland General Hospital) v. Health Sciences’ Association of British Columbia,[1996] B.C.C.A.A.A. No. 14 (QL), et British Columbia Hydro & Power Authority v. International Brotherhood of Electrical Workers Local Union 258, 6 C.L.A.S. 44.

53 Par ailleurs, l’employeur a argué qu’il n’était pas approprié qu’une ordonnance déclaratoire soit rendue. Aucune question sérieuse n’oppose les parties, et la situation qui a existé à l’été 2006 était une aberration. La question à trancher est en grande partie théorique. Elle m’a renvoyé à Remedies in Labour Employment and Human Rights Law, 2-39, Field Atkinson Perraton, 2000. De plus, à compter de l’année en cours, les paiements pour fonctions supplémentaires sont faits par dépôt direct, ce qui réduit d’autant les délais d’attente.

54 En réponse aux arguments de l’agent négociateur, l’avocate de l’employeur a fait remarquer que la période de quatre semaines précisée dans le guide (pièce G-17) ne comprenait pas le temps d’acheminement des formulaires entre l’établissement et l’administration régionale. En fait, la durée totale est de cinq semaines si cette dernière étape est comprise.

55 L’avocate de l’employeur a soutenu que l’employeur a informé les employés des efforts qu’il engageait pour distribuer les chèques en leur faisant parvenir un courriel à diffusion générale (pièce E-5).

56 L’approche adoptée par la région du Pacifique était donc appropriée et raisonnable dans les circonstances.

57 L’avocate de l’employeur a fait observer que les dispositions implicites de la convention collective n’ont pas été enfreintes et qu’il y a donc lieu de rejeter les griefs.

58 La représentante des fonctionnaires s’estimant lésés a noté que Mme Tamra n’était pas réellement responsable des comptes d’employés de la catégorie CX, puisqu’elle s’occupait des agents de libération conditionnelle dans la collectivité.

59 Elle a indiqué que la pièce E-4 était un courriel qui a été envoyé au comité de gestion régional, mais ni aux employés, ni au syndicat. Dans le courriel, M. Oakes dit que les employés devraient être informés de la situation. L’agent négociateur n’y est pas mentionné, et rien ne laisse croire que les employés ont été mis au courant. Mme McKenzie a témoigné qu’elle ne disposait d’aucun renseignement précis qui permettrait de trancher la question de l’information communiquée aux employés. M. Oakes n’était pas un représentant de l’employeur. En ce qui a trait à la crédibilité des témoins, elle a mentionné que l’avocate de l’employeur aurait pu poser des questions précises pour sonder leurs connaissances et leur crédibilité, mais elle ne l’a pas fait. Selon les preuves déposées, personne n’était au courant de la décision de reporter le traitement des paiements jusqu’à la fin septembre ou au début octobre. Quoi qu’il en soit, aucun avis n’a été communiqué à l’agent négociateur. Un avis doit être fourni à la partie à la convention collective, non aux employés. L’employeur a eu l’occasion de communiquer avec M. Oakes ou avec d’autres gestionnaires, mais il a choisi de ne pas le faire.

60 En ce qui a trait aux mesures correctives, la représentante des fonctionnaires s’estimant lésés a fait observer que la question du caractère théorique de l’affaire avait déjà été avancée et tranchée dans la décision provisoire. Une ordonnance déclaratoire serait donc appropriée.

Motifs

61 Dans ma décision provisoire, j’ai fait état de certains facteurs susceptibles d’être pris en compte pour déterminer si les paiements pour fonctions supplémentaires avaient été effectués dans des délais raisonnables :

  • pratique antérieure;
  • circonstances particulières à ce moment;
  • nombre de transactions à traiter;
  • capacité de traiter le volume de transactions.

62 L’employeur a soutenu que la pratique antérieure n’est pas pertinente, puisque la convention collective n’est pas ambiguë. Des dispositions implicites sont ambiguës par nature, comme elles ne sont pas consignées dans la convention collective. Le mot « raisonnable » peut être interprété diversement par différentes personnes, et son interprétation dépend quasi invariablement des circonstances. Dans le cas présent, la pratique antérieure de l’employeur, lorsqu’il traitait les paiements pour fonctions supplémentaires, est un facteur parmi d’autres à considérer lorsqu’il s’agit de juger de ce qui est « raisonnable ». En ce sens, le cas présent diffère de l’affaire type de « pratique antérieure » dans laquelle cette dernière est l’un des principaux facteurs à appliquer à l’interprétation d’une disposition d’une convention collective.

63 La pratique antérieure relative aux paiements pour fonctions supplémentaires consistait à les verser aux environs du 20e jour du mois suivant le mois dans lequel la rémunération était gagnée. En fait, la pratique actuelle semble être la même. De plus, grâce au dépôt direct des paiements en question, il est d’autant plus facile de respecter le délai.

64 Le non-respect par l’employeur du délai de paiement normal à l’été 2006 s’explique par les circonstances du moment et une décision prise par la direction sur la façon d’y faire face. Une nouvelle convention collective a été ratifiée le 24 juin et signée le 26 juin 2006. Les parties n’avaient aucune convention depuis quatre ans, et l’agent négociateur a reconnu que le traitement des paiements rétroactifs à verser aux termes de la convention collective était une tâche ardue. Certaines preuves indiquent que le personnel du secteur de la rémunération et des avantages sociaux de la région du Pacifique était insuffisant et qu’il était difficile de recruter des candidats qui possédaient la formation voulue. En août 2006, la région du Pacifique avait fait appel à un employé d’une autre région pour lui venir en aide, autorisé les conseillers en rémunération et avantages sociaux à faire des heures supplémentaires et accordé un degré de priorité élevé à leur travail, si bien qu’ils n’étaient pas tenus de répondre au téléphone ou aux courriels à certaines périodes de la journée.

65 Toutefois, au contraire de la direction des autres régions, celle de la région du Pacifique a choisi de reporter le traitement des paiements pour fonctions supplémentaires jusqu’à ce que les nouveaux taux de rémunération soient programmés dans le système de paye. Il incombait à TPSGC d’établir les nouveaux taux de rémunération dans le système. D’après les preuves déposées lors de l’audience, cette décision prise par la direction était le principal facteur qui a retardé les paiements. La direction a justifié sa décision en invoquant qu’elle éviterait ainsi de devoir rajuster les paiements, ce qu’elle aurait été tenue de faire par ailleurs s’ils avaient été traités avant que les nouveaux taux de rémunération soient disponibles.

66 Rien ne porte à croire que les employés ou l’agent négociateur ont été informés de la décision de la direction au moment où elle a été prise. M. Oakes a proposé que les employés en soient informés. Les témoins des fonctionnaires s’estimant lésés n’ont fourni aucune preuve que les renseignements leur avaient été fournis, et l’employeur n’a appelé aucun témoin pour affirmer que les renseignements en question avaient été communiqués aux employés ou à l’agent négociateur. Mme McKenzie ignorait si les employés ou l’agent négociateur avaient été informés de la situation. Je ne vois aucune raison de douter de la crédibilité des témoins des fonctionnaires s’estimant lésés par rapport à cette question. La seule déclaration claire de l’employeur sur les motifs du retard adressée au public est celle offerte par le porte-parole du SCC parue dans l’article du Globe and Mail en octobre (pièce G-15).

67 Bien qu’il soit regrettable que l’employeur n’ait pas fait connaître l’approche qu’il prévoyait adopter à l’égard des paiements et que son mutisme ait sans aucun doute contribué au mécontentement des employés, il ne s’agit pas d’un facteur pertinent à considérer pour décider, dans les circonstances, si les paiements ont été effectués dans des délais raisonnables.

68 Les délais de traitement des paiements doivent être évalués en fonction des circonstances, y compris des motifs du retard. De plus, ces derniers ne doivent pas être déraisonnables, eu égard aux circonstances de chaque cas.

69 J’estime que, compte tenu de la durée totale du traitement des paiements (moins de quatre mois, tout au plus), la décision de l’employeur de le reporter au mois d’août n’était pas déraisonnable.

70 Des preuves montrent que l’employeur avait reconnu en partie le besoin d’augmenter les effectifs chargés de la rémunération et des avantages sociaux. Les effectifs ont augmenté, bien qu’un témoin de l’employeur ait fait valoir qu’il est nécessaire de les accroître davantage.

71 D’après les preuves présentées, je suis d’avis que le retard mis à effectuer des paiements à l’été et à l’automne 2006 était une aberration. Le volume de travail important faisant suite à la mise en œuvre de la nouvelle convention collective était exceptionnel, et il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une charge de travail temporaire d’une telle ampleur retarde dans une certaine mesure le traitement des paiements.

72 Pour les raisons précitées, je conclus qu’on n’a pas enfreint les dispositions implicites de la convention collective qui prévoient le versement de la rémunération des fonctions supplémentaires dans des délais raisonnables.

73 Comme les griefs ont été rejetés, la question de savoir si j’ai compétence pour traiter du paiement des intérêts n’est plus pertinente.

74 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

75 Le grief collectif déposé par des employés de l’Établissement de Matsqui (567-02-09) est rejeté.

76 Le grief collectif déposé par des employés de l’Établissement de la vallée du Fraser (567-02-13) est rejeté.

Le 29 octobre 2008.

Traduction de la CRTFP

Ian R. Mackenzie,
arbitre de grief

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