Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu avoir droit au remboursement de ses frais de réinstallation après avoir obtenu la réinstallation qu’elle avait demandée - l’employeur a fait valoir qu’en vertu de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM, la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas droit au remboursement de ses frais de réinstallation au motif qu’il avait approuvé la réinstallation qu’elle demandait pour l’accommoder, mais qu’un employé local aurait pu combler le poste - l’arbitre de grief a souscrit à l’interprétation de la Directive avancée par l’employeur. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-09-29
  • Dossier:  566-02-714
  • Référence:  2008 CRTFP 75

Devant un arbitre de grief


ENTRE

NANCY J. YORK

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement social)

employeur

Répertorié
York c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement social)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Roger Beaulieu, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Daniel Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Karen L. Clifford, avocate

Affaire entendue à London (Ontario),
le 12 août 2008.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

A. Contexte

1 La question en litige découle d’un grief déposé par l’employée contestant le refus de l'employeur de lui rembourser des frais de réinstallation liés à un déménagement de Windsor (Ontario) à London (Ontario). Le redressement demandé est que les frais de réinstallation de Nancy J. York (la « fonctionnaire s’estimant lésée ») soient approuvés.

2 Le litige a découlé de la convention collective de 2005-2007 conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (dont la date d’expiration était le 20 juin 2007) (la « convention collective »).

3 Les dispositions sur lesquelles se fonde la fonctionnaire s’estimant lésée sont les stipulations 7.01 à 7.04 (« Les ententes du Conseil national mixte ») et l’article 18 (« Procédure de règlement des griefs ») de la convention collective.

4 La fonctionnaire s’estimant lésée s’est également référée à la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM à la stipulation 13.4 (« Réinstallation à la demande de l’employé ») et plus particulièrement au premier paragraphe de la stipulation 13.4.3. Finalement, la position subsidiaire de la fonctionnaire s’estimant lésée, à savoir que le Conseil du Trésor (l’« employeur ») a omis d’exercer son pouvoir discrétionnaire en bonne et due forme, repose sur la stipulation 13.4.3b) et conclut, en plus du redressement susmentionné, que l’employeur devrait lui rembourser trois semaines de congé annuel dont elle s’est servi pour se préparer à sa réinstallation de Windsor à London (Ontario).

5 La fonctionnaire s’estimant lésée était agente d’assurance au niveau PM-02 depuis septembre 2003 (lorsqu’elle était à Windsor) et a à son actif plus de 18 années d’ancienneté dans la fonction publique fédérale.

6 La fonctionnaire s’estimant lésée est considérée comme une employée compétente et efficace à la fois par son employeur à Windsor et par son employeur actuel à London.

7 Il y avait deux raisons pour lesquelles la fonctionnaire s’estimant lésée avait demandé une mutation à London. Premièrement, son mari avait perdu son emploi à plein temps à Windsor en 2001 et ne parvenait pas à trouver un autre emploi à plein temps dans cette ville depuis environ quatre ans. Deuxièmement, la fonctionnaire s’estimant lésée avait deux filles qui commençaient leurs études universitaires et qui, au moment de la présente audience, étaient toujours inscrites à l’université.

8 En bref, la famille de la fonctionnaire s’estimant lésée avait besoin de deux salaires à plein temps, et la demande de réinstallation à London était et s’est avérée être la bonne décision pour la fonctionnaire s’estimant lésée après quatre années stressantes à Windsor.

9 La demande de réinstallation à London présentée par la fonctionnaire s’estimant lésée faisait suite à une décision mûrement réfléchie.

10 Le grief déposé se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Je dépose un grief pour contester le refus du remboursement des frais de réinstallation associés à mon déménagement à London (Ontario).

Article 7.01 à
          7.04

Article 18

REDRESSEMENT DEMANDÉ :

Que le remboursement de mes frais de réinstallation soit approuvé.

[…]

11 La réponse fournie au premier palier du système de règlement des griefs par l’employeur, datée et signée le 7 juillet 2005, était formulée comme suit :

[Traduction]

[…]

La direction a examiné votre grief daté du 24 juin 2005.

Conformément aux dispositions de la stipulation 13.4.3 de la Directive sur la réinstallation intégrée du Conseil national mixte (CNM), vous n’avez pas droit à de l’aide dans le cadre de votre réinstallation. Le poste vacant, agent II, 43578, comblé à la suite de la mutation que vous avez demandée aurait été comblé par la voie normale de dotation en personnel sans entraîner de frais de réinstallation.

Votre grief est donc rejeté.

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

12 La réponse au deuxième palier fournie par Marie-Michèle Robichaud, agente de liaison ministérielle, datée et signée le 13 septembre 2005, précisait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à votre grief daté du 24 juin 2005 concernant le refus de la direction de vous fournir de l’aide pour votre réinstallation conformément à la Directive sur la réinstallation intégrée du Conseil national mixte. Nous avons soigneusement examiné votre grief ainsi que les observations présentées par votre représentant du Syndicat de l’Emploi et de l’Immigration du Canada.

Comme on l'a affirmé dans la réponse fournie au premier palier à votre grief, conformément aux stipulations 13.4.3 a) et b) de la Directive sur la réinstallation intégrée du Conseil national mixte, le remboursement des dépenses de réinstallation, dans le cas d’une mutation demandée par un employé, sont à la discrétion de l’employeur dans les situations où l’on aurait pourvu au poste vacant par la voie normale de dotation en personnel sans qu’il y ait des frais de réinstallation.

Dans ce cas-ci, le poste d’agent II (43578) aurait été comblé au moyen des procédures de dotation habituelles et, par conséquent, la décision de ne pas accorder de l’aide pour la réinstallation est une décision discrétionnaire prise par la direction de la manière décrite dans la directive.

Après avoir examiné les circonstances de ce dossier, j’ai conclu que la direction a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée. Par conséquent, je dois rejeter votre grief.

[…]

13 La réponse au dernier palier fournie par Daniel Richer, agent de liaison ministériel, Direction générale des personnes et de la culture, datée et signée le 17 octobre 2006, se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Le Comité exécutif du CNM s’est rencontré le 7 septembre 2006 et a examiné le grief susmentionné dans le contexte de la Directive sur la réinstallation.

Le Comité exécutif a examiné et approuvé le rapport du Comité sur la réinstallation qui a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait été traitée dans l’esprit de la stipulation 13.4.3a) de la Directive sur la réinstallation, en ce sens que le ministère a attesté que le poste aurait pu être comblé au niveau local.

Par conséquent, le grief a été rejeté.

[…]

II. Résumé de la preuve

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

14 Les arguments présentés par la fonctionnaire s’estimant lésée reposent sur les éléments de preuve et le témoignage fournis par un seul témoin, soit la fonctionnaire s’estimant lésée elle-même, Mme York.

15 Pour défendre ses arguments, la fonctionnaire s’estimant lésée s'est fondée sur l’article 7 de la convention collective et plus particulièrement, sur la stipulation 7.03a) :

ARTICLE 7
LES ENTENTES DU CONSEIL NATIONAL MIXTE

7.01 Les ententes conclues par le Conseil national mixte de la fonction publique sur les sujets qui peuvent figurer dans une convention collective et que les parties à la présente convention ont ratifiées après le 6 décembre 1978 feront partie de la présente convention collective, sous réserve de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) et de toute loi du Parlement qui, selon le cas, a été ou peut être établie en application d’une loi stipulée à l’annexe II de la LRTFP.

[…]

7.03

a) Les directives suivantes, qui peuvent être modifiées de temps à autre par suite d’une recommandation du Conseil national mixte et qui ont été approuvées par le Conseil du Trésor du Canada, font partie de la présente convention :

[…]

Directive sur la réinstallation du CNM –PRI

[…]

7.04 Les griefs découlant des directives ci-dessus devront être présentés conformément au paragraphe 18.01 de l’article traitant de la procédure de règlement des griefs de la présente convention.

16 Par ailleurs, la fonctionnaire s’estimant lésée a soumis des éléments de preuve reposant tout particulièrement sur la stipulation 13.4.3 de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM :

13.4 Réinstallation à la demande de l’employé

13.4.1 Dans le cas d’une réinstallation à la demande de l’employé, le paragraphe 12.1 de la Directive intégrée sur la réinstallation du CNM s’applique.

[…]

13.4.3 Une mutation demandée par l’employé qui donne lieu à une réinstallation autorisée pour qu’il occupe un poste du groupe et du niveau pertinents vacant à son arrivée au nouveau lieu de travail sera considérée comme une réinstallation à la demande de l’employeur.

  1. On remboursera à l’employé les frais de réinstallation en respectant les limites prévues par la présente Directive, […]

[…]

17 La fonctionnaire s’estimant lésée avait une position subsidiaire qui était que l’employeur avait exercé ses pouvoirs discrétionnaires en vertu de la stipulation 13.4.3b) de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM et qu’il l’avait fait de façon erronée :

[…]

  1. Lorsqu’un tel certificat est présenté, l’aide à la réinstallation est laissée à la discrétion de l’administrateur général ou d’un cadre supérieur investi du pouvoir nécessaire, selon les conditions énoncées au début de la présente section.

[…]

18 Finalement, les éléments de preuve fournis par la fonctionnaire s’estimant lésée portaient principalement sur les raisons à l’origine de sa réinstallation de Windsor à London (Ontario), que j’ai mentionnées aux paragraphes 7 et 8 plus haut.

B. Pour l’employeur

19 La preuve déposée par l’employeur en réponse à ce grief d’interprétation repose sur une double position : 1) le libellé clair, simple et sans ambiguïté utilisé dans le contrat et 2) le témoignage d’un seul témoin, Mary Lacey, gestionnaire de la Prestation des services, à London (Ontario), qui est responsable de l’ensemble des postes PM-02, au sujet du litige faisant l’objet du grief examiné ici.

20 Le libellé précis sur lequel se fonde l'employeur est celui de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM, et plus particulièrement de la stipulation 13.4 :

[…]

13.4 Réinstallation à la demande de l’employé

13.4.1 Dans le cas d’une réinstallation à la demande de l’employé, le paragraphe 12.1 de la Directive intégrée sur la réinstallation du CNM s’applique.

13.4.2 Le coordonnateur ministériel national veille à ce qu’on :

  1. les employés reçoivent des conseils et une confirmation écrite des dispositions de la Directive qui s’appliquent;
  2. des exemplaires de toutes les lettres seront conservés dans le dossier de réinstallation de l’employé.

13.4.3 Une mutation demandée par l’employé qui donne lieu à une réinstallation autorisée pour qu’il occupe un poste du groupe et du niveau pertinents vacant à son arrivée au nouveau lieu de travail sera considérée comme une réinstallation à la demande de l’employeur.

  1. On remboursera à l’employé les frais de réinstallation en respectant les limites prévues par la présente Directive, à moins que l’administrateur général ou un cadre supérieur investi du pouvoir nécessaire soumette un certificat attestant que, si le poste vacant n’avait pas été pourvu par suite d’une mutation demandée par l’employé, il l’aurait été par la voie normale de dotation en personnel sans entraîner de frais de réinstallation.
  2. Lorsqu’un tel certificat est présenté, l’aide à la réinstallation est laissée à la discrétion de l’administrateur général ou d’un cadre supérieur investi du pouvoir nécessaire, selon les conditions énoncées au début de la présente section.

[…]

[Je souligne]

21 L’employeur s’est également fondé sur le libellé et le contenu des pièces U-5 et U-6. La pièce U-5 est un courriel daté du 5 avril 2005 adressé par la fonctionnaire s’estimant lésée à Wayne McKeen, avec copie conforme à Amy Desjardins, concernant la requête de mutation de la fonctionnaire s’estimant lésée. Le courriel était formulé comme suit :

[Traduction]

[…]

Veuillez prendre connaissance de ce courriel comme une demande officielle de mutation au CRHC de London en tant qu’agent II ou mandataire universel à compter du 6 septembre 2005. Je présente cette requête à cause de circonstances familiales personnelles, et je demande également une aide à la réinstallation.

[…]

22 La pièce U-6 est une lettre datée du 6 juin 2005, adressée à la fonctionnaire s’estimant lésée par Bob Adams, directeur, Centre de ressources humaines du Canada (CRHC) de London. Elle est formulée comme suit :

[Traduction]

[…]

Au nom du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, j’ai le plaisir de vous offrir une affectation au poste d’agent II dans le groupe et au niveau PM-02, à partir du 12 septembre 2005.

[…]

Cette affectation est assujettie à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et à son règlement d’application et aux politiques du Conseil du Trésor et du ministère sur les affectations. Votre emploi sera régi par le Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique et la convention collective applicable.

Conformément aux dispositions de la stipulation 13.4.3 de la Directive sur la réinstallation intégrée du Conseil national mixte (CNM), une aide à la réinstallation n’est pas autorisée. Le poste vacant, soit celui d’agent II, no 43578, comblé à la suite de la mutation que vous avez demandée, aurait été comblé par la voie normale de dotation en personnel sans entraîner de frais de réinstallation. Vous trouverez la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM au site Web suivant : http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/hrpubs/TBM_113/irp1-2_f.asp#2.6

S’il est nécessaire de prévoir des mesures d’adaptation au travail à votre égard, veuillez en informer votre gestionnaire avant votre date de nomination ou dès que possible. Vous trouverez de plus amples renseignements à propos de la politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation aux sites suivants : http://www.chrc-ccdp.ca/preventing_discrimination/toc_tdm-fr.asp?langupdate=1&lang_update=1 ou http://www.tbs-sct.gc.ca/pol/doc-fra.aspx?id=12541.

[…]

Veuillez confirmer si vous acceptez ou refusez cette offre en retournant dès que possible l'exemplaire en double inclus ci-joint à Deb Weiler, agente des ressources humaines, CRHC de London.

Si vous avez besoin d’autres renseignements au sujet de cette offre, veuillez communiquer avec Mary Lacey, gestionnaire p. i. de la Prestation des services […]

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

23 La deuxième partie de la preuve présentée par l’employeur était le témoignage de Mme Lacey.

24 L’employeur a également déposé deux pièces, les pièces E-1 et E-2. La pièce E-1 est un courriel envoyé par Mme Lacey à la fonctionnaire s’estimant lésée et daté du 3 juin 2005. Voici le contenu de ce courriel :

[Traduction]

[…]

Bonjour, Nancy, ce courriel vise à confirmer le contenu de la conversation que nous avons eue cet après-midi […] L’affectation que vous avez demandée entrera en vigueur le 12 septembre 2005 […] La demande d’affectation a été approuvée au CRHC, où vous occuperez le poste d’agente 2 (PM-2), qui correspond au poste que vous occupez actuellement.

L’aide à la réinstallation que vous demandez dans le cadre de votre demande d’affectation n’a pas été approuvée. Nous avons hâte que vous vous joigniez à notre équipe ici à London. Il semble que votre départ soit une perte pour Wayne, mais que nous y gagnions.

[…]

25 La pièce E-2 concerne un tableau renfermant une liste d’employés faisant partie des « groupes de relève » pour le poste d’agent II (PM-02) au CRHC de London.

26 Lors de son témoignage, Mme Lacey a précisé qu’en juin 2005 elle ne cherchait pas à faire venir à London un ou une employé(e) de l’extérieur de la ville.

27 Au contraire, elle a expliqué qu'elle disposait d'une liste de tous ses employés actuels qui faisaient partie des « groupes de relève » pour le poste d’agent II (PM-02), qui appartenait au groupe au sein duquel la fonctionnaire s’estimant lésée demandait une mutation.

28 Par ailleurs, Mme Lacey avait informé la fonctionnaire s’estimant lésée le 3 juin 2005 que le remboursement de ses coûts de réinstallation dans le cadre de sa demande d’affectation à London avait été refusé.

29 La fonctionnaire s’estimant lésée a accepté et signé une lettre d’acceptation de l’offre d’affectation à London le 7 juin 2005.

30 Lors de son témoignage, Mme Lacey a indiqué qu’à la date de la présente  audience, aucun autre agent II n’avait été recruté depuis l’arrivée de la fonctionnaire s’estimant lésée en 2005.

31 Finalement, Mme Lacey a précisé qu’il n’était pas « essentiel » pour les opérations à London que la fonctionnaire s’estimant lésée soit affectée à cette ville et que la fonctionnaire s’estimant lésée ne possédait pas des « compétences extraordinaires » en rapport avec le poste d’agent II (PM-02). Au moment de son affectation au poste à London, la fonctionnaire s’estimant lésée ne possédait qu’environ deux ans d’expérience, ce qui était inférieur à l'expérience que possédaient déjà les membres du « groupe de relève » à London auquel Mme Lacey avait déjà accès.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

32 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée s’est référé à la pièce U-3, la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM, et a attiré l’attention sur les principes énoncés dans la Directive :

[…]

Principes

Les principes énoncés ci-après ont été élaborés par les représentants des agents négociateurs de concert avec les représentants de la partie patronale du Conseil national mixte (CNM). Ces principes constituent la pierre angulaire de la gestion des réinstallations du gouvernement et devraient aider tous les membres du personnel et de la direction à établir des pratiques de réinstallation justes, raisonnables et modernes dans toute la fonction publique.

Confiance – accroître le pouvoir et la latitude des employés et des gestionnaires d’agir d’une manière juste et raisonnable.

Souplesse – créer un environnement dans lequel les décisions de gestion respectent l’obligation d’adaptation, répondent au mieux aux besoins et aux préférences des employés et tiennent compte des nécessités du service dans l’organisation des préparatifs de réinstallation.

Respect – créer un environnement sensible aux besoins des employés et des processus favorables aux réinstallations.

Valorisation des gens – reconnaître les employés d’une manière professionnelle tout en soutenant les employés, leurs familles, leur santé et la sécurité dans les situations de réinstallations.

Transparence – assurer l’application cohérente, juste et équitable de la directive et de ses pratiques.

Pratiques de réinstallation modernes – adopter des pratiques de gestion des réinstallations qui soutiennent les principes et tiennent compte des tendances et des réalités de l’industrie des réinstallations; élaborer et mettre en oeuvre le cadre et la structure appropriés de responsabilisation des réinstallations.

[…]

33 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a souligné l’importance des principes, en tant que pierre angulaire de la gestion des réinstallations au gouvernement, et a insisté sur la nécessité pour la direction de faire preuve de souplesse lorsqu'elle prend des décisions, de sorte à respecter l’obligation de prendre des mesures d'adaptation à l’égard des employés.

34 En outre, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a attiré mon attention sur la stipulation « Objet et portée » de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM, et plus particulièrement sur les stipulations 1.2 et 2.7 dans la section « Application » de la Directive :

1.2 Objet et portée

1.2.1 Dans toute réinstallation, la politique du gouvernement est qu’il faut viser à réinstaller l’employé de la façon la plus efficace possible, c’est-à-dire en veillant à ce que le coût soit le plus raisonnable possible pour l’État et à ce que le processus engendre le moins possible de conséquences négatives pour l’employé, sa famille et les activités du ministère.

[…]

2.7 Réinstallation à la demande de l’employé

2.7.1 Dans le cas d’une réinstallation à la demande de l’employé (disposition 13.4), l’aide accordée à ce dernier est laissée à la discrétion du gestionnaire ministériel délégué et doit être négociée aux mêmes conditions que celles prévues pour les personnes nommées à la fonction publique (section 12).

35 Une deuxième partie de l’argument de la fonctionnaire s’estimant lésée était que l’employeur devait prendre en considération les circonstances entourant les raisons à l'origine de sa décision de déménager de Windsor à London (Ontario). La position de la fonctionnaire s’estimant lésée est que non seulement elle a clairement indiqué les raisons personnelles et familiales ayant motivé sa demande de réinstallation, mais en plus de ces considérations familiales, sa demande de réinstallation répondait à un besoin urgent chez l’employeur de pourvoir à un poste qui deviendrait vacant sous peu à London et a également permis à l’employeur d’éviter les coûts et le temps qu'exigerait la tenue d'un concours complet pour combler ce poste.

36 La position de la fonctionnaire s’estimant lésée est que la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM prend en considération les circonstances personnelles à la stipulation 13.4 (énoncée plus haut) et que par conséquent, ses circonstances personnelles auraient dû être prises en compte par l’employeur.

37 Subsidiairement, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir, en invoquant la stipulation 13.4b), que l'employeur avait exercé son « pouvoir discrétionnaire » de façon peu appropriée parce que la fonctionnaire s’estimant lésée lui avait signalé ses circonstances personnelles.

38 Lors de la plaidoirie finale, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé que les droits dont celle-ci bénéficie aux termes de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM soient appliqués rétroactivement et qu’on lui accorde également trois semaines de congé pour la période qu’elle a pris afin de se préparer à sa réinstallation de Windsor à London (Ontario).

39 Finalement, la fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu qu’elle avait satisfait au critère de la stipulation 13.4.3 et que, par conséquent, la mutation qu’elle avait demandée devait être considérée comme une réinstallation à la demande de l’employeur.

B. Pour l’employeur

40 L’employeur, utilisant la pièce U-6, décrite plus haut au paragraphe 22, a précisé que la direction du bureau à London aurait pu pourvoir au poste d’agent II (PM-02) au moyen d’une procédure de dotation ordinaire.

41 Mme Lacey a confirmé qu’elle avait des employés plus qu’adéquats et plus que compétents dans les « groupes de relève » à London (pièce E-2, décrite plus haut au paragraphe 25). Le poste aurait pu être comblé à London.

42 L’employeur a fait valoir qu’il avait été extrêmement accommodant durant l’entier processus, fait que la fonctionnaire s’estimant lésée a admis lors de son témoignage.

43 L’employeur a soutenu qu’il avait fait preuve de souplesse quand la fonctionnaire s’estimant lésée avait demandé qu'il retarde de trois semaines la date à laquelle elle commencerait à travailler à London. L’employeur lui a ainsi accordé du temps additionnel pour l’aider dans ses préparatifs en vue de son déménagement à London. Sur ce point également, la fonctionnaire s’estimant lésée a admis dans son témoignage que l’employeur avait fait preuve de souplesse.

44 L’employeur a fait valoir qu’il est important de reconnaître que la pièce U-6 (la lettre d’offre) est un contrat et un document juridiquement contraignant. La fonctionnaire s’estimant lésée était d’accord que le langage utilisé au dernier paragraphe de la page 1 de la pièce U-6 reflétait le libellé de la stipulation 13.4.3a) de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM.

45 L’employeur a indiqué que la signature de ce document s'est faite sans qu’il n’y ait aucune contrainte – en réalité, c’était le contraire – et que l’employeur, dans cette lettre, donnait à la fonctionnaire s’estimant lésée l’option d’accepter ou de refuser l’offre à London, et la possibilité d’obtenir des renseignements additionnels au sujet de l’offre faite par Mme Lacey, dont la fonctionnaire s’estimant lésée relèverait directement. La fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas cherché à obtenir de l’information additionnelle à propos de l’offre ou à propos de n'importe quelle autre disposition de la lettre d’offre qu’elle a signée le 7 juin 2005.

46 L’employeur s’est référé à la doctrine décrite dans le livre The Law of Contracts, 5e édition (2005), de S.M. Waddams, à la page 60, où on lit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Lorsqu’un document contractuel est signé, on suppose généralement que ce document atteste de l’existence d’une entente et de ses conditions.

[…]

47 À la page 90 du même document, sous la rubrique « Communication of Acceptance » (Communication de l’acceptation), on trouve la phrase suivante :

[Traduction]

[…]

En règle générale, il ne suffit pas pour la personne à qui on fait une offre d’acquiescer dans son for intérieur : cette personne doit indiquer à la personne qui lui fait l’offre qu’elle l’accepte.

[…]

48 Finalement, toujours dans le même texte, sous la rubrique « The Exchange Element: Consideration » (Un aspect important : L'échange), on trouve ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Si l’entente représente le premier aspect d’un marché, le deuxième est la notion d’échange […]

Un marché n’est pas conclu simplement par consentement mutuel. Il doit y avoir un quelconque échange de valeurs. Il faut que quelque chose soit donné ou promis en contrepartie de la promesse que l’on cherche à obtenir et à faire respecter.

[…]

49 Puis, l’employeur s’est concentré sur le coût pour le public et a déclaré que, dans la fonction publique, les fonds réservés à la réinstallation ne constituent pas une « caisse noire »; il s’agit d’argent des contribuables qui doit être dépensé avec diligence et en conformité avec les règles établies.

50 En l'espèce, la conformité aux règles établies, toujours d’après l’employeur, renvoie à l’article 12 de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM :

[…]

12.1 Première nomination à la fonction publique (autre que EX/GIC)

(C’est la responsabilité interne de chaque ministère)

12.1.1 En règle générale, les dépenses de réinstallation ne sont pas remboursées aux personnes qui font l’objet d’une première nomination à la fonction publique. Cependant, dans des circonstances exceptionnelles, lorsque l’on estime que le remboursement de ces dépenses est nécessaire à l’efficacité de la mesure de dotation, on doit négocier au cours de la phase de sélection (Manuel de dotation de la fonction publique du Canada, Politiques et lignes directrices) les dispositions de réinstallation (s’il en est) à offrir lors de la nomination. Les conditions acceptées doivent faire partie de l’offre; de plus, il faut les consigner et les mettre en oeuvre lorsque la personne est embauchée et installée à son premier lieu de travail.

L’enveloppe de financement de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM ne s’applique pas à la réinstallation aux personnes dont c’est la première nomination, exception faite des personnes nommées par décret (GIC) et EX. (voir la section 1.4.6).

12.1.1.a Pour assurer une mesure de dotation efficace, on peut négocier une aide à la réinstallation, le cas échéant, avec les personnes nommées à la catégorie des cadres supérieurs, à la catégorie scientifique et professionnelle, à la catégorie administrative et du service extérieur ainsi qu’à la catégorie technique. Toutes les dispositions de la présente directive peuvent être approuvées à l’exception des contre-indications de la présente section. Les dépenses engagées pour la disposition et l’acquisition du logement ne sont pas remboursables.

[…]

51 Puis, l’employeur a fait valoir que les deux derniers paragraphes ci-dessus s'appliquent au « point soulevé par le syndicat, soit l’exercice du pouvoir discrétionnaire ».

52 Dans son témoignage, Mme Lacey a précisé qu’il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles à prendre en considération en prévision de la réinstallation de la fonctionnaire s’estimant lésée à London. L'expérience de la fonctionnaire s’estimant lésée plaçait celle-ci presque au bas de la liste lorsque comparée à celle des membres du « groupe de relève », au moment où la fonctionnaire s’estimant lésée a été nommée au poste d’agent II (PM-02) à London.

53 L’employeur a demandé que le grief soit rejeté.

IV. Motifs

54 Un examen de la preuve et des arguments respectifs présentés par les parties révèle que la question au cœur du litige a trait à la stipulation 13.4.3a) de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM et au contexte de la lettre adressée à la fonctionnaire s’estimant lésée (pièce U-6), qu’elle a signée après avoir accepté la réinstallation offerte en des termes clairs et non ambigus.

55 Le litige découle de l’interprétation de la stipulation 13.4.3, qui précise qu'une réinstallation à la demande de l’employé sera considérée comme une réinstallation à la demande de l’employeur lorsque la mutation « […] donne lieu à une réinstallation autorisée pour [que l’employé] occupe un poste du groupe et du niveau pertinents vacant à son arrivée au nouveau lieu de travail […] ».

56 Or, il faut lire la stipulation 13.4.3 au complet, ce qui inclut la stipulation qui suit immédiatement et qui prévoit le remboursement des frais de réinstallation lorsqu’il s’agit d’une mutation considérée comme une réinstallation à la demande de l’employeur, « […] à moins que l’administrateur général ou un cadre supérieur investi du pouvoir nécessaire soumette un certificat attestant que, si le poste vacant n’avait pas été pourvu par suite d’une mutation demandée par l’employé, il l’aurait été par la voie normale de dotation en personnel sans entraîner de frais de réinstallation ».

57 En l’espèce, le ministère a indiqué dès le départ, y compris dans la lettre d’offre, qu’il n’y aurait aucun remboursement des frais de réinstallation, justement parce que le poste aurait pu être comblé par la voie normale de dotation en personnel, un fait qui a été amplement démontré dans la preuve déposée par l’employeur.

58 La demande de réinstallation de la fonctionnaire s’estimant lésée était une réinstallation à la demande de l’employée. La Directive précise que les frais de réinstallation ne sont normalement pas remboursés dans un pareil cas. Il n’y avait aucune raison pour l’employeur d’exercer son pouvoir discrétionnaire de rembourser les frais de réinstallation.

59 La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle avait compris la lettre d’offre datée du 6 juin 2005 et a admis qu’elle l’a prise au sérieux parce qu’il était important pour elle de déménager à London.

60 La fonctionnaire s’estimant lésée a également déclaré qu’elle avait eu le choix d’accepter ou de refuser l’offre et qu’après y avoir mûrement réfléchi, elle avait accepté de plein gré l’offre de réinstallation.

61 Le témoin de l’employeur, Mme Lacey, a clairement établi qu’il n’était pas nécessaire pour elle de faire venir des employés de l’extérieur de London en juin 2005. Elle a fourni la preuve E-2, qui établit clairement l’existence d’un « groupe de relève » à London, à partir duquel elle pouvait combler tout poste d’agent II (PM-02). Cette preuve n'a pas été contredite.

62 Lors de son témoignage, Mme Lacey a non seulement établi qu’il n’était pas essentiel pour elle de faire venir la fonctionnaire s’estimant lésée à London, mais aussi que cette dernière ne possédait pas des « compétences extraordinaires en rapport avec le poste d’agent II (PM-02) » puisqu'elle ne possédait qu’environ deux ans d’expérience en tant qu’agente II avant son arrivée à London et puisque Mme Lacey avait déjà des personnes plus expérimentées exerçant cette fonction à London.

63 Donc, en ce qui concerne la stipulation 13.4.3b) de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM, l’employeur a bien exercé son pouvoir discrétionnaire, d'après la preuve non contredite que j’ai devant moi.

64 Je conclus que l’employeur s’est conformé à la lettre et à l’intention du libellé des dispositions de la convention collective et de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM.

65 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

66 Le grief est rejeté.

Le 29 septembre 2008.

Traduction de la CRTFP

Roger Beaulieu,
arbitre de grief

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