Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants ont déclaré que l’intimé avait abusé de son pouvoir en ayant d’abord recours à un processus non annoncé pour effectuer une nomination intérimaire à un poste de PG-04, et ce, immédiatement après la mutation de la personne nommée à un poste de PG-03 au ministère, et en prolongeant la nomination intérimaire au-delà de quatre mois sans procéder à une notification adéquate. L’intimé a fait valoir qu’il n’y avait aucun droit de porter plainte par rapport à une mutation ou une nomination intérimaire à durée déterminée de moins de quatre mois et que la prolongation de la nomination intérimaire initiale était justifiée dans les circonstances. Décision : Le Tribunal a conclu que ni la mutation ni la nomination intérimaire initiale de moins de quatre mois ne pouvaient faire l’objet d’une plainte. En ce qui concerne la prolongation de la nomination intérimaire, le Tribunal a estimé que la personne nommée avait été évaluée en fonction de l’énoncé des critères de mérite et qu’elle avait été jugée qualifiée; que la décision relative à la prolongation de la nomination intérimaire s’expliquait par la difficulté qu’avait le ministère à trouver d’autres personnes qualifiées. Le Tribunal a souligné l’importance de procéder à une notification ponctuelle en ce qui concerne les nominations intérimaires; les employés ont le droit d’être informés de la nomination intérimaire au moment où elle est effectuée, et non après coup. Néanmoins, si le fait de ne pas fournir une notification à temps était une erreur, cela ne constituait pas en soi un abus de pouvoir. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2006-0087, 0088, 0089 et 0090
Rendue à:
Ottawa, le 26 février 2008

THOMAS A.C. BROWN, GLORIA W. FRY, TOBY LYNN MEADE ET JOY H. HUBLEY
Plaignants
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par:
Sonia Gaal, vice-présidente
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Brown et al. c. Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0005

Motifs de la décision

Introduction

1 Le 18 août 2006, les plaignants, Thomas A.C. Brown, Gloria W. Fry, Toby Lynn Meade et Joy H. Hubley, ont présenté une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’alinéa 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

2 Les plaignants soutiennent que l’intimé, le sous-ministre de la Défense nationale, a abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi d’avoir recours à un processus non annoncé pour nommer de façon intérimaire Anne McGuiness au poste PG-04 (processus no 06‑DND‑ACIN-HALFX-052395).

3 Conformément à l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-06, le Tribunal a joint les plaintes 2006-0087, 2006-0888, 2006‑0089 et 2006-0090 aux fins de l’audience et de la décision.

4 Une audience sur le bien-fondé de ces plaintes a eu lieu à Halifax (Nouvelle‑Écosse) les 23, 24 et 25 octobre 2007. La présente décision comprend un résumé des témoignages et de la preuve documentaire pertinents présentés à l’audience ainsi que des documents versés aux dossiers.

Contexte

5 Les plaignants travaillent tous aux Services de la logistique de la formation du ministère de la Défense nationale (le MDN) à Halifax et ils occupent un poste PG‑02.

6 Le MDN a tenu des concours visant à doter des postes d’agent principal des contrats (PG‑03 et PG‑04) aux Services de la logistique de la formation. Le ministère a mené un concours fermé en août 2004 et un concours ouvert en juin 2005 afin de doter le poste PG‑03; un concours ouvert visant la dotation du poste PG‑04 a également eu lieu en juin 2005. À l’automne 2005, le poste PG‑04 a été annoncé de nouveau.

7 Le 13 février 2006, Anne McGuiness a été mutée au poste d’agent principal des contrats (PG‑03). Le même jour, l’intimé a nommé Mme McGuiness au poste d’agent principal des contrats (PG‑04) à titre intérimaire jusqu’au 31 mai 2006, en attendant que des mesures soient prises relativement au processus de nomination visant la dotation du poste PG‑04 pour une période indéterminée.

8 Des griefs ont été présentés à l’égard de la mutation de Mme McGuiness.

9 La nomination intérimaire de Mme McGuiness au poste PG‑04 a été prolongée du 1er juin au 29 septembre 2006.

10 L’avis d’information concernant une nomination intérimaire relatif à cette prolongation de nomination a été publié le 15 août 2006.

Résumé des éléments de preuve pertinents

11 Les plaignantes Toby Lynn Meade et Gloria Fry ont témoigné.

12 Mme Meade a affirmé qu’elle avait présenté sa candidature pour le poste PG‑03 en août 2004, mais que celle-ci n’avait pas été retenue. Elle a posé sa candidature de nouveau au même poste en juin 2005, que sa candidature avait été retenue à la présélection, mais qu’elle n’avait pas fait l’objet d’une nomination. En outre, elle s’était portée candidate au poste PG‑04 en juin 2005. Retenue à la présélection, elle s’est désistée le 15 septembre 2005 pour des raisons personnelles.

13 Mme Meade a affirmé qu’elle avait assisté aux réunions des chefs de section de la Division de la coordination des contrats (DCC) à titre de superviseure de représentants en service à la clientèle (RSC). Les comptes rendus des réunions tenues les dates suivantes et qui regroupaient les chefs de section de la DCC ont été présentés à l’audience : 7 septembre 2005, 2 novembre 2005, 25 janvier 2006, 8 février 2006 et 22 février 2006. Selon les comptes rendus fournis, Mme Meade était présente à toutes les réunions des chefs de section de la DCC, sauf à la dernière.

14 Mme Meade a indiqué qu’elle avait appris la nomination intérimaire de Mme McGuiness au poste PG‑04 au cours de la réunion du 25 janvier 2006. La note suivante figure dans le compte rendu de cette réunion : « PG‑04 (par intérim) – Anne McGuiness occupera le poste à compter du 13 février » [Traduction].

15 Mme Meade a indiqué qu’elle avait sollicité cette nomination intérimaire au poste PG‑04 par courriel, mais qu’elle n’avait jamais reçu de réponse à sa demande. Elle s’est dite bouleversée d’apprendre la nomination de Mme McGuiness, d’autant plus que cette dernière n’occupait pas un poste du groupe PG. Elle a ajouté que le poste auquel Mme McGuiness a été mutée était vacant depuis un an ou un an et demi.

16 La plaignante Gloria Fry a également témoigné. Elle avait posé sa candidature dans le cadre des concours menés en 2004 et en 2005 pour les postes PG‑03 et PG‑04, mais sa candidature n’avait pas été retenue.

17 Mme Fry a assisté au nom de sa superviseure à la réunion des chefs de section de la DCC du 8 février; les participants ont été informés alors de la mutation de Mme McGuiness. Le compte rendu de cette réunion atteste sa présence et contient les passages suivants : « Anne McGuiness – Anne occupera le poste PG‑03 à partir du 13 février. Elle fera l’objet d’une affectation au poste PG‑04 » [Traduction].

18 Selon les notes personnelles qu’a prises Mme Fry durant la réunion, Mme Zwicker a affirmé que Mme McGuiness avait accepté le poste « après s’être fait tordre le bras pendant trois ans » [Traduction]. Mme Fry était étonnée et déçue que sa candidature n’ait pas été prise en considération pour le poste PG‑03, étant donné qu’il s’agissait d’un poste d’un niveau au-dessus de celui qu’elle occupait (PG‑02). Elle considérait cette situation comme une occasion manquée pour les employés de la direction générale, dans un contexte où il n’y avait pas eu de discussion véritable et où le travail et le dévouement du personnel n’avaient pas été pris en considération.

19 Le 26 juillet 2006, Mme Fry a écrit à Christine Lynds, sa superviseure, pour manifester son intérêt à l’égard d’une nomination intérimaire au poste PG‑04. Mme Lila Zwicker, gestionnaire des plaignants, l’a rencontrée en août et lui a expliqué que seules les personnes occupant un poste PG‑03 seraient prises en considération pour une nomination intérimaire au poste PG‑04. Toutefois, Mme Zwicker a affirmé que les personnes occupant un poste PG‑02 pourraient occuper des postes PG‑03 à titre intérimaire, au besoin.

20 Mme Lynds a témoigné. Elle occupe un poste d’agent principal des contrats (PG‑03) au sein de la direction générale. Mme Lynds a présenté sa candidature pour le poste PG‑04 en juin 2005, mais elle s’est désistée le 27 septembre 2005.

21 Mme Lynds a affirmé que, lorsqu’elle a appris que Mme McGuiness occuperait le poste PG‑04, elle a demandé à obtenir le poste, ce qui lui a été refusé. Elle a présenté un grief à l’égard de cette mutation, après quoi on lui a offert une nomination intérimaire au poste PG‑04 en avril 2006. Elle a affirmé l’avoir refusée pour des raisons personnelles, notamment parce qu’il s’agissait d’un emploi très stressant. Mme Lynds a affirmé qu’elle n’a jamais reçu de courriel où il était question du partage de la nomination intérimaire au poste PG‑04.

22 Mme Lynds a affirmé qu’elle s’était sentie dévalorisée lorsqu’elle avait appris la décision relative à la mutation. Elle a cru que les personnes concernées auraient à tout le moins pu demander aux employés si le poste les intéressait.

23 Anton Topilnyckyj, agent des ressources humaines, MDN, a témoigné. Parmi ses fonctions, il fournit des conseils aux gestionnaires au sujet des règles et des règlements en matière de dotation ainsi que sur les diverses options possibles lorsqu’il s’agit de doter des postes. M. Topilnyckyj a collaboré au concours d’août 2004 (PG‑03) et aux deux concours de juin 2005 (PG‑03 et PG‑04).

24 M. Topilnyckyj a affirmé que le MDN avait mené deux concours visant la dotation du poste PG‑03, mais que ces concours s’étaient avérés infructueux. Il s’est donc penché sur d’autres options de dotation. Il s’est informé auprès du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et d’autres ministères et organismes afin de trouver des personnes intéressées par ce poste. Or, il n’a reçu aucune réponse positive. Enfin, M. Topilnyckyj s’est adressé à une personne‑ressource de la Commission de la fonction publique (la CFP); il s’est avéré qu’aucun bénéficiaire de priorité ne souhaitait occuper de poste PG‑03. Il a alors affirmé à la direction qu’il avait épuisé toutes les options possibles dans la recherche d’un employé pour doter le poste PG‑03; il a ensuite mentionné la possibilité de la mutation.

25 Au départ, on avait songé à une affectation intérimaire pour Mme McGuiness. Toutefois, suite à l’échec des discussions relatives à cette nomination intérimaire au poste PG‑04, M. Topilnyckyj a discuté avec Mme Zwicker de la possibilité d’offrir une mutation à Mme McGuiness au poste PG‑03 aux alentours du mois de novembre ou de décembre 2005. À l’époque, il n’a pas été fait mention du poste PG‑04. Il croyait que Mme McGuiness était disposée à revenir travailler au sein de la direction générale puisqu’elle avait présenté sa candidature pour le poste PG‑04, sans succès.

26 Anne McGuiness, la personne nommée, a également témoigné. Avant sa mutation, elle occupait un poste AS‑04 au sein de l’unité de vérification interne du MDN. Elle a présenté sa candidature pour le poste PG‑04 seulement en juin 2005, étant donné que, selon elle, le poste PG‑03 était du même niveau que le poste AS‑04. Sa candidature n’a pas été retenue.

27 Mme McGuiness a affirmé que Mme Zwicker lui a demandé, à l’automne 2005, de revenir travailler au sein de la direction générale en acceptant une affectation intérimaire au poste PG‑04. Comme son superviseur et elle ne pouvaient convenir d’une date pour le début de l’affectation intérimaire, elle a été mutée au poste PG‑03 le 13 février 2006. Mme McGuiness a ajouté qu’elle n’avait pas exercé les fonctions du poste PG‑03, car son intérim au poste PG-04 a commencé le jour même de son arrivée. Le curriculum vitæ de Mme McGuiness a été déposé en preuve à l’audience.

28 Lila Zwicker, gestionnaire de la coordination des contrats pour la direction générale, a témoigné pour l’intimé. Elle occupe un poste PG‑05 depuis dix ans.

29 Elle a expliqué qu’une restructuration a eu lieu au sein de la direction générale, ce qui a entraîné des modifications à la fois aux numéros de postes et aux postes eux‑mêmes. Par moments, 80 pour cent des postes sous sa supervision étaient vacants en raison de départs à la retraite, de promotions, etc. Bon nombre de ces postes vacants ont été dotés de façon temporaire au moyen de nominations intérimaires. Toutefois, le nombre élevé de postes vacants avait une incidence sur sa propre charge de travail, et il lui est arrivé d’effectuer plus de 100 heures supplémentaires par mois.

30 Mme Zwicker a discuté avec M. Topilnyckyj de la description de travail relative au poste d’agent principal des contrats (PG‑04) en mai 2005. Le concours a ensuite été affiché en juin, et un examen de connaissances a été administré en septembre. Toutefois, aucun candidat n’a été retenu. Mme Zwicker a demandé à M. Topilnyckyj de l’aider à trouver d’autres options pour doter le poste.

31 Mme Zwicker craignait que l’effectif réduit n’ait une incidence sur le niveau du service à la clientèle. Elle a donc décidé de doter le poste PG‑04 de façon intérimaire. Selon Mme Zwicker, il s’agit là d’une procédure courante au sein de la direction générale lorsqu’un poste de niveau autre que le niveau d’entrée doit être doté à court terme. Les personnes qui obtiennent alors une nomination intérimaire sont généralement titulaire d’un poste de niveau inférieur; par exemple, une personne occupant un poste PG‑02 obtiendrait une nomination intérimaire à un poste PG‑03, et une personne occupant un poste PG‑03 obtiendrait une nomination intérimaire à un poste PG‑04. Dans de rares situations, il peut arriver qu’une personne obtienne une nomination intérimaire à un poste de deux niveaux au-dessus de son poste actuel pendant une courte période.

32 Mme Zwicker a expliqué comment elle avait choisi la personne qui devait occuper le poste d’agent principal des contrats (PG‑04) à titre intérimaire. Elle avait décidé de choisir la personne qui avait obtenu la note la plus élevée à l’examen, même si la candidature de cette personne n’avait pas été retenue. Elle avait également besoin de quelqu’un qui possédait des compétences en gestion et qui serait en mesure d’assumer une partie de sa propre charge de travail.

33 Mme Zwicker connaissait Mme McGuiness, car cette dernière avait travaillé pour elle par le passé à titre d’agente des contrats. Elle croyait que Mme McGuiness possédait les connaissances requises pour le poste PG‑04, étant donné qu’elle devait avoir des compétences en gestion pour occuper un poste AS‑04 au sein de l’unité de vérification interne. Même si Mme McGuiness avait échoué à l’examen de connaissances relatif au poste PG‑04, c’est elle qui avait obtenu la note la plus élevée.

34 En octobre 2005, Mme Zwicker a commencé à discuter avec Mme McGuiness de la possibilité d’une affectation intérimaire au poste PG‑04. Elle avait également discuté avec le superviseur de Mme McGuiness au sein de l’unité de vérification interne pour fixer une date de début, mais aucune date n’avait été convenue.

35 Mme Zwicker a confirmé que M. Topilnyckyj avait discuté avec elle en décembre 2005 au sujet de la dotation des postes et de la mutation de Mme McGuiness au poste PG‑03, étant donné qu’aucune date n’avait pu être fixée avec le superviseur de cette dernière pour le début de l’affectation intérimaire.

36 Mme Zwicker a affirmé qu’il y avait eu des discussions à partir du mois de novembre 2005 au sujet des postes PG‑03 et PG‑04 au cours des réunions des chefs de section de la DCC auxquelles assistaient les superviseurs de RSC. Le compte rendu de ces réunions est fourni aux chefs de section, qui sont ensuite chargés de diffuser ces renseignements à leur personnel.

37 Mme Zwicker a informé les membres présents à la réunion des chefs de section de la DCC du 25 janvier 2006, et également à celle du 8 février, que Mme McGuiness occuperait le poste PG‑04 à titre intérimaire à compter du 13 février. Durant le contre‑interrogatoire, Mme Zwicker a indiqué que c’était probablement au cours de la réunion de la DCC du 8 février qu’elle avait formulé le commentaire selon lequel on avait « tordu le bras » [Traduction] de Mme McGuiness, puisqu’elle tentait de convaincre cette dernière de revenir travailler au sein de la direction générale.

38 Mme Zwicker a expliqué qu’elle pouvait autoriser des nominations intérimaires pour une durée de moins de quatre mois. Elle a affirmé que son intention était de terminer le processus de dotation du poste PG‑04 durant la période correspondant à la nomination intérimaire. Mme Zwicker savait que si le poste n’était pas doté au cours de cette période, Mme Lynds, l’autre agente principale des contrats (PG‑03), devrait également se voir accorder la possibilité d’occuper le poste PG‑04 à titre intérimaire.

39 Dans un courriel de la major Johanne Charest daté du 19 avril 2006 et destiné à Mme Zwicker, celle-ci était informée que le poste PG‑04 devait être offert à la fois à Anne McGuiness et à Christine Lynds. Le 25 avril, la major Charest a envoyé un autre courriel au commandant Steele; Mme Zwicker et M. Topilnyckyj ont également reçu ce courriel. En voici la teneur :

J’ai parlé à Lila ce matin, et voici le plan en ce qui a trait au poste intérimaire PG‑04 :

- Anne continuera d’occuper le poste PG‑04 à titre intérimaire jusqu’à ce que Chris ait suivi le cours sur la passation de marchés et une formation en cours d’emploi.

- La date à laquelle Chris sera nommée au poste PG‑04 à titre intérimaire reste à déterminer, car cela dépend de la date à laquelle elle terminera la formation susmentionnée.

- Lorsqu’elle y sera admissible, Chris obtiendra une nomination intérimaire au poste PG‑04 pour une durée égale à celle de la nomination d’Anne.

- Le processus visant la dotation du poste PG‑04 sera terminé une fois que l’affectation intérimaire aura été partagée entre les deux membres.

- Pour toute question, veuillez communiquer avec la personne soussignée.

[Traduction]

40 En avril 2006, Mmes Zwicker et Lynds avaient discuté de la possibilité que Mme Lynds occupe le poste PG‑04 à titre intérimaire. Mme Lynds devait suivre le cours d’introduction à la passation de marchés et recevoir de la formation « en cours d’emploi ». Toutefois, à la fin du mois de mai, alors qu’elles participaient à une conférence à Ottawa, Mme Lynds a avisé Mme Zwicker qu’elle ne souhaitait plus occuper le poste à titre intérimaire.

41 Mme Zwicker a alors informé M. Topilnyckyj et le directeur exécutif de la décision de Mme Lynds. Elle leur a également fait savoir qu’elle prolongerait la nomination intérimaire de Mme McGuiness au poste PG‑04. Mme Zwicker croyait que le poste devait être doté, car il lui était impossible de cumuler les responsabilités des deux postes à elle seule afin de maintenir le rythme de travail.

42 Mme Zwicker a également expliqué qu’on avait perdu le premier document qu’elle avait signé le 5 juin dans lequel on recommandait que la nomination intérimaire de Mme McGuiness soit prolongée du 1er juin au 29 septembre 2006. Elle a donc rempli un autre document le 23 juin, lequel devait être signé à nouveau par les personnes compétentes, puis acheminé aux Ressources humaines. Le document a été signé par M. Topilnyckyj le 15 août.

43 Mme Zwicker a affirmé que Mme McGuiness avait été évaluée en fonction de l’énoncé des critères de mérite relatif au poste d’agent principal des contrats (PG‑04) et qu’on avait considéré qu’elle possédait toutes les qualifications essentielles. L’évaluation écrite de Mme  McGuiness effectuée par Mme Zwicker et le document de justification de nomination intérimaire dépassant quatre mois ont été présentés en preuve.

44 Finalement, Mme Zwicker a indiqué que, si Mme McGuiness n’avait pas été considérée comme qualifiée dans le cadre du processus de dotation du poste PG‑04, elle serait retournée à un poste PG‑03 au sein de la division.

Questions en litige

45 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a muté Mme McGuiness au poste PG‑03, pour ensuite lui offrir une nomination intérimaire d’une durée de moins de quatre mois à un poste PG‑04?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a décidé d’offrir la nomination intérimaire au poste PG‑04 à Mme McGuiness en prolongeant sa nomination pour une période dépassant quatre mois?
  3. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi d’utiliser un processus non annoncé pour procéder à une nomination intérimaire le 1er juin 2006?

Analyse

Question I: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a muté Mme McGuiness au poste PG‑03, pour ensuite lui offrir une nomination intérimaire d’une durée de moins de quatre mois à un poste PG‑04?

A) Argumentation des plaignants

46 Les plaignants citent la décision Tibbs c. le Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, et en particulier les cinq catégories d’abus de pouvoir qui sont énoncées au paragraphe 70. Les plaignants estiment que les cinq catégories s’appliquent en l’espèce.

47 Les plaignants ont produit un certain nombre de documents relatifs aux mutations provenant à la fois de l’intimé et des organismes centraux. Ils ont ensuite examiné la preuve en la mettant en parallèle avec les documents portant sur les mutations. Les plaignants soutiennent que l’intimé n’a pas suivi les procédures appropriées énoncées dans ces politiques lorsqu’il a offert une mutation à Mme McGuiness.

48 Les plaignants ont également cité la jurisprudence en vertu de l’ancienne LEFP en ce qui a trait aux mutations et à l’absence d’avis. Les plaignants se sont fondés principalement sur la décision Laidlaw c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 566, qui portait sur une décision rendue par un enquêteur en matière de mutations.

49 Les plaignants affirment en outre que la mutation de Mme McGuiness a mené à une promotion, étant donné qu’elle a été immédiatement nommée à un poste PG‑04 et qu’elle n’a jamais travaillé au poste PG-03.

50 Conformément aux catégories d’abus de pouvoir énoncées dans la décision Tibbs, les plaignants affirment que Mme Zwicker s’est fondée sur des éléments insuffisants, car elle aurait dû connaître les exigences des politiques relatives aux mutations.

51 De plus, les plaignants soutiennent que Mme Zwicker a commis une erreur de droit lorsqu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire, car elle n’a pas suivi les politiques et les directives du Conseil du Trésor et du ministère concernant les mutations.

B) Argumentation de l’intimé

52 Le Tribunal doit déterminer si la nomination intérimaire de Mme McGuiness au poste PG‑04 constitue un abus de pouvoir en vertu de la LEFP. Le Tribunal n’est donc pas le forum où les plaignants peuvent revenir sur leurs griefs concernant la mutation.

53 L’intimé soutient que, en vertu de la LEFP, l’administrateur général détient le pouvoir direct d’effectuer des mutations, contrairement aux pouvoirs délégués en matière de dotation.

54 L’intimé affirme que, aux termes des articles 51 et 53 de la LEFP, le Tribunal n’a pas compétence pour trancher des questions relatives à la mutation.

55 Par conséquent, la preuve, les documents et la jurisprudence produits par les plaignants concernant la mutation ne sont pas pertinents en l’espèce et il ne faudrait pas leur accorder de poids.

Analyse

56 Les plaignants soutiennent que la mutation de Mme McGuiness au poste PG‑03 n’a pas été effectuée conformément aux lignes directrices et aux politiques applicables et a mené à une promotion, étant donné que Mme McGuiness a obtenu une nomination intérimaire à un poste PG‑04 le jour même de son arrivée à la direction générale.

57 En vertu de l’article 34.3 de l’ancienne LEFP, les employés pouvaient se plaindre à l’administrateur général s’ils estimaient qu’une mutation n’avait pas été autorisée ou effectuée conformément à la Loi ou qu’elle constituait un abus de pouvoir. S’ils n’étaient pas satisfaits de la réponse de l’administrateur général, ils pouvaient renvoyer l’affaire à la CFP en vertu de l’article  34.4 afin qu’elle mène une enquête. Toutefois, ces dispositions ne figurent pas dans la nouvelle LEFP.

58 Dans la décision Laidlaw, une employée d’Halifax qui risquait d’être déclarée excédentaire avait été mutée à un poste bilingue PM‑04 nouvellement créé car, selon la justification fournie, personne d’autre ne satisfaisait aux exigences bilingues du poste. Toutefois, l’employée a été affectée à un autre poste PM‑06 et n’a jamais exercé les fonctions du nouveau poste bilingue. La Cour a jugé que la mutation n’avait pas été effectuée de façon transparente, étant donné que l’affectation au poste PM‑06 n’était pas conforme à la justification fournie relativement à la mutation, soit la capacité de fournir des services bilingues dans le cadre du poste PM‑04. La Cour a déterminé que l’utilisation d’une mutation dans le but de se soustraire aux contraintes imposées par l’ancienne LEFP concernant les nominations, plus particulièrement à l’exigence selon laquelle les nominations devaient être fondées sur le mérite relatif, constituait un abus de pouvoir.

59 En l’espèce, le ministère a fait preuve de franchise quant aux raisons qui justifient la mutation de Mme McGuiness. La décision Laidlaw était fondée sur une loi différente et ne peut donc pas appuyer la position des plaignants selon laquelle l’intimé a abusé de son pouvoir en vertu de la LEFP.

60 Aux termes de la LEFP, une nomination est fondée sur le mérite lorsque la personne nommée possède les qualifications essentielles requises pour le travail à effectuer. Un pouvoir discrétionnaire est accordé aux gestionnaires pour choisir la bonne personne parmi les candidats qui possèdent les qualifications essentielles (voir la décision Rinn c. le Sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités et al.,[2007] TDFP 0044, au paragraphe 35). Les recours en cas d’abus de pouvoir sont fondés sur l’utilisation de ce pouvoir discrétionnaire. Les explications suivantes sont fournies dans la décision Visca c. le Sous-ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024 :

[34] Dans le préambule de la LEFP figure un objet législatif clé : les gestionnaires devraient disposer d’un pouvoir discrétionnaire considérable en ce qui a trait aux questions de dotation. Afin que les gestionnaires disposent de la marge de manoeuvre dont ils ont besoin, le législateur a choisi de s’éloigner de l’ancien régime de dotation fondé sur des règles, sous l’ancienne LEFP. Il n’y a pas de règles strictes dans la LEFP sur la façon d’établir les qualifications, sur la méthode d’évaluation qui devrait être utilisée ou encore sur la façon de choisir, aux fins de nomination, le candidat qui satisfait aux qualifications essentielles et aux qualifications constituant un atout. Le législateur a plutôt préféré fournir aux personnes détenant les pouvoirs de dotation, les moyens d’exercer l’aspect discrétionnaire de ces pouvoirs, en faisant appel à leur jugement. Cependant, comme le Tribunal l’a déclaré dans la décision Tibbs c. le Sous-ministre de la Défense nationale, [2006] TDFP 0008, le pouvoir absolu n’existe pas; les gestionnaires ne peuvent pas prendre n’importe quelle mesure dans les dossiers de dotation, pour n’importe quel motif ni sous n’importe quel prétexte, si abusif soit-il, alors que l’exercice du pouvoir discrétionnaire est contraire à la nature, à l’objet et à l’intention de la LEFP.

61 L’exigence selon laquelle les nominations doivent être fondées sur le mérite relatif et, par conséquent, la nécessité de s’assurer que cette exigence n’est pas contournée par l’utilisation d’une mutation ne sont tout simplement pas des questions qui relèvent de la LEFP.

62 Il existe d’autres dispositions de la LEFP qui sont révélatrices du rôle du Tribunal en l’espèce. Le paragraphe 88(2) de la LEFP établit la mission du Tribunal, laquelle consiste à instruire les plaintes présentées en vertu du paragraphe 65(1) ou des articles 74, 77 ou 83 et à statuer sur celles-ci. Les plaignants ont présenté leurs plaintes en vertu de l’alinéa 77(1)b) – choix d’un processus de nomination annoncé ou non annoncé. Ces plaintes sont abordées à la question III.

63 Dans la décision Czarnecki c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0001, le Tribunal a conclu que, pour qu’une plainte soit présentée en vertu de l’article 77 de la LEFP, il faut qu’une nomination ou une proposition de nomination ait déjà eu lieu. Voir également la décision Tennant c. le Président de l’Agence canadienne de développement international et al., [2007] TDFP 0006. En d’autres termes, il doit d’abord y avoir une nomination ou une proposition de nomination, sans quoi aucune plainte ne peut être présentée en vertu de l’article 77 de la LEFP.

64 La Partie 3 de la LEFP traite des mutations. Le paragraphe 53(1) est libellé comme suit :

Précision

53. (1) Les mutations ne constituent pas des nominations pour l’application de la présente loi.

65 Étant donné qu’une mutation ne constitue pas une nomination et qu’aucune plainte ne peut être présentée en vertu de l’article 77 de la LEFP sans qu’il y ait eu nomination ou proposition de nomination, le Tribunal n’a pas compétence pour entendre une plainte portant sur une mutation. À ce sujet, voir la décision Smith c. le Président de l’Agence des services frontaliers du Canada et al., [2007] TDFP 0029, dans laquelle le Tribunal a déterminé qu’il n’avait pas compétence pour instruire des plaintes portant sur des mutations et pour statuer sur celles-ci; voir également la décision MacIntosh c. le Commissaire du Service correctionnel du Canada, [2008] TDFP 0001 (n’est pas encore publiée). Il convient de rappeler que les plaignants ont présenté des griefs relatifs à la mutation et que ces questions devraient être abordées par une autre instance décisionnelle.

66 De la même façon, aucune plainte ne peut être présentée en vertu de l’article 77 de la LEFP à l’encontre de la nomination intérimaire initiale de Mme McGuiness au poste PG‑04 étant donné que cette nomination était de moins de quatre mois. Comme il a été expliqué dans la décision Wylie c. le Président de l’Agence des services frontaliers du Canada et al., [2006] TDFP 0007, le paragraphe 14(1) du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334 (le REFP) permet une certaine latitude d’affecter les fonctionnaires fédéraux à des fonctions pour une période temporaire sans qu’une telle démarche remette en cause l’application du mérite et le droit de recours, sous réserves de certaines restrictions. Les nominations intérimaires à court terme sont soustraites à l’application du mérite et au droit de recours.

67 Le paragraphe 14(1) du REFP est libellé comme suit :

14. (1) La nomination intérimaire de moins de quatre mois est soustraite à l’application des articles 30 et 77 de la Loi pourvu qu’elle ne porte pas la durée cumulative de la nomination intérimaire d’une personne à ce poste à quatre mois ou plus.

68 Le Tribunal n’a donc pas compétence pour statuer sur les questions de la mutation et de la nomination intérimaire initiale.

Question II: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a décidé d’offrir la nomination intérimaire au poste PG‑04 à Mme McGuiness en prolongeant sa nomination pour une période dépassant quatre mois?

A) Argumentation des plaignants

69 Les plaignants soutiennent que Mme Zwicker a exercé son pouvoir discrétionnaire dans une intention illégitime, étant donné que son objectif était d’offrir une affectation à Mme McGuiness au poste PG‑04. Il s’agit là d’un abus de pouvoir tel qu’il a été défini dans la décision Tibbs.

70 De plus, les plaignants soutiennent que le résultat était inéquitable, ce qui constitue un abus de pouvoir conformément aux catégories décrites dans la décision Tibbs, car Mme Lynds et Mme McGuiness ont été traitées différemment. Les plaignants affirment que Mme Lynds a dû suivre la formation avant de pouvoir occuper le poste intérimaire, tandis que Mme McGuiness a pu suivre la formation en cours d’emploi.

71 En outre, la nomination intérimaire de Mme McGuiness a commencé le 13 février 2006, la période de quatre mois s’est terminée le 13 juin 2006, et pourtant, la notification n’a été affichée que le 15 août 2006.

72 Les plaignants soutiennent que le fait d’avoir omis d’informer les employés à la fin de la première période d’intérim en juin 2006 constitue une violation de l’article 13 du REFP.

B) Argumentation de l’intimé

73 L’intimé affirme que Mme Zwicker a offert à Mme Lynds, la seule autre personne occupant un poste PG‑03 au sein de la direction générale, la même possibilité qu’à Mme McGuiness en ce qui a trait à la nomination intérimaire au poste PG‑04. Mme Lynds a refusé l’offre.

74 Selon l’intimé, Mme McGuiness possédait les qualifications essentielles requises pour le poste, et Mme Zwicker a préparé une évaluation écrite à cet égard.

75 L’intimé affirme que l’argumentation des plaignants selon laquelle Mme Lynds aurait reçu un traitement différent n’est pas pertinente en l’espèce, étant donné que celle-ci n’a pas présenté de plainte. Il n’y a eu aucun abus de pouvoir dans la décision de nommer Mme McGuiness.

76 En réponse à l’argumentation des plaignants portant sur la date de la notification, l’intimé reconnaît que l’avis Information concernant une nomination intérimaire a été affiché le 15 août 2006, alors que la nomination intérimaire de Mme McGuiness avait été prolongée en juin 2006. Toutefois, l’intimé est d’avis que les plaignants n’ont subi aucun préjudice en raison du retard dans l’affichage de l’avis ni n’ont été privés du droit de porter plainte.

77 Mme Zwicker a expliqué les circonstances entourant la perte du document initial qui, selon l’intimé, n’est pas attribuable à la mauvaise foi. Mme Zwicker a déployé des efforts pour s’assurer de la préparation des documents appropriés dès qu’elle a constaté la perte du document initial.

78 L’intimé ajoute qu’il ne s’agit pas d’un motif de plainte approprié, étant donné que le fait s’est produit après la nomination et qu’il ne s’agit pas d’un abus de pouvoir.

79 À titre subsidiaire, si le Tribunal juge que le retard dans l’affichage de l’avis constituait une erreur, il s’agit d’une erreur d’ordre administratif qui n’invalide en rien le processus et qui ne constitue pas un abus de pouvoir.

Analyse

80 Afin de déterminer si cet acte constituait un abus de pouvoir, il peut être utile d’examiner les faits pertinents qui permettent de comprendre la décision de l’intimé de prolonger la nomination intérimaire de Mme McGuiness.

81 Il y a eu des tentatives infructueuses de dotation pour le poste PG‑03 en août 2004 et en juin 2005.

82 Il y a également eu un concours infructueux de dotation d’un poste PG‑04 en juin 2005. Un nouveau processus était en cours en 2006 mais, pour satisfaire aux exigences opérationnelles, il fallait embaucher quelqu’un pour occuper le poste visé de façon intérimaire en attendant que le processus soit terminé. Mme Zwicker a mentionné sa lourde charge de travail et la nécessité d’obtenir de l’aide pour effectuer certaines de ses tâches.

83 Mme Zwicker a expliqué que sa décision d’offrir une première nomination à Mme McGuiness à titre intérimaire était fondée sur des exigences opérationnelles. Mme McGuiness avait déjà travaillé pour Mme Zwicker dans le passé et cette dernière avait été satisfaite de son travail. De plus, Mme McGuiness était la candidate qui avait obtenu la note la plus élevée à l’examen relatif au processus PG‑04, même si elle n’avait pas obtenu la note de passage. Enfin, Mme McGuiness avait démontré qu’elle possédait des compétences en gestion, étant donné qu’elle occupait un poste AS‑04 au sein de l’unité de vérification interne. Mme Zwicker estimait que Mme McGuiness serait en mesure d’accomplir les tâches du poste et de l’aider en attendant que le poste soit doté. Comme on n’envisageait plus l’option d’affecter Mme McGuiness au poste PG‑04 à titre intérimaire, il avait été décidé que celle‑ci serait mutée à un poste PG‑03, pour ensuite occuper le poste PG‑04 à titre intérimaire. Cette question a été abordée ouvertement au cours des réunions de la DCC en janvier et février 2006. Comme il a été précisé à la question I ci-dessus, le Tribunal n’a pas compétence pour statuer sur les mutations.

84 Les exigences opérationnelles qui devaient être respectées ne sont pas remises en question par les plaignants. La preuve indique qu’il était impossible de conclure une entente concernant l’affectation de Mme McGuiness et que, par conséquent, la solution retenue a été de procéder à une mutation suivie d’une nomination intérimaire immédiate.

85 Une mutation suivie d’une nomination intérimaire ne constitue pas, en soi, un abus de pouvoir. Compte tenu des circonstances et des difficultés relatives à la dotation du poste PG‑04, le Tribunal estime que ces faits n’appuient pas les allégations des plaignants selon lesquelles il y a eu une intention illégitime constituant un abus de pouvoir.

86 La nomination intérimaire initiale de Mme McGuiness a pris effet le 13 février 2006 et devait durer moins de quatre mois. En avril 2006, Mme Zwicker a discuté avec Mme Lynds de la possibilité que cette dernière occupe le poste PG‑04 à titre intérimaire pendant un laps de temps équivalent à celui de Mme McGuiness. Mme Lynds a refusé cette offre à la fin du mois de mai. Mme Zwicker a donc résolu de prolonger la nomination intérimaire de Mme McGuiness en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 33 de la LEFP.

87 Lorsque cette nomination a été prolongée du 1er juin 2006 au mois de septembre 2006, elle a été assujettie à un droit de recours en vertu de l’article 77 de la LEFP. Dans la décision Wylie, le Tribunal a jugé au paragraphe 20 que « […] chaque nomination faite pour une période intérimaire et chaque prolongation d’une telle nomination constituent une nomination assujettie aux exigences de la LEFP et de son règlement, y compris celles en matière de recours ».

88 Étant donné que la nomination intérimaire dépassait alors quatre mois, Mme Zwicker a indiqué qu’elle avait évalué Mme McGuiness en fonction de l’énoncé des critères de mérite relatif au poste PG‑04 et que cette dernière possédait toutes les qualifications essentielles. Mme Zwicker a utilisé divers outils pour évaluer Mme McGuiness, y compris les résultats qu’elle avait obtenus au concours de juin 2005 pour la dotation du poste PG‑04, son curriculum vitæ, les observations concernant son rendement au travail et ses antécédents professionnels.

89 Dans la décision Rinn, le Tribunal a insisté sur le fait que, malgré la marge de manoeuvre conférée aux gestionnaires en vertu de la LEFP, la personne nommée doit posséder les qualifications essentielles requises pour le poste :

[35] Le mérite est maintenant lié au mérite individuel; pour être nommée, la personne doit répondre aux qualifications essentielles se rapportant au travail à effectuer. Il existe une latitude considérable pour choisir la personne qui fera l’objet d’une nomination. Cependant, l’exigence fondamentale pour nommer une personne sur la base du mérite est que la personne doit être qualifiée pour le poste.

(Soulignement ajouté)

90 L’évaluation écrite de Mme McGuiness effectuée par Mme Zwicker en fonction de l’énoncé des critères de mérite a été présentée en preuve. Ce document corrobore le témoignage oral de Mme Zwicker selon lequel Mme McGuiness a été choisie en fonction du mérite. De fait, elle satisfaisait à tous les critères de mérite qui figuraient dans l’énoncé des critères de mérite.

91 Les plaignants n’ont fourni aucune preuve permettant de réfuter la conclusion selon laquelle la nomination intérimaire de Mme McGuiness était fondée sur le mérite. Les plaignants ont en outre confirmé qu’ils n’avaient présenté aucune allégation de favoritisme personnel en ce qui a trait à la décision de nommer Mme McGuiness.

92 Les plaignants ont également soutenu que Mme Lynds avait été traitée différemment de Mme McGuiness, ce qui avait mené à un résultat inéquitable. Les plaignants semblent se concentrer sur l’injustice présumée envers Mme Lynds, qui ne fait pas partie des plaignants et qui n’a présenté aucune plainte au Tribunal en ce qui a trait au processus en l’espèce.

93 Dans des décisions antérieures, le Tribunal a statué sur le fait qu’une plainte doit se rapporter directement au plaignant concerné. Dans la décision Visca, par exemple, le Tribunal a déterminé ce qui suit :

[24] Dans le paragraphe 77(1) de la LEFP, les mots « présenter au Tribunal une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination » indiquent clairement qu’une plainte doit se rapporter directement au plaignant concerné. Une personne ne peut porter plainte que si « elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination » et ne peut pas porter plainte contre le fait que d’autres personnes n’ont pas été nommées. La plainte ne peut pas porter sur la façon dont les autres candidats non reçus ont été traités […].

94 Par conséquent, la plainte ne peut pas porter sur le traitement différent qui a été réservé à Mme Lynds comparativement à celui de Mme McGuiness, étant donné que Mme Lynds n’a pas présenté de plainte.

95 Finalement, en ce qui a trait à la date de la notification, le REFP prévoit ce qui suit concernant la notification relative aux nominations intérimaires de quatre mois ou plus :

13. Lorsque les nominations ci-après sont faites ou proposées dans le cadre d’un processus de nomination interne, la Commission avise par écrit les personnes qui sont dans la zone de recours, au sens du paragraphe 77(2) de la Loi, du nom de la personne qu’elle propose ainsi de nommer ou qu’elle a ainsi nommée, selon le cas, de leur droit de porter plainte et des raisons pour lesquelles elles peuvent le faire :

a) la nomination intérimaire de quatre mois ou plus;

b) la nomination intérimaire portant la durée cumulative de la nomination intérimaire d’une personne à quatre mois ou plus.

(Soulignement ajouté)

96 Dans la décision Chaves c. le Commissaire du Service correctionnel du Canada et al., [2007] TDFP 0009, le Tribunal a déterminé ce qui suit :

[34] Les personnes faisant partie de la zone de recours doivent être informées des nominations et, dans les cas de nominations intérimaires, les exigences relatives à la communication d’un avis en vertu de l’article 13 du REFP doivent être respectées […].

97 Dans son témoignage, Mme Zwicker a reconnu que le document initial recommandant la prolongation de la nomination intérimaire de Mme McGuiness a été perdu et qu’un nouveau document a dû être rempli.

98 Par conséquent, le Tribunal estime que l’intimé n’a pas informé les plaignants ni les autres personnes dans la zone de recours de leur droit de porter plainte et des motifs pour ce faire au moment de la prolongation de la nomination intérimaire de Mme McGuiness en juin 2006, comme l’exige l’article 13 du REFP. Toutefois, le fait d’omettre de fournir cette notification en temps opportun ne constitue pas, en soi, un abus de pouvoir. Il n’existe aucune preuve attestant que cette omission constitue autre chose qu’une erreur, tel qu’il a été expliqué par Mme Zwicker.

99 Le Tribunal estime qu’il est important que les ministères suivent rigoureusement les exigences du REFP en fournissant une notification concernant les nominations intérimaires en temps opportun. Les employés ont le droit d’être informés de la nomination intérimaire au moment où elle est effectuée, et non après coup.

100 Tel qu’il a été expliqué ci-dessus, la LEFP a fait l’objet de modifications considérables. Par conséquent, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu d’aborder la jurisprudence soulevée par les plaignants aux termes de l’ancienne LEFP en ce qui a trait à l’absence d’avis de mutation ou à son caractère inapproprié, car cette question ne s’applique pas en l’espèce, compte tenu de la nouvelle LEFP.

101 En conclusion, le Tribunal estime qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir dans la nomination de Mme McGuiness à titre intérimaire au poste PG‑04 lorsque la durée de la nomination intérimaire a excédé quatre mois.

Question III: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi d’utiliser un processus non annoncé pour procéder à une nomination intérimaire?

A) Argumentation des plaignants

102 Les plaignants soutiennent que la nomination intérimaire était préjudiciable aux plaignants et à d’autres personnes de la direction générale, car ils se trouvaient désavantagés dans le cadre du processus de nomination visant la dotation du poste d’agent principal des contrats (PG‑04) pour une durée indéterminée. Par exemple, Mme McGuiness a obtenu la délégation des pouvoirs en matière de finances et de passation de marchés. De plus, elle a acquis de l’expérience grâce à la formation en cours d’emploi et au cours d’introduction sur la passation de marchés, expérience qu’elle n’aurait pas pu acquérir autrement.

103 La prolongation de la nomination intérimaire de Mme McGuiness a fourni à cette dernière un avantage en ce qui a trait aux qualifications essentielles, même si elle avait échoué à l’examen des connaissances relatif au poste PG‑04 en 2005.

104 Finalement, conformément à la dernière catégorie d’abus de pouvoir énoncée dans la décision Tibbs, les plaignants soutiennent que Mme Zwicker a adopté une politique qui allait à l’encontre des principes d’équité, de transparence et d’accessibilité décrits dans les lignes directrices de la CFP en matière de nomination. Mme Zwicker a admis qu’elle souhaitait que Mme McGuiness revienne travailler au sein de l’unité depuis trois ans. Aucun autre candidat n’a eu la possibilité de faire valoir sa candidature.

105 Comme il a été indiqué ci-dessus, les plaignants ont expressément indiqué au Tribunal qu’ils ne formulaient aucune allégation de favoritisme personnel à l’égard de Mme McGuiness.

B) Argumentation de l’intimé

106 L’article 33 de la LEFP prévoit que l’administrateur général peut choisir un processus annoncé ou non annoncé. L’intimé affirme qu’on ne peut déduire qu’il y a eu abus de pouvoir simplement du fait du choix d’un processus non annoncé.

107 Mme Zwicker et M. Topilnyckyj ont tous deux affirmé qu’une recherche active avait été menée pour doter le poste d’agent principal des contrats (PG‑04).

108 Mme Zwicker a expliqué les défis opérationnels durant cette période et la nécessité d’embaucher un employé expérimenté à titre intérimaire au poste (PG‑04) en attendant la fin du processus de dotation du poste (PG‑04) pour une période indéterminée.

109 Ce n’est que lorsque Mme Lynds a refusé la nomination intérimaire que Mme Zwicker a prolongé la nomination intérimaire de Mme McGuiness, pour une durée qui dépassait alors quatre mois.

110 L’intimé soutient, à l’instar de son argumentation dans la décision Pugh c. le Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0025, que l’abus de pouvoir devrait se limiter à la mauvaise foi, au favoritisme personnel ou à toute action fautive du même ordre. L’intimé a également cité la jurisprudence du Tribunal à l’appui de sa position selon laquelle la LEFP fournit maintenant une marge de manoeuvre et une certaine latitude en matière de dotation.

111 L’intimé affirme que les plaignants n’ont présenté aucun fait qui pourrait appuyer une constatation d’abus de pouvoir.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

112 La CFP n’a pas assisté à l’audience.

113 Dans ses observations écrites, la CFP a indiqué que, pour constituer un abus de pouvoir, le processus de nomination doit être accompli avec un refus délibéré de tenir compte d’une fonction officielle conjugué au fait de savoir que la conduite irrégulière serait vraisemblablement préjudiciable au plaignant. Il doit y avoir un élément d’intention tel que la mauvaise foi ou le favoritisme personnel. La CFP a fourni de la jurisprudence et des extraits de doctrine à l’appui de sa position.

Analyse

114 Les plaignants ont présenté leurs plaintes en vertu de l’alinéa 77(1)b) de la LEFP, lequel est libellé comme suit :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

[…]

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé selon le cas […]

115 Comme il a été expliqué dans la décision Tibbs, pour que leurs plaintes soient accueillies, les plaignants doivent démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’il y a eu abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé.

116 Au sujet des processus de nomination annoncés et non annoncés, l’article 33 de la LEFP prévoit ce qui suit : « La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé. »

117 Dans la décision Kane c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0035, au paragraphe 65, le Tribunal a jugé que les administrateurs généraux pouvaient choisir le type de processus qui correspondait le mieux aux exigences du ministère. La LEFP ne privilégie aucun des deux types de processus : « […] l’article 33 de la LEFP indique clairement que l’administrateur général dispose du pouvoir discrétionnaire nécessaire lui permettant de décider s’il utilisera un processus de nomination annoncé ou un processus de nomination non annoncé ». Voir aussi : Rozka et al. c. le Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al., [2007] TDFP 0046.

118 Les plaignants ne peuvent donc pas affirmer qu’il y a eu abus de pouvoir simplement en raison du choix d’un processus de nomination non annoncé. Ils doivent prouver que la décision de choisir un processus non annoncé constituait en soi un abus de pouvoir. Voir, par exemple : Robbins c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0017 et Kilbray et Wersch c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0049.

119 La période de nomination intérimaire initiale ne devait pas dépasser quatre mois, car il était prévu que le processus visant la dotation du poste (PG‑04) serait terminé au cours de cette période. Il a ensuite été déterminé par la major Charest que la période de nomination intérimaire devait être répartie également entre Mmes McGuiness et Lynds. Ce n’est que lorsque Mme Lynds a refusé la nomination intérimaire à la fin du mois de mai 2006 que la nomination intérimaire de Mme McGuiness a été prolongée au-delà de quatre mois, ce qui a rendu nécessaire la notification.

120 Compte tenu des ressources limitées, des efforts entrepris pour doter les postes et de la lourde charge de travail de Mme Zwicker, le Tribunal estime que, selon la prépondérance des probabilités, il était raisonnable de ne pas annoncer la nomination intérimaire au poste PG‑04 pendant que le processus de dotation était en cours.

121 La preuve n’atteste pas que l’intimé a choisi un processus de nomination non annoncé de mauvaise foi ou sans raison valable. Mme Zwicker avait besoin d’aide le plus tôt possible et le fait d’annoncer la nomination intérimaire aurait retardé l’embauche d’un employé. Mme Lynds s’est vu offrir la nomination intérimaire, mais l’a par la suite refusée. La solution raisonnable était donc de prolonger la nomination intérimaire de Mme McGuiness.

122 Les plaignants ont également soulevé la question de savoir si, à titre d’employés occupant un poste PG‑02, ils auraient dû se voir offrir la possibilité d’occuper le poste PG‑04 à titre intérimaire. Ils s’interrogent sur la raison pour laquelle la « politique » de Mme Zwicker ne permettait pas à des employés occupant un poste PG‑02 d’occuper à titre intérimaire un poste PG‑04.

123 Le Tribunal convient que Mme Zwicker avait des motifs valables et légitimes de n’offrir la nomination intérimaire qu’aux deux personnes occupant un poste PG‑03. Les plaignantes Meade et Fry, qui ont témoigné, n’étaient pas qualifiées pour occuper le poste PG‑03 ni le poste PG‑04. En juin 2005, Mme McGuiness n’avait pas non plus été retenue pour le poste PG‑04. Cependant, Mme Zwicker devait embaucher quelqu’un de façon urgente et elle a choisi la candidate qui avait obtenu la note la plus élevée à l’examen relatif au poste PG‑04, en l’occurrence Mme McGuiness. De plus, Mme McGuiness possédait des compétences en gestion grâce au poste AS‑04 qu’elle occupait ainsi que de l’expérience à titre d’agente des contrats. Enfin, cette démarche était conforme aux procédures courantes de la direction générale qui consistaient à offrir une affectation intérimaire de seulement un niveau au-dessus du niveau actuel de l’employé.

124 Le Tribunal estime que les plaignants n’ont présenté aucun fait pour appuyer l’allégation selon laquelle le choix d’un processus de nomination non annoncé dans ces circonstances constituait un abus de pouvoir, pas plus qu’ils n’ont réussi à le prouver selon la prépondérance des probabilités.

125 Le Tribunal tient à remercier les parties pour leurs présentations de qualité et pour leur professionnalisme durant l’audience.

Décision

126 Pour tous ces motifs, les plaintes sont rejetées.

Sonia Gaal

Vice-présidente

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2006-0087, 0088, 0089 et 0090
Intitulé de la cause:
Thomas A.C. Brown, Gloria W. Fry, Toby Lynn Meade, Joy H. Hubley et le Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Audience:
Les 23, 24 et 25 octobre 2007
Halifax (Nouvelle-Écosse)
Date des motifs:
Le 26 février 2008

Comparutions:

Pour le plaignant:
Alan Phillips
Pour l'intimé:
Lesa Brown
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