Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a formulé des allégations d’abus de pouvoir à l’encontre de l’intimé au motif que celui-ci avait modifié la note de passage et utilisé la méthode descendante durant l’évaluation des candidats afin de réduire davantage le nombre de candidats à convoquer en entrevue. Selon elle, cette action équivalait à un << déplacement de la barre >> pour établir un nouveau point de démarcation et donc à une négligence inconsciente et à un abus de pouvoir. La plaignante n’a pas contesté la réalisation d’une évaluation en plusieurs étapes; elle a toutefois fait valoir qu’il était inapproprié de cesser d’évaluer un candidat qui n’avait pas échoué à l’évaluation d’une qualification essentielle. L’intimé a soutenu que le comité d’évaluation avait le pouvoir discrétionnaire de gérer le processus de nomination; que celui-ci n’était aucunement tenu d’évaluer chaque candidat en fonction de chaque qualification; que la méthode de notation descendante avait été utilisée afin de réduire le nombre de candidats à convoquer en entrevue et que tous les candidats avaient été évalués de la même façon. Décision : Le Tribunal a fait remarquer que la LEFP accordait aux gestionnaires une marge de manœuvre considérable en ce qui concerne le choix des méthodes d’évaluation, et que la décision d’utiliser une note de passage était fondée sur des motifs et sur des faits prouvés. Le Tribunal a reconnu l’utilisation de notes de passage comme méthode d’évaluation dans une décision antérieure. En outre, il a souligné que, par souci de transparence, il aurait été souhaitable de fournir des renseignements plus précis sur la méthode de notation descendante. L’intimé peut procéder à une évaluation en plusieurs étapes. Le fait d’exiger qu’une étape de l’évaluation soit franchie avec succès n’entraîne pas nécessairement un abus de pouvoir. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2007-0188
Rendue à:
Ottawa, le 27 février 2008

MARILYN KING
Plaignante
ET
L'ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DE SERVICE CANADA, AU SEIN DU MINISTÈRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Sonia Gaal, vice-présidente
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
King c. Administrateur général de Service Canada et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0006

Motifs de la décision

Introduction

1 Mme Marilyn King a présenté une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). La plaignante avait posé sa candidature au poste de gestionnaire intérimaire, Prestation des services, (numéro du processus : 06-CSD-IA-NFLD-SC-01) (PM-05) au ministère des Ressources humaines et du Développement social - Service Canada (Service Canada).

2 La plaignante soutient que l’intimé, l’administrateur général de Service Canada, a abusé de son pouvoir car il a omis d’évaluer convenablement ses qualifications. Plus précisément, la plaignante affirme que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a utilisé la méthode descendante afin d’évaluer les candidats, dans le but de réduire davantage le nombre de candidats à convoquer en entrevue.

3 En vertu du paragraphe 99(3) de la LEFP, le Tribunal a décidé de statuer sur la plainte sans tenir d’audience. Le Tribunal rend la présente décision en se fondant sur les observations pertinentes des parties et les documents versés au dossier, qui ont été examinés en détail et qui sont résumés ci-dessous.

Contexte

4 En janvier 2006, une annonce de possibilité d’emploi a été affichée sur Publiservice afin de pourvoir à des postes de gestionnaire intérimaires (PM-05) pour une période indéterminée. La date de clôture était le 14 février 2006. L’énoncé des critères de mérite et des conditions d’emploi a aussi été affiché sur Publiservice.

5 L’énoncé des critères de mérite indiquait qu’une des qualifications essentielles était liée à la « capacité de gérer » [Traduction], qui devrait être évaluée au moyen de l’Exercice « in-basket » pour la gestion (Exercice 810). Les autres qualifications essentielles devraient être évaluées au moyen de documents écrits, d’entrevues et de la vérification des références.

6 Avant l’examen, le comité d’évaluation avait fixé une note de passage de 16/25 pour l’Exercice 810.

7 Au total, 74 candidatures ont été reçues pour ce processus, y compris celle de la plaignante.

8 Le 10 mars, la plaignante a été informée par courriel que sa candidature avait été retenue à la présélection dans le cadre du processus. On l’a informée qu’elle devrait faire l’Exercice 810 le 22 mars. Le courriel indiquait aussi ce qui suit : « Pour les besoins du présent processus, la note de passage sera fixée à 16 pour le niveau PM‑05 et à 18 pour le niveau PM‑06, mais nous utiliserons un processus de sélection descendant » [Traduction] (les caractères gras ont été ajoutés par Gloria Edwards, adjointe aux ressources humaines, auteure du courriel).

9 Le 1er mai, la plaignante a été informée qu’elle avait obtenu une note de 17/25 (« réussite ») à l’Exercice 810. La lettre contenait le passage suivant : « Le comité de sélection a déterminé qu’il continuerait d’évaluer, au moyen d’une méthode descendante, la candidature des personnes qui ont obtenu une note d’au moins 18/25. » [Traduction] La lettre indiquait également à la plaignante qu’elle pouvait demander une réévaluation de son résultat à l’examen, ce qu’elle a fait. Toutefois, son résultat n’a pas changé à la suite de la réévaluation.

10 Au total, 22 candidats ont réussi l’Exercice 810 lié au processus PM-05, mais seulement 15 candidats ont obtenu une note d’au moins 18/25 et ont été convoqués à une entrevue.

11 Le 8 mai, la plaignante a envoyé un courriel à Gloria Edwards pour lui demander si l’évaluation plus poussée des candidats ayant obtenu une note de 18/25 aurait lieu dans le cadre du processus PM-05, compte tenu du fait qu’elle avait obtenu la note de passage de 16/25 à l’Exercice 810.

12 Le 9 mai, Mme Edwards a répondu à cette demande en informant la plaignante que le comité d’évaluation avait déterminé, au moyen d’une méthode descendante, qu’il poursuivrait l’évaluation des candidats ayant obtenu une note d’au moins 18/25 pour le poste PM-05. Les personnes qui ont obtenu une note inférieure à 18/25 ne seraient pas convoquées à une entrevue.

13 La notification de nomination intérimaire liée au poste en question a été affichée sur Publiservice le 18 avril 2007.

Question en litige

14 Le Tribunal doit trancher la question suivante :

L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a utilisé une méthode descendante à l’étape de l’évaluation des candidats dans le but de réduire davantage le nombre de candidats à convoquer en entrevue?

Argumentation des parties

A) Argumentation de la plaignante

15 L’intimé a établi les qualifications essentielles conformément à l’alinéa 30(2)a) de la LEFP et était donc tenu d’évaluer les qualifications des candidats.

16 Le processus utilisé par le comité d’évaluation pour déterminer quels candidats seraient évalués à la suite de l’Exercice 810 était injuste pour la plaignante et n’était pas fondé sur les qualifications précisées dans l’énoncé des critères de mérite.

17 La plaignante ne remet pas en question la validité ou l’applicabilité de l’Exercice 810 dans le cadre du processus de nomination. Elle remet plutôt en question la méthode utilisée par le comité d’évaluation, soit le fait d’établir une note de passage de 16/25 pour l’Exercice 810, puis d’augmenter cette note de passage à 18/25 dans le but de poursuivre le processus.

18 Comme la plaignante a obtenu une note de 17/25 dans le cadre du processus lié au poste PM-05 et qu’elle a satisfait à la qualification « capacité de gérer » [Traduction] évaluée au moyen de l’Exercice 810, sa candidature aurait dû continuer d’être prise en considération dans le processus en ce qui concerne l’évaluation des autres qualifications.

19 Bien que les candidats aient été informés que la méthode descendante serait utilisée, on ne leur a pas dit quel point de démarcation serait utilisé pour les entrevues. Comme la note de passage de 18/25 a été établie après l’annonce des résultats de tous les candidats, la plaignante suppose que cette note a été déterminée en fonction de l’identité des personnes qui ont obtenu la note en question ou une note plus élevée.

20 Selon la plaignante, en ayant recours à la méthode descendante, le comité d’évaluation utilise un moyen lié au mérite relatif. Or, la LEFP ne reconnaît plus les processus de sélection fondés sur le mérite relatif.

21 Le comité d’évaluation a l’obligation de continuer à évaluer un candidat jusqu’à ce qu’il échoue à l’évaluation d’une qualification en particulier. Le fait de cesser d’étudier la candidature d’un candidat qui n’a échoué à aucune évaluation dans le but de réduire le nombre total de candidats contrevient à l’esprit de l’article 36 de la LEFP.

22 La plaignante ne conteste ni le fait que l’intimé a effectué l’évaluation en plusieurs étapes, ni l’utilisation de l’Exercice 810. Elle affirme qu’il y a eu abus de pouvoir lorsque le comité d’évaluation a décidé de réduire la charge de travail en ne convoquant en entrevue que les candidats qui ont réussi à obtenir une note d’au moins 18/25. En soi, cette décision a fait en sorte que le processus n’a pas permis l’évaluation des qualifications inscrites sur l’énoncé des critères de mérite.

23 La plaignante déclare qu’elle n’a échoué à l’évaluation d’aucune qualification essentielle. L’intimé ne peut pas conclure que la plaignante ne possède pas les qualifications essentielles s’il ne poursuit pas l’évaluation, car elle a réussi l’Exercice 810. Une fois que la plaignante aura été évaluée davantage, l’intimé pourra déterminer si elle est qualifiée, ce qui respectera l’obligation énoncée à l’article 30 de la LEFP.

24 L’intimé s’est appuyé sur des documents inadéquats pour conclure que la plaignante n’est pas qualifiée, contrevenant ainsi à l’alinéa 30(2)a) de la LEFP. Éliminer un candidat du processus pour un motif autre que celui de ne pas se qualifier contrevient à l’esprit de la LEFP et constitue un abus de pouvoir.

B) Argumentation de l’intimé

25 L’intimé déclare qu’il incombe à la plaignante de prouver que la décision de convoquer en entrevue les personnes qui ont obtenu une note d’au moins 18/25 à l’Exercice 810 constituait un abus de pouvoir.

26 Selon le paragraphe 2(4) de la LEFP, la notion d’abus de pouvoir comprend la mauvaise foi et le favoritisme personnel, et il appartient à l’administrateur général de faire preuve de discernement pour juger de ce qui est convenable et de ce qui ne l’est pas.

27 L’intimé soutient que la plaignante n’a présenté aucun renseignement qui pourrait mener à une constatation selon laquelle le comité d’évaluation aurait abusé de son pouvoir lorsqu’il a décidé d’établir un point de démarcation afin de restreindre le nombre de candidats à convoquer en entrevue. Rien ne prouve que cette décision a été prise de mauvaise de foi ou en raison du favoritisme personnel.

28 L’intimé affirme que le comité d’évaluation possédait le pouvoir discrétionnaire de gérer le processus de nomination. En raison du nombre de candidats inscrits au processus PM-05, le comité d’évaluation a déterminé qu’il ne convoquerait en entrevue qu’une partie des candidats ayant réussi à l’Exercice 810. Le comité d’évaluation a utilisé une méthode d’évaluation descendante selon laquelle seuls les candidats ayant obtenu une note d’au moins 18/25 auraient la possibilité d’être convoqués en entrevue. Le comité a déterminé qu’il serait suffisant de convoquer 15 candidats en entrevue afin de répondre aux besoins actuels et prévus.

29 Le comité d’évaluation n’était aucunement tenu d’évaluer chaque candidat en fonction de chaque qualification, comme il est indiqué au paragraphe 30(4) de la LEFP, qui permet à l’administrateur général de ne prendre en compte qu’une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite.

30 Les candidats ont été évalués de la même façon, en fonction des mêmes critères de mérite. Le point de démarcation a été appliqué de la même manière pour tous les candidats. Il faut tenir compte de ce facteur pour déterminer s’il y a eu abus de pouvoir.

31 L’intimé déclare que, bien que la plaignante ait obtenu la note de passage pour l’Exercice 810, elle n’a pas obtenu la note minimale correspondant au point de démarcation qui aurait permis à sa candidature de continuer d’être prise en considération dans le cadre du processus de nomination. La décision du comité d’évaluation d’établir un point de démarcation était fondée sur l’information recueillie à l’aide des outils d’évaluation utilisés, les qualifications essentielles et la mesure dans laquelle, selon lui, les candidats satisfaisaient aux critères relatifs à chaque qualification. Cette démarche était raisonnable et appropriée compte tenu de l’information dont le comité d’évaluation disposait.

32 La plaignante n’a pas remis en question les qualifications de la personne nommée, et elle n’a pas affirmé non plus que la nomination avait été entachée de mauvaise foi ou de favoritisme personnel. Par conséquent, en l’espèce, la révocation de la nomination ne serait pas une mesure appropriée.

33 L’intimé affirme que la décision d’exiger que les candidats atteignent le seuil fixé pour l’Exercice 810 afin que l’évaluation de leur candidature se poursuive ne peut pas être considérée comme une erreur, une omission grave ni une conduite irrégulière qui équivaudrait à un abus de pouvoir.

34 La plaignante ne s’est pas acquittée de son obligation énoncée à l’article 77 de la LEFP. La plainte doit donc être rejetée.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

35 La Commission de la fonction publique (la CFP) affirme que, pour qu’un acte posé pendant un processus de nomination constitue un abus de pouvoir, il doit y avoir un élément d’intention comme la mauvaise foi ou le favoritisme personnel.

36 L’intimé a expliqué la décision du comité d’évaluation de limiter l’accès aux entrevues. Selon la CFP, l’article 36 de la LEFP accorde une grande latitude en ce qui concerne la gestion du processus d’évaluation.

D) Réponse de la plaignante À l’ intimé et À la CFP

I) Réponse à l’ intimé

37 En réponse à l’intimé, la plaignante réitère que c’est une négligence délibérée et un abus de pouvoir que d’avoir recours à une forme de présélection visant à réduire le nombre de candidats invités à l’entrevue en se fondant sur tout autre facteur que le non‑respect d’une qualification par un candidat.

38 En outre, l’établissement de points de démarcation dans le but de réduire le nombre de candidats équivaut à « modifier le seuil » et donne à l’employeur le pouvoir de déterminer quelles candidatures peuvent être retenues dans le cadre du processus. Ce résultat ne correspond pas à l’intention énoncée dans l’article 36 de la LEFP. Aucune disposition ne permet à l’employeur de décider quels employés seront évalués en fonction de chaque qualification essentielle. Finalement, une méthode descendante n’est plus appropriée au sens de l’article 36 de la LEFP.

II) Réponse À la CFP

39 Le pouvoir discrétionnaire énoncé à l’article 36 de la LEFP ne permet pas à un comité d’évaluation de créer arbitrairement de nouveaux points de démarcation pendant le processus de nomination. Une telle situation pourrait amener un comité d’évaluation à éliminer sciemment un candidat du processus sans que cette personne ait échoué dans le cadre du processus en question.

Analyse

Question : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a utilisé une méthode descendante à l’étape de l’évaluation des candidats pour réduire davantage le nombre de candidats à convoquer en entrevue?

40 La plaignante ne remet pas en question l’utilisation de l’Exercice 810 comme outil d’évaluation. Elle affirme plutôt que l’utilisation de son résultat à l’Exercice 810 pour éliminer sa candidature de la prochaine étape du processus d’évaluation (c’est‑à‑dire l’entrevue) constituait un abus de pouvoir, car elle avait réussi à l’Exercice 810. Comme sa candidature a été éliminée du processus, elle n’a pas pu faire l’objet d’une évaluation complète par rapport à toutes les qualifications essentielles.

41 Dans de nombreuses décisions, le Tribunal a déclaré qu’il incombait au plaignant de prouver qu’il y avait eu abus de pouvoir, selon la prépondérance des probabilités. La plaignante doit donc démontrer que l’intimé a abusé de son pouvoir en ne se conformant pas au paragraphe 30(2) de la LEFP lorsqu’il a éliminé sa candidature du processus d’évaluation.

42 L’article 30 de la LEFP est ainsi rédigé :

30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

(…)

43 La plaignante a soutenu fermement qu’en utilisant la méthode descendante, le comité d’évaluation avait eu recours au principe du mérite relatif, qui n’est plus reconnu dans la LEFP.

44 Dans la décision Visca c. le Sous-ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024, le Tribunal a déclaré qu’un pouvoir discrétionnaire considérable était accordé pour faire un choix parmi les candidats qui répondent aux qualifications essentielles. Dans cette décision, le Tribunal a indiqué que la pratique consistant à classer les candidats ne devrait pas être favorisée, même si on n’interdit pas aux gestionnaires d’y avoir recours :

[44] (…) De l’avis du Tribunal, cette ancienne pratique consistant à classer les candidats ne devrait pas être favorisée, car elle ne reflète pas l’esprit de la LEFP. Bien sûr, il n’est pas interdit aux gestionnaires de le faire et, d’ailleurs, le classement ne constitue pas en soi un abus de pouvoir. Dans les cas où le classement est utilisé pour la sélection des candidats, le Tribunal se penchera alors sur l’application qu’il en est fait afin de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans le processus de sélection.

45 En outre, également dans la décision Visca, le Tribunal a reconnu que l’utilisation de points de démarcation constituait une méthode d’évaluation valide en vertu de la LEFP :

[43] La pondération des critères de mérite et l’utilisation de points de démarcation en fonction du rendement des candidats représentent des méthodes qui s’inscrivent dans le cadre du vaste pouvoir discrétionnaire accordé aux gestionnaires en vertu de la LEFP (…)

46 Comme il est mentionné plus haut dans le paragraphe 8, la plaignante savait depuis le 10 mars 2006, grâce au courriel l’informant que sa candidature avait été retenue à la présélection, que l’intimé utiliserait une méthode descendante qui pourrait réduire davantage le nombre de candidats. Le courriel indique que le comité d’évaluation utilisera une note de passage de 16/25 pour le poste PM-05. Il indique aussi ce qui suit : « (…) mais nous utiliserons un processus de sélection descendant (…). » [Traduction] Le Tribunal juge que tous les candidats savaient pertinemment qu’il y avait une autre étape avant qu’on les convoque en entrevue, soit l’application d’un point de démarcation dans le cadre de la méthode descendante.

47 Le Tribunal est d’avis que le courriel du 10 mars aurait pu être plus précis et aurait pu fournir de plus amples renseignements sur la méthode descendante. Par exemple, il aurait pu indiquer que la note de passage pour le poste PM-05 ne constituait pas une garantie suffisante pour se rendre au processus d’entrevue. Toutefois, les candidats ont été informés à l’avance que la méthode descendante serait utilisée.

48 Procéder de cette façon peut mener à des allégations d’abus de pouvoir. Il serait moins probable que des plaintes soient présentées si on informait les candidats dès le début des points de démarcation utilisés aux étapes ultérieures du processus d’évaluation. Le processus serait plus transparent, et les plaintes de cette nature pourraient ainsi être évitées.

49 Pour justifier son utilisation de la méthode descendante, l’intimé a expliqué dans un courriel en date du 28 mai 2007 que les résultats de l’Exercice 810 avaient permis d’obtenir suffisamment de candidats dont la note était d’au moins 18/25 pour répondre aux besoins actuels et prévus du ministère. L’intimé a expliqué sa décision d’éliminer sept autres candidats par le fait qu’il y avait 15 candidats à convoquer en entrevue. Selon lui, il n’était pas nécessaire de recevoir en entrevue tous les candidats qui avaient réussi l’Exercice 810.

50 La décision de l’intimé n’était pas fondée sur une préférence, mais plutôt sur des motifs et sur des faits prouvés au Tribunal. Au début, l’intimé a décidé d’utiliser une méthode descendante et a annoncé ses intentions clairement aux candidats. L’intimé n’a indiqué sa préférence pour aucune personne en particulier. Il a pris sa décision pour réduire le nombre de candidats à évaluer aux étapes suivantes. La plaignante n’a pas remis en question ces faits.

51 Bien que la plaignante affirme que la méthode descendante pourrait entraîner l’élimination de certains candidats après la diffusion de leurs résultats, elle n’a fourni aucune preuve à cet effet, ni aucune allégation de favoritisme personnel ou de parti pris à son encontre.

52 La plaignante ne conteste pas la réalisation d’une évaluation en plusieurs étapes, mais elle déclare qu’il est inapproprié de cesser d’évaluer un candidat qui n’a pas échoué à l’évaluation d’une qualification essentielle.

53 Dans la décision Jolin c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0011, le Tribunal a établi que l’évaluation des candidats en vertu de l’article 36 de la LEFP peut être faite en plusieurs étapes :

[88] L’intimé peut procéder à une évaluation en plusieurs étapes. Le fait d’exiger la réussite d’une étape de l’évaluation n’entraîne pas nécessairement un abus de pouvoir. En l’espèce, cette façon de procéder n’a rien d’irrégulier.

54 L’intimé a décidé d’évaluer les candidats par étapes en imposant des notes de passage à obtenir pour passer à l’étape suivante. Après la présélection, la première étape du processus de nomination consistait à réussir à l’Exercice 810 avec une note d’au moins 16/25. La plaignante a passé cette étape.

55 La deuxième étape consistait à appliquer la méthode descendante pour laquelle les candidats devaient obtenir une note d’au moins 18/25. Malheureusement, la plaignante n’a pas été choisie à l’issue de l’exercice descendant en vue d’une évaluation plus poussée.

56 Tous les candidats ont été évalués de la même façon par rapport aux critères de mérite. L’intimé a fourni une explication rationnelle pour justifier l’utilisation de la méthode descendante pour le processus de dotation visé. L’utilisation de points de démarcation fondés sur le rendement des candidats, par exemple pour la méthode descendante, relève du vaste pouvoir discrétionnaire accordé aux gestionnaires aux termes de la LEFP.

57 Par conséquent, le Tribunal juge qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir lorsqu’une méthode descendante a été utilisée à l’étape de l’évaluation des candidats afin de réduire davantage le nombre de candidats à convoquer en entrevue.

Décision

58 Pour les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.

Sonia Gaal

Vice-présidente

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0188
Intitulé de la cause:
Marilyn King et l'administrateur gÉnÉral de Service Canada, au sein du ministère des Ressources humaines et du Développement social et al.
Audience:
Audience sur dossier
Date des motifs:
Le 27 février 2008

Comparutions:

Pour le plaignant:
Brian Richey
Pour l'intimé:
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.