Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’Agence Parcs Canada (Parcs Canada) et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’AFPC ou l’agent négociateur) ont chacune présenté une demande aux termes du paragraphe123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la nouvelle Loi) concernant la même unité de négociation- les parties n’ont pu conclure une entente sur les services essentiels- l’AFPC a soutenu que la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) devait trancher la question de savoir si les services de loisirs étaient des services essentiels aux termes de la Loi- la Commission a consenti à examiner et à trancher d’abord les questions dont elle était saisie dans le contexte d’un parc à titre de cas type- l’audience offrait pour la première fois à la Commission l’occasion d’interpréter et d’appliquer les nouvelles dispositions sur les services essentiels de la nouvelle Loi- les dangers inhérents aux terres gérées par Parcs Canada (glissements et chutes, incendies de forêt, faune, courants et température de l’eau et maladies d’origine hydrique) représentent des risques pour le public- l’employeur a proposé 9postes sur un effectif d’environ 35employés et a demandé à la Commission de statuer que Parcs Canada n’a pas le mandat de fermer un parc national- l’AFPC s’est dite d’accord pour qu’un poste soit compris dans l’entente sur les services essentiels mais a contesté la proposition de l’employeur d’y inclure les huitautres- la Commission a conclu que les changements énoncés dans la nouvelle Loi étaient des modifications de fond et non seulement des modifications de forme par rapport à l’ancienne version- compte tenu de la nature et de la portée des changements, la Commission devait présumer que le Parlement entendait établir une approche considérablement différente de celle du régime de l’ancienne Loi - la Commission a conclu à l’existence d’un lien entre le concept des services essentiels et la possibilité de faire la grève- la première question dont devait décider la Commission relativement à la formulation d’une entente sur les services essentiels était celle de savoir quels services sont essentiels à la sécurité du public dans l’éventualité d’une grève- des décisions clés sur le contenu d’une entente sur les services essentiels doivent être prises en tenant compte des circonstances qui sont présentes ou qui pourraient être présentes pendant une grève et non dans le cours normal des affaires- l'expression anglaise <<at any time>> signifie en tout temps advenant une grève- une demande présentée en vertu du paragraphe 123(1) lance un mécanisme qui, à certains égards, ressemble davantage à une enquête sur les faits qu’à une procédure d’opposition type- la Commission devrait privilégier la prudence en protégeant les intérêts du public en matière de sécurité sans toutefois priver les employés du droit de grève- le fardeau de la preuve principal continue d’incomber à l’employeur- l’employeur doit soumettre des preuves à la Commission pour la persuader de l’existence d’un fondement raisonnable et suffisant lui permettant de conclure qu’un service est essentiel- le paragraphe123(7) soulève une présomption en faveur de la proposition de l’employeur mais ne renverse pas le fardeau de la preuve- le contenu d’une entente sur les services essentiels ne peut être déterminé en l’absence de services essentiels désignés- le fardeau de la preuve principal incombe à l’employeur, qui doit justifier de manière raisonnable et suffisante sa proposition concernant les services essentiels qui devraient être maintenus dans le parc- l’employeur n’avait pas proposé que le soutien fourni pour les services de loisirs constituait un service essentiel- la Commission n’était pas habilitée à ordonner la fermeture d’un parc dans l’éventualité d’une grève- même si l’employeur devait fermer le parc pendant une grève, la preuve a montré que le public pouvait quant même y entrer- par conséquent, la Commission devait décider des services essentiels en tenant compte de ces circonstances- les employés qui se trouvent dans le parc pendant une grève font également partie du <<public>>- la Commission a statué que les services essentiels suivants s’appliquaient en l’espèce: surveiller les dangers d’incendie de forêt, coordonner et réaliser des travaux de recherche et de sauvetage, conduire et entretenir le bateau de recherche et de sauvetage, assurer l’intégrité de l’approvisionnement en eau, veiller à la manipulation et à l’entreposage adéquats des déchets- il incombe à l’employeur de décider du niveau des services essentiels à fournir, et la détermination constitue l’étape suivante du cheminement à faire pour décider du contenu d’une entente sur les services essentiels- la Commission a conclu qu’elle devrait suspendre tout autre examen des demandes pour donner à l’employeur l’occasion de déterminer et d’indiquer explicitement le niveau de service requis sur la base de la définition des services essentiels donnée par la Commission- la détermination par l’employeur du niveau de service devrait être cohérente avec la demande qu’elle a déposée devant la Commission, et les parties devraient alors relancer les négociations pour déterminer si elles peuvent s’entendre sur les types de postes, le nombre de postes et les postes en question devant être désignés dans l’entente sur les services essentiels- la Commission est demeurée saisie de toutes les autres questions qui peuvent être comprises dans l’entente s’il subsiste des questions en litige après les négociations directes entre les parties. Instructions données.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-11-24
  • Dossier:  593-33-09, 593-33-10
  • Référence:  2008 CRTFP 97

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

demanderesse (dossier 593-33-09) et défenderesse (dossier 593-33-10)

et

AGENCE PARCS CANADA

demanderesse (dossier 593-33-09) et défenderesse (dossier 593-33-10)

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada

Affaire concernant des demandes de règlement de questions pouvant figurer dans une entente sur les services essentiels, prévue au paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, vice-président,
et Dan Butler et John Mooney, commissaires

Pour l’Alliance de la Fonction publique du Canada:
Andrew Raven, avocat

Pour l’Agence Parcs Canada :
Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 11 au 14 août 2008.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demandes devant la Commission

1 La présente décision traite de deux demandes relatives à des questions qui peuvent être comprises dans une entente sur les services essentiels (ESE) déposée en vertu du paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, c. 22, art. 2 (la « nouvelle Loi »). Les deux demandes concernent la même unité de négociation dont l’Agence Parcs Canada (« Parcs Canada ») est l’employeur et dont l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) est l’agent négociateur.

2 Le 5 mai 2008, l’agent négociateur a déposé une demande auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), demande dans laquelle il décrivait la décision qu’il demandait à la Commission de prendre de la façon suivante (dossier de la CRTFP 593-33-09) :

[Traduction]

[…]

L’AFPC et l’Agence Parcs Canada (« Parcs Canada ») ont pris part à des consultations et à des négociations au sujet des postes devant être énumérés dans une ESE depuis décembre 2007. Parcs Canada a proposé qu’un total de 1 385 postes soient inclus dans l’ESE, ce qui représente environ 35 % de l’unité de négociation. L’AFPC a rejeté cette position.

L’incapacité de conclure une ESE repose sur un désaccord fondamental relatif aux services essentiels chez Parcs Canada. L’AFPC estime que bon nombre de services, d’installations et d’activités (« services ») de Parcs Canada ne représentent pas des services essentiels aux termes du paragraphe 4(1) de la LRTFP. C’est particulièrement le cas si bon nombre des services se rapportent uniquement à l’usage que fait le public des parcs, des sites et des aires de Parcs Canada à des fins de loisirs. Parcs Canada n’a pas accepté cette position. Tant que cette question fondamentale ne sera pas réglée, elle demeurera un obstacle à la réalisation d’une ESE.

Compte tenu de ce désaccord entre les parties, l’AFPC demande à la Commission de statuer sur cette question importante. Sur la base de sa position, l’AFPC conteste 1 102 des postes identifiés par Parcs Canada comme nécessaires pour la sécurité du public. […]

[…]

3 Le 6 mai 2008, l’employeur a déposé une demande à la Commission dans laquelle il présentait les arguments suivants (dossier de la CRTFP 593-33-10) :

[Traduction]

[…]

Parcs Canada et l’AFPC n’ont pas été en mesure de conclure une ESE à ce jour. La question non résolue sur laquelle doit statuer la CRTFP est la suivante : Parcs Canada a expressément identifié les postes à inclure dans l’ESE. Tous les postes sont d’un type qui est nécessaire pour permettre à Parcs Canada de fournir des services essentiels. Une liste de postes sera envoyée à la CRTFP sous peu.

[…] au moment de la présente demande, aucune entente n’a encore été conclue concernant des postes devant être inclus dans l’ESE. Parcs Canada demande que la CRTFP tranche cette question et établisse que ces postes font partie d’une ESE.

[…]

4 Dans sa demande, l’employeur a également requis que la Commission suspende l’affaire. L’employeur a indiqué avoir déposé sa demande pour respecter le délai applicable qui est prévu dans la nouvelle Loi, mais a fait valoir que les parties devraient disposer de plus de temps pour poursuivre des discussions volontaires à la lumière de [traduction] « […] bons progrès réalisés antérieurement par les parties ».

5 Le 12 mai 2008, l’employeur a présenté à la Commission la liste exhaustive des postes qu’il a proposé d’inclure dans l’ESE, tel qu’il était promis dans sa demande initiale.

6 Le 7 mai 2008, le greffe de la Commission a communiqué aux parties la directive du président selon laquelle, dans les circonstances, elles peuvent présenter leurs arguments par écrit au sujet de l’application du paragraphe 123(2) de la nouvelle Loi. Ce paragraphe est ainsi rédigé :

      (2) La Commission peut attendre, avant de donner suite à la demande, d’être convaincue que l’employeur et l’agent négociateur ont fait tous les efforts raisonnables pour conclure une entente sur les services essentiels.

7 En réponse, l’agent négociateur a fait valoir que la Commission ne devrait pas retarder le traitement des demandes, parce qu’une décision devait être rendue sur la question fondamentale de savoir si les services de loisirs sont des services essentiels avant que des progrès puissent être réalisés dans le cadre d’autres discussions directes. L’employeur a répété qu’il que les deux demandes devraient être suspendues en attendant la tenue d’autres discussions directes et la médiation possible par la Commission.

8 Le 28 mai 2008, le greffe a informé les parties de la décision rendue par la Commission sur l’application du paragraphe 123(2) de la nouvelle Loi comme suit:

[Traduction]

[…]

[…] la Commission a décidé que les parties ont déployé des efforts raisonnables pour conclure une ESE. Plus particulièrement, l’incapacité des parties de s’entendre au sujet d’une question fondamentale – la définition des « services essentiels » en vertu de la LRTFP --  représente un obstacle à la conclusion d’un accord concernant une ESE. Par conséquent, il n’existe pas de motif de retarder le traitement de la demande.

[…]

9 Ce banc de la Commission a été désigné pour entendre et trancher les deux demandes déposées en vertu du paragraphe 123(1) de la nouvelle Loi.

10 À la suite de plusieurs conférences préparatoires à l’audience et d’échanges de correspondance, les parties ont convenu (ce que la Commission a accepté) que la Commission examinerait et trancherait d’abord les questions qui lui ont été soumises dans le contexte de deux unités organisationnelles de Parcs Canada : l’unité de gestion du Yukon et le Parc national Pukaskwa du Canada (« Pukaskwa »). À l’audience, l’employeur a demandé que la Commission restreigne la portée de la première audience à Pukaskwa, ce à quoi l’agent négociateur ne s’est pas opposé. La Commission a accueilli la demande.

11 La première audience sur les deux demandes faites en vertu du paragraphe 123(1) de la nouvelle Loi tiendra lieu de cas type. Orientée par ses conclusions qui se fondent sur la preuve au sujet de Pukaskwa, la Commission prévoit que les parties recommenceront à négocier directement au sujet d’une ESE applicable à toute l’unité de négociation. La Commission demeurera saisie des deux demandes qui lui ont été soumises, au cas où elle serait appelée à rendre d’autres décisions.

12 Deux témoins ont témoigné au nom de l’employeur. L’agent négociateur n’a convoqué aucun témoin.

II. Le cadre législatif

13 La nouvelle Loi, en vigueur depuis le 1er avril 2005, renferme des dispositions sur les services essentiels qui diffèrent de celles de la version précédente de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Loi »). Comme cette décision constitue la première occasion de la Commission d’interpréter et d’appliquer les dispositions sur les services essentiels de la nouvelle Loi, il convient d’établir le contexte de ce qui suit en examinant brièvement plusieurs des caractéristiques principales de la nouvelle Loi.

14 La nouvelle Loi exige comme condition préalable qu’une ESE soit en vigueur pour que les employés exercent leur droit de grève (alinéa 194(1)f)). La nouvelle Loi oblige les parties à négocier une ESE si l’agent négociateur accrédité a opté pour la conciliation avec droit de grève comme mécanisme de règlement d’un conflit de négociation collective conformément à l’article 103. Le rôle de la Commission consiste à trancher les conflits qui portent sur des questions pouvant être comprises dans une ESE qui découlent de ce mécanisme de négociation.

15 Le paragraphe 4(1) de la nouvelle Loi définit les « services essentiels » et une « entente sur les services essentiels » comme suit :

« services essentiels » Services, installations ou activités du gouvernement du Canada qui sont ou seront nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public.

[…]

« entente sur les services essentiels » Entente conclue par l’employeur et l’agent négociateur indiquant

a) les types des postes compris dans l’unité de négociation représentée par l’agent négociateur qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels;

b) le nombre de ces postes qui est nécessaire pour permettre à l’employeur de fournir ces services;

c) les postes en question.

16 La section 8 de la partie 1 de la nouvelle Loi, qui couvre les articles 119 à 134, décrit les droits et les obligations des parties relativement aux services essentiels et le rôle de la Commission pour trancher les conflits sur les questions que peut viser une ESE.

17 L’article 120 de la nouvelle Loi prévoit que l’employeur possède le droit exclusif de fixer le « niveau » auquel les services essentiels doivent être fournis au public. Voici le libellé de cette disposition :

     120. L’employeur a le droit exclusif de fixer le niveau auquel un service essentiel doit être fourni à tout ou partie du public, notamment dans quelle mesure et selon quelle fréquence il doit être fourni. Aucune disposition de la présente section ne peut être interprétée de façon à porter atteinte à ce droit.

18 Si les parties se retrouvent dans une impasse sur une question qui peut faire l’objet d’une ESE, le paragraphe 123(3) de la nouvelle Loi confère à la Commission le pouvoir de régler le conflit comme suit :

       (3) Saisie de la demande, la Commission peut statuer sur toute question en litige pouvant figurer dans l’entente et, par ordonnance, prévoir que :

a) sa décision est réputée faire partie de l’entente;

b) les parties sont réputées avoir conclu une entente sur les services essentiels.

19 La nouvelle Loi exige que la Commission respecte un certain nombre de conditions lorsqu’elle rend une ordonnance en vertu du paragraphe 123(3). Ces conditions sont formulées aux paragraphes 123(4) à (7) de la façon suivante :

     (4) L’ordonnance ne peut obliger l’employeur à modifier le niveau auquel un service essentiel doit être fourni à tout ou partie du public, notamment dans quelle mesure et selon quelle fréquence il doit être fourni.

     (5) Pour le calcul du nombre des postes nécessaires à la fourniture d’un service essentiel, la Commission peut prendre en compte le fait que l’employeur pourra exiger de certains fonctionnaires de l’unité de négociation, lors d’une grève, qu’ils accomplissent leurs fonctions liées à la fourniture d’un service essentiel dans une proportion plus grande qu’à l’habitude.

     (6) Pour l’application du paragraphe (5), le nombre des fonctionnaires de l’unité de négociation nécessaires à la fourniture du service essentiel est calculé

a) compte non tenu de la disponibilité d’autres personnes pour fournir ce service essentiel durant une grève;

b) compte tenu du fait que l’employeur n’est pas obligé de changer le cours normal de ses opérations afin de fournir ce service essentiel pendant une grève, notamment en ce qui concerne les heures normales de travail, la mesure dans laquelle l’employeur a recours aux heures supplémentaires et le matériel que celui-ci utilise dans le cadre de ses opérations.

     (7) Si la demande porte sur un poste en particulier à nommer dans l’entente, la proposition de l’employeur à cet égard l’emporte, sauf si la Commission décide que le poste en question n’est pas du type de ceux qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels.

20 Les articles 124 et 125 de la nouvelle Loi traitent respectivement de la date d’entrée en vigueur et de la durée d’une ESE :

     124.L’entente sur les services essentiels entre en vigueur à la date de sa signature par les parties ou, dans le cas où elle est réputée avoir été conclue en vertu d’une ordonnance prise au titre de l’alinéa 123(3)b), à la date de celle-ci.

     125.L’entente sur les services essentiels demeure en vigueur jusqu’à ce que les parties décident conjointement qu’aucun des fonctionnaires de l’unité de négociation n’occupe un poste nécessaire pour permettre à l’employeur de fournir de tels services.

III. Résumé de la preuve

A. Mandat et politiques de Parcs nationaux du Canada

21 Douglas Stewart, directeur général de Parcs nationaux du Canada, travaille dans le réseau des Parcs nationaux depuis 1977 (pièce E-2). Il a témoigné que Parcs Canada a pour mandat de préserver, de protéger et de présenter des aires naturelles et culturelles qui revêtent une importance nationale. Il a renvoyé la Commission à la Loi sur l’Agence Parcs Canada, L.C. 1998, c. 31 et à la Loi sur les parcs nationaux du Canada, L.C. 2000, c. 32. M. Stewart a déclaré que Parcs Canada, qui gère plus de 275 000 kilomètres carrés de parcs nationaux et de réserves de parcs nationaux, est le gardien le plus important des terres du gouvernement fédéral au sud du Canada et le deuxième plus important au nord du Canada.

22 Le document intitulé Principes directeurs et politiques de gestion de Parcs Canada (pièce E-1, onglet 2) expose la vision, le mandat et les principes de fonctionnement de l’organisation. M. Stewart a affirmé que Parcs Canada fournit des services de base et des services essentiels au public, et a expliqué que ces services [traduction] « […] jettent les bases de la réalisation des loisirs » :

[…]

7. Activités appropriées à l’intention des visiteurs

Les occasions pour mieux comprendre, apprécier, protéger le patrimoine national et en jouir seront offertes au public, grâce à diverses activités reliées à la raison d’être de chacun des parcs et des lieux historiques, et qui ne nuisent pas à cette raison d’être. Les services essentiels et les services de base doivent être fournis, tout en préservant l’intégrité écologique et commémorative, et en tenant compte des effets cumulatifs de ces activités qui vont en augmentant.

[…]

23 M. Stewart a témoigné que les dangers inhérents aux terres gérées par Parcs Canada représentent des risques pour le public. La section citée ci-dessus expose également ce qui suit :

[…]

Il existe certains dangers inhérents qui sont associés à certaines caractéristiques naturelles et culturelles, ainsi qu’aux activités publiques. Parcs Canada élabore donc des programmes de gestion des risques, en collaboration avec d’autres intervenants, pour assurer la sécurité des visiteurs. Des considérations de sécurité publique font partie des processus de planification et de conception. La priorité est accordée à la prévention des accidents, aux programmes d’éducation et d’information qui visent à protéger les visiteurs et ce, de façon à préserver l’intégrité commémorative et écologique des aires patrimoniales. On encourage donc les visiteurs à s’informer sur les risques qui peuvent être liés aux aires du patrimoine, et à faire preuve d’autonomie et de responsabilité à l’égard de leur propre sécurité dans le cadre des activités récréatives et autres qu’ils choisissent d’entreprendre.

[…]

24 La Directive de gestion de la sécurité publique (pièce E-1, onglet 3) oriente le personnel de Parcs Canada en matière de prestation de services de sécurité du public dans les parcs nationaux. Elle définit la « sécurité publique » comme suit au principe directeur 7 :

[…]

[…] un effort coordonné pour assurer aux visiteurs des parcs, des canaux et des lieux une expérience de séjour positive et pour minimiser les risques de blessure ou de perte. La sécurité publique comprend les mesures employées pour réduire les risques d’incidents et protéger les visiteurs contre les dangers, ainsi que des mesures à mettre en œuvre en cas d’incident exigeant une capacité de réponse en situation d’urgence.

[…]

25 M. Stewart a décrit le rôle de Parcs Canada dans le domaine de la sécurité publique comme un rôle à trois volets : la prévention, la surveillance et l’intervention (y compris la recherche et le sauvetage). La Directive de gestion de la sécurité publique énonce, dans la section intitulée Principes directeurs, les responsabilités de Parcs Canada en matière de sécurité publique dans les termes suivants :

[…]

Responsabilités de Parcs Canada :

Prévention

2. L’existence d’un service de recherche et de sauvetage ne constitue pas en soit [sic] une solution à tous les problèmes de sécurité publique. Parcs Canada accordera la priorité aux programmes de prévention et de gestion des risques associés aux visiteurs afin de minimiser la possibilité d’incident sérieux.

3. Parcs Canada donnera préséance à la prévention des blessures attribuables à un défaut de conception ou à l’état précaire de ses installations, en les planifiant, en les exploitant et en les entretenant de façon à éliminer les dangers inhabituels. Lorsqu’il sera impossible de le faire Parcs Canada devra prévenir les usagers des risques encourus et les informer des moyens à prendre pour les éviter.

[…]

5. Parcs Canada réduira les risques de blessures pour les usagers participant à ses programmes en tenant compte de la sécurité publique lors de la planification, de la conception et de la gestion de ces programmes et en mettant l’accent sur cet aspect au moment de leur exécution.

6. Parcs Canada accordera une très grande importance à informer et à conseiller les usagers dans le choix et la planification d’activités récréatives correspondant à leur potentiel physique et technique et à leur capacité à se munir de vivres et d’équipements suffisants.

7. Les usagers seront encouragés à acquérir les aptitudes et l’expérience requises correspondantes à la pratique sécuritaire d’activités de loisir.  

Recherche et sauvetage

8. Parcs Canada fournira des services de recherche et de sauvetage en milieu terrestre ou marin dans les parcs nationaux afin de réduire le nombre de décès, les blessures et les souffrances des personnes qui sont perdues ou en détresse. 

9. Les types et niveaux de services de recherche et de sauvetage varieront d’un parc à l’autre. Dans la mesure du possible, Parcs Canada s’assurera que les usagers comprennent les limites de l’aide qui pourra leur être dispensée en cas d’incident.

10. Prenant pour acquis que les usagers sont jugés autonomes et responsables de leur propre sécurité, les services de recherche et de sauvetage dans chaque parc seront :

a) axés sur les services de base offerts pour les activités récréatives que Parcs Canada encourage en fournissant aux usagers les installations et les programmes décrits dans les directives de gestion provisoires et le plan directeur du parc et les plans de sous-activités et de secteurs connexes;

b) en proportion directe avec le nombre d’usagers et la fréquence d’incidents reliés à la sécurité publique.

[…]

12. Parcs Canada collaborera avec d’autres organismes de recherche et de sauvetage afin de fournir un meilleur service de recherche et de sauvetage dans les parcs et sur les terres et aires marines adjacentes aux parcs.

[…]

Prévention :

Inspection des installations

48. Les installations des parcs seront inspectées régulièrement afin d’identifier tout danger inhabituel. […]

[…]

51. Tous les employés, les bénévoles et les employés de nos partenaires responsables de l’exploitation d’une installation dans un parc procéderont immédiatement à la fermeture de cette installation ou d’une partie de celle-ci s’ils jugent qu’elle n’est pas sécuritaire. Ils devront signaler immédiatement la fermeture des installations au superviseur responsable qui à son tour avisera le gestionnaire chargé de l’entretien et de la réparation de l’installation ainsi que le directeur du parc ou son représentant.

Programmes de détection des dangers

52. Il existe des dangers naturels difficiles à détecter pour les visiteurs en raison de la complexité des facteurs en jeu (par exemple, les risques d’avalanche en arrière-pays, des conditions météorologiques locales inhabituelles, les effets de la marée et des vagues). Lorsque de telles conditions constituent une menace sérieuse à la sécurité des visiteurs et que ces derniers ne peuvent prévoir le danger et se préparer en conséquence, et là où l’achalandage des visiteurs le justifie, Parcs Canada surveillera les dangers naturels et fournira aux visiteurs des renseignements à jour sur la nature et l’ampleur de ces dangers.

[…]

26 Le Règlement général sur les parcs nationaux (DORS/78-213) prévoit que le directeur du parc peut requérir l’inscription obligatoire à toute activité qui, selon lui, peut présenter un danger pour l’usager du parc (paragraphe 6(1)). La Directive de gestion de la sécurité publique prévoit au paragraphe 63 de la section intitulée Programme de détection des dangers qu’un directeur de parc peut mettre sur pied un système d’inscription obligatoire « lorsque cela est possible » et lorsqu’il est nécessaire :

[…]

a) d’informer chaque visiteur à l’avance des dangers naturels qu’il encoure lors d’excursions en arrière-pays et des limites des services de recherche et de sauvetage fournis par le parc;

b) de s’assurer que le personnel du parc possède des informations précises sur les visiteurs et leur itinéraire.

[…]

27 Des programmes d’inscription volontaire sont également en place et sont « […] encouragés dans les parcs où le nombre de visiteurs est élevé et où les points d’accès sont nombreux » (Directive de gestion de la sécurité publique, paragraphe 64).

28 M. Stewart a expliqué que les conditions physiques d’un parc donné évoluent constamment, essentiellement en raison des conditions atmosphériques, et qu’il importe de surveiller ces conditions et de fournir des renseignements aux usagers des parcs. La présence imprévisible d’animaux sauvages dans de nombreux parcs exige que les aliments et les déchets soient protégés. Il existe également un risque d’incendies de forêt.

29 M. Stewart a déclaré que les volets « surveillance » et « intervention » de la sécurité publique sont continus. Il a témoigné que c’est [traduction] « l’affaire de tous » de surveiller et d’évaluer constamment les risques. Les employés de Parcs Canada observent et rectifient les situations. Ils informent les visiteurs des parcs, ce qui leur permet d’éviter des problèmes éventuels. La « prévention » comporte habituellement des services de renseignements aux visiteurs et des services d’interprétation ainsi que les services de gardiens de parc. Les employés du service de renseignements aux visiteurs fournissent à ces derniers de l’information préalablement à une excursion de même que de l’information sur l’évolution des conditions dans le parc. Il leur incombe en outre de surveiller les terrains de camping. Les employés chargés de l’entretien procèdent à des évaluations des installations et apportent des correctifs.

30 En arrière-pays, ce sont généralement les gardiens et les équipes responsables des sentiers qui assurent la surveillance. Ces équipes sont chargées de l’entretien des sentiers, mais elles surveillent également les dangers naturels, dont les animaux sauvages. Le personnel de conservation des ressources surveille les dangers d’incendie.

31 La Directive sur les services d’urgence (pièce E-1, onglet 5) comporte d’autres lignes directrices pour traiter les urgences qui touchent la sécurité publique, telles que de graves catastrophes atmosphériques et des catastrophes d’origine humaine, comme les déversements de pétrole.

32 M. Stewart a également témoigné au sujet de son expérience comme gestionnaire chargé des programmes destinés aux visiteurs au Canal Rideau au cours de la dernière grève de Parcs Canada qui a eu lieu en août 2004. Dans les circonstances particulières de cette grève, au cours de laquelle les employés ont cessé de travailler de façon intermittente, l’usage normal du Canal Rideau a été perturbé et le public a perdu confiance dans la disponibilité des services. L’accès aux toilettes et lavabos, aux épiceries et aux médicaments est devenu problématique pour les plaisanciers pris entre les écluses.

33 M. Stewart s’est dit d’avis que l’employeur disposait de très peu d’outils pour prévenir l’accès du public à un parc national. Il a mentionné la disposition suivante de la Directive de gestion de la sécurité publique (pièce E-1, onglet 3), qui prévoit les seules conditions dans lesquelles un parc pourrait être fermé au public :

62. Conformément aux Règlements généraux sur les parcs nationaux, le directeur de parc devra :

a) interdire les activités récréatives ou les événements particuliers qui, à son avis, pourraient exposer d’autres visiteurs ou des membres des équipes de recherche et de sauvetage du parc à des risques inutiles;

b) fermer temporairement des secteurs du parc ou en limiter l’accès lorsque, à son avis, les lieux représentent un sérieux danger pour les visiteurs.

[…]

34 À titre d’exemple, M. Stewart a mentionné qu’en une occasion, Parcs Canada a ordonné la fermeture d’une boucle de sentier au Parc national Kluane, un grizzli agressif se trouvant dans les environs, sans aucune garantie que le public obtempérerait. Il a indiqué que Parcs Canada est forcé, dans de telles situations, de satisfaire à toutes les exigences de recherche et de sauvetage qui résultent de la situation.

35 En contre-interrogatoire, M. Stewart a témoigné qu’un avis est affiché advenant la fermeture d’un sentier et qu’un gardien ou un autre employé est affecté au point de départ du sentier pour prévenir le public. Des gardiens sont également déployés pour « parcourir » le sentier afin d’informer le public de la nécessité de quitter le secteur. En réponse à des questions au sujet de la fermeture récente du Parc national Auyuittuq au Nunavut (pièce BA-1), M. Stewart a confirmé que des gens ont été évacués du parc et qu’une grande partie du parc était fermée.

36 M. Stewart a résumé le processus convenu par l’agent négociateur et Parcs Canada en matière de consultations et de négociations sur une ESE aux niveaux local et national tel qu’il est décrit dans leur Cadre des ententes sur les services essentiels (pièce E-5, onglet I-4).

B. Pukaskwa

37 Robin Heron est gestionnaire de parc à Pukaskwa depuis 2004 (pièce E-6). Pukaskwa se trouve dans le nord de l’Ontario, le long de la rive du lac Supérieur et à proximité de la ville de Marathon. Ce parc, d’une superficie de 1 878 kilomètres carrés (pièce E-1, onglet 1), est le plus grand parc national en Ontario, et compte un effectif d’environ 35 employés, dont le personnel exclu de l’unité de négociation. Pukaskwa est essentiellement un parc à l’état naturel, qui comprend un petit camping à l’extrémité nord et seulement environ deux kilomètres de voies publiques (pièce E-7). Les visiteurs du parc utilisent surtout le sentier de randonnée pédestre côtier de 60 kilomètres (une excursion de randonnée pédestre de cinq à dix jours) ou la voie de canotage ou de kayak côtière (une excursion en canot d’environ cinq jours) ou le canot sur la rivière White. D’autres usagers accèdent au parc par des chemins forestiers à la frontière de l’arrière-pays du parc.

38 Les animaux sauvages dans le parc comprennent des ours noirs, des lynxs et des orignaux. Les incendies de forêt qui surviennent périodiquement sont un phénomène naturel pour l’écosystème du parc. Pukaskwa dispose d’un programme de lutte active contre les incendies qui comprend des volets de surveillance des incendies de forêt et de réalisation de brûlage dirigé.

39 Les membres de deux Premières nations proches possèdent un droit d’accès au parc, y compris le droit d’exercer des droits issus de traités (chasse, pêche et piégeage) à l’intérieur du parc.

40 En 2007, Pukaskwa a dénombré 7 773 visites enregistrées. Le taux de présence des dix dernières années a varié de 6 645 visites, à son plus bas, à un maximum de 11 083 visites (pièce E-8, onglet 1). L’enregistrement volontaire des visiteurs du parc constitue la pratique en place à Pukaskwa, mais il arrive que des visites ne soient pas enregistrées en raison du nombre de points d’accès au parc. Le seul kiosque d’entrée se trouve au nord du parc. Les visiteurs qui y entrent après les heures d’exploitation peuvent négliger de s’enregistrer. Lorsque les visiteurs accèdent au parc par d’autres points, dont la rive du lac Supérieur, on leur demande de s’enregistrer par téléphone, mais ce ne sont pas tous les visiteurs qui le font. Le titulaire du poste de préposé aux services aux visiteurs (poste no 4669) est chargé de s’assurer que tous les visiteurs du parc possèdent les renseignements de sécurité nécessaires et d’orienter les usagers enregistrés, en particulier ceux qui sont enregistrés pour visiter l’arrière-pays.

41 Tous les parcs nationaux doivent élaborer un plan de gestion des risques pour les visiteurs. Le plan de gestion des risques pour Pukaskwa a été élaboré en 1998 (pièce E-8, onglet 2). Mme Heron a témoigné qu’il ne s’était produit aucun changement dans les dangers présents dans le parc depuis l’élaboration du plan. Le plan identifie quatre types d’usagers du parc : les campeurs, les usagers de jour, les aventuriers du milieu sauvage de l’arrière-pays, ainsi que les groupes organisés. Pour la période de 1989 à 1996, 86 % des visiteurs étaient des campeurs ou des usagers de jour et seulement 14 % utilisaient l’arrière-pays (pièce E-8, onglet 2). Mme Heron a indiqué que les usagers du parc font face à plusieurs risques : glissements et chutes sur un terrain inégal, courants et température de l’eau du lac Supérieur, ours noirs (dans l’arrière-pays), incendies de forêt, et maladies d’origine hydrique dans le système d’approvisionnement en eau du terrain de camping et dans l’édifice administratif.

42 Mme Heron a témoigné que le programme de prévention des risques à Pukaskwa cherche à sensibiliser les visiteurs aux principaux dangers présents dans le parc, dont les rencontres avec des ours noirs. Les visiteurs reçoivent également des conseils au sujet des feux de camp. Le parc a un programme de surveillance afin d’enregistrer les incidents de sécurité qui surviennent.

43 D’après Mme Heron, le spécialiste en conservation des ressources (poste no 4676) recueille des données de stations météorologiques dans le parc et interprète ces données pour identifier les secteurs qui présentent de grands risques d’incendie. Il patrouille également le parc par voie aérienne, en ayant surtout recours à un service d’hélicoptère fourni par un entrepreneur du secteur privé, et détermine s’il doit continuer à laisser brûler les feux de forêt ou les éteindre. Le 2007 Fire Management Plan Pukaskwa National Park (pièce E-8, onglet 3) décrit le rôle important des incendies dans l’écosystème du parc. Après des décennies d’extinction des incendies, le Plan exige le rétablissement d’un [traduction] « régime des feux d’origine naturelle » tout en notant que la probabilité d’incendies incontrôlables à forte intensité a augmenté.

44 Les objectifs en matière de protection contre les incendies énoncés dans le plan incluent la protection des visiteurs du parc, des installations du parc et des terres environnantes. La prévention des incendies repose sur l’éducation et la sensibilisation du public, y compris des sessions d’orientation dans l’arrière-pays, de même que sur l’écriteau de danger d’incendie à l’entrée du parc, qui est modifié quotidiennement. La prévention repose également sur l’application des lois par le recours à des patrouilles au cours des périodes de danger accru d’incendies et sur l’application de la Loi sur la prévention des incendies de forêt de l’Ontario par les employés chargés de la conservation des ressources. Mme Heron a témoigné que des « patrouilles des incendies » sont effectuées soit par le spécialiste de la conservation des ressources ou par des membres de l’équipe de lutte contre les incendies. Les sites d’incendies possibles sont rapportés au spécialiste en conservation de ressources, qui décide alors de la façon de procéder. Il y a trois postes saisonniers au sein de l’équipe de lutte contre les incendies à Pukaskwa et le parc peut avoir accès à d’autres ressources de Parcs Canada, au besoin. Les fonctions liées aux incendies sont également inscrites dans les descriptions de travail des gardiens du parc.

45 Parcs Canada a conclu une entente avec le ministère des Ressources naturelles de l’Ontario en matière de partage concerté de données et de protection conjointe contre les incendies (pièce E-8, onglet 4). L’entente établit une superficie commune de détection et d’extinction des incendies à l’intérieur de cinq kilomètres de chaque côté de la frontière du parc, ce qui crée une « zone de collaboration » de dix kilomètres.

46 L’employeur a proposé que le poste de spécialiste en conservation des ressources (no 4676) soit inclus dans l’ESE. Dans la justification écrite fournie par Mme Heron au cours de ses discussions locales au sujet de l’ESE (pièce E-5, onglet 1-F), Mme Heron décrit la responsabilité rattachée au poste en matière d’activités d’extinction d’incendies à proximité des installations des visiteurs et sa responsabilité de [traduction] « […] détection des incendies, de mesure des indices d’incendies pour se préparer aux incendies de forêt ». L’employeur n’a pas proposé l’inclusion dans l’ESE de postes de l’équipe de lutte contre les incendies.

47 Le Bear Management Plan de Pukaskwa a été révisé en février 2008 (pièce E-8, onglet 5). Le plan mentionne que les conflits entre l’être humain et l’ours sont devenus une source de [traduction] « préoccupation grave » à la page 5 :

[Traduction]

[…]

En tant qu’omnivores opportunistes, les ours sont souvent attirés par des sources d’alimentation qui ne sont pas naturelles, et deviennent conditionnés aux aliments consommés par les humains et aux déchets qui se trouvent sur les terrains de camping et dans les aires résidentielles. Ces ours peuvent également cesser de chercher à éviter naturellement les gens et constituer une menace pour la sécurité du public.

[…]

48 Le plan prévoit que la participation et la collaboration de tous les employés du parc sont nécessaires pour que la gestion des ours soit réussie, quoique la responsabilité principale de la gestion globale des ours relève du titulaire du poste de gardien de parc II (poste no 4647). L’employeur a proposé que ce poste soit inclus dans l’ESE.

49 Le Bear Management Plan expose en détails les rôles et les responsabilités des employés qui prennent part à la gestion des ours. Le gardien chargé de la gestion des ours est responsable de la supervision et de la coordination de toutes les opérations sur le terrain et des décisions en matière de gestion des ours. Le gardien formule également des recommandations à l’intention du gestionnaire de la conservation des ressources sur un certain nombre de questions, notamment des recommandations portant sur des décisions quotidiennes de gestion des ours comme la capture, la libération et la destruction et sur des avis d’affichage. Le gardien fait également des recommandations au directeur de parc sur la fermeture temporaire d’un secteur ou d’un sentier, après avoir consulté l’écologiste du parc et le gestionnaire de la conservation des ressources. Il s’assure que les avis de fermeture et de mise en garde sont affichés et enlevés et que les pièges sont vérifiés et entretenus au besoin.

50 D’autres gardiens de parc se voient également confier des rôles et des responsabilités dans le cadre du Bear Management Plan. Un gardien peut faire office de gardien de service et consultera le superviseur sur toutes les questions et les événements liés aux ours en l’absence du gardien chargé de la gestion des ours. Les gardiens peuvent également aider le gardien chargé de la gestion des ours à capturer, à immobiliser et répartir les ours au besoin. Les gardiens sont chargés de mener des patrouilles dans tout le parc pour repérer les lacunes en ce qui a trait à l’entreposage des aliments et des déchets. Tous les gardiens reçoivent et consignent les rapports de rencontres du public avec des ours. Tous les gardiens transmettent également des renseignements aux membres du public et au personnel des parcs sur les questions qui touchent la gestion des ours. Les employés affectés aux services aux visiteurs fournissent des renseignements exacts au public sur les ours et la gestion des ours, reçoivent et consignent les rapports de rencontres avec des ours et informent sur-le-champ le gardien de service des rencontres d’ours qui ont été signalées. Les employés affectés aux terrains de camping et aux sentiers sont chargés de disposer des déchets, de nettoyer des sites dans les terrains de camping et le long des sentiers du parc et de ramasser les ordures. Ils ont en outre la responsabilité de recevoir et de consigner les rapports de rencontres avec des ours reçus du public.

51 L’employeur a proposé que les deux postes d’employés de l’entretien II (pièce E-5, onglets 1-A et 1-B) soient inclus dans l’ESE. Il justifiait cette inclusion de la façon suivante :

[Traduction]

[…]

Le titulaire de ce poste veille à ce que les sites de camping et les aires de fréquentation diurne demeurent propres et exempts de déchets (pour empêcher les maladies et les conflits entre les ours et les humains). Le titulaire de ce poste veille également à l’entretien des structures et des installations pour empêcher que des membres du public se blessent.

[…]

[…] En raison du nombre d’aires de camping et de la distance géographique entre chacune, deux postes d’employés affectés à l’entretien  […] sont nécessaires […]

[…]

52 L’employeur a également proposé l’inclusion de trois postes dans l’ESE aux fins de la surveillance et de la gestion qualitative des eaux. Mme Heron a témoigné qu’il y a deux points d’eau aménagés dans le parc. Le premier se trouve à l’aire de camping et puise son eau du lac Supérieur de mai à la fin de septembre. Le deuxième est un puits utilisé pour l’édifice de l’administration et pour les usagers du parc au cours des mois d’hiver. Mme Heron a déclaré que les deux sources d’eau présentent un risque de maladies d’origine hydrique et que la qualité de l’eau fait l’objet d’une surveillance et de tests réguliers. Elle a témoigné qu’il a fallu fermer les sources d’eau en raison de préoccupations en matière de santé publique au moins une fois l’an, et parfois plus souvent. Les lignes directrices fédérales et la réglementation de l’Ontario exigent que les opérateurs de traitement des eaux, d’assainissement et de distribution de l’eau possèdent une formation et un permis en bonne et due forme. Le titulaire du poste d’opérateur chargé du traitement et de l’assainissement des eaux (poste no 10545; pièce E-5, onglet 1-I) est responsable de surveiller les eaux et les installations des égouts et de recueillir des échantillons pour effectuer des analyses. Le titulaire du poste d’employé de l’entretien II (no 9315) a une formation de base pour recueillir des échantillons d’eau. Le contremaître des sentiers et des terrains (poste no 4664; pièce E-5, onglet 1-G) est chargé d’utiliser le camion d’assainissement des eaux. L’employeur a proposé que tous ces postes soient inclus dans l’ESE.

53 Le personnel du parc doit répondre aux urgences qui surviennent dans l’arrière-pays par voie maritime ou par hélicoptère. Le bateau principal dont se sert Pukaskwa pour réaliser des sauvetages est gros en raison des fortes vagues sur le lac Supérieur et est muni d’une cabine chauffée en raison du risque d’hypothermie pour les visiteurs tirés du lac Supérieur. Les titulaires de deux postes possèdent les compétences nécessaires pour opérer le bateau : le gardien de parc II (no de poste 9927) et le contremaître des sentiers et des terrains (no de poste 4664). Ce dernier exerce des fonctions directement liées à l’opération, à l’exploitation et à l’entretien du bateau et de l’équipement connexe (pièce E-5, onglet 1-G).

54 Les incidents en matière de sécurité du public à Pukaskwa sont traités à l’aide du Système de commandement des interventions. La Directive de gestion des services d’urgence de Parcs Canada (pièce E-1, onglet 5) énonce les rôles et les responsabilités de chacun en situation d’urgence. Le commandant des opérations de l’incident prend charge des activités qui se déroulent sur le terrain au cours d’une situation d’urgence et à ce titre, il a la responsabilité d’évaluer la situation, de tenir les premières séances d’information, de faire appliquer le plan de services d’urgence, de coordonner les activités du personnel et de gérer les opérations se rapportant à l’incident (pièce E-1, onglet 5, paragraphe 24). Le titulaire du poste de gardien de parc II (no de poste 9927) est formé pour agir comme commandant des opérations se rapportant à l’incident.

55 Mme Heron a affirmé que lorsque des employés, qui sont généralement des gardiens de parc, se déplacent dans l’arrière-pays pour une mission de recherche et sauvetage, ils se déplacent toujours en duo pour des motifs de sécurité. Ainsi, trois postes de gardien de parc ont été identifiés par l’employeur comme postes requis en situation d’urgence : le commandant des opérations se rapportant à l’incident et deux gardiens qui interviennent.

56 Mme Heron a mentionné l’examen des interventions pour assurer la sécurité du public faites entre 1989 et 1996 dans le Visitor Risk Management Plan (pièce E-8, onglet 2) et a décrit des exemples récents d’incidents liés à la sécurité survenus à Pukaskwa (pièce E-8, onglet 7).

57 L’employeur et l’agent négociateur ont signé un Cadre des ententes sur les services essentiels (pièce E-5, onglet 4) le 4 juin 2007. L’entente énonce les rôles et les responsabilités de l’employeur et de l’agent négociateur aux échelons local et national. L’entente prévoit que l’approbation finale d’une ESE est faite par l’employeur et l’agent négociateur à l’échelon national (section 5.1). L’entente énonce également la procédure d’avis une fois signée l’ESE.

IV. Résumé de l’argumentation

58 Tant l’employeur que l’agent négociateur ont soumis des résumés écrits de leurs arguments et ont présenté des arguments de vive voix.

A. Pour l’employeur

59 L’employeur prétend que la Commission doit décider si les postes qui suivent à Pukaskwa satisfont aux exigences énoncées au paragraphe 4(1) de la nouvelle Loi et si ces postes devraient par conséquent être inclus dans une ESE : deux postes d’employés de l’entretien II, trois postes de gardien II, un poste de spécialiste de la conservation des ressources, un poste de contremaître des sentiers et des terrains, un poste de préposé aux services aux visiteurs et un poste d’opérateur chargé du traitement et de l’assainissement des eaux (pièce E-5, onglets 1-A à 1-I). L’employeur soutient que tous les postes sont nécessaires pour la sécurité du public et qu’ils forment ensemble une « masse critique » de postes pour Pukaskwa. Bien que les titulaires de ces postes exercent des fonctions de soutien des usagers qui font une utilisation récréative des installations du parc, ce fait n’est pas pertinent dans le cadre de l’enquête devant la Commission.

60 L’employeur a expliqué que Parcs Canada a le mandat législatif de protéger et de présenter le patrimoine national et culturel du Canada et de préserver l’intégrité écologique et commémorative des sites sous son contrôle pour les générations actuelles et futures.

61 Parcs Canada a des obligations législatives exhaustives en matière de sécurité en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et de ses règlements d’application.Ces textes législatifs comprennent un code législatif complet et exhaustif sur les parcs, les réserves et les sites historiques. Ils confèrent à Parcs Canada toute une gamme de pouvoirs et de responsabilités sur des questions aussi diversifiées que les animaux sauvages et le contrôle des animaux domestiques, la manipulation des déchets, l’entretien des aires de camping, les systèmes d’eau et d’égouts, les activités commerciales, la pêche sportive et commerciale, ainsi que la protection contre les incendies.

62 Les caractéristiques géophysiques et biophysiques des terres qui sont sous la garde de Parcs Canada présentent des risques et des dangers inhérents pour la sécurité du public. Comme l’a expliqué M. Stewart dans son témoignage, de nombreux risques et dangers sont naturels, mais certains sont déclenchés par l’activité humaine. Ils sont dynamiques et ils évoluent. Pour protéger le public contre ces risques et ces dangers, Parcs Canada a élaboré et mis en œuvre une stratégie de gestion de la sécurité du public qui comporte trois éléments principaux : la prévention, la surveillance et l’intervention (dont la recherche et le sauvetage) (pièce E-1, onglet 3). Les postes dont l’employeur a proposé l’inclusion dans l’ESE appuient ces activités.

63 L’employeur a fait valoir que le Parlement a déterminé qu’il est dans l’intérêt national de fournir aux Canadiens une occasion de profiter des lieux spéciaux au Canada. Les parcs nationaux sont destinés aux gens du Canada afin qu’ils en profitent. Parcs Canada offre la plateforme par laquelle le public peut exercer son droit de prendre part à des activités culturelles, récréatives, formatives et autres dans des parcs naturels. En règle générale, sous réserve des interdictions prévues par les lois, Parcs Canada ne peut nuire à l’accès du public à ces secteurs ni à l’utilisation qu’il en fait. En ce sens, l’employeur a fait valoir qu’il n’est pas pertinent d’affirmer qu’il n’est pas essentiel de visiter Pukaskwa. Le Parlement a décidé que les gens sont libres d’aller au parc lorsqu’ils le veulent. En tant que gardien de Pukaskwa, Parcs Canada doit veiller à ce que les gens y soient en sécurité.

64 L’employeur a soutenu que les lois qui s’appliquent à Parcs Canada ne lui donnent pas le mandat de fermer un parc national. Un directeur de parc peut seulement « […] fermer temporairement des secteurs du parc ou en limiter l’accès lorsque, à son avis, les lieux représentent un sérieux danger pour les visiteurs » (pièce E-1, onglet 3). L’avocate de l’employeur a demandé que la Commission décide que Parcs Canada ne peut nuire à l’accès du public à Pukaskwa ni à l’utilisation qu’en fait le public.

65 L’employeur a également demandé à la Commission de conclure que dans les faits, il est impossible de fermer Pukaskwa en raison des nombreux points d’accès non contrôlés qui sont accessibles aux visiteurs le long de la côte et par les chemins forestiers de l’arrière-pays, comme l’a établi clairement le témoignage de Mme Heron. De plus, elle a déclaré que les traités des peuples autochtones confèrent aux membres des Premières nations un droit d’accès au parc qui doit être observé.

66 L’employeur a souligné que l’alinéa 121(2)a) de la nouvelle Loi précise que pour fixer le nombre de fonctionnaires de l’unité de négociation qui sont nécessaires à la fourniture de services essentiels, la Commission ne doit pas tenir compte de la disponibilité d’autres personnes pour fournir les services essentiels. Par exemple, la Commission ne devrait pas se demander si un gestionnaire plutôt qu’un préposé aux services aux visiteurs pourrait fournir aux visiteurs des renseignements en matière de sécurité. L’alinéa 121(2)a) est ainsi rédigé :

      121. (2) Pour l’application du paragraphe (1), le nombre de fonctionnaires de l’unité de négociation nécessaires à la fourniture d’un service essentiel est calculé :

a) compte non tenu de la disponibilité d’autres personnes pour fournir ce service essentiel durant une grève;

67 D’après l’employeur, les demandes présentées à la Commission soulèvent cinq questions principales. Premièrement, l’employeur est-il tenu par la loi de mettre fin à ses opérations en cas d’arrêt de travail? L’employeur soutient que la loi et la jurisprudence qui s’appliquent révèlent que l’employeur n’est pas tenu de le faire. La nouvelle Loi a pour objet d’assurer la poursuite des opérations en cas de grève.

68 Deuxièmement, pour ce qui est de la sécurité du public, les opérations de Parcs Canada suscite-t-elle des préoccupations? L’employeur prétend que Parcs Canada a le mandat d’assurer la sécurité du public en vertu de son mandat de garde des terres, tel qu’il est expliqué précédemment.

69 Troisièmement, les préoccupations en matière de sécurité du public peuvent-elles être réglées par la fermeture de secteurs, d’infrastructures et d’installationsse trouvant dans un parc national? L’employeur soutient que non.

70 Quatrièmement, dans quelle mesure, le cas échéant, le Cadre des ententes sur les services essentiels des parties (pièce E-5, onglet I-4) est-il pertinent à l’enquête de la Commission? De l’avis de l’employeur, le Cadre des ententes sur les services essentiels n’est pas pertinent et la Commission n’a pas compétence sur lui. La négociation du Cadre des ententes sur les services essentiels s’est produite dans le contexte d’efforts déployés vainement par les parties pour conclure une ESE. Les formulaires d’examen des services essentiels (pièce E-5, onglet 1-A à 1-I) ont découlé de cet effort et ont servi d’outils de collecte de renseignements. Les justifications fournies dans ces formulaires s’appliquent de façon pertinente à cette demande. Toutefois, la Commission n’est pas liée par ces justifications et doit prendre sa décision en fonction de l’ensemble de la preuve présentée à l’audience.

71 Cinquièmement, quelle partie a le fardeau de la preuve et quelle est la norme de preuve adéquate? L’employeur soutient que la demande devant la Commission n’est pas de nature contradictoire. Comme la Commission doit statuer sur des questions concernant la « sécurité du public », les notions de fardeau et de norme de preuve ne sont pas utiles dans le cadre de son enquête. Relativement à la question du fardeau de la preuve, l’employeur a ajouté qu’en règle générale, le fardeau de la preuve repose surtout sur la partie qui allègue une prétention, mais que l’application du principe n’est pas automatique et fait souvent l’objet de changements selon les circonstances (Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e éd., 3:2400 et 3:2500). Dans ces demandes, l’employeur accepte qu’il a le fardeau initial de prouver que les postes dont l’inclusion dans l’ESE est proposée comportent des fonctions qui sont « […] nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public ». Compte tenu du cadre législatif et tout particulièrement du paragraphe 123(7) de la nouvelle Loi et des principes établis par la jurisprudence, la norme de preuve devrait être une norme de déférence. L’employeur s’est acquitté de son fardeau initial lorsqu’il a fourni suffisamment de preuves que les fonctions rattachées aux postes dont l’inclusion était proposée dans l’ESE ont trait à la sécurité du public. Il incombe alors désormais à l’agent négociateur de prouver pourquoi ces postes ne sont pas essentiels pour la sécurité du public. En ce qui a trait aux postes particuliers dont l’inclusion est proposée dans l’ESE, le paragraphe 123(7) prévoit que la proposition de l’employeur relativement à un poste précis prévaut « […] sauf si la Commission décide que le poste en question n’est pas du type de ceux qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels. » Cette disposition est logique, car c’est l’employeur qui possède les connaissances requises pour prendre une telle décision. L’employeur n’est pas tenu de prouver le fondement de ses propositions selon la prépondérance des probabilités.

72 L’employeur a fait valoir que la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), c. I-21, devrait orienter la Commission dans son interprétation des dispositions de la nouvelle Loi. L’article 10 de la Loi d’interprétation prévoit que les dispositions d’une loi doivent être interprétées selon leur sens et leur objet. De nombreuses décisions appuient cette proposition. Par exemple, la Cour suprême du Canada a statué dans Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex,2002 CSC 42, au paragraphe 26, qu’il faut donner aux termes d’une loi le sens ordinaire qui s’harmoniseavec l’esprit de la loi et l’intention du législateur. La Commission devrait adopter une approche interprétative des dispositions de la nouvelle Loi qui reconnaît et reflète l’intention du législateur et qui s’harmonise avec le régime législatif énoncé dans la nouvelle Loi en ce qui a trait aux services essentiels.

73 L’employeur a déclaré qu’il est bien accepté que l’historique législatif d’une loi constitue un contexte pertinent et utile pour vérifier la nature de l’intention du législateur. La Cour suprême du Canada a reconnu dans plusieurs décisions que l’examen de l’historique législatif d’une loi représente un exercice valide et adéquat. Par exemple, voir Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., [1998] 1 R.C.S. 27, aux paragraphes 31 à 35. Dans Castillo c. Castillo, 2005 CSC 83, au paragraphe 22, la Cour suprême du Canada a répété que l’on peut tenir compte des débats parlementaires et d’autres documents semblables dans l’interprétation législative, pourvu qu’ils soient pertinents et fiables et qu’on ne leur donne pas plus de poids qu’ils n’en méritent.

74 Lucienne Robillard, la ministre ayant parrainé le projet de loi C-25, dans lequel la nouvelle Loi a été proposée, avec d’autres lois, a formulé des réflexions utiles pendant le débat en deuxième lecture sur l’intention du législateur qui sous-tend l’approche de la nouvelle Loi à l’égard des services essentiels :

[…]

En cas de conflit de travail ou de grève des employés de la fonction publique, les Canadiens veulent avoir l’assurance qu’ils pourront compter sur le gouvernement pour les programmes et les services dont ils ont besoin.

Le projet de loi prévoit des mesures qui garantissent le maintien des services essentiels pendant une grève. Le gouvernement aura le droit d’établir le niveau des services essentiels requis pour assurer la sécurité du public.

Toutefois, conformément à la nouvelle entente de partenariat, le gouvernement et les agents négociateurs détermineront ensemble le nombre de postes qui seront nécessaires pour assurer la prestation de ces services.

[…]

[Débats de la Chambre des communes : compte rendu officiel (hansard), le vendredi 14 février 2003]

75 Comparaissant devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires auquel le projet de loi C-25 a été renvoyé, Nycole Turmel, présidente nationale de l’agent négociateur, a affirmé ce qui suit :

[…]

Les dispositions sur les services essentiels de la nouvelle loi en étendent la portée et donnent à l’employeur le droit exclusif de fixer le niveau auquel les services essentiels doivent être fournis, notamment dans quelle mesure et selon quelle fréquence ils seront fournis.

[…]

De plus, la Commission des relations de travail dans la fonction publique ne peut prendre en compte le fait que des gestionnaires disponibles et compétents pourraient offrir les services essentiels ni exiger de l'employeur qu'il modifie les heures normales de travail ou qu'il ait recours aux heures supplémentaires pour faciliter les services essentiels.

[…]

Nous savons qu'une disposition quelconque sur les services essentiels est inévitable. […]

[…]

[Témoignage de Nycole Turmel, 37e Parlement, 2e session, Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, 25 mars 2003]

76 Michel LeFrançois, avocat général du Groupe de travail sur la modernisation des ressources humaines, l’organisme qui a élaboré le projet de loi C-25, a tenu les propos suivants devant ce même Comité :

[…]

[…] il faut faire attention de distinguer entre le niveau de service et ce qui est un service essentiel. En l'absence d'entente entre le syndicat et l'employeur, il appartient à la Commission des relations de travail dans la fonction publique de décider ce qui est un service essentiel. Une fois que cette question est tranchée, c'est du ressort exclusif de l'employeur de décider du niveau de service.

[…]

[Témoignage de Michel LeFrançois, 37e Parlement, 2e session, Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, 7 mai 2003]

77 L’employeur soutient que les effets de l’ancienne Loi et de la nouvelle Loi sur les « services essentiels » sont essentiellement les mêmes. Une partie de la nomenclature a été modifiée, mais le critère consiste encore à établir si les fonctions rattachées à un poste sont nécessaires pour la sécurité actuelle et future du public.Comme le libellé utilisé pour définir les « services essentiels » est identique dans les deux Lois, les principes établis dans les décisions de jurisprudence rendues en vertu de l’ancienne Loi continuent de s’appliquer, proposition que soutient Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2008 CRTFP 55.

78 L’employeur a fait valoir que les principes suivants de la jurisprudence rendue en vertu de l’ancienne Loi demeurent pertinents et doivent être pris en compte pour trancher les questions qui font l’objet des demandes soumises à la Commission :

  • Ce sont les postes qui sont désignés comme essentiels, et non les employés.
  • Il suffit que les fonctions puissent avoir un impact sur la sécurité du public si elles ne sont pas exercées pour qu’elles soient essentielles : La Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 c. Canada (Conseil du Trésor) (Unité de négociation de l’électronique – Catégorie technique), dossier de la CRTFP 181-02-16 (19720221). Les postes identifiés par l’employeur pour inclusion dans l’ESE laissent entrevoir des dangers futurs possibles. À titre d’exemple, le poste no 9927, soit celui de gardien de parc II (pièce E-5, onglet 1-E), devrait être désigné dans l’ESE parce que le sommaire des fonctions rattachées à ce poste indique que son titulaire doit répondre aux urgences en conduisant un navire. Autre exemple, le poste d’opérateur chargé du traitement et de l’assainissement des eaux (pièce E-5, onglet 1-I) est nécessaire pour assurer l’entretien des deux systèmes de traitement des eaux du parc pour la sécurité du personnel, même en l’absence de visiteurs dans le parc.
  • La Commission doit privilégier la prudence lorsqu’elle doit établir les conditions qui pourraient survenir dans le cadre d’une grève qui pourrait mettre en péril la sécurité du public : Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de la radiotélégraphie, catégorie technique), dossier de la CRTFP 181-02-99 (19790601).
  • Les fonctions ne doivent pas avoir un impact immédiat sur la sécurité du public. Les répercussions peuvent parfois se manifester dans l’avenir : La Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 c. Canada (Conseil du Trésor) (Unité de négociation de l’électronique – Catégorie technique).
  • Le mot « public » devrait être interprété largement et englober l’ensemble des gens, dont les fonctionnaires : Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Groupe du chauffage, de la force motrice et de l’opération de machines fixes), dossier de la CRTFP 181-02-173 (19850221). En l’espèce, le mot « public » devrait inclure les employés du parc ainsi que les invités et visiteurs imprévus.
  • Les pertes ou les dommages matériels sont visés par le concept de la sécurité du public : Le Groupe CSL Inc. c. Canada, [1997] 2 C.F. 575 (C.F.), qui a été confirmé par Le Groupe CSL  Inc. c. Canada, [1998] 4 C.F. 140 (C.A.F.). Dans le cas de Parcs Canada, s’il survient un accident au cours d’une grève, l’employeur pourrait être tenu responsable des dommages résultant de l’accident.

79 Dans La Reine c. Association canadienne du contrôle du trafic aérien, [1982] 2 C.F. 475, la Cour d’appel fédérale a établi un autre principe important en vertu de l’ancienne Loi, c’est-à-dire que les fonctions des employés dont la désignation est proposée ne devraient pas être analysées dans le contexte d’une grève. La Cour d’appel fédérale a conclu que la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») était habilitée à désigner des employés sur la base de leurs fonctions seulement au moment de la désignation. L’employeur a attiré l’attention de la Commission sur les extraits suivants de la décision :

[…]

       De plus, il est clair à mon avis que l’article 79 n’autorise la Commission à désigner des employés ou des catégories d’employés qu’en fonction des tâches qu’ils accomplissent au moment de la désignation. La nature de ces tâches à ce moment précis est, par conséquent, le seul facteur dont peut tenir compte la Commission dans l’exercice des fonctions qui lui sont attribuées par l’article 79. La Commission doit désigner tous les employés « dont les fonctions sont, en tout ou en partie, des fonctions dont l’exercice … est ou sera nécessaire dans l’intérêt de la sûreté ou de la sécurité du public » même s’il n’est pas nécessaire qu’ils soient tous présents au travail pour assurer la bonne marche des activités. Il s’ensuit que la Commission ne peut pratiquer de distinction illicite entre des employés exerçant des fonctions semblables en ne désignant que quelques-uns d’entre eux. En outre, la Commission ne peut désigner un employé en se fondant sur les fonctions qu’il devrait, à son avis, être tenu de remplir advenant une grève. Elle ne dispose pas non plus, aux termes de l’article 79, du pouvoir de fixer, comme elle l’a fait en l’espèce, le nombre d’employés qui devraient être tenus de rester à leur poste en cas de grève pour assurer les services minimums nécessaires à la sûreté du public. L’article 79 ne fait qu’autoriser la Commission à déterminer quels sont les employés ou les classes d’employés qui, au moment où elle prend sa décision, occupent des fonctions correspondant à celles décrites audit article. La loi est claire à cet égard et point n’est besoin de l’interpréter.

[…]

19      Le seul devoir imposé à la Commission par le paragraphe 79(1) consiste à déterminer, avant qu’un bureau de conciliation ne soit formé, quels sont les employés ou les classes d’employés de l’unité de négociation qui occupent au moment où la Commission prend sa décision des fonctions dont l’exercice est nécessaire à la sûreté et à la sécurité du public. Rien dans le libellé du paragraphe pris isolément ou dans le contexte plus général de la Loi dans son ensemble n’indique que la Commission doive prendre sa décision à la lumière des mesures qui s’imposent pour assurer la sûreté et la sécurité du public en cas de grève seulement. Il s’ensuit que la Commission n’est pas autorisée en vertu de ce paragraphe à déterminer les tâches qui doivent être accomplies ou l’étendue des services qui doivent être fournis en cas de grève. Les termes de l’article sont explicites et ne présentent aucune ambiguïté ou équivoque. Point n’est besoin de leur donner une interprétation qui vienne accroître l’étendue des devoirs de la Commission en ce qui concerne la mise en œuvre des prescriptions de cet article. L’erreur fondamentale commise par la Commission fut de s’arroger un pouvoir que l’article ne lui conférait nullement.

[…]

La décision rendue par la Cour d’appel fédérale a été confirmée par la Cour suprême du Canada dans Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 696.

80 D’après l’employeur, les décisions Association canadienne du contrôle du trafic aérien continuent de faire autorité en vertu de la nouvelle Loi. Dans les faits, l’énoncé « […] is or will be, at any time, necessary for the safety or security of the public » dans la version anglaise de la définition de « services essentiels » au paragraphe 4(1) de la nouvelle Loi a pour effet de codifier la décision Association canadienne du contrôle du trafic aérien. Cette décisionétablissait également que l’ancienne Commission ne pouvait pas déterminer le niveau de service devant être fourni au public. Le mandat que l’ancienne loi conférait à la Commission se limitait à déterminer si l’une ou l’autre des fonctions d’un employé que l’on se proposait de désigner était nécessaire à la sécurité du public au moment de la désignation proposée.

81 L’employeur a mentionné à la Commission un certain nombre de décisions qui interprètent les dispositions sur les services essentiels du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), c. L-2; selon l’employeur, ces décisions s’appliquent également de façon pertinente à la question de la sécurité du public. Citons par exemple Aéroports de Montréal, [1999] CCRI no 23; Nav Canada, [2002] CCRI no 168; et Serco Facilities Management Inc. c. Alliance de la Fonction publique du Canada,[1999] N.J. No. 201.

82 Dans Aéroports de Montréal, le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a décidé quelles activités devaient être maintenues dans l’éventualité d’une grève des pompiers dans les aéroports. Le CCRI a énoncé comme suit le critère permettant de déterminer quels services sont essentiels pour la sécurité et la santé du public :

[…]

[21] […] Le Conseil est donc chargé de déterminer, selon les circonstances particulières de chaque affaire, les services essentiels à la sécurité et à la santé du public en cas d’arrêt de travail. Son critère essentiel est le suivant: «dans la mesure nécessaire pour prévenir des risques imminents et graves pour la sécurité ou la santé du public» (c’est nous qui soulignons).

[22] Il en découle que le Conseil doit tenir compte de la sécurité ou de la santé du public en tout temps et non seulement en cas d’urgence, de sauvetage ou d’autres actes humanitaires. Dans la conjoncture actuelle, le déplacement aérien est essentiel pour des milliers de personnes à tous les jours et non simplement dans le cadre de loisirs. En conséquence, le Conseil estime que le maintien des services essentiels ne peut avoir comme impact de paralyser les services d’aviation pour les passagers en les forçant à rester où ils se trouvent ou d’engorger d’autres services ou aéroports sans égard aux conséquences. Ce n’est pas parce que le maintien des services pour les passagers a une incidence commerciale qu’il faut conclure à la fermeture d’un aéroport.

[23] Cette généralisation ne se fonde pas non plus sur la théorie que les activités normales doivent se poursuivre, mais bien que la santé et la sécurité du public passent en premier et qu’il y a lieu de prévoir que les urgences de par leur nature se produisent à un moment et à un endroit imprévisibles. Les urgences risquent de se produire tant pour les vols à incidence humanitaire que pour le sauvetage, l’approvisionnement essentiel, l’aéroévacuation ou pour les vols normaux, car l’aéroport existe pour tous ces services. […]

[…]

Parallèlement à la situation examinée dans Aéroports de Montréal,l’employeur a fait valoir que les visiteurs, les employés et les membres des Premières nations possèdent tous un droit d’accès à Pukaskwa et le droit d’être protégés lorsqu’ils s’y trouvent.

83 Dans Nav Canada, au paragraphe 230, le CCRI a traité de l’ampleur des activités qui doivent être exercées advenant une grève. Le CCRI a déclaré qu’« […] il est possible de continuer comme si de rien n’était seulement dans la mesure […] nécessaire pour protéger la sécurité […] du public contre un risque imminent et grave ».

84 Dans Serco Facilities Management Inc., au paragraphe 31, la Section de première instance de la Cour suprême de Terre-Neuve a statué que le Code canadien du travail n’exigeait pas que l’employeur identifie individuellement chacun des services devant se poursuivre au cours d’une grève. Il suffisait plutôt de déterminer quels postes au sein de l’unité de négociation doivent être maintenus pour assurer les services nécessaires. L’employeur a souligné que Parcs Canada ne peut prévoir dans sa demande tout ce qui pourrait survenir. Mme Heron a fourni des justifications fondées sur le bon sens pour chacun des postes à Pukaskwa qui doit être inclus dans l’ESE. Par exemple, elle a affirmé qu’au moins trois gardiens de parc sont requis pour surveiller le parc, soit un gardien qui demeure au poste de commande pour assurer la coordination en cas de risque pour la sécurité, pendant que les deux autres gardiens se déploient pour reconnaître le danger.

85 Dans Avalon East School Board, [2001] Nfld. L.R.B.D. No 5, il s’agissait de déterminer si les employés d’entretien d’une école étaient nécessaires pour la santé ou la sécurité du public. Le syndicat a fait valoir que comme les professeurs n’exerçaient pas des fonctions essentielles, et que comme il n’était pas nécessaire de maintenir l’école ouverte, la présence des employés d’entretien n’était pas nécessaire. La Newfoundland Employment and Labour Relations Board a plutôt décidé, en s’appuyant sur les décisions Association canadienne du contrôle du trafic aérien,que la présence de certains employés d’entretien était nécessaire pour la sécurité du public, même si les professeurs étaient en grève et même si les écoles étaient fermées aux élèves.

86 Pour terminer, l’employeur a demandé à la Commission d’émettre une ordonnance :

  • déclarant que les activités de prévention, de surveillance et d’intervention en matière de sécurité du public qui sont en place à Pukaskwa sont nécessaires pour la sécurité de tout ou partie du public;
  • déclarant que les neuf postes identifiés par l’employeur au Parc national Pukaskwa soient réputés inclus dans une ESE;
  • déclarant que l’employeur n’est pas tenu de mettre fin à ses opérations au cours d’un arrêt de travail et qu’il incombe à l’employeur de déterminer s’il désire poursuivre ses opérations pendant un arrêt de travail.

B. Pour l’agent négociateur

87 L’agent négociateur a soutenu que ces demandes soulèvent une question préliminaire qui doit être réglée pour que les parties poursuivent leurs négociations menant à la conclusion d’une ESE. Les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si les installations, les activités et les services des loisirs chez Parcs Canada représentent des « services essentiels » au sens où l’entend l’article 4de la nouvelle Loi.L’agent négociateur affirme que ce n’en sont pas, car l’interruption ou la fermeture des services des loisirs pour les visiteurs du parc ne mettra pas en péril la sécurité du public.

88 L’agent négociateur a prétendu que l’existence d’un mandat conféré par une loi à Parcs Canada de donner aux Canadiens accès aux parcs n’est pas pertinente. Parcs Canada peut fermer un parc pour tout motif lié à la santé et à la sécurité. Aucune disposition législative ne prévoit que Parcs Canada ne peut fermer Pukaskwa.

89 L’agent négociateur soutient que la nouvelle Loi modifie considérablement le cadre d’identification des situations dans lesquelles la sécurité du public peut être mise en péril. Contrairement à l’ancienne Loi, la nouvelle Loi est orientée vers les services essentiels. Plutôt que de se demander si les fonctions régulières qui sont rattachées à un poste comprennent un élément de sécurité, la Commission doit décider, en vertu de la nouvelle Loi, si l’interruption des services fournis par l’employeur se traduirait par un risque pour la sécurité du public.

90 La nouvelle Loi exige l’établissement d’une entente sur les services essentiels qui indique, en vertu du paragraphe 4(1), les « […] postes compris dans l’unité de négociation […] qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels […] » Une analyse en deux volets est nécessaire. Premièrement, l’employeur fournit-il un service essentiel? Deuxièmement, quels postes sont nécessaires pour que l’employeur puisse fournir le service essentiel? M. LeFrançois a expliqué cette analyse en deux volets lors de son témoignage (cité précédemment) devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires.

91 L’agent négociateur soutient qu’il incombe à Parcs Canada de prouver qu’il offre des services essentiels qui sont nécessaires pour la sécurité du public. L’employeur cherche à limiter les droits de certains employés de participer à une grève en affirmant qu’il offre un service essentiel qui est nécessaire pour la sécurité du public. Rien ne va de soi dans une telle prétention. En conséquence, l’employeur doit convaincre la Commission, selon la prépondérance des probabilités, que ses employés sont nécessaires pour fournir un service essentiel. L’agent négociateur affirme que des décisions de l’ancienne Commission rendues en vertu de l’ancienne Loi appuient nettement cet argument : Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Groupe chauffage, force motrice et opérations de machines fixes),dossier de la CRTFP 181-02-32 (19741105); Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (Esquimalt, C.-B.) c. Conseil du Trésor (Groupe de la réparation des navires (côte ouest), dossier de la CRTFP181-02-182 (19850109); Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de l’enseignement), dossier de la CRTFP 181-02-235 (19870319); et Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de la radiotélégraphie, catégorie technique), dossier de la CRTFP 181-02-99 (19790601). L’agent négociateur a également renvoyé la Commission aux décisions Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [2005] CCRI no 314, au paragraphe 31 et Énergie atomique du Canada Ltée, [2001] CCRI no 122, aux paragraphes 297 à 299, les deux décisions ayant été rendues en vertu du Code canadien du travail.

92 Toujours en ce qui concerne le fardeau de la preuve, l’agent négociateur a fait valoir que si l’employeur établit qu’il fournit un service essentiel, la Commission doit alors examiner les postes précis que l’employeur propose d’inclure dans une ESE afin de décider s’ils sont nécessaires pour la prestation de ce service essentiel. L’agent négociateur reconnaît qu’en vertu de la nouvelle Loi, la proposition de l’employeur portant sur un poste en particulier doit prévaloir, sauf si la Commission décide que le poste n’est pas du typenécessaire pour fournir des services essentiels (paragraphe 123(7)). Ce paragraphe inverse la charge de la preuve. Toutefois, il incombe toujours à l’employeur de prouver le typeet le nombre de postes nécessaires pour fournir le service essentiel à un niveau en particulier. Sa proposition sur un poste en particulier prévaudra seulement lorsqu’il aura surmonté les deux obstacles susmentionnés. Comme c’était le cas en vertu de l’ancienne Loi, les deux parties ont l’obligation commune de présenter des preuves convaincantes à la Commission pour étayer leurs positions. Voir Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de la radiotélégraphie, catégorie technique), au paragraphe 14, et Énergie atomique du Canada Ltée,au paragraphe 297.

93 L’agent négociateur soutient que pour qu’un service, une installation ou une activité du gouvernement du Canada représente un service essentiel, les répercussions ultimes du retrait de ce service doivent entraîner un risque pour la sécurité du public. Les services des loisirs fournis par Parcs Canada ne satisfont pas à ce critère, parce qu’ils peuvent être interrompus sans mettre en péril la sécurité du public. Par conséquent, les employés qui exécutent des fonctions liées à la sécurité nécessaires seulement si Parcs Canada fournit des services des loisirs au public n’offrent pas de services essentiels. Ainsi, ces postes ne devraient pas être inclus dans une ESE.

94 D’après l’agent négociateur, le cadre permettant d’établir si un poste devrait être inclus dans une ESE en vertu de la nouvelle Loi est très différent du régime prévu par l’ancienne Loi. Par conséquent, il convient de réexaminer certaines conclusions trouvées dans les décisions rendues en vertu de l’ancienne Loi, et plus précisément les conclusions tirées dans les décisions ACCTA.

95 La nouvelle Loi introduit la notion de « service essentiel » pour la première fois dans la législation sur le travail dans la fonction publique fédérale. En vertu de la nouvelle Loi, un poste sera inclus dans une ESE seulement s’il est nécessaire pour la prestation d’un service essentiel. Tandis que l’ancienne Loi cherchait simplement à identifier un élément de sécurité dans les fonctions régulières d’un employé, le paragraphe 4(1) de la nouvelle Loi modifie considérablement l’analyse en exigeant un examen du service sous-jacent qu’appuient finalement ces fonctions. Les principes d’interprétation législative établissent qu’il existe une forte présomption selon laquelle une telle modification au libellé de la loi a un but.Tel qu’il est indiqué dansSullivan and Driedger on the Construction of Statutes,4e éd. (2002), à la page 473, [traduction] « […] l’objet principal d’une modification consiste à apporter un changement de fond à la loi […] »; voir également Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (Esquimalt, C.-B.) c. Conseil du Trésor (Groupe de la réparation des navires (côte ouest), au paragraphe 2.

96 D’après l’agent négociateur, dans le cadre de l’analyse nécessaire en vertu de la nouvelle Loi, il faut d’abord décider si l’installation, l’activité ou le service particulier fourni par le gouvernement du Canada est nécessaire pour la sécurité du public. Ce n’est qu’une fois qu’il a été décidé que l’employeur fournit un service essentiel que l’on analysera si les postes individuels en question sont nécessaires pour fournir ce service. Dans ce contexte, la distinction entre la désignation d’un service essentiel et l’établissement du niveau auquel le service essentiel sera fourni est importante, comme l’expose M. LeFrançois dans son témoignage cité précédemment.

97 La décision rendue récemment par la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick dans  Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1253 c. Nouveau-Brunswick (Conseil de gestion), 2006 NBCA 101 (SCFP) fait ressortir l’importance de l’orientation de la nouvelle Loi en matière de services essentiels.La loi sur le travail dans le service public au Nouveau-Brunswick a également été modifiée de manière à porter surtout sur la question de savoir si le poste était nécessaire pour assurer la prestation d’un service essentiel plutôt que sur la question de savoir si les fonctions d’un employé désigné étaient nécessaires pour la santé et la sécurité du public. L’arrêt SCFP répondait à la question de savoir si les concierges chargés de l’entretien ménager des écoles fournissaient un « service essentiel » au sens de l’article 43.1 de la Loi relative aux relations de travail dans les services publics du Nouveau-Brunswick, L.R.N.-B. 1973, ch. P-25. La Commission du travail et de l’emploi du Nouveau-Brunswick (CTENB) avait d’abord conclu que les services étaient essentiels, car la loi n’exigeait pas que les écoles soient fermées en situation de grève. La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a infirmé la décision de la CTENB, jugeant que sa conclusion sur ce point était manifestement déraisonnable. Voici l’explication de la Cour d’appel :

[…]

17 […] la décision de la Commission s’appuie sur une prémisse, ou supposition, unique : les écoles demeureront ouvertes si les concierges se mettent en grève. La Commission a conclu que les écoles demeureraient ouvertes parce que rien en droit n’exige qu’elles ferment en cas de mesure de grève et parce que les élèves, également, ont droit à une éducation, ont l’obligation même de fréquenter l’école. À mon respectueux avis, cette supposition est fausse. […] Il est réaliste d’envisager que vraisemblablement, si les concierges d’écoles faisaient la grève, les écoles fermeraient en définitive. Le bon sens permet de penser également que ces fermetures pourraient avoir lieu sans répercussions sur la santé des principaux intéressés : les élèves et le personnel, dont les enseignants. […]

[…]

98 La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a expliqué que l’accent mis sur les « services essentiels » exigeait que la CTENB pose une question de portée plus étroite que celle qui était énoncée dans la loi précédente :

[…]

21 […] En fait, la Commission aborde le problème en posant une question de portée générale, au lieu de la question de portée étroite que requiert l’article 43.1. La question de portée générale est la suivante : les concierges exercent-ils des fonctions qui peuvent avoir des répercussions sur la santé du public? S’il faut poser la question en ces termes, la réponse est évidente et la décision de la Commission est confirmée. Mais, si nous reformulons la question pour en reserrer la portée, la réponse n’est ni immédiate ni certaine. La question de portée étroite est celle-ci : quelles seront en définitive, sur l’intérêt public, les répercussions d’une incapacité de l’employeur de dispenser le service qu’offrent les concierges? En somme, la question de portée étroite force la Commission à considérer les répercussions qu’une interruption des services aurait en définitive sur l’intérêt public au plan de la santé, de la sûreté ou de la sécurité.

22 […] Il est à noter que l’article 43.1 porte que la Commission doit identifier les services à fournir par l’unité de négociation « qui en tout temps déterminé sont nécessaires ou qui le seront dans l’intérêt de la santé, de la sûreté ou de la sécurité du public ». Ce passage exige de la Commission, à mon avis, qu’elle aborde la désignation en fonction des répercussions qu’une grève aurait en définitive sur l’intérêt public tel que le définit la Loi. En d’autres termes, la Commission se doit à tout le moins de poser la question de portée étroite, sans quoi le droit de grève des employés d’écoles pourrait très bien devenir illusoire. […]

[…]

99 L’agent négociateur fait valoir que comme au Nouveau-Brunswick, il convient de se demander en vertu de la nouvelle Loi si une grève aurait pour effet, en définitive, d’empêcher d’offrir des services qui sont nécessaires pour la sécurité du public. Une telle formulation de la question appuie les objectifs de principe qui sous-tendent la négociation collective, le droit de grève et la prestation de services nécessaires et essentiels au public tel qu’il est énoncé dans la nouvelle Loi.Dans ces demandes, la Commission doit se demander si le retrait des services de loisirs fournis par Parcs Canada mettrait en péril la sécurité du public.

100 L’agent négociateur soutient qu’une partie de la jurisprudence rendue sous le régime de l’ancienne Loi établissait des principes sur la nature de la sécurité du public qui continue de s’appliquer en vertu de la nouvelle Loi.

101 L’un des principes les plus importants veut que les droits à la négociationcollective des employés de la fonction publique ne doivent pas être sapés uniquement parce leur application entraîne un inconvénient pour le public. Ce qui est inhérent au droit de grève accordé à ces employés est le droit d’exercer de la pression sur leur employeur pour obtenir des concessions dans le cadre des négociations. Bien que ce droit doive être limité si son exercice met en péril la sécurité du public, cette restriction doit faire l’objet d’une interprétation étroite. Comme le professeur Paul Weiler le fait puissamment ressortir à la page 240 de son ouvrage intitulé Reconcilable Differences (Toronto: The Carswell Company, 1980) :

[Traduction]

[…]

Si nous ne pouvons nous résoudre à l’implacable logique de la négociation collective, convenons du moins franchement de ce que nous faisons. Dire à un syndicat d’employés d’écoles qu’il peut faire la grève pour obtenir des concessions du conseil scolaire, pourvu qu’il n’interrompe pas l’instruction des élèves — ou dire à d’autres syndicats de la fonction publique qu’ils peuvent se mettre en grève, mais qu’ils ne peuvent pas compromettre le bien-être public —, c’est dire en fait à ces syndicats qu’ils ne disposeront d’aucun levier capable d’extirper un gouvernement récalcitrant de la position de négociation où il s’est cantonné. Nous reconnaissons aux fonctionnaires le droit de se syndiquer, de tenter de persuader leur employeur d’améliorer les offres de contrat qui leur sont présentées — avec un droit d’« imploration collective », comme certains syndicalistes le diraient par dérision — mais nous ne leur attribuons pas la négociation collective au vrais sens du terme.

[…]

[Cité dans Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1253 c. Nouveau-Brunswick (Conseil de gestion),au paragraphe 22.]

102 Relativement à la question de l’effet d’une grève sur l’employeur, l’agent négociateur a également mentionné à la Commission Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe Bibliothéconomie), dossier de la CRTFP 181-02-348 (19970303); et Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) c. Canada (Conseil du Trésor)  (C.A.F.), [1988] A.C.F. no 821 (QL).

103 Les grèves s’accompagnent de sanctions économiques. Aucune décision judiciaire n’appuie la proposition selon laquelle la sécurité du public inclut la sécurité de l’employeur contre les dommages, comme le soutient l’employeur. Dans Le Groupe CSL Inc. c. Canada, aux paragraphes 61, 64 et 65, cités par l’employeur, la Cour fédérale a retenu la position contraire. Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor) (Groupe : chauffage, force motrice et opérations de machines fixes – Catégorie de l’exploitation), dossier de la CRTFP 181-02-32 (19741105), l’ancienne Commission a traité directement de la question de la façon suivante au paragraphe 30 :

[…]

[…] d’importants projets de recherche, des œuvres d’art précieuses, des pièces d’équipement et bien d’autres choses peuvent subir de sérieuses avaries si la température et l’humidité ne sont pas maintenues à un niveau approprié. Les parties voudront peut-être délibérer pour s’entendre sur les moyens selon lesquels d’importantes fonctions et valeurs peuvent être conservées. Cependant, la compétence que l’article 79 de la loi confère à la Commission se limite à la détermination des employés dont les fonctions sont, en tout ou en partie, des fonctions dont l’exercice est ou sera nécessaire dans l’intérêt de la sûreté et de la sécurité du public. La Commission n’est pas autorisée à outrepasser cette compétence que lui confère l’article 79 de la Loi.

[…]

104 L’agent négociateur soutient que le droit de grève fait partie intégrante du processus de négociation collective et qu’il devrait se limiter seulement au niveau minimum requis pour assurer la sécurité du public, conclusion à laquelle le CCRI a souscrit à plusieurs reprises : NAV Canada, [2002] CCRI no 168, aux paragraphes 226 à 228; Nav Canada, [2007] CCRI no 375, au paragraphe 142;et Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [2005] CCRI no 314, au paragraphe 32. Cette conclusion concorde en outre avec la position exprimée par l’ancien juge en chef Dickson dans Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act(Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313, aux paragraphes 94 et 95, de la façon suivante :

[…]

Le droit de grève est étroitement lié à la négociation collective, tout au moins dans notre contexte actuel de relations de travail. À la page 4 de l’ouvrage intitulé Collective Bargaining Law in Canada (2nd ed. 1986), A. W. R. Carrothers, E. E. Palmer et W. B. Raynor décrivent ainsi les conditions indispensables à un système efficace de négociation collective :

[TRADUCTION] […] Du point de vue des salariés, un tel système requiert qu’ils soient libres d’exercer trois genres d’activités : se constituer en association, amener les employeurs à négocier avec ces associations et pouvoir mettre en jeu des sanctions économiques qui aient un sens pour appuyer leurs négociations.

À la page 142 du rapport Woods, on considère que l’arrêt de travail est la composante essentielle de la négociation collective:

408.     Les grèves et les lock-out font partie intégrante du régime canadien de relations du travail et il est probable qu’ils le demeureront dans notre actuel régime social, économique et politique.

[…]

À la page 192 du Rapport, on souligne que l’acceptation de la négociation collective implique une reconnaissance du droit de recourir à la sanction économique de la grève. À la page 193, on dit : «La grève est devenue partie intégrante de notre régime démocratique ».

[…]

105 L’agent négociateur a souligné qu’il existe une distinction importante entre les situations qui entraînent des inconvénients pour le public ou des difficultés économiques pour l’employeur et les situations qui mettent en péril la sécurité du public. Tel qu’il a été décidé par l’ancienne Commission dans Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe Bibliothéconomie) :

[…]

[…] un élément commun à toutes les décisions de la Commission touchant la désignation pour des motifs de sécurité est l’importance de distinguer entre les inconvénients subis par le public, d’une part, et sa sécurité, d’autre part. Le processus de désignation vise à établir un équilibre entre le droit des employés qui sont membres d’une unité de négociation de participer avec leurs collègues à ce qui est autrement une grève légale et le besoin de protéger les intérêts vitaux du public. En déterminant le bon équilibre, la Commission a affirmé que les inconvénients sont le résultat naturel d’une interruption des services (sinon quel était d’abord l’objet de ces services) […].

        De l’avis de la Commission, ce point de vue n’est diminué ni remplacé par l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire ACCTA, précitée […].

[…]

[Le passage souligné l’est dans l’original]

Voir également Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de la radiotélégraphie, catégorie technique), aux paragraphes 12 et 13.

106 D’après un deuxième principe important qui régit la réalisation d’une analyse des services essentiels, comme c’était le cas en vertu de l’ancienne Loi, l’existence d’un mandat conféré par une loi de fournir des services ne modifie pas le fait que le droit de grève ne sera retiré que s’il est essentiel de le retirer pour assurer « la sûreté et la sécurité du public » : Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe Bibliothéconomie), aux paragraphes 11 à 14 et 26; Le Groupe CSL Inc. c. Canada, aux paragraphes 64 et 65; et Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de la radiotélégraphie, catégorie technique), aux paragraphes 12 et 13.

107 Il existe un troisième principe selon lequel les fonctions propres à un poste doivent être considérées dans le contexte de l’organisation dans laquelle elles se trouvent. Par conséquent, la question de savoir ce qu’est un service essentiel mènera à des résultats différents selon que le service en question touche des aéroports, l’entretien d’équipement militaire, des fournitures de soins médicaux de survie, les services des tribunaux ou les services des loisirs offerts dans des parcs nationaux; voir Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe Bibliothéconomie).

108 L’agent négociateur a ajouté que quoique la Commission devrait faire preuve de prudence si les conséquences d’autoriser certains employés à faire la grève ne sont pas claires, l’employeur doit présenter des preuves convaincantes et précises qui établissent l’importance du rôle de sécurité des services qu’il fournit; voir Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de l’enseignement).

109 Comme le veut un autre principe, les décisions sur les services essentiels ne devraient pas être fondées sur des situations exceptionnelles dans lesquelles les employés peuvent être tenus de s’acquitter d’une fonction précise. L’ancienne Commission a jugé dans Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de l’enseignement) que :

[…]

[…] nous ne sommes pas d’avis qu’un employé devrait être désigné et par conséquent privé du droit de grève sous prétexte d’exécuter des fonctions que son employeur peut hypothétiquement lui demander d’exécuter dans des circonstances extraordinaires. Prétendre autrement entraînerait la désignation de presque tous les employés de la Fonction publique. […]

[…]

110 Bref, d’après l’agent négociateur, la Commission doit d’abord déterminer si l’employeur fournit un service essentiel au public, à savoir un service qui est nécessaire pour sa sécurité. Des services secondaires peuvent également comporter des fonctions de sécurité, mais constitueront des services essentiels seulement si les répercussions de leur retrait mettent en péril la sécurité du public. Ce n’est qu’après avoir décidé qu’il existe des services essentiels que la Commission peut décider si les postes dont l’inclusion dans une ESE est proposée sont nécessaires pour offrir le niveau de service établi par l’employeur.

111 L’agent négociateur a ensuite appliqué le cadre proposé à Parcs Canada. À son avis, les services de loisirs fournis par Parcs Canada, qui comprennent des installations et du soutien pour des activités de randonnée pédestre, de camping, d’alpinisme et autres activités similaires, ne sont pas nécessaires pour la sécurité du public. Par conséquent, les postes qui sont nécessaires pour assurer ces services de loisirs ne devraient pas être inclus dans une ESE, sauf s’ils sont nécessaires pour offrir d’autres services essentiels. Tel est le cas que les employés qui occupent ces postes exercent ou non des fonctions liées à la sécurité lorsque des services de loisirs sont offerts.

112 L’agent négociateur prétend en outre que les activités d’appui au mandat général de Parcs Canada qui consiste à préserver le patrimoine culturel et l’intégrité écologique du Canada n’ont pas de répercussions sur la sécurité du public. Compte tenu du libellé de la nouvelle Loi, l’affirmation selon laquelle ces activités constituent des services essentiels est insoutenable.

113 Les parcs ne sont pas des services essentiels. Ils peuvent être évacués. Il existe une différence entre les postes de soutien à un parc qui est ouvert aux visiteurs et un parc qui est fermé.

114 L’agent négociateur a affirmé que la Commission n’a pas compétence pour déclarer qu’en situation d’arrêt de travail, l’employeur n’est pas tenu de mettre fin à ses opérations et qu’il revient à l’employeur de décider s’il désire maintenir ses opérations pendant un arrêt de travail.

115 L’agent négociateur a soutenu que le rationnel que l’on retrouve dans les formulaires d’examen des postes de services essentiels (pièce E-5, onglet 1) constitue la base de la décision de la Commission.

116 Les deux postes d’employé d’entretien (pièce E-5, onglets 1-A et 1-B) n’incluent pas la prestation de services essentiels. L’agent négociateur a tracé un parallèle entre l’employé d’entretien dans ces demandes et les concierges dans SCFP. Dans cette décision, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a statué que les concierges chargés de nettoyer les écoles n’offraient pas un service essentiel.

117 L’employeur a proposé que trois postes de gardien soient inclus dans l’ESE. L’agent négociateur s’est dit d’accord en ce qui concerne le poste no 9927 (pièce E-5, onglet 1-E) parce que le titulaire de ce poste peut opérer un bateau pour réaliser des opérations maritimes. Si le parc ferme, une fonction d’observation doit également être exercée. Le titulaire de ce poste peut veiller à ce que le parc soit vacant.

118 Toutefois, l’agent négociateur est en désaccord avec l’employeur en ce qui concerne les deux autres postes de gardien de parc (pièce E-5, onglets 1-C et 1-D). Ces postes étaient inclus pour des questions de sécurité du public dans le contexte d’un parc qui est ouvert au public. Si le public n’est pas autorisé à entrer dans le parc, il n’y a aucun problème de sécurité à régler.

119 L’agent négociateur a fait valoir que le poste de spécialiste de la conservation des ressources (pièce E-5, onglet 1-F) ne devrait pas être inclus dans l’ESE. Le titulaire de ce poste coordonne les activités d’extinction des incendies à proximité des installations des visiteurs, mais ne fait pas partie d’une équipe de lutte contre les incendies.L’agent négociateur a fait observer que ces questions concernant le risque d’incendie ne doivent pas être prises en compte, car l’employeur n’a pas proposé qu’un poste de pompier soit inclus dans l’ESE.

120 Le poste de contremaître des sentiers et des terrains (pièce E-5, onglet 1-G) ne devrait pas être inclus dans l’ESE, car l’exécution des fonctions rattachées à ce poste n’est pas nécessaire si le parc est fermé. Il en va de même pour le poste de préposé aux services des visiteurs (pièce E-5, onglet 1-H). Le titulaire de ce poste fournit des renseignements aux personnes qui entrent dans le parc. Ces renseignements ne sont pas nécessaires si le parc est fermé.

121 Le poste d’opérateur chargé du traitement et de l’assainissement des eaux (pièce E-5, onglet 1-I) ne se justifie pas non plus si le parc est fermé.

122 L’employeur croit que le régime des services essentiels n’a pas changé, tandis que l’agent négociateur estime qu’il a changé. La Commission peut décider d’orienter les parties au sujet des principes qui sous-tendent la nouvelle Loi, puis leur demander de peaufiner les détails de l’ESE.

C. Réplique pour l’employeur

123 L’employeur a fait valoir que l’affaire SCFPdoit être distinguée parce qu’elle s’appuyait sur une loi différente. Au Nouveau-Brunswick, les employeurs possèdent le pouvoir de mettre des employés en lock-out, droit que les employeurs n’ont pas en vertu de la nouvelle Loi. Il en résulte qu’au cours d’une grève dans la fonction publique fédérale, l’employeur doit garder des employés en fonction même s’il n’y a pas de travail pour eux. M. Stewart a dit qu’au cours de la dernière grève chez Parcs Canada, les employés qui travaillent au Canal Rideau faisaient la grève une journée, revenaient au travail le lendemain, et retournaient en grève les jours suivants. Cette façon de procéder a fait en sorte que l’employeur a dû payer des employés qui n’avaient pas de travail parce que le nombre de visiteurs au Canal Rideau avait diminué en raison de l’incertitude occasionnée par la grève tournante.

124 L’affaire SCFP doit également être distinguée parce que la loi sur les relations de travail du Nouveau-Brunswick a été modifiée après la décision de la Cour suprême du Canada dans ACCTA. Par ailleurs, l’adoption de la nouvelle Loi n’a pas eu pour effet d’annuler les conclusions de la Cour suprême du Canada au sujet des services essentiels.

125 L’employeur a rappelé à la Commission qu’il n’a jamais soutenu que Parcs Canada devrait poursuivre ses activités normales pendant une grève. L’employeur reconnaît que les employés ont le droit de faire la grève. Dans l’éventualité d’une grève, Parcs Canada fonctionnera à capacité moindre, ce qui est différent de poursuivre ses activités normales. La position de l’employeur est plutôt prudente; il demande seulement que neuf postes soient inclus dans l’ESE.

126 L’employeur a souligné que la situation dans ces demandes est également assez différente de celle qui est examinée dans SCFP. Cette décision portait sur des concierges travaillant dans des écoles. Un employeur peut contrôler l’accès à une école parce qu’une école peut être fermée; la situation de Pukaskwa est différente. Comme Pukaskwa n’est pas clôturée, Parcs Canada ne peut s’assurer que des visiteurs n’entreront pas dans le parc. Il ne peut non plus contrôler l’entrée dans le parc par des membres des Premières nations, compte tenu de leur droit d’accès conféré par traité.

127 L’employeur a fait valoir que même si le parc était fermé, l’employeur est tenu de s’assurer de la sécurité du public. Les enjeux de sécurité subsisteraient. Par exemple, Parcs Canada doit s’assurer que les ours n’errent pas dans les collectivités adjacentes. Parcs Canada doit demeurer en mesure d’intervenir advenant l’existence de problèmes de sécurité.

128 On ne peut tirer aucune conclusion du fait que l’employeur n’a pas inclus de postes de l’équipe de lutte contre les incendies dans l’ESE, même si l’organigramme montre que Pukaskwa a de tels postes (pièce E-9). L’employeur a inclus des postes dans l’ESE qui permettraient de faire face à des dangers possibles.

129 L’employeur n’est pas d’accord avec la proposition selon laquelle la Commission doit baser son analyse sur la justification qui se trouve dans les formulaires d’examen des postes de service essentiel (pièce E-5, onglet 1). La Commission doit fonder ses conclusions sur l’ensemble de la preuve, dont la déposition des témoins et la preuve produite à l’audience.

130 En ce qui concerne la question du fardeau de la preuve, l’employeur a fait valoir qu’il s’est acquitté de son obligation. Il a fourni des preuves sur le type de postes à inclure dans l’ESE, ainsi que sur les postes précis qui devraient être inclus dans cette entente.

V. Motifs

131 Par la présentation de leurs deux demandes en vertu du paragraphe 123(1) de la nouvelle Loi, les parties demandent à la Commission de statuer sur des questions qui pourraient être comprises dans une ESE dans le contexte factuel de Pukaskwa. Les arguments des parties indiquent qu’elles sont d’accord sur une seule question de fond dans ce contexte — la désignation du poste no 9927, gardien de parc II (pièce E-5, onglet E), comme poste dont l’employeur a besoin pour fournir un service essentiel. Sur l’effectif total du Pukaskwa qui s’établit à 35 postes, l’employeur a désigné 8 autres postes qui, selon lui, sont nécessaires pour fournir les services essentiels (pièce E-5, onglets A à D et F à I). L’agent négociateur n’est pas d’accord.

132 Les parties ne définissent pas le différend de la même façon. L’agent négociateur demande à la Commission de statuer sur une « question fondamentale ». Il demande [traduction] « À la lumière de l’exemple que constitue Pukaskwa, le soutien aux services des loisirs fourni par Parcs Canada constitue-t-il un service essentiel? » L’agent négociateur prétend que cette question fondamentale est le nœud du différend entre les parties et qu’elle doit être réglée avant que d’autres négociations sur l’ESE puissent être menées de façon productive. L’employeur, quant à lui, a défini dans sa demande le différend comme une question qui exige que la Commission décide si certains postes expressément désignés servent à offrir des services essentiels. Dans son argumentation, l’employeur a poursuivi en proposant une définition des services essentiels qui s’applique à Pukaskwa et a demandé à la Commission de déclarer que l’employeur n’est pas tenu de mettre fin à ses opérations pendant un arrêt de travail.

133 Précédemment, la Commission a indiqué que les deux demandes concernant Pukaskwa tiennent lieu de « cas type ». Il s’agit d’un cas type de deux façons. En premier lieu, tel qu’il a été indiqué précédemment, les conclusions de la Commission fondées sur Pukaskwa peuvent aider les parties à négocier l’ESE pour l’unité de négociation complète. En deuxième lieu, la Commission souhaite, par ses conclusions dans cette décision initiale sur les services essentiels rendue en vertu de la nouvelle Loi, guider les parties au sujet de la nature des décisions qu’elle prend, sur le cheminement analytique à suivre et sur certains principes d’interprétation qui devraient s’appliquer. À ces fins, la Commission a conclu que les deux demandes concernant Pukaskwa tiennent lieu de cas type initial solide.

A. Qu’est-ce qui a changé en vertu de la nouvelle Loi?

134 La deuxième partie de la présente décision décrit brièvement le cadre législatif régissant les services essentiels en vertu de la nouvelle Loi. Tant pour la Commission que pour la communauté des relations du travail régies par la nouvelle Loi, il est crucial de comprendre ce qui a changé et ce que les changements révèlent de l’intention du législateur. Il s’agit de modifications de fond et non simplement de forme. Plutôt que de modifier la loi précédente, le législateur a rédigé une toute nouvelle loi comportant de nombreuses dispositions nouvelles dans le domaine des services essentiels. Compte tenu de la nature et de la portée des changements, la Commission doit présumer que ces changements avaient un but; en d’autres termes, il faut présumer que le législateur entendait établir en vertu de la nouvelle Loi une approche très différente de celle du régime de l’ancienne Loi; voir Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, à la page 472.

135 La disposition clé de l’ancienne Loi, telle qu’elle a été modifiée en 1992, était le paragraphe 78(1). En vertu de cette disposition, le président de l’ancienne Commission ne pouvait donner suite à une demande de constituer un bureau de conciliation pour régler un différend en matière de négociation collective tant que le statut de tous les postes faisant partie de l’unité de négociation n’a pas été fixé. En vertu de l’ancienne loi, un « poste désigné » était un poste pour lequel il a été déterminé que le titulaire exerce des fonctions « […] nécessaires pour la sécurité du public ». L’ancienne Loi qualifiait ces fonctions de « fonctions liées à la sécurité ». Le texte complet du paragraphe 78(1) est ainsi rédigé :

    78. (1) Le président ne peut donner la suite prévue aux paragraphes 77(1) ou (2) à la demande de conciliation en ce qui concerne une unité de négociation tant que tous les postes occupés par les fonctionnaires qui en font partie n'ont pas été, en conformité avec les articles 78.1 ou 78.2, désignés comme postes dont tout ou partie des fonctions sont ou non, à un moment particulier, ou seront ou non, après un délai déterminé, nécessaires pour la sécurité du public.

136 Avant les modifications de 1992, l’ancienne Loi utilisait la notion d’« employés désignés » plutôt que de « postes désignés ». L’effet de la disposition applicable était par ailleurs essentiellement le même et celle-ci se lisait comme suit :

[…]

       79. (1) Nonobstant l’article 78, il ne doit pas être établi de bureau de conciliation pour l’enquête et la conciliation d’un différend relatif à une unité de négociation tant que les parties ne se sont pas mises d’accord ou que la Commission n’a pris, aux termes du présent article, aucune décision sur la question de savoir quels sont les employés ou les classes d’employés de l’unité de négociation (ci-après dans la présente loi appelés «employés désignés») dont les fonctions sont, en tout ou en partie, des fonctions dont l’exercice à un moment particulier ou après un délai spécifié est ou sera nécessaire dans l’intérêt de la sûreté ou de la sécurité du public.

[…]

137 L’ancienne Loi, telle qu’elle a été modifiée en 1992, établissait une procédure de règlement des différends en deux stades lorsque les parties étaient en désaccord au sujet de la désignation des postes. Au premier stade, un comité d’examen des désignations composé de trois membres et nommé de la même façon qu’un bureau de conciliation examinait les postes qui ont donné lieu à un désaccord et adressait « aux parties ses recommandations – non obligatoires – en ce qui concerne le lien des fonctions avec la sécurité ». (paragraphe 78.1(9)). Si l’impasse persistait après la formulation de recommandations par un comité d’examen des désignations, l’ancienne Loi autorisait l’ancienne Commission à rendre une décision liant les parties, comme le prévoyait l’article 78.2 :

      78.2(1) Dans les cas où, après étude des recommandations du comité d’examen, le désaccord persiste sur le lien des fonctions de certains postes avec la sécurité, l’employeur est tenu, au plus tard à la date de l’avis, de renvoyer l’affaire à la Commission.

      (2) La Commission, après avoir donné à chaque partie l’occasion de présenter des observations, détermine si les fonctions des postes en litige sont liées à la sécurité.

      (3) Le président adresse aux parties la déclaration de la Commission portant qu’aucun des postes de l’unité de négociation n’a de fonctions liées à la sécurité, ou que certains seulement en ont, selon le cas.

      (4) La Commission désigne les postes de l’unité de négociation dont, selon elle, les fonctions sont liées à la sécurité; le président notifie aux parties la désignation.

      (5) La décision prise par la Commission est, pour l’application de la présente loi et sous réserve de l’article 78.4, définitive et sans appel.

138 Par ses décisions, l’ancienne Commission a constitué un corpus jurisprudentiel définissant les fonctions « liées à la sécurité » dans divers contextes factuels. En 1982, la Cour suprême du Canada a rendu une décision qui a eu des répercussions directes sur l’orientation de sa jurisprudence : ACCTA. Dans cette décision, la Cour suprême du Canada a maintenu un jugement de la Cour d’appel fédérale qui avait annulé une décision de l’ancienne Commission qui interprétait les dispositions sur les « employés désignés » de l’ancienne Loi : La Reine c. Association canadienne du contrôle du trafic aérien, [1982] 2 C.F. 475; et Association canadienne du contrôle de la circulation aérienne c. Canada (Conseil du Trésor) (Groupe de la circulation aérienne), dossier de la CRTFP 181-02-134 (19810127).

139 La décision ACCTA reposait en partie sur l’interprétation du passage suivant du paragraphe 79(1) de l’ancienne Loi : « […] dont les fonctions sont, en tout ou en partie, des fonctions dont l’exercice à un moment particulier ou après un délai spécifié est ou sera nécessaire dans l’intérêt de la sûreté ou de la sécurité du public. [nous soulignons] » La Cour suprême du Canada a résumé de la façon suivante l’approche adoptée par l’ancienne Commission pour déterminer les employés désignés avant l’époque de ACCTA :

[…]

[…] estimant qu’il [la Commission] lui incombait, aux termes de l’art. 79, de déterminer le nombre d’employés de chaque classe compris dans l’unité de négociation qui serait requis pour fournir les services nécessaires en vue d’assurer la sûreté des services aériens qui, en cas de grève, doivent être maintenus dans l’intérêt de la sûreté ou de la sécurité du public. La Commission a énuméré en conséquence les diverses fonctions que, dans l’hypothèse d’une grève, les différentes classes d’employés comprises dans l’unité devraient remplir dans l’intérêt de la sûreté ou de la sécurité du public, et elle a déterminé le nombre d’employés de chaque classe, dans tous les lieux de travail, qui auraient à exercer ces fonctions dans ce cas […]

[…]

La Cour suprême du Canada a également noté que l’ancienne Commission « […] s’est attribué [sic] le pouvoir de déterminer le niveau de services aériens qui doit être fourni pour que soit assurée la sûreté ou la sécurité du public », citant le passage suivant du jugement du tribunal inférieur :

[…]

La Commission a poursuivi en disant que le fait de rendre une décision quant au nombre ou aux classes de contrôleurs de la circulation aérienne à «désigner» dans le cas présent, impliquait l’obligation de se prononcer sur le niveau de services que doivent continuer de fournir les contrôleurs de la circulation aérienne aux aéroports régis par le gouvernement pour que soit assurée la sécurité du public si les membres de l’unité font une grève légale.

[…]

140 La Cour suprême du Canada a confirmé le jugement de la Cour d’appel fédérale selon lequel l’ancienne Commission a erré lorsqu’elle a interprété l’ancienne Loi en définissant les fonctions exercées dans l’intérêt de la sécurité dans le contexte d’une grève. D’après les deux tribunaux, les mots « […] à un moment particulier ou après un délai spécifié […] » exigeaient que la Commission décide plutôt des fonctions qui étaient nécessaires pour la sécurité du public à la date à laquelle l’affaire a été soumise à la Commission. La Cour suprême a résumé son interprétation des exigences de l’ancienne Loi de la façon suivante :

[…]

Le seul devoir imposé à la Commission par le paragraphe 79(1) consiste à déterminer, avant qu’un bureau de conciliation ne soit formé, quels sont les employés ou les classes d’employés de l’unité de négociation qui occupent au moment où la Commission prend sa décision des fonctions dont l’exercice est nécessaire à la sûreté et à la sécurité du public. Rien dans le libellé de l’article 79 pris isolément ou dans le contexte plus général de la loi dans son ensemble n’indique que la Commission doive prendre sa décision à la lumière des mesures qui s’imposent pour assurer la sûreté et la sécurité du public en cas de grève seulement.

[…]

[…] quand la Commission est appelée à faire une détermination conformément au par. 79(3), sa tâche est de considérer les employés et les classes d’employés de l’unité de négociation que l’employeur a désignés, puis de décider si l’exercice des fonctions qui leur incombent à titre d’employés est nécessaire pour la sûreté ou la sécurité du public.

Toute la procédure prévue à l’art. 79 se déroule avant l’établissement d’un bureau de conciliation. Je ne puis rien trouver dans l’article qui indique que, si la conciliation échoue, la Commission a pour fonction de déterminer les services ordinairement assurés par les employés faisant partie de l’unité de négociation, qui, en cas de grève, doivent être maintenus dans l’intérêt de la sûreté ou de la sécurité du public. De plus, l’article ne mentionne aucun pouvoir qui serait conféré à la Commission pour désigner les fonctions que les employés devraient exécuter dans l’intérêt de la sûreté ou de la sécurité du public au cours d’une grève.

[…]

[…] La Commission est appelée à faire une détermination avant même qu’un bureau de conciliation soit établi. Il ne peut y avoir recours à la grève que si la procédure de conciliation n’aboutit à rien. […] La formulation de l’article n’exige pas que la Commission détermine quels employés doivent être désignés si la conciliation échoue et s’il y a une grève. L’article vise à déterminer, avant la conciliation, quels sont les employés de l’unité de négociation qui ne pourront faire la grève.

[…]

141 La Cour suprême du Canada a également confirmé dans ACCTA, de façon critique, que l’étendue du pouvoir de l’ancienne Commission ne lui permettait pas de déterminer le niveau des services devant être fournis au public en cas de grève. Voici une partie de la teneur de sa décision sur cette question :

[…]

Il se dégage nettement […] que la Commission a estimé que l’art. 79 lui conférait le pouvoir de déterminer quel niveau de services aériens devait être fourni au Canada dans l’intérêt de la sûreté ou de la sécurité du public. C’est le maintien de ce niveau de service que la Commission devait assurer en cas de grève des contrôleurs de la circulation aérienne et, aux termes de l’art. 79, il lui incombait de désigner les employés appartenant à l’unité de négociation qui devraient exercer les fonctions nécessaires pour assurer ce niveau de service.

Avec égards, je ne suis pas d’accord avec cette interprétation de l’art. 79, pas plus que je n’estime que ce soit là son objet. […]

[…]

142 La décision rendue dans ACCTA a eu pour effet essentiel d’exiger que la Commission respecte la détermination par l’employeur du niveau de services qui doivent être fournis au public et qu’elle désigne les employés (ou plus tard, les postes) qui, dans le cours normal des affaires, exerceraient une fonction de sécurité à nimporte quel degré, et non un nombre critique d’employés (ou de postes) nécessaires pour assurer la sécurité du public au cours d’une grève.

143 En vertu de la nouvelle Loi, le concept d’« employé désigné » ou de « poste désigné » a disparu. Il a été remplacé par le concept de « service essentiel » déterminé dans le contexte d’une « entente sur les services essentiels » négociée par les parties. Tel qu’il a été mentionné précédemment, le paragraphe 4(1) définit un « service essentiel » de la façon suivante :

[…]

« services essentiels » Services, installations ou activités du gouvernement du Canada qui sont ou seront nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public.

[…]

144 Le rôle de la Commission a également été redéfini en vertu de la nouvelle Loi. Le paragraphe 123(3) donne maintenant à la Commission le mandat de statuer sur « toute question » en litige qui porte sur le contenu d’une ESE. Le paragraphe 123(3) autorise de plus la Commission à prévoir que sa décision est réputée faire partie d’une ESE et que les parties sont réputées avoir conclu une telle entente. Ce paragraphe se lit comme suit :

       123. (3) Saisie de la demande, la Commission peut statuer sur toute question en litige pouvant figurer dans l’entente et, par ordonnance, prévoir que :

a) sa décision est réputée faire partie de l’entente;

b) les parties sont réputées avoir conclu une entente sur les services essentiels.

145 Le paragraphe 4(1) de la nouvelle Loi comporte également des indications sur les questions qui peuvent faire partie d’une ESE :

« entente sur les services essentiels » Entente conclue par l’employeur et l’agent négociateur indiquant

a) les types des postes compris dans l’unité de négociation représentée par l’agent négociateur qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels;

b) le nombre de ces postes qui est nécessaire pour permettre à l’employeur de fournir ces services;

c) les postes en question.

146 Dans leurs arguments, les parties défendent des points de vue différents sur la signification et l’importance des changements apportés au cadre législatif décrit précédemment. L’agent négociateur fait valoir que le nouveau cadre réoriente l’analyse pour que soient déterminés les services qui sont essentiels pour la sécurité du public en situation de grève, ce qui constitue un retour à l’approche adoptée avant ACCTA. D’après l’agent négociateur, la question fondamentale qui doit être posée est la suivante : [traduction] « Si un service n’est pas fourni pendant une grève, cela affecterait-il la sécurité du public? » L’agent négociateur a résumé ce point de vue dans ses arguments écrits de la façon suivante :

[Traduction]

[…]

[…] la question qu’il convient de se poser en vertu de la LRTFP est celle de savoir si, en définitive, l’effet d’une grève consisterait à empêcher la prestation de services qui sont nécessaires pour la sécurité du public. La formulation de cette question de cette façon appuie les objectifs en matière de politiques qui sous-tendent la négociation collective, le droit de grève et la prestation de services nécessaires et essentiels au public, tel qu’il est énoncé dans la LRTFP. […]

[…]

147 L’employeur rétorque que l’approche adoptée en vertu de la nouvelle Loi est essentiellement la même qu’en vertu de l’ancienne Loi d’après l’interprétation donnée dans la décision ACCTA. Le critère décisif consiste à définir quelles fonctions sont nécessaires pour la sécurité du public à tout moment. Pour l’employeur, l’inclusion de l’expression « at any time » dans la version anglaise de la définition de « essential service » (« service essentiel ») au paragraphe 4(1) de la nouvelle Loi exige que le statut d’un service soit évalué comme l’exigeait la décision ACCTA en vertu de l’ancienne Loi. Dans les faits, les éléments concernant les services essentiels de la nouvelle Loi ont en fait codifié à dessein la décision rendue dans ACCTA. Par exemple, l’article 120 de la nouvelle Loi a renforcé la conclusion tirée dans ACCTA selon laquelle le droit exclusif de déterminer le niveau de service appartient à l’employeur. L’article 120 se lit comme suit :

       120. L’employeur a le droit exclusif de fixer le niveau auquel un service essentiel doit être fourni à tout ou partie du public, notamment dans quelle mesure et selon quelle fréquence il doit être fourni. Aucune disposition de la présente section ne peut être interprétée de façon à porter atteinte à ce droit.

148 Quel point de vue interprète correctement la nouvelle Loi? La Commission croit qu’il est possible de trouver la réponse à cette question en étudiant la structure et le libellé de la nouvelle Loi elle-même.

149 L’employeur cite la Loi d’interprétation et les décisions de la Cour suprême du Canada – par exemple, Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex – selon lesquelles la Commission doit donner aux dispositions de la nouvelle Loi leur sens ordinaire et interpréter ces dispositions en harmonie avec le régime législatif général et l’intention du législateur. La Commission souscrit à cet énoncé. La règle principale d’interprétation législative s’applique, telle qu’elle est citée dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., au paragraphe 21 (qui cite E. A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd., 1983, à la page 87) :

[…]

Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[…]

En appliquant ces règles, la Commission est convaincue que les nouveaux éléments sur les services essentiels de la loi peuvent être interprétés de manière cohérente et qu’il n’est pas nécessaire d’aller au-delà de cette analyse pour déterminer l’intention du législateur.

150 Le point de départ de l’analyse réside dans la reconnaissance de deux éléments fondamentaux. Premièrement, la nouvelle Loi reconfirme le droit de grève des employés dans certaines circonstances déterminées. Deuxièmement, la nouvelle Loi exprime l’importance primordiale de l’intérêt public dans le régime des relations du travail. Elle associe de bonnes relations du travail avec l’amélioration de la capacité de la fonction publique à servir et à protéger l’intérêt public, comme l’indique le préambule qui se lit en partie comme suit :

[…]

       que le régime de relations patronales-syndicales de la fonction publique doit s’appliquer dans un environnement où la protection de l’intérêt public revêt une importance primordiale;

       que des relations patronales-syndicales fructueuses sont à la base d’une saine gestion des ressources humaines, et que la collaboration, grâce à des communications et à un dialogue soutenu, accroît les capacités de la fonction publique de bien servir et de bien protéger l’intérêt public;

[…]

151 Les éléments sur les services essentiels de la nouvelle Loi équilibrent le droit de grève des employés et le droit du public de recevoir les services de sécurité nécessaires. Il s’agit de trouver un juste équilibre dans l’éventualité précise d’une grève de la fonction publique. Aucun autre scénario n’est envisagé. La protection du droit de grève dans le cadre de l’équilibre recherché ne constitue pas une fin en soi. Elle est plutôt nécessaire pour donner effet au régime de négociation collective intégré à la nouvelle Loi dans les divisions 6 à 11 de la partie 1. Une partie de ce régime est constituée du droit conféré à un agent négociateur, au nom des employés qu’il représente, de choisir la conciliation avec droit de grève comme solution de règlement de différend s’il survient une impasse dans les négociations collectives (article 103).

152 L’agent négociateur cite les commentaires du juge en chef Dickson (tel était alors son titre) de la Cour suprême du Canada dans Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act(Alb.), pour appuyer la proposition selon laquelle le lien entre les négociations collectives libres et la liberté de faire la grève exige que ce dernier droit soit limité seulement « au niveau minimum requis » pour assurer la sécurité du public. La Commission ne conteste pas ces commentaires, mais elle fait observer que les commentaires du juge en chef Dickson constituaient une opinion dissidente dans un arrêt dans lequel les juges majoritaires de la Cour suprême ont conclu que le droit de grève n’était pas protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. Toutefois, le statut constitutionnel du droit de grève n’est aucunement remis en question dans cette décision. Il suffit de reconnaître que le législateur a établi clairement un droit de grève dans la nouvelle Loi. Il incombe par conséquent à la Commission de donner à ce droit son sens véritable, tel qu’il est nuancé par les autres dispositions de la nouvelle Loi.

153 La Commission comprend en outre que le fait de donner son sens au droit de grève prévu par la nouvelle Loi tout en respectant l’intérêt public primordial de la prestation de services essentiels s’inscrit dans une quête d’équilibre encore plus large. Le Parlement a attribué à Parcs Canada des droits et des obligations dans le cadre de ses lois et de ses règlements comme l’expose l’employeur dans ses arguments. La Commission doit reconnaître ces droits et ces obligations tout en les mettant adéquatement en équilibre par rapport aux droits et aux obligations de l’employeur, des employés et des agents négociateurs en vertu de la nouvelle Loi. Plus particulièrement, la Commission doit présumer que le Parlement entendait donner un sens véritable au droit de grève en vertu de la nouvelle Loi même si l’exercice de ce droit peut gêner la capacité de Parcs Canada d’offrir les services requis en vertu de son mandat législatif. Ce sont les éléments des services essentiels de la nouvelle Loi qui servent à concilier les tensions que peuvent susciter les textes législatifs.

154 Le lien entre le concept des services essentiels et la possibilité de faire la grève apparaît en pratique dans les rouages fondamentaux de la nouvelle Loi :

  • Les dispositions sur les services essentiels s’appliquent uniquement aux unités de négociation pour lesquelles l’agent négociateur a indiqué que la conciliation avec droit de grève constitue le mode de règlement des différends en cas de conflits lors de la négociation de la convention collective (article 119).
  • Le délai d’ici lequel l’employeur doit donner avis à l’agent négociateur qu’il estime que des employés occupent des postes qui sont nécessaires pour offrir des services essentiels est établi en fonction de la date à laquelle l’avis de négocier est donné à l’égard d’une unité de négociation sur la voie de la conciliation/grève (article 122).
  • Le délai de réception d’une demande faite par une partie à la Commission afin qu’elle statue sur une question non résolue dans une ESE est directement lié à la date de présentation de la demande de conciliation ou à l’établissement d’une commission de l’intérêt public lorsque la possibilité véritable de grève devient apparente (paragraphe 123(1)).
  • Si des questions concernant une ESE demeurent en suspens, une organisation d’employés ne peut déclarer ou autoriser une grève à moins qu’une ESE soit en vigueur (alinéas 194(1)f) à j)).

155 Tandis que l’ancienne Loi montrait également une partie de ce même lien – par exemple, le lien associé au délai entre la finalisation des postes désignés et la présentation d’une demande d’établissement d’un bureau de conciliation – elle ne comportait pas de dispositions détaillées axées sur la conclusion obligatoire d’une ESE qui constituent un élément définitoire de la nouvelle Loi. De l’avis de la Commission, certaines des nouvelles dispositions éliminent tout doute que la question soumise aux parties et à la Commission est effectivement : « Quels sont les services essentiels dans l’éventualité d’une grève? »

156 Les paragraphes 121(1) et (2) de la nouvelle Loi, par exemple, utilisent les mots « lors d’une grève », « durant une grève » et « pendant une grève », qui sont tout à fait absents des dispositions sur la désignation de l’ancienne Loi, de la façon suivante :

       121. (1) Pour le calcul du nombre des postes nécessaires à la fourniture d’un service essentiel, l’employeur et l’agent négociateur peuvent convenir que l’employeur pourra exiger de certains fonctionnaires de l’unité de négociation, lors d’une grève, qu’ils accomplissent leurs fonctions liées à la fourniture d’un service essentiel dans une proportion plus grande qu’à l’habitude.

       (2) Pour l’application du paragraphe (1), le nombre de fonctionnaires de l’unité de négociation nécessaires à la fourniture d’un service essentiel est calculé :

a) compte non tenu de la disponibilité d’autres personnes pour fournir ce service essentiel durant une grève;

b) compte tenu du fait que l’employeur n’est pas obligé de changer le cours normal de ses opérations afin de fournir ce service essentiel pendant une grève, notamment en ce qui concerne les heures normales de travail, la mesure dans laquelle l’employeur a recours aux heures supplémentaires et le matériel que celui-ci utilise dans le cadre de ses opérations.

[Nous soulignons]

La même mention des mots « lors d’une grève », « durant une grève » et « pendant une grève » est de nouveau présente un total de six autres fois aux paragraphes 123(5) et (6) et 127(5) et (6).

157 Précisons que ce n’est pas seulement la présence des mots « lors d’une grève », « durant une grève » et « pendant une grève » qui est importante. Il est également primordial que les dispositions dans lesquelles ces termes figurent traitent de situations qui ne s’appliquent à peu près pas dans un contexte autre qu’une grève.

158 Examinons, par exemple, le libellé du paragraphe 121(1) de la nouvelle Loi, repris aux paragraphes 123(5) et 127(5). Cette formulation envisage que certains employés peuvent accomplir des fonctions « dans une proportion plus grande qu’à l’habitude ». Elle prévoit que les parties et la Commission ont le droit de tenir compte de cette possibilité pour déterminer le contenu d’une ESE. La Commission est d’avis qu’il n’existerait aucun motif de le faire si l’intention du législateur énoncée dans ces dispositions consistait à reprendre le modèle selon lequel « les activités normales doivent se poursuivre » qui découle de la décision ACCTA. Le libellé de la nouvelle Loi établit une distinction claire entre ce qui pourrait survenir « pendant une grève » et ce qui se produit « à l’habitude ». Par ce libellé, le législateur reconnaît qu’il pourrait devoir se produire quelque chose de différent advenant un arrêt de travail – il peut être nécessaire ou approprié d’adapter l’affectation des fonctions de manière à ce que moins d’employés accomplissent des fonctions essentielles, mais exercent davantage de ces fonctions « qu’à l’habitude ».

159 De même, l’alinéa 121(2)a), par son libellé, repris aux alinéas 123(6)a) et 127(6)a), fait allusion à la possibilité que d’autres fonctionnaires qui ne font pas partie de l’unité de négociation puissent être déployés pour accomplir le travail de l’unité de négociation, puis interdit aux parties ou à la Commission d’envisager cette possibilité dans la détermination du contenu d’une ESE. Encore une fois, ce libellé ne laisse pas croire que le législateur envisageait un modèle selon lequel « les activités normales doivent se poursuivre ». Le contexte dans lequel d’autres personnes qui ne font pas partie de l’unité de négociation sont disponibles pour accomplir des fonctions associées à la sécurité devient problématique en situation de grève. Compte tenu de ce qui peut se produire en situation de grève, le législateur a déclaré, dans les faits, que les parties et la Commission ne peuvent puiser à l’extérieur de l’unité de négociation pour obtenir plus de ressources afin de donner effet à la quête d’un équilibre entre le droit de grève et la prestation de services essentiels.

160 Comme dernier exemple, la nouvelle Loi établit une distinction entre les « types des postes » qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels, le « nombre de ces postes » et les « postes en question » qui sont nécessaires. D’après la Commission, ces distinctions ont une signification seulement si l’intention du législateur était que les parties ou la Commission puissent identifier dans une ESE un sous-ensemble de ces postes dans une unité de négociation dont les titulaires accomplissent des fonctions associées à la prestation d’un service essentiel plutôt que tous les postes dont les titulaires accomplissent des fonctions qui ont trait à la prestation d’un service essentiel. La nouvelle Loi ne prévoit pas que tous les postes qui font partie des « types des postes » qui sont nécessaires pour fournir les services essentiels doivent être les « postes en question » dans une ESE. La Commission estime que la nouvelle Loi permet la détermination distincte du « nombre des postes » qui sont « nécessaires pour fournir les services essentiels […] » et des « postes en question » formant ce nombre qui devraient être identifiés dans une ESE. En ce sens, la structure de la nouvelle Loi est encore une fois conforme à un modèle qui présume que les services essentiels doivent être déterminés dans le contexte d’une situation de grève. Le législateur a envisagé une situation dans laquelle l’effectif est réduit de manière à être établi à un « nombre de postes » et/ou à une liste des « postes en question » négociés ou ordonnés par la Commission qui peut être moindre que l’univers des postes du type de ceux dont le titulaire accomplit des fonctions ayant trait à la prestation d’un service essentiel pour donner au droit de grève sa signification véritable, sans toutefois que l’employeur soit limité dans la prestation des services essentiels qui sont nécessaires.

161 La Commission croit que l’intention du législateur est donc claire. La Commission conclut que la question initiale qu’il convient de poser dans le cadre de l’établissement d’une ESE est : « Quels services sont nécessaires pour assurer la sécurité du public advenant une grève? »

162 Dans leurs arguments, les deux parties ont renvoyé la Commission à des débats parlementaires ou à des comptes rendus des délibérations du comité pour plus d’information au sujet de l’esprit de la nouvelle Loi. Bien que la Commission soit consciente qu’il pourrait être approprié, dans certains cas, de se référer à de telles sources pour obtenir de l’assistance, elle ne croit pas qu’il est nécessairede le faire dans la présente décision. La Commission estime que le libellé de la nouvelle Loi ne comporte pas le type d’imprécision ou d’ambiguïté qui pourrait engendrer un besoin urgent de regarder ailleurs pour obtenir de l’aide. Même s’il était nécessaire de recenser d’autres sources, la Commission estime que les sources citées par les parties ne fournissent pas de renseignements additionnels importants. Certes, la pertinence ou la fiabilité de deux des sources peut être remise en question. Dans Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.), 2000 CSC 31, la Cour déclare (au paragraphe 17) que la preuve tirée des débats parlementaires et des comptes rendus peut être utilisée pour faciliter l’interprétation d’une loi dans la mesure où cette preuve est pertinente et fiable et où on ne lui donne pas plus de poids qu’elle n’en mérite. Premièrement, le discours prononcé par Mme Robillard à la Chambre des communes le 14 février 2003, cité par l’employeur, est formulé en termes généraux et ne porte pas sur des dispositions précises de la section sur les services essentiels de la loi. La pertinence de ses observations pour les questions d’interprétation qui font l’objet de la présente décision est donc discutable. Deuxièmement, la présentation faite au comité parlementaire par Mme Turmel, la présidente de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, citée par l’employeur, donne le point de vue d’un agent négociateur, mais ce point de vue ne peut certes pas être utilisé comme indicateur fiable de l’intention du gouvernement. Ce qui laisse les observations de M. LeFrançois faites au comité permanent, mentionnées par les deux parties. Elle comprennent une déclaration selon laquelle la Commission doit déterminer quels sont les services essentiels lorsque les parties ne s’entendent pas, mais la Commission croit que son droit de le faire ressort du régime législatif lui-même, tel qu’il sera indiqué ultérieurement dans la présente décision.

163 La Commission croit également que la jurisprudence des autres provinces et territoires est d’une utilité restreinte pour interpréter les dispositions sur les services essentiels de la nouvelle Loi. Le régime des services essentiels prévu dans la nouvelle Loi semble unique comparativement aux dispositions des autres lois fédérales et provinciales qui ont été soumises à la Commission. La nouvelle Loi comporte certains éléments qui se trouvent également dans d’autres lois sur le travail, mais renferme aussi des éléments passablement différents. À titre d’exemple, le Code canadien du travail utilise un libellé différent – « des risques imminents et graves pour la sécurité ou la santé du public » – pour définir les services essentiels. Le CCRI détermine également les services qui doivent être maintenus au cours d’une grève et confère le pouvoir explicite de décider du niveau de prestation des services. Ces différences sont substantielles et laissent croire que les décisions rendues en vertu du Code canadien du travail pourraient ne pas éclairer d’emblée les décisions que doit prendre la Commission en vertu de la nouvelle Loi. Des distinctions tout aussi importantes peuvent être établies entre la nouvelle Loi et la plupart des lois provinciales sur les relations du travail dans le secteur public.

164 La Commission souhaite néanmoins mentionner la situation au Nouveau-Brunswick, dont a traité assez exhaustivement l’agent négociateur. Dans sa décision de 2006 dans SCFP, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick s’est penchée sur l’importance de la décision du législateur de remplacer les dispositions relatives à la désignation des employés dans la loi provinciale sur les relations du travail dans la fonction publique, directement inspirée de l’ancienne Loi à l’échelon fédéral, par un nouveau cadre qui cherche essentiellement à déterminer si un poste est nécessaire pour fournir un service essentiel. Était en litige une décision de la CETNB selon laquelle les concierges dans les écoles offraient un service essentiel et ne pouvaient donc pas participer à une grève légale. La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a conclu que la décision de la CTENB était manifestement déraisonnable. Outre les deux autres motifs d’infirmer la décision de la CTENB, la cour ne convenait pas que la CETNB pourrait interpréter les dispositions sur les services essentiels de la loi révisée comme si la décision de l’ACCTA continuait à s’appliquer. La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a écrit :

[…]

21        Ma dernière raison de conclure que la décision de la Commission ne satisfait pas à la norme de contrôle du caractère manifestement déraisonnable tient à ce que j’estime sa démarche inconciliable ou incompatible avec l’objet de l’article 43.1 de la Loi. Je conclus à cette incompatibilité, parce que la supposition que les écoles demeureront ouvertes dans l’éventualité d’une grève est un simple retour au genre de raisonnement adopté par la Cour d’appel fédérale du Canada dans ACCTA. En fait, la Commission aborde le problème en posant une question de portée générale, au lieu de la question de portée étroite que requiert l’article 43.1. La question de portée générale est la suivante : les concierges exercent-ils des fonctions qui peuvent avoir des répercussions sur la santé du public? S’il faut poser la question en ces termes, la réponse est évidente et la décision de la Commission est confirmée. Mais, si nous reformulons la question pour en reserrer la portée, la réponse n’est ni immédiate ni certaine. La question de portée étroite est celle-ci : quelles seront en définitive, sur l’intérêt public, les répercussions d’une incapacité de l’employeur de dispenser le service qu’offrent les concierges? En somme, la question de portée étroite force la Commission à considérer les répercussions qu’une interruption des services aurait en définitive sur l’intérêt public au plan de la santé, de la sûreté ou de la sécurité.

22        Il m’apparaît que la Commission ne s’est jamais penchée sur la question des services essentiels comme s’il s’agissait d’un problème d’interprétation. L’eût-elle fait, elle aurait dû se demander si l’article 43.1 de la Loi avait été adopté en vue de réformer la démarche analytique proposée dans ACCTA. À mon sens, le législateur avait cette intention. Il est à noter que l’article 43.1 porte que la Commission doit identifier les services à fournir par l’unité de négociation « qui en tout temps déterminé sont nécessaires ou qui le seront dans l’intérêt de la santé, de la sûreté ou de la sécurité du public ». Ce passage exige de la Commission, à mon avis, qu’elle aborde la désignation en fonction des répercussions qu’une grève aurait en définitive sur l’intérêt public tel que le définit la Loi. En d’autres termes, la Commission se doit à tout le moins de poser la question de portée étroite, sans quoi le droit de grève des employés d’écoles pourrait très bien devenir illusoire. […]

[…]

165 La Commission constate que l’analyse effectuée dans SCFP comporte des éléments à propos, mais elle reconnaît que les dispositions de la loi modifiée du Nouveau-Brunswick examinées dans SCFP diffèrent à certains égards de la nouvelle Loi. Par exemple, l’employeur souligne que les employeurs du Nouveau-Brunswick visés par cette loi ont le droit de mettre les employés en lock-out. Que cette différence soit importante ou non – proposition sujette à méfiance de l’avis de cette Commission – il demeure que l’assemblée législative provinciale a modifié la loi de manière à remplacer l’approche fondée sur les désignations élaborée d’après l’ancienne Loi par une approche axée sur les services essentiels. La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a conclu que cette modification a modifié volontairement le régime. Surtout, elle était persuadée que cette évolution vers une exigence de déterminer les services essentiels s’accompagnait d’une exigence de mettre l’accent sur la façon dont le retrait de services pourrait avoir des répercussions sur la sécurité du public advenant une grève. Élément essentiel, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a tiré cette conclusion même si la loi modifiée a défini les services essentiels en utilisant une partie des mêmes termes qui avaient déjà mené la Cour suprême du Canada, dans ACCTA, vers une orientation différente. Précisément, le paragraphe 43.1(3) de la Loi sur les relations de travail dans les services publics, L.R.N.-B. 1973, c. P-25, se lit notamment de la façon suivante :

[…]

        43.1(3) Dans les sept jours suivant la réception par la Commission de l’avis prévu au paragraphe (1), la Commission doit avec l’avis de l’employeur et de l’agent négociateur établir les délais dans lesquels l’employeur et l’agent négociateur doivent s’efforcer de parvenir à un accord identifiant

a) les services fournis par l’unité de négociation qui en tout temps déterminé sont nécessaires ou qui le seront dans l’intérêt de la santé, de la sûreté ou de la sécurité du public,

[…]

[Nous soulignons]

166 Il existe peu de différences évidentes entre l’énoncé « […] en tout temps déterminé sont nécessaires ou qui le seront […] » dans le libellé de la loi du Nouveau-Brunswick étudié dans SCFP et l’énoncé « […] à un moment particulier, ou [seront ou non] après un délai déterminé […] » dans l’ancienne Loi qui a retenu l’attention de la Cour suprême du Canada dans ACCTA. Manifestement, le maintien de cette formulation dans la loi modifiée du Nouveau-Brunswick n’a pas empêché la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick de conclure que l’interprétation donnée dans ACCTA ne s’appliquait plus pour statuer sur les services essentiels.

167 L’argument qui précède appuie de façon secondaire la présente décision. L’employeur fait valoir que l’inclusion de l’expression anglaise « at any time » dans la version anglaise de la définition d’un service essentiel au paragraphe 4(1) de la nouvelle Loi illustre l’intention du législateur selon laquelle l’effet de la décision ACCTA doit demeurer sous le régime de la nouvelle Loi et que l’on ne devrait pas déterminer ce que constitue un service essentiel en tenant compte de la dynamique d’une situation de grève. Pour l’employeur, l’expression anglaise « at any time » a exactement le même effet que les mots « […] at any particular time or after any specified period […] » dans la version anglaise de l’ancienne Loi.

168 La Commission accepte que la présence des mots anglais « at any time » semble par ailleurs faire écho au libellé de l’ancienne Loi. Cependant, tout bien considéré et en toute déférence, la Commission est en désaccord avec l’employeur quant à sa signification, compte tenu de la décision rendue par la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick dans SCFP, mais surtout en raison de la logique du régime législatif de détermination des services essentiels dans la nouvelle Loi elle-même, considérée globalement. Tel qu’il était énoncé précédemment, la Commission doit donner aux termes précis d’une disposition de la nouvelle Loi une signification compatible avec l’ensemble du cadre législatif et avec l’intention de celui-ci. En considérant les dispositions sur les services essentiels de la section 8 de la nouvelle Loi comme un tout fonctionnel, la Commission conclut que les mots anglais « at any time » utilisés dans la définition anglaise des services essentiels ne devraient pas être interprétés comme l’employeur le demande. Comme l’a montré l’analyse qui précède, les décisions clés prises sous le régime de la nouvelle Loi au sujet du contenu d’une ESE – et peut-être, ce qui importe encore davantage, l’identification du nombre de postes et les postes en question dont les titulaires accomplissent des fonctions de sécurité – doivent être établies en tenant compte des circonstances qui sont présentes ou qui pourraient être présentes « pendant une grève », et non dans le cours « normal » des affaires. La Commission estime que bon nombre des dispositions de la nouvelle Loi révèlent l’intention du législateur selon laquelle une ESE a pour objet unique de créer les conditions dans lesquelles les employés peuvent exercer leur droit de grève sans mettre en péril la capacité de l’employeur de protéger la sécurité du public au cours d’une grève. À l’opposé, l’interprétation faite par l’employeur des mots anglais « at any time » nous amène vers un scénario différent fondé sur un régime législatif désormais inexistant, ce qui exigerait que la Commission définisse les services essentiels sans prendre en compte la dynamique d’une situation de grève.

169  La Commission est d’avis qu’une telle approche est incompatible avec l’objet de la nouvelle Loi. Le législateur a choisi de modifier le fond de la loi plutôt que de modifier ce qui existait précédemment. Le Parlement a élaboré la nouvelle Loi autour de l’établissement d’une ESE qui, de l’avis de la Commission, revêt une signification seulement dans le contexte d’une grève. La Commission croit ainsi que les mots anglais « at any time » dans la définition anglaise des services essentiels doivent être interprétés dans ce contexte. Compte tenu de l’objet essentiel d’une ESE, la Commission doit analyser la nature des services essentiels dans la mesure où ils se rapportent à la possibilité d’une grève. À des fins de cohérence, elle doit interpréter les mots anglais « at any time » comme s’ils désignaient toute période pendant laquelle une ESE peut s’appliquer, c’est-à-dire en tout temps pendant une grève.

170 La Commission croit que l’employeur a accepté tacitement cette approche ailleurs dans les arguments qu’il présente dans cette affaire. Dans son exposé écrit de ses arguments, l’employeur désigne les postes dont les titulaires accomplissent des fonctions de sécurité comme [traduction] « […] une masse critique raisonnable dans le contexte du Parc national Pukaskwa [nous soulignons] ». L’employeur a également précisé que les activités normales ne se poursuivent pas nécessairement lorsque survient une grève. La notion d’une « masse critique » des postes dont les titulaires accomplissent des fonctions de sécurité en dehors du contexte de la poursuite des activités normales dénote une approche qui a examiné à dessein ce qui pourrait se produire en cas de grève et qui a identifié les services essentiels et les postes requis pour l’accomplissement de ces services. Certes, le témoignage complet de Mme Heron, la gestionnaire du Parc national Pukaskwa, ne comportait aucune indication qu’elle avait interprété ses tâches comme si elle devait désigner tous les postes de l’unité de négociation comportant des fonctions de sécurité « en tout temps » dans le cours normal des affaires. Si tel avait été le cas, on pourrait facilement conclure de son témoignage que des postes additionnels pourraient ou auraient dû être désignés. Pour ne citer qu’un exemple, aucun des trois postes de l’équipe de lutte contre les incendies (pièce E-9) ne fait partie des « postes en question » proposés par l’employeur malgré le témoignage de Mme Heron selon lequel les titulaires de ces postes participent habituellement à la lutte contre les risques d’incendie à Pukaskwa. Le seul poste désigné est celui de superviseur spécialiste de la conservation des ressources (poste no 4676, pièce E-5, onglet F). D’après Mme Heron, au cours d’une grève, le titulaire de ce poste peut accomplir les fonctions de coordination de la surveillance et d’intervention en cas d’incendie qui sont nécessaires, en faisant appel au besoin à d’autres ressources de Parcs Canada ou, dans le cas d’incendies qui se produisent dans la « zone de coopération » désignée, à des ressources du gouvernement provincial aux termes d’une entente avec le ministère des Ressources naturelles de l’Ontario (pièce E-8, onglet 4).

171 Cette conclusion est également appuyée par l’application d’un autre principe d’interprétation législative voulant « qu’un mot qui revient à maintes reprises dans une loi ait le même sens partout dans cette loi » : Francis c. Baker, [1999] 3 R.C.S. 250. Voir également R. c. Zeolkowski, [1989] 1 R.C.S. 1378, et Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994), à la page 163. La Cour suprême du Canada a exposé le principe un peu différemment, avec toutefois le même effet, dans Thomson c. Canada (Sous-ministre de l’Agriculture),[1992] 1 R.C.S. 385, à la p. 400: « […] à moins que le contexte ne s’y oppose clairement, un mot doit recevoir la même interprétation et avoir le même sens tout au long d’un texte législatif ».

172 L’expression anglaise « at any time » figure dans la définition anglaise des services essentiels (article 4) ainsi que dans l’article 120 de la Loi. La version anglaise de l’article 120 énonce le droit de l’employeur de déterminer le niveau de prestation d’un service essentiel en tout temps (« at any time »). La détermination du niveau d’un service essentiel survient seulement dans le contexte d’une grève. Il est clair que l’article 120 est appliqué par l’employeur seulement s’il réfléchit au niveau de service requis pendant une grève. Il apparaît donc clairement que l’expression anglaise « at any time » dans cette disposition doit être interprétée comme si elle signifiait en tout temps advenant une grève. Le paragraphe 123(4) de la Loi prévoit que l’ordonnance rendue par la Commission ne peut obliger l’employeur à modifier le niveau auquel un service essentiel doit être fourni « notamment dans quelle mesure et selon quelle fréquence il doit être fourni ». Le contexte de cette disposition établit clairement que l’expression anglaise « at any time » que l’on retrouve dans cette disposition, signifie en tout temps advenant une grève parce que l’ordonnance de la Commission s’applique seulement dans le contexte d’un cas possible de grève. Par conséquent, pour que l’expression anglaise « at any time » (en tout temps) de la Loi soit interprétée de manière cohérente, elle doit être interprétée comme si elle signifiait « en tout temps » advenant une grève. Rien dans le contexte des dispositions n’indiquerait qu’une interprétation différente de ladite expression était souhaitée. Si le législateur avait souhaité des interprétations différentes de la même expression, il l’aurait précisé clairement dans la disposition définitoire de la Loi.

173 Si, au contraire de la conclusion tirée dans la présente décision, la Commission devait interpréter la nouvelle Loi en conformité avec la décision ACCTA, il lui faudrait décider quels services sont essentiels dans le cours normal des affaires. Cela étant dit, la Commission serait néanmoins tenue de prendre d’autres décisions sur le contenu d’une ESE au sujet de certaines dispositions de la nouvelle Loi, comme les paragraphes 123(5) et (6). Comme nous en avons traité précédemment, ces dispositions attirent directement l’attention de la Commission vers la dynamique d’une situation de grève. En outre, compte tenu de la façon dont la Loi formule et traite d’autres éléments de contenu d’une ESE (le « nombre des postes » nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels et les « postes en question »), la Commission pourrait quand même identifier un sous-ensemble de postes faisant partie d’une unité de négociation dont les titulaires accomplissent des fonctions de sécurité pour inclusion dans une ESE plutôt que tous les postes qui sont du « type des postes » comportant des fonctions de sécurité.

174 La Commission conclut que compte tenu des modifications de fond apportées dans la nouvelle Loi prise globalement et de ce que ces changements révèlent de l’intention du législateur, la question principale qui doit être posée pour statuer sur une demande présentée en vertu du paragraphe 123(1) est : « Quels services sont nécessaires pour assurer la sécurité du public advenant une grève? »

B. Qu’est-ce qui n’a pas changé dans la nouvelle Loi?

175 Quoique la nouvelle Loi diffère considérablement de l’ancienne Loi dans son approche du maintien des fonctions de sécurité au cours d’une grève et dans les pouvoirs conférés à la Commission pour régler les différends sur cette question, tout n’a pas changé.

176 D’abord et avant tout, le concept de « sécurité du public » demeure le concept clé qui est au cœur de la nouvelle Loi. En fait, la nouvelle Loi, par son préambule, a fourni une orientation plus explicite selon laquelle la « protection de l’intérêt public » constitue l’objet primordial de la loi. Compte tenu de ce préambule et de la définition d’un « service essentiel » dans le paragraphe 4(1), il est clair que l’intérêt public primordial qui doit être protégé dans une ESE est la sécurité du public.

177 Dans la mesure où les décisions de l’ancienne Commission interprétaient le même concept de « sécurité du public », ces décisions peuvent continuer à constituer de la jurisprudence pertinente pour cette Commission lorsqu’elle examine des demandes présentées en vertu du paragraphe 123(1) de la nouvelle Loi. Parmi les sujets des décisions précédentes dont le traitement par l’ancienne Commission devrait continuer à susciter de l’intérêt, mentionnons la définition de ce qu’est le « public » et la portée et la signification données au terme « sécurité ».

178 La Commission croit également que les questions liées au fardeau et à la norme de preuve pour déterminer les services essentiels ne diffèrent pas beaucoup de la situation sous le régime de l’ancienne Loi, à une exception précise près. En ce qui concerne l’approche générale qui devrait s’appliquer, l’agent négociateur fait valoir que l’employeur doit présenter « […] des preuves convaincantes et précises qui établissent l’importance du rôle de sécurité des services qu’il fournit ». Dans ses arguments, l’employeur adopte une approche quelque peu différente :

[Traduction]

[…]

25. La nature de l’enquête de la Commission n’est pas contradictoire. Comme la Commission doit statuer sur des questions liées à la « sécurité du public », les notions de fardeau et de norme de preuve ne seront d’aucune utilité dans le cadre de son enquête. […]

[…]

27. L’employeur accepte qu’en l’espèce, il a le fardeau initial de prouver à la Commission que les titulaires des postes désignés à des fins d’inclusion dans l’ESE accomplissent des fonctions qui sont « nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public ». Compte tenu du cadre législatif et particulièrement du paragraphe 123(7) de la LRTFP, et des principes jurisprudentiels établis, la norme de preuve devrait être une norme de déférence.

28. Une fois que l’employeur s’est acquitté de ce fardeau initial, il incombe désormais à l’agent négociateur qui, dans les faits, soutient que les postes désignés ne sont pas « nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public » de prouver pourquoi ces postes ne sont pas essentiels.

[…]

179 La Commission accepte qu’une demande présentée en vertu du paragraphe 123(1) de la nouvelle Loi lance un mécanisme qui, à certains égards, ressemble davantage à une enquête sur les faits qu’à une procédure contradictoire. Le rôle principal de la Commission n’est pas de décider laquelle des parties a raison, mais plutôt de statuer dans l’intérêt public. Le contexte et le cadre législatif exigent que la Commission procède à un examen prudent à deux égards. Premièrement, comme l’indiquait la jurisprudence de l’ancienne Commission et comme le réitère le préambule de la nouvelle Loi, la Commission devrait privilégier la prudence en protégeant les intérêts du public en matière de sécurité; voir, par exemple, Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Groupe de la radiotélégraphie, catégorie technique). Deuxièmement, en adoptant une optique différente, la Commission devrait veiller à ne pas priver les employés de leur droit de grève (ni, en ce faisant, miner la capacité de l’agent négociateur de mener des négociations collectives efficaces) à moins d’être convaincue que la preuve qui lui est soumise établit une base solide qui lui permet de déclarer un service essentiel ou de déterminer les autres éléments qui devraient être inclus dans une ESE.

180 La Commission, qui a bien considéré la nécessité de faire preuve de prudence à ces deux égards, est d’avis que le fardeau de la preuve principal continue d’incomber à l’employeur en vertu de la nouvelle Loi, comme c’était le cas par le passé lorsque l’employeur proposait de désigner des postes sous le régime de l’ancienne Loi. L’employeur doit soumettre des preuves à la Commission pour la persuader qu’il existe un fondement raisonnable et suffisant lui permettant de conclure, par exemple, qu’un service est essentiel, que le titulaire d’un certain « type de poste » offre ce service ou qu’un certain « nombre de postes » font partie de ce type.

181 La Commission n’est d’accord ni avec la position de l’employeur selon laquelle à un certain moment, le fardeau de la preuve repose purement et simplement sur l’agent négociateur, ni avec l’affirmation selon laquelle la Commission devrait adopter une norme de preuve fondée sur la déférence pour évaluer la position de l’employeur. Certes, la Commission peut faire preuve de déférence pour décider du contenu d’une ESE, mais la forme de déférence adéquate – à la lumière du préambule de la nouvelle Loi – s’applique à l’intérêt public plutôt qu’à l’employeur. En outre, montrer de la déférence à l’égard de l’intérêt public n’équivaut certes pas à renverser le fardeau de la preuve de manière à imposer à l’agent négociateur de réfuter ce que propose l’employeur.

182 Le paragraphe 123(7) de la nouvelle Loi exprime une règle précise et exceptionnelle au sujet du fardeau de la preuve que doit respecter la Commission. Cette disposition est rédigée comme suit :

      123. (7) Si la demande porte sur un poste en particulier à nommer dans l’entente, la proposition de l’employeur à cet égard l’emporte, sauf si la Commission décide que le poste en question n’est pas du type de ceux qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels.

Le paragraphe 123(7) exige que la Commission accepte la proposition de l’employeur d’inclure des postes en particulier dans une ESE, sauf si la Commission décide que ces postes ne sont pas du type des postes qui permettent à l’employeur de fournir un service essentiel. Dans toute demande qui lui est soumise, il incombera à la Commission d’étudier le poids de la preuve présentée par les deux parties – ou l’absence de preuves spécifiques – pour déterminer s’il est justifié de s’écarter de la présomption en faveur de la proposition de l’employeur qui est formulée au paragraphe 123(7). En l’absence d’une telle justification, la proposition de l’employeur de désigner les postes en question sera acceptée. Selon l’agent négociateur, le paragraphe 123(7) a pour effet de renverser le fardeau de la preuve. Toutefois, la Commission fait observer que ce n’est pas ce que dit le libellé pur et simple de la disposition, contrairement à d’autres dispositions énoncées ailleurs dans la Loi, qui renversent expressément le fardeau de la preuve; voir, par exemple, le paragraphe 191(3).

C. Le cheminement analytique

183 Une fois qu’une partie a déposé une demande en vertu du paragraphe 123(1) de la nouvelle Loi dans les délais prévus et que la Commission est convaincue, aux termes du paragraphe 123(2), que les parties « […] ont fait tous les efforts raisonnables pour conclure une entente sur les services essentiels », la Commission a pour mandat, en vertu du paragraphe 123(3) de « […] statuer sur toute question en litige pouvant figurer dans l’entente et, par ordonnance, prévoir […] ».

184 L’ampleur et le type des questions sur lesquelles doit statuer la Commission seront fonction de la nature des questions non résolues qui sont établies par les parties. Les décisions que la Commission est tenue de prendre pourraient bien nécessiter divers niveaux d’analyse, du plus général au très détaillé. Dans certaines demandes, l’identification même des services essentiels peut être remise en question. Dans d’autres, les parties pourraient s’entendre sur la définition des services essentiels, mais ce pourrait être l’identification des postes particuliers dont les titulaires offrent ces services qui est contestée. On peut s’attendre à ce que plusieurs types de différends soient soumis à la Commission.

185 Dans le contexte de cette première décision sur les services essentiels rendue sous le régime de la nouvelle Loi, la Commission expose un cheminement analytique général qui orientera les décisions relatives à une ESE sur la base de l’objet et de la conception de la loi.

186 La première question à régler pour toute ESE est la désignation des services essentiels. Bien que le paragraphe 4(1) de la nouvelle Loi ne mentionne pas explicitement que cette question s’inscrit dans le contenu d’une ESE, le contenu qui est mentionné au paragraphe 4(1) ne peut être déterminé en l’absence de services essentiels désignés. Comme nous l’avons indiqué précédemment, les éléments du contenu d’une ESE énumérés dans la nouvelle Loi sont les suivants :

[…]

a) les types des postes compris dans l’unité de négociation représentée par l’agent négociateur qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels;

b) le nombre de ces postes qui est nécessaire pour permettre à l’employeur de fournir ces services;

c) les postes en question.

[…]

Pour que soient déterminés les « types des postes », le « nombre de ces postes » et les « postes en question » qui sont nécessaires pour fournir les services essentiels, les services essentiels fournis par les employés d’une unité de négociation doivent d’abord avoir été établis.

187 En vertu du paragraphe 123(3) de la nouvelle Loi, c’est la Commission qui doit décider quels services sont essentiels lorsque les parties ne se sont pas entendues sur cette question. Le pouvoir de la Commission à cet égard est inhérent à l’exercice de ses pouvoirs prévus par le paragraphe 123(3). Fait important, dans les cas où le législateur entendait accorder à l’employeur le pouvoir de prendre une décision, par opposition à la Commission, il l’a fait clairement et explicitement, par exemple, dans l’article 120 et sous certaines réserves, dans le paragraphe 123(7). L’absence de toute disposition prévoyant qu’il incombe à l’employeur de déterminer les services qui sont essentiels renforce par conséquent la conclusion selon laquelle cette responsabilité est attribuée par la loi à la Commission. (Comme nous l’avons mentionné précédemment, les commentaires de M. LeFrançois étayent également cet argument.)

188 Les parties en l’espèce ne contestent pas le pouvoir de la Commission de déterminer les services essentiels. L’agent négociateur demande explicitement que la Commission rende une telle décision, quoiqu’il formule sa demande par la négative (il demande que la Commission décide que le soutien accordé aux services des loisirs n’est pas un service essentiel). Dans l’exposé écrit de son argumentation, l’employeur demande quant à lui à la Commission de rendre une ordonnance « […] déclarant que les activités de prévention, de surveillance et d’intervention en matière de sécurité du public […] sont nécessaires pour la sécurité […] du public […] ».

189 Une fois que les services essentiels sont déterminés, la loi prévoit qu’il faut décider du « niveau de service ». L’article 120 de la nouvelle Loi confère à l’employeur le pouvoir exclusif de déterminer le « niveau de service ». Il est clair que la Commission ne peut jouer aucun rôle dans cette décision.

190 L’article 120 de la nouvelle Loi ne donne qu’une indication limitée de la signification de l’expression « niveau de service ». En effet, il prévoit « […] notamment dans quelle mesure et selon quelle fréquence il doit être fourni ». Le contexte d’une affaire donnée pourrait bien orienter les autres éléments susceptibles d’être inclus dans le « niveau de service ». La Commission craint toutefois de reconnaître et de préserver la distinction faite dans la nouvelle Loi entre « service essentiel » et « niveau de service » et entre les divers pouvoirs décisionnels qui s’appliquent à chacun. La détermination par l’employeur du « niveau de service » ne devrait pas se substituer à une décision au premier chef sur les services essentiels ni, par ailleurs, dicter une telle décision, qu’elle soit prise de façon bilatérale par les parties dans le cadre des négociations sur l’ESE ou par la Commission en application d’une demande présentée en vertu du paragraphe 123(1) de la nouvelle Loi.

191 Le cadre de la nouvelle Loi propose un ordre logique pour déterminer les éléments restants du contenu d’une ESE. Les « services essentiels » et le « niveau de service » ayant été décidés, l’analyse porte ensuite dans l’ordre sur le « type des postes », le « nombre de ces postes » et les « postes en question » qui sont nécessaires pour fournir les services essentiels au niveau de service déterminé. Il se peut qu’une ESE ne traite ni n’ait besoin de traiter explicitement des trois éléments. À tout le moins, les « postes en question » qui sont nécessaires pour fournir des services essentiels doivent être identifiés pour donner effet à l’ESE. Selon le cas, les parties ou la Commission pourraient traiter directement de cet élément sans prendre explicitement de décisions sur le type et le nombre des postes requis pour assurer les services essentiels. Il est plus probable que si le différend semble à première vue porter seulement sur la détermination des « postes en question », les positions défendues par les parties sur cette question révéleront des hypothèses implicites ou des ententes tacites concernant le « type des postes » et le « nombre de ces postes ». Si le sujet des « postes en question » était soumis à la Commission, celle-ci pourrait devoir « défaire » ces hypothèses et ces ententes tacites et, au besoin, rendre des ordonnances basées sur ses propres décisions.

D. Les conclusions dans Pukaskwa

192 Outre l’identification d’un poste précis, les deux demandes soumises à la Commission conservent à tous les éléments d’une ESE pour Pukaskwa leur caractère litigieux. Compte tenu du cheminement analytique exposé précédemment, la Commission doit d’abord décider quels services essentiels, s’il y a lieu, sont offerts dans le contexte factuel de Pukaskwa.

1. Quels services essentiels sont offerts à Pukaskwa?

193 L’agent négociateur demande à la Commission de conclure que le soutien fourni pour les services des loisirs ne constitue pas un service essentiel à Pukaskwa. L’employeur demande une déclaration selon laquelle les activités de prévention, de surveillance et d’intervention en matière de sécurité du public qui sont en place à Pukaskwa sont des services essentiels.

194 Les divergences dans les positions adoptées par les parties reflètent un désaccord fondamental sur ce qui devrait se produire à Pukaskwa dans l’éventualité d’une grève. L’agent négociateur soutient que l’employeur peut fermer Pukaskwa pendant un arrêt de travail. Par conséquent, en déterminant les services essentiels, la Commission devrait présumer de la fermeture du parc. L’employeur affirme qu’il ne possède pas le pouvoir de fermer le parc. En outre, il fait valoir que le public continuera à avoir accès à Pukaskwa malgré les mesures prises pour limiter l’entrée et malgré toute mesure de grève. La Commission doit statuer sur les services essentiels en conséquence.

195 Au premier stade de cette affaire, le fardeau principal repose sur l’employeur. Il doit justifier de manière raisonnable et suffisante sa proposition concernant les services essentiels qui devraient être maintenus à Pukaskwa. La Commission fait observer que l’employeur n’a pas proposé que le soutien fourni pour les activités de loisirs est un service essentiel à Pukaskwa. Au contraire, l’employeur prétend que le soutien accordé par les titulaires de postes aux activités de loisirs destinées au public à Pukaskwa n’est pas pertinent dans le cadre de cette demande. Par conséquent, d’un point de vue technique du moins, la Commission n’est pas tenue de déterminer si le soutien des services de loisirs est essentiel. L’employeur n’a pas présenté cette proposition à la Commission ni ne doit s’acquitter du fardeau de réfuter les prétentions de l’agent négociateur selon lesquelles le soutien des services de loisirs n’est pas essentiel. Dans sa décision, la Commission a pour tâche de déclarer quels sont les services qu’elle juge essentiels, et non les services qui ne sont pas essentiels. En toute logique, les éléments non essentiels du travail sont ceux qui ne sont pas expressément désignés dans une ESE.

196 Cela dit, la Commission reconnaît que les membres du public fréquentent surtout le parc à des fins de loisirs, peu importe la situation. En proposant une « masse critique » de certains postes à inclure dans une ESE, l’employeur a reconnu que Pukaskwa fonctionnera en offrant un niveau de services réduit advenant une grève. Certaines des fonctions ou nombre d’entre elles qui ne seront pas exécutées pendant une grève aux termes de la proposition de l’employeur s’apparentent probablement à des services de loisirs non essentiels. Il se peut néanmoins que des services qui sont maintenus soutiendront, en termes généraux, des activités de loisirs parce qu’ils sont liés à la présence du public dans le parc, une présence fondée essentiellement sur l’utilisation des services de loisirs. Il s’agit d’une question définitoire. En quoi consistent les « services de loisirs »? Si les « services de loisirs » sont définis en termes généraux, il est probablement possible d’affirmer que la proposition de l’employeur inclut des éléments qui soutiennent les loisirs pour le public. Si la définition est plus restreinte, il y a lieu de croire que l’employeur accepte essentiellement que le maintien normal des activités – soit les activités de soutien des loisirs – ne se poursuivra pas pendant une grève dans une large mesure, cette position n’est pas entièrement différente de ce que propose l’agent négociateur.

197 Dans les faits, l’agent négociateur fait valoir que la nécessité de désigner les services essentiels peut être largement éliminée si le parc est fermé. Il prétend que l’employeur a le pouvoir de le faire. Sur ce dernier point, la Commission est d’accord. Si, comme les documents mentionnés par l’employeur le révèlent, un directeur de parc peut « fermer temporairement des secteurs du parc ou en limiter l’accès lorsque, à son avis, les lieux représentent un sérieux danger pour les visiteurs » (pièce E-1, onglet 3), il s’ensuit qu’un directeur de parc peut fermer tous les secteurs du parc s’il juge les circonstances potentiellement trop dangereuses pour permettre l’accès public au cours d’une grève. En outre, la Commission note que le Règlement général sur les parcs nationaux (DORS/78-213) semble envisager la possibilité d’une fermeture de parc. L’article 7 est ainsi rédigé :

RESTRICTIONS ET INTERDICTIONS

      7. (1) Le directeur du parc peut, pour les besoins de l’administration du parc, imposer des restrictions ou des interdictions à certains déplacements ou activités ou à l’usage de certaines installations dans des zones précises du parc.

      (2) Le directeur du parc doit afficher un avis des restrictions ou des interdictions imposées selon le paragraphe (1), dans les bureaux des gardiens de par cet les bureaux d’information du parc, ou aux entrées du parc.

      (3) L’avis visé au paragraphe (2) doit contenir

a) une description de l’activité ou des installations auxquelles s’applique la restriction ou l’interdiction;

b) l’étendue de la restriction imposée à une activité ou à des installations;

c) une description de la zone où les déplacements sont restreints ou interdits;

d) une carte de la zone où les déplacements sont restreints ou interdits, si celle-ci n’englobe pas la superficie entière du parc.

      4) Il est interdit d’exercer une activité, d’utiliser des installations ou d’entrer et de se déplacer dans une zone auxquelles s’applique une restriction ou une interdiction imposée selon le paragraphe (1), à moins de ne posséder un permis délivré en vertu du paragraphe (5).

[…]

[Nous soulignons]

198 Toutefois, la Commission n’a pas le pouvoir d’ordonner la fermeture de Pukaskwa advenant une grève. L’employeur peut choisir de fermer Pukaskwa dans le cadre de l’exercice de son pouvoir exclusif prévu à l’article 120 de la nouvelle Loi de déterminer le niveau de prestation des services essentiels. La Commission ne peut abroger ce pouvoir.

199 Même si l’employeur devait fermer officiellement Pukaskwa pendant une grève, le témoignage de Mme Heron, non contredit pour l’essentiel, suffit pour établir que le public peut quand même entrer dans le parc par des chemins d’arrière-pays, le long de la côte prolongée, voire peut-être par l’entrée principale elle-même au cours des heures d’absence de personnel. La question du droit d’accès au parc en vertu du traité autochtone est également importante. Il est certain que la Commission n’a reçu aucune preuve que l’employeur pourrait gêner légalement la présence dans le parc des membres des Premières nations dont les droits issus de traités s’appliquent, et ce même si le parc est officiellement fermé au reste du public. En pratique, la Commission est donc convaincue qu’elle doit déterminer les services essentiels à Pukaskwa en gardant à l’esprit la possibilité que les membres du public seront dans le parc au cours d’une grève, sans égard à la réduction du nombre. Il n’était pas contesté que les employés de Parcs Canada qui sont à Pukaskwa pendant une grève doivent également être considérés comme membres du « public ». On peut s’attendre à ce que les membres du personnel présents au parc soient formés des employés exclus de l’unité de négociation, des employés de l’unité de négociation occupant des postes précis désignés comme essentiels (comme le poste no 9927, de gardien de parc II, qui a fait l’objet d’une entente) et des autres employés de l’unité de négociation qui ne participent pas à la grève pour quelque raison que ce soit (p. ex. une grève partielle du personnel du parc).

200 La Commission ne peut accueillir la demande de l’employeur de déclarer que celui-ci n’est pas tenu de mettre fin à ses opérations au cours d’un arrêt de travail, et ce pour le même motif que la Commission ne peut ordonner la fermeture du parc pendant une grève. Encore une fois, il n’appartient pas à la Commission de stipuler comment l’employeur exerce son pouvoir au sujet du niveau de service en vertu de l’article 120 de la nouvelle Loi une fois que la Commission a décidé quels services essentiels doivent être maintenus.

201 Si l’on se base sur un scénario de grève dans lequel des membres du public se trouvent néanmoins à Pukaskwa, quels risques pour la sécurité du public doivent être raisonnablement pris en compte par la Commission pour décider des services essentiels qui doivent être offerts? Une bonne partie de la preuve pertinente propre à Pukaskwa qui a été soumise à la Commission par le seul témoin sur les lieux, Mme Heron, demeure également non contredite. L’agent négociateur n’a pas beaucoup contesté les types de risques pour la sécurité du public qui ont été décrits par Mme Heron ou qui ont été divulgués par les documents qui illustrent les risques pour la sécurité à Pukaskwa. Il a plutôt fait valoir que ces risques disparaissent ou ne nécessitent pas l’identification de plus que le poste unique de gardien de parc II convenu par les parties si le parc est fermé.

202 L’employeur décrit les services essentiels pertinents comme suit : « […] les activités de prévention, de surveillance et d’intervention en matière de sécurité du public qui sont en place à Pukaskwa […] » La Commission estime que cette description est trop générale pour avoir une utilité pratique de point de vue de son inclusion dans l’ESE et plus générale que ce que justifie la preuve précise présentée à la Commission. Tel qu’il est illustré dans des documents comme le Bulletin 4.4.3 de Parcs Canada intitulé Gestion de la sécurité publique (pièce E-1, onglet 3) et dans la Directive de gestion des mesures de sécurité publiques des lieux historiques et des canaux 3.1.3 (pièce E-1, onglet 4), un nombre important d’activités peuvent de façon plausible être comprises dans la rubrique « prévention, surveillance et intervention », mais elles ne seront pas nécessairement toutes exercées dans chaque parc ni de la même façon. La preuve propre à Pukaskwa qui est produite par l’employeur laisse croire qu’il conviendrait davantage d’indiquer les services essentiels avec plus de précision. En ce faisant, la Commission doit privilégier la prudence afin que l’intérêt public soit protégé adéquatement. Elle doit par ailleurs définir les services essentiels avec assez de précision pour faciliter la désignation éventuelle des postes essentiels en question. La précision sert en outre l’objectif d’atténuer la possibilité qu’un service essentiel soit défini en termes trop larges pour qu’il en résulte la suppression non nécessaire du droit de grève aux autres employés.

203 La Commission conclut qu’il existe des preuves raisonnables propres à Pukaskwa en quantité suffisante pour justifier le traitement de quatre types de risques pour la sécurité du public dans le cadre de la détermination des services essentiels : le risque associé aux incendies de forêt, le risque qu’un membre du public dans le parc ou dans les eaux extérieures au parc se perde, subisse une grave blessure, rencontre un ours dangereux ou ait par ailleurs le besoin urgent d’être aidé ou sauvé, le risque de contamination par l’approvisionnement en eau, et le risque associé à des conflits entre animaux et êtres humains.

204 En ce qui concerne le risque d’incendie, la preuve révèle que Parcs Canada peut avoir recours à des ressources autres que celles qui sont désignées dans une ESE pour lutter contre un incendie à Pukaskwa, mais qu’il n’est pas nécessaire de maintenir au minimum une capacité de surveillance des risques d’incendie dans le parc et de coordonner une intervention dans chaque cas où un incendie est repéré.

205 Compte tenu de la possibilité constante que des membres du public soient présents à Pukaskwa pendant une grève ou se trouvent dans les eaux extérieures situées à proximité, Parcs Canada doit être en position de réagir à la situation d’urgence que vivent des personnes qui subissent une blessure, se perdent, rencontrent un ours dangereux ou ont par ailleurs besoin d’une assistance urgente ou d’être sauvées. Pukaskwa doit donc être en mesure de coordonner une intervention urgente et d’effectuer cette intervention rapidement. Une intervention adéquate en réaction à un incident en particulier peut nécessiter l’utilisation d’équipement qui requiert des compétences spéciales ou des connaissances spécialisées sur les procédures efficaces de recherche et de sauvetage. Plus particulièrement, la preuve relative à Pukaskwa établit que la capacité de conduire un bateau dans un parc en vue d’effectuer un sauvetage dans l’eau et d’entretenir ce bateau sont des compétences nécessaires qu’il faut posséder en cas de situation urgente.

206 La preuve établissait qu’il existe deux installations de traitement des eaux sur le site de Pukaskwa. Le maintien d’un approvisionnement en eau sûr pour les membres du personnel qui se trouvent sur les lieux au cours d’une grève ou pour les autres membres du public qui pourraient se servir de cette eau constitue à tout le moins un service essentiel.

207 La Commission estime qu’il existe un risque additionnel associé aux conflits entre les ours et les êtres humains à Pukaskwa, soit la possibilité que les ours soient attirés vers des emplacements utilisés fréquemment par le public si les ordures ne font pas l’objet d’un traitement approprié à ces endroits. Le risque réside à la fois dans l’urgence immédiate d’une rencontre dangereuse entre un ours et un être humain et dans la possibilité qu’un ours prenne l’habitude d’entrer dans des emplacements utilisés fréquemment par le public pour chercher de la nourriture, ce qui donnerait lieu à d’autres risques éventuels.

208 Compte tenu de ce qui précède, la Commission conclut que les services essentiels suivants s’appliquent à Pukaskwa :

  • surveiller les dangers d’incendie de forêt pour établir quelles situations nécessitent une intervention et coordonner cette intervention;
  • coordonner et réaliser des travaux de recherche et de sauvetage si un membre du public se trouvant dans le parc ou dans les eaux à proximité du parc se perd, subit une blessure, rencontre un ours dangereux ou a besoin d’autre assistance urgente;
  • conduire et entretenir le bateau de recherche et de sauvetage;
  • assurer l’intégrité de l’approvisionnement en eau dans les installations publiques du parc;
  • veiller à la manipulation et à l’entreposage adéquats des déchets pour atténuer le risque de conflits dangereux entre êtres humains et animaux.

209 La Commission désire mentionner qu’elle n’a accordé aucun poids à la preuve produite par l’employeur au sujet de grèves précédentes ayant touché le Canal Rideau ou tout autre site de Parcs Canada pour déterminer les services essentiels à Pukaskwa au cours d’une grève. Elle estime que ces preuves n’ont pas de valeur probante en regard des décisions que la Commission doit prendre relativement aux demandes qui lui sont soumises en l’espèce.

2. Niveau de service et autres décisions

210 En vertu de l’article 120 de la nouvelle Loi, il incombe à l’employeur de décider quel niveau des services essentiels décrits précédemment sera fourni au public au cours d’une grève. La détermination du « niveau de service » constitue l’étape suivante du cheminement analytique décrit par la Commission pour décider du contenu d’une ESE.

211 L’employeur a soutenu que les « activités normales » ne se poursuivront pas à Pukaskwa pendant une grève. Il fait valoir que sa proposition fournit une « masse critique » des postes nécessaires pour offrir les services essentiels au public en cas de grève. Ces commentaires, ainsi que le témoignage de Mme Heron sur les motifs pour lesquels elle a désigné certains postes pour l’ESE, pourraient raisonnablement permettre à la Commission de déduire la position de l’employeur sur le niveau des services essentiels à Pukaskwa.

212 La Commission est néanmoins d’avis qu’en règle générale, elle ne devrait pas tenter de déduire quel est le « niveau de service » à partir de la preuve ou des arguments présentés par l’employeur. Elle risquerait en ce faisant de mal interpréter les intentions de l’employeur et par conséquent de porter atteinte aux droits exclusifs que lui confère l’article 120 de la Loi. La logique de la Loi suggère plutôt que l’employeur devrait lui-même déterminer directement et explicitement le « niveau de service » requis. Nous sommes alors confrontés à un dilemme manifeste. L’employeur ne peut le faire s’il ne sait pas comment les services essentiels sont définis de manière définitive. Si, comme dans le présent cas, les parties ne se sont pas entendues sur la définition des services essentiels, c’est la décision de la Commission qui prévaut. Tant que l’employeur ignore cette décision, il ne se trouve pas en position inconditionnelle d’exercer le pouvoir qui lui est conféré par l’article 120. Compte tenu du cheminement analytique décrit précédemment, les autres décisions qui sont nécessaires pour établir le contenu complet de l’ESE – le « type des postes », le « nombre de ces postes » et les « postes en question » qui sont nécessaires pour fournir les services essentiels au niveau de service établi – nécessitent que le niveau de service soit connu ou ne soit litigieux.

213 Par conséquent, une intervention en deux étapes de la Commission pourrait être nécessaire dans certains cas, voire dans nombre d’entre eux. À la première étape, la Commission définit les services essentiels si les parties ne peuvent s’entendre. L’employeur décide alors du niveau des services qui seront offerts en se fondant sur la décision de la Commission. À la deuxième étape, la Commission porte son attention sur les questions non résolues qui touchent les « types des postes », le « nombre de ces postes » et les « postes en question » qui doivent être désignés dans l’ESE, compte tenu de la définition des services essentiels donnée par la Commission et de la détermination par l’employeur du « niveau de service ». Il se pourrait que les deux étapes soient combinées dans certaines instances si, par exemple, la décision de la Commission sur ce qu’est un service essentiel correspond à celle que donne l’employeur dans ses arguments.

214 En l’instance, la Commission a conclu qu’un processus en deux étapes convient. La Commission conclut qu’elle devrait suspendre tout autre examen des demandes qui lui sont soumises pour donner à l’employeur l’occasion de déterminer et d’indiquer explicitement le niveau de service requis sur la base de la définition des services essentiels à Pukaskwa donnée par la Commission. La détermination par l’employeur du « niveau de service » devrait être cohérente avec la demande qu’elle a déposé devant la Commission. Les parties devraient alors relancer les négociations pour déterminer si elles peuvent s’entendre sur les « types des postes » et le « nombre de ces postes » et sur les « postes en question » devant être désignés dans l’ESE, compte tenu de la définition des services essentiels donnée par la Commission et de la détermination par l’employeur du « niveau de service ». Si les négociations ne permettent pas d’établir le reste du contenu de l’ESE pour Pukaskwa ou si le reste du contenu de l’ESE pour Pukaskwa fait l’objet d’une entente, à l’exception de certaines questions qui demeurent non résolues pour le reste de l’unité de négociation, la Commission convoquera une nouvelle audience pour recevoir d’autres preuves et arguments au besoin.

215 Au cours de l’affaire, la Commission a demandé aux parties de présenter leurs arguments sur l’impact de l’entente-cadre (pièce E-5, onglet I-4) qui régissait le processus de détermination d’une ESE. Après avoir étudié l’entente et les arguments, la Commission a conclu que l’entente concerne uniquement le processus que les parties ont convenu d’observer et n’est aucunement pertinente en regard des décisions de la Commission.

216 Dans ses arguments, l’employeur a soulevé, en faisant référence à la décision CSL, la question de la responsabilité de l’employeur en cas de perte de biens ou de dommages à des biens pendant une grève. En l’absence de toute preuve relative à la perte de biens ou à des dommages à des biens, la Commission refuse de tirer quelque conclusion que ce soit sur cette question.

217 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit:

VI. Ordonnance

218 La Commission déclare que les services essentiels suivants s’appliquent à Pukaskwa et qu’ils sont réputés faire partie de l’ESE :

  • surveiller les dangers d’incendie de forêt pour établir quelles situations nécessitent une intervention et coordonner cette intervention;
  • coordonner et réaliser des travaux de recherche et de sauvetage si un membre du public se trouvant dans le parc ou dans les eaux à proximité du parc se perd, subit une blessure, rencontre un ours dangereux ou a besoin d’autre assistance urgente;
  • conduire et entretenir le bateau de recherche et de sauvetage;
  • assurer l’intégrité de l’approvisionnement en eau dans les installations publiques du parc;
  • veiller à la manipulation et à l’entreposage adéquats des déchets pour atténuer le risque de conflits dangereux entre êtres humains et animaux.

219 La Commission ordonne à l’employeur de déterminer quel niveau des services essentiels qui précèdent sera offert au public en cas de grève et d’en informer l’agent négociateur dans les 30 jours suivant la date à laquelle cette décision est rendue.

220 La Commission ordonne en outre aux parties de reprendre les négociations et de faire tout effort raisonnable pour négocier le reste du contenu de l’ESE pour Pukaskwa ainsi que le contenu de l’ESE pour le reste de l’unité de négociation.

221 La Commission demeurera saisie de toutes les autres questions qui peuvent être comprises dans l’ESE s’il subsiste des questions en litige après les négociations directes.

Le 24 novembre 2008.

Traduction de la CRTFP

Ian R. Mackenzie,
vice-président

Dan Butler,
commissaire

John Mooney,
commissaire

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