Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a affirmé que l’intimé avait fait preuve de favoritisme personnel envers la candidate choisie à deux égards : premièrement, la candidate retenue avait obtenu des possibilités de formation non consenties aux autres, ce qui lui donnait un avantage sur ces derniers dans le test écrit; deuxièmement, la candidature de la personne retenue a été évaluée avec plus d’indulgence que la sienne. L’intimé a soutenu que la plaignante ne possédait pas les qualifications essentielles et que tous les candidats ont été évalués de la même façon; que les questions du test écrit ne se rapportaient pas à la formation en cours d’emploi; et qu’en l’espèce la règle des choses du même ordre s’appliquait à l’interprétation de l’abus de pouvoir. Décision : Le Tribunal a jugé que la règle des choses du même ordre ne pouvait être appliquée à l’interprétation de l’abus de pouvoir dans la LEFP. La mauvaise foi et le favoritisme personnel comptent parmi les formes les plus graves d’abus de pouvoir. C’est le favoritisme personnel - non pas tout autre type de favoritisme - qui constitue un abus de pouvoir. Exemples de favoritisme personnel : une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et le candidat retenu; la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un. D’autre part, le Tribunal a fait remarquer que la preuve de favoritisme personnel pouvait être directe ou circonstancielle. Ce sera souvent une question de preuve circonstancielle où il faudra examiner certains actes, commentaires ou événements observés avant ou pendant le processus de nomination. En outre, il arrive qu’une analyse de la crédibilité des témoins soit nécessaire en cas de preuves contradictoires. Lorsqu’il se trouve devant des éléments preuve contradictoires, le Tribunal doit déterminer laquelle version des faits est << conforme à la prépondérance des probabilités qu’une personne informée et douée de sens pratique reconnaîtrait d’emblée comme raisonnable compte tenu des circonstances. >> En l’espèce, la déclaration de l’intimé était appuyée par la prépondérance de la preuve selon laquelle une formation avait été offerte à la candidate retenue en fonction de son niveau de scolarité, de ses connaissances en comptabilité et des exigences opérationnelles. En conséquence, le Tribunal a jugé que la formation sur le tas offerte à la candidate retenue ne constituait pas du favoritisme personnel. Enfin, le Tribunal a estimé que les erreurs commises relativement à l’administration de l’examen et à l’attribution des notes avaient touché tous les candidats de la même façon, et qu’il n’existait aucune preuve appuyant l’allégation selon laquelle la plaignante avait été évaluée différemment de la candidate choisie. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2006-0152
Rendue à:
Ottawa, le 1er avril 2008

GOLDIE GLASGOW
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Guy Giguère, président
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0007

Motifs de la décision

Introduction

1 Goldie Glasgow travaille comme commis à la comptabilité de projet, Opérations financières, Finances, Région de l’Ontario, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). Elle a posé sa candidature lorsqu’une possibilité de nomination intérimaire d’un an dans un poste d’agent des finances (FI-01) a été annoncée dans son unité de travail. Toutefois, elle n’a pas obtenu le poste et elle a présenté une plainte d’abus de pouvoir. Selon Mme Glasgow, la nomination de la personne choisie était fondée sur le favoritisme personnel.

2 L’allégation de favoritisme personnel de Mme Glasgow comporte essentiellement deux volets. Premièrement, la plaignante soutient que le processus de nomination a été teinté de favoritisme puisque la candidate choisie, Mme Tsang, avait bénéficié d’une formation qui n’avait pas été offerte à d’autres. Mme Glasgow estime que cette occasion de formation en cours d’emploi a conféré à Mme Tsang un avantage sur les autres candidats. Deuxièmement, elle soutient que la candidate choisie a été évaluée de façon plus indulgente qu’elle ne l’a été.

3 Le 6 octobre 2006, la plaignante a présenté une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) (numéro du processus : 2006-SVC-ACIN-ONT-92902).

4 L’intimé, le sous‑ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, nie qu’un abus de pourvoir ait entaché cette nomination. Il affirme que la plaignante ne répondait pas aux exigences relatives aux qualifications essentielles et que tous les candidats ont été évalués de la même façon.

Questions en litige

5 Pour résoudre cette plainte, le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :

  1. La candidate choisie a-t-elle obtenu une occasion de formation qui n’a pas été offerte à d’autres? Est-ce que cette formation en cours d’emploi a conféré un avantage à la candidate choisie dans l’examen écrit?
  2. Dans l’affirmative, s’agit-il de favoritisme personnel?
  3. Le comité de sélection a-t-il évalué les réponses de la plaignante différemment de celles de la candidate choisie?
  4. Dans l’affirmative, s’agit-il de favoritisme personnel?

Résumé des éléments de preuve pertinents

6 Monica Lam, chef, Comptabilité des dépenses, Opérations financières, Finances, Région de l’Ontario, a témoigné pour l’intimé. Elle a expliqué que l’unité de la Comptabilité des dépenses (l’unité) compte deux employés aux groupe et niveau FI‑01 ainsi que deux équipes de six ou sept employés aux groupe et niveau CR‑04. Ces personnes sont chargées de la comptabilité des dépenses, c’est‑à‑dire du traitement des paiements.

7 En avril 2006, dans le cadre de la planification des besoins futurs de l’unité, Mme Lam a identifié un besoin pour des employés. Le 24 avril 2006, elle a envoyé un courriel aux employés de l’unité pour leur faire part de son intention de créer des occasions de formation en cours d’emploi pour certaines fonctions de comptabilité. L’objet de cette formation était de permettre aux employés de se perfectionner ou d’acquérir certaines compétences. Dans son courriel, Mme Lam soulignait que pour ces occasions de formation de courte durée, les participants seraient affectés à leur niveau de poste d’attache et que ceux-ci demeureraient dans leur poste. Par ailleurs, elle invitait les employés « qui souhaitent relever d’autres défis dans le cadre de leurs responsabilités » [Traduction] à répondre à son courriel au plus tard le 26 avril 2006.

8 Huit employés, y compris la plaignante, ont manifesté leur intérêt. La plaignante a envoyé sa réponse par courriel le 24 avril 2006. Elle y soulignait qu’elle exerçait certaines fonctions de vérification après paiement et elle se demandait si elle recevrait aussi de la formation dans ce domaine. Mme Lam a déclaré que, en lisant ce commentaire, elle a eu l’impression que Mme Glasgow n’avait pas besoin de formation relative à la vérification après paiement.

9 Le 28 avril 2006, Mme Lam a envoyé un courriel de suivi aux employés de l’unité dans lequel elle indiquait que des rencontres individuelles seraient prévues avec les personnes intéressées par la formation en cours d’emploi pour en discuter. Elle y précisait par ailleurs que les occasions de formation en cours d’emploi ne constituait pas une offre ni une garantie de promotion, mais qu’il s’agissait plutôt d’une occasion pour les participants d’acquérir de l’expérience dans des fonctions différentes de leurs fonctions habituelles. Elle mentionnait également la possibilité que les fonctions visées nécessitent une connaissance approfondie de la comptabilité et que les participants devaient posséder cette connaissance avant l’affectation.

10 Dans le deuxième paragraphe de son courriel, Mme Lam indiquait que, le 1er mai 2006, Teresa Tsang serait en affectation de formation à des fonctions de vérification après paiement et d’établissement de rapports liées au Cadre national de vérification des comptes (CNVC). Pendant cette période, les fonctions de Mme Tsang seraient partagées entre Cynthia Gurango et Doris Chen, tandis que David Saporta assumerait les fonctions actuelles de Mme Gurango. Elle concluait en précisant que la charge de travail de l’équipe de la comptabilité des dépenses avait diminué. Par conséquent, la répartition du travail serait revue et les employés devaient s’attendre à ce qu’il y ait une rotation dans les fonctions.

11 Mme Lam a expliqué que Thomas Wong, agent des finances (FI‑01) au sein de l’unité, assumait des fonctions liées au CNVC, qui consistaient à vérifier des paiements déjà effectués. L’administration centrale envoyait des échantillons à faire vérifier et, une fois la vérification effectuée en fonction d’une liste de contrôle, un rapport était produit. M. Wong avait besoin d’aide pour repérer les paiements, faire des copies et préparer les rapports. Mme Tsang a été chargée de l’aider dans l’exécution de ces fonctions.

12 Dans son témoignage, Mme Lam a affirmé que le deuxième courriel traitait de deux questions distinctes : la formation en cours d’emploi dans le premier paragraphe et la réaffectation des tâches dans le second.

13 Pendant l’interrogatoire principal, on a demandé à Mme Lam si elle avait eu une discussion avec Mme Tsang, M. Saporta et Mme Gurango avant d’envoyer le deuxième courriel. Elle a répondu que la discussion n’avait pas porté sur la formation en cours d’emploi, mais plutôt sur la réaffectation des tâches. Mme Lam a expliqué que Mme Tsang devait partir en vacances pour quatre mois en juin 2006 et qu’elle cherchait à planifier son remplacement. Par ailleurs, Mme Tsang aurait le temps avant ses vacances d’aider M. Wong dans son travail lié au CNVC. Il était prévu que, au retour de Mme Tsang, Mme Gurango fasse l’objet d’une affectation.

14 Toujours pendant l’interrogatoire principal, on a demandé à Mme Lam si elle avait eu une discussion avec Mme Glasgow avant d’envoyer le deuxième courriel. Elle a répondu que Mme Gurango et M. Saporta avaient tous les deux manifesté leur intérêt à l’égard de la formation en cours d’emploi avant l’envoi du deuxième courriel. Pendant le contre-interrogatoire, elle a expliqué que toutes les personnes qui avaient manifesté un intérêt s’étaient vu offrir une occasion de perfectionnement, sous forme de formation ou de mentorat. L’occasion offerte à Mme Tsang existait à l’époque. Or, lorsque M. Wong est parti, les fonctions liées au CNVC ont été transférées à une autre unité de travail, d’où l’impossibilité d’y affecter un employé de l’unité.

15 Mme Lam a bien rencontré Mme Glasgow par la suite et lui a demandé d’assumer d’autres fonctions qui lui permettraient d’acquérir de l’expérience relativement à différentes compétences. Selon Mme Lam, Mme Glasgow a indiqué qu’elle réfléchirait à cette possibilité, mais n’y pas donné suite. Mme Lam lui a aussi suggéré certains aspects à améliorer dans ses tâches courantes.

16 Jason DiBiase, agent des finances au sein de l’unité, s’est vu accorder un congé d’études à l’été 2006. Mme Lam a affirmé qu’elle ignorait tout à propos de cette demande lorsqu’elle a envoyé ses courriels concernant les occasions de formation en cours d’emploi. Le congé d’études de M. DiBiase a donné lieu à une possibilité de nomination intérimaire dans l’unité. Le 15 août 2006, Karen Fleck, directrice régionale par intérim aux Finances, a envoyé un courriel aux employés des Finances de la Région de l’Ontario de TPSGC pour les informer d’une possibilité de nomination intérimaire F1‑01 au sein de l’unité. En tout, trois candidats de l’unité occupant des postes aux groupe et niveau CR-04 ont fait l’objet d’une évaluation.

17 La plaignante et la candidate choisie ont toutes les deux joint leur curriculum vitæ à leur dossier de candidature pour le poste intérimaire FI-01. Il y était indiqué que Mme Glasgow était alors inscrite à un programme d’études universitaires en administration publique et que Mme Tsang étudiait pour obtenir le titre de comptable général accrédité (CGA).

18 Dans son témoignage, Mme Glasgow a indiqué qu’elle croyait dès le début que Mme Tsang serait nommée au poste intérimaire FI-01, puisqu’elle avait déjà assumé quelques-unes des fonctions de ce poste, comme le rapprochement et la vérification de données financières, pendant la formation en cours d’emploi. Toutefois, elle ne soutient pas qu’il existait une relation personnelle, comme de l’amitié, entre Mme Lam et Mme Tsang. Elle estime que, si elle avait bénéficié de la même occasion de formation en cours d’emploi, ses chances d’être choisie dans le cadre du processus de nomination auraient été meilleures. Il n’en demeure pas moins que l’intimé a agi de façon juste en annonçant la possibilité de nomination intérimaire, et c’est pour cette raison qu’elle a postulé.

19 La durée de l’examen écrit devait être de trois heures. Or, les candidats se sont vu accorder deux heures et demie seulement et ils ont tous échoué. Pour redresser la situation, le comité d’évaluation a apporté des modifications aux dernières parties du test. À la partie III, la question 3 a été partiellement retirée, et la question 4 a été supprimée et remplacée par une question orale de l’entrevue. À la partie IV, qui permettait d’évaluer la capacité de communiquer efficacement par écrit, on a demandé aux candidats de répondre à deux questions supplémentaires.

20 La plaignante a témoigné sur toutes les questions pour lesquelles elle affirme avoir été sous-évaluée. Plus particulièrement, elle a témoigné sur les aspects suivants de l’examen écrit : les questions 2 et 4 de la partie I (connaissance des techniques de vérification); les questions 1, 3 et 4 de la partie II (capacité d’interpréter et de mettre en application les politiques financières). La plaignante indique que des éléments d’information manquaient à la question 3 de la partie II. Par conséquent, elle n’a pu utiliser cette information dans sa réponse et cinq points ne lui ont pas été attribués. La plaignante a en outre témoigné à l’égard des aspects suivants de l’examen oral: la question 1 de la partie I (connaissance de la Loi sur la gestion des finances publiques), et les questions 2 et 5 de la partie II (connaissance des pratiques comptables du gouvernement).

21 La plaignante a aussi indiqué que, à son avis, la candidate choisie s’était vu accorder des points qu’elle ne méritait pas, plus précisément aux questions 1a) et b) de la partie I et à la question 1 de la partie II de l’examen écrit, ainsi qu’à la question 1 de la partie I de l’examen oral.

22 Lors du contre-interrogatoire de la plaignante, il lui a été demandé si certaines des questions de l’examen étaient relatives au CNVC. Elle a indiqué que c’était la question 3 de l’entrevue, puisque le document utilisé aux fins du processus de vérification des comptes est semblable à celui utilisé pour le CNVC. Elle a répondu à cette question en se fondant sur la façon dont elle exécute ses propres fonctions. Elle a reçu pour cette question une note de 10 sur 15 points, tandis que Mme Tsang a obtenu 15 points. Elle a reconnu qu’il était possible pour un candidat d’obtenir la note de passage, qu’il possède ou non de l’expérience liée au CNVC.

23 Mme Lam a expliqué dans son témoignage les notes accordées pour chacune des questions visées par les allégations d’injustice de la plaignante. Elle a précisé que le comité de sélection s’était efforcé de donner des notes appropriées pour les réponses satisfaisantes de la plaignante. Elle a par ailleurs expliqué les notes qui ont été accordées à Mme Tsang pour ses réponses aux questions mises en cause par la plaignante, lesquelles sont décrites ci-dessus.

24 Mme Lam a affirmé qu’aucune question de l’examen n’avait trait au CNVC. Elle a précisé que les questions de l’examen portant sur la capacité de rapprocher des données financières étaient liées aux tâches courantes de traitement des paiements que chaque employé de l’unité devrait être en mesure d’exécuter. Quant au CNVC, il est lié à une tâche de vérification effectuée tous les trois mois à l’égard d’échantillons fournis par l’administration centrale.

25 Royal Senter, membre du comité de sélection, a lui aussi présenté un témoignage. Il a expliqué que les notes finales avaient été déterminées collectivement et que le comité avait procédé par consensus pour évaluer les réponses des candidats. Il a précisé que, après avoir constaté que les candidats ne s’étaient pas vu accorder suffisamment de temps pour faire l’examen écrit, les membres du comité ont décidé de modifier les dernières questions pour avantager le plus possible tous les candidats.

26 Mme Tsang a été la seule candidate à satisfaire aux exigences de toutes les qualifications essentielles et à être donc considérée comme qualifiée. Elle a été nommée pour une période d’un an, mais elle est finalement partie en congé de maternité. Elle n’a pas été remplacée parce qu’il n’y avait aucun bassin de candidats qualifiés.

Législation

27 Cette plainte a été présentée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP, qui porte sur les critères de nomination fondés sur le mérite énoncés au paragraphe 30(2) de la LEFP. Ces dispositions, libellées comme suit, doivent être lues ensemble:

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

30. (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles - notamment la compétence dans les langues officielles - établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

b) la Commission prend en compte :

(i) toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,

(ii) toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,

(iii) tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

28 La LEFP ne définit pas ce qu’est l’abus de pouvoir, mais prévoit ce qui suit au paragraphe 2(4) :

2. (4) Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par « abus de pouvoir » la mauvaise foi et le favoritisme personnel.

Questions en litige I et II:  La candidate choisie a-t-elle obtenu une occasion de formation qui n’a pas été offerte à d’autres? Est-ce que cette formation en cours d’emploi a conféré un avantage à la candidate choisie dans l’examen écrit?

Argumentation des parties

A) Argumentation de la plaignante

29 La plaignante estime que ses allégations de favoritisme personnel sont liées au fait d’avoir été traitée injustement. Les valeurs d’équité et de transparence énoncées dans la LEFP n’ont pas été respectées dans ce processus de nomination. Selon le courriel de Mme Lam envoyé le 24 avril 2006, les employés qui étaient intéressés par une occasion de formation en cours d’emploi devaient l’indiquer au plus tard le 26 avril 2006. Le message envoyé par Mme Lam deux jours plus tard pour annoncer que Mme Tsang serait en affectation de formation aux fonctions relatives au CNVC montre que la décision d’affecter Mme Tsang avait déjà été prise. La preuve selon laquelle Mme Tsang a été la seule employée à être affectée à une formation en cours d’emploi n’est pas contestée.

30 La plaignante soutient aussi que la formation en cours d’emploi dont a bénéficié Mme Tsang a procuré à celle-ci un avantage à l’examen écrit, ce qui constitue un cas de favoritisme personnel.

B) Argumentation de l’intimé

31 L’intimé a fourni une argumentation par écrit sur l’abus de pouvoir. Il fait valoir entre autres que, pour qu’il y ait abus de pouvoir, il doit y avoir une part d’intention illégitime. À cet égard, l’intimé s’appuie sur le fait que, bien que la LEFP ne définisse pas ce qu’est l’abus de pouvoir, elle précise au paragraphe 2(4) que ce concept inclut la mauvaise foi et le favoritisme personnel. Par conséquent, l’intimé soutient qu’une intention illégitime est requise.

32 L’intimé soutient que la règle des choses du même ordre s’applique en l’espèce. Il se fonde sur la décision Walker c. Ritchie,[2006] 2 R.C.S. 428, dans laquelle la Cour suprême du Canada a adopté cette règle pour déterminer l’intention du législateur. Conformément à la règle des choses du même ordre, la définition du terme général (abus de pouvoir) se limiterait à une catégorie à laquelle les termes précis (mauvaise foi et favoritisme personnel) appartiennent. L’intimé affirme donc qu’il faut observer une intention illégitime pour conclure qu’il y a eu abus de pouvoir.

33 En ce qui a trait expressément à la plainte en l’espèce, l’intimé soutient que la formation par rotation des employés dans des affectations ne s’est pas poursuivie en raison du départ en congé d’études de l’agent des finances. Par ailleurs, l’intimé affirme que, selon la preuve, l’occasion de formation liée au CNVC a été transférée à un autre groupe à la suite de l’affectation de Mme Tsang, et que c’est pourquoi elle n’a pu être offerte à un employé de l’unité de Mme Lam.

34 L’intimé ajoute que la plaignante n’a pas été en mesure de démontrer que les questions demandées lors du processus de sélection pour la nomination intérimaire étaient liées à la formation en cours d’emploi pour laquelle Mme Tsang a été choisie. De plus, le curriculum vitæ de la plaignante indique que celle-ci était chargée de faire la réconciliation de toutes les retenues de garantie dans le compte de passif depuis juillet 1990.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

35 Comme elle l’a fait dans le cadre d’affaires précédentes, la Commission de la fonction publique (la CFP) a présenté des arguments écrits portant sur la notion d’abus de pouvoir. Elle fait valoir que, pour qu’il y ait abus de pouvoir, il doit y avoir une part d’intention illégitime. Cependant, s’il est démontré qu’il y a eu incurie ou insouciance grave, comme dans la décision Finney c. Barreau du Québec,[2004] 2 R.C.S. 17, on peut conclure qu’il y a eu mauvaise foi.

Analyse

36 Bien que la LEFP ne définisse pas ce qu’est l’abus de pouvoir, elle englobe clairement dans ce concept le favoritisme personnel. En effet, le paragraphe 2(4) est libellé comme suit : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par "abus de pouvoir" la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

37 Selon l’intimé, l’interprétation du paragraphe 2(4) devrait tenir compte de la règle des choses du même ordre. Cette règle, comme l’explique Rothstein J. lorsqu’il a rédigé les motifs unanimes de la cour, « constitue un outil utile lorsqu’un tribunal doit dégager l’intention du législateur dans le cas d’une énumération complétée par un terme générique » (voir la décision Walker c. Ritchie, à la page 9 Q.L.). Dans la décision Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029; [1990] A.C.S. no 95 (QL) au paragraphe 11, la Cour suprême du Canada a constaté que, lorsqu’un terme général précède une énumération d’exemples précis, il serait illogique d’appliquer la règle des choses du même ordre.

38 C’est donc dire que la règle des choses du même ordre ne peut être appliquée dans l’interprétation du paragraphe 2(4) puisque le terme général (abus de pouvoir) précède les termes précis (mauvaise foi et favoritisme personnel).

39 De plus, l’expression « il est entendu »au début du paragraphe 2(4) est employée pour une raison. En effet, le législateur fait précisément référence à la mauvaise foi et au favoritisme personnel pour s’assurer que nul ne conteste le fait que ces formes d’inconduite constituent un abus de pouvoir. Il convient de noter que le mot « favoritisme » est qualifié par l’adjectif « personnel », ce qui met en évidence l’intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble, et que c’est le favoritisme personnel, non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir.

40 La mauvaise foi et le favoritisme personnel comptent parmi les formes les plus graves d’abus de pouvoir que la fonction publique dans son ensemble devrait s’efforcer avec ardeur de prévenir. Lorsqu’un abus de pouvoir survient, il faut prendre toutes les mesures nécessaires pour y remédier. Manifestement, le paragraphe 2(4) vise à ce qu’il ne fasse aucun doute que ces formes d’inconduite constituent un abus de pouvoir. Voir: Ruth Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd. (Markham: Butterworths, 2002), aux pages 180 à 182. Pour l’ensemble de ces raisons, le Tribunal conclut que la règle des choses du même ordre ne peut être appliquée dans l’interprétation du paragraphe 2(4) de la LEFP.

41 Lorsqu’il faut choisir parmi plusieurs candidats qualifiés, l’alinéa 30(2)b) de la LEFP prévoit que la sélection peut reposer sur les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles et les besoins organisationnels. La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

42 Selon la plaignante, il y a une preuve circonstancielle démontrant qu’il y a eu favoritisme personnel en l’espèce. Tout d’abord, elle soutient que la candidate choisie était la seule employée à bénéficier d’une formation en cours d’emploi, et que cette occasion lui avait été offerte par favoritisme personnel. La plaignante affirme que, grâce à cette occasion de formation, la candidate choisie a su mieux répondre aux questions de l’évaluation visant la dotation d’un poste intérimaire de FI‑01. Mme Lam a nié qu’il s’agissait d’une formation en cours d’emploi, mais a témoigné que c’était seulement une réaffectation des tâches.

43 Au début de l’audience, l’intimé a contesté la recevabilité des documents liés à la formation en cours d’emploi. Il affirmait que ces documents n’étaient pas pertinents en l’espèce puisque l’occasion de formation en cours d’emploi n’était pas liée à la nomination. Le Tribunal a cependant rejeté l’objection de l’intimé et a accepté que les documents soient admis en preuve. Cette documentation est pertinente car elle peut être la preuve circonstancielle démontrant la propension au favoritisme personnel.

44 Une preuve de favoritisme personnel peut être directe, comme des faits démontrant clairement le lien personnel étroit qui existe entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée. Cela dit, ce sera souvent une question de preuve circonstancielle, où certains actes, commentaires ou événements observés avant ou pendant le processus de nomination doivent être examinés. Selon sa source et son lien particulier avec les questions en litige dans une plainte, la preuve circonstancielle peut être aussi convaincante que la preuve directe. Comme le précisent Morley R. Gorsky, S.J. Uspich et Gregory J. Brandt, Evidence and Procedure in Canadian Labour Arbitration (Toronto: Thomson Carswell, 1994), à la page 13-5 :

La preuve circonstancielle peut procurer un sentiment de certitude tout aussi profond que la preuve directe. En effet, la preuve circonstancielle peut parfois s’avérer plus convaincante que la preuve directe. Le pouvoir de conviction de la preuve circonstancielle réside généralement dans l’importance que prennent de nombreuses circonstances réunies [Traduction].

45 De plus, il arrive qu’une analyse de la crédibilité des témoins soit nécessaire lorsque les preuves sont contradictoires. En l’espèce, le Tribunal est en présence de deux versions différentes quant à la nature de l’occasion offerte à Mme Tsang. Il doit donc déterminer laquelle de ces deux versions est la plus crédible. Dans la décision Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A. C.-B.), l’examen à effectuer lorsque la crédibilité est en cause est bien établi. Le passage suivant de la décision Faryna, à la page 357, décrit cet examen de la façon suivante :

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction des dépositions, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est conforme aux probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. Bref, le véritable critère permettant de déterminer la véracité du récit d’un témoin dans un cas de cette nature doit être la conformité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne informée et douée de sens pratique reconnaîtrait d’emblée comme raisonnables, compte tenu des conditions et de l’endroit [Traduction].

46 Par conséquent, le Tribunal doit déterminer laquelle des versions est conforme à la prépondérance des probabilités qu’une personne informée et douée de sens pratique reconnaîtrait d’emblée comme raisonnables compte tenu des circonstances.

47 Le courriel de Mme Lam du 28 avril 2006 faisait suite à son courriel du 24 avril 2006. Le titre de son courriel était « TR : Possibilités de formation en cours d’emploi » [Traduction]. On pouvait y lire que Mme Tsang était en affectation de formation dans les fonctions de vérification après paiement et d’établissement de rapports relatives au CNVC, du 1er mai au 9 juin 2006. Cette information concorde avec la description des occasions de formation en cours d’emploi dont il était question dans le courriel du 24 avril 2006. Le premier courriel précisait que l’affectation, de courte durée (de quatre à six semaines), consisterait en une formation liée à certaines fonctions de comptabilité, comme la vérification après paiement et l’établissement de rapports. Il y a lieu de présumer qu’il s’agissait là d’une occasion de formation en cours d’emploi liée à des fonctions de comptabilité.

48 Cette formation en cours d’emploi a en effet nécessité une réaffectation des tâches pour plusieurs employés. Il n’en reste pas moins qu’il s’agissait d’une occasion de formation en cours d’emploi pour Mme Tsang. Par ailleurs, Mme Lam a indiqué dans son témoignage qu’elle avait envoyé son courriel pour que les employés sachent qu’ils pouvaient « compter sur son aide même s’ils n’étaient pas choisis » [Traduction]. Une personne informée et douée de sens pratique reconnaîtrait d’emblée que, selon la prépondérance des probabilités, il s’agissait là d’une occasion de formation en cours d’emploi comme celle qui avait été décrite dans le premier courriel. Mme Lam a confirmé que cette occasion n’avait pas été offerte à d’autres personnes en raison du transfert des fonctions du CNVC à un autre service. Le Tribunal conclut donc qu’il s’agissait d’une occasion de formation en cours d’emploi qui n’a pas été offerte à d’autres.

49 Cependant, l’intimé a réussi à prouver de façon convaincante que cette occasion de formation en cours d’emploi n’était pas teintée de favoritisme personnel. Le courriel du 24 avril 2006 précisait que le choix des personnes qui seraient affectées aux fonctions visées et la détermination de la durée des affectations reposeraient sur le rendement professionnel et le niveau de scolarité des employés ainsi que sur les exigences opérationnelles. Le courriel du 28 avril 2006 indiquait par ailleurs que les employés devaient déjà avoir une connaissance approfondie de la comptabilité pour pouvoir bénéficier d’une occasion de formation en cours d’emploi.

50 Mme Lam a expliqué dans son témoignage qu’elle s’inquiétait du fait que la plaignante n’ait pas la capacité ni les connaissances nécessaires pour exécuter certaines tâches courantes. Elle a précisé qu’elle avait rencontré la plaignante et lui avait suggéré d’améliorer certains aspects. De plus, Mme Lam a eu l’impression, en lisant la réponse de Mme Glasgow envoyée le 26 avril 2006, que celle‑ci n’avait pas besoin de suivre une formation en cours d’emploi sur la vérification après paiement.

51 Un autre élément de preuve pertinent a été présenté à l’audience. Il était prévu que Mme Tsang serait en congé pour une période de quatre mois à compter de juin 2006. Ainsi, avant de partir, elle était disponible pour aider M. Wong dans l’exécution des fonctions relatives au CNVC. En outre, Mme Tsang était inscrite à un programme de comptabilité qui allait lui permettre d’obtenir son titre de CGA. Ces études lui auraient permise d’acquérir une connaissance approfondie de la comptabilité et obtenir le niveau de scolarité dont faisait mention le courriel du 28 avril. Étonnamment, Mme Lam n’a pas soulevé ce fait dans son témoignage; elle a plutôt tenté d’expliquer que l’affectation de Mme Tsang aux fonctions du CNVC ne constituait pas une occasion de formation en cours d’emploi.

52 Cet élément de preuve ne permet pas de conclure que la décision d’accorder à Mme Tsang cette occasion de formation en cours d’emploi était teintée de favoritisme personnel. Selon la prépondérance de la preuve, Mme Tsang a plutôt été choisie en raison de son niveau de scolarité, de ses connaissances en comptabilité et des exigences opérationnelles.

53 Par ailleurs, la plaignante n’a pas su démontrer que l’une ou l’autre des questions posées dans le cadre de ce processus de nomination était liée au CNVC. Les questions qui permettaient d’évaluer la capacité de rapprocher des données financières portaient sur des fonctions courantes exécutées au sein de l’unité aux fins du traitement des paiements. Par conséquent, le Tribunal ne peut considérer comme fondée l’allégation selon laquelle la formation en cours d’emploi a procuré à quiconque un avantage indu dans le processus de nomination.

54 En conclusion, le Tribunal tient pour avéré que Mme Tsang s’est vu accorder une occasion de formation qui n’a pas été offerte aux autres employés de l’unité. Cependant, pour tous les motifs exposés ci-dessus, le Tribunal est convaincu que la formation en cours d’emploi offerte à la candidate choisie ne constitue pas du favoritisme personnel.

Questions en litige III et IV: Le comité de sélection a-t-il évalué les réponses de la plaignante différemment de celles de la candidate choisie? Dans l’affirmative, s’agit-il de favoritisme personnel?

Argumentation des parties

A) Argumentation de la plaignante

55 Selon la plaignante, un examen minutieux de la façon dont la candidate choisie et elle-même ont été notées révèle que les critères utilisés aux fins d’évaluation étaient différents pour chacune. La plaignante affirme que l’évaluation de la candidate choisie a été effectuée de façon plus indulgente que la sienne.

56 Elle soutient également que les modifications apportées au barème de correction par le comité d’évaluation ont été favorables à Mme Tsang uniquement, puisque celle-ci a été la seule à être considérée comme qualifiée. Le comité d’évaluation aurait pu rajuster les notes de la plaignante, qui a échoué de peu à l’évaluation portant sur deux des trois qualifications essentielles.

B) Argumentation de l’intimé

57 Selon l’intimé, la plaignante n’a pas réussi à démontrer que la correction manquait d’uniformité. L’intimé soutient aussi qu’elle n’a pas contesté le fait que la candidate choisie était qualifiée et satisfaisait aux critères de mérite.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

58 Selon la CFP, il faudrait appliquer les critères suivants pour démontrer que la correction d’un examen a été teintée de favoritisme personnel. Tout d’abord, la plaignante doit montrer que des écarts dans la correction des examens ou dans l’évaluation des candidats ont été observés et ont favorisé la candidate choisie. Ensuite, elle doit prouver que l’ampleur et la nature répétitive de ces écarts sont telles que le Tribunal serait amené à conclure au favoritisme personnel. La CFP soutient toutefois qu’il ne peut s’agir simplement d’erreurs ou d’omissions. Les écarts relevés doivent être graves et évidents pour constituer un abus de pouvoir.

Analyse

59 En vertu de l’ancienne LEFP, il y avait motif d’appel lorsque le mérite relatif n’était pas respecté, c’est‑à‑dire lorsque la personne la plus qualifiée n’était pas choisie. Afin de déterminer le mérite, il fallait coter chaque réponse, et l’établissement d’un classement était obligatoire. Le législateur s’est éloigné de ce processus de dotation normatif et a plutôt fait du mérite individuel la base des nominations. Le mérite est maintenant défini au paragraphe 30(2) de la LEFP, et les gestionnaires de la fonction publique jouissent d’une latitude considérable en matière de dotation.

60 Dans de nombreuses plaintes, le Tribunal a remarqué que les gestionnaires ne se prévalaient pas de cette latitude et qu’ils continuaient la pratique de coter les réponses et de classer les candidats pour choisir la personne à nommer. Malheureusement, d’aucuns semblent penser que ces anciennes pratiques sont toujours nécessaires pour démontrer que la sélection est fondée sur le mérite et qu’il n’y a pas d’abus de pouvoir. Cette façon de faire n’est pas celle que prévoit l’alinéa 30(2)a) de la LEFP, selon lequel le gestionnaire dispose d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour choisir, parmi les postulants qui répondent aux qualifications essentielles, la personne qui, selon son jugement, est la bonne personne pour occuper le poste. Par ailleurs, l’alinéa 30(2)b) indique que ce pouvoir discrétionnaire pourrait être exercé en se fondant sur des qualifications constituant un atout, des exigences opérationnelles et des besoins organisationnels.

61 La latitude que prévoit la LEFP pourrait permettre d’accélérer le processus et de garantir que les postes sont dotés conformément aux exigences opérationnelles et aux besoins organisationnels. Compte tenu de l’évolution du marché du travail sur le plan démographique, il est d’autant plus important que la fonction publique adopte des pratiques de dotation modernes.

62 Toutefois, le fait de persister à recourir aux anciennes pratiques de dotation ne constitue pas en soi un abus de pouvoir. Lorsque des gestionnaires choisissent de revenir à ces anciennes pratiques, le Tribunal se penchera alors sur l’application qu’ils en font afin de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans le processus de nomination visé. Voir la décision Visca, paragraphe 44, et la décision Akhtar c. le Sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités et al., [2007] TDFP 0026, paragraphes 42 à 44.

63 Lorsqu’un plaignant présente une allégation de traitement différentiel, tel le favoritisme personnel ou la partialité dans l’évaluation des réponses à un examen ou le classement des candidats, le Tribunal examinera, lorsqu’approprié, comment les notes ont été accordées ou comment l’ordre de classement a été établi. Le Tribunal analysera la preuve afin de déterminer si l’allégation de traitement différentiel l’amène à conclure qu’il y a eu abus de pouvoir et par conséquent, que la plainte est fondée.

64 Le Tribunal apprécie les observations de la CFP à l’égard du critère approprié. Cependant, les critères proposés par la CFP pourraient être trop restreints. En effet, il pourrait y avoir des situations où une erreur grave dans l’évaluation ou dans le classement constituerait une preuve concluante d’abus de pouvoir. On pourrait aussi être en présence d’une série d’erreurs qui, individuellement, ne permettraient pas de conclure au traitement différentiel. Pourtant, collectivement, elles pourraient mener à une telle conclusion.

65 Comme le Tribunal l’a déclaré dans des décisions antérieures, il incombe au plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir. Si la preuve de traitement différentiel est telle que le Tribunal peut conclure que l’abus de pouvoir est plutôt vraisemblable, le plaignant s’est alors acquitté du fardeau de la preuve.

66 La plainte en l’espèce ne porte pas sur le classement de candidats, puisqu’une seule candidate a été considérée comme qualifiée. Cependant, les réponses ont été notées et le Tribunal a déterminé que, compte tenu des circonstances en l’espèce, il convenait d’examiner la façon dont les notes ont été accordées.

67 Comme certains renseignements manquaient dans l’examen écrit, les candidats n’ont pu répondre correctement à l’une des questions posées. L’intimé confirme que cinq points n’ont pas été accordés aux candidats, ce qui signifie que la plaignante répondait à la qualification essentielle « capacité d’interpréter et de mettre en application les politiques financières. » Le Tribunal constate qu’il y a bel et bien eu une erreur et que la plaignante répondait à cette qualification essentielle. Cependant, la plaignante n’a pas su satisfaire aux deux autres qualifications essentielles. Ainsi, nonobstant cette erreur dans l’utilisation de l’outil d’évaluation, le Tribunal n’est pas convaincu que la plaignante a prouvé l’allégation de traitement différentiel. Les éléments de preuve démontrent clairement que l’erreur a touché tous les candidats de la même façon.

68 La deuxième erreur a trait à la durée de l’examen écrit. Le comité d’évaluation a redressé la situation en apportant certaines modifications aux dernières parties de l’examen. Selon la plaignante, ces modifications ont aidé uniquement la candidate choisie à satisfaire aux qualifications essentielles.

69 Le Tribunal a examiné les notes accordées aux candidats et constate qu’aucun élément de preuve ne corrobore cette allégation. Au contraire, un examen minutieux des notes accordées indique que les modifications apportées ont été favorables à tous les candidats. La plaignante et la candidate choisie ont satisfait à la qualification essentielle « capacité de communiquer efficacement par écrit grâce aux questions supplémentaires visant à évaluer cette capacité. » Pour ce qui est de la question de l’entrevue ajoutée en remplacement de la question 4, aussi bien la plaignante que la candidate choisie en ont bénéficié puisqu’elles ont obtenu des notes de 17,5 et de 21 respectivement. Par contre, la plaignante ne s’est pas vu accorder la note de passage de 50 points sur 100 pour la capacité de rapprocher des données financières; elle a en fait obtenu 28 points en tout, n’ayant obtenu que 10,5 points sur une possibilité de 50 à l’examen écrit pour cette qualification essentielle.

70 Le Tribunal s’est aussi penché sur l’ensemble de la preuve relative aux réponses pour lesquelles la plaignante allègue qu’elle aurait été sous-évaluée ou que d’autres irrégularités seraient survenues. Le Tribunal estime que Mme Lam, dans son témoignage, a fourni une explication valable et satisfaisante concernant les notes accordées pour ces réponses. Les réponses de la candidate choisie étaient plus complètes que celles de la plaignante. Le contre-interrogatoire de ce témoin n’a révélé aucune irrégularité à cet égard; ses explications concernant la correction et l’attribution des notes pour les questions en cause étaient simples et raisonnables. Par ailleurs, M. Senter a décrit la façon dont les membres du comité d’évaluation ont déterminé les notes finales qui ont été attribuées à chacun des candidats; ils ont procédé par consensus aux fins de l’évaluation des réponses fournies et de l’attribution des notes correspondantes.

71 Le Tribunal juge que la correction a été uniforme pour les deux candidates. Il n’y a aucun élément de preuve appuyant l’allégation selon laquelle la plaignante a été évaluée différemment de la candidate choisie.

Décision

72 Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Guy Giguère

Président

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2006-0152
Intitulé de la cause:
Goldie Glasgow et le Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al.
Audience:
Les 1er et 2 octobre 2007
Toronto (Ontario)
Date des motifs:
Le 1er avril 2008

Comparutions:

Pour le plaignant:
David Cunning
Pour l'intimé:
Caroline Engmann
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
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