Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée travaillait à la Bibliothèque du Parlement - elle a affirmé, en se fondant sur la formulation de la convention collective, qu’elle avait droit à un congé annuel unique de cinq jours - la convention collective prévoyait que si le Conseil du Trésor négociait une disposition relative à un congé pour union conjugale, cette disposition serait intégrée à la convention collective de la Bibliothèque du Parlement - la preuve a démontré que le Conseil du Trésor avait remplacé le congé de mariage par un congé annuel unique dans certaines conventions collectives - l’arbitre de grief n’était pas convaincu que la stipulation de la convention collective de la fonctionnaire s’estimant lésée relative au congé pour union conjugale exprimait l’intention des parties de négocier le congé annuel unique - il a rejeté le grief. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail au
Parlement

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-10-31
  • Dossier:  466-LP-361
  • Référence:  2008 CRTFP 91

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MARIE-FRANCE MARLEAU

fonctionnaire s'estimant lésée

et

BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT

employeur

Répertorié
Marleau c. Bibliothèque du Parlement

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John A. Mooney, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Amarkai Laryea, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Carole Piette, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 8 juillet 2008.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1 Marie-France Marleau (la « fonctionnaire s’estimant lésée ») occupe, à la Bibliothèque du Parlement (l’« employeur »), un poste de groupe et de niveau CGS-06.

2 Le 18 octobre 2006, la fonctionnaire s’estimant lésée a présenté un grief à l’employeur dans lequel elle contestait le défaut de ce dernier de [traduction] « se conformer aux modalités de l’Annexe B de la convention collective ». La fonctionnaire s’estimant lésée a demandé que [traduction] l’« employeur se conforme aux modalités de l’Annexe B et mette en œuvre les mêmes mesures que le Conseil du Trésor relativement au « congé d’union payé », soit le remplacement de l’article 19.15 par 5 jours de congé pour tous les employés ».Le grief a été présenté jusqu’au dernier palier du processus de règlement des griefs, mais il n’a pas été tranché à la satisfaction de la fonctionnaire s’estimant lésée.

3 La fonctionnaire s’estimant lésée a renvoyé son grief à l’arbitrage le 29 janvier 2007 en vertu de l’alinéa 63(1)a) de la Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R.C. (1985), ch. 33 (2e suppl.)(la « LRTP »).

4 La fonctionnaire s’estimant lésée est visée par la convention collective conclue entre la Bibliothèque du Parlement et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») relativement au Groupe de soutien administratif (date d’expiration : le 30 juin 2009), convention qui a été signée le 27 novembre 2006 (pièce G-1, onglet 2; la « convention collective de 2006 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC »). La stipulation 40.02 de cette convention collective prévoit qu’elle entre en vigueur à la date de sa ratification, soit le 17 octobre 2006.

II. Résumé de la preuve

5 La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé neuf pièces et l’employeur a déposé une pièce. Lynn Whittaker a témoigné pour la fonctionnaire s’estimant lésée.

6 Le grief porte sur l’interprétation d’une stipulation contenue dans la convention collective de 2006 conclue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC relative au congé d’union payé. Cette stipulation, qui se trouve à l’Annexe C, est ainsi rédigée (pièce G-1, onglet 2) :

Il est convenu que, si le Conseil du Trésor incorpore une disposition relative au « congé d’union payé » dans une convention collective, la Bibliothèque du Parlement accepte d’en incorporer une aussi dans la sienne, selon la façon du Conseil du Trésor.

7 Cette même convention collective comportait également une stipulation sur le congé de mariage payé :

[…]

19.15 Congé de mariage payé

a) Après une (1) année d’emploi continu à la Bibliothèque du Parlement et à condition que l’employée ou employé donne à l’employeur un préavis d’au moins cinq (5) jours, elle ou il bénéficie d’un congé payé de trente-cinq (35) heures aux fins de contracter mariage.

[…]

8 La convention collective précédente conclue entre les mêmes parties relativement au même groupe (date d’expiration : 30 juin 2006) et signée le 6 janvier 2004 (pièce G-1, onglet 1; la « convention collective de 2004 conclue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC »), renfermait la même stipulation sur les unions conjugales, mais elle a été mise dans l’Annexe B plutôt que dans l’Annexe C. Cette convention comprenait également la même stipulation sur le congé de mariage.

9 Mme Whittaker a témoigné. Elle occupe actuellement un poste d’agente au mode substitutif de règlement des différends à l’AFPC. Auparavant, elle a été négociatrice à l’AFPC.

10 Mme Whittaker a affirmé qu’elle était la négociatrice en chef de l’AFPC pendant la négociation sur la convention collective de 2004 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC. En 2003, le Conseil du Trésor (le « CT ») ne savait pas comment aborder la question des unions entre conjoints et conjointes de même sexe. En mai 2003, le Tribunal canadien des droits de la personne (le « TCDP ») a statué dansBoutilier et al. v. Treasury Board et al, 2003 CHRT 20 que le fait de refuser à des couples homosexuels un congé pour participer à des cérémonies publiques d’engagement entre partenaires de même sexe constituait un acte discriminatoire. Le TCDP a ordonné au CT d’accorder un congé aux employés et aux employées qui demandent un congé pour participer à des cérémonies publiques d’engagement entre partenaires de même sexe. Le congé devait être accordé aux mêmes conditions que le congé prévu par la convention collective pour les employées et les employés hétérosexuels, qui pouvaient demander un congé de mariage. En outre, le TCDP accordait au CT six mois à compter de la date de l’ordonnance pour éliminer la pratique discrétionnaire dans l’application de toutes les conventions collectives dont le CT était partie.

11 Mme Whittaker a expliqué que la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC savaient que la convention collective qu’elles négociaient en 2003 ne pouvait prévoir de congé de « mariage ». Les deux parties à la convention collective ont décidé de laisser la question en suspens et d’englober la stipulation dite « inclusive » mentionnée précédemment à l’Annexe B de la convention collective de 2004 conclue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC. Mme Whittaker a expliqué que les stipulations dites « inclusives » sont souvent ajoutées pendant les négociations sur la convention collective. Cette stipulation avait pour objet d’intégrer dans la convention collective de 2004 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC une stipulation qui illustrerait de quelle façon la question du congé d’union serait traitée dans les négociations entre le CT et l’AFPC relativement au groupe Services des programmes et de l’administration (les « négociations à la table 1 »). L’issue des négociations sur les unions conjugales tenues à la table 1 serait intégrée dans la convention collective de 2004 conclue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC.

12 Mme Whittaker a témoigné que les mots « relative au » [congé] d’union étaient utilisés dans la convention collective de 2004 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC parce que l’agent négociateur n’avait à ce moment-là aucune indication de la manière dont le CT réglerait cette question.

13 Mme Whittaker a déclaré qu’elle était également la négociatrice en chef pour l’AFPC dans ses négociations avec le CT sur la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration (date d’expiration : 20 juin 2007), qui a été signée le 14 mars 2005 (pièce G-1, onglet 4; la « convention collective de 2005 conclue entre le CT et l’AFPC »). Mme Whittaker a décrit les négociations qui ont mené à cette convention collective. La convention collective précédente conclue entre le CT et l’AFPC relativement à ce même groupe, signée le 19 novembre 2001 (la « convention collective de 2001 intervenue entre le CT et l’AFPC ») contenait la même stipulation sur le congé de mariage, qui est presque identique à la stipulation 19.15 de la convention collective de 2004 conclue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC (pièce G-1, onglet 3) :

[…]

45.01 Après une (1) année d’emploi continu dans la fonction publique et à condition que l’employé-e donne à l’Employeur un préavis d’au moins cinq (5) jours, il ou elle bénéficie d’un congé payé de cinq (5) jours aux fins de contracter mariage.

[…]

14 Depuis que le TCDP a jugé les stipulations sur le congé de mariage discriminatoires, l’AFPC a proposé de remplacer le congé de mariage par un congé d’union, comme l’indiquait sa proposition faite au CT pendant les négociations à la table 1 (pièce G-1, onglet 6) :

[Traduction]

[…]

Rebaptiser l’article sur le congé de mariage « CONGÉ D’UNION PAYÉ »

45.01 Après une (1) année d’emploi continu dans la fonction publique et à condition que l’employé-e donne à l’Employeur un préavis d’au moins cinq (5) jours, il ou elle bénéficie d’un congé payé de cinq (5) jours aux fins de déclarer une union conjugale avec une autre personne dans le cadre d’une cérémonie. Cette cérémonie peut être civile, laïque ou religieuse.

[Négociations AFPC - PSAC Conseil du Trésor de 2003 – groupe Services des programmes et de l’administration (table 1); (pièce G-1, onglet 6)]

[…]

[Le passage souligné l’est dans l’original]

15 Le libellé proposé appuyait également les unions civiles hétérosexuelles.

16 Mme Whittaker a témoigné que les négociations avec le CT n’étaient pas fructueuses, comme l’a indiqué la réponse de l’employeur figurant dans le document sur les propositions de l’employeur pour la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration, daté d’août 2003 (pièce G-1, onglet 7). L’employeur a écrit : [traduction] « L’employeur désire discuter de ce congé. »

17 Pour régler cette impasse dans les négociations à la table 1 entre le CT et l’AFPC, celle-ci a renvoyé la question au bureau de conciliation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « bureau de conciliation »). L’AFPC a proposé au bureau de conciliation que les stipulations qui renvoient au congé de mariage soient remplacées par les stipulations suivantes (pièce G-1, onglet 8) :

[…]

45.01 Après une (1) année d’emploi continu dans la fonction publique et à condition que l’employé-e donne à l’Employeur un préavis d’au moins cinq (5) jours, il ou elle bénéficie d’un congé payé de cinq (5) jours aux fins de contracter mariage.

45.02 […] Là où le mariage de même sexe n’est pas reconnu, et après une (1) année d’emploi continu dans la fonction publique, et à condition que l’employé-e donne à l’Employeur un préavis d’au moins cinq (5) jours, il ou elle bénéficie d’un congé payé de cinq (5) jours pour participer à une cérémonie publique d’engagement avec une personne de même sexe.

[…]

[Le passage souligné l’est dans l’original]

18 Le CT a proposé au bureau de conciliation que la stipulation sur le mariage tirée de la convention collective de 2001 conclue entre le CT et l’AFPC soit supprimée et remplacée par la stipulation qui suit (pièce G-1, onglet 9) :

[Traduction]

L’employé-e acquiert des crédits de congé annuel payé à raison de vingt-deux virgule cinq (22,5) heures le premier jour du mois suivant le jour anniversaire de sa deuxième année de service, déterminée conformément à la stipulation 34.03a).

19 Le TB et l’AFPC ont finalement convenu de la stipulation suivante dans la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC (pièce G-1, onglet 4) :

34.18

a)L’employé-e a droit une seule fois à un crédit de trente-sept virgule cinq (37,5) heures de congé annuel payé le premier (1er) jour du mois suivant l’anniversaire de sa deuxième (2e) année de service, comme le précise le paragraphe 34.03.

20 De l’avis de Mme Whittaker, le CT a remplacé le congé de mariage par le congé annuel de 37,5 heures. Par conséquent, il existe un lien direct entre le congé annuel et le congé d’union.

21 En contre-interrogatoire, l’avocate de l’employeur a demandé à Mme Whittaker de comparer les avantages des employés qui travaillent à la Bibliothèque du Parlement avec ceux des employés qui travaillent dans des organismes relevant du CT. Mme Whittaker a expliqué que et les employés de la Bibliothèque du Parlement travaillent 1 820 heures annuellement, tandis que les employés des organismes du CT travaillent 1 950 heures par année. Les employés de la Bibliothèque du Parlement ont quatre semaines de congé annuel après un an d’emploi, tandis que les employés du CT doivent avoir accumulé trois années pour avoir droit à quatre semaines de congé annuel. Enfin, les employés de la Bibliothèque du Parlement ont un congé férié de plus que les employés du CT.

III. Résumé de l’argumentation

A. Objection de l’employeur

22 L’avocate de l’employeur a fait valoir que comme la stipulation dite « inclusive » des conventions collectives de 2004 et de 2006 intervenues entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC n’est pas ambiguë, je dois écarter toutes les preuves extrinsèques soumises par la fonctionnaire s’estimant lésée, c’est-à-dire les preuves concernant les négociations des conventions collectives de 2004 et de 2006 conclues entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC et la négociation de la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

23 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir que les preuves extrinsèques devraient être admises pour interpréter la stipulation dite « inclusive » dans les conventions collectives de 2004 et de 2006 intervenues entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC, parce que le libellé de cette stipulation est ambigu. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée m’a renvoyé à Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, au paragr. 3:4401. Les auteurs y écrivent : [traduction] « […] [l]orsqu’une ambiguïté est latente, c’est-à-dire lorsqu’elle n’est pas apparente à sa face même, un arbitre peut s’en remettre à des preuves extrinsèques non seulement pour l’aider à résoudre l’ambiguïté une fois qu’elle est établie, mais également pour la divulguer […] [j’omets les renvois] ». Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée m’a également renvoyé à Noranda Metal Industries Ltd., Fergus Division v. International Brotherhood of Electrical Workers Local 2345 et al., 84 CLLC 12093. Dans cette affaire, la Cour d’appel de l’Ontario a statué que les preuves extrinsèques peuvent être invoquées comme outil d’interprétation de l’intention véritable des parties lorsqu’une stipulation d’une convention collective est ambiguë.

24 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir que ce grief soulève deux questions. La première consiste à déterminer si la stipulation 34.18 de la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC a trait aux unions conjugales. La deuxième consiste à déterminer si le CT et l’AFPC entendaient remplacer le congé de mariage par une stipulation qui illustrerait de quelle façon le CT réglerait la question du congé de mariage dans les négociations à la table 1 avec l’AFPC. Il convient de répondre affirmativement aux deux questions.

25 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir que la stipulation dite « inclusive » contenue dans l’Annexe B de la convention collective de 2004 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC avait pour objet d’intégrer dans cette convention collective une stipulation qui illustrerait de quelle façon la question du congé de mariage serait traitée dans les négociations à la table 1 avec l’AFPC relativement au groupe Services des programmes et de l’administration. Le CT a réglé cette question en remplaçant le congé de mariage inscrit dans la convention collective précédente conclue entre les même parties par la stipulation 34.18 de la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC, qui créditait à tous les employés un congé annuel unique de 37,5 heures que l’employé pouvait utiliser à sa discrétion. Le CT a résolu cette question par la stipulation 34.18. Par conséquent, la stipulation 34.18 de la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC devrait remplacer la stipulation 19.15 de la convention collective de 2006 conclue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC.

26 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir que la stipulation 34.18 de la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC porte sur les unions conjugales. L’historique des négociations révèle que le CT a inclus cette stipulation en raison de la controverse entourant le congé de mariage à l’époque. La présentation faite par le CT au bureau de conciliation pendant les négociations tenues à la table 1 entre le CT et l’AFPC révèle que le CT a proposé qu’un congé annuel de 37,5 heures remplace le congé de mariage. Le CT a formulé les commentaires suivants dans cette présentation (pièce G-1, onglet 9, pages 139 et 140) :

[Traduction]

[…]

Le Tribunal canadien des droits de la personne a rendu une ordonnance sur consentement qui enjoint à l’Employeur de modifier la convention collective de manière à éliminer la discrimination contenue dans la disposition sur le congé de mariage dans la mesure où elle touche les couples homosexuels. Par conséquent, le renouvellement de cet article ne représente pas une option pour l’Employeur. L’Employeur comprend qu’il ne peut s’attendre à ce que l’agent négociateur accepte tout simplement de supprimer la disposition de la convention collective. L’Employeur a donc déposé la proposition qui précède. Cette proposition accorderait à tous les employé-e-s qui font partie de l’unité de négociation et qui ont cumulé deux années de service continu 22,5 heures de congé annuel.

[…]

[J’omets le renvoi]

27 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a souligné que la stipulation dite « inclusive » contenue dans l’Annexe C de la convention collective de 2006 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC et l’Annexe B de la convention collective précédente conclue entre les mêmes parties ne se lit pas « si le Conseil du Trésor incorpore une disposition intitulée « congé pour le conjoint ». La stipulation dite « inclusive » renvoie à une disposition « relative au » congé d’union payé. Il faut donc établir un lien entre la nouvelle stipulation sur le congé annuel et l’union conjugale. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée m’a renvoyé au Canadian Oxford Dictionary (Toronto : Oxford University Press, 1998), qui définit notamment [traduction] « relatif » comme étant [traduction] « […]  associé ou lié […] ».

28 Mme Whittaker a témoigné que les guillemets entourant l’expression « congé d’union payé » qui se trouve dans l’Annexe B de la convention collective de 2004 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC révélaient que cette question n’avait pas été réglée et qu’il y avait encore des discussions sur la question du congé pour le conjoint. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée m’a renvoyé à une page Web de l’AFPC datée du 1er février 2005 qui indique le lien entre le congé annuel de 37,5 heures et le congé de mariage. La page Web renferme le paragraphe qui suit (pièce G-1, onglet 11) :

Les membres de l’AFPC ont entériné les ententes de principe […] du Conseil du Trésor. Par conséquent, les dispositions actuelles sur le congé de mariage seront remplacées par un nouvel article qui prévoit que tous les employé-e-s ont droit à un congé annuel de cinq jours, accordé une seule fois.

29 Ce passage de la page Web de l’AFPC indique clairement le lien entre le nouveau congé annuel accordé une seule fois et les unions conjugales.

30 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que la stipulation dite « inclusive » inscrite dans les conventions collectives de 2004 et de 2006 intervenues entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC n’est pas simple. Il est impossible de compléter cette stipulation en cherchant simplement une stipulation de congé pour le conjoint dans la convention collective de 2005 conclue entre le CT et l’AFPC. Il faut chercher une stipulation « relative à » une union conjugale, plutôt qu’une stipulation portant le titre « union conjugale ». Le témoignage de Mme Whittaker et les documents ayant trait à l’historique des négociations du nouveau congé annuel dans la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC établit un lien entre le nouveau congé annuel et le congé d’union.

31 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a souligné qu’il ne serait pas pertinent d’intégrer la nouvelle stipulation de congé annuel dans les conventions collectives de 2004 et de 2006 conclues entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC, car l’opération serait coûteuse. La question soumise à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») n’est pas une question de coûts; il s’agit plutôt de déterminer si la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC avaient l’intention de suivre les traces du CT et de l’AFPC dans la façon dont ces deux derniers organismes traitent le congé d’union.

32 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé que le grief soit accueilli. La stipulation 19.15 de la convention collective de 2006 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC devrait être remplacée par la stipulation 34.18 de la convention collective de 2005 conclue entre le CT et l’AFPC. Par conséquent, l’employeur devrait accorder une seule fois à la fonctionnaire s’estimant lésée un congé annuel de 37,5 heures.

C. Pour l’employeur

33 L’avocate de l’employeur a soutenu que la stipulation 19.15 de la convention collective de 2006 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC ne devrait pas être remplacée par la stipulation 34.18 de la convention collective de 2005 conclue entre le CT et l’AFPC parce que la stipulation 34.18 ne porte pas sur les unions conjugales.

34 L’avocate de l’employeur a expliqué qu’au cours de la dernière ronde de négociations entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC, la Bibliothèque du Parlement a refusé de supprimer la disposition sur le congé de mariage et de la remplacer par un congé annuel de 37,5 heures. La Bibliothèque du Parlement a refusé de le faire parce que le CT, dans ses négociations avec l’AFPC, n’a pas adopté une disposition sur les unions conjugales. Le CT a plutôt accepté de supprimer la disposition sur le congé de mariage et d’offrir à tous les employés un congé annuel unique. Ce congé n’a pas de lien avec les unions conjugales.

35 Les conditions rattachées au nouveau congé annuel diffèrent de celles qui sont rattachées au congé de mariage. Le congé de mariage pouvait être pris aussi souvent qu’une personne se mariait et ne faisait l’objet d’aucune exigence opérationnelle. L’employeur ne possédait aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard; il ne pouvait refuser d’accorder un congé de mariage à un employé ou à une employée. Le nouveau congé annuel est différent. Il s’agit d’un congé accordé une seule fois au cours de l’emploi de l’employée ou de l’employé. Une employée ou un employé peut prendre le congé pour n’importe quel motif. De plus, il est assujetti aux exigences opérationnelles du CT.

36 L’avocate de l’employeur a soutenu que la stipulation dite « inclusive » contenue dans la convention collective de 2006 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC n’est jamais entrée en vigueur parce que le CT n’a pas adopté de congé d’union. Le CT a plutôt supprimé la disposition de la convention collective sur le congé de mariage pour la remplacer par un congé annuel unique pour tous les employés.

37 Dans Boutilier, le TCDP a accordé six mois au CT à compter de la date de l’ordonnance pour éliminer la pratique discrétionnaire qui consiste à refuser aux couples homosexuels un congé pour prendre part à une cérémonie d’engagement. Le CT s’est conformé à l’ordonnance du TCDP en adoptant, le 10 juin 2003, la directive intitulée Congé de mariage et couples de même sexe (pièce E-1, onglet II-2). Cette directive donnait instruction aux organismes relevant de la compétence du CT d’accorder un congé de cinq jours aux employés faisant partie d’un couple de même sexe qui demandent un congé pour prendre part à une cérémonie publique d’engagement. Le CT a également demandé que les stipulations sur le mariage soient abrogées de toute nouvelle convention collective. Dès lors, il n’y a plus eu de discrimination à l’encontre des couples de même sexe.

38 La représentante de l’employeur a souligné que Mme Whittaker avait témoigné que l’AFPC et le CT ont adopté des approches différentes lors des négociations à la table 1 de 2005. L’AFPC a proposé que la stipulation sur le « mariage » soit remplacée par une stipulation sur l’« union conjugale » (pièce G-1, onglet 6). Le CT, pour sa part, estimait qu’il convenait de supprimer le congé de mariage, comme l’indiquent ses observations formulées devant le bureau de conciliation (pièce G-1, onglet 9).

39 La représentante de l’employeur a expliqué que le CT a proposé le congé annuel dans ses négociations avec l’AFPC parce que le retrait de quelque chose au cours de négociations suppose son remplacement par quelque chose d’autre. Le fait d’offrir le congé annuel s’inscrivait dans la stratégie du CT. Ainsi, en contrepartie de l’abolition du congé de mariage, le CT a offert aux employés le congé annuel accordé une seule fois. Cette offre était logique parce qu’en 2004, les unions conjugales n’étaient pas reconnues dans toutes les provinces. Seulement trois d’entre elles avaient reconnu les unions homosexuelles, soit la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec.

40 Toute la question du congé pour le conjoint est devenue théorique lorsque la Loi sur le mariage civil, L.C. 2005, c. 33, a été sanctionnée en juillet 2005. Elle prévoit que les gens du même sexe peuvent se marier.

41 L’avocate de l’employeur a fait valoir que si je conclus que la stipulation dite « inclusive » contenue dans l’Appendice C de la convention collective de 2006 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC est ambiguë et que la fonctionnaire s’estimant lésée peut faire valoir des preuves extrinsèques, je dois alors vérifier quelle était l’intention des parties lors de la rédaction de cette stipulation. La meilleure façon de procéder consiste à s’en remettre aux règles d’interprétation juridiques élaborées par la jurisprudence. L’avocate de l’employeur m’a renvoyé à Brown et Beatty, au paragraphe 4:2100. Les auteurs écrivent : [traduction] « […] au moment d’interpréter les termes d’une convention collective, l’essentiel consiste à découvrir l’intention des parties à la convention […] » L’avocate de l’employeur m’a également renvoyé au passage suivant, dans lequel Brown et Beatty énoncent les critères qui orientent le choix entre deux interprétations possibles d’une stipulation d’une convention collective (au paragraphe 4:2100) :

[Traduction]

[…]

Toutefois, les arbitres, confrontés à un choix entre deux interprétations que le libellé autorise, se sont laissés guider par l’objet de la disposition pertinente. Le caractère raisonnable de chaque interprétation possible, la faisabilité administrative et la question de savoir si l’une de ces interprétations possibles donnerait lieu à des anomalies […]

[…]

[J’omets les renvois]

42 L’avocate de l’employeur a appliqué ces principes et ces critères au présent grief. Elle a fait valoir que si les parties souhaitaient l’intégration par le CT d’une stipulation sur l’union conjugale dans une convention collective, cette stipulation devrait être intégrée dans la convention collective intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC. Toutefois, cela ne s’est pas produit. L’intention des parties ne pouvait pas être qu’en cas d’abolition par le CT du congé de mariage, la Bibliothèque du Parlement incorporerait dans la convention collective conclue avec l’AFPC ce que le CT offrirait en contrepartie de l’abrogation du congé de mariage. Que se produirait-il si, plutôt que d’offrir un congé annuel en échange du congé de mariage, le CT avait proposé une hausse salariale de 1 %? La Bibliothèque du Parlement aurait-elle été tenue de faire de même? L’interprétation faite par l’agent négociateur n’est pas raisonnable. L’interprétation plus raisonnable est que les parties souhaitaient l’intégration d’une stipulation qui portait sur les unions conjugales si le CT adoptait une telle stipulation dans d’autres conventions collectives.

43 Bien que les considérations en matière de coûts ne s’appliquent pas directement à l’interprétation d’une stipulation d’une convention collective, elles peuvent aider à déterminer quelle interprétation est plus raisonnable. Les employés de la Bibliothèque du Parlement profitent déjà de meilleurs avantages que les employés des autres organismes de la fonction publique. Les employés de la Bibliothèque du Parlement travaillent 1 820 heures par année, tandis que les employés du CT travaillent 1 950 heures annuellement. Les employés de la Bibliothèque du Parlement bénéficient de quatre semaines de vacances après un an de service, tandis que les employés du CT obtiennent ce nombre de semaines de vacances après trois ans de service. Les employés de la Bibliothèque du Parlement ont également un congé férié par année de plus que les employés du CT. Compte tenu de ces avantages généreux, la Bibliothèque du Parlement ne pouvait avoir l’intention d’accorder à ses employés un autre avantage lié aux congés annuels.

44 La représentante de l’employeur a déposé en preuve 25 conventions collectives récentes négociées par le CT avec plusieurs agents négociateurs (pièce E-1, onglets III-1 à 25) et un diagramme indiquant si la convention collective renferme une stipulation de congé de mariage (pièce E-1, onglet III avant l’onglet 1). Neuf de ces 25 conventions collectives comportent toujours une stipulation de congé de mariage. Ces 25 conventions collectives révèlent que l’approche du CT en matière de congé de mariage n’est pas constante.

45 Subsidiairement, l’avocate de l’employeur a fait valoir que ce n’est pas la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC (pièce G-1, onglet 4) qui a déclenché l’application de la stipulation dite « inclusive », mais plutôt la convention collective conclue entre le CT et l’Association professionnelle des agents du service extérieur pour le groupe Service extérieur (date d’expiration : 30 juin 2007), qui a été signée le 7 juin 2005 (pièce E-1, onglet III-6; la « convention collective de l’APASE »). La stipulation dite « inclusive » prévoit que si le CT intègre dans une convention collective une disposition relative à un congé payé pour une union conjugale, la Bibliothèque du Parlement accepte d’intégrer cette disposition dans la convention collective conclue avec l’AFPC. L’avocate de l’employeur a soutenu qu’il faut examiner les conventions collectives négociées par le CT et trouver une disposition relative aux unions conjugales. La convention collective de l’APASE est le premier document auquel le CT a accepté d’élargir le congé de mariage aux couples de même sexe aux termes de la directive du CT intitulée Congé de mariage et couples de même sexe (pièce E-1, onglet II-2).

46 Subsidiairement, l’avocate de l’employeur a fait valoir que si je conclus qu’un congé annuel a un lien avec une union conjugale, le droit à congé annuel devrait consister en une attribution unique de 22,5 heures, parce que c’est la convention collective conclue entre le CT et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (groupe du Droit) (date d’expiration : 28 février 2006), signée le 8 juillet 2004 (pièce E-1, onglet III-17) qui a prévu pour la première fois l’attribution par le CT d’un droit à congé annuel plutôt qu’un congé de mariage.

47 La représentante de l’employeur a fait référence à plusieurs décisions de la Commission des relations de travail dans la fonction publique qui portaient sur les congés pour unions homosexuelles. Ces décisions indiquent que le CT n’appliquait pas une approche cohérente en matière de congés pour couple homosexuel. Dans la décision arbitrale Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 c. Canada (Secrétariat du Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 185-02-412 (20051006), le groupe d’arbitrage a abrogé la disposition sur le congé de mariage de la convention collective conclue entre ces parties et l’a remplacée par un congé annuel de cinq jours accordé une fois.

48 Le groupe d’arbitrage a adopté une approche différente dans Association des employés du Conseil de recherches c. Conseil national de recherches du Canada, dossier de la CRTFP 585-09-09 (20070516). Dans cette affaire, l’Association des employés du Conseil de recherchesavait demandé la suppression de la disposition sur le congé de mariage et son remplacement par un congé annuel unique de cinq jours pour l’ensemble des employés de l’unité de négociation. Le groupe d’arbitrage n’était pas d’accord et a décidé que cette stipulation sur le congé de mariage demeurerait inchangée. Il convient de garder à l’esprit qu’au moment du prononcé de cette décision, la question du congé de mariage ne posait pas problème, car les couples homosexuels pouvaient alors se marier.

49 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Bureau du vérificateur général du Canada, dossier de la CRTFP 585-14-08 (20070217), le groupe d’arbitrage a décidé de supprimer la stipulation sur le congé de mariage de la convention collective et de la remplacer par un congé annuel unique de 37,5 heures.

IV. Motifs

50 La fonctionnaire s’estimant lésée a renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 63(1)a) de la LRTP, qui est ainsi rédigé :

          63.(1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un employé peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur :

a) l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale,

51 Le présent grief a trait à l’interprétation de l’Annexe C de la convention collective de 2006 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC relativement au congé d’union payé, dont voici le libellé (pièce G-1, onglet 2) :

Il est convenu que, si le Conseil du Trésor incorpore une disposition relative au « congé d’union payé » dans une convention collective, la Bibliothèque du Parlement accepte d’en incorporer une aussi dans la sienne, selon la façon du Conseil du Trésor.

52 La convention collective de 2004 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC renfermait une disposition qui accordait aux employés de la Bibliothèque du Parlement un congé payé de 35 heures pour contracter mariage. En 2003, dans Boutilier, le TCDP a statué qu’il était discriminatoire de refuser à des employés un congé pour prendre part à des cérémonies d’engagement entre conjoints de même sexe. La Bibliothèque du Parlement et l’AFPC ont réglé cette question en 2003 en ne touchant pas à la stipulation sur le congé de mariage dans la convention collective de 2004 conclue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC, mais en englobant dans l’Annexe B de cette convention collective la stipulation dite « inclusive » mentionnée précédemment (pièce G-1, onglet 1). La Bibliothèque du Parlement et l’AFPC ont convenu d’inclure la même stipulation dans l’Annexe C de la convention collective de 2006 conclue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC (pièce G-1, onglet 2).

53 En 2005, pendant les négociations à la table 1, le CT et l’AFPC se sont mis d’accord pour abolir le congé de mariage et accorder à tous les employés un congé annuel unique de 37,5 heures.

54 L’employeur s’est opposé à la présentation par l’agent négociateur de preuves extrinsèques pour interpréter la stipulation dite « inclusive » dans les conventions collectives de 2004 et de 2006 conclues entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC parce qu’il estime que la stipulation n’est pas ambiguë. Plus précisément, l’employeur s’est objecté au témoignage de Mme Whittaker au sujet de la négociation de la convention collective de 2004 entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC et à la présentation des documents sur la négociation de la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC. J’ai décidé d’admettre ces éléments de preuve parce qu’il existe une certaine ambiguïté dans la stipulation dite « inclusive » de laconvention collective de 2006 conclue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC. Cette stipulation se prête elle-même à des interprétations différentes. Par exemple, la stipulation dite « inclusive » n’explique pas ce que signifie une « union conjugale ». Le contexte fourni par la preuve extrinsèque présentée révèle que cette expression a trait notamment aux couples homosexuels. De plus, la stipulation dite « inclusive », de par sa nature même, exige des preuves extrinsèques, car elle renvoie à une autre convention collective. De fait, cette stipulation ne peut pas être interprétée sans faire référence à une autre convention collective. Les autres conventions collectives constituent des preuves extrinsèques. Je constate également que l’employeur a présenté des preuves extrinsèques à l’appui de sa position. L’employeur a fait mention de l’historique des négociations de la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC et a déposé en preuve plusieurs autres conventions collectives.

55 La fonctionnaire s’estimant lésée soutient que la stipulation 34.18 de la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC qui vise le groupe Services des programmes et de l’administration, qui accorde aux employés un congé annuel unique, devrait être intégrée dans la convention collective de 2006 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC parce que la stipulation a trait aux unions conjugales. La stipulation 34.18 illustre de quelle façon le CT a réglé la question de l’aspect discriminatoire du congé de mariage.

56 L’employeur prétend, quant à lui, que la stipulation 34.18 de la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC ne devrait pas être intégrée dans la convention collective de 2006 conclue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC parce que la stipulation 34.18 ne traite pas des unions conjugales. Le CT et l’AFPC ont convenu pendant les négociations à la table 1 d’abolir le congé de mariage. En échange, l’employeur a offert un congé annuel unique de 37,5 heures. L’employeur estime que ce congé n’est pas lié au congé pour union conjugale. La stipulation dite « inclusive » des conventions collectives de 2004 et de 2006 intervenues entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC n’a donc jamais pris effet.

57 Confronté à des interprétations divergentes, un arbitre de grief doit déterminer l’intention des parties à la convention collective. Selon moi, l’interprétation que fait l’employeur de l’Annexe C de la convention collective de 2006 conclue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC est la bonne. Il est vrai que le CT a réglé la question de l’aspect discriminatoire du congé de mariage en abolissant le congé de mariage et en offrant en échange un congé annuel unique. Cependant, la stipulation dite « inclusive » ne prévoit pas que les parties intégreront dans la convention collective de 2006 conclue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC la façon dont le CT réglera l’aspect discriminatoire du congé de mariage. La stipulation dite « inclusive » est plus limitée et plus précise. Elle renvoie aux « unions conjugales ». La Bibliothèque du Parlement et l’AFPC ont convenu d’intégrer dans leur convention collective une disposition relative au congé d’union payé advenant que le CT adopte une telle stipulation dans une convention collective. Le CT n’a pas adopté, dans la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC, une disposition relative aux unions conjugales. Il a aboli le congé de mariage. En échange de la perte de cet avantage, il a accordé aux employés un congé annuel unique de 37,5 heures. Bien que le congé annuel unique ait découlé de la décision du TCDP et de l’aspect discriminatoire du congé de mariage, il est assez différent du congé d’unions conjugales. Tous les employés profiteront de ce congé et peuvent le prendre pour n’importe quel motif. À mon avis, le congé annuel unique n’est donc  pas « relatif » au congé d’union et ne peut supplanter la stipulation 19.15 de la convention collective de 2006 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC, qui comprend maintenant le congé d’union en raison de la Loi sur le mariage civil. Par conséquent, la Bibliothèque du Parlement n’est pas tenue d’accorder à la fonctionnaire s’estimant lésée un congé annuel unique de 37,5 heures.

58 Les antécédents de la négociation de la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC illustrent également que tant le CT que l’AFPC considéraient le congé d’union et le congé annuel unique comme des choses différentes. Dans ses observations présentées au bureau de conciliation dans le cadre de la négociation de la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC, l’AFPC voulait remplacer le congé de mariage par le congé d’union (pièce G-1, onglet 6). Le CT a refusé. Le CT a adopté une approche tout à fait différente en abolissant le congé de mariage et en offrant à tous les employés un congé annuel unique pouvant être pris pour n’importe quel motif. Les deux parties considéraient donc les deux genres de congé comme différents.

59 La chronologie des événements est également révélatrice des intentions des parties. Quand la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC ont signé la convention collective de 2006 conclue entre la Bibliothèque du Parlement et le CT le 27 novembre 2006, elles ont décidé de reprendre la stipulation dite « inclusive » dans l’Annexe C de cette convention collective (pièce G-1, onglet 2). Néanmoins, à ce moment-là, le CT et l’AFPC avaient déjà signé une convention collective qui remplaçait le congé de mariage par un congé annuel unique (la convention collective de 2005 intervenue entre le CT et l’AFPC qui avait été signée le 14 mars 2005; pièce G-1, onglet 4). Compte tenu de ce précédent, si le CT et l’AFPC avaient voulu remplacer le congé de mariage par un congé annuel unique, ils l’auraient fait. Ils ont décidé de ne pas le faire. Ils ont plutôt englobé dans l’Annexe C de la convention collective de 2006 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC la même stipulation dite « inclusive » qui faisait partie de l’Annexe B de la convention collective de 2004 intervenue entre le CT et l’AFPC.

60 J’accepte également l’argument subsidiaire de l’employeur selon lequel si l’application de la stipulation dite « inclusive » avait été déclenchée, c’est la convention collective de l’APASE qui aurait eu cet effet (pièce E-1, onglet III-6). La stipulation dite « inclusive » ne précise pas à quelle convention collective elle se rapporte. Elle prévoit que « si le Conseil du Trésor incorpore une disposition relative au « congé d’union payé » dans une convention collective […] » [je souligne]. C’est la signature de la convention collective de l’APASE, le 7 juin 2005, qui a marqué la première fois que le CT a accepté, dans une convention collective, d’étendre le congé de mariage aux couples homosexuels. La stipulation 28.01 de cette convention collective accorde aux employés un congé de cinq jours pour contracter mariage et son Appendice B incorpore dans cette même convention collective la directive du CT intitulée Congé de mariage et couples de même sexe (pièce E-1, onglet II-2), qui élargit le congé de mariage aux couples de même sexe. Ce sont donc l’Appendice B de la convention collective de l’APASE et la directive à laquelle elle renvoie qui auraient dû être intégrées dans la convention collective de 2006 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC. Cette directive n’accorde pas de congé annuel unique.

61 La question des congés pour couples de même sexe pour des cérémonies d’engagement est devenue théorique lorsque la Loi sur le mariage civila été sanctionnée le 20 juillet 2005. Les articles 2 et 4 de cette Loi prévoient que les couples de même sexe peuvent contracter mariage. Par conséquent, la stipulation 19.15 de la convention collective de 2006 intervenue entre la Bibliothèque du Parlement et l’AFPC doit être interprétée comme si elle accordait aux couples de même sexe le droit au congé de mariage de la même façon que pour les personnes hétérosexuelles.

62 Compte tenu des conclusions qui précèdent, il n’est pas nécessaire de traiter de l’argument subsidiaire de l’employeur.

63 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

64 Le grief est rejeté.

Le 31 octobre 2008.

Traduction de la CRTFP

John A. Mooney,
arbitre de grief

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