Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été renvoyé en cours de stage après son arrestation pour trafic de drogues - l’accusation a été retirée par la suite - le fonctionnaire s’estimant lésé voulait être indemnisé pour le reste de son contrat ainsi que pour la période de renouvellement de son contrat - l’employeur a admis que le fonctionnaire s’estimant lésé devait être indemnisé pour le reste de son contrat - l’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait pas compétence pour accorder un autre dédommagement. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-10-16
  • Dossier:  166-02-37598
  • Référence:  2008 CRTFP 83

Devant un arbitre de grief


ENTRE

AHMED DUNGAS RABAH

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE)

employeur

Répertorié
Rabah c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 30 septembre 2008.
(Traduction de la CRTFP)

Grief renvoyé à l’arbitrage

1      Ahmed Dungas Rabah (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») a été renvoyé en cours de stage de son poste de magasinier au ministère de la Défense nationale (l’« employeur »), le 2 août 2004. Il était assujetti à une convention collective conclue entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) et le Conseil du Trésor s’appliquant au groupe Services de l’exploitation (date d’expiration : 4 août 2003).

2      Le fonctionnaire s’estimant lésé a soumis à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), le 31 janvier 2006, une demande de prorogation du délai pour déposer un grief à l’encontre de son renvoi en cours de stage. La Commission a accordé la prorogation dans Rabah c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 101. Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé son grief dans une période de 25 jours suivant la décision de la Commission. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 31 octobre 2007.

3      Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne Loi »), compte tenu du fait qu’il aurait dû être déposé en août ou septembre 2004. 

4      Dans son grief, le fonctionnaire s’estimant lésé prétendait que l’employeur avait omis de l’informer de son droit à une représentation syndicale et que son renvoi en cours de stage n’était aucunement lié à sa capacité d’exécuter les fonctions de son poste. Comme mesure corrective, le fonctionnaire s’estimant lésé demandait sa réintégration et une indemnisation pour le temps qu’il avait perdu.

Résumé de la preuve

5      L’employeur a embauché le fonctionnaire s’estimant lésé comme magasinier, un poste classé dans le groupe et au niveau GS/STS-03, pour une période déterminée d’un an, à compter du 24 novembre 2003. La lettre d’offre indiquait qu’il serait en stage pendant 12 mois (la totalité de la période de sa nomination). Le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu une évaluation positive à mi-parcours le décrivant comme un « membre dévoué » de l’équipe des magasins de vêtements.

6      Le 21 juin 2004, la police a arrêté le fonctionnaire s’estimant lésé à son retour à la maison après le travail. Une accusation de trafic de stupéfiants a été portée contre lui, mais la Couronne a retiré l’accusation par la suite.

7      Le 22 juin 2004, le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu sans traitement pendant la tenue d’une enquête sur son comportement en dehors des heures de travail. Le 16 juillet 2004, l’employeur a informé le fonctionnaire s’estimant lésé de sa décision de le renvoyer en cours de stage. L’employeur a pris cette décision après avoir mené une enquête au cours de laquelle il a été conclu que l’inconduite du fonctionnaire s’estimant lésé avait nui à sa capacité d’exécuter ses fonctions parce qu’il avait rompu le lien de confiance entre l’employeur et l’employé. Le renvoi a pris effet le 2 août 2004, étant donné que l’employeur a donné au fonctionnaire s’estimant lésé un avis de deux semaines au cours desquelles il a été rémunéré (16 juillet au 2 août 2004).

8      Le 15 septembre 2004, l’employeur a embauché un remplaçant pour le poste occupé au préalable par le fonctionnaire s’estimant lésé. La preuve présentée par le fonctionnaire s’estimant lésé montre que le poste a été financé ou doté jusqu’au 31 mars 2006.

Résumé de l’argumentation

9 Au début de l’audience, l’employeur a concédé en partie le grief, sauf en ce qui concerne la mesure corrective demandée par le fonctionnaire s’estimant lésé.

10 L’employeur a reconnu qu’il devrait verser au fonctionnaire s’estimant lésé le salaire perdu entre le 22 juin 2004 et le 24 novembre 2004, moins les deux semaines déjà rémunérées en juillet 2004. Cependant, il a soutenu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas droit à une réintégration étant donné qu’il était nommé pour une période déterminée et que son contrat venait à expiration le 24 novembre 2004.

11   L’employeur a prétendu que l’ancienne Loi ne conférait pas à un arbitre de grief de la Commission le pouvoir d’ordonner la réintégration du fonctionnaire s’estimant lésé, celui-ci étant nommé pour une période déterminée. En vertu de l’article 25 de l’ancienne Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33 (la « LEFP »), qui était toujours en vigueur en 2004, un employé nommé pour une période déterminée perd sa qualité de fonctionnaire à l’expiration de son contrat.

12 À l’appui de cet argument, l’employeur m’a renvoyé à Monteiro c. Conseil du Trésor (Agence spatiale canadienne), 2005 CRTFP 27, Foreman c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), 2003 CRTFP 73, et Laird c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-19981 (19901207).

13 Le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que l’employeur devrait lui verser une rémunération jusqu’au 31 mars 2006, étant donné qu’il a embauché un autre employé pour le remplacer du 15 septembre 2004 au 31 mars 2006. Si le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas été renvoyé en cours de stage, son contrat aurait été renouvelé, et il serait demeuré en poste au moins jusqu’au 31 mars 2006.

14 À l’appui de cet argument, le fonctionnaire s’estimant lésé a invoqué Tobin c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 26.

Motifs

15 L’employeur a concédé le grief, sauf en ce qui concerne le redressement. Le fonctionnaire s’estimant lésé a également prétendu que son droit à une représentation syndicale lui avait été refusé. Cette question est maintenant sans objet puisque le fonctionnaire s’estimant lésé a été représenté par un syndicat dans le cadre de la procédure interne de règlement des griefs. La seule question qu’il reste à trancher est celle de sa réintégration.

16 Je dois examiner les articles suivants de la LEFP pour établir si je suis compétent en matière de réintégration :

5.  La Commission doit

a) conformément aux dispositions et principes énoncés dans la présente loi, nommer ou fait nommer à un poste de la fonction publique des personnes qualifiées, appartenant ou non à celle-ci;

[…]

        8. Sauf disposition contraire de la présente loi, la Commission a compétence exclusive pour nommer à des postes de la fonction publique des personnes, en faisant partie ou non, dont la nomination n’est pas régie par aucune autre loi fédérale.

[…]

        25. Le fonctionnaire nommé pour une période déterminée perd sa qualité de fonctionnaire à l’expiration de cette période.

[…]

17 Ces dispositions de la LEFP appuient clairement la conclusion que je n’ai pas la compétence nécessaire pour réintégrer le fonctionnaire s’estimant lésé. L’article 25 de la LEFP précise qu’un employé nommé pour une période déterminée perd sa qualité de fonctionnaire au terme de son contrat. Si je devais ordonner la réintégration, cela équivaudrait à faire une nouvelle nomination. Je ne suis pas autorisé à rendre une telle ordonnance parce que la Commission de la fonction publique est investie de la compétence exclusive en matière de nomination.

18 Les décisions invoquées par l’employeur s’appuient également sur cette interprétation. De plus, je n’ai trouvé aucune décision soutenant une autre interprétation. En dernier lieu, la décision dans Tobin, invoquée par le fonctionnaire s’estimant lésé, n’est pas tout à fait pertinente et a été annulée par la Cour fédérale (Procureur général du Canada c. Tobin, 2008 CF 740).

19 Je comprends l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel son contrat de travail aurait été renouvelé après le 24 novembre 2004, s’il avait réussi son stage. Il est possible qu’il ait raison. Cependant, un arbitre de grief ne peut rien faire de plus pour corriger le préjudice causé au fonctionnaire s’estimant lésé autre que l’ordonnance que j’ai rendue.

20 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

21 Le grief est accueilli en partie.

22 L’employeur doit verser au fonctionnaire s’estimant lésé le salaire et les avantages sociaux qu’il a perdus entre le 22 juin 2004 et le 24 novembre 2004, moins les deux semaines pour lesquelles il a déjà été rémunéré. 

Le 16 octobre 2008.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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