Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a effectué des heures supplémentaires lors de journées autres que ses journées normales de travail - lorsqu’il a effectué des heures supplémentaires, l’employeur lui a alloué une période de 30 minutes comme pause-repas, mais ne lui a pas payé ces 30minutes - selon le fonctionnaire s’estimant lésé, l’employeur a alors enfreint la stipulation 28.09c) de la convention collective -- le fonctionnaire s’estimant lésé a réclamé que les sommes non payées lui soient remboursées rétroactivement au 21avril 2005, soit 25 jours avant le dépôt du grief - l’arbitre de grief a conclu que, bien que la stipulation 28.09c) puisse donner lieu à plus d’une interprétation, l’intention des parties était que la pause-repas ne soit payée que dans les situations d’heures supplémentaires travaillées juste avant ou juste après les heures normales prévues à l’horaire de l’employé - la stipulation 28.09 comprend quatre éléments, lesquels forment un tout cohérent et indissociable prévoyant les conditions de l’acquisition du droit au repas payé et à la pause-repas payée en situation d’heures supplémentaires - la situation sous étude ne tombant pas dans le cadre de cette disposition, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a donc pas droit à une pause-repas payée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-11-04
  • Dossier:  566-02-116
  • Référence:  2008 CRTFP 92

Devant un arbitre de grief


ENTRE

LUC MARIN

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Marin c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Guylaine Bourbeau, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Sean Kelly, avocat

Affaire entendue à Québec (Québec),
le 21 octobre 2008.

Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Le 27 mai 2005, Luc Marin (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») a déposé un grief contre l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« employeur ») alléguant une violation de la stipulation 28.09c) de la convention collective. La convention collective applicable est la convention collective conclue entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor le 14 mars 2005 pour le groupe Service des programmes et de l’administration (la « convention collective ») qui expire le 20 juin 2007.

2 La réponse de l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs a été rendue le 3 novembre 2005 et le grief a été renvoyé à l’arbitrage par l’agent négociateur le 19 décembre 2005.

3 Les faits à la base de ce grief ne sont pas contestés, les parties ayant présenté un énoncé conjoint des faits à l’audience. 

4 Le fonctionnaire s’estimant lésé a occupé un poste d’agent des services frontaliers au poste frontalier de Armstrong, Québec du 30 septembre 2002 au 13 mars 2006. Au cours de cette période, le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait selon un horaire de 12 heures par jour, incluant une pause-repas de 30 minutes non rémunérée.

5 À plusieurs reprises au cours de cette période, le fonctionnaire s’estimant lésé a effectué des heures supplémentaires lors de journées autres que ses journées normales de travail. Lorsqu’il a effectué des heures supplémentaires, l’employeur lui a alloué une période de 30 minutes comme pause-repas, mais ne lui a pas payé ces 30 minutes. Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, l’employeur a alors enfreint la stipulation 28.09c) de la convention collective. Le fonctionnaire s’estimant lésé réclame que les sommes non payées lui soit remboursées rétroactivement au 21 avril 2005, soit 25 jours avant le dépôt du grief.

6 La stipulation 28.09 de la convention collective se lit comme suit :

28.09  Repas

a)L'employé-e qui effectue trois (3) heures supplémentaires ou plus juste avant ou juste après les heures de travail prévues à son horaire reçoit un remboursement de dix dollars (10,00 $) pour un repas, sauf si le repas est fourni gratuitement.
b)L'employé-e qui effectue quatre (4) heures supplémentaires ou plus qui se prolongent sans interruption après la période mentionnée à l'alinéa a) ci-dessus reçoit un remboursement de dix dollars (10,00 $) pour chaque période de quatre (4) heures supplémentaires de travail, sauf si les repas sont fournis gratuitement.
c)Une période payée raisonnable, déterminée par l'Employeur, est accordée à l'employé-e pour lui permettre de prendre une pause-repas à son lieu de travail ou dans un lieu adjacent.
d)Les indemnités de repas en vertu du présent paragraphe ne s'appliquent pas à l'employé-e en voyage qui a droit au remboursement de ses frais de logement ou de repas.

Résumé de l’argumentation

7 Le fonctionnaire s’estimant lésé rappelle que la question des repas n’est pas abordée à la stipulation 28.06 de la convention collective qui porte sur les heures supplémentaires un jour de travail ou à la stipulation 28.07 qui porte sur les heures supplémentaires un jour de repos. Seule la stipulation 28.09 traite de la question des repas en situation d’heures supplémentaires.

8 Le fonctionnaire s’estimant lésé précise que la stipulation 28.09 de la convention collective comporte quatre parties. Les deux premières parties portent sur le remboursement des repas et sont interreliées. Par contre, la troisième partie n’est pas reliée aux deux premières, contrairement à ce que prétend l’employeur qui est d’avis que la troisième partie (c) ne s’applique qu’à l’employé qui travaille dans les conditions énoncées aux deux premières parties (a et b).

9 Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, la stipulation 28.09c) de la convention collective est la seule de tout l’article 28 qui traite de la rémunération des repas lors du temps supplémentaire. Rien dans cette stipulation ne fait mention d’un type particulier de temps supplémentaire pour que la période de repas payée s’applique. L’absence de conditions particulières mène donc à la conclusion que la stipulation 28.09c) s’applique à toutes les situations de temps supplémentaire.

10 Le fonctionnaire s’estimant lésé fait un parallèle avec la stipulation 28.08 qui comporte elle aussi quatre parties et où la troisième n’est pas conditionnelle à la seconde.

11 L’employeur argumente qu’il a respecté la convention collective en refusant d’accorder une pause-repas payée au fonctionnaire s’estimant lésé lorsque ce dernier a travaillé des heures supplémentaires qui n’étaient pas juste avant ou juste après ses heures de travail prévues à son horaire.

12 L’employeur rappelle qu’une stipulation claire et précise de la convention collective ne pose pas de problème quant à l’interprétation. Dans l’éventualité où l’arbitre est d’avis que la stipulation 28.09c) doit être interprétée, il doit le faire dans le sens qui s’harmonise le mieux avec l’objectif de la stipulation en question. La section et le titre de la section où se trouve la stipulation peuvent aussi être utiles pour comprendre le sens d’une stipulation.

13 Selon l’employeur, la structure de l’article 28 sur les heures supplémentaires aide à comprendre la portée de la stipulation 28.09c). Après avoir précisé les exclusions ou dérogations aux stipulations 28.01 à 28.03, la stipulation 28.04 comprend les généralités qui s’appliquent à l’article 28. Puis, la stipulation 28.05 définit les règles d’attribution des heures supplémentaires, les stipulations 28.06 et 28.07 établissent les taux de rémunération et la stipulation 28.08 les règles de conversion de la rémunération en congé compensateur. La stipulation 28.09 traite du paiement des repas et de la rémunération des pause-repas. Enfin, la stipulation 28.10 prévoit les conditions de remboursement des frais de transport.

14 Selon l’employeur, en plaçant sous une même section intitulée « Repas » les diverses règles relatives aux repas, l’intention des parties était de montrer que ces règles sont interreliées. La pause-repas payée ne s’applique donc que dans les circonstances prévues aux stipulations 28.09a) et 28.09b).

15 L’employeur a déposé les décisions suivantes en appui de son argumentation : Côté et al. c. Conseil du Trésor (Transport Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-16256 à 16258 (19870629); Doyon c. Commission des relations de travail dans la fonction publique,[1978] 1 C.F.A. 31 ;Thunder Bay (City) v. Canadian Union of Public Employees, Local 87 (2000), 86 L.A.C. (4e) 289 ; Sumaling c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 32 ; Canada (Conseil du Trésor) c. Association du contrôle du service aérien, [1984] F.C.J. no 49 (QL); Comeau c. Conseil du Trésor (Transport Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14716 (19850723) et Gorrill et Richardson c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-15209 et 15211 (19870805).

Motifs

16 La question que pose ce grief est relativement simple : selon la stipulation 28.09c) de la convention collective, le fonctionnaire s’estimant lésé était-il en droit de recevoir une pause-repas payée lorsqu’il a travaillé des heures supplémentaires qui n’étaient pas adjacentes à ses heures de travail?

17 Selon l’employeur, le libellé de la stipulation 28.09c) est clair. La pause-repas payée ne s’applique que dans les situations décrites aux stipulations 28.09a) et 28.09b). La pause-repas payée ne s’applique que si l’employé travaille au moins trois heures supplémentaires juste avant ou juste après les heures prévues à son horaire de travail. Il en est de même pour l’indemnité de repas de 10,00 $.

18 Certes, le libellé de la stipulation 28.09c) est clair, mais les circonstances où il s’applique, comme le prétend le fonctionnaire s’estimant lésé, peuvent porter à plus d’une interprétation. Néanmoins, je partage la position de l’employeur voulant que la stipulation 28.09c) ne s’applique que dans les situations d’heures supplémentaires adjacentes aux heures normales de travail selon les conditions énoncées aux stipulations 28.09a) et 28.09b).

19 J’accepte l’argument de l’employeur voulant que l’intention des parties à l’élaboration de la convention collective était que la pause-repas ne soit payée que dans les situations d’heures supplémentaires travaillées juste avant ou juste après les heures normales prévues à l’horaire de l’employé. Les stipulations 28.09a) et 28.09b) précisent les conditions sous lesquelles les repas sont payables. La stipulation 28.09c) alloue une pause payée pour prendre un repas et la stipulation 28.09d) précise que les indemnités de repas prévues à la stipulation 28.09 ne s’appliquent pas à l’employé en situation de voyage. Les quatre stipulations sont groupées ensemble dans une même section intitulée « Repas ». Elles forment un tout cohérent et indissociable prévoyant les conditions de l’acquisition du droit au repas payé et à la pause-repas payée en situation d’heures supplémentaires.

20 Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, l’application de la stipulation 28.09c) n’est pas conditionnelle aux conditions précisées aux stipulations 28.09a) et 28.09b) de la convention collective. Une telle interprétation me semble tout simplement illogique. Elle impliquerait que, dès que l’employé travaille en temps supplémentaire, il aurait droit à une pause-repas payée, peu importe le nombre d’heures travaillées. Si telle était leur intention, les parties l’auraient certainement précisé dans la convention collective. Or, ce n’est pas le cas.

21 Dans les situations qui ont mené au présent grief, le fonctionnaire s’estimant lésé a bénéficié de pauses-repas non payées lorsqu’il a effectué des heures supplémentaires, mais ces heures supplémentaires n’étaient pas adjacentes aux heures prévues à son horaire de travail. L’employeur n’avait donc pas à lui payer sa pause-repas.

22 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

23 Le grief est rejeté.

Le 4 novembre 2008.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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