Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignantes ont soutenu que l’intimé les avait induites en erreur quant aux qualifications essentielles requises pour le poste; que la personne nommée ne possédait pas une qualification importante; et que le comité d’évaluation n’aurait pas dû être composé de trois personnes travaillant en étroite collaboration et susceptibles de s’influencer l’une l’autre. L’intimé a répliqué que les candidats n’avaient reçu aucune observation concernant les qualifications requises pour le poste; que les gestionnaires jouissent d’un vaste pouvoir discrétionnaire dans l’établissement des qualifications ainsi que dans le choix de la bonne personne pour occuper le poste à doter; et que l’argument des plaignantes selon lequel la composition du comité d’évaluation était inadéquate, cet argument relevait de la conjecture. Décision : Le Tribunal a conclu que l’énoncé des critères de mérite était clair, qu’il avait été diffusé au moment de l’annonce du processus et qu’il traduisait au mieux les qualifications établies pour le processus de nomination. Les plaignantes n’ont donc pas su établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elles ont été induites en erreur en ce qui a trait aux qualifications. Pour ce qui est des qualifications de la personne retenue, le Tribunal a jugé que la conclusion du comité d’évaluation selon laquelle celle-ci possédait l’expérience requise n’était pas déraisonnable dans le contexte du poste. Enfin, aucune disposition de la LEFP n’énonce d’exigences explicites pour l’établissement ou la composition d’un comité d’évaluation. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2007-0016, 0017, 0018 et 0019
Rendue à:
Ottawa, le 9 avril 2008

TANYA SAMPERT, MARLENE PRICE, DIANE GARFIELD ET HEATHER FONGER
Plaignantes
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par:
Helen Barkley, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Sampert et al. c. Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0009

Motifs de la décision

Introduction

1 En novembre 2006, Tanya Sampert, Marlene Price, Diane Garfield et Heather Fonger ont participé à un processus de nomination interne annoncé visant la dotation du poste de chef d’équipe, Gestion des dossiers et de l’information sur la santé (CR‑05), Services de soutien, au 22e Centre des services de santé des Forces canadiennes (CSSFC), au ministère de la Défense nationale, à Cold Lake (Alberta). Neuf candidats ont postulé dans le cadre du processus de nomination, qui ne s’adressait qu’aux employés du CSSFC. Les quatre plaignantes ont été considérées comme qualifiées, mais c’est une autre employée, Rebecca Cudmore, qui a été retenue en vue d’une nomination.

2 Le 14 janvier 2007, les plaignantes ont présenté des plaintes au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP), au motif que la gestionnaire a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite.

3 Bien que les plaintes faisant l’objet de la présente décision portent sur un processus de nomination interne annoncé lancé en novembre 2006 (le processus de novembre 2006), la majeure partie de la preuve et de l’argumentation ont trait à une réunion au cours de laquelle les employés ont été informés de l’annulation d’un processus de nomination mené précédemment aux fins de la dotation d’un poste de chef d’équipe (le processus de mai 2006).

4 Pour régler les plaintes, le Tribunal doit trancher les trois questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il induit les plaignantes en erreur quant aux qualifications essentielles requises pour le poste et, dans l’affirmative, s’agit-il d’un abus de pouvoir?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi Rebecca Cudmore en vue d’une nomination au terme du processus de nomination?
  3. La composition du comité d’évaluation constituait-elle un abus de pouvoir?

Résumé des éléments de preuve pertinents

5 La capitaine Marjorie Ingjaldson, qui occupait la fonction de présidente du comité d’évaluation, a témoigné pour l’intimé. Compte tenu de la vive concurrence qui caractérise le marché du travail à Cold Lake, de nombreux processus visant la dotation du poste de chef d’équipe se sont soldés par un échec, ce qui a entraîné beaucoup de frustration.

6 La capitaine Ingjaldson est revenue au travail en juillet 2006 après un congé de maternité. À cette date, l’adjudante Rochon a lancé un processus de nomination visant la dotation du poste de chef d’équipe (le processus de mai 2006) et a procédé à l’évaluation des candidats. La capitaine Ingjaldson n’a donc pas participé à l’élaboration de l’outil d’évaluation ni à l’évaluation des candidats. Au retour de la capitaine Ingjaldson, l’agent des ressources humaines civiles (l’ARHC) lui a fait part de ses préoccupations au sujet de l’outil d’évaluation utilisé. Aucun des candidats n’a été retenu à l’issue du processus de mai 2006. La capitaine Ingjaldson croyait que le problème avait trait à l’outil d’évaluation, non pas aux qualifications des candidats. Elle ne voulait pas que les employés croient qu’ils n’étaient pas qualifiés ni que cette situation les dissuade de postuler à l’occasion d’un autre processus de nomination.

7 À la même époque, la capitaine Ingjaldson a demandé si une autorisation en matière de priorités avait été obtenue avant l’évaluation. Comme ce n’était pas le cas, cette procédure a été effectuée en juillet 2006. Après avoir discuté avec plusieurs spécialistes des ressources humaines, la capitaine Ingjaldson a décidé d’interrompre le processus de nomination.

8 Le 28 août 2006, la capitaine Ingjaldson a organisé une réunion des membres du personnel de soutien en vue de leur expliquer que le processus de nomination de mai 2006 avait été interrompu pour des raisons d’ordre administratif.

9 Marlene Price, Heather Fonger et Tanya Sampert ont témoigné à l’audience. Elles ont expliqué qu’elles avaient été informées, au cours de cette réunion, qu’un employé de la fonction publique, un manutentionnaire de grains, bénéficiait d’un droit de priorité en vue d’une nomination; cette personne ne possédait toutefois aucune expérience en ce qui a trait aux dossiers médicaux. La capitaine Ingjaldson a également informé les membres du personnel qu’elle souhaitait leur donner l’occasion d’obtenir une nomination au poste de chef d’équipe. Les trois témoins ont confirmé que la capitaine Ingjaldson leur avait indiqué que l’expérience relative aux dossiers médicaux constituait l’aspect le plus important du poste de chef d’équipe. Les personnes présentes ont également été informées qu’un nouveau processus de nomination serait annoncé prochainement en vue de la dotation d’un poste de CR‑05.

10 La capitaine Ingjaldson a indiqué avoir confirmé qu’une personne, en l’occurrence un manutentionnaire de grains de la Commission canadienne des grains, bénéficiait d’un droit de priorité. Elle se rappelait que, dans le processus de nomination de mai 2006, l’expérience relative aux dossiers médicaux était considérée comme importante, mais elle ne se souvenait pas de ce qui avait été dit au cours de la réunion. À son avis, l’expérience relative aux dossiers médicaux était importante, mais il ne s’agissait pas du seul facteur à prendre en considération. Elle ne se rappelait pas si l’adjudante Rochon avait apporté des précisions à ce sujet au cours de la réunion.

11 Connie Stone et Anne Ross ont témoigné pour les plaignantes. Elles avaient toutes deux participé au processus de nomination de novembre. Toutefois, elles ne conservaient qu’un vague souvenir de la situation. Mme Stone se rappelait que la réunion portait sur l’annulation d’un processus et sur la façon dont le prochain processus serait mené. Mme Ross ne se rappelait pas avoir entendu parler de la raison pour laquelle le processus précédent avait été interrompu. Cependant, la présentation d’un bénéficiaire de priorité pour le poste de chef d’équipe avait été mentionnée.

12 À la fin du mois de septembre 2006, Rebecca Cudmore a joint les rangs de l’unité. La capitaine Ingjaldson ne connaissait pas cette personne avant son arrivée au CSSFC. Elle avait embauché Mme Cudmore à titre de commis (CR‑03) suite à un processus de nomination générique mené par l’ARHC. Mme Cudmore occupait le poste d’adjointe administrative au chef des Services cliniques.

13 En novembre 2006, la capitaine Ingjaldson a lancé un processus de nomination interne annoncé afin de doter le poste de chef d’équipe. Au départ, elle a utilisé l’énoncé des critères de mérite de l’Initiative de renouvellement des soins primaires, soit l’énoncé standard pour toutes les cliniques du pays. Elle a toutefois dû modifier les exigences compte tenu de la situation difficile à Cold Lake sur le plan de l’emploi. Par conséquent, l’exigence relative à un diplôme collégial en gestion de l’information sur la santé a été éliminée, tandis que la connaissance de la terminologie médicale et la connaissance de la classification des maladies sont devenues des qualifications constituant un atout plutôt que des qualifications essentielles.

14 Le 16 novembre 2006, la capitaine Ingjaldson a envoyé au personnel du CSSFC un courriel en vue d’annoncer le processus de nomination en litige. Ce message précisait que le processus servirait à doter le poste de chef d’équipe (CR‑05), de même que celui de commis (CR‑04), Gestion des dossiers et de l’information sur la santé. Dans son courriel, la capitaine Ingjaldson indiquait ce qui suit :

Par la présente, je vous fais parvenir l’annonce tant attendue en ce qui a trait aux postes de commis et de chef d’équipe (dossiers médicaux). Pour toute question ou commentaire, veuillez vous adresser à la capitaine Ingjaldson ou au sergent Rochon pour obtenir des précisions au sujet de ce concours pour la dotation de deux postes. NOTE : Les demandes doivent être reçues au plus tard le 24 novembre 2006 avant la fermeture des bureaux. Vous trouverez ci‑joint l’énoncé des critères de mérite […]

[…] Aux fins de l’évaluation, nous utiliserons votre curriculum vitæ, les références et les réponses à l’entrevue, au besoin, pour nous assurer que vous possédez les qualifications essentielles demandées […] [Traduction]

15 Les candidats ont fait l’objet d’une présélection en fonction des critères relatifs aux études et à l’expérience. Pour le poste de chef d’équipe, les candidats devaient démontrer qu’ils possédaient l’expérience suivante :

Expérience de la supervision de personnel

Expérience de travail dans le milieu de la santé

Expérience de la gestion de dossiers et d’information sur la santé

Expérience de l’utilisation de Microsoft Office

[Traduction]

16 Huit candidats répondaient aux exigences relatives aux qualifications et ont fait l’objet d’une évaluation supplémentaire (selon le principe « réussite ou échec ») en ce qui a trait aux autres qualifications essentielles, lesquelles comprenaient trois qualifications liées aux connaissances, cinq qualifications liées aux capacités, notamment la capacité de superviser, et six exigences liées aux qualités personnelles.

17 En ce qui a trait à l’expérience de la gestion de dossiers et d’information sur la santé, les candidats devaient posséder une connaissance pratique du domaine et avoir l’expérience du traitement de dossiers médicaux, sans qu’il s’agisse nécessairement d’une expérience approfondie. La capitaine Ingjaldson a évalué l’expérience des candidats en fonction de leur curriculum vitæ. Rebecca Cudmore possédait l’expérience du traitement d’information sur la santé de par ses fonctions d’adjointe administrative au chef, Services cliniques, lequel est médecin.

18 La capitaine Ingjaldson avait discuté de la composition du comité d’évaluation avec l’ARHC. L’adjudante Rochon occupait la fonction de commis-chef et possédait une vaste expérience du travail de bureau, en plus de son expertise en matière de procédures administratives. L’autre membre du comité, le lieutenant McVarish suivait quant à lui une formation en cours d’emploi deux jours par semaine avec la capitaine Ingjaldson. Comme celui-ci ne possédait pas d’expérience substantielle du travail avec les fonctionnaires, la capitaine Ingjaldson a cru qu’il s’agirait d’une occasion d’apprentissage intéressante pour lui. Le lieutenant ne connaissait pas bien les candidats. Par ailleurs, on lui a demandé de faire preuve d’impartialité et d’objectivité dans le cadre du processus.

19 Au cours de l’entrevue avec les candidats, la capitaine Ingjaldson a lu les qualifications évaluées avant de poser chaque question. Lorsque des candidats demandaient des précisions, elle fournissait les mêmes explications à tous. Certains candidats lui ont demandé la perspective sous laquelle ils devaient répondre à la question (CR‑04 ou CR‑05). La capitaine Ingjaldson a répondu qu’ils devaient répondre selon la perspective de leur choix. Au cours de l’audience, elle a expliqué que, dans la mesure où ils répondaient de façon appropriée, ils étaient considérés comme qualifiés à la fois pour le bassin de CR‑04 et de CR‑05.

20 Mme Sampert a affirmé que, à son avis, il y avait eu de la confusion dans le processus de nomination, à l’étape de l’entrevue. En particulier, elle a demandé des précisions à plusieurs questions car elle ne savait pas si elle devait répondre sous l’angle du poste de CR‑04 (commis) ou sous celui du poste de CR‑05 (superviseur). Selon Mme Sampert, le comité n’a pas fourni les précisions nécessaires pour permettre aux candidats de répondre aux questions de façon appropriée.

21 Après chaque entrevue, les membres du comité ont examiné toutes les questions en discutant des cotes attribuées par chaque personne. Ils sont parvenus à un consensus quant à la façon d’évaluer globalement les réponses. Les membres du comité d’évaluation ont jugé que tous les candidats étaient qualifiés en vue d’une nomination.

22 Parmi les candidats considérés comme qualifiés, la capitaine Ingjaldson a déterminé que Rebecca Cudmore était la bonne personne pour occuper le poste de chef, car il fallait un leadership solide pour assurer au sein de l’unité la transition des dossiers papier aux dossiers électroniques. L’expérience du traitement des dossiers et de l’information sur la santé était certes importante, mais le leadership et les aptitudes en supervision l’étaient encore davantage. Mme Cudmore faisait montre d’un style de leadership très efficace; elle savait favoriser la mise en oeuvre du changement sans paraître autoritaire. Selon la capitaine Ingjaldson, même si la candidate affichait moins d’expérience relative aux dossiers et à l’information sur la santé que d’autres candidats, elle possédait en revanche un style de leadership plus efficace pour favoriser la transition vers le nouvel environnement électronique.

23 Dans le rapport du comité d’évaluation, la capitaine Ingjaldson a indiqué ce qui suit :

En raison de la grande qualité des candidatures, il a été difficile de choisir une personne pour occuper le poste de CR‑05. À la suite de l’examen des documents relatifs au processus, il a été jugé que Rebecca Cudmore était la bonne personne pour occuper le poste. Elle possède d’excellentes aptitudes en leadership, et son style de gestion du personnel est celui qui convient le mieux à l’organisation. Même si elle possède moins d’expérience relative aux dossiers médicaux que d’autres candidats qui se distinguaient, ses excellentes compétences en leadership bénéficieront grandement au ministère. Le comité croit fermement que, compte tenu de sa capacité d’assimiler rapidement de l’information détaillée, Mme Cudmore est la « bonne personne » pour occuper le poste de chef d’équipe, Gestion des dossiers et de l’information sur la santé (CR‑05) [Traduction].

24 Dans leur témoignage, les plaignantes ont affirmé que, des neuf postulants, Rebecca Cudmore possédait le moins d’expérience relative aux dossiers médicaux. Cette dernière avait occupé un poste de commis de soutien à la gestion des ressources dans les Forces canadiennes, soit un poste administratif général. Mme Fonger avait passé une demi‑journée avec Mme Cudmore en octobre 2006, lorsque cette dernière était entrée en poste au CSSFC. Mme Fonger lui avait alors appris comment classer les documents dans les dossiers médicaux. Lorsque le processus de nomination a été annoncé en novembre, la candidate ne travaillait au CSSFC que depuis un mois et demi. En outre, elle avait traité des dossiers médicaux pendant seulement une demi‑journée.

Questions en litige

Question en litige I: L’intimé a-t-il induit les plaignantes en erreur quant aux qualifications essentielles requises pour le poste et, dans l’affirmative, s’agit‑il d’un abus de pouvoir?

A) Argumentation des plaignantes

25 Les plaignantes soutiennent que la capitaine Ingjaldson a indiqué clairement à la réunion d’août 2006 que l’expérience de la gestion des dossiers et de l’information sur la santé était la qualification la plus importante pour le poste de chef d’équipe. C’est également au cours de cette réunion qu’elle a affirmé que le processus de nomination précédent était annulé. De plus, elle a précisé qu’un fonctionnaire bénéficiait d’une priorité de nomination pour ce poste, mais que celui‑ci ne serait pas embauché parce qu’il ne possédait pas d’expérience en ce qui a trait aux dossiers médicaux. Plusieurs mois plus tard, le même poste a été annoncé. Une employée possédant un mois et demi d’expérience au CSSFC à titre d’adjointe au chef des Services cliniques a été nommée au poste de chef d’équipe sur la base de son expérience en supervision.

26 Cette décision est teintée de mauvaise foi. De fait, la gestionnaire avait expliqué aux plaignantes qu’il était primordial de posséder de l’expérience relative aux dossiers médicaux. Or, après la réception des demandes d’emploi, les priorités ont changé complètement, et l’expérience en supervision est devenue la qualification la plus importante. La seule conclusion que l’on puisse tirer à cet égard est que le processus a été modifié une fois que le nom des candidats a été connu.

27 La capitaine Ingjaldson fait partie du corps des officiers des Forces canadiennes; les plaignantes l’ont donc prise au mot, au même titre que si elle avait donné un ordre. Or, si cet « ordre » avait changé, il aurait fallu le communiquer aux candidats ayant participé au processus de nomination.

28 Une autre indication du changement quant à l’importance accordée aux qualifications est le fait que seules 5 des 27 questions de l’entrevue portaient sur la supervision. Cette situation démontre que la supervision n’était pas jugée très importante lorsque les outils d’évaluation ont été élaborés.

B) Argumentation de l’intimé

29 Selon l’intimé, les plaignantes croient que certaines déclarations présentées en août 2006 les ont amenées à nourrir des attentes quant au déroulement du processus de nomination visant le poste de chef d’équipe.

30 Aucune déclaration n’a été faite aux candidats concernant les qualifications requises pour le poste de chef d’équipe. Au retour de la capitaine Ingjaldson après son congé de maternité, il a été décidé après discussion que le processus de mai 2006 serait interrompu en raison de ce que l’on percevait comme des irrégularités et des erreurs. La capitaine Ingjaldson a organisé une réunion le 28 août 2006 au cours de laquelle elle a informé les candidats que le processus lancé en mai 2006 serait interrompu pour des raisons d’ordre administratif. À cette même réunion, elle a mentionné qu’un fonctionnaire, manutentionnaire de grains, bénéficiait d’un droit de priorité de nomination. Les plaignantes ont compris que le processus de nomination précédent avait été interrompu en raison de ce droit de priorité, mais elles n’ont jamais demandé d’explications relativement à cette situation.

31 L’intimé affirme qu’il est important d’établir quels renseignements ont été communiqués aux plaignantes. Six personnes ont témoigné pour les plaignantes, Mme Sampert est la seule à avoir indiqué que le personnel a été informé de l’interruption du processus pour cause de priorité de nomination d’un manutentionnaire de grains. Les autres témoins ont admis conserver seulement un vague souvenir de la situation. La capitaine Ingjaldson a confirmé que, au cours de la réunion, elle avait informé les employés du CSSFC de l’interruption du processus de nomination lancé en mai 2006. Elle les avait également informés de l’existence d’un bénéficiaire de priorité dans le système. Elle n’a jamais affirmé que le processus avait été interrompu à cause de cette personne. Finalement, elle n’a fourni aucun renseignement concernant les qualifications requises pour le poste de CR‑05 dans le processus de nomination à venir.

32 La capitaine Ingjaldson a confirmé avoir élaboré l’énoncé des critères de mérite pour le poste en novembre 2006, soit immédiatement avant l’annonce du processus de nomination. Elle n’a donc pas pu faire d’affirmation relative aux qualifications en août 2006.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

33 La Commission de la fonction publique (la CFP) n’a pas comparu à l’audience. Comme elle l’a fait dans des plaintes antérieures, la CFP a présenté des arguments écrits généraux portant sur la notion d’abus de pouvoir et sur la façon dont le Tribunal devrait aborder cette question.

Analyse

34 Les plaignantes soutiennent que, au cours d’une réunion qui a eu lieu environ trois mois avant l’annonce du processus de nomination, la capitaine Ingjaldson leur a fait croire que l’expérience relative aux dossiers médicaux constituait la qualification la plus importante pour le poste. Bien que plusieurs personnes présentes à la réunion aient témoigné à l’audience, certains faits, notamment la date et l’objectif de la réunion, restent difficiles à établir.

35 Toutefois, selon la preuve présentée, le Tribunal tient pour avéré que les faits suivants se sont produits au cours de la réunion d’août 2006. Les candidats ont été informés que le processus de nomination précédent était annulé « pour des raisons d’ordre administratif » [Traduction]. De plus, on a annoncé qu’un fonctionnaire, un manutentionnaire de grains, bénéficiait d’un droit de priorité de nomination et que sa candidature avait été prise en considération pour le poste. On a également affirmé que l’expérience relative aux dossiers médicaux était importante. Ces affirmations portaient sur le processus de nomination de mai 2006. Les employés ont enfin été informés qu’un nouveau processus de nomination serait lancé en vue de la dotation du poste de chef d’équipe (CR‑05) et que les candidats seraient évalués par la même occasion pour le poste de commis aux dossiers médicaux (CR‑04), dans l’éventualité où il y aurait des postes vacants.

36 En outre, le Tribunal tient pour avéré que le processus de nomination précédent a été annulé en raison de l’utilisation d’un outil d’évaluation inapproprié. Or, les candidats ont seulement été informés que le processus était interrompu « pour des raisons d’ordre administratif » [Traduction]. Le caractère vague de cette affirmation les a probablement amenés à formuler des hypothèses quant à la raison pour laquelle le processus a été interrompu et à établir ainsi un lien entre l’annulation du processus, le droit de priorité accordé au manutentionnaire de grains et l’importance accordée à l’expérience relative aux dossiers médicaux.

37 L’annonce pour le poste de CR‑05 n’a été publiée que le 16 novembre 2006, soit près de trois mois après la réunion. Lorsque la direction décide de doter un poste vacant au moyen d’un processus de nomination annoncé, outre l’annonce du poste, elle est tenue de diffuser l’énoncé des critères de mérite s’y rapportant. Ce document informe les candidats des qualifications essentielles et des qualifications constituant un atout pour le poste. Il s’agit là des critères en fonction desquels les candidats sont évalués. D’ailleurs, ce document est produit par écrit en vue d’informer clairement tous les candidats possibles des exigences du poste et des qualifications qu’ils devront démontrer qu’ils possèdent pour être nommés.

38 En l’espèce, l’énoncé des critères de mérite a été diffusé au moment de l’annonce du processus, et ce document constitue la preuve la plus convaincante des qualifications établies pour ce processus de nomination. Dans l’énoncé des critères de mérite, il n’est indiqué nulle part que l’expérience relative aux dossiers et à l’information sur la santé est le critère le plus important pour le poste de chef d’équipe. Au contraire, le document indique clairement que les candidats sont tenus de démontrer qu’ils possèdent de l’expérience dans les domaines suivants : supervision de personnel, travail dans le milieu de la santé, gestion de dossiers et d’information sur la santé, et utilisation de Microsoft Office.

39 Enfin, il n’est pas envisageable de croire qu’une affirmation portant sur un processus de nomination précédent ayant été annulé s’applique au nouvel énoncé des critères de mérite et en constitue l’élément le plus important, pas plus qu’on ne peut y voir une promesse ou une déclaration quant au déroulement du prochain processus.

40 Le Tribunal juge que les plaignantes n’ont pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elles ont été induites en erreur en ce qui a trait aux qualifications requises et évaluées dans le cadre du processus de nomination lancé en novembre 2006. Par conséquent, l’allégation d’abus de pouvoir ne peut pas être considérée comme fondée.

Question en litige II: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi Rebecca Cudmore en vue d’une nomination au terme du processus de nomination?

Argumentation des plaignantes

41 Les plaignantes soutiennent que la personne nommée ne possédait pratiquement aucune expérience de la gestion de dossiers et d’information sur la santé. En effet, elle avait travaillé au CSSFC pendant seulement un mois et demi à titre d’adjointe au chef, Services cliniques. De plus, elle avait traité des dossiers médicaux pendant seulement une demi‑journée avec Heather Fonger, ce qui ne peut pas être considéré comme une expérience de la gestion de dossiers et d’information sur la santé.

Argumentation de l’intimé

42 L’énoncé des critères de mérite décrit les qualifications essentielles requises pour le poste de chef d’équipe (CR‑05) et de commis (CR‑04). Parmi les qualifications essentielles figure l’« expérience de la gestion de dossiers et d’information sur la santé » [Traduction]. L’énoncé ne précise toutefois pas l’ampleur de l’expérience requise. La capitaine Ingjaldson a affirmé qu’aucune exigence minimale n’avait été établie en ce qui a trait à l’expérience. Son témoignage concorde avec les renseignements figurant sur le document. En somme, elle recherchait simplement des candidats possédant de l’expérience en ce qui a trait aux dossiers et à l’information sur la santé.

43 Rebecca Cudmore est arrivée au CSSFC en octobre 2006 pour exercer les fonctions d’un poste de CR‑03. Aucun élément de preuve n’indique que la capitaine Ingjaldson a intercédé en faveur de la candidate afin que celle‑ci soit embauchée à la clinique. En fait, la capitaine Ingjaldson a affirmé qu’elle ne connaissait pas Mme Cudmore. Le processus de nomination s’adressait aux fonctionnaires et aux membres des Forces canadiennes du CSSFC. Les plaignantes n’ont pas réussi à démontrer que Mme Cudmore ne possédait pas les qualifications requises pour occuper le poste.

44 La capitaine Ingjaldson a indiqué qu’elle avait choisi Mme Cudmore parmi les candidats qualifiés du bassin, car elle devait embaucher une personne capable de leadership solide. À son avis, Mme Cudmore était la bonne personne pour occuper le poste de chef d’équipe.

45 Pour étayer son point de vue, l’intimé cite la décision Visca c. le Sous-ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024, dans laquelle on souligne le vaste pouvoir discrétionnaire dont jouissent les gestionnaires dans l’établissement des qualifications ainsi que dans le choix du candidat qui est considéré comme la bonne personne pour occuper le poste à doter.

Analyse

46 Dans la décision Visca,le Tribunal souligne certains changements apportés au régime de dotation depuis l’entrée en vigueur de la LEFP :

[34] Dans le préambule de la LEFP figure un objet législatif clé : les gestionnaires devraient disposer d’un pouvoir discrétionnaire considérable en ce qui a trait aux questions de dotation. Afin que les gestionnaires disposent de la marge de manoeuvre dont ils ont besoin, le législateur a choisi de s’éloigner de l’ancien régime de dotation fondé sur des règles, sous l’ancienne LEFP. Il n’y a pas de règles strictes dans la LEFP sur la façon d’établir les qualifications, sur la méthode d’évaluation qui devrait être utilisé [sic] ou encore sur la façon de choisir, aux fins de nomination, le candidat qui satisfait aux qualifications essentielles et aux qualifications constituant un atout. Le législateur a plutôt préféré fournir aux personnes détenant les pouvoirs de dotation, les moyens d’exercer l’aspect discrétionnaire de ces pouvoirs, en faisant appel à leur jugement […].

[42] Aux termes du paragraphe 30(2) de la LEFP, les gestionnaires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour établir les qualifications liées au poste qu’ils souhaitent doter et pour choisir la personne qui non seulement satisfait aux qualifications essentielles mais représente la bonne personne pour occuper le poste visé. Un pouvoir discrétionnaire semblable est prévu à l’article 36 de la LEFP à l’intention des personnes qui détiennent les pouvoirs de dotation pour choisir et utiliser les méthodes d’évaluation qui permettront de déterminer si la personne satisfait aux qualifications essentielles […].

47 La capitaine Ingjaldson a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP lorsqu’elle a établi le critère « expérience de la gestion de dossiers et d’information sur la santé » [Traduction] dans la catégorie des qualifications essentielles requises pour le poste de chef d’équipe. Elle a affirmé qu’elle ne considérait pas comme une exigence absolue la connaissance de la procédure exacte pour traiter un dossier médical. Les candidats devaient toutefois posséder une connaissance pratique de la gestion de dossiers et d’information sur la santé. Ils devaient également connaître le contenu d’un dossier ainsi que la façon de le traiter au moment des rendez‑vous. Lorsqu’elle a effectué la présélection des candidats, la capitaine Ingjaldson recherchait des preuves d’une expérience de la gestion de dossiers et d’information sur la santé dans le curriculum vitæ des candidats. Elle n’a pas fixé de durée précise. Elle a trouvé les preuves qu’elle recherchait en ce qui a trait à l’expérience dans le curriculum vitæ de Mme Cudmore, dont voici le passage pertinent :

Expérience de la gestion de dossiers et d’information sur la santé : Je possède de l’expérience en ce qui a trait à la gestion de dossiers et d’information sur la santé. J’ai effectué le traitement de dossiers pour des rendez‑vous, j’ai sorti les dossiers nécessaires dans le cadre de visites médicales et j’ai préparé les pièces de correspondance conformément aux politiques établies [Traduction].

48 À titre de gestionnaire, Services de soutien, la capitaine Ingjaldson a embauché Mme Cudmore comme adjointe administrative au chef des Services cliniques, lequel est médecin. Durant l’audience, la capitaine Ingjaldson a affirmé que, compte tenu du fait qu’elle occupait ce poste, Mme Cudmore devait posséder de l’expérience dans le domaine de l’information sur la santé. Au moment où la présélection a été effectuée sur la base de l’expérience, Mme Cudmore travaillait depuis six semaines au CSSFC. La gestionnaire a conclu qu’il s’agissait d’une expérience suffisante en ce qui a trait aux dossiers et à l’information sur la santé pour occuper le poste de chef d’équipe.

49 Le Tribunal juge que la conclusion du comité d’évaluation selon laquelle Mme Cudmore possédait l’expérience requise n’était pas déraisonnable dans le contexte d’une nomination au poste de chef d’équipe.

Question en litige III: La composition du comité d’évaluation constituait-elle un abus de pouvoir?

Argumentation des plaignantes

50 Les plaignantes soutiennent que la composition du comité d’évaluation constituait une irrégularité. Deux des membres du comité, soit l’adjudante Rochon et le lieutenant McVarish, relèvent de la capitaine Ingjaldson. À leur avis, ces trois personnes, puisqu’elles travaillent en étroite collaboration, ont pu s’influencer l’une l’autre.

Argumentation de l’intimé

51 L’argument des plaignantes selon laquelle la composition du comité d’évaluation constituait une irrégularité en raison du fait que les trois membres provenaient de la clinique est une pure supposition. L’adjudante Rochon était le commis‑chef du CSSFC, et le lieutenant McVarish, qui fait partie de la réserve, effectuait un stage à la clinique. La capitaine Ingjaldson a cru que la participation de ce dernier à un comité d’évaluation pourrait constituer une expérience d’apprentissage enrichissante pour lui.

52 En vertu de la LEFP, l’administrateur général jouit du pouvoir discrétionnaire de choisir la méthode d’évaluation des candidats.

Analyse

53 Aucune disposition de la LEFP n’oblige les administrateurs généraux à constituer un comité d’évaluation ni à faire en sorte que celui‑ci soit composé d’une certaine façon (par exemple à s’assurer de la présence d’un agent des ressources humaines au sein du comité). La question de savoir si un comité d’évaluation est composé de façon appropriée ou non est une question de fait qui dépend de la plainte présentée et de la preuve produite à l’audience.

54 Les personnes qui effectuent l’évaluation doivent bien connaître les fonctions du poste à doter et, dans le cas d’un processus de nomination annoncé, ne doivent avoir aucune idée préconçue quant à la personne qui devrait être nommée. Dans certains cas, les gestionnaires peuvent décider de mener l’évaluation eux-mêmes, tandis que dans d’autres cas, ils peuvent demander à une personne provenant d’un autre ministère ou d’un autre secteur du ministère et qui possède une expertise particulière de participer à l’évaluation à titre de membre du comité.

55 Aux fins de l’entrevue, la capitaine Ingjaldson, en sa qualité de gestionnaire, a décidé de constituer un comité d’évaluation composé d’elle‑même et de deux autres personnes employées au CSSFC, soit l’adjudante Rochon, qui occupait le poste de commis‑chef et qui possédait une grande expertise dans le domaine technique, et le lieutenant McVarish, qui connaissait moins les candidats et qui se voyait ainsi offrir une occasion d’apprentissage.

56 Il incombe aux plaignantes de prouver qu’il y a eu abus de pouvoir en l’espèce. Or, celles‑ci se sont contentées d’affirmer qu’il aurait dû y avoir une tierce partie au sein du comité d’évaluation, par exemple un agent des ressources humaines, mais elles n’ont fourni aucun élément de preuve convaincant qui démontre que le comité, tel qu’il était constitué, a agi de façon irrégulière. De plus, elles n’ont évoqué aucune disposition législative exigeant qu’une personne en particulier, qu’il s’agisse d’un agent des ressources humaines ou autre, fasse partie du comité d’évaluation. Par conséquent, l’allégation d’abus de pouvoir ne peut pas être considérée comme fondée.

Décision

57 Pour les motifs exposés ci‑dessus, les plaintes sont rejetées.

Helen Barkley

Membre

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2007-0016, 0017, 0018 et 0019
Intitulé de la cause:
Tanya Sampert, Marlene Price, Diane Garfield et Heather Fonger et le Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Audience:
Les 6 et 7 novembre 2007
Edmonton (Alberta)
Date des motifs:
Le 9 avril 2008

Comparutions:

Pour le plaignant:
Patrick Weber
Pour l'intimé:
Caroline Engmann
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
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