Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a affirmé que le fait pour l’intimé de ne pas la nommer à partir d’une liste d’admissibilité établie sous le régime de l’ancienne Loi sur l’emploi dans la fonction publique constituait un abus de pouvoir dans l’application des mesures correctives. Elle a fait valoir que les listes d’admissibilité étaient encore en vigueur au moment où la nouvelle LEFP a pris effet. L’intimé a soutenu que le Tribunal n’avait pas compétence pour statuer sur la plainte en l’espèce pour deux raisons : premièrement, il s’agissait d’une mutation; et deuxièmement, la nomination découlait d'un processus entrepris avant l'entrée en vigueur de la LEFP actuelle. Décision : Le Tribunal a conclu qu’il n’avait pas compétence pour statuer sur la plainte en l’espèce pour plusieurs raisons. Premièrement, il n’a pas compétence pour instruire les plaintes portant sur les mutations. Deuxièmement, il n’a pas compétence pour instruire les plaintes concernant des processus menés sous le régime de l’ancienne LEFP ni pour statuer sur celles-ci. Enfin, une plainte d’abus de pouvoir dans l’application des mesures correctives ne saurait être présentée dans ces circonstances dans la mesure où aucun des faits requis pour le dépôt d’une telle plainte n’est survenu. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2006-0203
Rendue à:
Ottawa, le 11 janvier 2008

MERRILY MACINTOSH
Plaignante
ET
LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'article 83 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Helen Barkley, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
MacIntosh c. Commissaire du Service correctionnel du Canada et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0001

Motifs de la décision

Introduction

1 Le 3 novembre 2006, Merrily MacIntosh a présenté une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) au motif qu'elle n'a pas été nommée en raison d'un abus de pouvoir dans l’application d'une mesure corrective en vertu de l'article 83 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, articles 12 et 13 (la LEFP).

Contexte

2 En avril 2005, le nom de la plaignante a été placé sur une liste d'admissibilité à la suite d'un concours interne (soit un concours réservé aux personnes employées dans la fonction publique) visant la dotation de postes d'agent de programmes correctionnels (WP-04), au sein du Groupe de services de santé mentale, dans la région du Pacifique. Les deux premières personnes dont le nom figurait sur la liste d'admissibilité ont été nommées, et la plaignante a été informée qu'elle serait nommée au prochain poste qui se libérerait, sous réserve de l'obtention du financement. La liste d'admissibilité était valide jusqu'au 30 juin 2006.

3 Au cours de la même période, un concours public (c’est‑à‑dire un concours ouvert tant aux personnes faisant partie de la fonction publique qu'aux autres) a également été mené en vue de la dotation de postes d'agent de programmes correctionnels (WP-04) à Abbotsford (Colombie‑Britannique). Une liste d'admissibilité sur laquelle figurait le nom de 30 personnes a été diffusée le 9 mars 2005. La nomination de Tara Mayne et d'Henry Kokuryo a été effectuée à partir de cette liste, qui était valide jusqu'au 30 juin 2006.

4 Dale Bruneski et Henry Kokuryo ont été mutés le 28 juin 2006 à un poste d'agent de programmes correctionnels, au sein du Groupe de services de santé mentale.

5 La plaignante a indiqué qu'elle présentait une plainte en vertu de l'article 83 de la LEFP en raison d’un abus de pouvoir dans l’application de mesures correctives.

6 En août 2007, la plaignante a demandé que le Tribunal rende une décision concernant sa plainte sans la tenue d'une audience. Dans une lettre de décision en date du 17 octobre 2007, le Tribunal a jugé que, en vertu du paragraphe 99(3) de la LEFP, il serait approprié de statuer sur cette plainte sur étude de dossier. Les parties ont eu l'occasion de présenter des arguments par écrit, de fournir des documents et de citer de la jurisprudence à l'appui de leurs positions respectives.

7 Le Tribunal a demandé aux parties d'axer leurs arguments sur les questions suivantes :

  1. La plainte présentée par la plaignante en vertu de l'article 83 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la LEFP) porte sur un abus de pouvoir. Les conditions énoncées dans cet article ont‑elles toutes été remplies pour que le Tribunal puisse statuer sur cette plainte?
  2. Le Tribunal a-t-il compétence en vertu d'un autre article de la LEFP pour statuer sur cette plainte?
  3. Le Tribunal a‑t‑il compétence pour se prononcer sur la mutation de Dale Bruneski et d’H. Kokuryo à un poste d'agent de programmes correctionnels?
  4. Le Tribunal a‑t‑il compétence pour se prononcer sur la nomination de Tara Mayne qui, selon l'intimé, a été effectuée en vertu de l'ancienne Loi sur l'emploi dans la fonction publique?

Question en litige

8 Le Tribunal doit déterminer s’il a compétence pour statuer sur la plainte de Mme MacIntosh.

Argumentation des parties

A) Argumentation de la plaignante

9 Dans ses observations datées du 24 octobre 2007, la plaignante indique que les questions de la mutation de Dale Bruneski et de la nomination de Tara Mayne ont été réglées et expliquées à sa satisfaction. Elle affirme que la seule préoccupation qui lui reste concerne Henry Kokuryo.

10 La plaignante soutient que le Tribunal a compétence pour statuer sur la plainte qu'elle a présentée en vertu de l'article 83 de la LEFP. À cet égard, elle cite le paragraphe 2(4) de la LEFP, selon lequel le terme « abus de pouvoir » s’entend notamment de la mauvaise foi et du favoritisme personnel. Elle ajoute qu'il peut y avoir abus de pouvoir lorsque la personne délégataire exerce son pouvoir discrétionnaire dans une intention illégitime ou qu'elle agit en se fondant sur des documents inappropriés.

11 La plaignante indique que les membres du personnel des ressources humaines l'ont informée qu’il fallait d’abord épuiser les listes d'admissibilité relatives aux concours internes avant d’utiliser celles établies pour les concours publics. Mme MacIntosh soutient qu'il en a été autrement dans le cas de M. Kokuryo. Elle affirme que ce dernier a été nommé dans le cadre du concours public et qu'on l’a immédiatement envoyé à Saskatoon pour qu'il y suive une formation portant sur un programme relevant du Groupe de services de santé mentale, unité où il a ensuite été muté. Selon la plaignante, on a procédé ainsi afin de permettre à M. Kokuryo d'enseigner une matière précise, celle‑là même que la plaignante devait enseigner, d’après ce qu'on lui avait dit.

12 De plus, la plaignante soutient que M. Kokuryo ne possède pas les qualifications essentielles requises pour le poste d'agent de programmes correctionnels au sein du Groupe de services de santé mentale.

13 La plaignante fait également référence à l'article 70 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la LMFP), selon lequel l'entrée en vigueur de la nouvelle LEFP n'a aucune incidence sur les concours ni sur les autres processus de sélection entrepris sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33 modifiée (l'ancienne Loi). Étant donné que les listes d'admissibilité ont été établies en 2005, elles étaient encore en vigueur au moment où la nouvelle LEFP a pris effet.

B) Argumentation de l'intimé

14 L'intimé affirme que l'article 83 de la LEFP ne s'applique pas en l'espèce. Pour que le mécanisme de recours énoncé à l'article 83 s'applique, le Tribunal doit d'abord avoir ordonné des mesures correctives en vertu de l'article 81 de la LEFP. Dans le cas qui nous occupe, aucune ordonnance n'a été rendue.

15 L'intimé soutient que le Tribunal n'a compétence en vertu d'aucun autre article de la LEFP pour statuer sur cette plainte. La plaignante a reconnu que les questions qu'elle avait soulevées au sujet de la mutation de Dale Bruneski et de la nomination de Tara Mayne ont été réglées. La seule question en suspens concerne la décision d'offrir une mutation à M. Kokuryo. Or, selon le paragraphe 53(1) de la LEFP, une mutation ne constitue pas une nomination. Le mandat du Tribunal, tel qu’il est énoncé au paragraphe 88(2) de la LEFP, ne comprend pas la compétence d’instruire des plaintes portant sur des mutations.

16 Selon l'intimé, il est incontestable que la nomination de M. Kokuryo au poste d'agent de programmes correctionnels a été effectuée dans le cadre d'un processus de sélection entrepris en 2004. Par conséquent, l'intimé affirme que, selon l'article 70 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, le Tribunal n'a pas compétence pour statuer sur la plainte en l'espèce étant donné que la nomination découle d'un processus entrepris avant l'entrée en vigueur de la LEFP actuelle. Le fait que M. Kokuryo a été muté par la suite ne confère aucun droit de recours auprès du Tribunal.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

17 Dans ses observations, la Commission de la fonction publique (la CFP) indique qu'elle souscrit aux observations faites par l'intimé en ce qui a trait à l'application de l'article 83 de la LEFP en l'espèce.

18 Comme elle l'a fait dans le cadre d'affaires précédentes, la CFP a également présenté des observations écrites portant sur la notion d'abus de pouvoir et sur la façon dont le Tribunal devrait aborder cette question.

Analyse

19 La plaignante a présenté une plainte en vertu de l'article 83 de la LEFP, qui est libellé comme suit :

83. Dans le cas où la Commission fait une nomination ou une proposition de nomination en conséquence de l'application de mesures ordonnées en vertu de l'article 81, les personnes ci‑après peuvent, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui‑ci une plainte selon laquelle le fait qu'elles n'ont pas été nommées ou fait l'objet d'une proposition de nomination constitue un abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l'administrateur général dans l'application des mesures correctives :

a) la personne qui a présenté la plainte en vertu de l'article 77;

b) la personne qui a fait l'objet de la proposition de nomination ou de la nomination visées au paragraphe 77(1),

c) toute autre personne qui est directement touchée par l'application des mesures correctives.

(caractères gras ajoutés)

20 Une plainte ne peut être présentée que si une nomination a été effectuée par suite de l’application de mesures correctives ordonnées en vertu de l'article 81 de la LEFP, qui est formulé comme suit :

81. (1) S'il juge la plainte fondée, le Tribunal peut ordonner à la Commission ou à l'administrateur général de révoquer la nomination ou de ne pas faire la nomination, selon le cas, et de prendre les mesures correctives qu'il estime indiquées.

21 Pour présenter une plainte en vertu de l'article 83 de la LEFP, il faut que plusieurs conditions soient réunies. Premièrement, une nomination doit avoir été effectuée ou proposée dans le cadre d'un processus de nomination interne mené sous le régime de la LEFP actuelle. Deuxièmement, une plainte doit avoir été présentée au Tribunal en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP. Troisièmement, la plainte doit avoir été considérée comme fondée par le Tribunal, et celui‑ci doit avoir ordonné l’application de mesures correctives en vertu de l'article 81 de la LEFP. Enfin, une nouvelle nomination doit avoir été effectuée.

22 En l'espèce, aucune de ces conditions n'a été respectée. Aucune nomination n'a été effectuée en vertu de la LEFP actuelle et aucune plainte n'a été présentée en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP. De la même façon, aucune plainte n'a été jugée fondée par le Tribunal et, par conséquent, celui‑ci n'a ordonné l’application d’aucune mesure corrective. La présente plainte formulée en vertu de l'article 83 de la LEFP n'est donc pas fondée.

23 Le mandat du Tribunal est décrit comme suit au paragraphe 88(2) de la LEFP :   « Le Tribunal a pour mission d'instruire les plaintes présentées en vertu du paragraphe 65(1) ou des articles 74, 77 ou 83 et de statuer sur elles. »

24 Le paragraphe 65(1) traite des mises en disponibilité, et l'article 74, des révocations. Aucun de ces sujets ne s'applique à la situation en l'espèce. L'article 77 prévoit un mécanisme de recours pour les personnes qui n’ont pas été nommées dans le cadre d'un processus de nomination interne. Cet article est formulé comme suit :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d'un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui‑ci une plainte selon laquelle elle n'a pas été nommée ou fait l'objet d'une proposition de nomination pour l'une ou l'autre des raisons suivantes :

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l'administrateur général dans l'exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu'elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;

c) omission de la part de la Commission d’évaluer le plaignant dans la langue officielle de son choix, en contravention du paragraphe 37(1).

(caractères gras ajoutés)

25 En l'espèce, les parties s'entendent pour affirmer que MM. Kokuryo et Bruneski ont été mutés à un poste d'agent de programmes correctionnels au sein du Groupe de services de santé mentale. Le paragraphe 53(1) de la LEFP précise que « [l]es mutations ne constituent pas des nominations pour l'application de la présente loi ».

26 Comme l'a établi le Tribunal dans la décision Smith c. le Président de l'Agence des services frontaliers du Canada et al., [2007] TDFP 0029, au paragraphe 9, un plaignant ne peut pas présenter une plainte à l'encontre d'une mutation en vertu de l'article 77 de la LEFP, car une mutation ne constitue pas une nomination. Par conséquent, il n'existe aucun droit de recours à l'encontre d'une mutation en vertu de la LEFP.  

27 Enfin, bien que la plaignante ait retiré sa plainte au sujet de la nomination de Tara Mayne, il est clair que cette nomination avait été effectuée à partir d'une liste d'admissibilité établie à la suite d'un concours mené en vertu de l'ancienne Loi. Dans la décision Schellenberg et Nyst c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0005, au paragraphe 13, le Tribunal a jugé que les processus de sélection qui avaient débuté avant le 31 décembre 2005 étaient visés par l'ancienne LEFP. Le Tribunal n'a donc pas compétence pour instruire les plaintes concernant des processus de sélection menés en vertu de l'ancienne LEFPni pour statuer sur celles‑ci.

Décision

28 Pour tous les motifs exposés ci‑dessus, le Tribunal juge qu'il n'a pas compétence pour instruire la plainte en l'espèce ni pour statuer sur celle-ci. La plainte est donc rejetée.

Helen Barkley

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2006-0203
Intitulé de la cause:
Merrily MacIntosh et le Commissaire du Service correctionnel du Canada et al.
Audience:
Audience sur dossier
Date des motifs:
Le 11 janvier 2008

Comparutions:

Pour le plaignant:
Merrily MacIntosh
Pour l'intimé:
Martin Desmeules
Pour la Commission
de la fonction publique:
Lili Ste-Marie
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