Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’intimé a inclus la possession d’un permis de conduire provincial dans les qualifications essentielles pour un poste de pompier civil. Le plaignant s’était porté candidat à ce poste mais avait obtenu son permis de conduire provincial après la date de clôture du processus de nomination. Après que le plaignant eut soumis une photocopie de son permis comme preuve, l’intimé a compris que celui-ci ne possédait pas le permis de conduire requis à la date de clôture du processus de nomination; il a donc informé le plaignant que sa candidature avait été éliminée du processus. Ce dernier a fait valoir que avait exigé un permis de conduire provincial dans le seul but de favoriser certains candidats issus d’un autre service d’incendie. Il a ajouté qu’en raison d’un engagement opérationnel, il n’était pas en mesure de se soumettre à un test pour l’obtention de son permis de conduire provincial avant la date de clôture du processus de nomination. Selon lui le permis de conduire provincial devrait être exigé comme condition d’emploi, et non comme qualification essentielle afin que les candidats puissent l’acquérir après le processus de présélection; et la capacité de conduire un véhicule n’était indiquée nulle part comme exigence dans la description de travail. L’intimé a contesté ces allégations. Décision : Le Tribunal a conclu que l’établissement de l’exigence de posséder un permis de conduire provincial à titre de qualification essentielle relevait du pouvoir discrétionnaire de l’intimé. Le Tribunal a également déterminé qu’il n’était pas nécessaire que les qualifications essentielles relatives à un poste en particulier soient énumérées dans une description de travail. Bien que regrettables et dignes de prise en considération par l’intimé à l’avenir, les difficultés aux quelles le plaignant s’était heurté pour l’obtention de son permis à temps - il l’avait reçu après la période de présélection - ne menaient pas à une constatation d’abus de pouvoir aux termes de la LEFP. Les postulants savaient que s’ils ne répondaient pas à tous les critères essentiels de mérite, leur candidature pourrait être éliminée du processus. Les gestionnaires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable dans la sélection et l’utilisation des méthodes d’évaluation pour déterminer si un candidat possède les qualifications établies. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2007-0275
Rendue à:
Ottawa, le 8 juillet 2008

KEVIN FEENEY
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Sonia Gaal, vice-présidente
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Feeney c. le Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0017

Motifs de la décision

Introduction

1 Le plaignant, Kevin Feeney, est membre des Forces canadiennes et travaille à la caserne de Shearwater, à Halifax. Sa candidature a été éliminée à l’étape de la présélection d’un processus de nomination interne annoncé visant la dotation d’un poste d’agent de prévention des incendies (FR‑02).

2Le plaignant affirme que le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir lorsqu’il a éliminé sa candidature du processus parce que, au moment où il a présenté sa candidature, il ne possédait pas de permis de conduire de classe 3de la Nouvelle‑Écosse(permis N-É classe 3), avec autorisation de conduire des véhicules munis de freins à air comprimé. Il estime que le fait d’avoir inclus l’exigence d’un permis N-É classe 3 dans les qualifications essentielles constitue un abus de pouvoir de la part de l’intimé, le sous‑ministre du ministère de la Défense nationale (MDN).

3 Conformément au paragraphe 99(3) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP), le Tribunal a rendu sa décision sans tenir d’audience. La décision est fondée sur l’argumentation pertinente des parties et sur les documents versés au dossier, lesquels ont été examinés en détail et sont résumés ci‑dessous.

Contexte

4 Une annonce de possibilité d’emploi (07‑DND‑IA‑HALFX‑059056) a été affichée sur Publiservice aux fins de la création d’un bassin de candidats pour doter des postes d’agent de prévention des incendies (FR‑02). Selon les renseignements figurant sur l’annonce, la zone de sélection du processus de nomination était la suivante :

Employés du ministère de la Défense nationale en poste au Service des incendies du MDN, Opérations de la base, BFC Halifax, et membres des Forces canadiennes dont le poste d’attache est situé au Service des incendies du MDN, Opérations de la base, Halifax.

[Traduction]

5 Les candidats ont fait parvenir leur demande d’emploi en ligne à l’intimé. La date de clôture était le 28 février 2007, et le plaignant a présenté sa demande le 26 février.

6 La qualification suivante était indiquée sur l’annonce de possibilité d’emploi :

QUALIFICATIONS ESSENTIELLES DE PRÉSÉLECTION

** Les postulants doivent clairement démontrer dans leur demande qu’ils possèdent toutes les qualifications essentielles de présélection suivantes et qu’ils sont dans la zone de sélection, à défaut de quoi leur demande pourrait être rejetée. **

[…]

Possession d’un permis de conduire de classe 3 en règle de la Nouvelle‑Écosse, avec autorisation de conduire des véhicules munis de freins à air comprimé.

[…]

[Traduction]

7 Dans une autre rubrique intitulée « Conditions d’emploi », l’intimé a indiqué la condition suivante : « Capacité d’obtenir et de conserver le permis de conduire du ministère (MDN 404). » [Traduction]

8 Dans sa lettre de présentation en date du 25 février, le plaignant a indiqué ce qui suit : « Je possède […] un permis de conduire en règle de la Nouvelle‑Écosse, avec autorisation de conduire des véhicules munis de freins à air comprimé, et un permis MDN 404 de classe G5 (tous les véhicules de lutte contre les incendies), tel qu’il est précisé dans votre processus de sélection. » [Traduction]

9 Le Manuel du transport du MDN (Manuel du MDN) précise les exigences relatives aux permis pour les employés civils et les membres des Forces canadiennes qui doivent conduire des véhicules du MDN dans le cadre de leurs fonctions, notamment en ce qui a trait au permis MDN 404.

10 Le 5 mars, Jennifer O’Toole, agente des ressources humaines, a informé le plaignant par courriel qu’il n’avait pas fourni de preuve de possession d’un permis N-É classe 3. Le plaignant a également été informé qu’une photocopie du recto et du verso de son permis N-É classe 3 serait suffisante. Le plaignant était tenu de fournir ce document au plus tard le 8 mars.

11 Le 5 mars en après‑midi, l’épouse du plaignant a envoyé un courriel à Mme O’Toole pour l’informer que, étant donné que son époux était en mission à l’extérieur, il ne pouvait pas être joint avant le 9 mars, tard en soirée. Elle a affirmé «  Je crois qu’il possède son permis de classe 3N mais je ne suis pas en mesure d’envoyer le document par télécopieur car il a son permis de conduire sur lui. » [Traduction]

12 Le 6 mars, Mme O’Toole a écrit au plaignant pour l’informer qu’il répondait aux critères de présélection établis. Le 9 mars, elle lui a écrit de nouveau pour l’inviter à passer un examen écrit. Le plaignant a passé cet examen le 19 mars.

13 Le 19 mars, le plaignant a fourni à Mme O’Toole une photocopie de son permis N-É classe 3, sur lequel il est indiqué que le permis a été délivré le 15 mars, soit après la date de clôture du processus de nomination.

14 Le 22 mars, Mme O’Toole a informé le plaignant par écrit que, étant donné qu’il ne possédait pas de permis N-É classe 3 en règle à la date de clôture du processus de nomination, sa candidature avait été éliminée.

15 Le 14 juin 2007, le plaignant a présenté une plainte au Tribunal en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP.

Questions en litige

16 Pour régler cette plainte, le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir lorsqu’il a inclus la possession d’un permis N-É classe 3 en règle dans les qualifications essentielles?
  2. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir lorsqu’il a éliminé la candidature du plaignant à la présélection parce que ce dernier avait obtenu son permis N-É classe 3 après la date de clôture du processus de nomination?

Analyse

Question I: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a inclus la possession d’un permis N-É classe 3 en règle dans les qualifications essentielles?

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

17 Le plaignant soutient que, selon le Manuel du MDN, les membres des Forces canadiennes ne sont pas tenus de posséder un permis de conduire délivré par la province pour conduire des véhicules du MDN, mais qu’ils doivent posséder un permis de conduire MDN 404 en règle délivré par le MDN.

18 Le plaignant a fait référence à une annonce parue en 2006 relativement à un poste de FR‑01 à Halifax, pour lequel la possession d’un permis N-É classe 3 en règle n’était pas une qualification essentielle, mais bien une condition d’emploi, avec la possession du permis MDN 404. Selon le plaignant, un précédent a alors été établi, car cette annonce « donnait l’impression que tous les concours suivraient désormais les mêmes normes » [Traduction]. Le plaignant estime donc que l’intimé devrait demander le permis N-É classe 3 comme condition d’emploi, et non comme qualification essentielle.

19 Le plaignant a également fait référence à une annonce de possibilité d’emploi récente pour un poste de FR‑02 en Colombie‑Britannique, dont la date de clôture était le 15 février 2008. Pour ce poste, on demandait soit un permis de conduire délivré par la province, soit un permis MDN 404, à la rubrique des qualifications essentielles. Le plaignant estime que le permis de conduire MDN 404 et le permis N-É classe 3 devraient être pris en compte pareillement, comme dans le processus mené récemment en Colombie‑Britannique.

20 Le plaignant affirme qu’en l’espèce les membres des Forces canadiennes ont été traités différemment des employés du MDN, ce qui équivaut à son avis à de la discrimination. Étant donné que le permis N-É classe 3 figure parmi les qualifications essentielles, les membres du personnel militaire doivent le posséder au moment de présenter leur demande d’emploi. Le plaignant soutient que les membres des Forces canadiennes devraient avoir les mêmes chances que les employés du MDN, pour qui la possession du permis MDN 404 est une condition d’emploi; ceux‑ci peuvent donc l’obtenir tandis qu’ils sont déjà en poste. De la même façon, les membres du personnel militaire devraient pouvoir obtenir un permis N-É classe 3 lorsque le gestionnaire est en mesure de leur présenter une offre d’emploi.

21 Le plaignant affirme également que, pour conserver un permis N-É classe 3, il faut débourser des frais tous les deux ans et passer un examen médical, ce qui n’est pas nécessaire pour conserver un permis MDN 404. Le plaignant possède un permis MDN 404 qui, à son avis, dépasse largement les exigences du permis N-É classe 3.

22 Le plaignant maintient que, en raison d’un engagement opérationnel, il n’était pas en mesure de prendre rendez‑vous pour se soumettre à un test afin d’obtenir son permis N-É classe 3 avant la date de clôture du processus de nomination. Le plaignant soutient que les membres de la caserne de Shearwater sont à la merci des instructeurs du MDN pour le matériel mobile de soutien, lesquels sont chargés de fixer les rendez‑vous pour les tests nécessaires à l’obtention du permis N-É classe 3. Le plaignant a obtenu un permis N-É classe 3 dès qu’il a réussi à avoir un rendez‑vous.

23 De plus, le plaignant soutient que deux employés du MDN issus du Service des incendies du chantier maritime ont été nommés. Ceux‑ci possédaient déjà un permis N-É classe 3. À son avis, la direction savait que la caserne de Shearwater n’employait que des membres du personnel militaire qui étaient tenus de posséder seulement un permis MDN 404 pour conduire les véhicules d’urgence. Selon le plaignant, l’exigence de posséder un permis N-É classe 3 a été fixée par le chef du Service des incendies du chantier maritime, qui cherchait ainsi à favoriser certains candidats issus du Service des incendies du chantier maritime. Le plaignant a rappelé que seuls des membres du personnel civil travaillent au Service des incendies du chantier maritime.

24 Le plaignant affirme également qu’il n’existe pas de description de travail pour le poste de FR‑02. La seule description de travail que lui a fournie l’intimé n’est plus en vigueur. En outre, ce qui est plus important encore, la conduite d’un véhicule n’est indiquée nulle part comme exigence dans la description de travail.

B) Argumentation de l’intimé

25 L’intimé soutient que l’abus de pouvoir devrait se limiter à la mauvaise foi, au favoritisme personnel ou à toute autre action fautive du même ordre. Il est d’avis que ces termes englobent tous la notion de discernement, par exemple pour distinguer ce qui est bien de ce qui ne l’est pas, et qu’ils désignent tous des manquements graves. L’intimé a cité la jurisprudence et des extraits de textes théoriques à l’appui de sa position.

26 L’intimé convient que les membres des Forces canadiennes ne sont pas tenus de posséder un permis de conduire délivré par la province pour conduire des véhicules du MDN, mais qu’ils doivent posséder le permis MDN 404. Toutefois, l’intimé fait remarquer que le poste pour lequel le plaignant a présenté sa candidature était un poste de pompier civil. Il ajoute que les employés civils qui conduisent des véhicules du MDN sont tenus de posséder un permis de conduire délivré par la province et un permis MDN 404.

27 Selon l’intimé, c’est pour des raisons opérationnelles que les pompiers civils sont tenus de posséder un permis de conduire en règle délivré par la province. À cet égard, on trouve le passage suivant au chapitre 5 du Manuel du MDN, au paragraphe 7, sous « Politique d’attribution des permis » :

7. Toutes les personnes qui conduisent un véhicule du MDN doivent avoir un dossier de compétence de conducteur ou d’opérateur du MDN, qui énumère les types de véhicules que la personne est autorisée à conduire, en autant que la qualification est à jour. Le cours de conduite préventive est obligatoire pour toutes les personnes qui conduisent un véhicule du MDN [sur une route ou qui traversent une route]. De plus :

  1. Les employés du MDN (y compris les entrepreneurs) doivent posséder un permis de conduire valide délivré par la province, sans code de restriction, leur permettant de conduire un véhicule équivalent au véhicule du MDN qu’ils conduiront.
  2. Les [militaires] ne sont pas tenus d’avoir un permis de conduire civil pour conduire un véhicule du MDN ou un véhicule loué pour l’exécution de tâches du MDN […]

[Caractères gras dans l’original]

28 De plus, au paragraphe 16 du chapitre 5 du Manuel du MDN intitulé « Émission du permis de conducteur ou d’opérateur du MDN à des civils », on retrouve le passage suivant :

Aucun civil [ou entrepreneur] embauché par le MDN ne doit obtenir un permis de conducteur ou d’opérateur à moins d’être détenteur d’un permis de conduire provincial valide émis à [son] nom par la province dans laquelle il est embauché et qui l’autorise à conduire des véhicules de classe équivalente à ceux du MDN.

[Soulignement ajouté]

29 En réponse à l’argumentation du plaignant concernant les processus de nomination précédents tenus à Halifax et en Colombie‑Britannique relativement à la dotation de postes de FR‑01 et FR‑02, l’intimé soutient que l’inclusion de certains critères dans les conditions d’emploi ou dans les qualifications essentielles relève du pouvoir discrétionnaire de la direction. Selon l’intimé, il est courant d’exiger la possession d’un permis de conduire en règle délivré par la province à titre de qualification essentielle pour des postes de pompier civil, bien qu’il ne s’agisse pas du seul contexte où ce critère est exigé.

30 L’intimé a fourni une copie d’une annonce de possibilité d’emploi parue en février 2007 pour la dotation d’un poste de FR‑03 à Halifax et de cinq possibilités d’emploi parues de novembre 1997 à juillet 2003 relativement à la dotation de postes allant du niveau FR‑01 au niveau FR‑05 à divers endroits au Canada. L’intimé affirme que ces éléments de preuve appuient sa position, étant donné que la possession d’un permis de conduire délivré par une province avec autorisation de conduire des véhicules munis de freins à air comprimé était requise à titre d’attestation professionnelle ou de qualification essentielle de présélection, selon le cas, plutôt qu’à titre de condition d’emploi pour toutes les possibilités d’emploi susmentionnées.

31 En réponse à l’argumentation du plaignant au sujet du lien entre la description de travail et le poste annoncé, l’intimé maintient que l’exigence de posséder permis N-É classe 3 ne doit pas obligatoirement figurer dans une description de travail et que, de toute façon, l’examen de la description de travail est une question qui dépasse la compétence du Tribunal.

32 Enfin, en réponse à l’allégation du plaignant selon laquelle le processus semblait favoriser les employés civils du MDN, l’intimé affirme que le plaignant n’a fourni aucun élément de preuve à cet égard. L’intimé ajoute que l’une des trois personnes nommées à l’issue du processus était membre des Forces canadiennes.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

33 La Commission de la fonction publique (la CFP) fait valoir que, pour constituer un abus de pouvoir, la mesure prise dans le cadre d’un processus de nomination doit comprendre un élément d’intention comme la mauvaise foi ou le favoritisme personnel. La CFP a présenté des décisions, des extraits de jurisprudence et de la doctrine à l’appui de sa position.

34 La CFP soutient que les gestionnaires jouissent d’un vaste pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP pour établir les qualifications essentielles. Pour conclure que l’établissement de l’exigence de posséder un permis N-É classe 3 à titre de qualification essentielle constituait un abus de pouvoir, le Tribunal doit juger que la décision d’exiger cette qualification était teintée de mauvaise foi ou de favoritisme personnel.

Analyse

Question I: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a inclus la possession d’un permis N-É classe 3 dans les qualifications essentielles?

35 Le Tribunal doit statuer sur une plainte qui porte sur une situation où l’administrateur général a inclus dans les qualifications essentielles de présélection la possession d’un permis N-É classe 3 pour la dotation d’un poste de FR‑02 à Halifax.

36 Le plaignant soutient que l’intimé aurait dû faire figurer la possession du permis N-É classe 3 parmi les conditions d’emploi plutôt que parmi les qualifications essentielles.

37 L’alinéa 30(2)a) de la LEFP, qui porte sur le pouvoir de l’administrateur général d’établir les qualifications essentielles, est libellé comme suit :

30. (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles –notamment la compétence dans les langues officielles – établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

[Soulignement ajouté]

38 Dans la décision Visca c. le Sous‑ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024, au paragraphe 42, le Tribunal a formulé les commentaires suivants au sujet du pouvoir discrétionnaire conféré aux gestionnaires aux fins de l’établissement des qualifications : « Aux termes du paragraphe 30(2) de la LEFP, les gestionnaires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour établir les qualifications liées au poste qu’ils souhaitent doter. » Dans la décision Neil c. le Sous‑ministre d’Environnement Canada et al., [2008] TDFP 0004, le Tribunal a indiqué ce qui suit au paragraphe 46 : « Les gestionnaires sont simplement tenus d’établir les qualifications pour le travail à accomplir. »

39 Au vu des éléments de preuve présentés par les parties, un permis de conduire en règle était nécessaire pour accomplir le travail, d’où l’établissement de l’exigence de posséder un permis N-É classe 3 à titre de qualification essentielle.

40 Le Tribunal estime que l’établissement de l’exigence de posséder un permis N-É classe 3 en règle à titre de qualification essentielle pour le poste relevait du pouvoir discrétionnaire du gestionnaire en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP et que cette décision témoignait de l’exercice approprié de ce pouvoir discrétionnaire.

41 En outre, comme le Tribunal l’a récemment indiqué dans la décision Bowman et al. c. le Sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al., [2008] TDFP 0012, au paragraphe 99 :

L’alinéa 30(2)a) de la LEFP autorise les administrateurs généraux à établir les qualifications essentielles « pour le travail à accomplir ». Le paragraphe 31(2) indique que les qualifications essentielles « doivent respecter ou dépasser les normes de qualification applicables établies par l’employeur […] ». Il n’existe aucune disposition dans la LEFP ou dans le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005‑334, qui exige que les administrateurs généraux établissent ou acceptent des équivalences concernant les qualifications essentielles. […]

42 Aucun des points traités ci‑dessous, soulevés par le plaignant, n’appuie une constatation d’abus de pouvoir. Premièrement, il n’est pas nécessaire que les qualifications essentielles relatives à un poste en particulier soient énumérées dans une description de travail. Deuxièmement, les autres facteurs soulevés par le plaignant, en ce qui a trait aux frais et aux examens médicaux nécessaires pour obtenir un permis de conduire en règle délivré par la province, peuvent être examinés dans un autre contexte, mais ne mènent pas à une constatation d’abus de pouvoir aux termes de la LEFP. Enfin, il est regrettable que le plaignant ait eu de la difficulté à prendre un rendez‑vous pour obtenir un permis N-É classe 3, et cette question pourrait éventuellement être prise en considération par l’intimé à l’avenir; toutefois, ces difficultés en ce qui a trait à la prise de rendez‑vous ne corroborent pas l’allégation d’abus de pouvoir. De plus, sur cet aspect, le plaignant avait indiqué dans sa lettre de présentation en date du 25 février qu’il possédait un permis N-É classe 3 en règle, avec autorisation de conduire des véhicules munis de freins à air comprimé.

43 En outre, le Tribunal ne souscrit pas à l’argumentation du plaignant selon laquelle l’affichage d’un poste de FR‑01 à Halifax en juillet 2006, avec l’exigence de posséder un permis N-É classe 3 à la rubrique des conditions d’emploi, a créé un précédent pour l’avenir. En vertu de la LEFP, l’administrateur général jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour établir les qualifications essentielles, lesquelles peuvent varier d’un poste à l’autre, selon les circonstances et l’endroit.

44 Pour ces motifs, le Tribunal estime que le plaignant n’a pas réussi à établir que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a demandé un permis N-É classe 3 à titre de qualification essentielle.

Question II: L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir lorsqu’il a éliminé la candidature du plaignant à la présélection parce que ce dernier avait obtenu son permis N-É classe 3 après la date de clôture du processus de nomination?

45 Les administrateurs généraux peuvent choisir n’importe quelle méthode d’évaluation, tel qu’il est indiqué à l’article 36 de la LEFP :

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation – notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues – qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous‑alinéa 30(2)b)(i).

46 Le Tribunal a traité de l’article 36 de la LEFP dans la décision Visca, au paragraphe 51, lorsqu’il a indiqué ce qui suit : « Aux termes de l’article 36 de la LEFP, les gestionnaires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable dans la sélection et l’utilisation des méthodes d’évaluation pour déterminer si un candidat satisfait aux qualifications établies pour un poste donné. »

47 L’annonce de possibilité d’emploi indiquait clairement ce qui suit : « Les candidats doivent posséder toutes les qualifications essentielles pour être nommés au poste. » [Traduction] De plus, l’annonce contenait la mention suivante à la rubrique des qualifications essentielles de présélection : « Les postulants doivent clairement démontrer dans leur demande qu’ils possèdent toutes les qualifications essentielles de présélection suivantes et qu’ils sont dans la zone de sélection, à défaut de quoi leur demande pourrait être rejetée. » [Traduction] Par conséquent, les postulants savaient que s’ils ne répondaient pas à tous les critères essentiels de présélection, leur candidature pourrait être éliminée du processus.

48 Dans la décision Charter c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al.,[2007] TDFP 0048, le Tribunal a conclu qu’il n’y avait pas eu abus de pouvoir lorsque la candidature du plaignant avait été éliminée du processus de nomination à l’étape de la présélection parce qu’il n’avait pas démontré qu’il possédait les qualifications essentielles dans sa demande d’emploi en ligne :

[37] Pour qu’un candidat soit nommé à un poste, il doit démontrer, dans le cadre du processus d’évaluation choisi, qu’il possède les qualifications essentielles liées au poste. En l’espèce, le comité d’évaluation a utilisé une méthode d’évaluation courante afin d’évaluer les études et l’expérience, c’est‑à‑dire qu’il a demandé aux candidats de présenter une demande indiquant qu’ils possèdent les qualifications. L’annonce d’emploi contenait ce qui suit : […]

[38] Malheureusement, le plaignant n’a pas démontré dans sa demande qu’il possédait les qualifications essentielles « expérience 3 » et « expérience 4 ». […]

[…]

[40] Le Tribunal conclut qu’il n’existe aucune preuve attestant qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite, car le plaignant n’a pas démontré qu’il possédait l’« expérience 3 » et l’« expérience 4 » lorsque ces qualifications ont été évaluées par le comité d’évaluation.

Voir également les décisions Neil,supra, King c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2008] TDFP 0006 et Lavigne c. le Sous‑ministre de la Justice et al., [2008] TDFP 0013.

49 Le Tribunal juge que la candidature du plaignant avait été retenue à l’étape de la présélection parce qu’il avait indiqué dans sa lettre de présentation qu’il possédait un permis de conduire en règle de la Nouvelle‑Écosse, avec autorisation de conduire des véhicules munis de freins à air comprimé, et que, par conséquent, il possédait les qualifications essentielles de présélection, qui comprenaient le permis N-É classe 3. Toutefois, lorsque l’intimé a découvert que le plaignant ne possédait pas le permis de conduire requis au moment où il a présenté sa demande d’emploi, il a informé le plaignant que sa candidature avait été éliminée du processus.

50 Le Tribunal estime que le plaignant ne possédait pas la qualification essentielle relative au permis N-É classe 3 à la date de clôture du processus de nomination, soit le 28 février 2007, étant donné qu’il a obtenu ce permis le 15 mars.

51 Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal juge que l’élimination de la candidature du plaignant du processus ne constituait pas un abus de pouvoir.

Décision

52 Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Sonia Gaal

Vice‑présidente

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0275
Intitulé de la cause:
Kevin Feeney et le Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Audience:
Instruction sur dossier
Date des motifs:
Le 8 juillet 2008

Comparutions:

Pour le plaignant:
Kevin B.M. Feeney
Pour l'intimé:
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
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