Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a affirmé que l’intimé avait abusé de son pouvoir en changeant la formulation des qualifications liées aux études après l’affichage de la possibilité d’emploi. Elle a également déclaré que sa candidature avait été éliminée de façon inappropriée à l’étape de la présélection étant donné qu’elle ne répondait pas aux exigences, et que l’intimé aurait dû modifier son évaluation après la tenue de la discussion informelle. L’intimé a soutenu que l’établissement de la qualification essentielle relative aux études dans ce processus de nomination constituait un exercice approprié du pouvoir discrétionnaire conféré au gestionnaire; que la qualification relative aux études était suffisamment détaillée pour que les candidats soient au fait des renseignements qu’ils devaient fournir dans leur dossier de candidature; et qu’il n’y avait aucune erreur à corriger au cours de la discussion informelle, étant donné que l’information ne figurait pas sur le dossier de candidature de la plaignante. Décision : Le Tribunal a conclu que l’utilisation des conjonctions << et/ou >> dans l’énoncé des critères de mérite signifiait que le comité d’évaluation pouvait évaluer certaines des qualifications relatives aux études ou toutes ces qualifications, et qu’il incombait à la plaignante de veiller à ce que son dossier de candidature soit complet. Le comité d’évaluation n’a pas modifié les qualifications lorsqu’il a demandé, pour la qualification liée aux études, un agencement acceptable d’études, de formation et d’expérience. Le comité d’évaluation n’est pas tenu d’effectuer un suivi auprès des candidats afin de s’assurer qu’ils ont indiqué tous les éléments requis pour répondre aux qualifications essentielles. Il incombait à la plaignante de veiller à ce que son dossier de candidature soit complet. Bien que les discussions informelles fournissent l’occasion au comité d’évaluation de corriger des erreurs, elles ne supposent aucune obligation de réévaluer les qualifications d’un candidat. Par conséquent, le Tribunal était convaincu que l’intimé s’était fondé sur un document approprié - le dossier de candidature de la plaignante - lorsqu’il avait décidé d’éliminer sa candidature du processus de nomination. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2007-0230 et 0361
Rendue à:
Ottawa, le 5 mai 2008

ANGELA HENRY
Plaignante
ET
L'ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DE SERVICE CANADA, AU SEIN DU MINISTÈRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par:
Sonia Gaal, vice-présidente
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Henry c. Administrateur général de Service Canada et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0010

Motifs de la décision

Introduction

1 La plaignante, Angela Henry, qui travaille pour Service Canada au sein du ministère des Ressources humaines et du Développement social, a vu sa candidature rejetée à l’étape de la présélection d’un processus de nomination interne annoncé visant la dotation d’un poste de chef d’équipe (PM-03). Après avoir examiné sa demande d’emploi et sa lettre de présentation, le comité d’évaluation a jugé que la plaignante ne possédait pas la qualification requise pour le poste en ce qui a trait aux études. Cette dernière estime que le comité d’évaluation a omis de l’évaluer en fonction des critères relatifs aux études qui figuraient dans l’énoncé des critères de mérite (l’ECM) et dans l’annonce de possibilité d’emploi. Elle estime donc avoir été victime d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé, l’administrateur général de Service Canada.

Contexte

2 Une annonce de possibilité d’emploi a été affichée sur Publiservice aux fins de la création d’un bassin de candidats pour la dotation de postes de chef d’équipe, de chef d’équipe à la prestation de services/moniteur et de conseiller du programme de l’assurance, au ministère des Ressources humaines et du Développement social, postes situés à divers endroits au Nouveau-Brunswick (2006‑CSD‑IA‑NB‑REG‑STJ‑118). Les candidats intéressés ont fait parvenir leur demande à l’intimé par voie électronique.

3 Puisque deux personnes ont été nommées à partir du bassin de candidats établi, la plaignante a présenté deux plaintes distinctes en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). La première plainte a été présentée le 14 mai 2007, et la seconde, le 20 juillet 2007.

4 Étant donné que les deux plaintes présentées par Mme Henry sont de même nature et portent sur la même annonce d’emploi, le Tribunal les a jointes le 26 octobre 2007, conformément à l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6.

5 Conformément au paragraphe 99(3) de la LEFP, le Tribunal a statué sur la plainte en l’espèce sans tenir d’audience. Pour rendre sa décision, le Tribunal s’est fondé sur l’argumentation des parties et sur les documents versés au dossier, lesquels ont été examinés en détail et sont résumés ci-dessous.

6 Dans l’ECM, la qualification essentielle liée aux études est énoncée comme suit : « Avoir complété avec succès deux années d’études post‑secondaires d’une [sic] institut reconnue [sic], ou un agencement acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience » [caractères gras ajoutés]. Toutefois, avant d’afficher l’annonce de possibilité d’emploi et l’ECM sur Publiservice, les membres du comité d’évaluation, soit Robert Cormier, gestionnaire de la prestation des services, et Roland Langis, conseiller en ressources humaines, avaient établi que les personnes qui n’avaient pas terminé deux années d’études postsecondaires devraient démontrer qu’elles possédaient un agencement d’études, de formation et d’expérience pour satisfaire aux critères relatifs aux études.

7 Dans sa lettre de présentation, la plaignante a indiqué avoir suivi une formation exhaustive dans le domaine de l’analyse et de l’application des lois en matière d’assurance-emploi et posséder une expérience appréciable à cet égard. Elle a énuméré quelques cours dans son curriculum vitæ, mais elle n’a pas précisé dans sa demande d’emploi qu’elle avait terminé deux années d’études postsecondaires.

8 Compte tenu de ce qui précède, la plaignante a été évaluée en fonction du critère de l’« agencement acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience », critère qui permettait de déterminer si elle possédait la qualification essentielle liée aux études. Le comité d’évaluation a établi que la plaignante ne possédait pas l’élément de cet agencement qui portait sur la « formation » et, par conséquent, il a éliminé sa candidature à la présélection, car elle ne répondait pas aux critères relatifs aux études.

9 Le 7 novembre 2006, M. Langis a envoyé à la plaignante une lettre l’informant de cette décision. Il y était également précisé que la plaignante pouvait demander à participer à une discussion informelle avec un membre du comité d’évaluation.

10 Le 9 novembre, la plaignante a répondu à M. Langis qu’elle avait terminé un programme d’un an au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick, qu’elle avait suivi un programme de formation exhaustif et qu’elle possédait une vaste expérience. Elle a également énuméré certains cours de formation qu’elle avait suivis. La plaignante a ajouté que, à son avis, elle répondait aux exigences liées aux études, de par son expérience et sa formation appréciables.

11 La plaignante a participé à deux discussions informelles, soit le 9 novembre avec M. Langis et le 10 novembre avec M. Langis et M. Cormier. Au cours de ces deux discussions, M. Langis a expliqué que la qualification « études » correspondait à ceci : « avoir complété avec succès deux années d’études post‑secondaires d’une [sic] institut reconnue [sic], ou un agencement acceptable d’études, de formation et d’expérience » (caractères gras ajoutés). M. Langis a également expliqué que la plaignante ne possédait pas l’aspect « formation » de cet agencement formé de trois éléments. La plaignante a affirmé qu’elle n’avait à répondre qu’à deux des trois critères énumérés sur Publiservice, étant donné que l’ECM indiquait un « agencement acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience » (caractères gras ajoutés), plutôt que de préciser qu’il fallait un agencement acceptable d’études, de formation et d’expérience.

12 M. Langis a écrit à la plaignante le 10 novembre pour confirmer les propos échangés durant les discussions informelles ainsi que le critère choisi par le comité d‘évaluation, soit l’agencement d’études, de formation et d’expérience. M. Langis a expliqué qu’il s’agissait de la démarche adoptée par d’autres comités d’évaluation pour évaluer les équivalences sur le plan des études dans le cadre de processus menés simultanément pour le même type de postes. Il a également indiqué que la plaignante n’avait pas démontré dans sa demande d’emploi qu’elle avait suivi des cours de formation.

Questions en litige

13 Pour régler cette plainte, le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a exigé un agencement acceptable d’études, de formation et d’expérience comme qualification liée aux études malgré le fait que l’annonce de possibilité d’emploi et l’ECM indiquaient « un agencement acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience » ?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a éliminé la candidature de la plaignante à l’étape de la présélection?
  3. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a refusé de modifier son évaluation initiale après la tenue de la discussion informelle?

Argumentation des parties

A) Argumentation de la plaignante

14 La plaignante soutient que, durant la communication de renseignements qui a eu lieu le 3 juillet 2007 en ce qui a trait à la première plainte, M. Langis lui a dit que, en fonction des renseignements fournis dans son courriel du 10 novembre 2006, elle satisfaisait aux exigences relatives aux études. Toutefois, étant donné qu’elle n’avait pas énuméré tous les cours sur sa demande d’emploi, le comité d’évaluation ne pouvait pas accepter ces renseignements a posteriori.

15 La plaignante soutient que le comité d’évaluation, en refusant de corriger son erreur durant la discussion informelle, n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon juste ni transparente.

16 Selon la plaignante, il n’y avait aucune indication dans l’ECM quant à ce qui constituait une formation acceptable ou à l’ampleur de la formation que les candidats devaient avoir suivie pour satisfaire aux critères relatifs aux études. La plaignante a énuméré deux cours qui étaient liés aux postes de niveau PM-03.

17 La plaignante fait référence aux directives de Service Canada portant sur la rédaction de curriculum vitæ qui figurent sur le site intranet de l’intimé. Dans ces directives, il est conseillé aux postulants de ne pas énumérer tous les cours qu’ils ont suivis. La plaignante affirme que c’est la raison pour laquelle elle a indiqué dans sa lettre de présentation qu’elle avait suivi une formation exhaustive au sein du ministère, mais elle n’a énuméré que deux cours dans son curriculum vitæ.

18 La plaignante croit que l’intimé a modifié la définition du critère lié aux études en décidant d’évaluer les trois éléments de l’agencement acceptable, plutôt que de tenir compte de deux des trois éléments, tel qu’il était indiqué dans l’annonce de possibilité d’emploi affichée sur Publiservice. En outre, étant donné que la décision d’évaluer les trois éléments avait été prise avant l’affichage de la possibilité d’emploi, la plaignante affirme que la phrase de l’ECM qui décrivait l’agencement acceptable en ce qui a trait aux qualifications essentielles relatives aux études aurait dû contenir la conjonction « et » plutôt que « et/ou ».

19La plaignante soutient que, étant donné que le comité d’évaluation a évalué les candidats d’une façon différente de celle qui était annoncée, il a modifié la définition du critère relatif aux études a posteriori. Il n’était aucunement justifié d’utiliser les mots « et/ou » si l’évaluation devait porter sur les trois éléments, car cette formulation était trompeuse et son choix dénote de la mauvaise foi. Cet acte de l’intimé constitue un abus de pouvoir et un manque de transparence.

20 La plaignante affirme avoir informé les membres du comité d’évaluation, au cours des discussions informelles, de certains cours de formation qu’elle a suivis. Toutefois, elle affirme que l’intimé a choisi de ne pas corriger son erreur. Selon la plaignante, cette formation démontre qu’elle répondait aux critères liés aux études. La plaignante ajoute que, si l’intimé avait accepté de tenir compte de sa formation, elle aurait été considérée comme qualifiée à cette étape du processus.

21 Selon la plaignante, en refusant de modifier leur décision et d’accepter les renseignements supplémentaires fournis durant la discussion informelle, les membres du comité d’évaluation ont fait fi de l’objectif de la discussion informelle. La plaignante est également d’avis que les membres du comité d’évaluation ont eu tort de ne pas prendre en considération ces renseignements supplémentaires, ce qui vient également appuyer son allégation d’abus de pouvoir.

22 Pour appuyer son point de vue, la plaignante fait référence aux cinq catégories d’abus de pouvoir décrits dans la décision Tibbs c. le Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008. En particulier, elle affirme que les catégories 2 à 5 énoncées dans la décision Tibbs s’appliquent en l’espèce :

Catégorie 2 : « Lorsqu’un délégué se fonde sur des éléments insuffisants (incluant lorsqu’il ne dispose d’aucun élément de preuve ou qu’il ne tient pas compte d’éléments pertinents) » : La plaignante soutient que, pour expliquer son refus d’accepter les renseignements supplémentaires fournis durant la discussion informelle, l’intimé a affirmé qu’il aurait été injuste d’agir autrement pour les autres candidats non reçus qui auraient pu partager les mêmes préoccupations.

Catégorie 3 : « Lorsque le résultat est inéquitable (incluant lorsque des mesures déraisonnables, discriminatoires ou rétroactives ont été prises) » : La plaignante affirme que l’intimé a reconnu que les renseignements supplémentaires concernant sa formation démontraient qu’elle possédait les qualifications essentielles.

Catégorie 4 : « Lorsque le délégué commet une erreur de droit dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire » : La plaignante soutient que le comité d’évaluation avait la possibilité d’accepter les renseignements supplémentaires fournis au cours de la discussion informelle. Toutefois, la plaignante affirme que le comité d’évaluation a décidé de ne pas tenir compte des renseignements essentiels et pertinents qui auraient permis de corriger ce qu’elle considérait comme une erreur ou une omission et qu’il a maintenu sa décision d’éliminer sa candidature du processus de nomination à l’étape de la présélection.

Catégorie 5 : « Lorsqu’un délégué refuse d’exercer son pouvoir discrétionnaire en adoptant une politique qui entrave sa capacité d’examiner des cas individuels avec un esprit ouvert » : La plaignante indique que le comité d’évaluation a refusé de corriger ce qu’elle considère comme une erreur ou une omission au motif qu’il en aurait découlé une charge de travail supplémentaire si d’autres candidats non reçus avaient soulevé les mêmes préoccupations. La plaignante estime qu’il s’agit là d’un manque total de considération à l’égard de son dossier et, par le fait même, d’une décision contraire à la loi.

23 La plaignante demande, à titre de mesure corrective, que ses qualifications soient entièrement évaluées afin qu’elle passe l’étape de la présélection pour faire partie du bassin de candidats de niveau PM-03. Elle ne demande pas la révocation des nominations intérimaires.

B) Argumentation de l’intimé

24 L’intimé affirme que l’abus de pouvoir devrait se limiter à la mauvaise foi, au favoritisme personnel ou à toute autre action fautive de la sorte. Il est d’avis que ces termes englobent tous la notion de discernement, par exemple pour distinguer ce qui est bien de ce qui ne l’est pas, et qu’ils désignent tous des manquements graves.

25 À l’appui de son point de vue, l’intimé fait référence à la décision rendue par le Tribunal dans l’affaire Portree c. l’Administrateur général de Service Canada, [2006] TDFP 0021 :

[47] […] une plainte d’abus de pouvoir doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a un acte répréhensible grave ou une faute majeure dans le processus, qui constitue plus qu’une simple erreur, omission ou conduite irrégulière justifiant l’intervention du Tribunal.

26 De plus, l’intimé affirme que les cinq catégories d’abus de pouvoir énoncées dans la décision Tibbs ne fournissent que des lignes directrices en l’absence de cadre réglementaire et ne devraient donc pas constituer les critères définitifs permettant de trancher des cas d’abus de pouvoir sous le régime de la LEFP. Il soutient que la notion d’abus de pouvoir dans le contexte de la LEFP diffère de l’examen du pouvoir discrétionnaire ministériel en fonction d’une ou plusieurs des cinq catégories d’abus précitées.

27 L’intimé affirme que la direction jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour déterminer les qualifications requises pour un poste et que, lorsqu’il a établi la qualification essentielle relative aux études dans le processus de nomination précité, il a exercé ce pouvoir discrétionnaire de façon appropriée.

28 L’intimé affirme que l’ECM identifiait la « formation » comme partie intégrante de la qualification relative aux études, quand bien même ce mot était suivi de la conjonction « et » ou « et/ou ». Selon l’intimé, la formulation utilisée était suffisante pour que les postulants soient conscients de leur responsabilité de fournir tous les renseignements pertinents pour satisfaire au critère de l’« agencement acceptable ».

29 Selon l’intimé, la direction n’a aucune obligation d’informer les candidats de la façon détaillée dont une qualification en particulier sera évaluée. L’intimé estime que la qualification relative aux études était suffisamment détaillée pour permettre aux candidats de connaître les renseignements qu’ils devaient fournir dans leur demande d’emploi.

30 L’annonce de possibilité d’emploi affichée sur Publiservice indiquait que les candidats devaient démontrer clairement dans leur demande qu’ils possédaient la qualification essentielle relative aux études et à l’expérience, sans quoi leur demande pourrait être rejetée.

31 Selon l’intimé, quels que soient les propos échangés au cours de la discussion informelle, il n’en demeure pas moins que la plaignante n’a pas démontré dans sa demande qu’elle avait suivi des cours de formation pertinents. De plus, la formation ne constituait que l’un des trois éléments de l’« agencement acceptable » correspondant à la qualification relative aux études.

32 L’intimé fait valoir qu’il existe un vaste pouvoir discrétionnaire permettant de choisir les méthodes d’évaluation visant à déterminer si un candidat possède les qualifications requises. De plus, les candidats doivent démontrer qu’ils possèdent les qualifications essentielles.

33 L’intimé indique que la plaignante a omis de fournir tous les éléments relatifs aux qualifications essentielles dans sa demande d’emploi. Après avoir examiné sa demande, le comité d’évaluation a donc déterminé que la plaignante ne possédait pas le niveau de scolarité requis, particulièrement en ce qui a trait aux deux années d’études postsecondaires et à l’agencement acceptable d’études, de formation et d’expérience. Par conséquent, l’intimé estime que les renseignements que la plaignante a fournis concernant sa formation n’étaient pas suffisants pour un « agencement acceptable » correspondant à la qualification liée aux études.

34 Le comité d’évaluation a décidé de ne pas accepter les renseignements supplémentaires fournis par la plaignante au cours des deux discussions informelles car cette dernière avait omis de fournir ces renseignements dans sa demande. Selon l’intimé, il n’y avait aucune erreur à corriger au cours de la discussion informelle, étant donné que ces renseignements ne figuraient pas dans sa demande. En outre, l’intimé se fonde sur la décision rendue par le Tribunal dans l’affaire Rozka et al. c. le Sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al., [2007] TDFP 0046, pour affirmer que l’objectif d’une discussion informelle n’est pas de réévaluer les qualifications des candidats.

35 L’intimé soutient que la plaignante n’a produit aucune preuve permettant de conclure à un abus de pouvoir. L’intimé demande donc que la plainte soit rejetée.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

36 La Commission de la fonction publique (la CFP) fait valoir que, pour qu’un acte dans le processus de nomination constitue un abus de pouvoir, il doit y avoir un élément d’intention comme la mauvaise foi ou le favoritisme personnel.

37 La CFP soutient qu’il n’existe aucune obligation formelle, que ce soit dans la LEFP ou dans les lignes directrices de la CFP en matière de discussions informelles, indiquant qu’un gestionnaire doit corriger les erreurs présumées qui sont portées à son attention au cours de la discussion informelle.

D) Réponse de la plaignante à l'intimé

38 La plaignante ne conteste pas le droit de l’intimé d’établir les exigences relatives aux études pour le poste. Ses préoccupations portent plutôt sur le changement apporté dans l’annonce sous la rubrique des études requises « études, formation et/ou expérience » et la façon dont cette qualification a été évaluée en tenant compte des éléments « études, la formation et/ou expérience ».

39 La plaignante soutient que l’annonce de possibilité d’emploi affichée sur Publiservice n’indiquait pas précisément ce qu’il adviendrait des candidatures des personnes qui ne démontraient pas clairement dans leur demande qu’elles possédaient les qualifications essentielles. Le passage en question est libellé comme suit : « Les candidats doivent démontrer clairement sur leur demande qu’ils répondent à tous les critères essentiels suivants et qu’ils sont dans la zone de sélection. À défaut de le faire, cela peut entraîner le rejet de leur demande. » La plaignante est d’avis que cette affirmation fournit des directives et laisse entrevoir les conséquences possibles pour un postulant qui ne s’y conforme pas. La plaignante soutient que l’intimé ne devrait pas se fonder sur une affirmation aussi mince pour justifier l’élimination de sa candidature à la présélection, d’autant plus qu’il a ensuite déterminé, au cours de la discussion informelle, que la plaignante satisfaisait bel et bien à l’exigence relative aux études.

Analyse

Question I: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a exigé un agencement acceptable d’études, de formation et d’expérience comme qualification liée aux études malgré le fait que l’annonce de possibilité d’emploi et l’ECM indiquaient « un agencement acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience » ?

40 L’intimé a choisi d’évaluer les qualifications essentielles en demandant aux candidats de fournir une demande d’emploi dans laquelle ceux-ci devaient démontrer qu’ils possédaient ces qualifications. Dans l’annonce de possibilité d’emploi publiée sur Publiservice le 7 septembre 2006 figure la phrase suivante, en italique, immédiatement en dessous de la rubrique « Qualifications essentielles » : « Les candidats doivent démontrer clairement sur leur demande qu’ils répondent à tous les critères essentiels suivants et qu’ils sont dans la zone de sélection. À défaut de le faire, cela peut entraîner le rejet de leur demande. »

41 La plaignante affirme que l’intimé a trompé les candidats en utilisant la conjonction « et/ou » pour la qualification relative aux études, alors que le comité d’évaluation avait déterminé à l’avance qu’il évaluerait les trois éléments.

42 Dans le Canadian Oxford Dictionary, la conjonction « et/ou » est définie comme suit : « L’une ou l’autre de deux possibilités ou les deux possibilités » [Traduction] (The Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., voir « and/or »).

43 À la page 130 du Stroud’s Judicial Dictionary of Words and Phrases figure l’explication suivante :

Lorsque des énoncés ou des stipulations sont jointes par le terme « et/ou », le rapport logique exprimé peut-être une disjonction ou une conjonction. [Traduction]

(Stroud’s Judicial Dictionary of Words and Phrases, 7e éd., voir « and/or »)

44 Dans l’affaire Jardine v. General Hydrogen Corp., [2007] 6 W.W.R. 518; [2007] B.C.J. No. 143 (QL), la Cour suprême de la Colombie-Britannique a examiné l’utilisation des conjonctions « ou » et « et ». Aux paragraphes 25 et 26, la Cour a indiqué que le mot « ou » est généralement interprété comme une disjonction, à moins qu’il n’y ait une raison de l’interpréter comme une conjonction, et que le mot « et » est généralement utilisé dans un rapport de conjonction.

45 Dans la décision Zellers Inc. v. Group Resources Inc., [1995 ] 21 O.R. (3d) 522; [1995] O.J. No. 5 (QL), la Cour supérieure de justice de l’Ontario a formulé les commentaires suivants sur l’utilisation de la conjonction « et/ou » :

[76] Lorsque l’auteur d’un document ou un rédacteur utilise la conjonction « et/ou », il est clair que la barre oblique doit être interprétée comme le mot « ou ».

[77] Dans l’affaire R. v. Simpkin, [1933] 3 W.W.R. 580, 41 Man. R. 527 (C.A.), la Cour d’appel du Manitoba a dû interpréter la signification d’un règlement qui contenait l’expression « et/ou ». À la page 586, Richards J.A. indique ce qui suit :

L’utilisation simultanée des conjonctions « et/ou » pose problème. Selon moi, elle signifie que l’une ou l’autre des conjonctions peut être utilisée dans l’interprétation de la phrase.

[Traduction]

46 Selon les définitions tirées du Canadian Oxford Dictionary et du Stroud’s Judicial Dictionary of Words and Phrases et les explications fournies dans la jurisprudence, l’utilisation de la conjonction « et/ou » indique que le comité d’évaluation avait le choix d’évaluer soit l’un ou l’autre des éléments ou tous les éléments. Les candidats ne devraient donc pas supposer que l’utilisation du terme « et/ou » dans une annonce de possibilité d’emploi doit être interprétée comme une disjonction, étant donné qu’il existe une possibilité que tous les éléments soient exigés et évalués.

47 Le Tribunal juge que les candidats ont été clairement informés dans l’annonce de possibilité d’emploi qu’ils devaient fournir tous les renseignements pertinents dans leur demande. Dans le cas contraire, il y avait un risque que leur demande soit rejetée.

48 Le Tribunal estime que le comité d’évaluation n’a pas modifié les qualifications lorsqu’il a demandé, pour la qualification liée aux études, un agencement acceptable d’études, de formation et d’expérience. Le Tribunal estime en outre que, lorsqu’il a utilisé le terme « et/ou » dans un rapport de conjonction pour demander les trois éléments de l’agencement au moment d’établir et d’évaluer les qualifications essentielles pour le poste, l’intimé a usé du vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux gestionnaires en vertu du paragraphe 30(2) et de l’article 36 de la LEFP. À cet égard, voir la décision Jolin c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0011.

49 Toutefois, il vaudrait mieux éviter d’utiliser l’expression « et/ou » dans les annonces de possibilité d’emploi et dans les ECM connexes, afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté pour les candidats et que les exigences soient énoncées de façon claire, précise et transparente.

Question II: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a éliminé la candidature de la plaignante à l’étape de la présélection?

50 La plaignante ne possédait pas les deux années d’études postsecondaires; elle avait terminé un programme d’un an au Collègue communautaire du Nouveau‑Brunswick. Par conséquent, elle devait être évaluée selon le critère de l’« agencement acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience ».

51 Outre son diplôme d’études secondaires et le programme d’un an susmentionné, la plaignante a décidé d’indiquer seulement deux cours sur son curriculum vitæ, soit « cours de formation des agents niveau II terminé avec succès en 1998 » [Traduction] et « cours de formation des agents niveau I terminé avec succès en 1992 » [Traduction]. Dans sa lettre de présentation, la plaignante a mentionné qu’elle avait « suivi une formation exhaustive et qu’elle avait acquis une expérience appréciable au sein du ministère » [Traduction], mais elle n’y a précisé aucun cours.

52 La plaignante explique qu’elle a suivi la suggestion figurant sur le site intranet de l’intimé en ce qui a trait à la rédaction de curriculum vitae, selon laquelle les candidats devraient éviter d’énumérer tous les cours qu’ils ont suivis. Par conséquent, la plaignante n’a indiqué que deux cours qu’elle croyait pertinents pour les postes.

53 L’annonce de possibilité d’emploi indiquait sans équivoque qu’il incombait aux postulants de démontrer clairement dans leur demande qu’ils possédaient toutes les qualifications essentielles. Abstraction faite du site intranet de l’intimé portant sur la rédaction de curriculum vitæ, la plaignante était tenue de démontrer au comité d’évaluation, dans sa demande, qu’elle satisfaisait aux trois critères faisant partie de l’agencement acceptable en ce qui a trait aux études.

54 Les candidats ne doivent pas supposer que les comités d’évaluation effectueront un suivi auprès d’eux afin de s’assurer qu’ils ont indiqué tous les éléments requis pour satisfaire aux critères relatifs aux qualifications essentielles. En l’espèce, le comité d’évaluation n’était aucunement tenu de le faire. De la même façon, si la demande d’un candidat est incomplète, ce dernier ne doit pas supposer que le comité d’évaluation se fondera sur sa connaissance personnelle du candidat pour accepter sa candidature à l’étape de la présélection. Un comité d’évaluation peut éliminer la candidature d’un postulant qui ne possède pas les qualifications essentielles. À cet égard, voir Neil c. le Sous‑ministre d’Environnement Canada et al., [2008] TDFP 0004.

55 Le Tribunal estime qu’il incombait à la plaignante de veiller à ce que sa demande soit complète et à ce que celle‑ci contienne tous les renseignements nécessaires pour démontrer qu’elle possédait toutes les qualifications essentielles. Comme l’a énoncé le Tribunal dans la décision Charter c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0048:

[37] Pour qu’un candidat soit nommé à un poste, il doit démontrer, dans le cadre du processus d’évaluation choisi, qu’il possède les qualifications essentielles liées au poste.

56 Comme dans la décision Charter, l’outil d’évaluation choisi en l’espèce correspondait aux demandes d’emploi des candidats. Après avoir examiné la demande de la plaignante, le comité d’évaluation a jugé que cette dernière ne répondait pas au critère de la formation et a donc éliminé sa candidature du processus à l’étape de la présélection.

57 Dans des décisions antérieures, le Tribunal a précisé que son rôle ne consistait pas à réévaluer les qualifications des plaignants, mais bien à examiner s’il y avait eu abus de pouvoir dans la façon dont le comité d’évaluation a examiné les demandes. Voir les décisions Portree c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0014, Robbins c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0017, Broughton c. le Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., [2007] TDFP 0020, et Oddie c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0030.

58 Le Tribunal estime que le comité d’évaluation n’a pas abusé de son pouvoir lorsqu’il a jugé que la demande de la plaignante ne répondait pas aux qualifications liées aux études, étant donné que cette dernière ne possédait pas un agencement acceptable d’études, de formation et d’expérience.

Question III: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a refusé de modifier son évaluation initiale après la tenue de la discussion informelle?

59 La plaignante affirme qu’elle s’attendait à ce que le comité d’évaluation réévalue ses qualifications, en particulier sur le plan de la formation, à la lumière des renseignements qui ne figuraient pas sur sa demande, mais qui avaient été fournis durant les discussions informelles. La plaignante soutient que, après avoir reçu les renseignements supplémentaires, le comité d’évaluation aurait dû revoir sa décision d’éliminer sa candidature du processus de nomination.

60 Bien que les discussions informelles fournissent l’occasion au comité d’évaluation de corriger des erreurs, elles ne supposent aucune obligation de réévaluer les qualifications d’un candidat. Le Tribunal s’est penché sur la question de la discussion informelle dans l’affaire Rozka :

[76] La discussion informelle est un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d’un processus. Si l’on découvre qu’une erreur a été faite, par exemple si le comité d’évaluation a omis de tenir compte de certains renseignements figurant dans la demande d’emploi du candidat, la discussion informelle donne l’occasion au gestionnaire de corriger son erreur. Toutefois, la discussion informelle ne doit pas constituer un mécanisme permettant de demander que le comité d’évaluation réévalue les qualifications d’un candidat.

[soulignement ajouté]

61 De plus, l’article 47 de la LEFP, qui porte sur la discussion informelle, n’est pas normatif. Cet article est libellé comme suit :

À toute étape du processus de nomination interne, la Commission peut, sur demande, discuter de façon informelle de sa décision avec les personnes qui sont informées que leur candidature n’a pas été retenue.

[soulignement ajouté]

62 Le Tribunal encourage fortement les ministères à tenir des discussions informelles avec les candidats dont la candidature n’a pas été retenue, même si, aux termes de la LEFP, il ne s’agit pas d’une étape obligatoire dans le processus de plainte.

63 Le Tribunal estime que le comité d’évaluation n’a pas abusé de son pouvoir lorsqu’il a omis de réévaluer la formation de la plaignante à la suite de la discussion informelle. Le Tribunal réitère de nouveau que la plaignante était tenue de démontrer dans sa demande qu’elle possédait toutes les qualifications essentielles. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que l’intimé s’est fondé sur un document approprié, la demande d’emploi de la plaignante, lorsqu’il a décidé d’éliminer sa candidature du processus de nomination.

Décision

64 Pour tous ces motifs, les plaintes sont rejetées.

Sonia Gaal

Vice-présidente

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2007-0230 et 0361
Intitulé de la cause:
Angela Henry et l'Administrateur général de Service Canada, au sein du ministère des Ressources humaines et du Développement social et al.
Audience:
Demande écrite; décision rendue sans la comparution des parties
Date des motifs:
Le 5 mai 2008

Comparutions:

Pour le plaignant:
Kathryn-Ann Léger
Pour l'intimé:
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique:
Lili Ste-Marie
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