Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a sollicité une prorogation de délai afin de présenter sa plainte. L’intimé a déposé une requête de rejet de la plainte au motif que celle-ci était hors délai. L’intimé a déclaré que la conseillère en ressources humaines avait adressé un courriel au plaignant avant l’avis de nomination ou de proposition de nomination, indiquant que le processus de nomination serait affiché sur Publiservice. Le plaignant a fait valoir qu’il avait été informé par courriel à toutes les étapes du processus de nomination et que rien ne laissait croire que les notifications par courriel cesseraient. Toutefois, l’avis de nomination ou de proposition de nomination avait été affiché sur Publiservice et le plaignant a raté la date limite de présentation de plainte. Il a donc sollicité une prorogation de délai qui lui permettrait de déposer sa plainte en bonne et due forme. Décision : Le Tribunal a conclu que les délais étaient stricts et qu’il incombait au plaignant de présenter des circonstances ou motifs exceptionnels pour justifier sa demande de prorogation. Le courriel adressé par l’intimé au plaignant indiquait clairement que les notifications relatives à ce processus de nomination seraient affichées sur Publiservice. L’intimé avait donc informé directement le plaignant qu’il serait avisé de la nomination par la voie d’un avis public plutôt que par courriel. En outre, le courriel en question précisait que si le plaignant n’avait plus accès à Publiservice, il devrait en informer l’intimé immédiatement. Le plaignant ne pouvait tout simplement pas ignorer cet avertissement. Une personne avertie et raisonnable saurait que l’avis de nomination serait affiché sur Publiservice; il revenait au plaignant de consulter le site Web afin de surveiller la notification. Par ailleurs, le Tribunal a cité d’autres décisions antérieures où il est précisé que l’intimé n’a aucune obligation d’envoyer un avis directement au plaignant. Requête de prorogation de délai rejetée; plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2008-0131
Rendue à:
Ottawa, le 8 juillet 2008

YVAN POULIN
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA JUSTICE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Demande de prorogation de délai
Décision:
La demande est rejetée
Décision rendue par:
Guy Giguère, président
Langue de la décision:
Français
Répertoriée:
Poulin c. Sous-ministre de la Justice et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0018

Motifs de la décision

Introduction

1 Le plaignant, Me Yvan Poulin, a demandé une prorogation de délai afin de présenter sa plainte. L’intimé, le sous-ministre de la Justice, s’oppose à cette prorogation de délai et demande le rejet de la plainte.

Contexte

2 Le 28 août 2007, le ministère de la Justice a annoncé un poste d’avocat général, groupe et niveau LA-3A (numéro du processus de nomination : 2007-SPPC-MTL-A-100) au Service des poursuites pénales du Canada, Bureau régional du Québec. Le 2 octobre 2007, un deuxième poste d’avocat général a été annoncé dans le cadre du même processus de nomination. Le plaignant a posé sa candidature aux deux postes en question.

3 Le 4 février 2008, un avis de notification de nomination a été affiché sur le site Web Publiservice informant que Me Richard Roy et Me Pascale Ledoux avaient été nommés pour une période indéterminée suivant le processus de nomination. La date de clôture pour présenter une plainte qui apparaissait sur l’avis de notification de nomination ou de proposition de nomination était le 19 février 2008.

4 Le 25 février 2008, le plaignant a présenté une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). Le plaignant allègue qu’il y a eu abus de pouvoir dans ce processus de nomination et qu’il a été entaché de favoritisme personnel et de mauvaise foi. Selon lui, les nominations ont aussi été illégalement et irrégulièrement annoncées près d’un mois avant que l’avis des candidatures retenues soit émis. Par ailleurs, le plaignant a demandé une prorogation de délai pour présenter sa plainte.

5 Le 29 février 2008, l’intimé a demandé le rejet de la plainte au motif que celle-ci est hors délai.

Question en litige

Le Tribunal devrait-il accorder une prorogation de délai pour présenter la plainte?

Argumentation des parties

A) Argumentation de l’intimé

6 L’intimé demande que la plainte soit rejetée car elle n’a pas été présentée dans le délai prescrit à l’article 10 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, (Règlement du TDFP).

7 Selon l’article 10, une plainte doit être présentée au plus tard 15 jours après la date figurant sur l’avis public de nomination. L’intimé fait valoir que la notification de nomination ou de proposition de nomination a été affichée sur le site Web Publiservice indiquant que la période de 15 jours pour présenter une plainte débutait le 4 février 2008 et prenait fin le 19 février 2008. Le plaignant a présenté sa plainte le 25 février 2008, soit six jours après la date limite de la période pour présenter une plainte.

8 De plus, la conseillère en ressources humaines, Mme Paquin, a envoyé un courriel au plaignant le 15 janvier 2008 indiquant que la notification des candidatures retenues était affichée sur le site Web Publiservice. Mme Paquin a également précisé que les notifications, comme la notification de nomination ou de proposition de nomination, seraient affichées sur le site Web Publiservice :

Dans le cadre du processus de nomination ci-haut mentionné, veuillez noter que les notifications seront affichées sous (sic) le site Publiservice ainsi, si vous n’avez plus accès à Publiservice, veuillez nous en informer immédiatement.

9 En outre, l’intimé fait valoir que, même si l’article 5 du Règlement du TDFP indique que tout délai peut être prorogé, le plaignant n’a fourni aucune preuve de circonstances ou de motifs exceptionnels hors de son contrôle pouvant mener à l’octroi d’une prorogation. L’intimé fait également remarquer que le plaignant était responsable de s’assurer qu’il connaissait parfaitement les délais et procédures à suivre pour un processus de plainte auprès du Tribunal. Selon l’intimé, le plaignant aurait pu consulter l’avis public affiché sur le site Web Publiservice.

10 Enfin, l’intimé affirme que ce n’est pas une pratique du Service des poursuites pénales du Canada d’envoyer des courriels complémentaires pour aviser chaque candidat de toutes les notifications.

B) Argumentation du plaignant

11 Le plaignant indique dans sa plainte qu’un premier avis de notification des candidatures retenues lui a été expédié par courriel le 15 janvier 2008. Ce courriel mentionnait que les candidats pouvaient se prévaloir du processus de discussion informelle et qu’une période d’attente de cinq jours « durant laquelle aucune nomination ne pouvait être faite ou proposée » était applicable. La période de discussion informelle se terminait le 21 janvier 2008.

12 Le 22 février 2008, le plaignant a communiqué avec Mme Paquin et a laissé un message téléphonique, lui indiquant qu’il partait en vacances et lui demandant si l’avis de notification de nomination ou de proposition de nomination serait envoyé alors qu’il serait à l’extérieur du bureau. En réponse, Mme Paquin laissa un message téléphonique avisant le plaignant que la notification de nomination ou de proposition de nomination avait été affichée sur le site Web Publiservice le 4 février 2008. Le plaignant indique qu’il n’a pas reçu l’avis de notification directement. De plus, il précise que le ministère de la Justice félicite généralement, par courriel, tous les fonctionnaires nouvellement promus. Selon le plaignant, ce courriel n’a pas été transmis par la gestion.

13 Le plaignant fait valoir qu’il a été informé par courriel à toutes les étapes du processus de nomination et que rien ne laissait croire que les notifications par courriel cesseraient. D’après le plaignant, le courriel du 15 janvier 2008 ne spécifiait pas que les notifications seraient affichées exclusivement sur le site Web Publiservice.

Analyse

Question: Le Tribunal devrait-il accorder une prorogation de délai pour présenter la plainte?

14 L’avis de notification de nomination ou de proposition de nomination a été affiché sur le site Web Publiservice. Il s’agit donc d’un avis public. L’article 10 du Règlement du TDFP prévoit que la plainte doit être présentée dans les 15 jours après la date figurant sur l’avis, dans le cas d’un avis public. Cet article se lit ainsi:

10. (1) La plainte est présentée au Tribunal au plus tard quinze jours après la date :

  1. où l’avis de mise en disponibilité, de révocation, de nomination ou de proposition de nomination en faisant l’objet été reçu;
  2. figurant sur l’avis, s’il s’agit d’un avis public.

15 L’article 5 du Règlement du TDFP indique que le Tribunal a le pouvoir de proroger tout délai. L’article 5 se lit ainsi : « Le Tribunal peut, par souci d’équité, proroger tout délai prévu par le présent règlement. »

16 Le Tribunal a traité de la présentation tardive d’une plainte dans plusieurs décisions, dont la décision Richardc. Sous-ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., [2007] TDFP 0002, au paragraphe 19:

[19] Le délai pour déposer une plainte selon l’article 10 du Règlement est de rigueur tel qu’indiqué dans la décision MacDonald, supra, mais le Tribunal peut le proroger. Par contre, cette prorogation n’est pas automatique et la plaignante doit pouvoir démontrer qu’elle a une raison exceptionnelle pour justifier son retard. (…)

17 Le Tribunal a aussi tranché cette question dans la décision Casper c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al., [2006] TDFP 0010 au paragraphe 22 :

[22] Il est important que les parties sachent que les délais doivent être respectés pour que la procédure se déroule convenablement. Par souci d’équité, le Tribunal peut proroger des délais stricts de présentation d’une plainte. La plaignante a le fardeau de fournir les motifs relatifs à la demande de prorogation. À moins de circonstances exceptionnelles, le Tribunal n’accordera pas de prorogation.

18 Le Tribunal réfère les parties aux décisions suivantes portant sur la même question : Suàrez c. Sous-ministre des Ressources humaines et Développement social Canada et al., [2007] TDFP 0008, au paragraphe 28 ; Chaves c. Commissaire du Service correctionnel du Canada et al., [2007] TDFP 0009 ; Larivière et al. c. Sous‑ministre, Santé Canada et al., [2007] TDFP 0019, au paragraphe 25.

19 Le plaignant a le fardeau de convaincre le Tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire en fournissant des raisons et circonstances exceptionnelles pouvant expliquer le délai. Le plaignant indique essentiellement que par le passé, il avait été informé par courriel et qu’il n’a pas été avisé personnellement de la notification de nomination ou de proposition de nomination.

20 Toutefois, le courriel qui lui a été adressé le 15 janvier 2008 spécifiait bien que dans le cadre de ce processus de nomination, les notifications seraient affichées sur le site Web Publiservice. L’intimé a donc directement informé le plaignant qu’il serait avisé de la nomination par la voie d’un avis public, plutôt que par courriel. De plus, la mention qu’il devait informer l’intimé immédiatement s’il n’avait plus accès à Publiservice soulignait l’importance de cet avis. Le Tribunal considère que le plaignant ne pouvait tout simplement pas ignorer cet avis de l’intimé.

21 De plus, l’avis indiquait qu’après une période d’attente de cinq jours se terminant le 21 janvier 2008, les nominations pouvaient être effectuées dans ce processus de nomination. L’intimé a avisé le plaignant par courriel qu’il devait avoir accès à Publiservice puisque les notifications seraient affichées de cette façon et que ces notifications pouvaient être affichées dès le 21 janvier 2008. Une personne avisée et raisonnable aurait tenu pour acquis qu’une nomination pouvait être effectuée en tout temps à partir de cette date. Le plaignant pouvait s’en assurer en allant sur le site Web Publiservice. S’il y avait ambiguïté, une personne prudente et raisonnable aurait communiqué avec Mme Paquin, tel qu’indiqué dans l’avis pour obtenir des renseignements supplémentaires.

22 Par surcroît, une discussion informelle a eu lieu le 30 janvier 2008 avec l’intimé et ce dernier ne s’est en aucun temps engagé à aviser le plaignant lorsque la nomination serait effectuée. Le Tribunal considère qu’il n’y avait pas d’ambigüité suite à la discussion informelle et qu’il demeurait clair que l’avis de nomination serait affiché sur le site Web Publiservice.

23 Le plaignant est responsable de connaître le délai applicable à la présentation de sa plainte. Le Tribunal a déjà fait état dans la décision Casper que l’intimé n’a aucune obligation d’envoyer un avis directement au plaignant. Il revient alors au plaignant seul de consulter le site Web Publiservice pour prendre connaissance de l’avis public de la notification de nomination ou de proposition de nomination. Le plaignant doit également s’assurer que sa plainte est présentée à l’intérieur de la période de plainte indiquée dans l’avis public. Tel que mentionné précédemment, l’alinéa 10(1)b) du Règlement du TDFP prescrit que « la plainte est présentée au Tribunal au plus tard quinze jours après la date figurant sur l’avis, s’il s’agit d’un avis public ». Par conséquent, le délai de 15 jours débutait au moment de l’affichage de la notification de nomination ou de proposition de nomination, soit le 4 février 2008.

Décision

24 Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal accueille la demande de rejet de l’intimé et rejette la demande de prorogation de délai du plaignant pour la présentation de la plainte.

Guy Giguère

Président

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2008-0131
Intitulé de la cause:
Yvan Poulin et le sous-ministre de la Justice et al.
Audience:
Demande écrite; décision prise sans comparution des parties
Date des motifs:
Le 8 juillet 2008
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