Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante estimait que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’évaluation du critère de l’entregent en interprétant de façon erronée les commentaires formulés par le premier répondant, en ne communiquant pas avec le deuxième répondant, en obtenant le nom d’un troisième répondant qu’elle n’avait pas fourni et en choisissant un comité inexpérimenté pour effectuer l’évaluation. La plaignante soutient également que l’intimé n’a pas respecté les lignes directrices de la CFP en matière de discussions informelles, étant donné qu’il n’a pas accepté sa déclaration ni ses renseignements au cours de cette discussion. L’intimé a soutenu qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que les renseignements fournis par le premier répondant ont été modifiés de quelque façon que ce soit par le comité d’évaluation. Le deuxième répondant a été contacté mais n’a pas donné de suite. Compte tenu des circonstances, le comité d’évaluation a demandé des conseils sur la façon de procéder et c’est ainsi qu’il a obtenu le nom d’un troisième répondant. Le comité d’évaluation n’était pas tenu d’obtenir le consentement de la plaignante pour se référer au troisième répondant. Pour ce qui est de la compétence et de la formation du comité d’évaluation, il n’existe aucune exigence particulière quant à la formation des membres d’un comité d’évaluation. Enfin, l’intimé a fait valoir que le résultat de la discussion informelle ne constitue pas un motif de plainte. Le comité d’évaluation estimait que son évaluation avait été appropriée. Décision : Le Tribunal a conclu que l’allégation de la plaignante selon laquelle le comité d’évaluation avait mal interprété les commentaires du premier répondant n’était pas fondée, et que l’intimé avait déployé des efforts raisonnables pour communiquer avec le deuxième répondant. De plus, bien qu’il soit préférable d’obtenir le consentement des candidats, il n’existe aucune exigence sur le plan légal relativement à l’obtention du consentement d’un candidat pour communiquer avec un répondant dont il n’avait pas fourni le nom. Il est important de consulter un répondant qui connaît bien le travail accompli par le candidat et qui peut fournir suffisamment d’information pour permettre au comité d’évaluer de façon appropriée les qualifications de ce dernier. Le comité d’évaluation recevait les conseils d’une conseillère en ressources humaines chevronnée et possédait suffisamment d’expérience et de formation pour évaluer la plaignante de façon appropriée. Même si la plaignante avait réussi à prouver que le comité d’évaluation manquait d’expérience, il n’y avait aucune preuve d’évaluation inadéquate de la plaignante, susceptible d’étayer la plainte d’abus de pouvoir. Comme il estimait que le comité ne s’était pas trompé en se référant à un troisième répondant, le Tribunal a conclu qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir en l’espèce. Le Tribunal a fait remarquer qu’il aurait été préférable pour l’intimé de prendre des notes plus exhaustives pendant la vérification des références et de conserver les notes d’origine plutôt que de les détruire. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2007-0072, 0073 et 0401
Rendue à:
Ottawa, le 12 mai 2008

MARIE DIONNE
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par:
Helen Barkley, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Dionne c. le Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0011

Motifs de la décision

Introduction

1 La plaignante, Marie Dionne, a présenté des plaintes au motif que l’intimé a abusé de son pouvoir, car il n’a pas évalué de façon appropriée ses qualités personnelles lorsqu’il a vérifié les références. La plaignante affirme également que l’intimé a abusé de son pouvoir en choisissant des personnes n’ayant pas reçu de formation et ne possédant aucune expérience pour faire partie du comité d’évaluation.

2 La plaignante a pris part à un processus de nomination interne annoncé visant la dotation de postes d’agent d’administration (AS‑02) au sein de l’Académie canadienne de la Défense du ministère de la Défense nationale, à Kingston (Ontario). L’annonce portait sur des nominations pour une période indéterminée et sur des nominations intérimaires qui devaient être effectuées à partir d’un bassin de candidats jugés qualifiés. Les candidats devaient fournir le nom de deux répondants. La plaignante a fourni le nom de deux anciens superviseurs, soit le major Chris Willis et M. Hank Nason.

3 En octobre 2006, Marie Dionne a été informée que sa candidature ne serait plus prise en considération en vue d’une nomination, car elle ne possédait pas l’une des qualifications essentielles, à savoir l’entregent. Au cours de la discussion informelle, la plaignante a appris que le comité n’avait pas communiqué avec son deuxième répondant, Hank Nason, mais qu’il s’était plutôt fondé sur des références fournies par Ginette Jaques, qui a elle aussi déjà supervisé la plaignante.

4 Trois nominations ont été effectuées au terme du processus de nomination no 06‑DND‑IA‑KGSTN‑047088. En février et en août 2007, Marie Dionne a présenté trois plaintes au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13(la LEFP). Elle soutient que l’intimé, le sous‑ministre de la Défense nationale, a abusé de son pouvoir lorsqu’il a décidé de ne pas la nommer au poste, compte tenu de la façon dont elle a été évaluée par rapport à la qualification « entregent ».

5 Le Tribunal a joint les plaintes pour les besoins de l’audience conformément à l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006‑6 (le Règlement du TDFP).

Question en litige

6 Le Tribunal doit déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite lorsqu’il a évalué Marie Dionne par rapport à l’entregent.

Résumé des éléments de preuve pertinents

7 La plaignante travaille dans la fonction publique fédérale depuis 23 ans. En 2004, elle a accepté un poste d’adjointe à la coordonnatrice de la base, Langues officielles, Ginette Jaques, au ministère de la Défense nationale, à Kingston (Ontario). À ce titre, elle accomplissait des tâches administratives qui consistaient notamment à surveiller des tests linguistiques, à s’occuper des inscriptions aux cours pour le personnel civil et certains militaires et à appuyer sa superviseure dans l’exécution de ses activités quotidiennes. Mme Jaques demandait à la plaignante d’accomplir des tâches qui, selon cette dernière, dépassaient le cadre de ses fonctions. La plaignante a demandé à obtenir une description de travail, mais Mme Jaques lui a répondu qu’il n’existait aucune description pour son poste. Quatre mois plus tard, la plaignante a reçu une description de travail qui, à son avis, n’exposait pas de façon appropriée les tâches et les responsabilités réelles de son poste. Mme Jaques lui a alors répondu que c’était « à prendre ou à laisser » [Traduction]. Mme Dionne a affirmé que Mme Jaques lui donnait des ordres, qu’elle se sentait intimidée par cette dernière et qu’elle était stressée; elle a donc sollicité une mutation à une autre unité.

8 La plaignante a déclaré que Mme Jaques avait interprété sa demande de mutation comme une façon de s’en prendre à elle. Selon la plaignante, Mme Jaques avait inscrit un commentaire déplacé dans son rapport d’évaluation du rendement, soit : « Il importe de mentionner que, en février 2005, Mme Dionne a demandé une mutation à un autre poste et elle tente toujours d’atteindre cet objectif » [Traduction]. La plaignante a alors discuté avec le superviseur de Mme Jaques, le major Beaulieu, et ce commentaire a été supprimé le lendemain. La plaignante a également présenté un grief concernant la rémunération d’intérim, car elle avait exercé les fonctions de Mme Jaques à plusieurs reprises.

9 Janet Lang, présidente du comité d’évaluation, a témoigné pour l’intimé. Elle a affirmé qu’elle était registraire des équivalences et de l’accréditation à l’Académie canadienne de la Défense. Avant la tenue du processus de nomination susmentionné, Mme Lang avait pris part à cinq ou six processus de nomination à titre de membre du comité d’évaluation et elle avait occupé la fonction de présidente pour quatre ou cinq de ces processus. Elle a suivi une formation d’une demi‑journée sur la nouvelle Loi sur l’emploi dans la fonction publique et elle a participé à une séance de formation informelle présentée par Doris Meade, agente des ressources humaines civiles (ARHC).

10 Mme Lang a reçu le mandat de présider le comité d’évaluation chargé d’établir un bassin de candidats qualifiés aux fins de la dotation de postes d’agent d’administration à l’Académie. L’agent d’administration relève directement du directeur et accomplit un certain nombre de tâches, notamment la gestion de l’horaire quotidien du directeur, l’organisation des réunions et des voyages et la préparation des pièces de correspondance. Comme le titulaire du poste doit fournir efficacement des services à la clientèle dans un milieu très stressant où le rythme du travail est soutenu, l’entregent a été jugé essentiel. Le directeur s’absente souvent du bureau, et c’est alors l’agent d’administration qui doit en assurer la gestion.

11 Mme Lang a affirmé qu’elle avait demandé des conseils et de l’aide à Mme Meade à plusieurs reprises au cours du processus de nomination. Par exemple, elle a consulté Mme Meade pour l’élaboration de l’énoncé des critères de mérite et des outils d’évaluation.

12 Chaque direction de l’Académie a désigné une personne pour faire partie du comité d’évaluation. Melanie Denis et Craig Mantle, les autres membres du comité, occupent tous deux un poste de la catégorie des services administratifs (AS). Au cours de l’audience, Mme Denis a affirmé avoir procédé à la vérification de références à deux reprises dans le cadre de processus de nomination menés sous le régime de l’ancienne LEFP. De plus, elle a déjà élaboré des questions d’entrevue et des questionnaires de vérification des références. M. Mantle a affirmé que son superviseur lui avait demandé de faire partie du comité d’évaluation, car il s’agissait pour lui d’une bonne occasion de perfectionnement professionnel.

13 Doris Meade, ARHC, a indiqué qu’elle occupait le poste de conseillère en ressources humaines depuis 20 ans. Au début du processus, elle a rencontré tous les membres du comité d’évaluation afin de leur expliquer le déroulement du processus de nomination sous le régime de la LEFP, notamment les différences entre les qualifications essentielles et les qualifications constituant un atout. Elle a également décrit le processus de la discussion informelle et a fourni au comité des exemples de questions d’entrevue et de questions de vérification des références.

14 Le comité d’évaluation a décidé d’évaluer l’entregent au moyen d’une question d’entrevue et de la vérification des références. Les membres du comité estimaient que le rendement antérieur permettait de prédire avec une grande certitude le rendement futur.

15 Durant l’entrevue, le comité d’évaluation a demandé aux candidats de fournir le nom de deux répondants. La plaignante a donné le nom du major Chris Willis et de M. Hank Nason.

16 Règle générale, le comité ne devait communiquer qu’avec un répondant. L’avis d’un deuxième répondant n’était demandé que lorsque les renseignements recueillis à l’égard du candidat étaient négatifs ou que le premier répondant n’avait pas fourni suffisamment d’information.

17 Cité comme témoin par la plaignante, le major Willis a affirmé avoir fourni des références à l’égard de cette dernière au cours d’un entretien qui s’est déroulé en personne avec Melanie Denis, membre du comité. La première question posée aux répondants pour évaluer l’entregent était la suivante : « Comment cette personne se comporte‑t‑elle avec ses collègues, ses superviseurs et, s’il y a lieu, les membres du public? » [Traduction] Le major Willis a déclaré avoir informé Mme Denis de certains problèmes survenus avec des collègues et avec une superviseure. Lorsqu’on lui a demandé des explications, le major Willis a affirmé que la plaignante et son superviseur, lequel affirmait que cette dernière avait employé un ton inapproprié, avaient échangé des courriels. Or, selon le major Willis, le ton adopté dans les courriels du superviseur et de la plaignante était le même.

18 La deuxième question posée aux répondants aux fins de l’évaluation de l’entregent était formulée comme suit : « Comment cette personne a‑t‑elle tendance à réagir dans une situation de confrontation? » [Traduction] Au cours de l’audience, le major Willis a examiné les notes prises par Mme Denis relativement à la réponse qu’il avait fournie à cette question. Il a ensuite confirmé que ces notes reproduisaient fidèlement ses propos. Dans sa réponse, il avait affirmé que la plaignante se tenait sur la défensive et qu’elle avait tendance à expliquer pourquoi une situation donnée s’était produite.

19 Melanie Denis a expliqué qu’elle avait vérifié les références de quatre candidats, dont Mme Dionne. Lorsqu’elle a communiqué avec le major Willis, ce dernier a fait preuve d’une certaine réticence à fournir des renseignements sur la façon dont Mme Dionne se comporte avec ses collègues et ses superviseurs. Bien que Mme Denis lui ait posé d’autres questions, le répondant s’en est tenu aux renseignements qu’elle avait notés et n’a fourni aucun exemple.

20 Étant donné que les renseignements fournis par le major Willis à l’égard de la plaignante étaient négatifs, Mme Denis a affirmé qu’elle avait tenté à trois reprises de communiquer avec M. Nason et qu’elle lui avait laissé des messages sur sa boîte vocale. M. Nason ne lui a pas répondu. À l’appui de cette affirmation, elle a présenté une copie de son registre de messagerie vocale pour la période du 10 août au 4 octobre 2007, sur lequel elle note tous les messages reçus. Le registre ne contient aucun message provenant de M. Nason. Compte tenu de ce qui précède, les membres du comité ont communiqué avec l’ARHC, qui a fourni le nom d’une ancienne superviseure, Ginette Jaques, dont le nom figurait sur le curriculum vitæ de Mme Dionne. Le comité d’évaluation n’était au fait d’aucun grief déposé par la plaignante à l’encontre de Mme Jaques.

21 Ginette Jaques a été citée comme témoin par la plaignante. Mme Jaques a expliqué qu’elle avait été très surprise qu’on lui demande des références à l’égard de Mme Dionne, étant donné que leur relation était tendue. Toutefois, on lui avait répondu que son nom avait été suggéré par l’ARHC.

22 Mme Jaques a informé le comité d’évaluation que, lorsqu’elle était sous sa supervision, Mme Dionne n’avait pas de collègue et n’avait pas non plus à interagir avec les membres du public. Mme Jaques a supervisé la plaignante pendant neuf ou dix mois, et leur relation n’était pas très bonne. Mme Jaques a expliqué à Mme Denis que la plaignante estimait que le niveau de classification de son poste n’était pas suffisamment élevé. En réponse à la deuxième question posée pendant la vérification des références, Mme Jaques a affirmé que Mme Dionne adoptait souvent une attitude et un ton de confrontation et qu’elle se tenait toujours sur la défensive.

23 Mme Denis a indiqué que Mme Jaques avait fait preuve de beaucoup de retenue en ce qui a trait aux renseignements qu’elle a fournis. Même si Mme Denis a demandé des exemples, les seuls renseignements qu’elle a recueillis figuraient dans ses notes.

24 En fonction des références fournies par les deux répondants, le comité d’évaluation a accordé à Mme Dionne une note de trois sur dix pour le critère de l’entregent. Pour que l’on considère que les candidats possédaient la qualification essentielle « entregent », ceux‑ci devaient obtenir une note minimale correspondant à la mention « très bien » (sept ou huit sur dix). Le comité d’évaluation a donc conclu que la plaignante ne pourrait pas accomplir les fonctions d’agent d’administration et, par conséquent, il a éliminé la candidature de cette dernière. Les deux répondants avaient indiqué que la plaignante se tenait sur la défensive, et cette dernière avait eu des problèmes avec les deux superviseurs.

25 Lorsqu’elle a appris que sa candidature avait été éliminée du processus, la plaignante a demandé à avoir une discussion informelle avec Mme Lang. Cette discussion a eu lieu en novembre 2006. La plaignante ne comprenait pas pourquoi les références fournies à son égard étaient négatives, étant donné que personne ne lui avait jamais fait part de quelque problème que ce soit.

26 Ce n’est qu’au cours de la discussion informelle que la plaignante a appris que M. Nason n’avait pas fourni de références, mais que le comité d’évaluation avait plutôt communiqué avec Ginette Jaques. Elle a alors informé Mme Lang qu’elle avait déposé un grief contre Mme Jaques et qu’elle n’avait jamais fourni son nom à titre de répondante. Elle a ensuite tenté de fournir des documents supplémentaires, comme son rapport d’évaluation du rendement, pour démontrer que personne ne lui avait jamais reproché quoi que ce soit sur le plan de l’entregent. Elle a demandé à Mme Lang d’examiner la possibilité d’obtenir des références auprès de M. Nason, mais cette dernière a répondu qu’il était trop tard et qu’aucun nouveau renseignement ne serait pris en considération.

27 La plaignante a affirmé qu’elle avait communiqué avec M. Nason en avril 2007 pour lui demander s’il avait reçu un appel concernant des références dans le cadre du processus de nomination susmentionné. Selon la plaignante, M. Nason a confirmé par courriel qu’il avait effectivement reçu un appel d’une certaine Melanie le 11 septembre 2006, qu’il avait rappelé cette dernière et qu’il lui avait laissé un message sur sa boîte vocale. Une copie de ce courriel a été présentée en preuve.

28 M. Nason a présenté un témoignage par téléconférence. Il a affirmé que deux comités d’évaluation avaient communiqué avec lui pour obtenir des références concernant la plaignante pour deux postes différents. Le premier appel concernait un poste à l’école des langues, et le deuxième était un message vocal laissé par une femme. En ce qui a trait à cette demande, M. Nason a affirmé qu’il avait rappelé la personne en question et qu’il lui avait laissé un message. Il a ensuite vérifié dans son agenda de 2006, mais il n’avait conservé aucune note de cet appel. À l’époque, il travaillait pour le ministère de la Défense nationale et, dans le cadre de ses fonctions, il occupait deux bureaux et possédait trois lignes téléphoniques. Il recevait alors des centaines d’appels. Il se rappelle avoir reçu un message sur sa boîte vocale qui indiquait que la plaignante avait fourni son nom comme répondant. Il ne se rappelle pas d’autres détails, comme la date ou le nom de la personne qui lui a laissé ce message.

29 Mme Lang a affirmé qu’elle avait recopié les notes prises par Mme Denis pendant la vérification des références. Cette procédure a été adoptée car le comité d’évaluation avait évalué d’autres qualifications essentielles de la plaignante mais, comme elle ne satisfaisait pas au critère de l’entregent, il a été décidé que les autres notes seraient supprimées. Au cours de son témoignage, Mme Denis a confirmé que les notes de Mme Lang étaient fidèles à celles qu’elle avait prises en ce qui a trait aux références.

Argumentation des parties

A) Argumentation de la plaignante

30 La plaignante estime que le comité d’évaluation a mal interprété les commentaires formulés par son répondant, le major Willis. Dans son témoignage, le major Willis a indiqué qu’il n’était pas certain que ses propos avaient été pris en note par Mme Denis. Il a également affirmé que, même s’il y avait eu des problèmes avec des collègues et une superviseure, il ne jetait pas le blâme sur Mme Dionne. Il n’a jamais affirmé que la plaignante était en cause. Dans l’évaluation du rendement effectuée par le major Willis en octobre 2006, soit deux mois après la vérification des références, ce dernier a indiqué que Mme Dionne entretenait de bonnes relations avec les autres employés.

31 La plaignante affirme également que le comité d’évaluation s’est trompé lorsqu’il a décidé de ne pas demander de références à M. Nason. Le comité d’évaluation avait communiqué avec M. Nason, et ce dernier avait donné suite à l’appel reçu. Le comité d’évaluation se devait d’essayer à nouveau de le joindre et aurait dû tenir un registre exact des dates auxquelles il a tenté de communiquer avec lui. Dans un courriel que M. Nason a envoyé à la plaignante en avril 2007, celui‑ci indique qu’une femme nommée Melanie lui a laissé un message et qu’il l’a rappelée.

32 La plaignante soutient en outre que la décision du comité d’évaluation de demander des références à Ginette Jaques et de se fonder sur celles‑ci constitue un abus de pouvoir. L’ARHC, Mme Meade, s’est trompée lorsqu’elle a fourni au comité d’évaluation le nom de Ginette Jaques comme répondante possible pour la plaignante. Le comité n’a jamais obtenu le consentement de la plaignante pour demander des références à Mme Jaques. De plus, le document de la Commission de la fonction publique (CFP) intitulé « La vérification des références : Regard sur le passé » contient le passage suivant : « [M]ême dans le cas où le consentement du candidat n’est pas requis, on suggère de le lui demander quand même par courtoisie. »

33 Mme Jaques aurait dû avertir le comité d’évaluation qu’elle n’était pas bien placée pour fournir des références à l’égard de la plaignante. Or, elle a fourni des références en sachant pertinemment que ces renseignements nuiraient à la candidature de Mme Dionne. Compte tenu des renseignements fournis, Mme Denis aurait dû savoir que quelque chose clochait. Tout membre d’un comité d’évaluation expérimenté et ayant reçu une formation appropriée aurait su que Mme Jaques ne pouvait pas faire office de répondante pour la plaignante.

34 Mme Denis a omis de poser à Mme Jaques ou au major Willis des questions de suivi pour obtenir des exemples précis à l’appui de leurs affirmations et opinions. Les réponses fournies par Mme Jaques ne portaient pas sur le rendement au travail de la plaignante.

35 À l’appui de son point de vue, le représentant de la plaignante a fait de nouveau référence au document intitulé « La vérification des références : Regard sur le passé ». Dans ce document, à la rubrique « Collecte de l’information », on précise les deux lignes directrices suivantes : premièrement, « [n]e laissez pas les opinions prendre la place des faits et des exemples [...] Notez quand même les opinions, mais revenez aux observations, aux faits et aux incidents précis sur lesquels elles s’appuient »; deuxièmement, « [p]renez autant de notes que vous le pouvez ». En l’espèce, Mme Denis n’a obtenu aucun exemple précis et elle n’a pas pris en note beaucoup de renseignements.

36 La plaignante soutient également que Mme Lang n’a pas respecté les lignes directrices de la CFP en matière de discussions informelles, étant donné qu’elle n’a accepté aucune affirmation ni aucun renseignement présenté par Mme Dionne au cours de cette discussion.

37 Enfin, la plaignante soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir en choisissant un comité inexpérimenté pour effectuer l’évaluation. À son avis, il est clair que les membres du comité d’évaluation manquaient d’expérience et de formation. Pour Mme Denis et M. Mantle, la participation à un comité d’évaluation constituait une possibilité de perfectionnement; aucun d’entre eux ne possédait d’expérience à cet égard. Bien que Mme Meade ait indiqué qu’elle avait offert une formation aux membres du comité, Mme Denis a affirmé que le comité d’évaluation n’avait reçu aucune formation. Lorsque Mme Denis a obtenu des réponses négatives auprès des répondants au cours de la vérification des références, elle n’a demandé aucune précision ni aucun exemple. Selon la plaignante, cette absence de suivi témoigne du manque d’expérience de cette personne. En outre, les membres du comité ont détruit leurs notes après la transcription. Ils ont pris des notes concernant les décisions ayant fait l’objet d’un consensus après les entrevues, puis ont détruit leurs notes initiales. Ils ont également détruit les notes prises par Mme Denis au cours de la vérification des références.

38 À l’appui de son argumentation, le représentant de la plaignante fait référence à 16 décisions de comités d’appel qui ont été rendues sous le régime de l’ancienne LEFP.

B) Argumentation de l’intimé

39 L’intimé fait remarquer que c’est la plaignante qui avait fourni le nom du major Willis à titre de répondant. Le major Willis a rencontré Mme Denis pour lui fournir des références et il a indiqué que la plaignante avait eu des difficultés avec sa superviseure et ses collègues. Il a également affirmé que la plaignante se tenait sur la défensive. Mme Denis a tenté en vain d’obtenir de plus amples renseignements auprès du major Willis. Aucun élément de preuve n’indique que les renseignements fournis par le major Willis ont été modifiés de quelque façon que ce soit par le comité d’évaluation.

40 Mme Denis a indiqué qu’elle avait tenté de joindre M. Nason à trois reprises, sans toutefois réussir à lui parler directement. Elle a présenté en preuve son registre téléphonique, sur lequel ne figurait aucune trace d’appel provenant de M. Nason. Ce dernier a affirmé qu’il travaillait alors à deux bureaux différents et qu’il recevait 30 appels et 100 courriels par jour. M. Nason a bien reçu un appel téléphonique au sujet d’une demande de références. L’intimé estime qu’il est fort probable que M. Nason ait reçu l’appel, mais qu’il n’y ait pas donné suite. Compte tenu des circonstances, le comité d’évaluation a demandé à l’ARHC des conseils sur la façon de procéder et c’est ainsi qu’il a obtenu le nom de Mme Jaques.

41 La plaignante n’a pas prouvé que l’intimé a abusé de son pouvoir en demandant des références à Mme Jaques. Le comité d’évaluation n’a fait preuve d’aucune mauvaise volonté; il ne savait tout simplement pas qu’il y avait de l’animosité entre Mme Jaques et la plaignante. Après avoir obtenu ces références, les membres du comité d’évaluation disposaient de suffisamment d’information pour évaluer la plaignante, ce qu’ils ont d’ailleurs fait.

42 Le comité d’évaluation n’était pas tenu d’obtenir le consentement de la plaignante pour demander des références à Mme Jaques. Les lignes directrices de la CFP à cet égard sont claires : le comité d’évaluation n’a pas besoin de demander le consentement des candidats. Mme Dionne n’a pas indiqué au comité de ne pas communiquer avec Mme Jaques et ne lui a pas révélé qu’elle avait déposé un grief à l’encontre de cette dernière. Selon l’intimé, Mme Jaques a essentiellement corroboré les renseignements que le major Willis avait déjà fournis au comité.

43 À l’appui de son point de vue, l’intimé fait référence à la décision rendue par le Tribunal dans l’affaire Oddie c. le Sous-ministre de la Défense nationale, [2007] TDFP 0030, dans laquelle le Tribunal a jugé que son rôle était d’examiner le processus choisi par l’administrateur général pour veiller à ce qu’il n’y ait pas d’abus de pouvoir, non pas de mener un nouveau processus de nomination.

44 En ce qui a trait à l’allégation de la plaignante selon laquelle le comité d’évaluation aurait dû corriger ses erreurs durant la discussion informelle, l’intimé indique que le résultat de la discussion informelle ne constitue pas un motif de plainte aux termes de l’article 77 de la LEFP. Mme Lang a rencontré la plaignante et lui a donné l’occasion de discuter de ses préoccupations. Mme Dionne n’a pas accepté l’explication qui lui a été fournie et elle a demandé que le comité examine de nouveaux renseignements. Le comité a refusé car il estimait que son évaluation avait été appropriée.

45 Pour ce qui est de la compétence et de la formation du comité d’évaluation, il n’existe aucune exigence particulière quant à la formation des membres d’un comité d’évaluation. Celui‑ci doit agir de bonne foi, sans faire preuve de favoritisme personnel, et il doit veiller à ce que les personnes nommées possèdent les qualifications essentielles pour le poste. Les membres du comité collaboraient avec l’ARHC et lui ont demandé des conseils. Ils ont également établi un cadre d’évaluation qu’ils ont ensuite appliqué de façon uniforme. Les membres du comité avaient décidé d’évaluer les candidats, puis d’atteindre un consensus à cet égard et de consigner ensuite le tout. Après avoir appliqué cette procédure, ils ont détruit leurs notes individuelles. Il ne s’agissait pas de mauvaise foi de leur part. Mme Lang a recopié les notes relatives à la vérification des références, étant donné que le comité avait évalué d’autres qualifications de la plaignante et qu’il estimait qu’il ne serait pas approprié de diffuser celles‑ci après le rejet de la candidature de Mme Dionne.

Argumentation de la Commission de la fonction publique

46 La CFP n’a pas comparu à l’audience. Comme elle l’a fait dans des plaintes antérieures, la CFP a présenté des arguments écrits généraux portant sur la notion d’abus de pouvoir et sur la façon dont le Tribunal devrait aborder cette question.

47 En ce qui a trait à l’utilisation de références non fournies par la plaignante, la CFP cite son document intitulé « La vérification des références : Regard sur le passé ». Selon la CFP, ce document indique que, si la vérification sert à évaluer une qualité autre que la fiabilité ou la sécurité, « le consentement n’est pas nécessaire pour communiquer avec les répondants de la fonction publique ».

48 La CFP est également d’avis que le document susmentionné n’interdit pas de communiquer avec un répondant qui est en situation de conflit avec le candidat. Toutefois, il indique que le comité ne doit pas « accord[er] d’importance excessive à des incidents isolés; [il ne faut retenir] que la structure de la preuve ».

Analyse

49 La plaignante soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’évaluation du critère de l’entregent pour les raisons suivantes : a) il a mal interprété les commentaires formulés par le major Willis; b) il n’a pas communiqué avec M. Nason; c) il a demandé des références à Ginette Jaques; d) il a formé un comité d’évaluation constitué de personnes inexpérimentées.

50 La vérification des références est une méthode couramment utilisée pour obtenir des renseignements au sujet du rendement antérieur d’un candidat et de ses réalisations afin d’évaluer les qualités personnelles de ce dernier pour le poste à doter. Selon le document de la CFP intitulé « La vérification des références : Regard sur le passé », l’information obtenue « doit être reliée aux qualités à évaluer et doit présenter une évaluation juste des qualités des candidats ». Bien que les candidats puissent donner le nom de superviseurs ou de collègues qui sont susceptibles de fournir des références positives, l’objectif de la vérification des références est d’obtenir des renseignements précis et pertinents au sujet d’un candidat, que ceux‑ci soient positifs ou négatifs.

51 Mme Denis a d’abord vérifié les références auprès du major Willis. Les renseignements pris en note par Mme Denis à cet égard indiquent que Mme Dionne avait eu des difficultés avec ses collègues et avec un superviseur. Toujours selon les notes, la plaignante se tenait sur la défensive dans des situations de confrontation et avait tendance à expliquer les raisons entourant la situation. Mme Denis a affirmé qu’elle avait demandé au major Willis de fournir d’autres renseignements ou des exemples, mais que ce dernier avait été réticent à fournir des renseignements supplémentaires. Le major Willis a affirmé que les notes prises par Mme Denis reproduisaient fidèlement les propos qu’il avait tenus. En ce qui a trait à la deuxième question qu’on lui a posée, le major Willis a indiqué qu’il ne se rappelait pas s’il avait employé les mots exacts qui figuraient dans le document, mais que les notes traduisaient bien la réponse qu’il avait fournie à cette question. Aucun élément de preuve présenté à l’audience ne conteste cette affirmation. Par conséquent, le Tribunal estime que l’allégation de la plaignante selon laquelle le comité d’évaluation a mal interprété les commentaires du major Willis n’est pas fondée.

52 Étant donné que les membres du comité d’évaluation ont établi que les commentaires recueillis étaient négatifs, ils ont tenté d’obtenir des références auprès de M. Nason, la deuxième personne que la plaignante avait nommée comme répondant. Mme Denis a affirmé avoir tenté de communiquer avec lui à trois reprises, mais elle n’a pas été en mesure de le joindre et elle lui a donc laissé un message sur sa boîte vocale. Elle n’a toutefois reçu aucun appel de sa part. D’ailleurs, son registre téléphonique pour la période visée n’indique aucun message provenant de M. Nason.

53 M. Nason a affirmé avoir reçu un message sur sa boîte vocale au sujet de références à l’égard de Mme Dionne et avoir rappelé la personne en question, même s’il ne pouvait fournir aucun détail supplémentaire. Il a également expliqué à quel point son emploi du temps était chargé à cette époque. Il occupait alors deux bureaux et avait trois lignes téléphoniques, outre le fait qu’il recevait beaucoup de courriels.

54 Le Tribunal accepte la preuve de Mme Denis selon laquelle elle a tenté de communiquer avec M. Nason à au moins trois reprises. Le Tribunal est d’avis que le comité d’évaluation a déployé des efforts raisonnables pour communiquer avec ce répondant.

55 En ce qui a trait au bien-fondé de la décision de demander des références à Mme Jaques, la plaignante n’a pas réussi à démontrer que le comité d’évaluation s’était trompé. Bien qu’il soit préférable d’obtenir le consentement des candidats, il n’existe aucune exigence à cet égard sur le plan légal, pas plus que les lignes directrices de la CFP sur la vérification des références n’exigent le consentement des candidats lorsque le répondant provient d’une institution fédérale. L’important est de consulter un répondant qui connaît bien le travail accompli par le candidat et qui peut fournir suffisamment d’information pour permettre au comité d’évaluer de façon appropriée les qualifications de ce dernier.

56 En l’espèce, Mme Jaques a supervisé la plaignante pendant neuf ou dix mois dans un contexte où elles étaient les deux seules employées du bureau. Mme Jaques connaissait donc très bien le rendement de la plaignante. Elle a reconnu que leur relation était tendue, ce qui ne signifie toutefois pas qu’elle n’était pas en mesure de fournir des renseignements pertinents au comité d’évaluation. D’ailleurs, le document de la CFP fourni par la plaignante contient la suggestion suivante : « Adressez‑vous également à des personnes qui ne sont pas sur la liste de références du candidat. Vous éviterez ainsi de ne parler qu’à des gens ayant des rapports “amicaux” avec celui‑ci. »

57 Le Tribunal estime également que le comité d’évaluation ignorait que la plaignante avait déposé un grief au sujet de la rémunération d’intérim à l’encontre de Mme Jaques. Or, même si cette dernière en avait informé le comité d’évaluation, celui‑ci aurait quand même pu se servir des références fournies par Mme Jaques.

58 Le Tribunal estime qu’il n’existe aucune preuve d’abus de pouvoir dans la décision du comité d’évaluation de demander des références à Ginette Jaques. Au contraire, le Tribunal estime que le comité d’évaluation a agi de façon appropriée lorsqu’il a communiqué avec l’ARHC et a suivi la suggestion de cette dernière qui consistait à communiquer avec une ancienne superviseure, Mme Jaques. Dans les circonstances, le comité d’évaluation n’avait aucune obligation d’obtenir le consentement préalable de la plaignante pour demander des références à Mme Jaques.

59 Quant à la question de la compétence du comité d’évaluation, le Tribunal a abordé cette question dans la décision Sampert et al. c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2008] TDFP 0009 :

[53] Aucune disposition de la LEFP n’oblige les administrateurs généraux à constituer un comité d’évaluation ni à faire en sorte que celui‑ci soit composé d’une certaine façon (par exemple à s’assurer de la présence d’un agent des ressources humaines au sein du comité). La question de savoir si un comité d’évaluation est composé de façon appropriée ou non est une question de fait qui dépend de la plainte présentée et des éléments de preuve produits à l’audience.

[54] Les personnes qui effectuent l’évaluation doivent bien connaître les fonctions du poste à doter et, dans le cas d’un processus de nomination annoncé, ne doivent avoir aucune idée préconçue quant à la personne qui devrait être nommée. Dans certains cas, les gestionnaires peuvent décider de mener l’évaluation de façon individuelle, tandis que dans d’autres cas, ils peuvent demander à une personne provenant d’un autre ministère ou d’un autre secteur du ministère et qui possède une expertise particulière de participer à l’évaluation à titre de membre du comité.

60 En l’espèce, les membres du comité d’évaluation ont été choisis parmi le personnel de trois directions de l’Académie. Mme Lang possédait une vaste expérience de la fonction de présidence sous le régime de l’ancienne LEFP et elle avait suivi une formation portant sur la nouvelle LEFP. Mme Denis avait été membre d’un comité d’évaluation sous le régime de l’ancienne LEFP et elle avait également suivi une formation sur la nouvelle LEFP en tant qu’employée. Enfin, le superviseur de Craig Mantle avait demandé à ce dernier de faire partie du comité car il s’agissait d’une possibilité de perfectionnement professionnel pour lui. Tous les membres du comité occupaient un poste de la catégorie des services administratifs. M. Mantle n’avait pas la responsabilité de vérifier les références de la plaignante; c’est Mme Denis qui était chargée de le faire.

61 Le comité d’évaluation était conseillé par Mme Meade, qui a affirmé qu’elle possédait 20 ans d’expérience à titre de conseillère en ressources humaines. Elle a également indiqué qu’elle avait fourni des conseils au comité tout au long du processus et qu’elle avait examiné tous les documents liés au processus de nomination. Le témoignage de Mme Lang corrobore d’ailleurs cette preuve. Le Tribunal est d’avis que Mme Meade a participé activement au processus en fournissant des conseils au comité d’évaluation.

62 Le Tribunal estime que le comité d’évaluation recevait les conseils d’une conseillère en ressources humaines chevronnée et qu’il possédait suffisamment d’expérience et de formation pour évaluer la plaignante de façon appropriée. Même si la plaignante avait réussi à prouver que le comité d’évaluation manquait d’expérience, aucun élément de preuve indiquant que l’évaluation de la plaignante était inappropriée n’a été fourni pour étayer la plainte d’abus de pouvoir.

63 Enfin, la plaignante a exprimé des préoccupations au sujet de la discussion informelle. Elle soutient que Mme Lang ne s’est pas conformée aux lignes directrices de la CFP sur les discussions informelles, car elle a omis de tenir compte de renseignements liés à l’évaluation de Mme Dionne et d’en discuter.

64 La discussion informelle fait partie intégrante du processus de nomination et constitue une occasion très importante permettant qu’un dialogue efficace ait lieu entre un candidat dont la candidature a été éliminée d’un processus de nomination et la personne qui a pris cette décision. Le Tribunal a traité de l’objectif de la discussion informelle dans la décision Rozka et al. c. le Sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al., [2007] TDFP 0046 :

[76] La discussion informelle est un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d’un processus. Si l’on découvre qu’une erreur a été faite, par exemple si le comité d’évaluation a omis de tenir compte de certains renseignements figurant dans la demande d’emploi du candidat, la discussion informelle donne l’occasion au gestionnaire de corriger son erreur. Toutefois, la discussion informelle ne doit pas constituer un mécanisme permettant de demander que le comité d’évaluation réévalue les qualifications d’un candidat.

65 En l’espèce, la plaignante a rencontré Mme Lang dans le cadre d’une discussion informelle en novembre 2006. Mme Lang a indiqué qu’elle avait présenté à la plaignante la justification du comité en ce qui a trait au rejet de sa candidature et qu’elle avait permis à la plaignante d’exprimer son opinion. Mme Dionne estimait que le comité avait commis une erreur en demandant à Mme Jaques de fournir des références. Toutefois, le comité était convaincu de n’avoir commis aucune erreur au cours de cette évaluation et croyait qu’il possédait suffisamment de renseignements pour évaluer la plaignante sans avoir à obtenir d’autres références. Comme il estime que le comité ne s’est pas trompé en demandant des références à Mme Jaques, le Tribunal ne peut pas conclure qu’il y a eu abus de pouvoir en l’espèce.

66 Enfin, bien que le Tribunal n’estime pas que la procédure suivie par le comité d’évaluation en ce qui a trait aux notes constitue un abus de pouvoir, il souhaite souligner que deux aspects de cette situation sont préoccupants. Premièrement, Mme Denis aurait dû prendre des notes plus exhaustives pendant la vérification des références. Le Tribunal estime que Mme Denis a fait des efforts pour demander des exemples au major Willis, mais, si ses notes avaient été plus complètes, elle aurait disposé de plus de preuve à l’appui. De plus, le fait d’avoir des notes exhaustives à examiner au cours de la discussion informelle avec les candidats qui n’ont pas été retenus peut permettre d’apaiser des préoccupations comme celles qui ont été exprimées par Mme Dionne en l’espèce. Dans le cadre de la décision qu’il a rendue récemment en ce qui a trait à l’affaire Hammond‑Hickey et al. c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2008] TDFP 0008, le Tribunal a indiqué ce qui suit :

[17] Les notes inscrites par le comité d’évaluation sur les feuilles de correction sommaire des plaignants sont si brèves qu’elles présentent peu d’intérêt. Un compte rendu plus complet de la discussion et des décisions du comité d’évaluation se serait certainement avéré plus utile aux fins de l’examen des plaintes en l’espèce. Il s’agit non seulement d’une bonne habitude à prendre, compte tenu du grand pouvoir discrétionnaire que confère le système de dotation actuel, mais il est aussi très important que les décisions prises puissent être expliquées dans le détail, parfois plusieurs semaines, voire plusieurs mois, après les faits.

67 Deuxièmement, l’autre aspect problématique de la procédure relative aux notes a trait à la décision du comité d’évaluation de recopier certaines parties des notes et de détruire ensuite celles qui ont été prises par les membres du comité d’évaluation de façon individuelle. Mme Lang a indiqué dans son témoignage que le comité d’évaluation avait décidé de produire des notes faisant état du consensus obtenu après les entrevues, puis de détruire les notes individuelles prises par chacun des membres du comité d’évaluation. Il est important de conserver les notes faisant état du consensus, mais il est également préférable de conserver toutes les notes utilisées dans l’évaluation des candidats. Il s’agit non seulement d’une bonne pratique mais également d’une procédure qui permet d’éviter les soupçons qui pourraient découler de la destruction des notes.

68 De la même façon, il est préférable de ne pas recopier les notes. En l’espèce, Mme Lang avait recopié les notes prises par Mme Denis au cours de la vérification des références. Compte tenu du témoignage de Mme Denis, lequel a été corroboré par celui du major Willis, le Tribunal est convaincu que Mme Lang a transcrit de façon exacte les passages pertinents des notes de Mme Denis. Mme Lang a également affirmé que le comité avait coté d’autres qualités personnelles de la plaignante et qu’il ne croyait pas qu’il était approprié de diffuser ces cotes. Les notes recopiées portaient donc uniquement sur l’évaluation du critère relatif à l’entregent pour Mme Dionne. Bien que l’évaluation des autres qualifications ne fasse pas l’objet d’une question en litige en l’espèce, les circonstances entourant la vérification des références de Mme Dionne sont des aspects très importants en ce qui a trait aux plaintes; en fait, il s’agit même de l’aspect central des plaintes présentées. Le Tribunal a été en mesure de rendre sa décision en fonction de la preuve produite à l’audience, mais il n’en demeure pas moins que les notes prises par Mme Denis au cours de la vérification des références auraient dû être conservées. Outre le témoignage oral, un document original présenté par son auteur constitue le type de preuve documentaire le plus convaincant qui puisse être présenté à un tribunal administratif.

Décision

69 Pour tous ces motifs, les plaintes sont rejetées.

Helen Barkley

Membre

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2007-0072, 0073 et 0401
Intitulé de la cause:
Marie Dionne et le Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Audience:
Les 4 et 5 décembre 2007
Kingston (Ontario)
Date des motifs:
Le 12 mai 2008

Comparutions:

Pour le plaignant:
Roger Dodier
Pour l'intimé:
Sean F. Kelley
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
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