Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a formulé des allégations d’abus de pouvoir à l’encontre de l’intimé au motif que celui-ci aurait fait preuve de favoritisme personnel à l’égard de l’une des candidates retenues et que les capacités de la plaignante n’auraient pas été évaluées par la vérification des références demandées. Elle a déclaré d’autre part que l’intimé avait affiché un parti pris à son encontre en raison d’un conflit entre elle et le gestionnaire. L’intimé a soutenu qu’il n’y avait aucune preuve de favoritisme personnel et qu’une conseillère en ressources humaines avait pris part à toutes les étapes du processus. Il a ajouté que la plaignante avait été évaluée de la même façon que les autres candidates; qu’il était courant de demander des références aux fins de vérification de la réponse d’un candidat, mais que la gestionnaire n’était pas tenue de communiquer avec le répondant si elle estimait avoir obtenu suffisamment d’information. Décision : Le Tribunal a estimé qu’il n’existait pas suffisamment d’éléments de preuve démontrant que a candidate reçue l’avait été par favoritisme personnel. En ce qui a trait à l’existence d’une relation personnelle entre la candidate retenue et la gestionnaire, les éléments de preuve ont fait ressortir que celles-ci étaient souvent ensemble au travail, ce qui porte à croire qu’elles s’entendaient bien. Il n’y avait pas de preuve démontrant un favoritisme personnel au profit de la candidate reçue du fait que cette dernière avait obtenu la responsabilité de deux séances de réflexion à l’extérieur. En ce qui concerne l’argument selon lequel la gestionnaire aurait mené toute seule près de la totalité du processus de nomination, le Tribunal a estimé que celle-ci avait décidé de préparer les outils d’évaluation avec l’aide de sa conseillère en ressources humaines et que les entrevues avaient été menées en présence de deux autres membres du comité d’évaluation. La gestionnaire avait même obtenu d’abord l’opinion de ces membres sur les réponses de la plaignante avant de formuler elle-même ses commentaires. Le Tribunal a conclu qu’il n’y avait aucune preuve d’abus de pouvoir au motif de favoritisme personnel. Le comité d’évaluation avait fourni une explication raisonnable à l’appui de son évaluation de la plaignante. Il n’y avait donc aucune raison de conclure que l’évaluation de la plaignante avait été teintée de parti pris. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2007-0254
Rendue à:
Ottawa, le 11 juillet 2008

EMILIJA CHAREST
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE RESSOURCES HUMAINES ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pourvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sure l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Helen Barkley, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Charest c. Sous-ministre de Ressources humaines et Développement social Canada et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0019

Motifs de la décision

Introduction

1 Emilija Charest a participé à un processus de nomination annoncé visant la dotation d’un poste de conseiller principal, Comités exécutifs, (AS-05) au ministère des Ressources humaines et du Développement social (RHDSC), à Gatineau (Québec). La plaignante soutient que l’intimé, l’administrateur général de RHDSC, a abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’égard de l’une des candidates retenues et en affichant un parti pris à l’encontre de la plaignante au moment de l’évaluation des capacités de cette dernière.

Contexte

2 La plaignante a commencé à travailler pour RHDSC en 1999 et elle a obtenu le statut d’employée pour une durée indéterminée en 2002. En novembre 2005, elle est arrivée au Secrétariat ministériel et a commencé à exercer les fonctions de conseillère principale (AS-05) à titre intérimaire. C’est Carole Lafontaine, gestionnaire, Comités exécutifs, qui a embauché la plaignante au Secrétariat, au moyen d’une affectation.

3 Un processus de nomination annoncé a été mené aux fins de la dotation de deux postes vacants et de l’établissement d’un bassin de postes de conseiller principal. Deux candidates, Natalie Bélanger et Michelle Légaré, ont été proposées en vue d’une nomination. Au cours du processus d’évaluation, il a été établi que la plaignante ne possédait pas la qualification essentielle « capacité de gérer son temps » [Traduction]. Le 5 juin 2007, Mme Charest a présenté une plainte en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, art. 12 et 13 (la LEFP).

Questions en litige

4 Pour régler cette plainte, le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’égard de Mme Bélanger dans le processus de nomination?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation des capacités de Mme Charest?

Résumé des éléments de preuve pertinents

5 La plaignante a affirmé être entrée en conflit avec sa superviseure, Mme Lafontaine, entre juin et août 2006. Mme Lafontaine avait demandé à la plaignante de former Mme Bélanger, qui occupait également un poste de conseillère principale à titre intérimaire, et de réviser tous les documents relatifs aux comités exécutifs. La plaignante a alors réfléchi à cette demande, puis elle a refusé d’effectuer la révision, car elle estimait que cette tâche ne faisait pas partie de sa description de travail. Selon la plaignante, Mme Lafontaine lui aurait dit qu’elle faisait preuve d’insubordination. La plaignante a rencontré le directeur général ainsi que le sous‑ministre adjoint pour confirmer qu’elle n’était pas tenue de réviser les documents.

6 La plaignante a indiqué avoir révisé certains documents produits par Mme Bélanger. Les deux femmes ont assisté à des réunions des comités exécutifs ensemble, après quoi la plaignante a formulé des suggestions au sujet des éléments qu’il convenait de mettre en évidence dans le rapport de décisions. Toutefois, elle a refusé de corriger les erreurs de grammaire et d’orthographe de Mme Bélanger.

7 La plaignante a déclaré qu’à partir de ce moment Mme Lafontaine a commencé à la traiter différemment. Par exemple, on ne lui a pas adjoint de coordonnateur principal pour l’aider dans ses tâches relatives aux comités exécutifs.

8 Une allégation a également été faite selon laquelle Mme Bélanger aurait fait l’objet de favoritisme lorsqu’elle s’est vu offrir la coordination de deux séances de réflexion à l’extérieur du bureau à l’été 2006. La plaignante n’a pas eu cette possibilité.

9 Le processus de nomination a été annoncé en octobre 2006. Mme Lafontaine, gestionnaire délégataire, a déclaré qu’elle avait décidé de mener un processus annoncé pour doter le poste de conseiller principal, étant donné le taux de roulement élevé dans l’unité. Elle espérait également établir un bassin de candidats qualifiés. La personne occupant le poste de conseiller principal est chargée de la coordination générale des réunions des comités auxquels participent le sous‑ministre et les sous‑ministres adjoints (SMA). Les conseillers principaux doivent confirmer les points à l’ordre du jour et l’heure des réunions, assurer le suivi auprès des conférenciers, assister aux réunions, prendre des notes et assurer la diffusion des rapports de décisions.

10 Mme Lafontaine a expliqué qu’elle avait collaboré étroitement avec sa conseillère en ressources humaines, Shalla Askari-Farahani, pour mener le processus de nomination. Mme Askari-Farahani a effectué la présélection initiale des candidats en fonction de la zone de sélection, après quoi Mme Lafontaine a évalué les candidatures sur la base des études et de l’expérience. Mme Lafontaine a préparé un examen écrit et a décidé de procéder à des entrevues. Pour élaborer les questions, elle a travaillé en étroite collaboration avec Mme Askari-Farahani, qui lui a prêté un classeur contenant des exemples de questions relatives à l’évaluation des capacités. La question d’entrevue qui servait à évaluer la « capacité de gérer son temps » [Traduction] était tirée de ce document. Après la mise au point des outils d’évaluation, ceux‑ci ont été soumis à l’examen de Mme Askari-Farahani.

11 La plaignante a affirmé qu’elle avait exercé les fonctions de conseiller principal pendant environ un an avant de présenter sa candidature à ce processus de nomination annoncé. Elle estimait posséder toutes les qualifications requises pour que sa candidature soit retenue. L’une de ses collègues, Mme Bélanger, l’avait informée qu’elle croyait que la plaignante et elle‑même seraient les candidates retenues.

12      La plaignante a affirmé que Mme Bélanger en savait davantage au sujet du processus de nomination que les deux autres candidates internes, soit Louise Desjardins et elle‑même. De fait, Mme Belanger les avaient informées de la date de l’examen écrit, de la composition du comité d’évaluation et du fait qu’il existait une quatrième candidate, Michelle Légaré, dont l’examen écrit avait été reporté en raison de ses vacances.

13 Mme Desjardins, qui figurait aussi parmi les candidates du processus de nomination, a affirmé que la plaignante, Mme Bélanger et elle‑même avaient présenté leur candidature pour le poste de conseiller principal. Mme Bélanger a informé les deux autres candidates de la date de l’examen écrit. Ni la plaignante ni Mme Desjardins n’en avaient été avisées.

14 De la même façon, Mme Bélanger leur a annoncé qui devait faire partie du comité d’évaluation.

15 Mme Desjardins a ajouté que Mmes Bélanger et Lafontaine étaient souvent ensemble.

16 En février 2007, la plaignante a accepté une affectation aux Affaires du Cabinet, dans une autre direction générale de RHDSC. La plaignante se plaisait dans cette affectation et espérait faire partie du bassin de postes de conseiller principal (AS-05) afin de pouvoir ensuite être mutée aux Affaires du Cabinet.

17 Peu avant son entrevue, la plaignante a rencontré Zdenka Custic qui travaillait au bureau du SMA, Ressources humaines. La plaignante a affirmé à Mme Custic qu’elle ne travaillait plus aux Comités exécutifs et que son ancienne gestionnaire, Mme Lafontaine, « n’avait qu’à se débrouiller toute seule » [Traduction]. La plaignante a été informée peu de temps après que Mme Custic ferait partie des membres du comité d’évaluation. La plaignante a immédiatement communiqué avec Mme Askari-Farahani pour l’aviser de l’existence de conflits entre sa famille et celle de Mme Custic, ce qui l’amenait à douter de l’objectivité de cette dernière.

18 Mme Askari-Farahani a informé Mme Lafontaine de cette situation et du fait que la plaignante était mal à l’aise de savoir que Mme Custic ferait partie du comité d’évaluation. Mme Lafontaine a immédiatement remplacé Mme Custic par Suzanne Laviolette, adjointe exécutive, Cabinet du sous‑ministre. Mme Lafontaine a indiqué qu’elle invitait généralement trois membres du comité, notamment un conseiller en ressources humaines, à participer aux entrevues, de façon à ce que les réponses soient bien prises en note et que le processus soit équitable.

19 L’entrevue comportait quatre questions, dont une pour évaluer la capacité de gérer son temps. Les candidates ont reçu les questions 30 minutes avant l’entrevue et pouvaient apporter des notes. Pour ce qui est de la quatrième question, les candidats devaient démontrer leur capacité de gérer leur temps tout en respectant des échéances serrées, étant donné qu’il s’agit d’une facette du poste de conseiller principal, Comités exécutifs.

20 La question visant à évaluer la capacité de gérer son temps était la suivante :

Veuillez décrire une situation où vous avez eu à gérer plusieurs demandes de service en respectant des échéances très serrées. Comment avez‑vous réussi à gérer ces demandes et à les terminer dans le délai fixé?

Veuillez fournir le nom d’un répondant qui pourra confirmer la réponse.

[Traduction]

21 Mme Charest a affirmé que sa réponse à cette question a été consignée seulement en partie par le comité d’évaluation. Les membres du comité lui ont indiqué qu’elle n’avait mentionné qu’un seul délai, alors qu’elle a en réalité expliqué que le projet comportait un délai d’exécution étalé sur deux ans en plus de décrire le projet pilote d’un an. La plaignante a également affirmé qu’elle devait respecter des délais quotidiens. Il semble que le comité n’ait pas apprécié son exemple, qui portait sur un projet auquel Mme Lafontaine et elle‑même avaient collaboré. La première fois où elle a discuté de cette question après l’élimination de sa candidature, un des membres du comité lui a expliqué qu’elle avait échoué parce qu’elle avait décrit un projet de deux ans. Au cours d’une deuxième discussion, on lui a plutôt indiqué que c’était parce qu’elle avait décrit un projet de groupe plutôt qu’un projet individuel.

22 Mme Lafontaine a indiqué que la réponse fournie par Mme Charest à la quatrième question consistait en la description d’un projet de grande envergure se déroulant sur deux ans ainsi que des divers volets du projet, dont la correspondance, la coordination et la documentation. Toutefois, la plaignante n’a pas démontré comment elle avait réussi à respecter ses délais et quel était son rôle dans le projet, pas plus qu’elle n’a expliqué comment elle avait géré son temps. On lui a posé une question à ce sujet à deux reprises. Elle a d’abord répondu qu’il y avait des échéances à respecter chaque jour, et que le projet avait été terminé dans un délai de deux ans.

23 Après l’entrevue, les trois membres du comité d’évaluation ont discuté de la réponse de la plaignante à cette question. Mme Lafontaine a pris la peine de laisser les autres membres du comité s’exprimer en premier. Mme Lafontaine avait été informée (par Mme Bélanger) que Mme Charest avait affirmé qu’en cas de rejet de sa candidature il y aurait un sérieux grief.

24 Mme Askari-Farahani a affirmé qu’à son avis la réponse fournie par Mme Charest à la question 4 n’était pas pertinente. Dans son témoignage, Mme Laviolette a indiqué qu’elle souscrivait à cette affirmation. Les membres du comité ont pris le temps d’examiner la réponse à nouveau pour s’assurer de n’avoir rien oublié. Mme Lafontaine a déclaré qu’elle avait été très surprise de la réponse de la plaignante, étant donné que cette dernière occupait le poste à titre intérimaire depuis un certain temps et qu’elle connaissait bien les fonctions qui s’y rattachaient.

25 Bien que l’on ait demandé aux candidates le nom d’un répondant pour vérifier leurs réponses à l’entrevue, Mme Lafontaine a expliqué que les membres du comité ne s’étaient en aucun temps adressés aux répondants pour vérifier les réponses, car cette procédure ne faisait pas partie du processus d’évaluation. À son avis, il n’était pas nécessaire de communiquer avec les répondants pour corroborer les réponses des candidates.

26 Mme Askari-Farahani a déclaré qu’elle avait occupé le poste de conseillère en ressources humaines au sein de RHDSC de novembre 2005 à novembre 2007. À ce titre, elle a examiné le guide de cotation élaboré par Mme Lafontaine aux fins de l’évaluation de toutes les qualifications. Elle a également fourni des outils à Mme Lafontaine, notamment un classeur contenant des définitions et des éléments de réponse attendus pour certaines capacités, de même que des exemples de questions. L’autre membre du comité responsable des entrevues, Mme Laviolette, n’avait rien préparé.

27 Avant l’entrevue, la plaignante a communiqué avec Mme Askari-Farahani. Cette dernière ne savait pas comment la plaignante avait appris que Mme Custic devait faire partie du comité d’évaluation, puisque seules son adjointe, Mme Lafontaine et elle‑même étaient au courant. Toutefois, au cours du contre-interrogatoire elle a affirmé qu’elle aurait accepté de communiquer ce renseignement aux candidats, puisqu’il ne conférait aucun avantage.

28 Mme Askari-Farahani faisait partie du comité d’évaluation, mais seulement à titre d’observatrice. Elle a toutefois indiqué qu’elle avait formulé des commentaires au sujet de l’évaluation, bien qu’elle n’ait pas participé à la notation des candidats. En ce qui a trait à la réponse fournie par Mme Charest à la quatrième question d’entrevue, Mme Askari-Farahani a affirmé que la plaignante s’était écartée du sujet et qu’il était impossible de lui donner la note de passage, étant donné qu’elle n’avait pas répondu à la question posée.

29 Mme Askari-Farahani a confirmé qu’il était fréquent qu’un membre du comité d’évaluation fournisse des références à l’égard d’un candidat. Elle a confirmé que Mme Lafontaine avait évalué toutes les références des candidats et que la plupart des répondants les avaient fournies par courriel. Même si Mme Lafontaine fournissait des références pour l’un des candidats, elle devait tout de même suivre le guide de cotation établi. En ce qui a trait à Mme Bélanger, Mme Lafontaine a fourni les références et l’évaluation par écrit.

30 Mme Lafontaine a reconnu qu’il y avait eu un différend entre elle et Mme Charest à l’été 2006, mais que celui‑ci avait été réglé. Elle estimait que leur relation de travail était bonne.

31 Mme Lafontaine avait présenté deux demandes à la plaignante, qui possédait de bonnes compétences en rédaction et en révision. Mme Lafontaine lui avait demandé si elle accepterait d’examiner tous les rapports de décisions pour veiller à ce qu’ils soient de grande qualité. Elle croyait que la plaignante aimait effectuer des tâches de révision et qu’elle accepterait d’exercer cette fonction. La plaignante lui avait alors répondu qu’elle souhaitait réfléchir à cette demande.

32 La deuxième demande portait sur la formation de Mme Bélanger, qui venait d’accepter un poste de conseillère en politiques à titre intérimaire. Même si Mme Bélanger savait rédiger, elle n’avait jamais assisté à des réunions des comités exécutifs et ne savait donc pas ce qu’elle devait inclure dans le rapport de décisions pour répondre aux exigences de la direction. Cette formation devait être semblable à celle que Mme Lafontaine avait offerte à Mme Charest lorsque cette dernière était entrée en fonctions.

33 Le lendemain de la réunion, la plaignante est allée voir Mme Lafontaine. Selon cette dernière, la plaignante était visiblement vexée et semblait insultée en raison des deux demandes qui lui avaient été présentées. Mme Charest a indiqué qu’elle refusait de réviser les rapports de décisions et qu’elle ne voulait pas enseigner à Mme Bélanger comment rédiger. Mme Charest a alors quitté la pièce et est allée voir le directeur général.

34 Les deux femmes se sont rencontrées de nouveau et Mme Charest a indiqué que si Mme Lafontaine lui demandait d’examiner le travail de Mme Bélanger, elle refuserait de le faire. Toutefois, Mme Charest a accompagné Mme Bélanger à quatre réunions et a examiné les rapports de décisions, même si elle n’a corrigé aucune faute de grammaire.

35 Mme Lafontaine a ensuite préparé une lettre d’attentes et l’a remise à Mme Charest le 18 juillet 2006. Peu de temps après, Mme Charest a présenté des excuses relativement à la façon dont elle s’était comportée.

36 Par la suite, la plaignante et Mme Lafontaine se sont rencontrées pour mettre la dernière main au plan d’apprentissage de Mme Charest, rencontre qui s’est bien déroulée. L’affectation de Mme Charest aux Comités exécutifs a été renouvelée pour une autre année, mais Mme Charest a quitté son poste avant la fin de cette affectation.

37 En ce qui a trait aux séances de réflexion à l’extérieur du bureau, l’une de ces séances a été coordonnée par Stéphanie Doyon en novembre 2006. Mme Bélanger a participé à une séance de réflexion à l’extérieur du bureau, mais elle n’y a pas exercé de rôle de coordination. Elle était présente pour recevoir les courriels et les messages par télécopieur.

Argumentation des parties

A) Argumentation de la plaignante

38 La plaignante affirme que Mme Lafontaine, gestionnaire délégataire pour ce processus de nomination, a fait preuve de favoritisme personnel à l’égard de Mme Bélanger. Mme Charest et Mme Desjardins, une autre candidate du processus, ont affirmé que Mmes Lafontaine et Bélanger étaient souvent ensemble au travail. De plus, Mme Bélanger en savait davantage que les deux autres candidates au sujet du processus de nomination.

39 Mme Lafontaine a non seulement élaboré l’énoncé des critères de mérite, mais elle a également effectué elle-même toutes les évaluations des candidatures, sauf les entrevues. Elle a donc effectué la présélection des candidatures sur la base de l’expérience et des études, elle a noté les examens écrits et elle a évalué tous les résultats de la vérification des références. Dans le cas de Mme Bélanger, elle était également la répondante et a donc évalué les renseignements qu’elle avait elle‑même fournis.

40 De plus, la plaignante soutient que la gestionnaire a abusé de son pouvoir car elle n’a pas mené à terme tout le processus d’évaluation qu’elle avait élaboré. Elle n’a pas évalué les capacités au moyen de la vérification des références demandées. Selon la plaignante, cette étape aurait été particulièrement importante pour Mme Légaré, qui venait d’une autre unité et que Mme Lafontaine ne connaissait pas.

41 Enfin, c’est Mme Bélanger qui a informé Mme Lafontaine que Mme Charest avait menacé de présenter un grief sérieux si sa candidature n’était pas retenue à l’issue du processus de nomination.

42 Selon la plaignante, Mme Lafontaine a également fait preuve de parti pris à son encontre. Mme Lafontaine a admis qu’il existait un conflit entre la plaignante et elle‑même. En dépit de cette situation, elle a choisi de ne pas se retirer du processus et a plutôt mené le processus de nomination presque entièrement toute seule. Elle a préparé l’examen écrit, l’entrevue orale et le questionnaire de vérification des références. Elle a donc mené le processus de nomination en entier par elle-même, sauf l’entrevue. Avant l’entrevue, Mme Lafontaine a été informée par Mme Bélanger que si la candidature de la plaignante n’était pas retenue, cette dernière présenterait un grief. La plaignante soutient que pour assurer une évaluation équitable la ligne de conduite appropriée aurait été pour Mme Lafontaine de renoncer au rôle de présidente du processus.

43 En ce qui a trait à l’évaluation, Mme Lafontaine a posé des questions dont les réponses devaient être confirmées par les répondants, mais elle n’a pas vérifié les références pour s’assurer que les candidats avaient bien exercé les fonctions décrites. La plaignante estime que cette situation, qui équivaut à se fonder sur des éléments insuffisants, constitue un abus de pouvoir. Particulièrement dans le cas de Mme Légaré, inconnue du comité d’évaluation, les membres n’ont pas confirmé qu’elle possédait les capacités dont elle avait discuté à l’entrevue. La plaignante précise que le fait de ne pas vérifier les références constitue une preuve d’intention illégitime. Enfin, la plaignante soutient que si le comité n’a jamais eu l’intention de vérifier les références, il n’aurait pas dû en demander.

B) Argumentation de l’intimé

44 L’intimé affirme que la plaignante n’a pas réussi à établir qu’il a fait preuve de favoritisme personnel dans le processus de nomination. Tout d’abord, la gestionnaire a mené un processus annoncé, non pas un processus non annoncé. Elle a demandé à la conseillère en ressources humaines de participer à toutes les étapes. Il y avait également deux autres personnes dans le comité d’évaluation pour l’entrevue. Il n’existe aucun élément de preuve démontrant que Mme Bélanger ne possédait pas les qualifications requises pour le poste. L’intimé soutient que l’argumentation de la plaignante se résume à de vagues allégations de favoritisme personnel, sans preuve à l’appui. Même si Mme Bélanger connaissait la date de l’examen écrit et la composition du comité d’évaluation, la conseillère en ressources humaines a affirmé qu’il s’agissait de renseignements généraux qui auraient pu être fournis à tous.

45 La plaignante a obtenu une très bonne note à l’examen écrit. En fait, elle a reçu une note supérieure à celle de Mme Bélanger, la personne qui, à son avis, a fait l’objet de favoritisme personnel de la part de Mme Lafontaine.

46 L’intimé fait remarquer que Mme Lafontaine a rapidement remplacé Mme Custic lorsque la plaignante a soulevé une objection quant à sa participation à titre de membre du comité d’évaluation.

47 De plus, l’intimé affirme que la plaignante a été évaluée de la même façon que les autres candidates, la seule différence étant que Mme Lafontaine a demandé aux autres membres du comité de s’exprimer d’abord au moment de l’évaluation de la plaignante, car elle ne voulait pas les influencer. Les membres du comité d’évaluation ont expliqué la réponse qu’ils attendaient à la quatrième question, et la plaignante n’a pas satisfait aux critères établis.

48 Quant à l’insinuation de la plaignante selon laquelle Mme Légaré ne posséderait pas les qualifications requises pour le poste, l’intimé affirme que la plaignante n’a présenté aucun élément de preuve à cet égard.

49 En somme, l’intimé soutient que la plaignante a été déçue d’apprendre le rejet de sa candidature à l’issue du processus de nomination. Toutefois, il ne s’agit pas d’un argument suffisant pour étayer une allégation d’abus de pouvoir. La plaignante a fait référence à des conflits avec Mme Lafontaine, mais les éléments de preuve indiquent l’existence d’un seul incident.

50 L’intimé fait référence à la décision rendue par le Tribunal dans l’affaire Carlson‑Needham et Borden c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0038. Dans cette affaire, le président du comité d’évaluation exerçait également le rôle de répondant. En voici un extrait :

[52] Par conséquent, pour obtenir gain de cause relativement à une allégation de favoritisme personnel dans le cadre d’un processus de nomination annoncé, le plaignant doit comparaître devant le Tribunal et lui présenter des éléments de preuve convaincants qui démontrent qu’il y a eu favoritisme personnel et non se contenter de formuler une allégation fondée sur des perceptions et des faits dépourvus de pertinence.

51 Pour l’évaluation des candidats, Mme Lafontaine a décidé de poser des questions axées sur le comportement. Selon l’intimé, il est courant de demander des références aux fins de la vérification de la réponse d’un candidat. Toutefois, le gestionnaire n’est aucunement tenu de communiquer avec le répondant s’il estime avoir obtenu suffisamment d’information.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

52 La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas représentée à l’audience. Comme elle l’a fait dans des plaintes antérieures, la CFP a présenté des observations écrites générales portant sur la notion d’abus de pouvoir et sur la façon dont le Tribunal devrait aborder cette question.

Analyse

Question I: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’égard de Mme Bélanger dans le processus de nomination?

53 Dans la décision Tibbs c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, le Tribunal a jugé que « les plaignants ont le fardeau de preuve en ce qui a trait aux plaintes d’abus de pouvoir déposées auprès du Tribunal ». Ils doivent donc établir le bien‑fondé de leur cause selon la prépondérance des probabilités.

54 La plaignante allègue qu’en l’espèce la gestionnaire a abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’égard des personnes nommées. Le Tribunal a récemment fourni des indications sur ce concept et sur les éléments de preuve nécessaires pour démontrer qu’il y a eu favoritisme personnel. Dans la décision Glasgow c. le Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., [2008] TDFP 0007, le Tribunal a indiqué ce qui suit :

[39] De plus, l’expression « il est entendu » au début du paragraphe 2(4) est employée pour une raison. En effet, le législateur fait précisément référence à la mauvaise foi et au favoritisme personnel pour s’assurer que nul ne conteste le fait que ces formes d’inconduite constituent un abus de pouvoir. Il convient de noter que le mot « favoritisme » est qualifié par l’adjectif « personnel », ce qui met en évidence l’intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble, et que c’est le favoritisme personnel, non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir.

[41] […] La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

[Caractères gras dans l’original]

55 Dans la décision Glasgow, le Tribunal a établi que le favoritisme personnel pouvait être prouvé au moyen de preuves directes ou circonstancielles :

[44] Une preuve de favoritisme personnel peut être directe, comme des faits démontrant clairement le lien personnel étroit qui existe entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée. Cela dit, ce sera souvent une question de preuve circonstancielle, où certains actes, commentaires ou événements observés avant ou pendant le processus de nomination doivent être examinés. Selon sa source et son lien particulier avec les questions en litige dans une plainte, la preuve circonstancielle peut être aussi convaincante que la preuve directe. […]

56 La plaignante soutient que la nomination de Mme Bélanger était fondée sur le favoritisme personnel. À cet égard, elle a fourni les éléments de preuve décrits ci‑après. La plaignante et Mme Desjardins ont toutes deux déclaré que la gestionnaire et Mme Bélanger étaient souvent ensemble. À l’été 2006, on a donné à Mme Bélanger la possibilité d’organiser deux séances de réflexion à l’extérieur du bureau. Mme Bélanger avait obtenu des renseignements sur le processus de nomination avant les deux autres candidates internes, Mmes Charest et Desjardins. Par exemple, Mme Bélanger avait appris la date de l’examen écrit, le nom des membres du comité d’évaluation et le fait qu’il existait une autre candidate qui était en vacances lorsque les autres ont passé l’examen, et ce, avant que ces renseignements soient officiellement diffusés aux autres.

57 De plus, Mme Lafontaine a fourni des références à l’égard de Mme Bélanger. La plaignante soutient que Mme Lafontaine avait la mainmise complète sur le processus de nomination et qu’elle a mené toutes les étapes du processus par elle‑même, sauf l’entrevue.

58 Enfin, la plaignante a indiqué qu’on lui avait demandé à l’été 2006 d’enseigner à Mme Bélanger comment rédiger. Implicitement, cet élément de preuve fait planer des doutes quant aux qualifications de Mme Bélanger.

59 Le Tribunal estime qu’il n’existe pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que la nomination de Mme Bélanger était entachée de favoritisme personnel. En ce qui a trait à l’existence d’une relation personnelle entre Mmes Bélanger et Lafontaine, les éléments de preuve font ressortir que celles‑ci étaient souvent ensemble au travail, ce qui porte à croire, à tout le moins, que les deux femmes s’entendaient bien. La plaignante a allégué que Mme Bélanger a fait l’objet de favoritisme personnel car elle a obtenu la responsabilité de deux séances de réflexion à l’extérieur du bureau, mais les éléments de preuve n’appuient pas cette affirmation. L’une des deux séances a été coordonnée par une autre employée, et Mme Lafontaine a déclaré que les fonctions exercées sur place étaient de nature administrative. Il est clair que Mme Bélanger a obtenu des renseignements sur le processus de nomination avant les autres candidates internes. Toutefois, aucun élément de preuve n’atteste que ces renseignements ont pu fournir quelque avantage que ce soit à Mme Bélanger dans le processus de nomination, pas plus que cette situation ne permet de conclure qu’il y a eu favoritisme personnel.

60 En ce qui touche l’argument selon lequel Mme Lafontaine aurait mené toute seule près de la totalité du processus de nomination, le Tribunal s’est prononcé sur la composition des comités d’évaluation dans la décision Sampert et al. c. le Sous‑ministre de la Défense nationale, [2008] TDFP 0009 :

[53] Aucune disposition de la LEFP n’oblige les administrateurs généraux à constituer un comité d’évaluation ni à faire en sorte que celui-ci soit composé d’une certaine façon (par exemple à s’assurer de la présence d’un agent des ressources humaines au sein du comité). La question de savoir si un comité d’évaluation est composé de façon appropriée ou non est une question de fait qui dépend de la plainte présentée et de la preuve produite à l’audience.

[54] Les personnes qui effectuent l’évaluation doivent bien connaître les fonctions du poste à doter et, dans le cas d’un processus de nomination annoncé, ne doivent avoir aucune idée préconçue quant à la personne qui devrait être nommée. Dans certains cas, les gestionnaires peuvent décider de mener l’évaluation eux-mêmes, tandis que dans d’autres cas, ils peuvent demander à une personne provenant d’un autre ministère ou d’un autre secteur du ministère et qui possède une expertise particulière de participer à l’évaluation à titre de membre du comité.

61 En l’espèce, la gestionnaire délégataire, Mme Lafontaine, a décidé d’élaborer les outils d’évaluation avec l’aide de sa conseillère en ressources humaines. Les entrevues ont été menées en présence de deux autres membres du comité d’évaluation. Mme Lafontaine a attendu que ceux‑ci donnent leur opinion sur les réponses de la plaignante avant de formuler elle‑même des commentaires. Même si Mme Lafontaine a mené elle-même le reste du processus, la plaignante n’a pas fourni de preuve convaincante d’abus de pouvoir dans l’évaluation de Mme Bélanger. Le Tribunal n’a reçu aucun élément de preuve pouvant l’amener à conclure que celle‑ci ne possédait pas les qualifications requises pour le poste ou que sa nomination était entachée de favoritisme personnel.

62 En conclusion, la plaignante a soutenu que la décision de nommer Mme Légaré était également entachée de favoritisme personnel. Toutefois, il n’existe absolument aucun élément de preuve attestant que Mme Lafontaine connaissait Mme Légaré avant le processus d’évaluation ou qu’il y a eu un lien personnel quelconque entre elles par l’entremise d’une tierce partie. Le Tribunal conclut donc que la plaignante n’a pas réussi à établir que l’intimé a abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’égard de Mmes Bélanger ou Légaré.

Question II: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation des capacités de Mme Charest?

63 En ce qui touche la deuxième allégation selon laquelle l’intimé aurait abusé de son pouvoir en affichant un parti pris dans l’évaluation des capacités de la plaignante, les éléments de preuve indiquent qu’il y a eu un différend entre Mme Lafontaine et la plaignante à l’été 2006. La plaignante a affirmé qu’elle avait été traitée différemment après cet incident. Elle a également indiqué qu’on ne lui avait pas adjoint de coordonnateur des politiques pour l’aider à exercer ses fonctions relatives aux comités, mais elle n’a pas donné de précisions ni expliqué en quoi il s’agissait d’une preuve de parti pris. Elle a également ajouté qu’on l’avait tenue à l’écart en donnant à Mme Bélanger l’occasion de coordonner les deux séances de réflexion à l’extérieur du bureau à l’été 2006. Cette affirmation n’était appuyée par aucun élément de preuve indiquant les répercussions de ce travail de coordination ni en quoi cette situation constituait une preuve de parti pris à l’encontre de la plaignante. En fait, il ressort des éléments de preuve fournis par Mme Lafontaine qu’une autre employée a coordonné la séance de réflexion et qu’une employée sur place exerçait des fonctions administratives. Le Tribunal estime qu’il n’existe aucun élément de preuve clair et convaincant de parti pris dans ces circonstances. Le Tribunal juge qu’à la suite du différend Mmes Charest et Lafontaine se sont rencontrées pour mettre la dernière main à un plan d’apprentissage, et l’affectation de la plaignante a été prolongée. Ces éléments de preuve appuient l’affirmation de l’intimé selon laquelle le conflit avait été réglé.

64 Avant l’entrevue, Mme Lafontaine avait appris qu’en cas de rejet de la candidature de Mme Charest, cette dernière présenterait un sérieux grief. Le Tribunal estime que la décision de Mme Lafontaine de demander aux deux autres membres du comité de donner leur opinion sur les réponses de la plaignante avant de formuler elle‑même des commentaires était appropriée, compte tenu des circonstances. Il peut parfois être prudent de s’abstenir de participer à un processus de nomination, mais les gestionnaires ne peuvent pas demeurer à la merci des menaces de recours lorsque les employés n’obtiennent pas le poste convoité.

65 L’allégation de parti pris formulée par Mme Charest à l’égard de Mme Lafontaine porte essentiellement sur le fait que la plaignante n’a pas satisfait au critère « capacité de gérer son temps » [Traduction]. Trois personnes ont évalué la candidature de la plaignante et ont estimé que celle‑ci ne possédait pas la qualification visée à la lumière de sa réponse à une question posée durant l’entrevue. Les trois membres du comité d’évaluation ont témoigné à l’audience à cet effet. Le Tribunal juge que le comité d’évaluation a fourni une explication raisonnable à l’appui de son évaluation de la plaignante pour cette qualification. Il n’y a donc aucune raison de conclure que l’évaluation de Mme Charest a été teintée de parti pris.

66 À l’audience, le représentant de la plaignante a insisté à plusieurs reprises sur le fait que des références avaient été demandées aux fins de la vérification des réponses aux questions axées sur le comportement, mais que le comité d’évaluation n’a pas procédé à cette vérification. Mme Lafontaine a déclaré qu’elle avait inclus la demande de références suivant la suggestion de Mme Askari‑Farahini. Elle ne croyait pas qu’il était obligatoire de vérifier les références et ne l’avait pas fait non plus par le passé.

67 Dans la décision Jolin c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0011, le Tribunal a affirmé que l’article 36 de la LEFP confère à l’administrateur général le pouvoir discrétionnaire d’utiliser différentes méthodes pour évaluer les qualifications. Le Tribunal a également établi les critères d’abus de pouvoir dans la sélection des méthodes d’évaluation :

[77] L’article 36 de la LEFP prévoit que l’administrateur général peut avoir recours à toute méthode d’évaluation indiquée dans un processus de nomination interne. Pour que le Tribunal considère qu’il y ait [sic] abus de pouvoir dans le choix des méthodes d’évaluation, la plaignante doit démontrer que le résultat est inéquitable et que les méthodes d’évaluation sont déraisonnables et ne peuvent évaluer les qualifications prévues à l’énoncé des critères de mérite, qui n’ont aucun lien avec ceux-ci ou qu’elles sont discriminatoires.

68 Dans la décision Canada (Procureur général) c. Clark, [1997] A.C.F. No 623; 71 A.C.W.S. (3d) 492 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a établi qu’il n’était pas obligatoire de vérifier les questions axées sur le comportement pour respecter le principe du mérite. La Cour a indiqué ce qui suit :

15 Il serait curieux en effet que l’on conclue que la présente Cour a statué que les questions axées sur le comportement doivent être obligatoirement et systématiquement vérifiées afin de satisfaire au principe du mérite. Comme la preuve l’indique clairement, les questions axées sur le comportement ne sont qu’un outil parmi d'autres que l’on peut employer au sein du processus de sélection du personnel. Comme tous les outils de ce genre, celui-ci n'est pas infaillible et a ses points forts et ses points faibles. Comme de nombreux outils de ce genre, celui-ci peut aussi être manipulé et faussé par d'habiles candidats. Toutefois, la simple possibilité que quelqu'un puisse tricher ou tromper le système ne constitue sûrement pas une raison en droit pour déclarer que l'ensemble du système est défectueux.

17 Avant de terminer, je me dois d'ajouter que je trouve particulièrement convaincante la preuve qui figure dans le dossier au sujet de la difficulté, et parfois même de l'impossibilité, de vérifier toutes les réponses à chaque question axée sur le comportement d'un candidat. Cela me semble plaider de manière concluante contre toute obligation de procéder à une vérification pour valider le test : s'il est impossible de vérifier systématiquement toutes les réponses des candidats, cela signifie que les tests axés sur le comportement ne pourront jamais être acceptables en tant qu'outil de sélection puisqu'il ne sera pas possible de savoir si les réponses peuvent être vérifiées ou non avant de les avoir données. Une seule réponse non vérifiable, sur des centaines d'autres peut-être, rendrait invalide l'ensemble du test. Ce qui me semble être un résultat fort peu souhaitable.

69 Même si la décision susmentionnée a été rendue par la Cour en vertu de l’ancien cadre réglementaire, le Tribunal estime que le même principe s’applique aux plaintes d’abus de pouvoir présentées en vertu de la nouvelle LEFP. En l’espèce, il n’existe aucun élément de preuve attestant que la vérification des réponses fournies par les candidats aux questions axées sur le comportement était une étape obligatoire du processus. Le Tribunal juge que le comité d’évaluation avait le pouvoir discrétionnaire, en vertu de l’article 36 de la LEFP, de déterminer s’il y avait suffisamment de renseignements pour évaluer une qualification donnée. Par conséquent, l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir lorsqu’il a omis de communiquer avec les répondants pour vérifier les réponses fournies aux questions axées sur le comportement.

Décision

70 Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Helen Barkley

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0254
Intitulé de la cause:
Emilija Charest et le Sous-ministre de Ressources humaines et Développement social Canada et al.
Audience:
Les 21 et 22 janvier 2008
Ottawa (Ontario)
Date des motifs:
Le 11 juillet 2008

Comparutions:

Pour le plaignant:
Fred Sadori
Pour l'intimé:
Jennifer Champagne
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