Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a affirmé qu’il avait été évalué injustement par l’un des membres du comité en particulier; il a fait valoir que l’intimé s’était fondé sur des éléments insuffisants pour la correction et l’attribution des points pour l’un des critères; qu’un membre du comité avait formulé une remarque déplacée avant l’entrevue et avait utilisé un ton agressif durant celle-ci. Il a enfin ajouté que le recours à un test élaboré par un consultant privé - plutôt que d’utiliser un test standardisé - contrevenait aux lignes directrices de la Commission de la fonction publique (CFP). L’intimé a soutenu que la remarque en question se voulait une blague, et que le ton du membre du comité avait été sérieux. S’agissant du test, l’intimé a maintenu qu’il n’était pas tenu d’utiliser le test de la CFP pour évaluer les candidats; que l’examen dont il s’est servi avait évalué efficacement le critère en cause; que le test standardisé avait été utilisé trop souvent, et qu’il n’était pas un outil fiable pour évaluer les candidats dans ce processus. Décision : Pour évaluer la crédibilité des témoins, le Tribunal a examiné les circonstances dans lesquelles les commentaires avaient été formulés ainsi que le rôle du membre du comité d’évaluation. Le Tribunal a conclu que, bien que le commentaire du membre du comité en cause ait été inapproprié, il n’avait pas d’incidence sur les résultats de l’évaluation, et que le plaignant avait été évalué de façon juste et équitable par tous les membres du comité. Il n’y avait aucun lien entre l’échec du plaignant et le commentaire du membre. Pour ce qui est du test utilisé pour évaluer l’un des critères de mérite, le Tribunal a estimé que l’intimé avait le pouvoir discrétionnaire d’utiliser la méthode d’évaluation qu’il jugeait appropriée pour le processus et qu’il n’y avait aucune raison de croire que le test n’avait pas permis d’évaluer les candidats comme il se doit. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2007-0294
Rendue à:
Ottawa, le 15 octobre 2008

PIERRE MONGEAU
Plaignant
ET
SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir aux termes de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Sonia Gaal, membre
Langue de la décision:
Français
Répertoriée:
Mongeau c. Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0026

Motifs de la décision

Introduction

1 Le plaignant, Pierre Mongeau, allègue que l’intimé, le Sous-ministre de la Défense nationale, a abusé de son pouvoir en l’éliminant du processus de sélection pour le poste de Contremaître d’atelier général pour le motif qu’il ne répondait pas à l’une des qualifications essentielles.

2 Selon le plaignant, il n’a pas été évalué de façon équitable par un des membres du comité de sélection. De plus, le plaignant soutient que l’intimé s’est fondé sur des éléments insuffisants pour la correction et l’attribution des points en ce qui a trait au critère «souplesse du comportement » qui était une qualification essentielle. Plus spécifiquement, il précise que l’intimé a contrevenu aux Lignes directrices en matière de nomination de la Commission de la fonction publique (CFP).

3 Le plaignant a présenté sa plainte le 21 juin 2007 auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) aux termes de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

4 Une audience a eu lieu à Montréal les 29 et 30 mai 2008.

Questions en litige

5 Pour résoudre cette plainte, le Tribunal doit statuer sur les questions suivantes :

  1. Le plaignant a-t-il été évalué de façon juste et équitable par le comité de sélection?
  2. Est-ce que l’intimé a abusé son pouvoir en utilisant le test préparé par FormaClé au lieu du test standardisé « Exercice de simulation pour superviseur 428 » (test standardisé 428) de la CFP ?

Contexte

6 Le poste de Contremaître d’atelier général au groupe et niveau GL COI 11 C3 a été annoncé sur Publiservice le 30 mars 2007 (processus 07-DND-IA-MNTRL-060357). Il y avait deux postes à combler, un à Montréal et l’autre à St-Jean-sur-Richelieu (St‑Jean). Le plaignant a postulé pour celui de Montréal.

7 L’énoncé des critères de mérite et conditions d’emploi indiquait le critère « souplesse du comportement » comme une des qualifications essentielles à satisfaire. Ce critère a été évalué lors de l’examen écrit et en entrevue. Il fallait un total de 50 % pour le réussir.

8 Le comité de sélection était composé de cinq membres : Daniel Dumulong, Surintendant atelier mécanique électrique à St-Jean; Bernard Trottier, Surintendant atelier mécanique électrique à Montréal; Jacques Boily, Surintendant atelier général Montréal; Daniel Auclair, Superviseur, techniciens instruments électriques, St-Jean et Elizabeth Marion, Conseillère en ressources humaines.

9 L’évaluation des 25 candidats se faisait d’abord en présélection à l’aide du curriculum vitae, suivi d’un examen écrit et d’une entrevue si l’examen écrit était réussi. Les membres du comité étaient tous présents aux entrevues, par contre, Mme Marion n’a pas participé à la correction des examens écrits qui a été faite un ou deux jours après l’examen.

10 L’examen écrit a eu lieu le 1er mai 2007 et a duré 150 minutes. Il y avait huit questions et 14 mises en situation incluant une question sur la santé et sécurité. Chaque mise en situation servait à évaluer plus d’un critère de mérite. À cause d’un manque de temps, le plaignant n’a pas répondu à la mise en situation 12 qui servait à évaluer le critère « souplesse du comportement » et n’a donc pas obtenu de points pour cette question. Il a obtenu 40 % (8/20) pour ce critère à l’examen écrit car il a répondu aux autres mises en situation qui évaluaient aussi « souplesse de comportement ».

11 Le plaignant s’est qualifié pour les autres critères. Cependant, même s’il n’a pas réussi à obtenir la note de passage de 50 % lors de l’examen écrit pour le critère « souplesse du comportement », il a tout de même été convoqué en entrevue le mercredi 9 mai à Montréal. En effet, le total des résultats de l’examen écrit et de l’entrevue déterminait si un candidat satisfaisait à ce critère. Un candidat pouvait donc obtenir suffisamment de points en entrevue pour réussir à obtenir 50 % pour ce critère.

12 L’intimé avait mandaté la compagnie privée FormaClé pour développer l’examen ainsi qu’un guide d’évaluation et de sélection pour ce processus. Ce n’était pas la première fois que l’intimé retenait les services de cette compagnie mais la première fois pour ce poste. M. Trottier, témoin de l’intimé qui était impliqué dès le départ dans le processus, a expliqué qu’il avait donné les critères requis à FormaClé. L’examen a été revu par les membres du comité qui avaient l’expérience technique ainsi qu’un conseiller en ressources humaines. FormaClé a effectué des changements au document qui avaient été indiqués par le comité de sélection. La version finale du contenu de l’examen a été approuvée par tous les membres du comité de sélection avant d’être utilisée pour ce processus.

13 M. Trottier a affirmé qu’ils auraient pu utiliser le test standardisé 428 de la CFP pour évaluer les candidats mais que ce test « avait été utilisé à outrance » par l’intimé et qu’il y avait même des candidats qui s’en étaient servis pour évaluer leurs propres employés.

14 Les noms des candidats n’apparaissaient pas à l’examen écrit puisque chaque candidat était identifié par un numéro; le plaignant était le numéro trois. Les membres accordaient séparément une note pour chaque réponse selon une grille préétablie, puis ils discutaient de la réponse en groupe. La note finale pour chaque réponse était prise par consensus, c’est-à-dire que les membres étaient tous d’accord sur la note accordée. Selon M. Trottier, si les membres avaient accordé un pointage différent pour une réponse, par exemple, deux membres avaient donné un trois au candidat et deux membres un quatre, ils donnaient le bénéfice au candidat en lui accordant un quatre car les membres du comité « n’étaient pas durs à convaincre de pencher vers le quatre ».

15 Une dizaine de candidats ont été convoqués en entrevue. Les candidats étaient évalués immédiatement après leur entrevue.

16 Le plaignant a bien réussi la question concernant le critère « souplesse du comportement » lors de l’entrevue et a obtenu une note de quatre points sur cinq alors qu’il a eu seulement huit points sur 20 pour ce critère à l’examen écrit car il n’avait pas répondu à la mise en situation 12. Toutefois, il ne s’est pas qualifié pour ce critère car il a obtenu un total de 12 points sur 25 soit 48 %. Il ne s’est donc pas qualifié pour le poste.

RÉSUMÉ DES ÉLÉMENTS DE PREUVE PERTINENTS

17 Le plaignant soulève deux incidents survenus le jour de l’entrevue impliquant M. Dumulong, membre du comité de sélection. Selon le plaignant, cela prouve que M. Dumulong n’a pas été juste et a agi de mauvaise foi envers lui et que c’est la raison pour laquelle il a échoué. Le plaignant a également témoigné qu’il ne connaissait pas M. Dumulong.

18 Cinq personnes ont témoigné devant le Tribunal. Avant d’entendre leurs témoignages, le Tribunal a ordonné l’exclusion des témoins, tel que demandé par l’intimé.

i) Incident avant l’entrevue

19 Le plaignant a témoigné concernant les deux incidents. Le premier a eu lieu immédiatement avant son entrevue, alors que certains membres du comité, Mme Marion, M. Trottier et M. Dumulong, ainsi que d’autres employés présents, étaient en pause à l’extérieur.

20 Selon le plaignant, M. Dumulong aurait fait un commentaire selon lequel la journée était plus facile pour les candidats en entrevue car « c’était les membres du comité qui prenaient les notes ce jour-là ». Le plaignant aurait répondu en riant que ce n’était pas toujours les mêmes qui devaient travailler. Ce à quoi M. Dumulong lui aurait dit d’un ton sérieux qu’il venait de perdre deux points sur l’examen à cause de cette remarque.

21 Pierre Guyon, un employé, a relaté cet incident. Il était à l’extérieur et a entendu M. Dumulong faire la remarque au sujet des deux points perdus mais a expliqué qu’il n’avait pas entendu toute la conversation. Selon lui, M. Dumulong était sérieux quoique les commentaires des gens en général étaient faits en riant.

22 Bernard Trottier, membre du comité de sélection, a également entendu la remarque de M. Dumulong. Par contre, selon lui, la remarque était faite sur un ton amical et en blaguant. Il a affirmé que l’ambiance au travail était agréable et qu’il y avait beaucoup de taquinerie entre les gens.

23 Selon M.Trottier, M. Dumulong n’a pas demandé au comité d’enlever deux points au plaignant, sans raison, lors de l’entrevue ou de l’évaluation de ce dernier.

24 M. Trottier a indiqué que le plaignant n’a pas perdu deux points à cause de cette remarque, mais que c’était plutôt le fait de ne pas avoir répondu à la mise en situation 12 de l’examen écrit qui lui a nui. D’après lui, il n’aurait fallu que quelques mots à cette question pour que le plaignant ait au moins un point ce qui lui aurait permis de satisfaire au critère avec 52 %. En effet, il a obtenu 8/20 pour ce critère à l’écrit plus 4/5 en entrevue pour un total de 12/25 ce qui équivaut donc à 48 %. Un point de plus à l’examen écrit lui aurait donné 9/20 + 4/5 = 13/25 ou 52 %.

25 M. Trottier a expliqué que Mme Marion a demandé aux membres de revoir les réponses du plaignant à l’oral et à l’écrit car il avait obtenu 48 % pour ce critère. Selon M. Trottier, le comité de sélection a pris la même approche par rapport aux autres candidats qui avaient des réponses qui se situaient près de la marque de passage pour un critère. Toutefois, même après cette révision, le comité était d’avis qu’il n’y avait pas lieu d’accorder plus de points au plaignant dans son examen écrit et qu’il méritait quatre points sur cinq à l’entrevue car il fallait plus d’élaboration pour obtenir cinq points.

26 M. Dumulong a aussi été appelé par l’intimé à témoigner. Il a expliqué qu’il a travaillé 12 ans à la garnison de Montréal et qu’il connait plusieurs des employés. Il a également expliqué qu’il y avait une belle atmosphère et de la camaraderie pendant la pause, que les gens faisaient des farces et qu’il revoyait des anciens collègues.

27 Il a indiqué qu’il a parlé à quelques reprises dans le passé au plaignant pour obtenir de l’information professionnelle et qu’il a toujours obtenu un service courtois et rapide du plaignant. Il considère qu’ils se connaissent sur le plan professionnel. Il a aussi indiqué qu’il n’a « rien contre M. Mongeau ».

28 M. Dumulong a reconnu avoir fait le commentaire de la perte de deux points au plaignant mais a affirmé que c’était tellement anodin qu’il ne se souvenait pas de ce que le plaignant lui avait dit pour qu’il lui fasse cette remarque. Il a attesté qu’il y avait cinq ou six personnes présentes et qu’elles l’ont entendu. Il a précisé que c’était dit en blaguant et qu’il n’aurait jamais pensé que le plaignant aurait pris sa remarque au sérieux. Il a souligné qu’il était un parmi cinq membres sur le comité de sélection et qu’il n’aurait jamais demandé aux autres membres de mentir ou de falsifier leurs résultats pour faire échouer le plaignant par deux points.

29 M. Dumulong a affirmé que le plaignant a échoué ce critère parce qu’il n’a pas répondu à la mise en situation 12 de l’examen écrit. D’après lui, son commentaire sur les deux points perdus n’a eu aucun effet sur l’échec du plaignant, d’autant plus que le test écrit avait été corrigé bien avant l’entrevue. De plus, les noms des candidats n’étaient pas indiqués donc les membres du comité ne savaient pas à quel candidat appartenait la copie d’examen qu’ils corrigeaient.

30 Ce n’est que le jour même des entrevues que les membres du comité de sélection ont su les noms des candidats qu’ils rencontraient selon l’horaire établi. Ils ont alors pu associer le numéro d’identification attribué à un candidat pour l’examen écrit à une personne spécifique.

ii) Incident durant l’entrevue

31 Le plaignant a expliqué qu’il était plutôt nerveux à l’entrevue. Il a indiqué qu’il est entré dans la salle et s’est présenté car il y avait des gens qu’il ne connaissait pas. M. Dumulong lui aurait alors dit d’un ton agressif des mots à l’effet qu’il (le plaignant) « ne prendrait pas le contrôle » mais que c’était lui-même qui le prenait. Malgré cela, le plaignant est d’avis qu’il a eu « une bonne performance » lors de l’entrevue.

32 M. Jacques Boily qui faisait partie du comité de sélection a témoigné pour le plaignant. Celui-ci se souvient de la discussion entre le plaignant et M. Dumulong durant l’entrevue et a indiqué que le plaignant semblait très nerveux et qu’il a pris la parole tout de suite en se présentant. M. Dumulong lui aurait alors dit qu’il lui expliquerait comment les entrevues se déroulaient et que c’est lui-même qui menait les entrevues. D’après M. Boily, M. Dumulong n’a pas dit directement que le plaignant « ne prendrait pas le contrôle ». M. Dumulong n’était pas agressif mais son ton était sec et direct. Selon M. Boily, il était approprié que M. Dumulong explique au plaignant comment allait se dérouler l’entrevue car toutes les entrevues se déroulaient de la même façon.

33 M. Boily a indiqué que le plaignant a bien réussi son entrevue. Selon lui, M. Dumulong n’a jamais indiqué au comité que le plaignant devait perdre deux points parce qu’il lui avait dit des « niaiseries ». De plus, il n’a jamais été question pour le comité que le plaignant perde deux points sans raison.

34 M. Trottier a également témoigné sur cet échange entre le plaignant et M. Dumulong. Il a affirmé que le plaignant s’est présenté et a commencé à expliquer qu’il avait occupé le poste de façon intérimaire et ce qu’il avait fait dans le cadre de ce poste. Il a expliqué que M. Dumulong a dit au plaignant que l’entrevue se déroulait d’une certaine façon. Toutefois, selon M. Trottier, M. Dumulong n’était pas agressif.

35 Finalement, M. Dumulong a expliqué que d’un commun accord, il s’était offert pour mener les entrevues. Il faisait donc les présentations des candidats et du comité et expliquait le déroulement de l’entrevue pour chaque candidat.

36 Selon M. Dumulong, lorsque le plaignant est entré, il s’est présenté et a commencé à discuter de sujets qui faisaient partie des questions de l’entrevue. M. Dumulong a donc demandé de prendre la parole pour mener l’entrevue et lui expliquer les consignes. Il a précisé que son ton n’était pas violent ou agressif mais sérieux. Il y avait cinq membres sur le comité et selon lui, il fallait commencer l’entrevue et ne pas perdre de temps. Il est d’avis que si son ton avait été agressif, les autres membres du comité lui auraient dit. Cependant, personne ne lui a fait de commentaires à ce sujet par la suite.

Arguments des parties

A) Arguments du plaignant

37 Le plaignant soutient qu’il n’a pas été évalué de façon équitable à la suite des deux incidents impliquant M. Dumulong.

38 En ce qui concerne le premier incident survenu avant l’entrevue, le plaignant allègue que le commentaire a été fait sur un ton sérieux. Selon lui, le Tribunal doit préférer son témoignage selon lequel lui et M. Dumulong ne se connaissaient pas. Il soutient que M. Dumulong a témoigné qu’ils se connaissaient simplement pour démontrer que le commentaire était fait en blague.

39 Le plaignant a appris durant la discussion informelle qu’il avait échoué par deux points ce critère en recevant une note de 48 %. Il est d’avis qu’il s’agit des mêmes deux points que M. Dumulong lui avait dit qu’il perdrait.

40 Le plaignant soutient qu’il doit y avoir un lien clair entre la qualification requise et l’évaluation du critère « souplesse du comportement ». Selon lui, le test standardisé 428 évalue mieux ce critère que l’examen développé par FormaClé. Il maintient que la mise en situation 12 de l’examen écrit à laquelle il n’a pas répondu n’évaluait pas de façon efficace le critère « souplesse du comportement ».

41 Il allègue que l’intimé a contrevenu à un des critères énoncés dans les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP :

Évaluation

(…)

Le processus et les méthodes d’évaluation utilisés permettent d’évaluer efficacement les qualifications essentielles et autres critères du mérite qui sont déterminés, et ils sont administrés de façon juste. (…)

42 De plus, il estime qu’il aurait dû obtenir cinq points sur cinq pour sa réponse à la question liée au critère « souplesse du comportement » lors de l’entrevue.

43 Le plaignant fait référence à la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, pour démontrer qu’il y a eu abus de pouvoir par l’intimé, puisque ce dernier s’est basé sur des éléments insuffisants pour la correction et l’attribution des notes pour le critère « souplesse du comportement ».

44 Il soulève également la décision Jolin c. Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0011, pour établir que le Tribunal peut revoir les outils d’évaluation.

B) Arguments de l’intimé

45 Selon l’intimé, il faut une preuve claire et convaincante pour démontrer l’abus de pouvoir. Il allègue que le plaignant fait de la spéculation et des affirmations qui sont loin de constituer de la preuve positive démontrant qu’il y a eu abus de pouvoir. Il n’y a pas de preuve qui appuie les insinuations du plaignant.

46 L’intimé soutient que le plaignant avait obtenu 40 % (8/20) pour le critère « souplesse du comportement » à l’examen écrit puis a obtenu 48 % après l’entrevue. De plus, il atteste que le commentaire de M. Dumulong a été fait bien après la correction de l’examen écrit. Il ajoute qu’il n’y a aucune preuve que la note d’examen écrit du plaignant a été changée à la suite de l’entrevue.

47 L’intimé fait valoir que, puisque le plaignant n’a pas répondu à la mise en situation 12, conséquemment il n’a pas eu de points. Il n’a donc pas obtenu suffisamment de points pour réussir ce critère de mérite. D’après l’intimé, c’est le plaignant qui a causé son propre échec et non le comité de sélection. L’intimé affirme que tous les candidats ont été soumis aux mêmes règles pour la durée de l’examen et les évaluations.

48 Selon l’intimé, l’administrateur général n’était pas obligé d’utiliser le test de la CFP pour évaluer les candidats et pouvait à sa discrétion établir les qualifications essentielles en vertu de l’alinéa 30(2)a) de la LEFP. L’intimé affirme que les questions et mises en situation de l’examen écrit évaluaient de façon efficace le critère « souplesse du comportement ».

49 En ce qui a trait à la crédibilité des témoins, l’intimé déclare qu’il faut regarder le contexte du commentaire de M. Dumulong avant l’entrevue. La preuve établit que le commentaire était fait en blague et que le contexte n’était pas sérieux. En effet, le plaignant lui-même affirme qu’il a fait le commentaire en riant à M. Dumulong mais que ce dernier lui aurait répondu d’un ton sérieux et agressif. L’intimé est d’avis que le comportement du plaignant lors de la pause et son témoignage par rapport au commentaire de M. Dumulong sont contradictoires. De plus, il souligne que M. Trottier a également pris le commentaire comme étant une blague. Il s’agit d’un milieu avec beaucoup de taquinerie à longueur de journée.

50 L’intimé a indiqué que M. Dumulong n’avait aucune influence particulière sur le comité de sélection car ils étaient cinq membres à prendre les décisions.

51 L’intimé maintient qu’il est important de noter qu’il n’y a aucune preuve que M. Dumulong en veuille au plaignant ou qu’ils ont eu des conflits qui pourraient expliquer l’attitude de mauvaise foi de M. Dumulong tel qu’allégué par le plaignant.

52 L’intimé soutient que les caractéristiques communes et déterminantes des termesmauvaise foi et du favoritisme personnel du paragraphe 2(4) de la LEFP exigent un discernement de la part de l’administrateur général entre le bien et le mal et nécessitent une intention négative. Ces termes sont assimilables à des fautes flagrantes ou très graves. L’intimé a de plus présenté de la jurisprudence ainsi que des extraits d’ouvrages à l’appui de sa position.

53 L’intimé conclut que le plaignant n’a pas prouvé ses allégations et qu’il n’y a aucune preuve d’abus de pouvoir. L’intimé demande au Tribunal de rejeter la plainte car le plaignant ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve.

C) Arguments de la Commission de la fonction publique

54 La CFP n’a pas comparu à l’audience mais a présenté des observations écrites. Celle-ci soutient que pour qu’il y ait un abus de pouvoir lors d’un processus de dotation, il doit y avoir un élément intentionnel tel que la mauvaise foi, le favoritisme personnel, l’incurie ou l’insouciance qui doit être prouvé. La CFP a également fourni de la jurisprudence et des extraits de doctrine afin d’appuyer sa position.

Analyse

Question I: Le plaignant a-t-il été évalué de façon juste et équitable par le comité de sélection?

55 Tel qu’il a été établi dans plusieurs décisions du Tribunal, le plaignant a le fardeau de prouver qu’il n’a pas été évalué de façon juste et équitable. Voir Tibbs.

56 Le plaignant soutient que les deux incidents impliquant M. Dumulong ont eu un impact sur son échec.

57 L’intimé allègue que le plaignant a échoué car il n’a pas répondu à la mise en situation 12 de l’examen écrit. Selon l’intimé, l’échec n’a rien à voir avec ce qui a été dit par M. Dumulong.

58 Le Tribunal a entendu des témoins avec des versions différentes pour chacun des incidents.

59 Une situation similaire s’est produite dans Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., [2008] TDFP 0007, et le Tribunal a énoncé ce qui suit en ce qui a trait à l’évaluation de la crédibilité des témoins :

[45] De plus, il arrive qu’une analyse de la crédibilité des témoins soit nécessaire lorsque les preuves sont contradictoires. En l’espèce, le Tribunal est en présence de deux versions différentes quant à la nature de l’occasion offerte à MmeTsang. Il doit donc déterminer laquelle de ces deux versions est la plus crédible. Dans la décision Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A. C.-B.), l’examen à effectuer lorsque la crédibilité est en cause est bien établi. Le passage suivant de la décision Faryna, à la page 357, décrit cet examen de la façon suivante :

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction des dépositions, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est conforme aux probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. Bref, le véritable critère permettant de déterminer la véracité du récit d’un témoin dans un cas de cette nature doit être la conformité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne informée et douée de sens pratique reconnaîtrait d’emblée comme raisonnables, compte tenu des conditions et de l’endroit [Traduction].

60 Il ne s’agit pas simplement d’évaluer le nombre de témoins qui ont perçu le ton de M. Dumulong comme étant sérieux contre ceux qui l’ont vu comme étant une blague ou un acte pour diriger le processus de l’entrevue. Il faut plutôt regarder le contexte ou la situation dans laquelle les commentaires ont été faits ainsi que le rôle de M. Dumulong comme membre du comité de sélection. Par contre, le Tribunal n’a pas à trancher si M. Dumulong et le plaignant se connaissaient afin de rendre sa décision.

61 En ce qui concerne l’incident avant l’entrevue, le Tribunal est d’avis que l’ambiance en général était détendue et que le ton était à la blague parmi les gens présents. Selon M. Dumulong, il retrouvait des anciens collègues. Il ressort également de la preuve que c’est un lieu de travail où il y a beaucoup de taquineries entre les employés et que c’est une belle atmosphère de travail. Le plaignant affirme d’ailleurs qu’il a lui-même fait son commentaire à M. Dumulong en blaguant.

62 Il se peut que M. Dumulong ait fait sa remarque sans rire, mais le Tribunal estime qu’il s’agissait d’une boutade destinée à faire rire les gens. Aucune autre allégation ou preuve n’a été présentée selon laquelle M. Dumulong avait quelque raison que ce soit de vouloir faire perdre deux points au plaignant.

63 M. Dumulong a témoigné qu’il ne fera plus jamais ce genre de blague qui a été mal interprétée. Le Tribunal est aussi d’avis que cet exemple illustre que ce genre de commentaire est à éviter car il peut laisser place à une mauvaise interprétation lorsque le candidat n’est pas choisi.

64 De plus, la preuve indique que l’examen écrit du plaignant a été corrigé avant cette remarque et qu’aucun point ne lui a été enlevé suite à ce commentaire. Le comité de sélection était formé de cinq personnes dont quatre du milieu de travail ainsi qu’une représentante des ressources humaines. Lorsque l’examen écrit a été corrigé, la preuve démontre que les points étaient accordés par consensus pour chaque réponse et que le comité penchait en faveur du candidat en cas de doute. L’examen écrit avait été corrigé au moins une semaine avant les entrevues et les noms des candidats étaient remplacés par un chiffre.

65 Quant à l’incident durant les présentations en entrevue, la preuve démontre que le plaignant était nerveux et qu’il a pris la parole en se présentant lui-même. M. Dumulong l’aurait interrompu afin de diriger le processus. Le Tribunal est d’avis que le ton de M. Dumulong était sérieux dans ce cas-ci car il voulait que l’entrevue se déroule conformément aux autres entrevues. Ceci ne démontre toutefois pas que M. Dumulong était de mauvaise foi contre le plaignant et lui en tenait rancoeur.

66 M. Dumulong n’avait qu’une voix sur quatre pour l’examen écrit et une sur cinq pour l’entrevue. M. Boily et M. Trottier qui étaient membres du comité ont tous deux témoigné que M. Dumulong n’a jamais mentionné au comité que le plaignant devrait perdre des points sans raison.

67 Il appert que le plaignant a bien réussi en entrevue mais a obtenu quatre points sur cinq pour le critère « souplesse du comportement » à l’entrevue car il lui manquait des éléments pour obtenir une note parfaite.

68 Le Tribunal a déjà expliqué que son rôle ne consiste pas à réévaluer des réponses d’entrevue afin de décider si les points accordés sont suffisants. Voir Oddie c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0030 :

[92] Toutefois, le Tribunal ne réévaluera pas de nouveau le contenu et l'exactitude des réponses des répondants, car c'est le comité d'évaluation qui est le mieux placé pour les interpréter. De même, le Tribunal n'évaluera pas de nouveau les notes accordées au cours de l'entrevue, comme il est déclaré dans la décision Portree, supra, :

[52] (…) Dans cet esprit, le rôle du Tribunal n'est donc pas de réévaluer les notes attribuées à un plaignant pour une réponse donnée ou de réviser les réponses fournies pendant une entrevue simplement parce qu'un plaignant n'est pas d'accord avec la décision concernant une question d'entrevue (…)

69 Il n’y a aucun doute que le plaignant n’a pas répondu à la mise en situation 12 de l’examen écrit qui servait à évaluer en partie le critère « souplesse du comportement ». Selon le Tribunal, il s’agit de l’unique raison pour laquelle le plaignant a échoué. M. Boily et M. Trottier ont expliqué que si le plaignant avait écrit une ou deux lignes, il aurait pu au moins avoir obtenu un point, ce qui lui aurait permis d’obtenir 52 % pour ce critère.

70 Il s’agit d’une malencontreuse coïncidence que le plaignant ait obtenu 48 % pour ce critère alors qu’il lui fallait 50 % pour réussir, ce qui lui a fait songer aux deux points mentionnés par M. Dumulong avant son entrevue. Il n’y a toutefois aucun lien entre son échec et ce commentaire. En effet, la preuve ne révèle absolument aucune discussion ou manipulation de notes par quiconque destinées à faire échouer le plaignant en particulier.

71 Le Tribunal est d’avis que le plaignant a été évalué de façon juste et équitable par tous les membres du comité.

Question II: Est-ce que l’intimé a abusé son pouvoir en utilisant le test préparé par FormaClé au lieu du test standardisé 428 de la CFP ?

72 Le plaignant soutient que le test standardisé 428 de la CFP évalue mieux le critère « souplesse du comportement » que le test préparé par la compagnie FormaClé.

73 L’article 36 de la LEFP se lit comme suit :

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

74 Dans Visca c. Sous-ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024, le Tribunal a traité de l’article 36 de la LEFP:

[53] Comme le démontre clairement les termes « peut avoir recours à toute méthode d’évaluation », l’article 36 de la LEFP est non normatif; le comité de sélection peut choisir à partir d’un large éventail d’outils et de méthodes d’évaluation. […]

(caractères gras dans le texte)

75 Ainsi, l’intimé détient le pouvoir discrétionnaire de choisir une méthode d’évaluation des candidats et d’effectuer une nomination fondée sur le mérite en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP.

76 L’intimé a expliqué que le test standardisé 428 de la CFP n’a pas été utilisé pour les évaluations des candidats car il a été utilisé souvent et même par certains candidats. Il ne s’agissait alors pas d’un outil fiable pour évaluer les candidats pour ce processus. Tel qu’indiqué dans Visca, le gestionnaire peut, à sa discrétion, choisir la méthode d’évaluation qu’il juge est la meilleure pour le processus.

77 Dans ce cas-ci, M. Trottier a expliqué que les quatre membres du comité d’évaluation avec l’expertise technique, ainsi qu’un représentant des ressources humaines, ont révisé et corrigé les questions de la compagnie FormaClé. Il y a eu des corrections et consensus pour la version finale utilisée pour les évaluations.

78 Le Tribunal n’a aucune raison de croire que le critère « souplesse ducomportement » n’a pas été évalué correctement dans l’examen développé par FormaClé. En effet, le comité savait ce qu’il désirait obtenir pour ce critère et l’a indiqué à FormaClé qui a suivi les directives de celui-ci.

79 Compte tenu des faits, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir dans la décision d’utiliser le test de FormaClé plutôt que celui de la CFP.

Décision

80 Pour tous ces motifs, le Tribunal rejette la plainte.

81 Le Tribunal souhaite remercier les parties de leur excellente présentation et du professionnalisme dont elles ont fait preuve au cours de l’audience.

Sonia Gaal

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0294
Intitulé de la cause:
Pierre Mongeau et Sous-ministre, Défense nationale et al.
Audience:
Les 29 et 30 mai 2008
Date des motifs:
Le 15 octobre 2008

Comparutions:

Pour le plaignant:
Stéphane Fiset
Pour l'intimé:
Karl Chemsi
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