Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte contre son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), en vertu de l’article 13 de la Loi sur les relations de travail au Parlement (LRTP), alléguant que l’AFPC avait manqué à son devoir de représentation juste en représentant une personne n’étant pas membre de l’unité de négociation contre lui, en agissant de mauvaise foi en tentant de le faire renvoyer, en le rendant malade et en rendant son lieu de travail cauchemardesque, en faisant des déclarations diffamatoires à son endroit et en le harcelant, l’intimidant et l’humiliant, ainsi qu’en refusant de contester son licenciement pour raisons médicales lorsqu’il a demandé qu’un grief soit déposé - le plaignant et son ancienne amie de cœur travaillaient tous deux à la Chambre des communes, mais dans des lieux de travail différents - le plaignant a été accusé de voies de fait contre sa petite amie et, dans l’attente du procès, une injonction a été rendue lui interdisant d’approcher du lieu de travail de son amie de coeur - elle n’était pas membre de l’unité de négociation - le plaignant a demandé de continuer à travailler le quart de nuit pour être certain de ne pas la croiser - l’employeur a accepté et en a informé l’ancienne petite amie - le président local a avisé l’employeur que le syndicat représenterait l’ancienne petite amie du plaignant, tout en précisant qu’il chercherait seulement à protéger les intérêts de celle-ci, sans la représenter comme tel - le plaignant a communiqué avec le bureau national de son agent négociateur pour se plaindre, et on lui a désigné un représentant - il a appris qu’un représentant de l’agent négociateur avait dit aux employés que le plaignant était un batteur de femme et qu’ils devraient lui faire la vie dure au travail - le président local de l’AFPC a écrit à l’employeur que le plaignant était coupable des accusations portées contre lui - il a également tenu des propos méprisants au sujet du plaignant dans un courriel envoyé au bureau national - le plaignant a ensuite été acquitté de tous les chefs d’accusation - en novembre2003, le plaignant a commencé un congé de maladie prolongé, qui s’est soldé par son licenciement pour raisons médicales deux ans plus tard - le plaignant a informé l’agent négociateur de son licenciement, en déclarant que l’agent négociateur était lui-même la cause de son licenciement - comme l’agent négociateur n’a pas répondu, il a envoyé plusieurs autres courriels pour demander de l’aide, mais aucun de ces messages n’est parvenu à l’agent négociateur étant donné que le système informatique filtrait ses courriels - aucun grief n’a jamais été déposé pour contester son licenciement - la Commission s’est demandé si elle avait la compétence nécessaire pour instruire une plainte en l’absence d’une disposition relative au devoir de représentation juste dans la LRTP - la Commission a jugé que le devoir de représentation juste était implicite dans la loi - le président local de l’AFPC n’aurait pas dû intervenir dans la question de l’injonction, et son intervention démontrait qu’il avait pris parti - le président local de l’AFPC a agi de mauvaise foi et s’est prévalu de son rôle de président local pour tenter de nuire à la réputation et aux intérêts du plaignant - la plainte ne concernait pas les affaires internes de l’agent négociateur - aucune preuve ne démontrait que l’agent négociateur avait joué un rôle dans les rumeurs circulant au lieu de travail concernant le plaignant ou dans les autres incidents qu’il a relatés - cependant, la plainte était hors délai - l’agent négociateur n’a pas refusé de représenter le plaignant et de contester son licenciement puisqu’il ne savait pas que le plaignant souhaitait déposer un grief - sa décision d’installer un filtre sur son système informatique témoignait certes d’un manque de jugement, mais ne constituait pas un manquement à son devoir de représentation juste. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations
de travail au Parlement

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-01-29
  • Dossier:  461-HC-24
  • Référence:  2009 CRTFP 10

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

LUC BEAULNE

plaignant

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Beaulne c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Plainte fondée sur l'article 13 de la Loi sur les relations de travail au Parlement

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John A. Mooney, commissaire

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour la défenderesse ::
Chantal Homier-Nehmé

Affaire entendue à Ottawa, du 13 au 15 février 2008,
du 14 au 18 juillet 2008, et le 21 juillet 2008.

I. Plainte devant la Commission

1 Le 7 février 2007, Luc Beaulne (le « plaignant ») a déposé une plainte en vertu de l’article 13 de la Loi sur les relations de travail au Parlement (la « LRTP »). Dans cette plainte, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC » ou la « défenderesse ») est désignée comme défenderesse.

2 Le plaignant était un préposé à l’entretien et à la manutention du matériel à la Chambre des communes (la « Chambre des communes » ou l’« employeur ») sur la Colline du Parlement. La convention collective applicable était la convention collective entre la Chambre des communes et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe de l’exploitation, sous-groupe des Opérations, des services d’imprimerie et des services de restauration (la « convention collective ») qui expire le 20 avril 2006 (pièce D-1).

3 Dans le formulaire de plainte, le plaignant allègue que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable en représentant un non-membre contre le plaignant dans une affaire personnelle du plaignant. Le plaignant allègue également que la défenderesse a omis de présenter un grief à l’égard de son licenciement lorsque le plaignant lui a demandé de le faire. Le plaignant soutient également que la défenderesse a commis des actes de mauvaise foi en tentant de le faire congédier depuis 2001. Le plaignant ajoute que la défenderesse a tenu des propos diffamatoires à son égard et a fait preuve de harcèlement, d’intimidation et d’humiliation à son endroit. Le plaignant déclare aussi que la défenderesse l’a rendu malade et qu’elle a rendu son milieu de travail un enfer.

4 Le plaignant demande une compensation ou des dommages punitifs.

5 La défenderesse nie les allégations du plaignant dans la réponse écrite qu’elle a fait parvenir à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») le 20 mars 2007.

6 Le plaignant, vu son état de santé, a demandé que Robert Doucet, conseiller en comportement humain, l’aide dans la présentation de sa plainte. M. Doucet est psychologue et traite le plaignant à titre de psychothérapeute. M. Doucet possède de l’expérience en relations de travail, ayant été président d’une unité syndicale pendant cinq ans. La défenderesse ne s’est pas objecté à cette demande. J’ai accepté la demande du plaignant.

II. Résumé de la preuve

7 Le plaignant a témoigné et a fait témoigner trois personnes. Six personnes ont témoigné pour la défenderesse. Le plaignant a déposé en preuve 27 pièces, et la défenderesse, 7 pièces.

8 Lorsque le plaignant a voulu déposer en preuve les pièces P-1 et P-2, la défenderesse s’est objecté à leur dépôt. La défenderesse a soutenu que ces deux pièces comportaient des allégations non prouvées du plaignant et des reproductions de courriels dont l’authenticité n’avait pas été établie. Comme les deux pièces en question sont des cahiers à anneaux qui contiennent plusieurs documents (la pièce P-2 contient des documents qui totalisent 173 pages), j’ai décidé qu’il était préférable que la défenderesse formule ses objections au fur et à mesure que nous examinerions chaque document.

9 Le plaignant a témoigné. Le plaignant a expliqué qu’en mai 2001, lui et son ex-amie (que je ne nomme pas parce qu’elle n’a pas été appelée à témoigner pour présenter sa version des faits), travaillaient tous deux pour la Chambre des communes, mais à des endroits différents. Le plaignant travaillait sur la Colline du Parlement à Ottawa et son ex-amie au 747 rue Belfast dans la même ville. Selon le plaignant, ses problèmes ont débuté en mai 2001 lorsque son ex-amie l’a accusé d’agression physique. L’ex-amie du plaignant avait déposé une plainte à cet égard auprès de la police de Gatineau. Le juge saisi de l’affaire avait rendu une ordonnance restrictive à l’endroit du plaignant lors de sa mise en accusation. Cette ordonnance restrictive prévoyait que le plaignant ne pouvait se présenter au 747 rue Belfast où travaillait son ex-amie.

10 Le plaignant a expliqué qu’à cette époque, il travaillait de nuit, mais pouvait retourner travailler de jour à partir de décembre 2001. Il savait cependant que son ex-amie voulait être mutée à la Colline du Parlement à partir de décembre 2001. Le plaignant a donc rencontré Diane Peladeau, chef des Services d’entretien à la Chambre des communes, le 25 octobre 2001, et lui a demandé de travailler de nuit pendant encore six mois, jusqu’au printemps 2002, pour ne pas croiser son ex-amie au travail. Il a fait ce geste de bonne foi pour faciliter les choses. Aussi, il aimait travailler la nuit parce que c’était plus tranquille.

11 Le plaignant m’a renvoyé à un courriel du 31 octobre 2001 de Pierre Parent, un gestionnaire des Relations de travail à la Chambre des communes, adressé à l’ex-amie du plaignant, dans lequel M. Parent informe cette dernière que le plaignant a demandé de continuer de travailler pendant le quart de nuit et que la gestion avait accepté sa demande (pièce P-2, page 10). Le lendemain, l’ex-amie du plaignant a demandé à M. Parent une copie de la demande du plaignant et de l’approbation de la gestion (pièce P-2, page 10). M. Parent a répondu à son l’ex-amie du plaignant le même jour que la demande du plaignant ainsi que l’approbation de la gestion avaient toutes deux été faites verbalement (pièce P-2, page 10).

12 Le plaignant a déclaré que le 7 novembre 2001, Mme Peladeaul’a informé que le président de l’unité de négociation 70390 (l’« unité de négociation »), Robert J. Beauchamp, avait expédié par l’entremise de Teresa Riopelle, la secrétaire-trésorière de l’unité de négociation, à M. Parent et à d’autres personnes, un courriel dans lequel il déclarait que l’unité de négociation allait offrir une représentation à l’ex-amie du plaignant. M. Beauchamp a aussi expédié à M. Parent et à d’autres personnes, une copie de l’ordonnance restrictive. Ce courriel daté du 2 novembre 2001 se lit en partie comme suit (pièce P-2, page 11) :

[Traduction]

[…]

Le comité exécutif de la section locale 70390 a récemment rencontré [nom de l’ex-amie du plaignant omis] au sujet de l'ordonnance restrictive susmentionnée. Après examen des documents qui nous ont été remis, nous avons convenu d'accepter cette affaire et d'assurer la représentation voulue.

En outre, aux fins du suivi de la demande [que l'ancienne copine] [sic] vous a présentée, le syndicat exigera que l'employeur fournisse une confirmation écrite que M. Luc Beaulne continuera de travailler pendant le quart de 23 h à 7 h en attendant la résolution de cette affaire, qui se trouve devant les tribunaux.

Nous nous attendons à ce que l'employeur prenne les mesures nécessaires pour veiller à ce que l'ordonnance restrictive imposée à l'un de ses employés soit respectée.

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

13 Le plaignant ne comprenait pas pourquoi les représentants de l’exécutif de l’unité de négociation s’impliquaient ainsi dans sa vie personnelle et décidait de représenter son ex-amie contre lui. L’ex-amie du plaignant ne faisait pas partie de l’unité de négociation. Il ne comprenait pas non plus l’obsession de M. Beauchamp d’obtenir une confirmation écrite que le plaignant travaillerait de nuit. Son ex-amie avait reçu de M. Parent, le 31 octobre 2001, un courriel dans lequel M. Parent confirmait que le plaignant travaillerait pendant le quart de nuit (pièce P-2, page 10). Le lendemain, M. Parent avait précisé à l’ex-amie du plaignant que le plaignant et lui avaient conclu une entente verbale à ce sujet.

14 Le 5 novembre 2001, M. Parent a expédié un courriel à Mme Riopelle et à M. Beauchamp leur expliquant qu’il avait déjà informé l’ex-amie du plaignant par courriel que la gestion avait accepté la demande du plaignant de continuer de travailler de nuit jusqu’au printemps 2002 (pièce P-2, page 15).

15 Le 7 novembre 2001, le plaignant a contacté Ed Cashman, le président de l’Élément national de l'AFPC (l’« Élément national »), pour lui faire part des démarches de M. Beauchamp et lui demander pourquoi les représentants de l’unité de négociation se mêlaient de ses affaires personnelles et représentaient un non-membre contre un membre en règle. Le plaignant a appris plus tard que M. Cashman avait expédié un courriel à M. Beauchamp le même jour, dans lequel M. Cashman informait M. Beauchamp qu’il avait eu une discussion avec le plaignant ce jour-là (pièce P 2, page 16). Dans ce même courriel, M. Cashman demandait à M. Beauchamp si quelqu’un de l’unité de négociation pourrait représenter le plaignant. Mme Riopelle avait répondu à M. Cashman que le plaignant n’avait pas besoin de représentation puisque son emploi n’était pas menacé (pièce P-2, page 17).

16 Le plaignant a témoigné que M. Cashman lui avait téléphoné le 7 novembre 2001 pour lui dire qu’il ne pouvait intervenir dans cette situation vu son poste. M. Cashman a demandé au plaignant de lui faire parvenir la preuve qu’il pouvait avoir au sujet de l’implication de M. Beauchamp dans la situation personnelle du plaignant. Le plaignant a expédié à M. Cashman le courriel de M. Parent à Mme Riopelle du 5 novembre 2001 (pièce P-2, page 15).

17 Le plaignant a porté à mon attention un courriel du 12 novembre 2001 de M. Cashman à M. Beauchamp et à Mme Riopelle dans lequel M. Cashman avertit ces derniers qu’un membre de l’exécutif d’une unité de négociation ne devrait pas prendre parti pour un membre contre un autre membre. (Le plaignant a découvert ce courriel en avril 2003 lorsqu’il est devenu vice-président de son unité de négociation.) M. Cashman écrit également que la conduite des représentants de l’unité de négociation pourrait donner lieu à une poursuite judiciaire de la part du plaignant (pièce P-2, page 20) :

[Traduction]

[…]

M. Beaulne m'a appelé le 7 novembre 2001 et m'a fait part de ses préoccupations. Il se peut que son point de vue soit légitime. Je veux discuter du courriel envoyé à Bob Beauchamp le 2 novembre 2001 (par Teresa).

Le courriel se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

  1. Le comité exécutif de la section locale 70390 a récemment rencontré [le nom de l’ex-amie du plaignant est omis][…] Après examen des documents qui nous ont été remis, nous avons convenu d'accepter cette affaire et d'assurer la représentation voulue.
  2. En outre, […] le syndicat exigera […]

Le message de Bob à titre de président de la section locale donne à penser, à tort ou à raison, que la section a choisi son camp à l'égard du différend. L'utilisation du terme « syndicat » indique en outre que l'AFPC a pris parti, ou c'est du moins l'impression qu'on pourrait avoir. Il importe, dès qu'il s'agit d'une situation mettant en cause au moins deux membres du syndicat en poste au même lieu de travail, que la section locale ne donne pas l'impression de prendre parti. Toutes les affaires doivent être tranchées sur le fond. Vous n'avez pas entendu la version de M. Beaulne.

[…]

En ce qui concerne l’affirmation selon laquelle [TRADUCTION] « nous pouvons représenter M. Beaulne, s'il en a besoin et quand il en aura besoin », compte tenu de la déclaration décrite de la section locale, le comité exécutif a fait preuve de partialité. M. Beaulne peut avoir de bonnes raisons d'entreprendre de son propre chef une poursuite contre le comité exécutif de la section locale pour manquement à son devoir de représentation. La section locale s'est trouvée dans une situation très difficile récemment, lorsqu'un membre n'a pas fait l’objet d'une représentation adéquate. Les circonstances sont quelque peu différentes cette fois-ci, mais le résultat final est le même. Tout le monde a le droit de faire valoir ses arguments devant les tribunaux. Personne ne devrait être déclaré coupable sans une audience en bonne et due forme.

Nous nous trouvons dans une situation où il faudra désigner un agent syndical pour aider M. Beaulne, et il sera peut-être opposé à un membre du comité exécutif de la section locale qui représentera rencontré [le nom de l’ex-amie du plaignant est omis]. Cette situation ne pourra être perçue de façon positive par les membres ou par l'employeur. L'employeur, entre autres intervenants, pourrait d'ailleurs profiter de l'occasion pour discréditer les membres du comité exécutif de la section locale. Personne ne sortira gagnant d'une telle situation.

Je demanderais au comité exécutif, à l'avenir, de faire preuve d'une plus grande prudence et d'éviter de se placer dans ce genre de situation. Le comité ne doit prendre parti dans aucun différend; il doit plutôt laisser la justice suivre son cours normal.

[…]

18 Le plaignant a témoigné que Linda Koo, une agente syndicale de l’Élément national, lui avait téléphoné le 14 novembre 2001 pour lui annoncer que l’Élément national l’avait choisie pour représenter le plaignant. (Le plaignant et la documentation soumise en preuve réfèrent à Linda Vaillancourt, mais elle s’est mariée depuis et se nomme maintenant Linda Koo ; j’utiliserai donc le nom de Mme Koo dans la présente décision.) Le plaignant a demandé à Mme Koo que les représentants de l’unité de négociation cessent de lui « tomber sur le dos ».

19 Le plaignant a raconté que ce même mois, un collègue de travail lui a appris qu’un délégué syndical, R.L. (que je désigne par des initiales parce que le plaignant accuse cette personne d’actes répréhensibles et cette personne n’a pas été appelée à témoigner pour se défendre) avait eu une rencontre avec plusieurs employés et leur avait dit que le plaignant était un « batteur de femmes ». Selon le plaignant, R.L. leur a aussi dit de rendre le milieu de travail du plaignant aussi mauvais que possible.

20 Le 23 novembre 2001, le plaignant a informé Mme Koo de cet incident. Il lui a raconté les propos de R.L. et lui a demandé de l’aide pour faire cesser cette attaque à sa réputation et l’intrusion de M. Beauchamp dans sa vie personnelle.

21 Le 4 décembre 2001, M. Parent a écrit à M. Beauchamp lui indiquant que la gestion devait respecter à la fois les droits du plaignant et ceux de l’ex-amie du plaignant pour ce qui est de leurs heures de travail. M. Parent a ajouté que le plaignant avait été très coopératif en offrant volontairement de travailler pendant le quart de nuit pour éviter de croiser son ex-amie (pièce P-2, page 24).

22 Le plaignant m’a renvoyé à une lettre qu’avait écrite M. Beauchamp à M. Parent le 5 décembre 2001. Dans cette lettre, que le plaignant a découverte en avril 2003, M. Beauchamp écrit que le plaignant est coupable du délit dont l’ex-amie du plaignant l’accuse (« perpetrator » en anglais), et que l’ex-amie est la victime (pièce P-2, page 26) :

[Traduction]

[…]

           L'ordonnance restrictive demandée par rencontré [le nom de l’ex-amie du plaignant est omis] porte uniquement sur Belfast, mais la direction l'a mutée à l'édifice de la Confédération. Son inquiétude était liée au fait que, si M. Beaulne travaillait de jour, leurs chemins se croiseraient, et elle a simplement demandé qu'il continue de travailler de nuit jusqu'à ce que l'affaire soit entendue. Nous n'avons en aucun cas représenté rencontré [le nom de l’ex-amie du plaignant est omis]; nous avons seulement essayé d'intercéder pour elle auprès des Relations de travail.

          Dans votre lettre, vous faites état de la position de la direction. Comment pouvez-vous favoriser les droits du prétendu coupable? Encore une fois, nous vous rappelons que vous devez assurer la sécurité de tous les employés, car il est évident que vous n'assumez pas vos responsabilités à cet égard et que vous ne vous souciez pas de la victime.

          En ce qui concerne la coopération de M. Beaulne, celui-ci n'a pas le choix — il est l'auteur de l'acte fautif, rencontré [le nom de l’ex-amie du plaignant est omis] en est la victime.

          Je conviens du fait qu'il s'agit d'une affaire externe, et je ne comprends pas bien pourquoi M. Beaulne tient absolument à être représenté; son emploi n'est pas menacé.

          Je conviens du fait qu'il ne s'agit pas d'un cas de harcèlement, mais d'un cas de voies de fait et coups, ce qui est beaucoup plus grave.

          De toute évidence, vous faites une montagne avec des riens — une simple intercession en faveur d'une employée non syndiquée vous a amené à informer l'élément concerné d'une chose qui ne s'est jamais produite et qui ne vous regarde pas, et à agir d'une manière qui, selon nous, constitue de l'ingérence dans les affaires du syndicat.

[…]

23 Le plaignant a souligné que M. Beauchamp concluait que le plaignant était coupable de l’accusation d’agression, même si son procès n’avait pas encore eu lieu.

24 Le plaignant a décrit un incident qui a eu lieu le 12 décembre 2001. Il a croisé dans un corridor de l’édifice du ministère de la Justice un collègue que je désignerai par les initiales D.N. parce que le plaignant accuse cette personne de certains actes répréhensibles et cette personne n’a pas été appelée à témoigner pour se défendre de ces accusations. Selon le plaignant, D.N. l’a poussé avec force à deux reprises et l’a frappé violemment à l’estomac. D.N. a également proféré des injures à son endroit. Le plaignant s’est alors rendu à la cafétéria où D.N. l’a rejoint. D.N. a crié au plaignant d’oublier l’incident qui venait de se produire. Plusieurs employés ont vu la scène à la cafétéria, dont son superviseur, Stéphane Pilon.     

25 Le lendemain, D.N. a approché le plaignant et lui a demandé de lui parler. Le plaignant l’a emmené dans le bureau de M. Pilon. D.N. s’est excusé de son comportement.

26 Le 17 décembre 2001, le plaignant a écrit à Nycole Turmel, présidente nationale de l’AFPC. Le plaignant a décrit à Mme Turmel l’intrusion de M. Beauchamp dans sa vie personnelle et lui a demandé de la rencontrer (pièce P-2, page 28). Mme Turmel lui a répondu le 21 décembre 2001 qu’elle transmettait la lettre du plaignant à M. Cashman puisque cette question relevait de l’Élément national et que M. Cashman en était le président national (pièce P-2, page 29).

27 Le plaignant a témoigné qu’à cette époque il était stressé parce qu’il attendait son procès et que s’il était trouvé coupable, non seulement il serait passible de prison, mais il risquait également de perdre son emploi à la Chambre des communes si sa condamnation affectait sa cote de sécurité.

28 Le 4 janvier 2002, le plaignant a rencontré son médecin puisque toute cette affaire commençait à l’affecter physiquement et mentalement. Le plaignant m’a renvoyé à un certificat médical qui atteste que le plaignant souffrait alors de troubles d’adaptation en raison de difficultés au travail (pièce P-2, page 30).

29 Le procès a eu lieu les 29 et 30 janvier 2002. Le plaignant a été acquitté sur-le-champ de toute accusation et le juge du procès a annulé l’ordonnance restrictive.

30 Le plaignant a affirmé avoir été harcelé par M. Beauchamp. Le plaignant m’a renvoyé à la politique de harcèlement de l’AFPC qui précise que les employés doivent travailler ensemble et que le respect mutuel est la pierre angulaire de cette coopération (pièce P-2, page 34). Cette politique précise également que les employés ont le droit de vivre dans un environnement libre de harcèlement personnel.

31 Le plaignant a expliqué que le 13 février 2002 il a rencontré M. Cashman, Mme Koo et un autre représentant de l’agent négociateur que je désignerai par les initiales T.L. parce que le plaignant accuse cette personne de certains actes répréhensibles et cette personne n’a pas été appelée à témoigner pour se défendre. Ces trois personnes se sont rencontrées dans l’aire de restauration au 240 rue Sparks à Ottawa. Le plaignant a demandé des explications à M. Cashman et lui a dit de s’assurer que M. Beauchamp « débarque de son dos ». Le plaignant a remis à M. Cashman plusieurs courriels ainsi que deux documents qui étayent ses doléances à l’endroit de la défenderesse (pièce P-2, pages 36 et 37).M. Cashman a dit que T.L.fournirait au plaignant les documents dont il aurait besoin pour se défendre. T.L. ne lui a jamais remis les documents promis même si le plaignant en a fait la demande à plusieurs reprises.

32 Le 28 mars 2002, le plaignant s’est rendu avec un ami au siège social de l’AFPC sur la rue Gilmour à Ottawa pour rencontrer M. Cashman, Mme Koo, Mme Riopelle et M. Beauchamp. C’était la première fois que le plaignant rencontrait M. Beauchamp. Le plaignant a posé plusieurs questions aux personnes présentes mais n’a pas obtenu de réponses satisfaisantes. Lorsque le plaignant a dit qu’il irait voir Mme Turmel, M. Cashman lui a formellement interdit de le faire et a escorté le plaignant et son ami jusqu’à l’extérieur de l’édifice.

33 Le plaignant a posé sa candidature au poste de président de son unité de négociation. L’élection a eu lieu le 4 avril 2002. Le plaignant n’a pas été élu.

34 Le plaignant a raconté un incident impliquant son ex-amie. Le 8 mai 2002, il marchait sur la rue Sparks avec Richard Cloutier, chef délégué syndical de l’unité de négociation, lorsqu’il a croisé son ex-amie. Le plaignant ne l’avait pas vue depuis le jour du procès. Le plaignant a dit à son ex-amie « je suis innocent » et son ex-amie lui a crié des insultes en français et a ajouté « ça t’a coûté cher d’avocat ». Elle a répété ces insultes une dizaine de fois. Le plaignant était embarrassé et s’est éloigné.

35 Après cet incident, le plaignant a dit à M. Cloutier qu’il aimerait porter une plainte de harcèlement à l’endroit de son ex-amie à la suite de l’incident qui venait d’avoir lieu. M. Cloutier a répondu que le plaignant ne pouvait déposer une plainte de harcèlement pour cet incident parce que l’ex-amie du plaignant n’avait pas proféré ces insultes au lieu de travail et pendant les heures de travail.

36 Plus tard, M. Cloutier a dit au plaignant qu’il ne comprenait pas le français et ne pouvait donc témoigner de l’incident. Deux semaines après cet incident, le plaignant a appris que la langue maternelle de l’épouse de M. Cloutier était le français. Lorsque le plaignant a placé M. Cloutier devant ce fait, M. Cloutier a admis qu’il comprenait le français et avait compris ce que l’ex-amie du plaignant avait dit au plaignant lorsque le plaignant et son ex-amie s’étaient croisés sur la rue Sparks. M. Cloutier, qui avait été interviewé par l’enquêteur de la plainte de harcèlement de l’ex-amie du plaignant, a dit qu’il allait modifier son témoignage sur cette question. Le plaignant m’a renvoyé à la déposition écrite de M. Cloutier à cet enquêteur dans laquelle M. Cloutier admet que l’ex-amie du plaignant a crié au plaignant : « Estie de chien salle, estie de chien sale, ça t’a coûté chère [sic pour l’ensemble de la citation] » (pièce P-2, page 50).

37 Le 27 mai 2002, le plaignant a reçu une lettre d’Annie Gagnon, l’agente de prévention de harcèlement,l’informant que l’ex-amie du plaignant avait déposé une plainte de harcèlement à l’endroit du plaignant pour l’incident survenu sur la rue Sparks (pièce P-2, page 43). Le plaignant m’a renvoyé à la plainte de son ex-amie dans laquelle elle affirme que le plaignant a crié « Innocent, Innocent [sic]» (pièce P 2, page 42).Selon cette plainte, l’ex-amie du plaignant aurait répondu : « Non, acquitté ce n’est pas pareil puis ça te coûter cher de m’avoir frapper » [sic pour l’ensemble de la citation].

38 Le plaignant m’a renvoyé à un courriel daté du 9 mai 2002 de M. Beauchamp à l’ex-amie du plaignant dans lequel M. Beauchamp demande à l’ex-amie de lui remettre une copie de la transcription de l’enregistrement audio du procès du plaignant. M. Beauchamp avait écrit (pièce P-2, page 45) :

[Traduction]

[…]

Merci pour les renseignements. Je ne suis pas surpris qu'un incident se soit produit. J'aimerais beaucoup que vous me teniez informé de tous les faits nouveaux concernant votre plainte officielle pour harcèlement. En outre, si vous recevez la transcription du contenu de la cassette, auriez-vous l'obligeance de nous en transmettre une copie?

[…]

39 Le plaignant m’a aussi renvoyé à un courriel du 9 mai 2002 de M. Beauchamp à M. Cashman et à Mme Koo dans lequel M. Beauchamp fait les commentaires suivants au sujet de la plainte de harcèlement de l’ex-amie du plaignant:

[Traduction]

[…]

La présente vous est communiquée à titre d'information. Pouvez-vous croire que c'est ce même gars qui s'est présenté à la « PRÉSIDENCE » de cette section locale-ci le 4 avril 2002. Quelle FARCE, et que Dieu nous vienne en aide!

[…]

40 Le plaignant a alors demandé une mutation à un autre poste de la fonction publique, comme l’atteste l’échange de courriels entre M. Cloutier et M. Parent, mais ce dernier a indiqué que cela n’était pas possible (pièce P-2, pages 46, 47 et 48).

41 En juillet 2002, le plaignant a décidé de devenir un délégué syndical. Pour s’y préparer, il a suivi un cours de règlement de griefs. Il a obtenu un certificat attestant qu’il avait suivi ce cours à l’automne 2002 (pièce P-2, page 60).

42 À l’été 2002, Heather Brooker est devenue présidente nationale de l’Élément national. Le plaignant a informé Mme Brooker de ses doléances et ils ont eu quelques échanges de courriels.

43 Le 27 août 2002, le plaignant a déposé auprès de la défenderesse une plainte interne à l’endroit de M. Beauchamp au motif que ce dernier avait agi de mauvaise foi en représentant un non-membre contre un membre (pièce P-2, page 52). Le 30 août 2002, Mme Brooker a répondu au plaignant que ce dernier n’avait pas fourni assez de preuves pour justifier une enquête (pièce P-2, page 53). Le plaignant lui a fourni plus de détails sur sa plainte en octobre 2002 (pièce P-2, pages 55 à 59 et 62).

44 Le plaignant a décrit la rencontre qu’il a eue avec Mme Brooker le 9 décembre 2002 dans un restaurant près du siège social de l’AFPC. Les personnes suivantes étaient également présentes : M. Ransom, vice-président de la région de la capitale nationale de l’AFPC, M. Cloutier et Richard Lefebvre, vice-président de l’unité de négociation. Le plaignant était en congé de maladie à cette époque mais M. Cloutier et M. Lefebvre l’ont convaincu de participer à cette rencontre malgré son état dépressif. Mme Brooker a déclaré que le plaignant avait raison et que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation. Mme Brooker s’est excusée plusieurs fois et a promis que M. Beauchamp « débarquerait de son dos ». Mme Brooker lui a alors offert un chèque de 1 000 $ pour le dédommager des pertes qu’il avait subies dans cette affaire à la condition que le plaignant signe une quittance. Le plaignant s’est senti insulté et est sorti du restaurant. M. Cloutier et M. Lefebvre l’ont rejoint et l’ont convaincu qu’il avait intérêt à retourner à la table pour voir si Mme Brooker allait lui offrir plus d’argent. Le plaignant a cédé et est retourné voir Mme Brooker. Mme Brooker a dit au plaignant qu’elle lui offrirait un chèque supplémentaire de 500 $. Selon le plaignant, 1 500 $ ne représentait que 37% des dépenses qu’il avait engagées dans cette affaire. Le plaignant voulait partir de nouveau, mais M. Cloutier lui a conseillé de prendre l’argent et d’essayer d’en réclamer davantage plus tard. Le plaignant a accepté les deux chèques et a signé la quittance.Dans cette quittance, le plaignant s’engageait à ne pas poursuivre la défenderesse et ses représentants (pièce P-2, page 65). Mme Brooker a promis verbalement des lettres d’excuses de la part de M. Cashman et de M. Beauchamp. Selon le plaignant, les représentants de la défenderesse ont attendu qu’il soit malade pour lui faire signer une quittance.

45 M. Cashman n’a pas offert d’excuses au plaignant à propos de son comportement (pièce P-2, page 67). M. Cashman s’est seulement excusé du fait que les délais n’avaient pas été respectés. M. Beauchamp ne s’est jamais excusé de son comportement.

46 Art St-Louis, le chef des Services d’entretien et de manutention du matériel, a écrit au plaignant le 5 février 2003. M. St-Louis mentionne que l’enquêteur de la plainte de harcèlement de l’ex-amie du plaignant avait conclu que le plaignant et son ex-amie étaient tous deux coupables d’avoir laissé une situation personnelle empoisonner leur milieu de travail (pièce P-2, page 68).

47 Le plaignant a été élu vice-président de son unité de négociation le 16 avril 2003. M. Lefebvre a été élu président de l’unité de négociation.

48 Le plaignant a déclaré qu’il avait découvert des irrégularités dans la gestion du budget de l’unité de négociation lorsqu’il est devenu vice-président de son unité de négociation. Il voulait me renvoyer à divers documents portant sur ce sujet. La défenderesse s’est objecté à cette allégation et à toute preuve qui pourrait être soumise concernant ce sujet au motif que la gestion du budget de l’unité de négociation était une affaire interne de la défenderesse et que ce sujet n’était pas pertinent à l’égard de la présente plainte. J’ai donné raison à la défenderesse. La gestion du budget de l’unité de négociation n’était pas pertinente quant à savoir si la défenderesse avait assuré une représentation équitable au plaignant. 

49 Le plaignant a rencontré Mme Brooker une deuxième fois, le 30 juillet 2003 au même restaurant près du siège social de l’AFPC. Le plaignant lui a fait part de la découverte de nouveaux documents, en avril 2003, lorsqu’il est devenu vice-président de l’unité de négociation et, selon lui, ces documents incriminaient M. Beauchamp. Le plaignant a aussi dit que la défenderesse n’avait pas respecté l’entente qu’il avait conclue avec la défenderesse en décembre 2002. Le plaignant a aussi révélé qu’il avait découvert un document qui indiquait les frais de consultation juridique que M. Beauchamp avait engagés pour consulter un avocat au sujet du plaignant. Mme Brooker a dit au plaignant qu’il n’avait pas assez de preuves pour appuyer ses allégations à l’endroit de M. Beauchamp.

50 La défenderesse s’est objecté à ce que je reçoive en preuve le document qui mentionne le coût des consultations de M. Beauchamp auprès d’un conseiller juridique au sujet du plaignant. La défenderesse a mentionné que ce n’est pas pertinent et qu’un tel document a trait à la régie interne de la défenderesse. J’ai pris l’objection sous réserve. J’ai décidé de ne pas admettre cette preuve parce qu’elle n’est pas pertinente et parce que ce document, à mon avis, est protégé par le privilège qui s’attache aux relations entre un conseiller juridique et son client.

51 Le plaignant a démissionné de son poste de vice-président de l’unité de négociation en  septembre 2003.

52 Le plaignant a raconté que T.L. l’avait insulté, le 19 novembre 2003, lorsque le plaignant passait devant l’édifice de la Confédération sur la rue Wellington. T.L. lui aurait dit : [traduction] « Va te faire foutre, retourne au travail » (en anglais : « fuck-off, go back to work »). Un collègue de travail, Danik Racine, passait près de là et le plaignant lui a demandé s’il avait entendu ce que T.L. avait dit, et M. Racine a répondu oui. Le plaignant a relaté cet incident à Mme Peladeau. Le plaignant a dit à Mme Peladeau qu’il voulait déposer une plainte de harcèlement à l’endroit de T.L. Mme Peladeau a appelé T.L. et ce dernier est venu rencontrer le plaignant. T.L. a dit : [traduction] « Je m’excuse si j’ai dit cela ». Le plaignant a dit à T.L. qu’il n’acceptait pas ses excuses à cause du « si » dans ses excuses. À ce moment, la chemise de T.L. a pris feu et T.L. est sorti du bureau. Il semble que T.L. avait inconsciemment mis une cigarette allumée dans la poche de sa chemise. Après cette rencontre, le plaignant a dit à Mme Peladeau qu’il n’acceptait pas les excuses de T.L.

53 Le plaignant a visité son médecin, le Dr Frank J. LaRue, le 19 novembre 2003. Le Dr LaRue a ordonné que le plaignant s’absente de son travail pour des raisons médicales pour environ huit semaines (pièce P-2, page 80).

54 Le 9 décembre 2004, le plaignant a reçu une lettre de Mme Peladeau lui expliquant que le plaignant était en congé de maladie depuis le 5 novembre 2003 et que l’employeur pouvait lui accorder une prolongation de deux ans (pièce P-2, page 92).

55 Le 25 octobre 2006, M. St-Louis a écrit au plaignant, lui indiquant que son emploi prendrait fin le 6 novembre 2006 pour raison d’incapacité (pièce P-2, page 94).

56 Le 23 novembre 2006, le plaignant a expédié un courriel à Mme Brooker lui annonçant qu’il venait d’être licencié pour raison médicale (pièce P-18). Dans ce courriel, le plaignant affirme que la défenderesse est responsable de son licenciement à cause de la façon dont la défenderesse l’a traité.

57 Le 1er décembre 2006, le plaignant a expédié un autre courriel à Mme Brooker concernant son licenciement. Dans ce courriel, le plaignant demande à Mme Brooker de lui expliquer pourquoi elle n’a pas répondu à son courriel précédent et il demande à Mme Brooker ce qu’elle fera pour lui faire oublier la façon dont il a été traité par la défenderesse (pièce P-20).

58 Le plaignant a expédié un autre courriel à Mme Brooker le 7 décembre 2006, pour lui rappeler qu’elle n’avait pas encore répondu aux courriels précédents. Le plaignant demandait également à Mme Brooker de le rencontrer (pièce P-21).

59 Le plaignant a expédié un autre courriel à Mme Brooker le 18 décembre 2006. Dans ce courriel, le plaignant reproche à Mme Brooker de l’ignorer (pièce P-19).

60 Le plaignant a expédié un courriel à Mme Brooker et à M. Cashman le 1er janvier 2007 pour leur rappeler que la défenderesse avait ruiné sa vie (pièce P-25).

61 Le 22 janvier 2007, le plaignant a expédié un courriel à Mme Brooker, à M. Cashman et à M. Ransom leur demandant leur aide pour déposer un grief à l’égard de son licenciement. Ce courriel se lit en partie comme suit (pièce P-22) :

[Traduction]

[…]

On m'a vivement conseillé de communiquer avec vous et de vous demander qu'un grief officiel soit déposé contre la direction pour cause de licenciement injustifié. Je dispose d'un délai de 90 jours pour présenter le grief, et ce délai est presque écoulé, alors veuillez me répondre le plus rapidement possible, s'il vous plaît.

J'ai été officiellement licencié le 6 novembre 2006, de sorte qu'il reste encore du temps pour entreprendre la procédure, et, comme je suis membre de ce syndicat, j'ose espérer que vous consentirez à m'aider à remédier à la situation malheureuse dans laquelle je me trouve.

Si vous décidez de ne pas répondre avant l'échéance du délai, je n'aurai plus aucun contrôle sur la situation. N’oubliez pas que je vous ai demandé en novembre 2006 si vous aviez des solutions ou des mesures de règlement à proposer.

Je crois que vous auriez pu mentionner ou m'offrir la possibilité de déposer un grief en novembre, mais, malheureusement, vous n'avez jamais répondu à mes nombreuses demandes d'aide depuis. C'est la dernière chance que nous avons de sauver mon emploi, alors s'il vous plaît répondez-moi […]

[…]

62 Le 3 février 2007, le plaignant a expédié un autre courriel à Mme Brooker et à M. Cashman, leur demandant de déposer un grief à l’égard de son licenciement. Le courriel se lit en partie comme suit (pièce P-23) :

[Traduction]

[…]

Comme le délai est presque arrivé à échéance et que vous n'avez toujours pas répondu à mes nombreuses demandes de représentation, je n'ai d'autres choix que de vous (AFPC) faire savoir, comme on me l'a vivement conseillé, qu'il ne vous restait que deux options avant que j'entreprenne d'autres procédures.

  1. Je souhaite contester par voie de grief la décision de la direction relativement à mon licenciement injustifié avant l'échéance du délai prescrit ou […]
  2. Je présenterai devant la CRTFP une plainte contre vous pour mauvaise foi, défaut de déposer un grief et manquement au devoir de représentation équitable.

[…]

Je vous prie donc de me répondre le plus rapidement possible et de me faire connaître votre décision concernant ma demande de grief. Si vous ne me répondez pas bientôt, je n'aurai d'autres choix que de présenter à la CRTFP une plainte contre vous pour les motifs susmentionnés, et sachez qu'elle visera tout le monde, de Mme Turmel à M. Beauchamp, en passant par toutes les autres personnes concernées.

[…]

63 Le plaignant a déposé en preuve le rapport d’évaluation de son rendement pour la période du 1er juin 2002 au 31 août 2002 (pièce P-2, page 155). L’évaluation du rendement faite par son superviseur était : « dépasse parfois les exigences ». Ce même rapport indique que le plaignant a beaucoup d’initiative et qu’il a une attitude positive.

64 Le plaignant a déposé en preuve un courriel dans lequel Paul Martin, alors député, écrit à Mme Peladeau que le plaignant fait un excellent travail (pièce P-6).

65 Le plaignant a témoigné qu’il voulait déposer un grief au sujet de son licenciement, mais Mme Brooker ne répondait pas à ses courriels. Il n’a donc pas déposé de grief à ce sujet.

66 Le plaignant a déposé une liste des sommes qu’il demande à titre de mesures de redressement. Le plaignant demande 1 500 000 $ pour perte de son emploi et 1 000 00 $ pour perte de jouissance de la vie. Il demande également qu’une peine pécuniaire soit imposée à la défenderesse à titre de peine exemplaire et de sanction disciplinaire (pièce P-27).

67 En contre-interrogatoire, le plaignant a confirmé qu’il avait suivi des cours de relations de travail, comme l’indiquent les certificats qu’il avait déposés en preuve (pièce P-2, pages 60 et 61). Il s’agissait de petits cours donnés en fin de semaine. Ils n’étaient pas très élaborés. Le cours sur le règlement de griefs durait deux jours et celui au sujet du fonctionnement de l’organisation syndicale, un jour.

68 Le plaignant a déclaré en contre-interrogatoire n’avoir jamais déposé de grief à l’égard de son licenciement.

69 Le plaignant a nié que M. Cloutier ait agi à titre de représentant pour lui.

70 En réponse à une autre question posée par la défenderesse, le plaignant a déclaré qu’il avait été en congé de maladie depuis novembre 2003, jusqu’à son licenciement.

71 Le plaignant a dit qu’il n’a pas contacté la défenderesse lorsqu’il a reçu la lettre de son employeur l’informant qu’il pouvait prolonger son congé de maladie de deux ans (pièce P-2, page 92).

72 La défenderesse a renvoyé le plaignant à la lettre de M. St-Louis du 25 octobre 2006, dans laquelle ce dernier écrit que le plaignant n’avait pas contacté la défenderesse pour l’informé de l’évolution de sa maladie :

[…]

Depuis le début de votre absence, la Chambre des communes a communiqué avec vous à plusieurs reprises pour vous aviser de votre statut d’emploi à la Chambre ainsi que de votre responsabilité à communiquer avec nous si votre médecin jugeait que vous étiez apte à revenir au travail. Malheureusement nous n’avons reçu aucune indication de votre part que votre condition médicale ce [sic] serait améliorée et que vous pourriez revenir au travail.

[…]

73 Le plaignant a aussi déclaré qu’il ne se souvenait pas s’il avait fourni des rapports médicaux à Mme Peladeau.

74 Le plaignant a témoigné qu’il n’avait pas approché les représentants de l’unité de négociation pour déposer un grief parce qu’ils étaient ses agresseurs.

75 Le plaignant admettait connaître Andrée Lemire. C’est une personne gentille et il n’a jamais eu de rapports négatifs avec elle. Le plaignant n’a jamais demandé à Mme Lemire de déposer un grief contre son licenciement puisqu’il ne connaissait pas ses fonctions. Le plaignant savait que Mme Lemire travaillait à l’Élément national, mais il n’avait jamais eu affaire à elle.

76 Le plaignant a reconnu avoir consulté un cabinet d’avocats en vue de poursuivre la défenderesse en 2004, comme l’indique la lettre d’un avocat de ce cabinet du 2 novembre 2004, déposée en preuve par la défenderesse (pièce D-6). Il voulait obtenir justice pour le tort que la défenderesse lui avait fait.

77 La représentante de la défenderesse a renvoyé le plaignant à un courriel que le plaignant avait adressé à un cabinet d’avocats le 9 novembre 2006 (pièce D-3). Le plaignant a reconnu avoir tenté de retenir les services d’un avocat à cette époque.

78 Le plaignant a déclaré en contre-interrogatoire que T.L. ne faisait pas partie de l’exécutif de l’unité de négociation. Le plaignant a ajouté qu’il n’avait jamais présenté une plainte de harcèlement à l’endroit de T. L. parce que Mme Peladeau ne voulait pas qu’il porte plainte.

79 Le plaignant a affirmé ne pas avoir pris de mesures pour s’assurer que Mme Brooker reçoive les courriels qu’il lui avait expédiés de novembre 2006 à février 2007 (pièces P-18 à P-26).

80 M. Racine a témoigné pour le plaignant. M. Racine est un employé de la Chambre des communes depuis 1999. M. Racine a témoigné qu’en novembre 2003, il fumait une cigarette près de l’édifice de la Confédération lorsqu’il a entendu T.L. dire au plaignant : [traduction] « va te faire foutre, retourne au travail » (en anglais : « fuck-off, go back to work »).

81 Louis Lemay a témoigné pour le plaignant. M. Lemay connaît le plaignant depuis 13 ou 14 ans. Ils se sont connus à l’école secondaire. M. Lemay a déclaré que l’attitude du plaignant avait changé depuis 2001 et il espérait que le « calvaire » du plaignant cesse un jour.

82 Le 15 février 2008, à la fin de la première semaine d’audience, le plaignant a signalé qu’il allait déposer un rapport médical rédigé par son psychiatre, le Dr Marion Koch, pour établir son état et le fait que ces problèmes de santé avaient été causés par la façon dont la défenderesse l’avait traité. La défenderesse s’est opposé à la production du rapport du Dr Koch au motif que son témoignage n’était pas pertinent. J’ai décidé que j’allais permettre au plaignant de déposer ce rapport puisqu’il pouvait être pertinent. L’allégation du plaignant, telle que formulée dans le formulaire de plainte, était que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation lors de son licenciement, que la cause de son licenciement était sa santé et que la détérioration de sa santé était attribuable à la conduite de la défenderesse à son égard. Le rapport médical pouvait étayer ces prétentions. De plus, les effets du présumé manquement au devoir de représentation sur la santé du plaignant pouvaient influer sur les mesures de redressement. La défenderesse a alors demandé que j’exige que le Dr Koch comparaisse à l’audience afin que la défenderesse puisse le contre-interroger sur son rapport. La défenderesse a également demandé de recevoir le rapport, ainsi que les notes sur lesquelles le rapport est basé, dans un délai raisonnable, avant la continuation de l’audition de cette plainte. La défenderesse se réservait le droit d’appeler à son tour un témoin expert pour réfuter les conclusions du Dr Koch. Le plaignant ne s’est pas objecté à cette demande. J’ai accepté la demande et j’ai ordonné que si le plaignant souhaitait produire le rapport du Dr Koch, il devait appeler le Dr. Koch comme témoin. De plus, le plaignant devait remettre à la défenderesse le rapport du Dr Koch ainsi que son curriculum vitae dans les trois semaines suivant le 15 février 2008. J’ai aussi ordonné que si la défenderesse décidait à son tour de déposer un rapport concernant la santé du plaignant, il devait de même façon remettre le rapport médical au plaignant dans un délai raisonnable, ainsi que le curriculum vitae de l’expert qui aurait rédigé le rapport.

83 Le jeudi 10 juillet 2008, j’ai tenu, à la demande de la défenderesse, une conférence téléphonique avec le plaignant, M. Doucet et la représentante de la défenderesse. J’ai appris que le plaignant n’avait pas encore remis à la défenderesse le rapport médical du Dr Koch et qu’il n’entendait pas le faire témoigner. J’ai expliqué au plaignant qu’il ne pouvait pas déposer en preuve le rapport du Dr Koch parce qu’il ne l’avait pas remis à la défenderesse dans le délai prescrit.

84 Le plaignant nous a informé, lors de cette téléconférence, qu’il entendait appeler comme témoin son médecin, le Dr LaRue. Le témoignage du Dr LaRue porterait sur les soins prodigués au plaignant. Le Dr LaRue commenterait également le rapport du Dr Koch. La défenderesse s’est objecté à la comparution du Dr LaRue parce que le plaignant n’avait pas informé la défenderesse qu’il entendait produire ce témoin expert. La défenderesse ne pouvait, dans un si court délai, s’assurer des services d’un expert de son choix pour l’aider à mieux comprendre le témoignage du Dr LaRue et contre-interroger le Dr LaRue au besoin. La défenderesse s’objectait aussi à ce que le Dr LaRue formule des commentaires sur le rapport du Dr Koch puisque le Dr Koch ne serait pas présente pour être contre-interrogée. J’ai décidé d’autoriser le Dr LaRue à témoigner mais de prendre l’objection de la défenderesse sous réserve. J’ai décidé cependant que le Dr LaRue ne pourrait témoigner que sur ses propres observations ayant trait au plaignant; il ne pourrait faire allusion au rapport du Dr Koch ou le commenter puisque le Dr Koch ne serait pas présent pour être contre-interrogée. 

85 Lors de cette même conférence téléphonique, M. Doucet a déclaré vouloir déposer un rapport qu’il avait rédigé sur le plaignant en tant que psychothérapeute. La défenderesse s’est objecté à cette demande parce qu’il n’avait pas eu copie du rapport. J’ai décidé que ce rapport n’était pas recevable puisque le plaignant ne l’avait pas remis à la défenderesse dans un délai qui lui aurait permis de consulter un ou des experts en la matière. Permettre la production d‘un rapport médical dans ces circonstances irait à l’encontre de l’équité procédurale.

86 Lors de cette même conférence téléphonique du 10 juillet 2008, la défenderesse a demandé que Mme Brooker, qui était à Tel-Aviv en Israël, témoigne par conférence téléphonique. Le plaignant s’est objecté à cette demande. La défenderesse a fait valoir qu’il ne pouvait faire venir Mme Brooker à temps et que la faire venir à Ottawa engendrerait beaucoup de frais de déplacement. J’ai accepté d’entendre Mme Brooker à l’aide d’un appareil téléphonique. J’ai ajouté que si je constatais que cette façon de procéder n’était pas efficace, je cesserais son témoignage et j’entendrais les arguments des parties au sujet d’une manière plus efficace de procéder au témoignage. Il s’est avéré que le témoignage de Mme Booker par conférence téléphonique s’est bien déroulé.

87 M. Pilon a témoigné pour le plaignant lors de la continuation de l’audition de cette plainte, le 14 juillet 2008. M. Pilon est un agent de projet à la gestion des immeubles à la Chambre des communes depuis le 13 mai 2002. Il travaille à la Chambre des communes depuis 1990. M. Pilon était le superviseur du plaignant lorsque ce dernier travaillait de jour.

88 M. Pilon a déclaré que le plaignant était un bon employé, en fait, un de ses meilleurs employés. Son rendement était au-delà de la moyenne. Le plaignant avait de très bonnes relations avec ses collègues et les clients.

89 M. Pilon a affirmé avoir eu une rencontre avec le plaignant et D.N.en décembre 2001. Le plaignant a demandé à D.N. pourquoi il l’avait poussé la veille. D.N. a nié l’avoir poussé. Le plaignant a persisté dans son interrogatoire et D.N. a fini par admettre avoir poussé fortement le plaignant à quelques reprises. Interrogé sur le motif de son geste, D.N. a dit qu’il avait poussé le plaignant parce R.L. lui avait dit que le plaignant était un « batteur de femmes » et que D.N. n’avait aucun respect pour ce genre d’individus. R.L. était un représentant syndical.

90 M. Pilon a dit que deux personnes nommées R.L. travaillaient à la Chambre des communes. L’un était le père de l’autre. Le père travaillait sur la rue Belfast, et le fils à la Colline du Parlement pendant le quart de nuit. M. Pilon ne pouvait confirmer si D.N. faisait allusion à R.L. père ou fils. M. Pilon doutait qu’il s’agissait de R.L. père. M. Pilon a témoigné que R.L. fils était un représentant syndical; il ne savait pas si le père était un représentant syndical à cette époque.

91 M. Pilon a déclaré que le plaignant n’avait pas déposé de plainte officielle contre D.N. M. Pilon ne savait pas si le plaignant avait déposé une plainte à l’endroit de R.L.

92 Le Dr LaRue a témoigné pour le plaignant. Il a donné des explications sur l’état de santé du plaignant et les soins qui lui ont été prodigués. Il s’est prononcé sur la relation entre l’état de santé du plaignant et la conduite de la défenderesse. J’ai décidé d’ignorer les parties de son témoignage qui portaient sur la relation entre l’état de santé du plaignant et la conduite de la défenderesse par souci d’équité procédurale envers la défenderesse. En effet, le plaignant a informé la défenderesse la quasi-veille de la continuation de l’audience qu’il entendait produire le Dr LaRue comme témoin. La défenderesse n’a donc pu s’assurer des services d’un expert qui aurait pu aider à mieux comprendre le témoignage du Dr LaRue et à contre-intérroger le Dr LaRue au besoin. J’omets également les parties du témoignage du Dr LaRue dans lesquelles il fait allusion à d’autres médecins parce que, tel qu’il est explicité plus haut, ces derniers n’étaient pas présents et ne pouvaient, par conséquent, être contre-interrogés au sujet de leurs rapports médicaux.

93 Le Dr LaRue a expliqué qu’il était médecin omnipraticien au Québec depuis 1969. Le plaignant est un client du Dr LaRue depuis le 3 novembre 2003. Le Dr LaRue a eu en tout 26 consultations avec le plaignant. Les séances de consultation duraient en moyenne plus d’une heure.

94 Lors de la première consultation, le 3 novembre 2003, le Dr LaRue a constaté que le plaignant souffrait d’anxiété, de détresse morale, de tristesse et de fatigue. Le plaignant était en désarroi, souffrait d’hyper vigilance, éprouvait des difficultés de sommeil et de concentration et n’avait le goût de rien. D’autres symptômes présentés par le plaignant incluaient le désarroi, la détresse, le découragement, un appel à l’aide constant, une agitation physique et verbale, et des sentiments d’humiliation et d’indignation. Le Dr LaRue avait conclu que le plaignant souffrait de fatigue découlant d’un conflit qui avait duré deux ans. Le plaignant lui avait demandé de faire quelque chose pour lui, de l’éloigner de son travail.

95 Dès la première consultation, le Dr LaRue a posé un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique. Ce syndrome était attribuable à un effet cumulatif d’événements négatifs. Le plaignant souffrait également d’alexithimie, c’est-à-dire qu’il éprouvait de la difficulté à discerner ses émotions.

96 Le Dr LaRue a dirigé le plaignant vers un psychiatre afin de confirmer son diagnostic et d’assurer le traitement du plaignant à long terme étant donné la sévérité de ses symptômes. Le plaignant a consulté quatre psychiatres.

97 Le Dr LaRue a déclaré avoir utilisé le Diagnostic de la santé mentale 4 (le « DSM4 ») pour poser son diagnostic. C’est le test utilisé pour l’évaluation des maladies mentales en Amérique du Nord. Le Dr LaRue a décrit en détails les cinq critères établis par le DSM4 afin d’arriver à un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique et a expliqué comment le plaignant satisfaisait à ces critères.

98 Le Dr LaRue a affirmé que le plaignant souffrait donc d’un stress persistant dû à des éléments causals et que ces éléments étaient présents bien avant sa première consultation. Il n’y avait pas d’espoir de résoudre le problème du plaignant.

99 Le Dr LaRue a témoigné que le plaignant était suicidaire. Il vivait une révolte existentielle globale. Le rôle du Dr LaRue était simplement de le garder en vie. Le Dr LaRue ne pouvait guérir le plaignant tant et aussi longtemps qu’il ne trouvait pas satisfaction par rapport au conflit lié à son milieu de travail. Le plaignant veut obtenir justice et le Dr LaRue ne peut le guérir avant que cela ne se produise. Le Dr LaRue ne peut que donner au plaignant une thérapie de soutien. Le Dr LaRue pourra entamer une thérapie de guérison seulement après que le plaignant aura senti qu’il a obtenu justice.

100 Selon le Dr LaRue, le plaignant a subi du harcèlement moral au travail et le plaignant n’avait pas de mécanisme d’adaptation pour parer à ce harcèlement.

101 En contre-interrogatoire, le Dr LaRue a déclaré qu’il n’était pas un psychiatre, ni un expert en médecine de relations de travail.

102 En réponse à une question posée par la défenderesse, le Dr LaRue a affirmé qu’il n’enquêtait pas sur les faits relatés par le plaignant. Ce n’était pas son rôle en tant que médecin.

103 M. Beauchamp à témoigné pour la défenderesse. M. Beauchamp travaille pour la Chambre des communes à titre de conducteur pour le service de transport de la Chambre des communes. Il travaille à la Chambre des communes depuis 30 ans. Il s’implique dans les activités syndicales depuis 1985. Il a occupé plusieurs postes dans la hiérarchie syndicale, dont le poste de président de l’unité de négociation pendant 14 ans.Il est présentement un agent de santé et sécurité au travail.

104 M. Beauchamp a suivi plusieurs cours offerts par la défenderesse, dont le cours de base sur les affaires syndicales et le cours sur les griefs. Tous les délégués syndicaux de la défenderessesuivent le cours de base sur les affaires syndicales.

105 M. Beauchamp a témoigné qu’il avait entendu parler du plaignant pour la première fois lorsque ce dernier est devenu employé de la Chambre des communes en 1999 ou 2000. En tant que président de l’unité de négociation, il recevait de l’employeur la liste des nouveaux employés.

106 M. Beauchamp a déclaré connaître l’ex-amie du plaignant depuis plusieurs années. En tant que conducteur, il devait se rendre tous les jours au bureau de la Chambre des communes sur la rue Belfast pour y ramasser du courrier. L’ex-amie du plaignant ne faisait pas partie de l’unité de négociation. M. Beauchamp croit que c’est en raison du fait qu’elle occupait un poste exclu pour les fins de syndicalisation.

107 M. Beauchamp a témoigné que la LRTP prévoit qu’un agent négociateur peut aider un employé non syndiqué.

108 M. Beauchamp a déclaré qu’il a aidé l’ex-amie du plaignant parce que, lorsqu’elle est venue le voir, elle paraissait bouleversée. M. Beauchamp se demandait si elle avait été impliquée dans un accident routier, vu son apparence physique. L’ex-amie du plaignant est venue le voir de sa propre initiative. M. Beauchamp sympathisait avec elle à propos de son sort et craignait pour sa sécurité. C’est à ce moment que l’ex-amie du plaignant a remis à M. Beauchamp une copie de l’ordonnance restrictive. L’ex-amie du plaignant a expliqué à M. Beauchamp qu’elle voulait être mutée à la Colline du Parlement, mais l’ordonnance restrictive ne s’appliquait qu’au bureau de la rue Belfast. Selon M. Beauchamp, l’ordonnance restrictive devait être modifiée pour refléter cette mutation.

109 M. Beauchamp a témoigné qu’il avait discuté de l’ordonnance restrictive avec les membres de l’exécutif de l’unité de négociation et il leur avait dit qu’il s’agissait d’une information confidentielle. Il ne se souvenait pas avoir discuté de cette ordonnance avec R.L.

110 M. Beauchamp a témoigné qu’il n’était pas au courant des rumeurs au sujet du plaignant.

111 M. Beauchamp a déclaré qu’il n’avait pas représenté l’ex-amie du plaignant contre le plaignant. Il avait aidé l’ex-amie du plaignant qui était dans une situation précaire.

112 Selon M. Beauchamp, un employé doit demander de l’aide s’il veut qu’on l’aide. L’unité de négociation compte 400 employés. M. Beauchamp a déclaré qu’il n’était pas un gardien d’enfants.

113 M. Beauchamp a lu et signé la lettre du 5 décembre 2001 adressée à M. Parent (pièce P-2, page 26). C’est Mme Riopelle qui l’avait rédigée, mais M. Beauchamp l’avait lue avant de la signer. La défenderesse a porté à mon attention un extrait de la lettre dans lequel M. Beauchamp déclare qu’il ne représente pas l’ex-amie du plaignant, il ne fait qu’intercéder pour elle auprès de l’employeur.

114 La défenderesse a demandé à M. Beauchamp de commenter la lettre du 5 décembre 2001 de M. Beauchamp à M. Parent, dans laquelle M. Beauchamp dit que le plaignant est coupable du délit dont on l’accuse (pièce P-2, page 26). M. Beauchamp a expliqué qu’il avait rédigé cette lettre parce que l’ex-amie du plaignant voulait une mutation à la Colline du Parlement et que de toute évidence, si cette mutation se produisait, il y aurait une altercation entre le plaignant et son ex-amie. M. Beauchamp se souciait de la sécurité de l’ex-amie du plaignant.

115 M. Beauchamp a expédié copie de l’ordonnance restrictive à M. Cashman à la demande de l’Élément national, mais ne l’a pas expédiée à d’autres personnes.

116 M. Beauchamp a témoigné que M. Cashman lui avait écrit un courriel le 7 novembre 2001 parce que ce dernier voulait une mise à jour de la situation entre le plaignant et l’ex-amie du plaignant (pièce P-2, page 16). M. Beauchamp a discuté de cette lettre avec M. Cashman au téléphone. M. Cashman s’inquiétait que les représentants de l’unité de négociation prennent la part de l’ex-amie du plaignant dans cette affaire. M. Beauchamp a répondu à M. Cashman qu’il ne prenait pas position pour l’ex-amie du plaignant; M. Beauchamp voulait seulement que l’employeur respecte l’ordonnance restrictive.

117 M. Beauchamp a déclaré que le plaignant ne l’avait jamais approché pour obtenir de l’aide. M. Beauchamp a demandé à quatre ou cinq délégués syndicaux de l’unité de négociation si le plaignant les avait contactés pour demander de l’aide, et ils ont tous répondu que le plaignant ne les avait pas approchés à cette fin.

118 M. Beauchamp a déclaré que le plaignant n’avait jamais déposé de plainte de manquement au devoir de représentation équitable en 2001. Le plaignant n’a pas non plus déposé de plainte de harcèlement à l’endroit de M. Beauchamp ou des autres membres de l’unité de négociation.

119 M. Beauchamp se souvenait de la rencontre avec le plaignant, M. Cashman et Mme Koo en 2002. La discussion a porté sur la situation du plaignant et de l’ex-amie du plaignant. Le plaignant voulait une compensation financière.

120 M. Beauchamp n’a pas présenté sa candidature au poste de président de son unité de négociation lors de l’élection de 2003.

121 M. Beauchamp a déclaré que le plaignant a été élu vice-président de l’unité de négociation en 2003. Le rôle du vice-président est d’assister le président dans ses fonctions. Le vice-président assume la présidence de l’unité de négociation si le président s’absente. Le vice-président de l’unité de négociation doit connaître le processus de grief, le devoir de représentation équitable et le processus applicable aux plaintes de harcèlement.

122 M. Beauchamp a témoigné que le milieu de travail était très tendu à la Chambre des communes. Le moral était très bas. Il y a beaucoup de conflits entre les employés et l’employeur et entre les employés entre eux. Si quelque chose arrive à un employé, tous les autres employés l’apprennent très vite. Selon lui, la Chambre des communes est un moulin à rumeurs pernicieux.

123 En contre-interrogatoire, M. Beauchamp a réitéré qu’il n’avait pas représenté l’ex-amie du plaignant, qu’il l’avait seulement assisté dans ses démarches auprès de l’employeur. La LRTP lui permettait d’aider un employé qui n’est pas membre de l’unité de négociation.

124 Le plaignant a demandé à M. Beauchamp pourquoi ce dernier n’avait pas fait parvenir au plaignant le courriel que Mme Riopelle a adressé à M. Parent au nom de M. Beauchamp le 2 novembre 2001. Dans ce courriel, Mme Riopelle informait M. Parent que l’unité de négociation fournirait un représentant à l’ex-amie du plaignant (pièce P-2, page 11). M. Beauchamp a répondu que c’était une affaire entre l’unité de négociation et l’employeur. M. Beauchamp a ajouté qu’il revenait à l’employeur d’informer le plaignant de l’aide offerte à l’ex-amie du plaignant.

125 M. Beauchamp a déclaré qu’il n’avait jamais eu de conversation avec le plaignant avant l’affaire de l’ex-amie du plaignant, mais qu’il l’avait déjà croisé.

126 Lorsque le plaignant a demandé à M. Beauchamp pourquoi ce dernier n’avait pas demandé au plaignant sa version des faits, M. Beauchamp a répondu que le plaignant ne l’avait pas approché et qu’il ne pouvait pourchasser les 400 membres de l’unité de négociation. De plus, il n’était pas intéressé à la version du plaignant; sa seule préoccupation était qu’on respecte l’ordonnance restrictive.

127 Le plaignant a demandé à M. Beauchamp pourquoi il poursuivait ses démarches au sujet de l’attribution des quarts de travail, vu que M. Parent l’avait informé que le problème avait été résolu. M. Beauchamp a répondu qu’il attendait une confirmation de l’employeur, non d’un représentant du service des ressources humaines. Il attendait une confirmation du patron du plaignant, c’est-à-dire Mme Peladeau.

128 Le plaignant a demandé à M. Beauchamp pourquoi ce dernier avait affirmé que le plaignant était coupable du crime dont on l’accusait dans sa lettre du 5 décembre 2001 à M. Parent (pièce P-2, page 26), alors que le procès du plaignant n’avait pas encore eu lieu. M. Beauchamp a répondu que le mot anglais « perpetrator » était une bonne description du comportement du plaignant. M. Beauchamp en avait conclu ainsi en se fondant sur ce que l’ex-amie du plaignant lui avait raconté et sur l’apparence de l’ex-amie du plaignant.

129 Le plaignant a demandé à M. Beauchamp pourquoi Mme Riopelle avait écrit à M. Cashman, au nom de M. Beauchamp, que l’emploi du plaignant n’était pas en jeu (pièce P-2, page 17), alors que M. Beauchamp avait écrit le contraire dans sa lettre du 26 novembre 2001 à M. Parent (pièce P-2, page 22). M. Beauchamp a répondu qu’il savait maintenant que le plaignant risquait de perdre son emploi si le tribunal le trouvait coupable d’agression physique à l’endroit de l’ex-amie du plaignant.

130 M. Beauchamp a déclaré qu’il avait appris que le plaignant avait été acquitté de l’accusation qui pesait contre lui. En fait, tout le monde le savait puisque le plaignant portait un chandail sur lequel on pouvait lire : « Je suis innocent ».

131 Le plaignant a demandé à M. Beauchamp pourquoi l’ex-amie du plaignant avait écrit à M. Beauchamp le 9 mai 2002, lui disant qu’elle lui remettrait la transcription de l’enregistrement audio du procès du plaignant (pièce P-2, page 44). M. Beauchamp a répondu qu’il n’avait pas demandé cette transcription, que c’est l’ex-amie du plaignant qui la lui avait offerte parce qu’elle était frustrée du résultat du procès. Elle voulait que cette transcription soit versée au dossier du plaignant. M. Beauchamp a ajouté que c’était un document public et qu’il n’avait pas reçu l’enregistrement en question.

132 Le plaignant a renvoyé M. Beauchamp au courriel que ce dernier a expédié à M. Cashman le 9 mai 2002 lorsque M. Beauchamp a appris que l’ex-amie du plaignant avait déposé une plainte de harcèlement à l’endroit du plaignant. M. Beauchamp avait écrit dans ce courriel (pièce P-2, page 45) :

[Traduction]

[…]

La présente vous est communiquée à titre d'information. Pouvez-vous croire que c'est ce même gars qui s'est présenté à la « PRÉSIDENCE » de cette section locale-ci le 4 avril 2002. Quelle FARCE, et que Dieu nous vienne en aide!

[…]

133 Le plaignant a demandé à M. Beauchamp à qui il faisait allusion dans ce courriel. M. Beauchamp a répondu qu’il ne faisait pas allusion au plaignant.

134 Le plaignant a demandé à M. Beauchamp s’il s’était placé en situation de conflit d’intérêts lorsqu’il avait fourni de l’aide à l’ex-amie du plaignant. M. Beauchamp a répondu non.

135 Linda Koo a témoigné pour la défenderesse. Mme Koo est une agente de relations syndicales pour l’Élément national. À l’époque où elle faisait affaire avec le plaignant, elle remplissait les mêmes fonctions mais portait le titre d’agente de services. Mme Koo travaille pour l’Élément national depuis octobre 2001. Elle a occupé le poste d’agente de services pour différentes composantes de l'AFPC depuis 1994. Dans ces postes, elle a assumé différentes fonctions : elle a représenté les membres de la défenderesse lors de la présentation de griefs (habituellement au dernier palier du processus interne de grief), elle a prodigué des avis aux membres au sujet de leurs droits en vertu des conventions collectives, elle a représenté les membres lors de plaintes, incluant des plaintes de dotation en personnel. Mme Koo a également fait partie de comités, tel un comité sur la constitution de l'AFPC, un comité sur la santé et la sécurité au travail et un comité sur l’équité en emploi.

136 Mme Koo a suivi plusieurs cours liés aux relations de travail, dont un cours de base sur les syndicats, un cours sur le règlement des griefs, un cours sur les arrêts de travail, un cours sur les accidents de travail et un cours sur la santé et la sécurité au travail. Le Collège canadien des travailleurs et le Labour Studies Institute lui ont décerné des certificats.

137 Mme Koo a déclaré que les membres de l’exécutif de l’unité de négociation doivent suivre deux cours. Le premier est un cours de base sur les organisations syndicales. Dans ce cours, l’élève apprend comment s’orienter dans la structure syndicale. L’élève apprend la nature et le rôle de l’unité de négociation et de l’Élément national. Les élèves apprennent également les droits des membres de l’organisation syndicale, l’importance de défendre ces droits et le rôle de l’organisation syndicale dans la défense de ces droits.

138 Le deuxième cours porte sur le règlement de griefs. Dans ce cours, les élèves apprennent comment libeller un grief, le documenter, faire la recherche et le présenter. Les élèves apprennent également le rôle de l’organisation syndicale et de l’employeur, l’importance du devoir de représentation équitable, l’importance de la convention collective et l’importance des délais.

139 Mme Koo a déclaré que l’Élément national était familier aux membres d’une unité de négociation parce les représentants de l’Élément national leur donnaient des conseils et les aidaient à présenter des griefs. Les vice-présidents des unités de négociation sont invités à l’assemblée générale de l’Élément national et participent souvent aux colloques qu’organise l’Élément national.

140 Mme Koo a témoigné qu’à la mi-novembre 2001, M. Cashman l’avait choisie pour venir en aide au plaignant pour ce qui est de son différend avec M. Beauchamp. M. Cashman avait choisi Mme Koo par souci de neutralité. Mme Koo ne connaissait pas les représentants de l’unité de négociation du plaignant puisque cette unité de négociation ne faisait pas partie de son portefeuille à l’Élément national. Elle ne connaissait pas non plus les autres personnes impliquées dans cette affaire. M. Cashman avait dit à Mme Koo qu’un représentant de l’unité de négociation représentait une personne non syndiquée. M. Cashman craignait que cela puisse donner l’impression que les membres de l’exécutif de l’unité de négociation avaient pris parti à l’égard de cette situation.

141 Mme Koo a témoigné avoir communiqué avec M. Parent pour lui annoncer qu’elle représentait le plaignant, comme cela est indiqué dans la lettre de M. Parent du 4 décembre 2001 (pièce P-2, page 24).

142 Mme Koo a déclaré qu’elle avait représenté le plaignant du mieux qu’elle l’avait pu. Elle l’a rencontré la première fois pendant la deuxième ou la troisième semaine de novembre 2001. Le plaignant a dit qu’il se sentait harcelé. Il était agité et parlait d’un ton agressif, même violent. Mme Koo lui a posé des questions pour mieux connaître sa situation. Le plaignant lui a décrit sa situation au travail, surtout pour ce qui a trait à son ex-amie et à l’ordonnance restrictive rendue par le tribunal à Gatineau. Le plaignant a expliqué à Mme Koo qu’il croyait que les représentants de l’unité de négociation représentaient son ex-amie contre lui. Le plaignant a ajouté qu’il avait déjà été populaire, mais que plus personne ne l’abordait à cause des rumeurs qui circulaient à son égard. Mme Koo lui a demandé des précisions sur l’identité des personnes qui colportaient ces rumeurs, mais le plaignant n’a pas précisé qui répandait ces rumeurs. Le plaignant pensait que M. Beauchamp répandait ces rumeurs, mais le plaignant n’avait jamais vu M. Beauchamp le faire. Mme Koo a prodigué des conseils au plaignant et lui a expliqué ses options. Mme Koo a dit au plaignant qu’il fallait des preuves si ce dernier voulait prendre des mesures contre les personnes qui propageaient des rumeurs à son endroit, mais le plaignant n’a pas fourni de preuves à l’appui de ses prétentions.

143 Mme Koo a témoigné que le plaignant lui avait raconté, lors de cette première rencontre, l’incident au cours duquel il avait été poussé au mur par D.N. Le plaignant a dit qu’il ne pouvait déposer une plainte à l’endroit de D.N. puisque ce dernier s’était expliqué et que la question était résolue.

144 Mme Koo a témoigné qu’elle se souvenait de la rencontre avec le plaignant en février 2002, au 240 rue Sparks, à Ottawa. M. Cashman et T.L. étaient également présents. La réunion a duré quelques heures. Le plaignant a dit qu’il n’était pas satisfait de la réponse de Mme Turmel à ses lettres. Le plaignant croyait à une conspiration syndicale. M. Cashman a dit au plaignant que s’il voulait déposer une plainte, il lui fallait des preuves à l’appui de ses allégations et que le plaignant ne lui avait pas fourni de telles preuves. Mme Koo a ajouté que le plaignant voulait une compensation financière.

145 Mme Koo a témoigné qu’elle était présente lors de la rencontre avec le plaignant au siège social de l'AFPC le 28 mars 2002. M. Cashman, M. Beauchamp, Mme Riopelle et un ami du plaignant étaient également présents. Le plaignant a dit à M. Beauchamp lors de cette rencontre que les gens chuchotaient dans son dos qu’il était un « batteur de femmes ». Le plaignant voulait que cela cesse. Le plaignant portait un chandail sur lequel on pouvait lire : [traduction] « Je suis innocent ». Le plaignant a remis des documents à M. Cashman. Le plaignant voulait qu’on lui rembourse le coût des appels téléphoniques qu’il avait faits en utilisant son téléphone cellulaire. Mme Koo a ajouté que chaque fois qu’elle téléphonait au plaignant, elle lui disait de le rappeler en utilisant un numéro sans frais. Lorsque M. Cashman a refusé de donner de l’argent au plaignant, le plaignant s’est mis en colère. Mme Koo était inquiète, alors elle a contacté le service de sécurité. C’est un garde de sécurité qui a escorté le plaignant hors de l’immeuble, et non M. Cashman comme l’a affirmé le plaignant lors de son témoignage.

146 Mme Koo a déclaré que le plaignant ne lui avait jamais demandé de déposer un grief et, à sa connaissance, il n’en avait jamais déposé. Le plaignant ne lui a jamais demandé de l’aide pour déposer une plainte de harcèlement et il n’a jamais déposé une telle plainte.

147 Mme Koo a déclaré qu’elle avait appris l’existence de la plainte de harcèlement de l’ex-amie du plaignant lors de l’audience ayant trait à la présente plainte.

148 Mme Koo a affirmé qu’elle aurait déposé un grief ou une plainte si le plaignant le lui avait demandé. Mme Koo a ajouté que le plaignant n’avait pas besoin de l’approbation du syndicat pour déposer un grief ou une plainte. Un membre doit obtenir l’approbation du syndicat seulement lorsque le grief a trait à la convention collective.

149 Mme Koo a déclaré que le plaignant ne s’était jamais plaint à la défenderesse de la qualité de la représentation qu’elle avait fournit au plaignant.

150 En contre-interrogatoire, Mme Koo a déclaré que la défenderesse peut représenter une personne qui n’est pas membre de l’organisation syndicale.

151 Le plaignant a demandé à Mme Koo si elle croyait qu’on le harcelait. Mme Koo a répondu qu’elle ne lui avait jamais dit qu’on ne le harcelait pas; elle lui avait dit qu’il lui fallait des preuves pour appuyer ses accusations de harcèlement. Une personne qui dépose une plainte de harcèlement non fondée peut être accusée d’avoir commis un acte vexatoire ou d’avoir agi de mauvaise foi.

152 Mme Koo a déclaré qu’elle n’avait jamais vu le courriel du 2 novembre 2001 de Mme Riopelle à M. Parent (pièce P-2, page 11), ni celui du 12 novembre 2001 de M. Cashman à M. Beauchamp (pièce P-2, page 20). Elle les a vus pour la première fois lors de la présente audience. 

153 Mme Lemire a témoigné pour la défenderesse. Mme Lemire est agente syndicale à l’Élément national depuis 17 ans. L’Élément national lui avait confié le portefeuille de la Chambre des communes à l’automne 2002.

154 Mme Lemire a entendu parler du plaignant pour la première fois vers le 16 avril 2003. L’unité de négociation dont faisait partie le plaignant l’avait invitée à leur réunion annuelle. Ce jour-là, le plaignant avait été élu vice-président de cette unité de négociation. Un représentant de l’unité de négociation a présenté Mme Lemire aux membres présents à la réunion et leur a expliqué que Mme Lemire s’occupait des affaires syndicales de la Chambre des communes. Mme Lemire savait qu’elle avait déjà eu une conversation avec le plaignant, mais ne se souvenait pas si c’était ce soir-là ou peu après. Ce dont elle se souvenait, c’était qu’elle avait accompagné le plaignant et d’autres membres de l’unité de négociation qui fumaient une cigarette à l’extérieur de l’édifice de l’Ouest du Parlement. Le plaignant l’avait approché et lui avait décrit brièvement son différend avec M. Beauchamp, en particulier le fait que ce dernier représentait un non-membre contre le plaignant. Mme Lemire avait demandé au plaignant s’il était représenté et le plaignant avait répondu que Mme Koo le représentait. Pour Mme Lemire, ce qui importait c’était que le plaignant soit représenté. Mme Lemire a ajouté que le plaignant ne lui avait pas demandé son aide.

155 Mme Lemire a déclaré que les membres de l’unité de négociation ne devaient pas s’adresser directement à elle s’ils voulaient de l’aide; ils devaient s’adresser à un représentant de l’unité de négociation. C’est le représentant de l’unité de négociation qui s’adresse à elle. Si un membre du syndicat communique directement avec elle, elle lui expliquera qu’il faut l’autorisation du vice-président régional pour ce faire.

156 La défenderesse a demandé à Mme Lemire si elle aurait représenté le plaignant s’il le lui avait demandé. Mme Lemire a répondu que lorsqu’il s’agit d’un conflit entre deux membres de l’AFPC, il faut obtenir l’autorisation du président national. Mme Lemire aurait représenté le plaignant s’il avait obtenu cette autorisation.

157 Le 23 novembre 2006, Mme Brooker avait expédié à Mme Lemire un courriel lui demandant si elle savait quelque chose au sujet du plaignant, plus particulièrement s’il avait été licencié (pièce D-7). Mme Lemire n’était au courant de rien. Mme Lemire a expédié un courriel, le même jour, à Gilles Lavigne, le président de l’unité de négociation dont faisait partie le plaignant, et a demandé à M. Lavigne s’il savait quelque chose de cette affaire (pièce D-7). Le lendemain matin, M. Lavigne a répondu qu’il n’était pas au courant du licenciement du plaignant (pièce D-7). Le même matin, Mme Lemire a informé Mme Brooker que M. Lavigne n’était pas au courant de cette affaire (pièce D-7).

158 Mme Lemire a témoigné qu’elle avait contacté Monique Enright au service des ressources humaines à la Chambre des communes et cette dernière lui avait dit que le plaignant avait été licencié pour incapacité médicale. Mme Enright avait expliqué à Mme Lemire que lorsqu’un employé est congédié, l’employeur expédie à la défenderesseune copie de la lettre de congédiement, tel que l’exige la convention collective, mais que l’employeur n’est pas tenu d’en faire de même lorsqu’il s’agit d’un renvoi pour incapacité médicale.

159 Mme Lemire a témoigné que le plaignant ne lui avait jamais demandé de l’aide, ni de déposer un grief. Elle a ajouté avoir été surprise d’apprendre que le plaignant ait été malade et qu’il ait été licencié pour incapacité médicale. Elle se demandait pourquoi le plaignant ne contactait pas la défenderesse. Mme Lemire a ajouté que, pour toutes sortes de raisons, certains employés licenciés pour incapacité médicale ne demandaient pas d’aide à la défenderesse.

160 Mme Lemire a expliqué que le plaignant aurait pu contester son licenciement lui-même puisqu’il n’avait pas besoin de l’approbation de la défenderessepour ce type de grief. Selon la convention collective, le plaignant disposait de 20 jours ouvrables pour le faire. Mme Lemire lui aurait conseillé de contester le licenciement puisque la plupart des autres employeurs de la fonction publique accordent des congés de maladie allant jusqu’à cinq ans. La situation ne s’était pas présentée à la Chambre des communes et cela aurait été une excellente occasion de demander une prolongation de deux ans au congé de maladie du plaignant.

161 Mme Lemire a déclaré qu’un membre peut déposer une plainte de harcèlement directement auprès de l’employeur sans demander l’approbation de l’unité de négociation ou de l’Élément national. Le syndicat fournira une représentation si le membre le demande.

162 M. Lavigne a témoigné pour la défenderesse. M. Lavigne a déclaré qu’il travaillait à la Chambre des communes depuis 1996. Il s’est engagé dans les activités syndicales à la fin de 2004. Il était alors agent de santé et sécurité au travail. Le 23 février 2006, il a été élu président de l’unité de négociation par acclamation.

163 M. Lavigne a déclaré qu’il ne connaissait pas le plaignant, nil’ex-amie du plaignant. Il a ajouté qu’il n’avait pas entendu de rumeurs au sujet du plaignant lorsqu’il était agent de santé et sécurité au travail.

164 M. Lavigne a témoigné qu’il avait bien reçu le courriel que Mme Lemire lui avait adressé le 23 novembre 2006 au sujet du licenciement du plaignant (pièce D-7). Il lui avait répondu le lendemain qu’il ne savait rien de cette affaire (pièce D-7). Il avait alors contacté Mme Enright des ressources humaines et cette dernière lui avait confirmé que le plaignant avait été licencié pour incapacité médicale, mais elle n’avait pas voulu donner plus de détails.

165 M. Lavigne a déclaré que le plaignant ne l’avait jamais contacté pour déposer une plainte ou un grief. Si le plaignant l’avait contacté, il l’aurait sûrement aidé puisqu’il en avait la responsabilité en tant que président de l’unité de négociation.

166 Mme Brooker a témoigné pour la défenderesse par conférence téléphonique. Mme Brooker travaille à l’ambassade du Canada pour le ministère des Affaires étrangères depuis onze mois à titre de conseillère en administration. Elle avait été présidente nationale de l’Élément national d’août 2002 à août 2007. Mme Brooker a travaillé au sein de l'AFPC pendant 24 ans et y a occupé différents postes syndicaux.

167 Mme Brooker a déclaré qu’elle avait été mise au courant de la situation du plaignant par M. Cloutier, peu après avoir été nommée présidente de l’Élément national en 2002.

168 Mme Brooker a expliqué que le plaignant avait déposé une plainte contre M. Beauchamp (pièce P-2, page 52). Il s’agissait d’une plainte interne au syndicat. Elle a accordé beaucoup de sérieux à sa plainte. Mme Brooker a écrit au plaignant le 30 août 2002 pour lui dire qu’il n’y n’avait pas assez de preuves pour justifier une enquête (pièce P-2, page 53). La plainte du plaignant était vague. C’était sa parole contre celle d’un autre membre de l’organisation syndicale. Il faut plus qu’une allégation que quelqu’un a agi de façon inappropriée pour qu’une enquête soit lancée.

169 Mme Brooker a déclaré qu’elle avait contacté M. Beauchamp pour obtenir sa version des faits. M. Beauchamp lui a expliqué qu’un tribunal avait rendu une ordonnance restrictive qui prévoyait que le plaignant et l’ex-amie du plaignant devaient travailler à des endroits séparés. M. Beauchamp avait dit à l’employeur que le plaignant et l’ex-amie du plaignant ne devaient pas travailler au même endroit. Mme Brooker a déclaré qu’elle ne savait pas si M. Beauchamp « portait son chapeau syndical » lorsqu’il a approché l’employeur ou s’il agissait en tant que citoyen préoccupé par le sort del’ex-amie du plaignant.

170 Mme Brooker se souvenait avoir rencontré le plaignant le 9 décembre 2002, au restaurant Colonnade sur la rue Gilmour. M. Cloutier et M. Ransom étaient également présents. Le plaignant avait apporté des documents, dont des factures. Le plaignant avait dit que la défenderesse était responsable du dommage fait à sa réputation. Il était clair que le plaignant voulait de l’argent en guise de dédommagement. Le plaignant allait intenter une poursuite judiciaire contre la défenderesse s’il ne recevait pas ce dédommagement. Le plaignant a dit qu’il avait déjà consulté un avocat à cette fin. Mme Brooker a dit au plaignant qu’il n’avait pas assez de preuves contre M. Beauchamp. Mme Brooker ne voyait pas comment la défenderesse pouvait accepter une responsabilité quelconque puisque la situation n’était pas claire. Mme Brooker était prête à aider le plaignant, mais elle n’était pas disposée à lui payer la somme qu’il réclamait. Le plaignant avait présenté des factures qui comprenaient des appels téléphoniques personnels qui n’étaient pas liés à la situation impliquant M. Beauchamp. Mme Brooker ne voulait pas rembourser ces frais.

171 Mme Brooker a répété qu’elle ne pouvait déterminer si M. Beauchamp agissait comme vice-président de l’unité de négociation ou comme citoyen inquiet lorsqu’il a contacté l’employeur au sujet de l’ordonnance restrictive.

172 Mme Brooker a déclaré qu’elle ne croyait pas que le plaignant avait assez de preuves pour confirmer qu’il avait été victime de harcèlement. Faire des commentaires dérogatoires à l’endroit d’une autre personne constitue du harcèlement. M. Beauchamp n’a pas fait de commentaires dérogatoires à l’endroit du plaignant. M. Beauchamp a présenté à l’employeur une information factuelle au sujet de la situation du plaignant et del’ex-amie du plaignant. Ce n’était pas du harcèlement.

173 Mme Brooker a déclaré qu’elle avait offert 1 500 $ au plaignant pour régler l’affaire. Il était possible que l’employeur ait considéré que M. Beauchamp agissait en tant que vice-président de l’unité de négociation lorsque M. Beauchamp a intercédé auprès de l’employeur pour le compte del’ex-amie du plaignant, mais le syndicat n’acceptait aucune responsabilité pour cette situation. Mme Brooker éprouvait de la sympathie envers le plaignant à cause de sa détresse.

174 Mme Brooker a témoigné que le 16 juillet 2003, le plaignant lui avait écrit que la défenderesse avait enfreint l’entente conclue entre la défenderesse et le plaignant le 9 décembre 2002 (pièce P-2, page 73). Le plaignant avait découvert de nouvelles preuves établissant que M. Beauchamp avait harcelé le plaignant et miné sa réputation. Le plaignant avait découvert ces nouvelles preuves lorsqu’il était président intérimaire de sa section locale. Mme Brooker a donc accepté de rencontrer le plaignant le 30 juillet 2003. Le plaignant avait emmené avec lui une personne qu’elle ne connaissait pas. Le plaignant voulait plus d’argent parce que, selon lui, le syndicat était entièrement responsable de la situation. Mme Brooker a déclaré au plaignant que la défenderesse ne lui donnerait pas d’autre argent. Le plaignant ne lui avait pas fourni de nouvelles preuves au sujet de M. Beauchamp. Le plaignant avait produit une facture pour une consultation que l’unité de négociation aurait eue avec un cabinet d’avocats. Selon Mme Brooker, ce n’était pas une preuve que la défenderesse avait enfreint l’entente. Le plaignant a menacé de poursuivre la défenderesse.

175 Mme Brooker a ajouté qu’elle ne savait pas pourquoi l’unité de négociation avait consulté un cabinet d’avocats. La documentation fournie par le plaignant ne précisait pas l’objet de la consultation. De toute façon, il est normal qu’une unité de négociation demande des avis juridiques sur toutes sortes de sujets.

176 Mme Brooker a témoigné que lors de la rencontre du 30 juillet 2003, avec le plaignant, ce dernier ne lui avait pas demandé de déposer une plainte de harcèlement à l’endroit de M. Beauchamp. Tout ce que le plaignant voulait, c’était de l’argent.

177 Mme Brooker a témoigné qu’elle avait reçu le courriel du plaignant du 23 novembre 2006 (pièce P-18). Son impression en lisant le courriel était que le plaignant cherchait encore à obtenir de l’argent. Elle a expédié un courriel à Mme Lemire le même jour pour s’informer de la situation (pièce D-7). Mme Lemire lui a répondu une heure plus tard qu’elle ne savait rien de cette affaire. Mme Brooker a alors demandé à Mme Lemire de contacter M. Lavigne. Mme Lemire a répondu plus tard que Mme Enright lui avait dit que le plaignant avait été licencié pour incapacité médicale. Mme Brooker a conclu que le courriel du plaignant n’était qu’une continuation du long dialogue qu’elle avait eu avec le plaignant au sujet de l’argent. Mme Brooker ne croyait pas que le but du courriel était de lui demander de présenter un grief au sujet du licenciement du plaignant.

178 Mme Brooker a déclaré que le dernier courriel qu’elle a reçu du plaignant était celui du 23 novembre 2006 (pièce P-18). Elle n’a jamais reçu les courriels du plaignant du 1er décembre 2006 (pièce P-20), du 7 décembre 2006 (pièce P-21), du 18 décembre 2006 (pièce P-19), du 21 décembre 2006 (pièce P-26), du 1er janvier 2007 (pièce P-25), du 22 janvier 2007 (pièce P-22), et les deux courriels du 3 février 2007 (pièces P-23 et P-24).

179 Mme Brooker a déclaré que le plaignant aurait pu présenter un grief à l’égard de son congédiement. Il avait les connaissances et la capacité de le faire. Le plaignant avait été délégué syndical et président intérimaire de son unité de négociation.

180 Mme Brooker a déclaré qu’elle avait offert 1 500 $ au plaignant parce qu’il s’agissait d’un conflit entre deux membres du syndicat, c’est-à-dire le plaignant et M. Beauchamp, et qu’il fallait régler cette histoire et aller de l’avant dans l’intérêt de tous. Le plaignant était consumé par cette affaire.

181 En contre-interrogatoire, Mme Brooker a affirmé que la possibilité d’une poursuite judiciaire faisait partie du contexte de la quittance. La quittance constituait un compromis pour une demande dont le fondement était douteux.

182 Mme Brooker a déclaré qu’elle avait refusé de payer toutes les factures du plaignant qui totalisaient plus de 5 000 $ puisque le syndicat n’était pas responsable de ces dépenses. Le syndicat avait proposé un compromis raisonnable en offrant 1 500 $.

183 Pour ce qui est de la plainte interne du plaignant du 27 août 2002 (pièce P 2, page 52), Mme Brooker a déclaré qu’elle avait rejeté la plainte. Par contre, elle laissait la porte ouverte au cas où le plaignant aurait plus de preuves pour étayer sa plainte, comme l’indique sa lettre du 30 août 2002 au plaignant (pièce P-2, page 53).

184 Mme Brooker a déclaré que lors de la rencontre du 9 décembre 2002, le plaignant avait demandé de recevoir une lettre d’excuse de M. Beauchamp et de M. Cashman. Elle a tenté d’obtenir des excuses de M. Beauchamp, mais ce dernier n’a pas voulu en offrir.

185 Mme Brooker a déclaré qu’elle ne se souvenait pas si elle savait que le plaignant était en congé de maladie à l’époque de la rencontre du 9 décembre 2002. Il se peut qu’elle ait été au courant.

186 Mme Brooker a ajouté que, selon elle, le plaignant avait reçu une représentation juste et équitable. Elle l’a écouté et lui a consacré beaucoup de temps et d’énergie.

187 Lors du re-interrogatoire, Mme Brooker a affirmé que lorsqu’un employé souhaitait déposer un grief, il devait d’abord s’adresser à un représentant de l’unité de négociation. Le plaignant savait cela puisqu’il avait reçu une formation sur la présentation de griefs.

188 Susan Phillips a témoigné pour la défenderesse. Elle a expliqué qu’elle est la coordonnatrice des finances et des opérations de l’Élément national depuis mars 2008. Elle est responsable du maintien du réseau informatique local, de l’accès à ce réseau et de la sécurité de ce réseau. Elle gère également les bases de données informatiques internes. Elle est également gérante de l’administration et coordonnatrice des conférences pour l’Élément national. Avant de se joindre à l'AFPC, Mme Phillips a passé neuf ans dans les forces armées à titre d’ingénieur en communication et en électronique.

189 Mme Phillips a déclaré qu’elle ne connaissait pas le plaignant.

190 Mme Phillips a expliqué que le système informatique de l’Élément national est complètement séparé du reste de l'AFPC. L’Élément national a son propre serveur informatique. Les adresses courriels de l’Élément national n’ont pas la même nomenclature que les adresses courriels des autres composantes de l'AFPC.

191 Mme Phillips a témoigné que la défenderesse lui avait demandé, peu de temps avant la présente audience, d’effectuer une recherche des courriels de Mme Brooker pour déterminer si elle avait reçu des courriels du plaignant. Elle a utilisé les mots que l’on retrouve dans la vedette des courriels ainsi que les adresses courriels pour effecteur sa recherche. Elle a couvert la période allant de 2002 jusqu’à la date de la recherche. Elle n’a trouvé qu’un seul courriel du plaignant à Mme Brooker, celui du 23 novembre 2006 (pièce P-18). Elle n’a trouvé aucun courriel postérieur à cette date.

192 Mme Phillips a expliqué qu’elle avait établi et installé un filtre informatique pour le système informatique de l’Élément national. Le filtre traite tout courriel pornographique comme un pourriel (« spam » en anglais) et le courriel n’est pas acheminé au destinataire. Le courriel est alors acheminé dans un répertoire pour les pourriels. À chaque semaine, les pourriels dans ce répertoire sont éliminés de façon permanente. Il est impossible de les récupérer.

193 Mme Phillips a déclaré que Mme Brooker n’aurait pas reçu le courriel du plaignant du 1er décembre 2006 (pièce P-20) parce que ce courriel contenaient les mots anglais « fuck-off ». Le filtre aurait traité ce courriel comme un courriel pornographique et Mme Brooker ne l’aurait jamais reçu pour cette raison.

194 Pour ce qui est du courriel du 7 décembre 2006 (pièce P-21), Mme Brooker ne l’aurait pas reçu non plus parce que le filtre informatique l’aurait traité comme du matériel pornographique parce qu’il contenait le mot anglais « bullshit ». En plus de ce mot, le courriel contenait les mots anglais « fuck-off » que l’on retrouvait dans le courriel du 1er décembre 2006 qui avait été joint au courriel du 7 décembre 2006. Quant à M. Cashman, lui non plus n’aurait pas reçu le courriel du 7 décembre 2006 parce que son adresse courriel n’était pas valide. Le courriel avait été adressé à une adresse courriel de l’Élément national, mais M. Cashman ne travaillait plus pour l’Élément national à cette époque.

195 Mme Brooker n’aurait pas reçu non plus le courriel du 18 décembre 2006 (pièce P-19) parce qu’il contenait le mot anglais « shit ». De plus, les courriels précédents qui étaient joints au courriel du 18 décembre 2006 contenaient les mots anglais « fuck-off » et « bullshit » tel qu’il est expliqué précédemment.

196 Mme Brooker n’aurait pas reçu le courriel du 21 décembre 2006 (pièce P-26) non plus. Ce courriel ne contenait aucun mot pornographique, mais les courriels qui y étaient joints contenaient les mots « shit », « bullshit » et « fuck-off ».

197 Mme Brooker n’aurait pas reçu le courriel du 1er janvier 2007 (pièce P-25) parce que ce courriel contenait les mots anglais « fucked up ». De plus, l’adresse courriel d’un des destinataires du courriel contenait le mot anglais « fag ». Le filtre aurait traité ces mots comme de la pornographie.

198 Mme Phillips a témoigné que Mme Brooker n’aurait pas reçu le courriel du 22 janvier 2007 (pièce P-22), même si ce courriel ne contenait aucun mot pornographique. Le filtre informatique enregistre l’adresse courriel de ceux qui expédient des pourriels. L’adresse courriel de ces personnes est en quelque sorte placée sur une liste noire. Le filtre traite alors tous les courriels de ces personnes comme des pourriels, même si les courriels ne contiennent aucun mot pornographique. C’est ce qui est arrivé dans le cas du courriel du 22 janvier 2007. Le filtre a éliminé ce courriel parce que le plaignant était sur la liste noire du filtre à cause des courriels précédents qu’il avait expédiés à Mme Brooker. Selon Mme Phillips, Mme Brooker n’aurait pas reçu non plus les deux courriels du plaignant du 3 février 2007 (pièces P-23 et P-24), même s’ils ne contenaient aucun mot pornographique, parce que l’adresse courriel du plaignant était sur la liste noire du filtre et le filtre traitait tout courriel affichant l’adresse du plaignant comme des pourriels.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le plaignant

199 Le plaignant soutient que le syndicat a manqué à son devoir de représentation équitable lorsqu’il a laissé M. Beauchamp représenter son ex-amie contre lui et semer des rumeurs désobligeantes à son endroit, entre 2001 et 2003, et lorsque le syndicat a refusé de l’aider lorsqu’il a perdu son emploi en 2006. Le plaignant ajoute que la conduite du syndicat, entre 2001 et 2003, l’a rendu malade et a causé son licenciement pour incapacité médicale.

200 Le plaignant a déclaré que tous ses problèmes ont débuté lorsque les représentants de son unité de négociation ont décidé de représenter son ex-amie contre lui, comme le montre le courriel que Mme Riopelle a expédié au plaignant au nom de M. Beauchamp (pièce P-2, page 11).

201 Selon le plaignant, M. Beauchamp n’aurait pas dû représenter un non-membre contre un membre en règle du syndicat.

202 Le plaignant a souligné que M. Beauchamp n’avait jamais tenté d’obtenir la version des faits du plaignant pour ce qui est de l’accusation d’agression physique portée contre le plaignant.

203 Le plaignant a précisé qu’il n’y avait pas de problème pour ce qui est de son horaire de travail et de celui de son ex-amie. Le plaignant avait offert de travailler la nuit à Mme Peladeau. La gestion avait accepté qu’il travaille de nuit. M. Parent avait informé l’ex-amie du plaignant par courriel, le 31 octobre 2001, que le plaignant travaillerait de nuit (pièce P-2, page 10). M. Beauchamp savait que le plaignant continuerait de travailler de nuit puisque M. Parent l’en avait informé par courriel le 5 novembre 2001 (pièce P-2, page 15).

204 Le plaignant avait demandé à M. Cashman que M. Beauchamp cesse de représenter son ex-amie contre lui.

205  Le plaignant a rencontré M. Cashman le 13 février 2002 pour lui expliquer la situation. Dans une lettre du même jour au plaignant, M. Cashman lui dit qu’il manque de preuves contre M. Beauchamp (pièce P-2, page 38). Pourtant, M. Cashman avait écrit le contraire à M. Beauchamp dans un courriel du 12 novembre 2001 (pièce P-2, page 20). Dans ce dernier courriel, M. Cashman disait que M. Beauchamp donnait l’impression qu’il prenait la part de l’ex-amie du plaignant et que la défenderesse risquait une poursuite contre l’exécutif de l’unité de négociation pour manquement au devoir de représentation équitable. M. Cashman avait ajouté que personne ne devrait être déclaré coupable sans procès.

206 Le plaignant a déclaré que M. Beauchamp avait écrit à son employeur pour lui dire que le plaignant était coupable d’un délit avant même la tenue de son procès (pièce P-2, page 26). M. Beauchamp avait signé la lettre en tant que président de l’unité de négociation.

207 Le plaignant a dit que les rumeurs à son égard constituaient du harcèlement. Il avait aussi été attaqué physiquement par des employés.

208 Puisque M. Cashman ne faisait rien pour le plaignant, le plaignant a écrit à Mme Turmel le 17 décembre 2001 pour lui demander de l’aide (pièce P-2, page 28). Le plaignant ne demandait pas d’argent, il demandait que la situation cesse.

209 Le plaignant a dit n’avoir jamais reçu de lettre d’excuse de M. Beauchamp.

210 Le plaignant a souligné que lors de la rencontre avec les représentants de la défenderesse, le 28 mars 2002 au siège social de l'AFPC, son ami et lui s’étaient fait escorter jusqu’à la sortie de l’édifice.

211 Le plaignant a soutenu que le fait que M. Beauchamp avait demandé à l’ex-amie du plaignant la transcription de l’enregistrement audio de son procès démontre que M. Beauchamp voulait porter atteinte à sa réputation (pièce P-2, page 44). À ce moment-là, le tribunal l’avait déclaré innocent et avait rejeté les accusations portées contre lui.

212 M. Beauchamp a continué ses attaques contre le plaignant en écrivant à M. Cashman « quelle farce » lorsque M. Beauchamp a appris que l’ex-amie du plaignant avait déposé une plainte de harcèlement à l’endroit du plaignant (pièce P 2, page 45).

213 Le plaignant a ajouté que, selon lui, il avait été faussement accusé de harcèlement.

214 Le plaignant a déclaré que la défenderesse lui a fait endurer un enfer. La défenderesse a détruit sa vie, sa santé et sa carrière. La défenderesse est responsable de la perte de son emploi. Le plaignant est devenu suicidaire à cause de la conduite de la défenderesse.

215 Le plaignant fait valoir que c’est l’effet cumulatif de la conduite de la défenderesse qui a causé sa maladie. Le Dr LaRue a établi que le plaignant souffrait du syndrome de stress post-traumatique avec dépression secondaire.

216 Le plaignant a dit qu’il ne pourrait plus trouver un emploi au gouvernement fédéral. Pourtant, ses évaluations de rendement établissaient que son travail était excellent et qu’il avait beaucoup de potentiel.

217 Le plaignant a précisé qu’il était en congé de maladie lorsqu’il a signé la quittance du 9 décembre 2002 (pièce P-2, page 65). Il était stressé. Cette quittance était vague. La défenderesse a voulu qu’il signe cette quittance de peur d’être poursuivi.

218 Le plaignant a soutenu que la défenderesse lui disait continuellement qu’il n’avait pas assez de preuves indiquant que M. Beauchamp le harcelait, mais le plaignant a soumis beaucoup de preuves à l’Élément national.

219 Le plaignant ne comprend pas pourquoi la défenderesse n’est pas intervenu pour que M. Beauchamp cesse de harceler le plaignant. La défenderesse aurait dû intervenir.

220 Le plaignant a fait valoir qu’il ne désirait pas d’argent; il voulait seulement résoudre la situation de harcèlement de la part de la défenderesse. Il voulait la paix.

B. Pour la défenderesse

221 Lors de la première journée de l’audition de la présente plainte, la défenderesse avait contesté ma compétence à entendre cette plainte au motif que la LRTP ne contenait aucune disposition au sujet du devoir de représentation équitable. À la reprise de l’audience le 14 juillet 2008, la défenderesse a déclaré qu’il retirait cette objection. J’ai expliqué aux parties que je devais quand même aborder cette question dans ma décision puisque je ne pouvais fonder ma compétence sur l’entente des parties.

222 La défenderesse a soutenu qu’elle n’avait pas enfreint son devoir de représentation équitable pour ce qui est des événements qui se sont déroulés entre 2001 et 2003. Le plaignant avait le fardeau de la preuve. Le plaignant devait démontrer que la défenderesse avait agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Or, le plaignant n’a pas établi que la défenderesse a agi de cette manière.

223 La défenderesse a fait valoir que M. Beauchamp n’avait pas représenté l’ex-amie du plaignant contre le plaignant. M. Beauchamp voulait seulement aider l’ex-amie du plaignant pour ce qui est de l’application de l’ordonnance restrictive. L’ex-amie du plaignant allait être mutée à la Colline du Parlement et l’employeur ne voulait pas obtempérer à l’ordonnance restrictive rendue par le tribunal, comme le montre le courriel de M. Parent du 30 octobre 2001 (pièce P-2, page 9). M. Beauchamp a contacté la section des ressources humaines de l’employeur pour s’assurer que ce dernier respecte l’ordonnance restrictive. Il voulait s’assurer que le plaignant et l’ex-amie du plaignant soient séparés l’un de l’autre. M. Beauchamp a agi par souci pour la santé et la sécurité des employés. De plus, rien n’empêchait M. Beauchamp de représenter l’ex-amie du plaignant au sujet de l’ordonnance restrictive.

224 La défenderesse a soutenu que M. Beauchamp n’avait jamais accusé le plaignant d’être un « batteur de femmes ».

225 La défenderesse a fait valoir que l’Élément national avait agi rapidement lorsque le plaignant s’est plaint de M. Beauchamp. Le courriel du 7 novembre 2001 de M. Cashman à M. Beauchamp montre que M. Cashman a pris les inquiétudes du plaignant au sérieux. Dans ce courriel, M. Cashman demande à M. Beauchamp des précisions sur la situation du plaignant (pièce P-2, page 16). Dans son courriel du 12 novembre 2001 à M. Beauchamp et à Mme Riopelle, M. Cashman leur souligne l’importance d’être neutre dans cette affaire (pièce P-2, page 20). La défenderesse n’a donc pas agi de façon arbitraire.

226 L’Élément national a fourni une représentation au plaignant pour ce qui est de l’ordonnance restrictive et de ses doléances à l’endroit de M. Beauchamp. L’Élément national a choisi Mme Koo afin d’assurer une représentation neutre. Mme Koo ne connaissait ni le plaignant, ni M. Beauchamp. Mme Koo a écouté le plaignant, a communiqué avec lui à plusieurs reprises et lui a prodigué des conseils. Mme Koo a expliqué au plaignant ses options pour régler la situation. Mme Koo a témoigné qu’elle avait fait de son mieux pour le représenter.

227 Mme Koo a témoigné que le plaignant disait que les gens parlaient dans son dos, qu’ils le traitaient d’agresseur, mais n’identifiait pas ces personnes. Le plaignant ne fournissait pas de preuves pour étayer ses accusations.

228 Le plaignant a dit à Mme Koo que D.N. l’avait poussé, mais le plaignant a aussi déclaré qu’il avait contacté l’employeur à ce sujet et que la situation était réglée parce que D.N. s’était excusé. 

229 M. Pilon a également témoigné que le plaignant ne lui avait jamais demandé de déposer un grief ou une plainte.

230 La défenderesse a souligné que M. Cashman avait tenté de régler la situation. Il a rencontré le plaignant le 13 février 2002 pour entendre ses doléances. M. Cashman a examiné les documents que le plaignant lui avait remis et a conclu que le plaignant n’avait pas assez de preuves pour appuyer ses allégations.

231 Mme Koo a témoigné que lors de cette réunion du 13 février 2002, le plaignant voulait une compensation financière, comme le montre la réclamation que le plaignant avait remise à M. Cashman ce jour-là (pièce P-2, page 37).

232 Le plaignant a contacté Mme Turmel, mais cette dernière est la présidente de l'AFPC. Elle n’a pas le mandat de représenter les membres. Mme Turmel a transmis la lettre du plaignant à l’Élément national, qui a pour mandat de conseiller les membres du syndicat dans ce genre de situation, comme l’indique l’article 9 de la constitution de l'AFPC (pièce P-15).

233 M. Cashman et Mme Koo ont rencontré le plaignant une deuxième fois le 28 mars 2002. T.L. et M. Beauchamp étaient également présents à cette réunion au siège social de l'AFPC. Le plaignant voulait qu’on lui rembourse les frais d’appels téléphoniques qui n’étaient pas liés à son différend avec M. Beauchamp. Mme Koo a d’ailleurs témoigné qu’elle avait dit au plaignant de l’appeler au moyen d’un numéro sans frais. Un garde de sécurité a dû escorter le plaignant hors de l’édifice parce qu’il était en colère en raison du fait que M. Cashman refusait de payer les sommes qu’il réclamait.

234 L’Élément national a donc fourni une représentation au plaignant. Il lui a fourni la même représentation qu’à tout autre membre. L’unité de négociation a aussi fourni une représentation au plaignant. M. Cloutier a également fait des démarches auprès de l’employeur pour tenter de muter le plaignant à un autre poste, comme le montre les échanges de courriel entre M. Cloutier et M. Parent (pièce P-2, pages 46 à 48). Les démarches de M. Cloutier n’ont malheureusement pas porté fruit. La lettre de Mme Brooker au plaignant, du 30 août 2002 indique également que M. Cloutier représentait le plaignant à cette époque (pièce P-2, page 53). Le courriel de M. Cloutier à Mme Brooker du 20 octobre 2002, indique que M. Cloutier a aidé le plaignant à préparer la plainte interne que le plaignant a soumis à la défenderesse (pièce P 2, page 62).

235 Mme Brooker a écouté les doléances du plaignant. Dans sa lettre du 30 août 2002 au plaignant, elle indique qu’elle a rencontré M. Cloutier pour discuter des problèmes que vivaient le plaignant (pièce P-2, page 53). Mme Brooker ajoute qu’elle a examiné les documents qui lui ont été remis et qu’elle a conclu qu’il n’y avait pas assez de preuves pour justifier une enquête. Mme Brooker n’a pas fermé la porte au plaignant. Elle lui a écrit qu’elle examinerait toute nouvelle preuve qui lui serait soumise. Un tel comportement ne témoigne pas d’une attitude arbitraire à l’endroit du plaignant.

236 Le courriel du 18 novembre 2002 de Mme Brooker au plaignant montre que Mme Brooker a examiné de nouveaux documents que le plaignant lui aurait remis (pièce P-2, page 63).

237 Mme Brooker a pris la peine de rencontrer le plaignant et M. Cloutier, le 9 décembre 2002. Le plaignant était agité et insistait pour que la défenderesse paye ses factures. Il a menacé de poursuivre la défenderesse. Le plaignant a dit à Mme Brooker qu’il avait déjà consulté un avocat. Mme Brooker a dit au plaignant qu’il n’avait pas assez de preuves pour appuyer ses allégations. Il n’était pas clair si M. Beauchamp agissait en tant que président de l’unité de négociation ou en tant que citoyen inquiet lorsqu’il a approché l’employeur pour discuter de l’ordonnance restrictive. Mme Brooker a offert au plaignant 1 500 $ par compassion. La quittance que Mme Brooker a signé ce jour-là précise que la défenderesse n’admet aucune responsabilité dans cette affaire (pièce P-2, page 65).

238 Le plaignant est revenu à la charge à l’été 2003 lorsqu’il a découvert de nouveaux documents. Mme Brooker a rencontré de nouveau le plaignant le 30 juillet 2003. Mme Brooker a encore conclu que les nouveaux documents que le plaignant lui avait remis n’indiquaient aucunement que la défenderesse avait enfreint l’entente du 9 décembre 2002, comme le prétendait le plaignant.

239 La défenderesse a fait valoir que la plainte du plaignant était hors délai pour ce qui est des événements survenus entre 2001 et 2003. Le plaignant aurait dû soumettre sa plainte lorsqu’il a eu connaissance des faits sur lesquels elle repose. Sa plainte doit donc être rejetée pour cette raison. La défenderesse m’a renvoyé à une lettre que le plaignant avait écrit à un avocat le 9 novembre 2006, dans laquelle le plaignant disait qu’il avait découvert de la documentation au soutien de sa plainte lorsqu’il est devenu vice-président de sa section locale (pièce D-3). Le plaignant aurait dû déposer sa plainte contre la défenderesse en avril 2003 puisqu’il connaissait tous les détails de sa plainte à ce moment-là. Or le plaignant a déposé sa plainte le 7 février 2007.

240 La défenderesse m’a renvoyé à Kowallsky c. Alliance de la Fonction publique du Canada et al., 2007 CRTFP 30. Dans cette décision, la CRTFP a souligné qu’elle n’avait pas compétence à l’égard des affaires internes d’un syndicat. Toute la question de l’aide fournie à l’ex-amie du plaignant relève des affaires internes de la défenderesseet je n’ai pas compétence à l’égard de cette question.

241 La défenderesse a expliqué que la LRTP ne comporte aucune disposition en ce qui à trait aux délais pour présenter une plainte de manquement au devoir de représentation équitable. La jurisprudence a établi que lorsqu’il n’y a aucun délai dans la loi, il faut s’en remettre à la common law qui prévoit qu’un employé doit déposer sa plainte dans un délai raisonnable après que les faits sur lesquels l’employé fonde sa plainte se soient produits, à moins que l’employé puisse prouver que des circonstances exceptionnelles ou hors de son contrôle l’en ont empêché. La défenderesse m’a renvoyé à Walcott c. Turmel, 2001 CRTFP 86 (demande de contrôle judiciaire rejetée : Walcott c. Procureur général du Canada, 2003 CAF 113) au soutien de cet argument. Dans Walcott, la CRTFP a refusé d’entendre une plainte de manquement au devoir de représentation équitable parce que l’employé avait attendu plus de trois ans avant de déposer sa plainte.

242 Dans cette plainte-ci, le plaignant a attendu cinq ans pour déposer sa plainte. Ce délai est excessif. Le plaignant n’a jamais expliqué pourquoi il a attendu si longtemps. La seule explication au dossier est le courriel du plaignant à un avocat du 9 novembre 2006, dans lequel le plaignant avait écrit qu’il attendait d’être licencié pour « exposer » la défenderesse (pièce D-3).

243 Dans Rhéaume c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2004 CRTFP 95, la CRTFP a refusé d’examiner une plainte de manquement au devoir de représentation équitable parce que l’employé avait attendu trois ans et neuf mois avant de déposer sa plainte.

244 Dans McConnell c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2005 CRTFP 140 (demande de contrôle judiciaire rejetée : McConnell c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2007 CAF 142), la CRTFP a souligné que lorsque l’employé attend des années pour soumettre une plainte, il y a présomption que la défenderesse a subi un préjudice du seul fait de l’écoulement du temps. La défenderesse peut difficilement se défendre parce que les faits sont trop éloignés dans le temps. Dans McConnell, la CRTFP a rejeté la plainte de manquement au devoir de représentation équitable parce que l’employée avait attendu près de trois ans avant de déposer sa plainte.Dans cette plainte-ci, la défenderesse a certainement subi un préjudice puisque le plaignant a attendu cinq ans pour se plaindre de la conduite de la défenderesse entre 2001 et 2003.

245 La défenderesse a soutenu qu’il n’avait pas enfreint son devoir de représentation équitable pour ce qui est du licenciement du plaignant en 2006. Le plaignant n’a pas demandé à la défenderessede déposer un grief à l’égard de son licenciement dans le courriel du 23 novembre 2006 (pièce P-18). Mme Brooker a cru qu’il voulait de l’argent en raison de ce qui s’était passé entre 2001 et 2003. Malgré cela, Mme Brooker a pris la peine de s’informer au sujet du plaignant. Elle a demandé à Mme Lemire si elle connaissait la situation du plaignant. Mme Lemire ne savait rien à ce sujet et elle a demandé à M. Lavigne et à Mme Enright s’ils étaient au courant de la perte d’emploi du plaignant. M. Lavigne ne savait rien non plus. C’est Mme Enright qui a informé Mme Lemire que le plaignant avait été licencié pour cause d’incapacité médicale. Mme Lemire a informé Mme Brooker de ce fait.

246 La défenderesse a soutenu que le plaignant n’aurait pas dû s’adresser à Mme Brooker puisque ce n’est pas son rôle de défendre des griefs. De plus, le plaignant a contacté Mme Brooker pour lui demander de l’argent; il ne lui a jamais demandé de déposer de grief.

247 Le plaignant était en congé de maladie depuis novembre 2003. La lettre de M. St-Louis du 25 octobre 2006 montre que l’employeur a communiqué avec le plaignant plusieurs fois lorsque ce dernier était en congé de maladie, mais le plaignant n’a jamais répondu (pièce P-2, page 94). Le plaignant n’a pas contacté la défenderesse non plus pendant son congé de maladie. Il aurait dû le faire. Comme l’a expliqué Mme Lemire, la défenderesse aurait alors pu demander une prolongation du congé de maladie du plaignant.

248 La défenderesse a plaidé qu’elle a seulement appris que le plaignant avait été licencié lorsque le plaignant en a informé Mme Brooker. En vertu de la stipulation 31.01 de la convention collective (pièce D-1), l’employeur devait aviser la défenderesse de tout congédiement, mais l’employeur n’était pas obligé de l’aviser en cas de licenciement pour incapacité médicale.

249 La défenderesse a soutenu qu’il revenait au plaignant de demander de l’aide à la défenderessepour déposer un grief à l’égard de son licenciement. Le plaignant avait été délégué syndical en 2002 et vice-président de la section locale en 2003. Il savait très bien comment fonctionne l'AFPC. Il aurait pu demander à Mme Lemire de l’aider. Il avait déjà rencontré Mme Lemire en 2003. Le plaignant aurait pu aussi demander de l’aide à M. Lavigne qui était à cette époque président de l’unité de négociation dont le plaignant faisait partie. Le plaignant aurait également pu demander de l’aide à Mme Brooker ou à tout autre représentant de l’unité de négociation. Le plaignant ne l’a pas fait.

250 De plus, le plaignant aurait dû déposer un grief lui-même. Il n’avait pas besoin de l’aval de la défenderessepour présenter un grief à l’égard de son licenciement. Le plaignant avait les connaissances nécessaires puisqu’il avait suivi un cours de base sur les syndicats et un cours sur la présentation de griefs.

251 La défenderesse a soutenu que Mme Brooker n’avait jamais reçu les courriels que le plaignant lui a adressés après le 23 novembre 2006. Le filtre informatique les traitait comme des pourriels parce que certains d’entre eux contenaient des mots à caractère pornographique. Pour ce qui est des courriels qui n’en contenaient pas, le filtre les a aussi traités comme des pourriels parce que le filtre n’acceptait plus de courriels du plaignant à cause des courriels précédents qui contenaient des mots pornographiques.

252 M. Cashman et M. Ransom, à qui le plaignant avait expédié les courriels à titre de copies conformes, n’ont pas reçu les courriels du plaignant à la fin de 2006 et au début de 2007 parce que leurs adresses courriel étaient inexactes.

253 La défenderesse a souligné que le Dr LaRue n’est pas psychiatre. Il ne peut donc faire un diagnostique du domaine de la psychiatrie.

254 La défenderesse a aussi signalé que le Dr LaRue a témoigné qu’il n’avait pas vérifié si les faits racontés par le plaignant étaient véridiques. Alors les événements que le plaignant lui racontait n’ont pas nécessairement eu lieu. Il n’y a aucune preuve que la maladie du plaignant est liée à la conduite de la défenderesse.

255 Dans Laferrière c. Hogan et Baillairgé, 2008 CRTFP 26, une décision qui traite du devoir de représentation équitable, la CRTFP a souligné qu’un plaignant ne pouvait reprocher à une organisation syndicale de ne pas être intervenue dans une affaire si le plaignant n’avait pas informé l’organisation syndicale des faits qui justifieraient une intervention de cette dernière. Dans cette plainte-ci, le plaignant n’a pas informé la défenderesse qu’il voulait contester son licenciement.

256 La défenderesse a ajouté que si je décidais que j’avais compétence pour entendre cette plainte, la seule ordonnance que je pourrais rendre serait d’exiger que la défenderesse représente le plaignant pour ce qui est du grief de licenciement. Je ne pourrais accorder des dommages compensatoires ou punitifs dans le cas d’une plainte ayant trait au devoir de représentation équitable. 

C. Réfutation du plaignant

257 Le plaignant a fait valoir que si sa plainte était hors délai pour ce qui est des événements de 2002 à 2003, il fallait attribuer la faute à la défenderesse, qui a causé sa maladie.

258 Le plaignant a soutenu qu’il avait réagi immédiatement en 2001. Il a approché Mme Koo pour lui expliquer sa situation. La défenderesse n’a rien fait.

259 Le plaignant a fait remarquer que les représentants de la défenderesse ne cessaient de dire qu’il manquait de preuves, mais il leur a fourni de nombreux documents à l’appui de ses prétentions.

260 Le plaignant m’a rappelé que M. Beauchamp avait témoigné qu’il avait voulu aider l’ex-amie du plaignant en raison de son apparence physique. M. Beauchamp a dit qu’il croyait qu’elle avait été impliquée dans un accident routier. Pourtant, le plaignant n’avait pas croisé l’ex-amie du plaignant depuis le jour du procès du plaignant. Comment M. Beauchamp pouvait-il attribuer l’apparence physique de l’ex-amie du plaignant au plaignant?

261 Le plaignant a déclaré qu’il avait agi en temps opportun pour ce qui est de son licenciement. Il a été licencié le 6 novembre 2006 et a expédié un courriel à Mme Brooker le 23 novembre 2006 (pièce P-18). Il n’a pas contacté M. Lavigne parce qu’il ne le connaissait pas et ne voulait pas communiquer avec les représentants de l’unité de négociation puisque M. Beauchamp travaillait encore là.

262 Le plaignant a souligné que le courriel du 23 novembre 2006 précisait qu’il avait perdu son emploi. Mme Brooker ou Mme Lemire auraient dû répondre à son courriel et lui donner des conseils au sujet de son licenciement.

263 Le plaignant a ajouté qu’il ne savait pas que les courriels qu’il avait expédiés à Mme Brooker après le 23 novembre 2006 avaient été éliminés par le filtre informatique de l’Élément national.

IV. Motifs

264 Le plaignant allègue que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable en représentant un non-membre contre le plaignant dans une affaire personnelle. Le plaignant allègue également que la défenderesse a omis de présenter un grief à l’égard de son licenciement lorsque le plaignant lui a demandé de le faire. Le plaignant soutient également que la défenderesse a fait preuve de mauvaise foi en tentant de le faire congédier depuis 2001.

A. Ma compétence à entendre cette plainte

265 Tel qu’il est mentionné précédemment, la défenderesse avait d’abord contesté ma compétence à entendre cette plainte, mais a, par la suite, retiré son objection. Je vais quand même aborder cette question puisque ma compétence à entendre cette plainte ne peut dépendre du consentement des parties.

266 Le plaignant a déposé une plainte en vertu de l’article 13 de la LRTP. Le paragraphe (1) de cet article se lit comme suit :

13. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l’employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n’a pas, selon le cas :

a) observé les interdictions énoncées aux articles 6, 7 ou 8;

b) mis à effet une disposition d’une décision arbitrale;

c) mis à effet une décision d’un arbitre sur un grief;

d) respecté l’un des règlements pris en matière de griefs par la Commission conformément à l’article 71.

267 Le paragraphe 13(2) de la LRTP traite des ordonnances d’exécution que peut prendre la CRTFP à la suite d’une plainte présentée en vertu du paragraphe 13(1) de la LRTP. Les articles 6, 7 et 8 de la LRTP ne traitent pas du devoir de représentation équitable d’une organisation syndicale à l’égard de ses employés. L’article 6 traite de la participation de l’employeur à une organisation syndicale, l’article 7 de discrimination à l’égard d’une organisation syndicale, et l’article 8 de la sollicitation d’affiliation syndicale dans les locaux de l’employeur et pendant les heures de travail. En fait, aucune disposition de la LRTP ne traitedu devoir de représentation équitable. La question est donc de savoir si j’ai compétence pour entendre cette plainte en l’absence d’une disposition sur le devoir de représentation équitable dans la LRTP.

268 Dans Gendron c. Syndicat des approvisionnements et services de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, section locale 50057, [1990] 1 R.C.S. 1298,la Cour suprême du Canada a expliqué que le devoir de représentation équitable est un principe qui nous vient de la common law (page 1315) :

[…]

Qui plus est, dans l'arrêt Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, précité, notre Cour a reconnu que le devoir de juste représentation existait en common law avant son incorporation dans une loi. À cet égard, le juge Chouinard affirme, au nom de la Cour, à la p. 517 :

L'article 136.1 du Code canadien du travail, tout comme d'ailleurs l'art. 47.2 du Code du travail du Québec et l'art. 7 du Labour Code de la Colombie-Britannique sont postérieurs aux faits qui ont donné naissance au litige. Il n'en reste pas moins utile de voir comment ces dispositions législatives ont été interprétées depuis car, comme nous le verrons plus loin, la jurisprudence canadienne et québécoise reconnaissait bien avant ces législations le devoir d'un syndicat de représenter ses membres et les obligations découlant de ce devoir.

[…]

269 Le devoir de représentation équitable a été imposé aux organisations syndicales pour contrebalancer les restrictions des droits individuels inhérentes à la création d’un régime de négociation collective dans lequel l’agent négociateur s’est vu accorder les droits exclusifs de négocier au nom de tous les employés de l’unité de négociation. Le droit de représentation équitable est donc le corollaire du droit exclusif de négociation de l’agent négociateur, comme l’a souligné la Commission des relations de travail de l’Ontario dans Luis Lopez, [1989] OLRB p. 464 (paragraphe 12).

270 Dans Gendron, la Cour suprême du Canada a précisé que la portée du devoir de représentation équitable était la même en common law que dans les versions codifiées de ce principe. En vertu de ce principe, une organisation syndicale ne peut agir de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation des employés qui font partie de l’unité de négociation (page 1327) :

L'arrêt de principe dans ce domaine est l'arrêt Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, précité. Bien que les faits à l'origine de l'affaire dans l'arrêt Gagnon se soient produits avant que le devoir ne soit codifié dans une loi, les principes formulés par le juge Chouinard se fondaient sur une analyse des arrêts où le devoir était prévu par la loi et de ceux dans lesquels il n'était pas prévu par la loi, et il n'a fait aucune distinction entre les arrêts fondés sur les diverses formulations législatives du devoir. Après un examen exhaustif et impressionnant de la jurisprudence canadienne, le juge Chouinard expose au nom de la Cour, à la p. 527, les principes régissant le devoir d'un syndicat de représenter ses membres de façon juste :

De la jurisprudence et de la doctrine consultées se dégagent les principes suivants, en ce qui touche le devoir de représentation d'un syndicat relativement à un grief :

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d'agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d'une unité de négociation comporte en contrepartie l'obligation de la part du syndicat d'une juste représentation de tous les salariés compris dans l'unité.

2. Lorsque, comme en l'espèce et comme c'est généralement le cas, le droit de porter un grief à l'arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n'a pas un droit absolu à l'arbitrage et le syndicat jouit d'une discrétion appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l'importance du grief et des conséquences pour le salarié, d'une part, et des intérêts légitimes du syndicat d'autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

271 Plusieurs administrations au Canada ont codifié ce devoir de représentation équitable dans leur législation sur les relations de travail. L’article 187 de la LRTFP, par exemple, prévoit qu’une organisation syndicale a un devoir de représentation équitable envers les fonctionnaires qui font partie de l’unité de négociation. Ce devoir a été introduit dans la LRTFP en 1992. Mais, comme je le mentionne plus haut, on ne retrouve aucune disposition à ce sujet dans la LRTP.

272 Dans Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. La Reine du chef du Canada représentée par le Conseil du Trésor, [1985] 2 C.F. 84 (C.A.), la Cour d’appel fédérale a jugé que le devoir de représentation équitable existait de façon implicite dans la LRTFP qui, à cette époque, ne contenait aucune disposition portant sur le devoir de représentation équitable, comme c’est le cas pour la LRTP aujourd’hui (pages 92 et 93) :

[…]

[…] Le devoir d'un agent négociateur consiste à représenter tous les employés qui peuvent devenir membres de l'unité de négociation à tout moment pendant la durée de la convention collective. Ces membres sont tenus de payer des cotisations mensuelles à l'agent négociateur tant qu'ils sont employés dans cette unité. Compte tenu de cette circonstance ainsi que de l'esprit de la Loi, j'estime qu'ils ont le droit d'être représentés par l'agent et de bénéficier de cette représentation. […]

[…]

Il est vrai, comme l'a souligné le juge Chouinard, qu'il existe dans le Code canadien du travail [S.R.C. 1970, chap. L-1] et dans plusieurs lois provinciales des dispositions précises concernant le devoir de représentation d'un syndicat vis-à-vis ses membres. Toutefois, il est aussi vrai de dire, comme l'a fait observer le juge Chouinard à la page 522 R.C.S.; 650 D.L.R. du jugement que : « la jurisprudence canadienne, s'inspirant de la jurisprudence américaine, avait déjà reconnu l'existence du devoir de représentation d'un syndicat et des obligations qui en découlent. » Il est néanmoins nécessaire de se demander si les dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique ont pour effet de modifier, d'éliminer, de réduire ou d'accroître l'obligation généralement acceptée de juste représentation qui incombe à l'agent négociateur. Je n'ai pu trouver dans la Loi aucune disposition précise qui décrit expressément ce devoir. Je suis toutefois venu à la conclusion, après avoir lu attentivement les dispositions de la Loi, qu'une telle obligation existe effectivement de façon implicite (voir par exemple les articles 40 et 90 de la Loi).

[…]

[Je souligne]

273 L’article 40 de la LRTFP,auquelfait allusion la Cour d’appel fédérale dans cette décision, traitait de l’effet de l’accréditation d’une unité de négociation. Cet article prévoyait que l’organisation syndicale accréditée avait le droit exclusif de négocier pour le compte des employés de l’unité de négociation et de représenter un employé à l’occasion de la présentation ou du renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur l’interprétation ou l’application de la convention collective. L’article 90 portait sur le droit de déposer des griefs et précisait que l’employé devait obtenir l’approbation de l’agent négociateur pour déposer un grief portant sur l’interprétation ou l’application de la convention collective. Le libellé de ces deux articles tels qu’ils se lisaient à la date de la décision de la Cour d’appel fédérale était presque identique au libellé actuel des articles 28 et 62 de la LRTP.

274 Dans Morin c. Ford et al., dossier de la CRTFP 148-02-163 (19891017), la CRTFP a décidé qu’elle avait compétence pour entendre une plainte de manquement au devoir de représentation équitable, même si la LRTFP, telle qu’elle se lisait à l’époque, ne comportait aucune disposition sur ce devoir syndical. La CRTFP s’est fondée sur le paragraphe 21(1) de la LRTFP (telle qu’elle se lisait à l’époque) qui prévoyait que la CRTFP avait pour mandat d’administrer la LRTFP et qu’elle avait les pouvoirs qu’implique la réalisation des objets de la LRTFP. Dans Albert c. Hawley, dossier de la CRTFP 161-02-447 (19871006), la CRTFP a également indiqué qu’elle avait compétence pour entendre une plainte de manquement au devoir de représentation équitable même si la LRTFP de l’époque ne comportait aucune disposition à ce sujet.

275 Qu’en est-il de la LRTP? Se fondant sur Association canadienne du contrôle du trafic aérien et sur la similarité entre le LRTFP et la LRTP, la CRTFP a décidé qu’elle avait compétence pour entendre une plainte de manquement au devoir de représentation équitable en vertu de la LRTP dans Charron c. Lafrance et al., dossier de la CRTFP 448-H-4 (19900208). Dans Charron, le plaignant alléguait que l’agent négociateur avait refusé de le soutenir dans un grief portant sur une question de dotation. La CRTFP a décidé qu’elle avait compétence pour entendre une telle plainte :

[Traduction]

[…]

[…] Je conclus que j'ai la compétence pour entendre la plainte en instance.[…]

[…]

          Dans l'affaire Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. La Reine du chef du Canada représentée par le Conseil du Trésor, [1985] 2 C.F. 84, la Cour d'appel fédérale a conclu que le devoir de représentation équitable était bon dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Cette conclusion de la Cour s'applique de la même façon aux agents négociateurs en vertu de la Loi sur les relations de travail au Parlement.

[…]

276 La Commission des relations de travail de la Saskatchewan a aussi jugé qu’elle avait compétence pour entendre une plainte de manquement au devoir de représentation équitable, même en l’absence d’une disposition législative lui conférant cette compétence. Dans Simpson c. United Garment Workers of Canada, [1980] 3 Can LRBR 136, la Commission a jugé que les dispositions de sa loi habilitante portant sur les pratiques déloyales lui donnaient le pouvoir d’entendre une plainte de représentation inéquitable, au moins lorsque cette plainte portait sur la présentation de griefs (pages 138-139). 

277 À mon avis, puisque la Cour d’appel fédérale a jugé dans Association canadienne du contrôle du trafic aérien quele devoir de représentation équitable existe implicitement dans la LRTFP, et puisque la LRTP telle qu’elle se lit présentement est très semblable à la LRTFP telle qu’elle se lisait à l’époque à laquelle la Cour d’appel fédérale a rendu sa décision pour ce qui est du rôle de l’agent négociateur dans la représentation des employés lors de la négociation d’une convention collective et de la présentation de griefs, il s’ensuit que le devoir de représentation équitable existe de façon implicite dans la LRTP. Puisque le mandat de la CRTFP est d’administrer la LRTP, il s’ensuit que la CRTFP a compétence pour entendre une plainte portant sur un manquement à ce devoir. La LRTP attribue en effet à la CRTFP le mandat d’administrer la LRTP :

10. La Commission met en œuvre la présente partie et exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou qu’implique la réalisation de ses objets, notamment en prenant des ordonnances qui exigent l’observation de la présente partie, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu’elle rend sur les questions qui lui sont soumises.

278 Dans Syndicat des postiers du Canada (SPC) c. Canada (La Commission des relations de travail dans la fonction publique), [1979] 1 C.F. 232 (C.A.), la Cour d’appel fédérale a indiqué que la CRTFP n’avait pas compétence pour entendre une plainte portant sur le devoir de représentation équitable. Mais, à mon avis, Association canadienne du contrôle du trafic aérien, unedécision du même tribunal, va à l’encontre de Syndicat des postiers du Canada (SPC) et je suis lié par Association canadienne du contrôle du trafic aérien parce que cette décision est postérieure à Syndicat des postiers du Canada (SPC).

279 Je conclue donc, pour les raisons susmentionnées, que j’ai compétence pour entendre la présente plainte.

B. Le mérite de la plainte

280 Cette plainte de manquement au devoir de représentation équitable couvre deux périodes. Je commencerai avec les prétentions du plaignant au sujet de la conduite de la défenderesse pendant la période 2001 à 2003.

281 Habituellement, le manquement au devoir de représentation équitable a trait au refus de l’agent négociateur de représenter un employé dans ses relations avec l’employeur, surtout lors de la présentation de griefs, ou sur la qualité de cette représentation. Dans ce cas-ci, pour ce qui est de la période 2001 à 2003, et plus particulièrement des heures de travail du plaignant, la défenderesse a fourni une représentation au plaignant. Mme Koo a représenté le plaignant, quoique la qualité de sa représentation laisse à désirer puisqu’elle a manqué de jugement en omettant d’informer le plaignant que M. Beauchamp avait écrit des propos désobligeants au sujet du plaignant dans le courriel du 9 mai 2002 au sujet de la plainte de harcèlement de l’ex-amie du plaignant (pièce P-2, page 45). À mon avis, cependant, le devoir de représentation équitable ne se limite pas à ces circonstances. Je suis d’avis que lorsqu’il y a conflit entre un membre de l’unité de négociation et un autre membre de cette même unité ou une personne qui n’en est pas membre, l’agent négociateur enfreint son devoir de représentation équitable lorsqu’un membre de l’exécutif de l’unité de négociation fait preuve de mauvaise foi en prenant parti en faveur d’une de ces personnes ou en tentant de nuire aux intérêts d’une de ces personnes sans raison valable. Dans le présent cas, la preuve démontre que M. Beauchamp, agissant en tant que président de l’unité de négociation, a fait preuve de mauvaise foi envers le plaignant en prenant parti en faveur de l’ex-amie du plaignant et en se servant de son poste au sein de l’organisation syndicale pour tenter de nuire à la réputation et aux intérêts du plaignant auprès de son employeur, et cela sans raison valable.

282 Le plaignant et son ex-amie travaillaient tous deux pour la Chambre des communes, le plaignant sur la Colline du Parlement à Ottawa et son ex-amie sur la rue Belfast dans la même ville. L’ex-amie du plaignant ne faisait pas partie de l’unité de négociation et n’était membre d’aucune organisation syndicale. En mai 2001, l’ex-amie du plaignant a porté une accusation criminelle d’agression physique à l’endroit du plaignant devant les tribunaux à Gatineau. Cette accusation n’était pas liée au travail; il s’agissait d’un conflit personnel entre le plaignant et son ex-amie. Le juge avait rendu une ordonnance restrictive à l’endroit du plaignant lui ordonnant de ne pas se présenter au lieu de travail de son ex-amie sur la rue Belfast. L’ordonnance demeurait en vigueur jusqu’à la tenue du procès du plaignant qui avait été fixé au 29 janvier 2002. Tout s’est compliqué lorsque l’ex-amie du plaignant a demandé d’être mutée à la Colline du Parlement à compter de la période des fêtes de Noël 2001. L’ordonnance restrictive couvrait seulement le bureau de la Chambre des communes sur la rue Belfast.

283 Certains employés de l’unité de négociation travaillaient de nuit par rotation. Le plaignant, qui travaillait pendant le quart de nuit à cette époque, pouvait revenir travailler de jour à la fin décembre 2001. Le 25 octobre 2001, Mme Peladeau a accepté l’offre du plaignant de travailler de nuit jusqu’au printemps 2002. M. Parent a informé l’ex-amie du plaignant de ce fait dans un courriel du 31 octobre 2001 (pièce P 2, page 10). Il est important de noter qu’à partir de ce moment-là, il n’y avait pas de problème puisque le plaignant travaillerait de nuit et son ex-amie avait été informée de ce fait. Il faut aussi noter que le plaignant s’est montré coopératif : il n’était pas obligé de travailler de nuit. Pourtant, Mme Riopelle a expédié à M. Parent, au nom de M. Beauchamp, le 2 novembre 2001, un courriel qui se lit en partie comme suit (pièce P-2, page 11) :

[Traduction]

[…]

Le comité exécutif de la section locale 70390 a récemment rencontré [le nom de l’ex-amie du plaignant est omis] au sujet de l'ordonnance restrictive susmentionnée. Après examen des documents qui nous ont été remis, nous avons convenu d'accepter cette affaire et d'assurer la représentation voulue.

En outre, aux fins du suivi de la demande [que l'ancienne copine] [sic] vous a présentée, le syndicat exigera que l'employeur fournisse une confirmation écrite que  M. Luc Beaulne continuera de travailler pendant le quart de 23 h à 7 h en attendant la résolution de cette affaire, qui se trouve devant les tribunaux.

Nous nous attendons à ce que l'employeur prenne les mesures nécessaires pour veiller à ce que l'ordonnance restrictive imposée à l'un de ses employés soit respectée.

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l’original.]

284 En tant que président de l’unité de négociation, M. Beauchamp n’aurait pas dû se mêler de ce dossier de cette façon. Outre le fait que ce courriel n’était pas nécessaire, il démontre à mon avis un parti pris de la part de M. Beauchamp envers l’ex-amie du plaignant à propos des heures de travail du plaignant. Par ce courriel, M. Beauchamp s’implique directement dans le débat en exigeant plus ou moins que le plaignant travaille de nuit. Il est clair, de plus, que c’est à titre de président de l’unité de négociation que M. Beauchamp s’implique dans ce conflit puisqu’il invoque la décision de l’exécutif de l’unité de négociation de fournir une représentation à l’ex-amie du plaignant. Même sans ce courriel, il est clair que M. Beauchamp se servait de son poste au sein de l’unité de négociation pour intervenir dans cette affaire. Lorsqu’un vice-président d’une unité de négociation approche l’employeur pour discuter des heures de travail d’un membre de l’unité de négociation, il va de soi qu’il le fait en vertu de son poste au sein de l’organisation syndicale. L’employeur n’aurait pas eu avec M. Beauchamp des entretiens au sujet des conditions d’emploi du plaignant si ce n’était du poste que M. Beauchamp occupait au sein de la hiérarchie syndicale.

285 Le courriel du 2 novembre 2001 en dit long sur l’attitude de M. Beauchamp à l’endroit du plaignant si on le compare au courriel que Mme Riopelle a expédié à M. Cashman au nom de M. Beauchamp peu de temps après (la date n’apparaît pas sur le courriel). Ce courriel se lit en partie comme suit (pièce P-2, page 17) :

[Traduction]

[…]

[le nom de l’ex-amie du plaignant est omis] a communiqué avec nous au sujet d'une affaire qu'elle ne pouvait régler parce que les Relations de travail faisaient preuve d'une incompétence totale et ne tenaient aucunement compte des demandes qu'elle présentait en vue d'assurer sa propre sécurité, raison pour laquelle elle a fait rendre une ordonnance restrictive contre M. Beaulne.

M. Beaulne n'a jamais communiqué avec notre syndicat pour obtenir une représentation, et nous ne voyons pas la nécessité d'une telle représentation puisque son emploi n'est pas menacé.

[…]

[Je souligne]

286 À mon avis ces deux courriels démontrent du mépris à l’endroit du plaignant. M. Beauchamp indiquait dans son courriel du 2 novembre 2001 que les représentants de l’unité de négociation avaient décidé de fournir une représentation à l’ex-amie du plaignant au sujet des heures de travail du plaignant, mais M. Beauchamp affirmait dans le courriel ci-haut que le plaignant n’avait pas besoin d’être représenté, même si les conditions d’emploi du plaignant étaient en jeu. Ces deux courriels démontrent un parti pris de M. Beauchamp envers l’ex-amie du plaignant, et sa mauvaise foi envers le plaignant.

287 M. Cashman a agi sagement en intervenant dans le dossier aussitôt qu’il s’est aperçu que la conduite de M. Beauchamp devenait problématique. Le 12 novembre 2001, M. Cashman a expédié un courriel à M. Beauchamp et à Mme Riopelle dans lequel M. Cashman avertit ces derniers qu’un membre de l’exécutif d’une unité de négociation ne devrait pas prendre parti dans un conflit impliquant deux membres de l’unité de négociation (je dois préciser cependant que l’ex-amie du plaignant n’était pas membre de l’unité de négociation). M. Cashman a également écrit que la conduite des représentants de l’unité de négociation pouvait donner lieu à une poursuite judiciaire de la part du plaignant (pièce P-2, page 20) :

[Traduction]

[…]

M. Beaulne m'a appelé le 7 novembre 2001 et m'a fait part de ses préoccupations. Il se peut que son point de vue soit légitime. Je veux discuter du courriel envoyé à Bob Beauchamp le 2 novembre 2001 (par Teresa).

Le courriel se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

  1. « Le comité exécutif de la section locale 70390 a récemment rencontré [le nom de l’ex-amie du plaignant est omis] […] Après examen des documents qui nous ont été remis, nous avons convenu d'accepter cette affaire et d'assurer la représentation demandée.
  2. « En outre, […] le syndicat exigera […] »

Le message de Bob à titre de président de la section locale donne à penser, à tort ou à raison, que la section a choisi son camp à l'égard du différend. L'utilisation du terme « syndicat » indique en outre que l'AFPC a pris parti, ou c'est du moins l'impression qu'on pourrait avoir. Il importe, dès qu'il s'agit d'une situation mettant en cause au moins deux membres du syndicat en poste au même lieu de travail, que la section locale ne donne pas l'impression de prendre parti. Toutes les affaires doivent être tranchées sur le fond. Vous n'avez pas entendu la version de M. Beaulne.

[…]

En ce qui concerne l’affirmation selon laquelle [TRADUCTION] « nous pouvons représenter M. Beaulne, s'il en a besoin et quand il en aura besoin », compte tenu de la déclaration écrite de la section locale, le comité exécutif a fait preuve de partialité. M. Beaulne peut avoir de bonnes raisons d'entreprendre de son propre chef une poursuite contre le comité exécutif de la section locale pour manquement à son devoir de représentation. La section locale s'est trouvée dans une situation très difficile récemment, lorsqu'un membre n'a pas fait l'objet d'une représentation adéquate. Les circonstances sont quelque peu différentes cette fois-ci, mais le résultat final est le même. Tout le monde a le droit de faire valoir ses arguments devant les tribunaux.. Personne ne devrait être déclaré coupable sans une audience en bonne et due forme.

Nous nous trouvons dans une situation où il faudra désigner un agent syndical pour aider M. Beaulne, et il sera peut-être opposé à un membre du comité exécutif de la section locale qui représentera [le nom de l’ex-amie du plaignant est omis]. Cette situation ne pourra être perçue de façon positive par les membres ou par l'employeur. L'employeur, entre autres intervenants, pourrait d'ailleurs profiter de l'occasion pour discréditer les membres du comité exécutif de la section locale. Personne ne sortira gagnant d'une telle situation.

Je demanderais au comité exécutif, à l'avenir, de faire preuve d'une plus grande prudence et d'éviter de se placer dans ce genre de situation. Le comité ne doit prendre parti dans aucun différend; il doit plutôt laisser la justice suivre son cours normal.

[…]

[Je souligne]

288 Cet avertissement de la part de M. Cashman aurait dû convaincre M. Beauchamp de cesser de prendre parti dans cette affaire, mais c’est le contraire qui s’est produit. La véhémence des interventions de M. Beauchamp à l’endroit du plaignant a augmenté. Dans un courriel que M. Beauchamp a expédié à M. Parent le 5 décembre 2001, M. Beauchamp laissait entendre que le plaignant était coupable du délit criminel dont l’ex-amie du plaignant l’accusait (« perpetrator » en anglais; pièce P-2, page 26) :

[Traduction]

[…]

          L’ordonnance restrictive demandée par [le nom de l’ex-amie du plaignant est omis] porte uniquement sur Belfast, mais la direction l'a mutée à l'édifice de la Confédération. Son inquiétude était liée au fait que, si M. Beaulne travaillait de jour, leurs chemins se croiseraient, et elle a simplement demandé qu'il continue de travailler de nuit jusqu'à ce que l'affaire soit entendue. Nous n'avons en aucun cas représenté [le nom de l’ex-amie du plaignant est omis]; nous avons seulement essayé d'intercéder pour elle auprès des Relations de travail.

          Dans votre lettre, vous faites état de la position de la direction. Comment pouvez-vous favoriser les droits du prétendu coupable? Encore une fois, nous vous rappelons que vous devez assurer la sécurité de tous les employés, car il est évident que vous n'assumez pas vos responsabilités à cet égard et que vous ne vous souciez pas de la victime.

          En ce qui concerne la coopération de M. Beaulne, celui-ci n'a pas le choix —  il est l'auteur de l'acte fautif, [le nom de l’ex-amie du plaignant est omis] en est la victime.

          Je conviens du fait qu'il s'agit d'une affaire externe, et je ne comprends pas bien pourquoi M. Beaulne tient absolument à être représenté; son emploi n'est pas menacé.

          Je conviens du fait qu'il ne s'agit pas d'un cas de harcèlement, mais d'un cas de voies de fait et coups, ce qui est beaucoup plus grave.

          De toute évidence, vous faites une montagne avec des riens — une simple intercession en faveur d'une employée non syndiquée vous a amené à informer l'élément concerné d'une chose qui ne s'est jamais produite et qui ne vous regarde pas, et à agir d'une manière qui, selon nous, constitue de l'ingérence dans les affaires du syndicat.

[…]

[Je souligne]

289 Il faut noter qu’à cette date-là, le plaignant n’avait pas encore subi son procès. M. Beauchamp n’a jamais, selon la preuve, contacté le plaignant afin de connaître sa version des faits. M. Beauchamp s’est en quelque sorte érigé en juge dans cette affaire en décidant que le plaignant était coupable du délit dont il avait été accusé. Il faut aussi noter que ce courriel est adressé à l’employeur, ce qui est plus sérieux que s’il avait été adressé à un collègue syndical. À mon avis, ce courriel démontre encore une fois que M. Beauchamp prend part en faveur de l’ex-amie du plaignant et tente de porter atteinte à la réputation et aux intérêts du plaignant auprès de son employeur.En agissant ainsi, M. Beauchamp a fait preuve de mauvaise foi envers le plaignant.

290 Le procès a eu lieu les 29 et 30 janvier 2002. Le plaignant a été acquitté sur-le-champ de toute accusation et le juge du procès a annulé l’ordonnance restrictive. Mais cela n’a pas arrêté l’ingérence de M. Beauchamp dans cette affaire. Il a voulu écouter la transcription de l’enregistrement audio du procès du plaignant. Si on se fie aux interventions précédentes de M. Beauchamp, ce n’était certainement pas pour y trouver des passages flatteurs au sujet du plaignant. Voici un extrait du courriel que M. Beauchamp a expédié à l’ex-amie du plaignantle9 mai 2002 (pièce P-2, page 45) :

[Traduction]

[…]

Merci pour les renseignements. Je ne suis pas surpris qu'un incident se soit produit. J'aimerais beaucoup que vous me teniez informé de tous les faits nouveaux concernant votre plainte officielle pour harcèlement. En outre, si vous recevez la transcription du contenu de la cassette, auriez-vous l'obligeance de nous en transmettre une copie?

[…]

[Je souligne]

291 Un incident s’est produit le 8 mai 2002. Le plaignant marchait sur la rue Sparks à Ottawa lorsqu’il a croisé son ex-amie. Le plaignant ne l’avait pas vue depuis le jour du procès. Selon le témoignage du plaignant, celui-ci aurait crié à son ex-amie: « Je suis innocent ». Son témoignage est corroboré par la plainte de harcèlement de l’ex-amie du plaignant(pièce P-2, page 42). Selon le témoignage écrit de M. Cloutier à l’enquêteur qui a mené l’enquête de harcèlement dans cette affaire, l’ex-amie du plaignantaurait répondu : « Estie de chien salle, estie de chien sale, ça t’a coûté chère [sic pour l’ensemble de la citation] » (pièce P-2, page 50). L’ex-amie du plaignanta déposé une plainte de harcèlement à l’endroit du plaignant à cause des remarques du plaignant. M. Beauchamp a écrit dans un courriel qu’il a adressé à M. Cashman et à Mme Koo le 9 mai 2002 les commentaires suivants au sujet de la plainte de harcèlement de l’ex-amie du plaignant(pièce P-2, page 45) :

[Traduction]

[…]

La présente vous est communiquée à titre d'information. Pouvez-vous croire que c'est ce même gars qui s'est présenté à la « PRÉSIDENCE » de cette section locale-ci le 4 avril 2002. Quelle FARCE, et que Dieu nous vienne en aide!

[…]

292 M. Beauchamp n’était pas en droit, à mon avis, de dire à propos du  plaignant « Quelle FARCE » pour un commentaire aussi inoffensif que « je suis innocent ». M. Beauchamp a témoigné qu’il ne faisait pas allusion au plaignant. Sur ce point, je ne le crois pas. Ce courriel donne suite à un courriel de l’ex-amie du plaignantà M. Beauchamp dans lequel elle traite de l’incident qui s’est produit sur la rue Sparks.

293 Ce courriel de M. Beauchamp est aussi dérangeant en ce qu’il a été expédié à Mme Koo et M. Beauchamp savait qu’elle était la représentante du plaignant. Quelle confiance le plaignant pouvait-il avoir en son agent négociateur si sa représentante est restée silencieuse devant des commentaires comme ceux-là?

294 Je ne sais pas ce qui a motivé la conduite de M. Beauchamp. M. Beauchamp ne connaissait même pas le plaignant. Dans son témoignage, M. Beauchamp a tenté de justifier son implication dans cette affaire en disant qu’il voulait s’assurer que l’employeur respecte l’ordonnance restrictive rendue par les tribunaux. Cette explication n’est pas crédible puisque cette ordonnance restrictive ne visait pas la Colline du Parlement où l’ex-amie du plaignant devait être mutée. L’employeur ne pouvait modifier une ordonnance du tribunal.

295 L’autre raison invoquée par M. Beauchamp est qu’il voulait une assurance écrite de l’employeur que le plaignant travaillerait pendant le quart de nuit. Or M. Parent avait informé l’ex-amie du plaignant dès le 31 octobre 2001 que le plaignant avait offert de travailler de nuit et que sa patronne, Mme Peladeau, avait accepté son offre (pièce P-2, page 10). M. Beauchamp a témoigné qu’il voulait une confirmation écrite de l’employeur, c’est-à-dire Mme Peladeau, et non M. Parent. Cet argument ne tient pas non plus. M. Parent travaille dans la section des ressources humaines. La section des ressources humaines d’un organisme gouvernemental représente l’employeur pour ce qui est des questions liées aux conditions de travail des employés. Donc, il n’y avait pas de problème et toutes les interventions de M. Beauchamp étaient inutiles, en plus d’être dommageables pour le plaignant.

296 M. Beauchamp a témoigné qu’il avait été ému par l’apparence physique de l’ex-amie du plaignant qui faisait pitié à voir. Mais si l’ex-amie du plaignant avait cette apparence, M. Beauchamp ne pouvait l’attribuer au plaignant puisque le plaignant ne voyait plus son ex-amie à cette époque. De plus, le fait que M. Beauchamp ait été ému par l’apparence physique de l’ex-amie du plaignant n’enlève rien à son devoir envers les membres de l’unité de négociation. M. Beauchamp avait l’obligation de ne pas agir de mauvaise foi envers le plaignant.

297 Donc, en résumé, pour ce qui est de la période de 2001 à 2003, la preuve indique que M. Beauchamp a fait preuve de mauvaise foi envers le plaignant en prenant parti en faveur de l’ex-amie du plaignant et en se servant de son poste de président de l’unité de négociation pour tenter de nuire à la réputation et aux intérêts du plaignant, entre autres auprès de l’employeur du plaignant. Il s’ensuit que j’aurais décidé que la défenderesse a enfreint son devoir de représentation équitable dans cette affaire, si ce n’était de la question du délai que je vais aborder plus bas.

298 La défenderesse soutient que la conduite de M. Beauchamp relève des affaires internes du syndicat. Je ne partage pas cet avis. Commele signale George Adams dans Canadian Labour Law, 2e éd., paragraphe 13.210, le devoir de représentation équitable vise les actions de l’agent négociateur concernant les rapports qu’un employé de l’unité de négociation peut avoir avec l’employeur. Dans ce cas-ci, la situation avait trait au rapport du plaignant avec l’employeur puisqu’elle portait sur la question à savoir si le plaignant devait travailler pendant le quart de nuit ou non.

299 Il n’y a pas de preuve cependant que M. Beauchamp ou quelque autre représentant de la défenderesse ait joué un rôle dans les rumeurs désobligeantes que les collègues du plaignant colportaient à son égard. Il est vrai que le plaignant a témoigné qu’un collègue de travail lui avait appris que R.L., un délégué syndical, avait eu une rencontre avec des employés et leur avait dit que le plaignant était un agresseur. Je n’accorde aucun poids au témoignage du plaignant sur ce sujet puisqu’il s’agit de ouï-dire. C’est un collègue non identifié qui a raconté cela au plaignant et ni ce collègue, ni R.L. n’étaient présents à l’audience pour témoigner. De plus, on ne peut attribuer à l’agent négociateur toutes les paroles et gestes de ses délégués syndicaux. Il n’y a pas de preuve que R.L. agissait au nom de l’agent négociateur lorsqu’il a fait cette déclaration, s’il a fait cette déclaration.

300 Il n’y a pas de preuve non plus que M. Beauchamp ou quelque autre représentant de la défenderesse ait joué un rôle dans l’incident dans lequel D.N. a poussé le plaignant. Pour ce qui est de l’insulte que T.L. a proféré à l’endroit du plaignant, la preuve ne démontre pas que T.L. occupait un poste au sein du syndicat lors de cet incident.

301 Je veux également préciser que la preuve révèle que seul M. Beauchamp a posé des gestes qui ont pu nuire à la réputation du plaignant. Les membres de l’Élément national n’y ont joué aucun rôle. M. Cashman a tenté de rectifier la conduite de M. Beauchamp. M. Cashman, Mme Brooker et Mme Koo ont écouté les doléances du plaignant. Mme Koo auraient dû cependant avertir le plaignant qu’elle avait reçu de M. Beauchamp des commentaires désobligeants à l’égard du plaignant.

302 Je ne crois pas qu’il soit nécessaire que je détermine si M. Beauchamp a harcelé le plaignant. Dans un contexte de devoir de représentation équitable, la question est de savoir si la défenderesse a agi de façon discriminatoire, arbitraire ou de mauvaise foi envers le plaignant. J’ai déjà décidé que, selon moi, M. Beauchamp avait fait preuve de mauvaise foi envers le plaignant.

303 Je ne peux cependant accueillir cette plainte parce que le plaignant a attendu trop longtemps pour présenter sa plainte. Puisque la LRTP ne traite pas du devoir de représentation équitable, elle ne comporte aucune disposition en ce qui à trait aux délais pour présenter une plainte de manquement à ce devoir. Comme l’a souligné la CRTFP dans McConnell, lorsqu’il n’y a aucun délai dans la loi il faut se fonder sur les principes du droit administratif et sur la jurisprudence, y compris celle de la CRTFP (paragraphe 14).

304 Dans Walcott, la CRTFP a jugé qu’une plainte de manquement au devoir de représentation équitable doit être déposée dans un délai raisonnable après que les faits sur lesquels l’employé fonde sa plainte se soient produits, à moins que l’employé puisse prouver que des circonstances exceptionnelles ou hors de son contrôle l’en ont empêché :

28        […] les plaintes devraient être présentées dans un délai raisonnable suivant les événements qui y donnent lieu. Quand ce n’est pas le cas, il incombe aux plaignants de prouver que des circonstances exceptionnelles ou indépendantes de leur volonté les ont empêchés d’agir plus rapidement. Ils doivent démontrer que le délai de dépôt de leurs plaintes n’est pas déraisonnable.

305 Cette exigence d’agir dans un délai raisonnable vise à offrir un moyen de régler rapidement et efficacement les conflits en matière de relations de travail, comme le souligne George Adams dans Canadian Labour Law, (cité dans Horstead c. AFPC et al., ... (19950711) (dossier de la CRTFP 161–2–739 (1995) (QL)) :

[…] Le tribunal des relations du travail vise à offrir un moyen de régler rapidement, efficacement et à peu de frais les différends en matière de relations du travail. Pour réaliser cet objectif, le tribunal doit, dans l’administration de sa procédure, éviter le plus possible les retards […] D’autre part, il faut établir un équilibre entre le besoin de procédures expéditives et la nécessité de faire en sorte que les prétentions valables soient entendues et que les exigences de la justice naturelle soient satisfaites.

306 Dans McConnell, la CRTFP a refusé d’accueillir une plainte de manquement au devoir de représentation équitable parce que l’employé avait attendu près de trois ans avant de déposer sa plainte. Dans Rhéaume, la CRTFP a jugé qu’un délai de trois ans et neuf mois pour le dépôt d’une plainte de manquement au devoir de représentation équitable était déraisonnable.

307 Le plaignant a pris connaissance de tous les faits et des documents sur lesquels il fonde sa plainte en avril 2003 lorsqu’il est devenu vice-président de son unité de négociation. C’est à ce moment-là, par exemple, qu’il a découvert la lettre du 5 décembre 2001 de M. Beauchamp à M. Parent (pièce P-2, page 26) et le courriel du 12 novembre 2001 de M. Cashman à  M. Beauchamp et à Mme Riopelle (pièce P-2, page 20). Le plaignant a déposé sa plainte auprès de la CRTFP le 7 février 2007, près de quatre ans plus tard. À mon avis ce délai n’est pas raisonnable et le plaignant ne peut fonder sa plainte sur les événements qui se sont déroulés entre 2001 et 2003. Le plaignant aurait dû agir plus tôt.

308 Le plaignant n’a pas établi que des circonstances exceptionnelles ou indépendantes de sa volonté l’ont empêché d’agir plus rapidement. Sa seule explication est que c’était la faute de la défenderesse qui l’avait rendu malade. Quoique le témoignage du Dr. LaRue démontre que le plaignant était souffrant depuis au moins novembre 2003, cette preuve n’établi pas que l’état de santé du plaignant l’empêchait de déposer une plainte.

309 Il n’est pas évident que le fait que le plaignant ait attendu quatre ans pour déposer sa plainte ait nuit à la défense de la défenderesse parce que la plupart de la preuve dans cette plainte-ciest documentaire. Je crois cependant, que lorsquele délaise mesure en années, il devient tellement déraisonnable que d’admettre la présentation d’une plainte après un si long délai minerait la résolution rapide et efficace de conflits en matière de relations de travail. À titre de comparaison, le délai pour déposer une plainte de manquement au devoir de représentation équitable dans la LRTFP est de 90 jours (paragraphe 190 (2)).

310 Il est regrettable pour le plaignant que cette plainte soit hors délai pour ce qui est des événements qui se sont déroulés entre 2001 et 2003 puisque le résultat est que le plaignant ne recevra pas pleine réparation dans ce dossier. La frustration du plaignant est compréhensible : le rôle de l’agent négociateur était de veiller aux  intérêts du plaignant et M. Beauchamp se servait de son poste au sein de la hiérarchie syndicale pour lui nuire. Le plaignant n’a même pas reçu d’excuses de M. Beachamp ou les représentants de l’Élément national. L’excuse de M. Cashman n’en est pas une (pièce P-2, page 67). Il s’excuse de ne pas avoir respecté les délais, non pas du comportement de M. Beuchamp. Il n’est d’ailleurs pas clair à quel délai M. Cashman réfère.Mme Brooker a témoigné qu’elle n’avait offert au plaignant que 1 500 $, une somme pour le moins minime, parce qu’il n’était pas clair que M. Beauchamp agissait au nom de la défenderesse lorsqu’il a approché l’employeur au sujet de la question des heures de travail du plaignant. Comme je l’ai expliqué ci-haut, il était clair, à mon avis, que M. Beauchamp se servait de son poste de vice-président de l’unité de négociation pour tenter de nuire au plaignant.

311 Je voudrais préciser que la représentante de la défenderesse n’a pas invoqué dans sa plaidoirie la quittance que le plaignant a signée le 9 décembre 2002 (pièce P-2, page 65). Je n’ai donc pas à me prononcer sur ce sujet. Je voudrais cependant noter que le plaignant a signé cette quittance lorsqu’il était en congé de maladie pour stress et qu’il n’est pas évident que le plaignant voulait la signer. Il a d’ailleurs d’abord refusé de signer, a tenté de quitter le restaurant et a finalement cédé à l’offre de Mme Brooker lorsque deux représentants de la défenderesse sont allés le rejoindre à l’extérieur du restaurant pour le convaincre de signer.

312 Le plaignant fonde également sa plainte sur le fait que le syndicat a refusé de le représenter lors de son licenciement. À mon avis, il y a eu un manque de jugement de part et d’autre pour ce qui est de ce licenciement.

313 Je veux d’abord préciser que même si la LRTP n’exige pas que l’employé ait l’aval de son organisation syndicale pour présenter un grief de licenciement, le devoir de représentation équitable s’applique à la présentation de ce genre de grief. La CRTFP a précisé dans Charron, une affaire décidée en vertu de la LRTP,que le devoir de représentation équitable couvrait la dotation d’un poste, même si ce type de grief n’exigeait pas l’approbation de l’agent négociateur :

[Traduction]

[…]

En l'occurrence, l'Association n'avait pas le droit exclusif de parrainer le grief, vu que l'objet de ce grief ne concernait pas l'interprétation ni l'application de la convention collective, et le plaignant aurait pu le présenter à l'employeur sans au préalable obtenir l'approbation de l'Association ni se faire représenter par elle. Néanmoins, l’Association était tenue d’accorder une représentation équitable au fonctionnaire s’estimant lésé dans l’acheminement de son grief. Elle ne pouvait arbitrairement ni capricieusement refuser de le faire. […]

[…]

314 Le plaignant a été licencié le 6 novembre 2006 (pièce P-2, page 94). Le 23 novembre 2006, le plaignant a expédié un courriel à Mme Brooker lui annonçant son licenciement (pièce P-18). Dans ce courriel, le plaignant se plaint des événements qui se sont déroulés entre 2001 et 2003 mais ne demande pas à Mme Brooker de déposer un grief à l’égard de son licenciement. Puisque le plaignant lui annonçait qu’il avait été licencié, il aurait été plus prudent, à mon avis, que Mme Brooker s’informe auprès du plaignant pour savoir s’il voulait contester son licenciement. Mme Brooker s’est informée auprès de Mme Lemire, qui à son tour a contacté M. Lavigne, mais personne n’a contacté le plaignant. Mme Brooker a témoigné qu’elle croyait que le plaignant voulait de l’argent pour les événements qui s’étaient déroulés entre 2001 et 2003. Je comprends que Mme Brooker ait pu croire cela puisque le plaignant se plaint longuement dans cette lettre de la façon dont la défenderesse l’avait traité dans le passé, et le plaignant est revenu plusieurs fois sur cette question au cours des ans. À mon avis, cependant, Mme Brooker a quand même manqué de jugement en omettant de demander au plaignant s’il voulait de l’aide. Il en est de même de Mme Lemire et de M. Lavigne. Ils auraient dû contacter le plaignant pour obtenir plus d’information sur sa situation, vu le sérieux d’un licenciement. Mais un manque de jugement n’équivaut pas à un manquement au devoir de représentation équitable. Mitchnick et Etherington, dans Labour Arbitration in Canada, Lancaster House 2006, affirment que même une simple négligence de la part de l’organisation syndicale ne constitue pas un manquement au devoir de représentation équitable (page 150) :

[Traduction]

[…]

Comme l'a indiqué la Cour d'appel de Terre-Neuve dans l'affaire Butt v. U.S.W.A. […] La Cour a également conclu que la « simple » négligence ne suffit pas pour mettre en cause le devoir de représentation équitable reconnu par la common law; seule une négligence « grave » ou « majeure » peut constituer un manquement au devoir du syndicat. […]

[…]

315 Le plaignant a aussi été négligeant en omettant de dire clairement qu’il voulait déposer un grief. Tel qu’il est expliqué plus haut, le plaignant consacre le plus clair de sa lettre à se plaindre des évènements survenues dans le passé. Cela n’a fait qu’ajouter de la confusion quant au but de la lettre.

316 Dans les courriels du plaignant à Mme Brooker du 1er décembre 2006 (pièce P-20), du 7 décembre 2006 (pièce P-21), du 18 décembre 2006 (pièce P-19), du 21 décembre 2006 (pièce P-26) et du 1er janvier 2007 (pièce P-25), le plaignant se plaint de nouveau à Mme Brooker de la façon dont la défenderesse l’a traité dans le passé, mais ne demande pas clairement qu’elle intervienne pour ce qui est de son licenciement. Par contre, dans son courriel du 22 janvier 2007 (pièce P-22), le plaignant a clairement demandé à Mme Brooker de déposer un grief à l’égard de son congédiement. Il a écrit :

[…]

[…] On m'a vivement conseillé de communiquer avec vous et de vous demander qu'un grief officiel soit déposé contre la direction pour cause de licenciement injustifié. Je dispose d'un délai de 90 jours pour présenter le grief, et ce délai est presque écoulé, alors veuillez me répondre le plus rapidement possible, s'il vous plaît. […]

[…]

317 Ce courriel du 22 janvier 2007 a été expédié après le délai de 20 jours prévu à la stipulation 32.07 de la convention collective pour déposer un grief (pièce D-1), mais le syndicat aurait pu à ce moment-là demander une prolongation du délai pour déposer un grief. Le plaignant demandait également à Mme Brooker de déposer un grief à l’égard de son congédiement dans le courriel qu’il lui a expédié le 3 février 2007 (pièce P-23).

318 Mme Brooker a témoigné qu’elle n’avait pas répondu aux courriels que le plaignant lui avait expédiés après le 23 novembre 2006 parce qu’elle ne les avait jamais reçus. Mme Phillips a expliqué que Mme Brooker n’aurait pas reçu ces courriels parce que le plaignant a utilisé dans ces courriels les mots anglais « fuck-off » (courriel du 1er décembre 2006, pièce P-20), « bullshit » (courriel du 7 décembre 2006, pièce P-21), « shit » (courriel du 18 décembre 2006, pièce P-19), et « fucked up » (courriel du 1er janvier 2007, pièce P-25). Mme Phillips a témoigné que le filtre informatique aurait traité ces termes comme de la pornographie et aurait acheminé ces courriels dans le répertoire des pourriels. Le filtre informatique aurait également éliminé les courriels que le plaignant aurait expédiés après le 1er janvier 2007, même s’ils ne contenaient pas de mots pornographiques, parce qu’à partir de cette date le filtre reconnaissait l’adresse courriel du plaignant et traitait tous ses courriels comme des pourriels sans égard à leur contenu.

319 Je dois d’abord préciser que les mots employés par le plaignant ne constituent pas de la pornographie. Ce sont des mots impolis, au pire des jurons bien inoffensifs. Dans un des courriels, ce n’est même pas le plaignant qui dit les mots anglais « fuck-off »; il cite quelqu’un d’autre. À mon avis l’Élément national a fait preuve d’un manque de jugement fâcheux en mettant sur pied un filtre qui a éliminé les courriels du plaignant à cause de l’utilisation de mots aussi inoffensifs. Le devoir de représentation équitable implique que les membres d’une organisation syndicale puissent communiquer avec leur agent négociateur. La défenderesse aurait dû au moins avertir les expéditeurs de courriels de l’existence d’un filtre aussi problématique. Une personne raisonnable ne soupçonnerait pas l’existence d’un tel filtre. Ironiquement, ce même filtre éliminerait la présente décision si je l’acheminais à l’Élément national puisque je cite les mots que le filtre traite comme du matériel pornographique. J’espère que l’agent négociateur aura la sagesse de rectifier ce problème pour éviter que d’autres courriels importants ne se perdent de cette façon.

320 La question qui se pose est de savoir si un fâcheux manque de jugement constitue un manquement au devoir de représentation équitable. Ce filtre traitait tous les membres de la même façon. La défenderesse n’a donc pas agi de façon discriminatoire envers le plaignant. Il n’y a pas de preuve de mauvaise foi non plus. L’installation et l’utilisation de ce filtre n’indiquent pas non plus que la défenderesse ait agi de façon arbitraire. Une décision est arbitraire, selon moi, lorsqu’elle est capricieuse ou ne tient pas compte de la réalité (voir Le Petit Robert). Quoique l’installation et l’utilisation de ce filtre sans en avertir les utilisateurs du réseau constituent à mon avis un fâcheux manque de jugement, ils ne démontrent pas une conduite arbitraire de la part de la défenderesse. J’en conclus donc que la défenderesse n’a pas enfreint son devoir de représentation équitable en installant et en utilisant ce filtre informatique.

321 Il est vrai que ce filtre informatique ne s’appliquait qu’au réseau de l’Élément national et que le plaignant aurait dû, selon la procédure établie, s’adresser d’abord à un représentant de l’unité de négociation. Ses courriels n’auraient alors pas été interceptés par ce filtre. Mais je ne peux, dans ce cas-ci, reprocher au plaignant de s’être d’abord adressé à un représentant de l’Élément national. Le plaignant l’a fait à cause de son conflit dans le passé avec M. Beauchamp, et le fait qu’en raison de ce conflit il avait fait affaire directement avec des représentants de l’Élément national, c’est-à-dire Mme Koo, M. Cashman et Mme Brooker. Mais cela ne change rien au fait que le manque de jugement de la défenderesse pour ce qui est du filtre informatique ne constitue pas un manquement au devoir de représentation équitable.

322 Il aurait également été plus prudent que le plaignant présente un grief lui-même. Le plaignant devait savoir que la présentation d’un grief de licenciement ne nécessite pas l’approbation de la défenderesse. Le plaignant avait été délégué syndical et vice-président de son unité de négociation. Il avait suivi un cours sur la présentation de griefs. Le plaignant avait donc les connaissances et les capacités nécessaires pour présenter son grief. Mais cela n’influe pas directement sur le devoir de représentation équitable de la défenderesse puisqu’une organisation syndicale doit représenter ses membres, qu’ils aient ou non les capacités de se représenter eux-mêmes.

323 Le plaignant n’a pas fourni d’explication valable pour indiquer pourquoi il n’avait pas déposé lui-même un grief à l’égard de son licenciement. Le plaignant s’est contenté de dire qu’il en était ainsi parce que la défenderesse avait causé sa maladie. Il n’y a pas de preuve que la maladie du plaignant soit la raison pour laquelle il n’a pas contesté son licenciement.

324 Le plaignant aurait dû également s’occuper de son statut d’employé bien avant son licenciement. Le plaignant savait depuis le 9 décembre 2004 que son congé de maladie allait expirer en novembre 2006 (pièce P-2, page 92). Il aurait dû demander à la défenderesse bien avant son licenciement de prolonger son congé de maladie, comme l’a expliqué Mme Lemire dans son témoignage.

325 Je rejette l’allégation du plaignant que la défenderesse ait tenté de le faire congédier. Il n’y a aucune preuve que l’agent négociateur soit responsable de son licenciement.

326 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

327 La plainte est rejetée.

Le 29 janvier 2009.

John A. Mooney
Commissaire

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