Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’<< IPFPC>>) a déposé une plainte de pratiques déloyales de travail, alléguant que le Conseil du Trésor (l’<< employeur >>) avait négocié de mauvaise foi lors de la négociation d’une nouvelle convention collective pour le groupe Systèmes d’ordinateurs - l’employeur a fait valoir que la plainte était théorique compte tenu du fait que la convention collective avait été ratifiée depuis - la Commission a jugé que, dans l’intérêt de bonnes relations de travail, elle devrait tout de même se prononcer sur la plainte - la Commission a conclu que ni l’offre finale de l’employeur, présentée dans la perspective du dépôt imminent d’une loi, ni la manière dont l’employeur a traité avec l’IPFPC ne constituait une négociation de mauvaise foi - l’offre finale n’était pas déraisonnable, et l’employeur n’avait pas adopté une position rigide et intransigeante. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-08-21
  • Dossier:  561-02-360
  • Référence:  2009 CRTFP 102

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

plaignant

et

CONSEIL DU TRÉSOR

défendeur

Répertorié
Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, vice-président

Pour le plaignant:
Isabelle Roy, avocate

Pour le défendeur:
Stephan Bertrand, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 26 et 27 mai 2009.
(Traduction de la CRTFP.)

I. Plainte devant la Commission

1 L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« IPFPC » ou l’« agent négociateur ») a déposé une plainte de pratique déloyale de travail alléguant que le Conseil du Trésor (l’« employeur ») avait négocié de mauvaise foi, ce qui allait à l’encontre de l’alinéa 190(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Cette plainte concerne la négociation d’une convention collective pour le groupe Systèmes d’ordinateurs (CS).

2 La plainte a été déposée le 25 novembre 2008, relativement à une offre finale de l’employeur et aux événements entourant cette offre. Les motifs de la plainte sont les suivants :

[…]

[Traduction]

  1. La présente plainte se rapporte à l’actuelle ronde de négociation collective entre le groupe CS et l’employeur, Sa Majesté du chef du Canada, que représente le Conseil du Trésor (l’« employeur » ou le « Conseil du Trésor »).
  2. Le 18 novembre 2008, l’honorable Vic Toews, président du Conseil du Trésor, a avisé l’Institut que l’employeur avait décidé de présenter aux syndicats une offre finale consistant en une hausse salariale totale de 6,8 % sur quatre ans à partir de 2007-2008, soit : 2,3 % pour la première année et 1,5 % pour chacune des années subséquentes.
  3. Avant de communiquer cette « offre » à l’agent négociateur, le président du Conseil du Trésor l’a rendue publique dans une déclaration aux médias.
  4. Cette annonce a été suivie de la déclaration que le gouvernement a faite dans son discours du Trône du 19 novembre 2008 et selon laquelle il entendait déposer un projet de loi visant à limiter les augmentations de salaire dans le secteur public.
  5. L’« offre » en question n’avait pas été soumise à chaque table de négociation avant l’annonce. Le vendredi 21 novembre 2008, le négociateur du Conseil du Trésor a pris contact avec le négociateur de l’Institut pour le groupe CS afin de connaître la réaction à l’« offre finale » du Conseil du Trésor. Il n’y avait aucun signe d’ouverture à toute autre négociation quant aux demandes d’ordre pécuniaire.
  6. L’« offre » contestée arrive avant toute négociation sérieuse entre les parties au sujet de propositions salariales. Au moment du dépôt de la présente plainte, l’« offre » décrite dans la lettre du ministre Toews n’avait pas encore été l’objet de négociations.
  7. L’employeur a présenté cette « offre » sans avoir l’intention d’entamer une négociation sérieuse, bien qu’il sache pertinemment que l’offre présentée est inacceptable pour l’agent négociateur.
  8. L’« offre » de l’employeur constitue de la négociation de mauvaise foi et ne correspond pas à l’obligation de l’employeur de « faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective ».
  9. L’employeur cherche à semer la peur et la panique chez les membres de l’Institut pour les presser d’accepter des conditions d’emploi alors que l’employeur sait qu’elles sont déraisonnables. L’employeur a en fait refroidi le processus global de négociation.
  10. Les actions de l’employeur, qui se veulent une manière de présenter une offre finale aux employés de l’administration publique centrale, constituent de la négociation de mauvaise foi et sont contraires à l’obligation de l’employeur de faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective, ce qui contrevient à l’art. 106 et donc à l’al. 190(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

[…]

3 Dans sa plainte, l’IPFPC demandait les mesures correctives suivantes :

[Traduction]

  1. Une décision déclaratoire selon laquelle l’employeur s’est livré à une pratique déloyale de travail […] en négociant de mauvaise foi.
  2. Une ordonnance exigeant que l’employeur entame une négociation sérieuse sur toutes les conditions nécessaires à la conclusion d’une convention collective, y compris les hausses salariales.
  3. Une ordonnance qui exige de l’employeur qu’il annule publiquement son offre présentée dans la lettre du 18 novembre 2008.
  4. Toute autre ordonnance pouvant être considérée comme appropriée par la Commission.

4 Le 8 avril 2009, les parties ont conclu une convention collective provisoire, que l’IPFPC a ratifiée le 19 mai 2009. À l’audience, l’IPFPC a dit qu’il demandait uniquement une ordonnance déclaratoire.

5 Les parties ont produit un exposé conjoint des faits et un recueil conjoint de documents (pièce J-1). Il y a eu deux témoins pour l’IPFPC et un seul pour l’employeur.

A. Objection préliminaire sur la question du caractère théorique

6 Au début de l’audience, l’employeur a soulevé une objection préliminaire. Il soutenait que la plainte était maintenant théorique, puisque les parties avaient ratifié une convention collective. J’ai entendu les observations des deux parties et j’ai rejeté l’objection à l’audience. Je résume ci-après les observations des parties et les motifs de la décision que j’ai rendue à l’audience.

7 L’employeur m’a renvoyé aux dispositions suivantes de la LRTFP :

[…]

106. Une fois l’avis de négociation collective donné, l’agent négociateur et l’employeur doivent sans retard et, en tout état de cause, dans les vingt jours qui suivent ou dans le délai éventuellement convenu par les parties,

a) se rencontrer et entamer des négociations collectives de bonne foi ou charger leurs représentants autorisés de le faire en leur nom;

b) faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective.

[…]

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle

[…]

b) l’employeur ou l’agent négociateur a contrevenu à l’article 106 (obligation de négocier de bonne foi);

[…]

192. (1) Si elle décide que la plainte présentée au titre du paragraphe 190(1) est fondée, la Commission peut, par ordonnance, rendre à l’égard de la partie visée par la plainte toute ordonnance qu’elle estime indiquée dans les circonstances et, notamment :

[…]

8 L’avocat de l’employeur a argué que dans les présentes circonstances où une convention collective a été ratifiée, il n’est pas nécessaire que soit rendue une ordonnance de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), une ordonnance n’étant pas « indiquée dans les circonstances » (paragraphe 192(1) de la LRTFP). Une décision déclaratoire n’est pas nécessaire pour répondre aux exigences de l’article de la LRTFP portant sur l’obligation de négocier, car une entente a déjà été conclue. Il est inutile d’instruire l’affaire relative à la présente plainte, étant donné que l’agent négociateur a intenté une douzaine d’autres actions identiques, dont certaines exigeront vraisemblablement une orientation de la part de la Commission.

9 L’avocat de l’employeur m’a cité l’arrêt clé sur la question du caractère théorique : Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342. Dans cette décision, la Cour a établi l’analyse suivante, soit une analyse en deux temps :

  1. Y a-t-il un litige actuel entre les parties?
  2. S’il n’y a pas de litige actuel, est-ce que le tribunal devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’affaire?

10 L’avocat de l’employeur soutenait qu’il n’y avait pas de litige actuel et que je ne devrais pas exercer mon pouvoir discrétionnaire d’entendre l’affaire. Il y aura d’autres situations où les parties ne parviendront pas à conclure une entente, et la Commission pourra alors trancher la question dans un contexte d’antagonisme.

11 L’avocat de l’employeur a dit qu’une décision déclaratoire n’était pas dissociable de la plainte initiale. La décision déclaratoire demandée était liée aux autres mesures correctives figurant dans la plainte initiale. Une décision déclaratoire a pour objet de traiter d’une conduite qui empêche les parties d’atteindre les objectifs de la LRTFP. Ces objectifs ont été atteints. L’objet d’une plainte de pratique déloyale de travail n’est pas de tenir une partie pour responsable après que les objectifs de la loi ont été réalisés et que la convention collective a été signée. La raison d’être de la plainte a disparu. Les dispositions de la LRTFP sur les pratiques déloyales de travail n’ont pas pour objet d’embarrasser ou de punir une partie.

12 L’avocate de l’IPFPC maintenait que ce n’était pas possible d’arriver à une conclusion sur la question du caractère théorique sans examiner le bien-fondé de la plainte. Elle maintenait également que je devrais mettre l’accent sur la particularité du contexte des relations de travail. Elle m’a renvoyé à la décision Brant Haldimand-Norfolk Catholic School Board (2001), 70 C.L.R.B.R. (2d) 266 (CRTO). Dans cette décision, la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) a affirmé que la démarche préconisée dans l’arrêt Borowski n’offrait guère d’orientation dans le contexte des relations de travail. La CRTO a statué qu’un pouvoir discrétionnaire doit être exercé à la lumière de l’objet de la loi sur les relations de travail elle-même. En conclusion, la CRTO a dit au paragraphe 42 qu’un résultat purement déclaratoire peut être approprié : [traduction] « Une telle décision déclaratoire peut clarifier la relation des parties et permettre d’éviter la réapparition des différends au travail. »

13 L’avocate de l’agent négociateur m’a en outre cité l’affaire Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2008 CRTFP 78. Dans cette affaire, une demande d’arbitrage avait été faite après le dépôt d’une plainte en matière de mauvaise foi. Le commissaire a conclu que le rôle de la commission consistait à examiner la situation existant au moment de la plainte. Si la plainte devant la Commission avait été entendue la semaine dernière, l’employeur n’aurait pas pu soulever son objection.

14 L’avocate de l’IPFPC soutenait que la Loi sur le contrôle des dépenses, L.C. 2009, ch. 2, art. 393, avait supprimé de la LRTFP un certain nombre de droits de négociation collective. Le pouvoir d’instruire les plaintes en matière de mauvaise foi n’a toutefois pas été supprimé de la LRTFP. Les parties ont une relation de longue date qui continuera. Une orientation peut être offerte aux parties. Ce n’est pas la première fois que de tels événements se produisent et ce ne sera probablement pas la dernière. L’IPFPC ne devrait pas être empêché de chercher à obtenir une décision déclaratoire simplement parce que le gouvernement [traduction] « […] menace le syndicat de son arme législative. »

15 L’avocat de l’employeur a répliqué que, dans l’affaire Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence canadienne d’inspection des aliments, une convention n’était pas en place. C’était là une distinction cruciale. Il y a des options en vertu de la Loi sur le contrôle des dépenses. Les agents négociateurs peuvent encore exercer un droit de grève. Les négociateurs n’adoptent pas des mesures législatives. La présentation et l’adoption de projets de loi incombent au Parlement. La Commission n’a pas pour mandat d’intervenir quant au droit du Parlement de présenter des mesures législatives.

16 À l’audience, j’ai rejeté l’objection et j’ai exposé les motifs suivants de ma décision.

17 La présente plainte a trait aux événements de novembre 2008. Le rôle de la Commission n’est pas de rendre des décisions sur le processus législatif. Je n’ai pas compris les observations de l’IPFPC comme signifiant que je devrais statuer sur la présentation d’une mesure législative.

18 Je reconnais qu’une approche plus nuancée de la doctrine relative au caractère théorique est requise dans les cas de relations de travail, où il y a habituellement une relation suivie. Il n’existe pas de litige « actuel » en matière de négociation entre les parties à la convention collective du groupe CS. Cependant, j’ai conclu qu’il convenait que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire dans les présentes circonstances pour les raisons suivantes.

19 Il reste bel et bien un contexte d’antagonisme, car il y a d’autres plaintes presque identiques qui concernent les mêmes parties (mais des unités de négociation différentes).

20 Une décision sur la présente plainte aura un effet concret sur les droits des parties, car elle peut offrir une orientation pour les autres plaintes non encore mises au rôle.

21 Instruire l’affaire est une utilisation prudente des ressources, puisque les parties formuleraient probablement des observations identiques au cours d’une audience ultérieure et que la Commission et les parties étaient prêtes pour l’instruction de l’affaire.

22 Les événements en cause ont été d’une brève durée. Souvent, il sera difficile d’arriver à fixer une date d’audience qui se situe dans la période entre les actions de mauvaise foi alléguées et la signature d’une convention. Les événements comme ceux qui sont en cause dans la présente plainte sont toujours susceptibles de se produire rapidement, et il n’y aurait guère de chances — voire aucune — que la plainte soit entendue sans l’exercice du pouvoir discrétionnaire.

23 Rendre une décision déclaratoire ou décider de ne pas le faire peut clarifier la relation des parties et aider ces dernières dans leurs interactions futures.

24 La négociation collective est un processus dynamique, et des règlements interviennent pour toutes sortes de raisons. Généralement, de tels règlements doivent être encouragés, car ils assurent bel et bien une certaine stabilité dans les relations de travail. Un refus général de la Commission d’instruire les affaires de conflit dans une négociation collective à cause d’un règlement intervenu pourrait avoir pour conséquence involontaire qu’une partie refuserait de conclure une convention jusqu’à ce que la Commission arrive à une décision finale sur le différend. Ce n’est pas dans l’intérêt de bonnes relations de travail.

II. Résumé de la preuve

25 Les parties ont produit un exposé conjoint des faits, qui est libellé en ces termes :

[…]

[Traduction]

  1. Le 27 août 2007, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« Institut ») a signifié à l’employeur son avis de négocier.
  2. Le Conseil du Trésor (l’« employeur ») et l’Institut ont échangé des propositions le 13 septembre 2007 ou vers cette date.
  3. Les parties ont conclu six rondes de négociation, soit :

    a)   les 23 et 24 octobre 2007;
    b)   les 20, 21 et 22 novembre 2007;
    c)   les 22, 23 et 24 janvier 2008;
    d)  les 19, 20 et 21 février 2008;
    e)  les 8, 9 et 10 avril 2008;
    f)  le 2 juin 2008.

  4. L’Institut a déposé ses demandes salariales lors de la ronde de négociation de février, notamment le 21 février 2008.
  5. L’employeur a répondu aux demandes salariales de l’Institut au cours de la ronde de négociation de juin, notamment le 2 juin 2008.
  6. Le 29 juillet 2008, l’Institut a demandé l’établissement d’une commission de l’intérêt public (CIP).
  7. L’employeur a suggéré que les parties utilisent d’abord la médiation, et la CRTFP a donné pour instructions aux parties d’essayer la médiation et elle a mis en suspens la demande concernant la CIP. Cette médiation, prévue pour la fin de novembre, n’a jamais eu lieu.
  8. Le 18 novembre 2008, Carl Trottier (SCT) a appelé Walter Belyea, chef de section, Négociations et relations d’emploi nationales à l’Institut pour l’aviser que l’employeur présenterait une offre finale plus tard dans la journée.
  9. Le 18 novembre 2009 (sic), une offre finale de l’employeur a été livrée à l’Institut, vers 15 h.
  10. Ce jour-là, le Conseil du Trésor a publié un communiqué annonçant que des offres finales avaient été déposées auprès des agents négociateurs pour l’administration publique centrale.
  11. Le 19 novembre 2008, le Discours du Trône a été prononcé. Il y était dit que le gouvernement entendait déposer un projet de loi pour « assurer une croissance durable » de la « rémunération dans la fonction publique fédérale ».
  12. Le 23 novembre 2008, Walter Belyea s’est rendu aux bureaux du Conseil du Trésor pour rencontrer Carl Trottier. Au cours de cette réunion, M. Trottier a discuté de questions en suspens concernant tous les groupes de l’IPFPC et il a également discuté de l’entrée en vigueur potentielle de la Loi sur le contrôle des dépenses et de ses répercussions.
  13. Entre le 25 et le 27 novembre 2008, l’employeur et certaines unités de négociation de l’Institut employées par le Conseil du Trésor se sont rencontrés dans une tentative pour conclure des conventions collectives. Les représentants du Conseil du Trésor présents étaient Kevin Marchand et Marc Thibodeau. Les représentants de l’Institut étaient Walter Belyea et Michel Gingras.
  14. Un représentant du groupe CS a assisté à la discussion le premier jour mais a fait savoir qu’il était là comme observateur seulement. Le deuxième jour, il était partie à la négociation.
  15. L’Énoncé économique et financier du gouvernement a été présenté par le ministre fédéral des Finances à la Chambre des communes le 27 novembre 2008.
  16. Le ministre des Finances a présenté son exposé budgétaire le 27 janvier 2009. Peu après, la Loi d’exécution du budget (projet de loi C-10) a été déposée au Parlement.
  17. Le projet de loi a reçu la sanction royale le 12 mars 2009.
  18. Le groupe CS et l’employeur ont conclu une entente de principe le 8 avril 2009, ce qui incluait la réception des augmentations économiques maximales automatiques de 2,3 % (2007), de 1,5 % (2008) et de 1,5 % (2009).
  19. L’entente a été ratifiée par le groupe CS le 19 mai 2009. Les parties ont convenu de signer la convention collective le 17 juin 2009.

26 Walter Belyea est chef de section pour les Négociations et la représentation nationale à l’IPFPC et il supervise tous les négociateurs de l’IPFPC. Son homologue au Conseil du Trésor était Carl Trottier. M. Belyea a témoigné qu’ils avaient tous les deux convenu de se rencontrer tout au long du processus de négociation pour discuter de grandes questions, faire le point sur les négociations et attirer l’attention sur des problèmes particuliers pouvant se poser à la table de négociation.

27 Michel Gingras est négociateur à l’IPFPC depuis 1998. Il était le porte-parole du groupe CS à l’époque pertinente et est en outre le porte-parole d’autres groupes de l’IPFPC. Marc Thibodeau était le négociateur pour le Conseil du Trésor, et ses responsabilités incluaient le groupe CS.

28 La précédente convention collective entre les parties a expiré le 21 décembre 2007. L’agent négociateur a élaboré ses propositions pour la convention collective suivante en avril ou mai 2007. Les premières séances de négociation en 2007 (voir l’exposé conjoint des faits au paragraphe 25 de la présente décision) ont permis de résoudre une partie de ce que M. Gingras qualifiait de [traduction] « questions mineures ». Les parties sont passées [traduction] « aux choses sérieuses » en 2008. L’IPFPC a déposé sa demande salariale le 21 février 2008, et l’employeur a déposé sa réponse le 2 juin 2008. M. Thibodeau a décrit les séances de négociation antérieures au 2 juin 2008 comme étant professionnelles et non antagonistes et a dit qu’elles étaient axées sur les solutions. Il n’y a pas eu de séances de négociation subséquentes.

29 M. Gingras a témoigné que l’argent était certes une question importante mais non une question clé dans les négociations. Il a témoigné que cela avait été clairement communiqué à l’employeur. Les questions clés pour l’IPFPC comprenaient l’avancement de la carrière, la sécurité d’emploi et la sous-traitance. M. Thibodeau a témoigné que certains des principaux objectifs de l’employeur dans la ronde de négociation étaient un montant minimum différent pour l’indemnité de rappel, des limitations à l’égard des remboursements de frais de déplacement pendant des heures supplémentaires et le format électronique pour la convention collective comme forme de distribution par défaut.

30 M. Gingras a affirmé que la demande salariale initiale de l’IPFPC était une augmentation de 4,7 % par année pour deux ans. Cette demande était basée sur la hausse salariale pour des groupes semblables en Alberta. La contre-offre de l’employeur en date du 2 juin 2008 était de 1,2 % pour chaque année. M. Gingras a témoigné que l’employeur ne pouvait pas expliquer pourquoi il proposait cette augmentation. M. Thibodeau a témoigné qu’il avait fourni le cadre de la politique de l’employeur sur les augmentations de salaire (cette politique est semblable aux critères établis à l’intention des conseils d’arbitrage en vertu de la LRTFP). Pendant le contre-interrogatoire, M. Gingras a témoigné que, bien que le cadre de politique ait été fourni, aucune explication n’avait été donnée quant à l’offre. M. Gingras a témoigné que, pour l’IPFPC, l’une des difficultés ayant trait à la position salariale de l’employeur était qu’elle n’était pas réaliste par rapport au taux du marché. Il a témoigné que Statistique Canada rapportait des hausses salariales de 4 % ou plus pour les professionnels et que les augmentations générales de salaire au Canada étaient de l’ordre de 3 à 4 %. M. Thibodeau a témoigné que la proposition de l’employeur reflétait le plus bas taux de règlement figurant dans la liste des règlements intervenus au Canada.

31 La dernière séance de négociation a eu lieu le 2 juin 2008. L’IPFPC a demandé l’établissement d’une commission de l’intérêt public (CIP) le 29 juillet 2008. La Commission a donné pour instructions aux parties d’essayer la médiation. La médiation était prévue pour la fin de novembre. Durant le contre-interrogatoire, M. Gingras a témoigné qu’il n’y avait aucune raison de rencontrer l’employeur avant novembre, à moins que le négociateur du Conseil du Trésor [traduction] « [...] ait quelque chose de nouveau à dire. » M. Gingras a affirmé qu’il n’avait pas modifié sa position et qu’une réunion serait inutile, sauf si l’employeur était disposé à modifier sa propre position.

32 Le 15 novembre 2008, M. Thibodeau a envoyé à M. Gingras le courriel suivant (pièce J-1, section 3) pour demander à M. Gingras si lui et son équipe de négociation étaient intéressés à reprendre les discussions dans un effort pour parvenir à un règlement :

[…]

[Traduction]

Le but de mon courriel est de savoir si, étant donné les conditions économiques très mauvaises, vous et votre équipe seriez intéressés à reprendre les discussions en vue de parvenir à un règlement pour le groupe CS.

Je crois que nous avons toutes les raisons d’être préoccupés par le récent discours du ministre des Finances concernant l’état de l’économie et son incidence possible sur nos mandats. J’ai annexé au présent courriel un lien avec ce discours, au cas où vous ne l’auriez pas lu. […]

Se basant sur le discours du ministre, les autorités du ministère des Finances disent que vu la période économique difficile que nous traversons, elles veulent une limitation des coûts et une prévisibilité des dépenses pour la période allant de 2007-2008 à 2010-2011.

Un message semblable a en outre été publié vendredi dans les journaux Ottawa Citizen et The Globe and Mail.

Bien que nous ayons fixé des dates pour la tenue de séances de médiation plus tard au cours du mois, rien ne nous empêche d’avoir une discussion et d’évaluer la situation actuelle dans le meilleur intérêt du groupe CS.

Je prendrai contact avec vous lundi pour en parler davantage. Dans l’intervalle, vous pouvez toujours me joindre par courriel ou par téléphone. […]

33 M. Thibodeau a témoigné que l’économie se dégradait rapidement et qu’il essayait de résoudre les questions le plus tôt possible, à la lumière des faits récents. M. Gingras a dit de ce courriel que c’était, de la part de l’employeur, [traduction] « […] une tentative pour assurer ses arrières. » L’IPFPC a reçu des courriels semblables pour ses autres unités de négociation. M. Gingras a témoigné que sa réponse à un courriel semblable relatif à un autre groupe de l’IPFPC avait été qu’il était [traduction] « hors de question » que l’IPFPC participe à une telle opération et que ce n’était pas de libres négociations. Il a témoigné qu’il ne s’était pas donné la peine de répondre au courriel de M. Thibodeau se rapportant au groupe CS. Durant le contre-interrogatoire, M. Gingras a témoigné que le courriel ne lui disait pas que M. Thibodeau allait améliorer son offre.

34 M. Belyea a témoigné que le lundi matin suivant, soit le 18 novembre 2008, M. Trottier l’avait appelé pour [traduction] « l’aviser » que l’employeur présenterait une offre finale plus tard dans la journée (voir l’exposé conjoint des faits, au paragraphe 25, point 8). L’offre finale (pièce J-1, section 1) a été remise à M. Gingras, au bureau de l’IPFPC, par Kevin Marchand, un négociateur de l’employeur, vers 15 h. Le document faisant état de l’offre finale de l’employeur renfermait des propositions sur la durée de la convention, les taux de rémunération, le précompte des cotisations et la procédure de règlement des griefs. M. Thibodeau a témoigné que l’objectif de l’offre finale était de veiller à la prévisibilité des dépenses dans les conventions collectives. Il a affirmé que, vu la période économique difficile, l’employeur avait présenté un ensemble de propositions comprenant quelques éléments non controversés. M. Thibodeau a témoigné qu’il était essentiel de parvenir à une entente sans tarder et qu’à son avis l’offre finale le démontrait.

35 Ce jour-là, vers 16 h, le Secrétariat du Conseil du Trésor a publié un communiqué contenant une déclaration du président du Conseil du Trésor (pièce J-1, section 2). La déclaration portait sur l’approche gouvernementale des salaires des employés de la fonction publique « […] en temps de restrictions financières », à savoir :

[…]

Une gestion responsable de la rémunération dans le secteur public est d’autant plus critique lorsque nous faisons face à une situation économique incertaine et des circonstances financières difficiles.

Étant donné l’urgence d’avoir une masse salariale prévisible pour la fonction publique, nous présentons des offres finales aux agents négociateurs de l’administration publique centrale.

Nos offres représentent un juste milieu entre une gestion financière responsable et prévisible et une rémunération équitable. Nos offres sont équitables pour les employés et pour les contribuables.

Ces offres finales représentent une hausse salariale de 6,8 % sur quatre ans. Cette hausse est répartie comme suit : 2,3 % pour la première année, 1,5 % pour la deuxième année, 1,5 % pour la troisième année et 1,5 % pour la quatrième année de conventions de quatre ans débutant en 2007-2008.

Compte tenu de l’incertitude économique, mes représentants ont tenté de parvenir à une entente responsable avec les agents négociateurs quant à la rémunération dans le secteur public. Mes représentants demeurent disponibles dans le but de poursuivre ces discussions.

36 M. Gingras a témoigné que l’IPFPC n’avait pas eu l’occasion de communiquer le contenu de l’offre finale à ses membres avant la diffusion de la déclaration du président du Conseil du Trésor. L’IPFPC a participé à une conférence téléphonique avec les chefs de groupe, les négociateurs et les principaux « politiciens » syndicaux pour discuter des étapes suivantes. L’IPFPC pensait qu’il y avait assez de temps et visait la tenue d’une réunion entre son président et les hauts fonctionnaires du Conseil du Trésor vers le 8 décembre 2008. M. Belyea a témoigné que, lors des discussions avec les représentants officiels du Conseil du Trésor, le président s’était fait dire qu’il n’y avait pas de temps pour la discussion.

37 M. Belyea a témoigné que l’IPFPC avait été inondé de courriels de ses membres. Il a déclaré que les membres étaient [traduction] « pris de panique. » Ils affirmaient que l’IPFPC devait signer une entente ou risquait de n’obtenir aucune augmentation. M. Belyea a témoigné que l’offre finale avait refroidi les négociations.

38 M. Gingras a témoigné que l’offre finale indiquait à l’IPFPC que l’employeur n’allait pas bouger et qu’à cet égard [traduction] « un refus serait fatal », comme dans le cas des conquistadors qui disaient [traduction] : « Croyez en mon dieu ou je vous tue. » M. Gingras a témoigné que l’offre finale ne traitait pas des véritables problèmes soulevés à la table de négociation.

39 Le 23 novembre 2008, M. Belyea a rencontré M. Trottier pour discuter des questions en suspens et des conséquences de la mesure législative proposée qui s’intitulait Loi sur le contrôle des dépenses (voir l’exposé conjoint des faits, au point 12). M. Belyea a témoigné que M. Trottier lui avait dit que le gouvernement envisageait de légiférer mais que lui, M. Trottier, ne connaissait pas le contenu de la mesure législative proposée. M. Trottier avait déclaré à M. Belyea que les parties avaient jusqu’au 27 novembre 2008 pour parvenir à un accord. M. Belyea a témoigné que la seule manière dont l’IPFPC pouvait respecter ce délai était d’avoir une séance de négociation centrale. Une séance de négociation a été prévue pour les 25 et 26 novembre 2008, soit les dates qui avaient initialement été réservées pour les médiations.

40 L’IPFPC a appris qu’une entente avait été conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) le lundi 24 novembre 2008. Une partie de l’entente de principe rapportée incluait le versement d’une somme forfaitaire de 4 000 $ à environ 70 % des membres de l’unité de négociation en échange du retrait des plaintes en matière d’équité salariale qui avaient été déposées contre l’employeur par l’AFPC. M. Belyea a témoigné que l’AFPC et le Conseil du Trésor avaient [traduction] « intensément » négocié à la fin de la semaine précédente et pendant la fin de semaine. Le négociateur de l’AFPC ne le rappelait pas. M. Gingras a témoigné que le paiement forfaitaire représentait un « pot-de-vin » et que l’IPFPC [traduction] « […] n’allait pas être traité comme un citoyen de deuxième ordre. » Lors du contre-interrogatoire, M. Gingras a allégué que les hauts fonctionnaires du Conseil du Trésor ont admis subséquemment que le montant de la somme forfaitaire était [traduction] « […] un lapin sorti d’un chapeau », car ce montant ne se fondait pas sur des données. M. Belyea a témoigné que dans son communiqué initial, l’AFPC qualifiait le paiement de [traduction] « prime à la signature. » M. Thibodeau a témoigné qu’on avait expliqué à l’IPFPC que le paiement était la contrepartie du règlement des plaintes en matière d’équité salariale.

41 Les 25 et 26 novembre 2008, les parties se sont rencontrées à une table centrale pour traiter des conventions collectives d’un certain nombre d’unités de négociation de l’IPFPC (voir l’exposé conjoint des faits, au paragraphe 25, point 13). Deux représentants de chaque unité de négociation étaient à la table. M. Belyea était le porte-parole principal. M. Gingras et un autre négociateur étaient en outre présents.

42 Le premier jour, l’IPFPC a déposé une proposition en réponse à l’offre finale de l’employeur (pièce J-1, section 4). La proposition acceptait l’offre salariale de l’employeur. Elle incluait aussi des propositions de modifications de la Directive sur le réaménagement des effectifs, ainsi qu’une disposition sur l’entrepreneur dépendant, une disposition à l’égard des employés nommés pour une période déterminée, des modifications de la procédure applicable aux griefs, une disposition sur l’arbitrage accéléré, des modifications de la disposition sur la rémunération d’intérim, une modification de la disposition sur le congé de mariage, une disposition en matière de harcèlement et une proposition visant à intégrer des indemnités provisoires dans la rémunération de base. De plus, la proposition comportait des demandes propres à des groupes particuliers.

43 M. Gingras a témoigné que l’IPFPC était disposé à accepter l’offre salariale de l’employeur [traduction] « […] à cause de l’arme avec laquelle on nous menaçait. »

44 Le groupe CS n’était pas inclus dans la proposition parce qu’il avait décidé de ne pas participer. Au cours de son témoignage, M. Gingras a affirmé que la conclusion du groupe CS était qu’il n’y avait rien là-dedans pour lui. Le groupe CS était là comme observateur le premier jour des négociations.

45 Le 26 novembre 2008, l’IPFPC a déposé une version révisée de sa proposition qui incluait le groupe CS (pièce J-1, section 5). Cette proposition acceptait les propositions de l’employeur sur la durée de la convention collective et sur les hausses salariales. Concernant tous les groupes, il y avait une proposition [traduction] « d’indemnité professionnelle unique » de 2 500 $ pour l’ensemble des employés ne recevant pas une indemnité provisoire. M. Gingras a témoigné que le groupe CS a décidé de participer le deuxième jour pour être admissible à l’indemnité proposée. M. Belyea a témoigné que le groupe CS voulait inclure une proposition supplémentaire sur la sécurité d’emploi mais qu’il avait refusé parce qu’il estimait que ce serait négocier de mauvaise foi.

46 M. Gingras a témoigné que l’IPFPC n’avait pas attribué de valeur en dollars à ses propositions non pécuniaires. Pendant le réinterrogatoire, on a demandé à M. Gingras s’il y aurait eu des frais pour l’employeur relativement à la mise en œuvre de ces propositions. Il a répondu [traduction] : « peut-être que oui, peut-être que non. »

47 M. Gingras a témoigné que la contre-proposition a surpris les négociateurs du Conseil du Trésor. Ils l’ont considérée avec soin et se sont entretenus avec leurs mandants au Conseil du Trésor. Leur réponse a été qu’ils pouvaient seulement accepter la proposition de modification de la disposition sur le congé de mariage. M. Belyea a témoigné que M. Thibodeau lui avait dit qu’il ne pourrait pas traiter des autres questions soulevées par l’agent négociateur. M. Thibodeau a témoigné qu’il ne s’attendait pas à une proposition d’allocation et que [traduction] « […] ce n’était pas dans le domaine du possible. »

48 M. Gingras a témoigné que, à l’époque de l’offre finale et des négociations à la table centrale, on n’avait aucune connaissance directe de ce qu’il y aurait dans la mesure législative imminente, bien que des rumeurs [traduction] « se propageaient. » Il a témoigné qu’on avait dit à l’IPFPC que la mesure législative porterait atteinte [traduction] « aux réalisations. » Il a également témoigné que l’employeur était disposé à traiter uniquement de ce qui était dans son offre finale. Il a affirmé que, dans la négociation collective, l’argent est l’élément clé pour la conclusion d’une entente.

49 Le 27 novembre 2008, M. Thibodeau avait envoyé un courriel à M. Belyea pour demander une mise à jour (pièce J-1, section 8). Le lendemain, M. Belyea a répondu [traduction] : « […] Apprêtez-vous à vous remettre à l’ouvrage : sans une nouvelle offre pour combler le fossé, il n’y a pas de véritable intérêt. » M. Belyea a témoigné que l’IPFPC estimait qu’il avait cherché à satisfaire à la principale exigence de l’employeur et qu’il s’attendait à ce que l’employeur tienne compte de certains des points soulevés par l’IPFPC.

50 Le processus de médiation a repris en janvier 2009 et a mené à la signature d’un accord de principe le 8 avril 2009. L’entente de principe a été ratifiée par le groupe CS le 19 mai 2009.

51 M. Gingras a témoigné que l’IPFPC avait été méfiant à l’égard de la position de l’employeur [traduction] « dès le début ». Il a déclaré que l’offre finale était une attaque directe contre le syndicat et qu’il n’y avait pas eu de libre négociation collective. Il a témoigné que c’était impossible d’inciter les membres de l’IPFPC à faire la grève en raison de la Loi sur le contrôle des dépenses. Signer l’entente était donc le seul choix s’offrant à l’IPFPC. M. Belyea a dit que les événements avaient empoisonné la relation entre les parties.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

52 L’IPFPC a affirmé que la présente plainte concerne la conduite de l’employeur avant l’imposition de la mesure  législative afférente au contrôle des salaires. La plainte porte notamment sur la manière dont l’employeur a fait son offre du 18 novembre 2008 et sur les positions qu’il a adoptées après cette offre.

53 Lors des séances de négociation centrale, il était clair que les augmentations économiques n’étaient pas négociables. Tout point de départ en vue d’un règlement devait inclure les augmentations économiques offertes par l’employeur. L’employeur n’était pas disposé à avoir une discussion sérieuse et à aller plus loin que son offre finale. Il avait soustrait aux négociations contractuelles l’élément clé – le salaire. Pour reprendre les termes de M. Gingras, du point de vue de l’employeur [traduction] « un refus serait fatal. » Lorsque l’offre finale a été présentée, l’IPFPC n’a plus été capable de négocier librement. M. Belyea a témoigné que l’offre finale avait [traduction] « refroidi » les négociations. Il n’y avait pas de temps pour consulter les équipes de négociation de l’IPFPC et les membres. Il n’y avait pas de temps pour aviser les membres de ce qui arrivait après que la déclaration publique du président du Conseil du Trésor a été faite. L’employeur n’a pas établi qu’il y avait quelque urgence.

54 L’IPFPC connaissait et comprenait le principal objectif de l’employeur (prévisibilité) et s’efforçait de viser cet objectif. L’IPFPC avait espéré que l’employeur ferait des efforts pour la réalisation des principaux objectifs de l’IPFPC. L’offre finale ne contenait aucune des priorités clés du groupe CS.

55 Le principe fondamental de l’obligation de négocier de bonne foi commence par une reconnaissance de l’agent négociateur et par la qualité des discussions à la table de négociation. Pour évaluer cette obligation, il faut considérer l’ensemble des expériences existant à l’époque. Les principaux points soulevés par les parties étaient connus, et l’offre finale de l’employeur ne traitait pas de ces questions. L’employeur proposait des hausses salariales qui étaient sans fondement et dont l’employeur savait qu’elles n’étaient pas acceptables. Dans le Discours du Trône du 19 novembre 2008, le gouvernement annonçait qu’il entendait adopter une mesure législative. L’IPFPC avait déjà traversé d’autres périodes de contrôle et n’était pas naïf au sujet de ce qui allait probablement se produire. Les détails de la mesure législative n’étaient pas connus, et il y avait très peu de temps pour conclure une convention collective. Il y avait constamment des changements de calendrier.

56 Pendant la fin de semaine des 22 et 23 novembre 2008, l’AFPC a reçu une somme supplémentaire pour ses membres. L’employeur avait hâte de l’annoncer publiquement. Il régnait un climat d’incertitude, mais rien d’important ne limitait la capacité de l’employeur d’aller plus loin que son offre finale. Le mandat donné aux négociateurs de l’employeur ne leur permettait pas d’aller plus loin que l’offre salariale finale. Toutefois, rien n’empêchait l’employeur d’envoyer quelqu’un à la table avec pour mandat de négocier de bonne foi.

57 L’IPFPC a fait des concessions dans sa contre-proposition, mais l’employeur ne s’est nullement efforcé de modifier sa position. L’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’ancienne CRTFP) avait conclu au bien-fondé d’une plainte de négociation de mauvaise foi dans des circonstances semblables dans la cause suivante en 1991 : Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier 148-02-196 (19910916) (l’« affaire AFPC de 1991 »). Dans cette affaire, le gouvernement avait diffusé une « politique de restriction qui s’appliquait aux fonctionnaires fédéraux. » L’ancienne CRTFP a statué que l’insistance de l’employeur sur l’acceptation de conditions préalables à la négociation des conditions d’emploi était incompatible avec l’obligation de négocier de bonne foi. Il était en outre signalé dans cette décision que le Conseil du Trésor n’était aucunement différent de tout autre employeur à l’égard de l’obligation de négocier de bonne foi. Dans la présente espèce, l’employeur a agi de mauvaise foi en présentant les hausses salariales dans son offre finale comme une condition à la conclusion d’une convention collective.

58 On conclut à de la mauvaise foi lorsqu’une partie a avancé une position sans chercher à la justifier ou à l’expliquer, qu’il n’y a eu aucune discussion sérieuse sur la question et que [traduction] « l’atmosphère créée indique qu’il faut [traduction] "accepter ou en subir les conséquences” » (affaire Canadian Commercial Corporation (1988), 74 di 175, citée dans la cause Ibéria, Lignes aériennes d’Espagne (1990), 80 di 165, CCRT décision 796, confirmée par la Cour d’appel fédérale, [1991] A.C.F. 146 (QL). Cela décrit bien l’offre finale faite par l’employeur dans la présente espèce.

59 Le communiqué annonçant l’offre finale de l’employeur est également une preuve de mauvaise foi. La manière dont l’employeur a partagé son offre finale avec le public était destinée à miner le rôle de l’IPFPC, à saper le moral des employés et à avoir une incidence directe sur les employés du groupe CS (Brewster Transport Company Limited (1986), 66 di 1, CCRT décision 574).

60 L’employeur n’a pas offert d’explication quant à sa décision en matière de négociation. Il a pleinement tiré parti de l’incertitude, de la peur et de la spéculation pour atteindre son objectif consistant à limiter les salaires. Si l’employeur retire de la table de négociation les hausses salariales, on ne peut raisonnablement s’attendre à une négociation de bonne foi. Le droit de grève disparaît presque lorsque les salaires ne peuvent pas être négociés. L’employeur n’a pas fait tout effort raisonnable pour conclure une convention.

61 En faisant son offre finale, l’employeur agissait de mauvaise foi. L’offre elle-même dénote de la mauvaise foi, tout comme la manière dont elle a été présentée. L’employeur a agi de mauvaise foi quand il a rendu publique son offre peu après l’avoir partagée avec l’agent négociateur.

62 L’avocate de l’IPFPC soutenait que je devrais rendre une décision déclaratoire selon laquelle l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de négocier de bonne foi.

B. Pour l’employeur

63 L’avocat de l’employeur a soutenu qu’en l’espèce la question est de savoir s’il faut, dans ces circonstances, rendre une décision déclaratoire. Il n’est pas nécessaire de traiter d’autres circonstances ou de circonstances futures. De plus, la présente plainte n’a pas trait à la constitutionnalité de la Loi sur le contrôle des dépenses. Il y a plusieurs passages du témoignage de M. Belyea concernant la mesure législative qui ne sont nettement pas pertinents. La Commission n’a pas pour rôle de corriger des imperfections ou modifier l’interprétation de cette mesure législative.

64 Il est indéniable que la mesure législative qui avait été proposée a eu une certaine incidence sur les négociations. Cette mesure législative était conçue pour traiter de dépenses comme les salaires. Ce n’est pas la première fois qu’une mesure législative est présentée à cette fin.

65 Avant la séance de négociation centrale, un certain nombre de choses s’étaient déjà produites. M. Thibodeau avait envoyé un courriel pour soulever ces questions (pièce J-1, section 3). Il y avait eu des conversations entre M. Trottier et M. Belyea ainsi que des discussions à la haute direction de l’IPFPC et de l’employeur. Le Discours du Trône décrivait également ce qui s’en venait. Ne pas tenir compte du contexte et aller plus loin dans la négociation que ce que l’employeur était disposé à offrir, cela aurait constitué de la négociation de mauvaise foi et du temps perdu.

66 Les actions de l’employeur étaient conformes à son rôle d’employeur et ne doivent pas être confondues avec les actions du Parlement. Les actions de l’employeur à l’époque pertinente n’ont jamais miné la capacité des parties de négocier. Le fait que l’IPFPC n’a pas eu ce qu’il voulait ne signifie pas que les parties n’ont pas négocié. L’employeur a renoncé aux principales questions qu’il avait soulevées, ce qui diffère de la jurisprudence citée par l’IPFPC.

67 Il n’existe aucune preuve qu’il y ait eu un refus de participer à une réunion ou de conclure une convention collective. Certains points ont été réglés, d’autres ont été examinés mais non réglés — telle est la nature de la négociation collective.

68 La plainte a été déposée le 25 novembre 2008, mais la plupart des exemples donnés à l’appui de l’allégation de négociation de mauvaise foi remontent à une période postérieure à cette date-là. La période à prendre en compte dans le cas de la présente plainte se situe entre le 18 et le 25 novembre 2008.

69 En parlant de l’offre finale de l’employeur, M. Gingras a dit qu’un refus aurait été « fatal ». Si vous n’obtenez pas l’augmentation économique offerte, cela ne vous est pas fatal. Le droit de grève est encore une possibilité. Les contre-propositions de l’IPFPC acceptaient l’offre salariale de l’employeur. M. Gingras a en outre témoigné que l’argent n’était pas un élément clé pour l’IPFPC. Celui-ci a affirmé que l’employeur n’était pas disposé à modifier sa position. Toutefois, l’offre finale a été conçue précisément à cette fin, l’employeur ayant renoncé à certains éléments clés.

70 Le règlement de l’AFPC incluait un paiement en échange du retrait des plaintes en matière d’équité salariale contre l’employeur. L’IPFPC n’avait pas de plaintes semblables.

71 Dans la décision AFPC de 1991, aucune entente n’avait été conclue par les parties. C’est nettement différent dans la présente l’espèce.

72 Dans l’affaire Brewster Transport Company Limited, une réunion avec les employés avait été tenue pour influencer la négociation. Dans la présente espèce, le Parlement informait le public de ce qu’il accomplissait pour faire face à la situation économique. L’employeur ne communiquait pas directement avec les employés du groupe CS, et aucun message destiné aux employés n’était envoyé dans une tentative pour influencer la négociation.

73 Aucune des actions de l’employeur, notamment entre les 18 et 25 novembre 2008, n’équivaut à de la négociation de mauvaise foi. La plainte devrait donc être rejetée.

C. Réplique de l’agent négociateur

74 Le devoir de négocier de bonne foi est une obligation continue, et une plainte de négociation de mauvaise foi peut inclure des événements postérieurs au dépôt d’une plainte (Ibéria, Lignes aériennes d’Espagne).

75 Au moment de l’offre finale, la mesure législative n’était pas en vigueur. Le contexte politique était incertain, et la mesure législative a été considérée par les parties comme un fait accompli.

76 L’avocat de l’employeur affirmait que l’employeur avait renoncé à des éléments clés. La hausse salariale était pour l’employeur l’élément principal, lequel n’a pas été abandonné.

77 Le communiqué a été diffusé par le Secrétariat du Conseil du Trésor et n’était pas une déclaration du Parlement.

IV. Motifs

78 La présente plainte concerne une négociation qui a eu lieu dans l’ombre d’une mesure législative imminente visant le contrôle des salaires. La constitutionnalité de cette mesure législative est contestée devant les tribunaux et ne relève pas de la compétence de la CRTFP dans la présente plainte. Celle-ci a trait particulièrement à l’offre finale déposée par l’employeur et aux négociations subséquentes de novembre 2008.

79 La plainte a été déposée par l’IPFPC le 25 novembre 2008. L’employeur a argué que, par conséquent, je suis limité à l’examen du processus de négociation jusqu’au 25 novembre 2008 seulement. Le devoir de négocier de bonne foi est une obligation continue. La Commission peut donc examiner tout le processus de négociation collective et prendre en compte tous les faits pertinents pour déterminer si l’obligation continue de négocier de bonne foi a été respectée. Ce qui ne signifie pas que la plainte ne comporte aucune limite. Dans son examen, la Commission se concentrera sur les motifs de la plainte qui sont énoncés par l’IPFPC dans sa plainte (voir le paragraphe 2 de la présente décision). L’IPFPC a porté plainte contre la présentation d’une offre finale par l’employeur. La négociation qui a eu lieu après cette offre finale est pertinente dans l’évaluation de la question de savoir si l’offre finale répondait à l’exigence de négociation de bonne foi.

80 L’avocat de l’employeur soutenait que la déclaration du président du Conseil du Trésor en date du 18 novembre 2008 représentait une déclaration du Parlement. Toutefois, un examen de la déclaration montre que l’avocat de l’employeur parlait au nom de ce dernier (« […] nous présentons des offres finales […] »).

81 Il ressortait des témoignages des négociateurs de l’IPFPC pour l’agent négociateur que la négociation collective dans cette ronde de négociation avait été frustrante — encore plus que d’habitude. Cependant, la frustration ne permet pas nécessairement de conclure qu’il y a eu de la mauvaise foi. Pour les motifs énoncés ci-après, j’ai conclu que l’offre finale de l’employeur et la manière dont elle a été présentée ne constituaient pas de la négociation de mauvaise foi.

82 L’article 106 de la LRTFP établit les deux éléments suivants quant à l’obligation de négocier de bonne foi : a) l’obligation de se rencontrer et d’entamer des négociations collectives de bonne foi; b) l’obligation de « faire tout effort raisonnable » pour conclure une convention collective. C’est le second élément qui est en cause dans la présente plainte.

83 L’obligation de négocier de bonne foi exige que chaque partie s’engage à « […] chercher honnêtement à trouver un compromis. Les deux parties doivent se présenter à la table des négociations avec de bonnes intentions » ((Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations du travail), [1996] 1 R.C.S. 369, au paragraphe 41). Les parties doivent d’abord entamer des négociations de bonne foi (soit une obligation appréciée selon une norme subjective) et elles doivent également faire tout effort raisonnable pour conclure une convention (soit une obligation évaluée selon une norme objective). Un conseil ou une commission des relations de travail peut déterminer si l’obligation de faire un effort raisonnable pour conclure une convention a été respectée en examinant les normes et pratiques comparables dans le secteur d’activités (Royal Oak Mines Inc.) :

[…]

C’est la deuxième partie de l’obligation qui empêche une partie de se dérober en prétendant qu’elle tente sincèrement de conclure une entente alors qu’objectivement ses propositions sont tellement éloignées des normes acceptées dans le secteur d’activités qu’elles doivent être tenues pour déraisonnables. [par. 42]

[…]

84 Le devoir de négocier de bonne foi n’impose pas l’obligation de parvenir à une entente. Il impose à chaque partie l’obligation d’avoir pour objectif de conclure une convention collective et de faire tout effort raisonnable pour y arriver (Syndicat canadien de la Fonction publique (SCFP) c. Conseil des relations du travail (N.-É.) et autre, [1983] 2 R.C.S. 311, à la p. 340).  Si le but d’une proposition ou position de négociation particulière est d’éviter la conclusion d’une entente ou de détruire les relations de négociation collective, on considérera qu’il y a eu une violation du devoir de négocier de bonne foi. La simple participation à la négociation ne suffit pas pour s’acquitter de l’obligation de négocier de bonne foi. La bonne foi doit être manifeste dans la conduite de ces négociations (Royal Oak Mines Inc.).

85 Comme la Cour suprême l’a signalé dans l’affaire SCFP, une partie proclame rarement qu’elle entend éviter la conclusion d’une entente. Souvent, il faut qu’un conseil ou une commission des relations de travail détermine si une partie pratique une « négociation serrée » ou une « négociation de façade. » Conclure à la pratique d’une « négociation de façade » donnera habituellement lieu à une conclusion selon laquelle il y a eu de la mauvaise foi. Conclure à la pratique d’une « négociation serrée » donnera lieu à une conclusion différente en matière de mauvaise foi. La négociation serrée est « […] l’adoption d’une ligne dure dans l’espoir de pouvoir forcer l’autre partie à accepter les conditions qui lui sont offertes » (SCFP). Une partie pratique la négociation de façade quand « […] elle feint de vouloir conclure une convention alors qu’en réalité elle n’a pas l’intention de signer une convention collective et elle souhaite détruire les rapports de négociation collective » (SCFP). La distinction importante tient à l’intention ou à l’objectif qui sous-tend la négociation. Dans l’affaire Royal Oak Mines Inc., la Cour suprême a approuvé — en la citant — la conclusion énoncée dans Ibéria, Lignes aériennes d’Espagne et selon laquelle la position de négociation de l’employeur était « inflexible et intransigeante au point de mettre en péril l’existence même de la négociation collective » et contrevenait ainsi à l’obligation de négocier de bonne foi. Dans l’affaire SCFP, la Cour suprême a souligné ceci : « La ligne de démarcation entre la négociation serrée et la négociation de façade peut être ténue. » La question à laquelle il faut répondre est la suivante : Est-ce que l’employeur a montré par ses propositions et actions qu’il n’avait pas l’intention de conclure une convention collective?

86 L’omission de fournir la raison d’être ou le motif d’une proposition donnée peut aussi mener à la conclusion selon laquelle il y a eu négociation de mauvaise foi (Ibéria, Lignes aériennes d’Espagne).

87 Dans l’affaire AFPC de 1991, l’ancienne CRTFP a conclu que l’employeur avait fait de l’acceptation de la politique de contrôle des salaires une condition préalable à la négociation. L’employeur n’avait pas renoncé à quelconque de ses propres exigences ni accepté en échange quelconque proposition non salariale de l’AFPC. L’ancienne Commission a affirmé ceci : « L’insistance sur l’acceptation de conditions avant de négocier des conditions de travail à la table des négociations va à l’encontre de l’exigence de faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective. »

88 Néanmoins, les parties ne sont pas tenues de continuer à négocier lorsque des discussions supplémentaires ne sont plus fructueuses [traduction] : « lorsque l’on arrive à un tel point, la rupture des négociations ou l’adoption d’une position selon laquelle c’est “à prendre ou à laisser” n’est pas susceptible d’être considérée comme une omission de négocier de bonne foi » (Carter, England et Etherington, Labour Law in Canada, Butterworths, 2002, à la p. 302).

89 En déterminant s’il y a eu négociation de bonne foi, il faut appliquer les principes ci-devant aux circonstances particulières de la relation de négociation en cause. Je présente ci-après les faits pertinents qui étayent ma conclusion globale selon laquelle l’employeur ne s’est pas livré à une pratique de négociation de mauvaise foi.

90 Il est clair que les négociations entre les parties n’étaient plus fructueuses dans la période précédant le 18 novembre 2008, ce que montre bien la demande de CIP présentée par l’IPFPC en juillet, ainsi que la demande de médiation de l’employeur. Dans un tel cas, déposer une offre finale ou une proposition selon laquelle c’est « à prendre ou à laisser », ce n’est pas négocier de mauvaise foi. Peut-être que la médiation aurait aidé les parties à parvenir à une entente, mais il est clair que, par leurs actions, les parties ont montré qu’elles ne croyaient plus qu’elles devraient continuer les négociations. Dans leurs témoignages, les deux négociateurs ont reconnu que, avant le dépôt de l’offre finale, il n’était pas utile d’engager des négociations supplémentaires. L’IPFPC affirme dans sa plainte qu’il n’y a pas eu de discussion sérieuse sur les salaires avant l’offre finale. Il ressort de l’exposé conjoint des faits produit par les parties qu’aucune séance de négociation n’a été prévue pour la période postérieure au dépôt de la réponse de l’employeur aux demandes salariales de l’IPFPC le 2 juin 2008. Il ne semble pas y avoir eu de discussion sur les questions salariales après que l’employeur eut répondu aux demandes salariales de l’IPFPC. Je ne mets pas en doute le jugement des négociateurs qui ont estimé que des discussions supplémentaires ne seraient pas fructueuses. Je note simplement que, pour avoir des discussions sérieuses, il faut prévoir des séances de négociation.

91 L’offre finale de l’employeur n’était pas « […] tellement éloignée[…] des normes acceptées […] » qu’elle doive être tenue pour déraisonnable (Royal Oak Mines Inc.). La proposition de hausses salariales dans l’offre finale était plus élevée que l’offre initiale d’augmentations salariales de l’employeur. Ce dernier ne demandait pas d’importantes réductions ou concessions à l’unité de négociation. La même offre salariale a été faite par l’employeur à tous les agents négociateurs et pour toutes les unités de négociation.

92 La position de l’employeur n’était pas « […] inflexible et intransigeante au point de mettre en péril l’existence même de la négociation collective » (Ibéria, Lignes aériennes d’Espagne). De plus, l’employeur n’a pas insisté sur des conditions préalables pour continuer la négociation collective (affaire AFPC de 1991). L’employeur avait renoncé à la plupart de ses objectifs clés dans son offre finale. L’employeur a participé aux négociations les 25 et 26 novembre 2008 et a discuté de toutes les questions à la table. L’employeur a montré qu’il était disposé à accepter une des propositions de l’IPFPC visant à apporter des modifications à la disposition sur le congé de mariage dans la convention collective. Dans sa contre-proposition, l’IPFPC a explicitement reconnu que la proposition salariale de l’employeur était la base de tout règlement. L’IPFPC a, par sa contre-proposition, accepté toute condition préalable pouvant être implicite dans l’offre finale de l’employeur.

93 L’employeur a fourni une raison d’être ou justification à l’égard de sa position dans la négociation (Ibéria, Lignes aériennes d’Espagne). Cette raison d’être était énoncée dans le courriel de M. Thibodeau en date du 15 novembre 2008 et dans la déclaration du président du Conseil du Trésor en date du 18 novembre 2008. La raison d’être énoncée était de veiller à la « prévisibilité » des dépenses. À mon avis, il ne convient pas que la Commission se penche sur le bien-fondé de cette raison d’être. Aucun élément de preuve n’indiquait que la raison d’être énoncée représentait de la mauvaise foi.

94 L’IPFPC a argué que prévoir un paiement forfaitaire dans une convention collective conclue avec un agent négociateur montrait que l’employeur aurait pu offrir un paiement semblable à l’IPFPC. L’objet déclaré publiquement du paiement forfaitaire à certaines unités de négociation de l’AFPC était de résoudre des plaintes en suspens quant à l’équité salariale. L’employeur n’est pas tenu de négocier la même chose pour toutes les unités de négociation. Des unités de négociation distinctes existent parce que divers groupes ont des préoccupations et des besoins différents. De plus, l’IPFPC n’a pas fait la preuve de la mauvaise foi de la part de l’employeur dans la conclusion de ce règlement. De toute évidence, le paiement forfaitaire répondait à une préoccupation particulière qui n’existait pas dans le cas du groupe CS et il ne constitue pas de la négociation de mauvaise foi.

95 Le communiqué faisant état d’une déclaration du président du Conseil du Trésor n’était pas une intervention inappropriée de l’employeur dans la négociation collective. Conformément à la décision Brewster Transport Company Limited, en déterminant si l’employeur communique de manière légitime avec ses employés, la Commission doit examiner la nature, l’objet et les circonstances de la communication. L’objet doit être d’informer les employés de la position de l’employeur, et il ne doit pas y avoir [traduction] « des éléments évidents » conçus pour contourner le processus de négociation (Brewster Transport Company Limited). La communication du président du Conseil du Trésor n’était pas destinée expressément aux employés de l’unité de négociation du groupe CS. Je reconnais que les événements se succédaient rapidement et que l’employeur voulait aviser le public de ce qu’il entendait faire. Évidemment, toute déclaration publique sera également communiquée aux employés de l’unité de négociation et ne peut pas échapper à un examen simplement parce qu’elle n’était pas adressée directement aux employés. Cette déclaration indiquait la position de l’employeur et la justification de celle-ci. Il n’y avait pas de tentative manifeste pour contourner la négociation collective. En fait, la déclaration dit que des « représentants » sont disponibles pour discuter de rémunération. Le communiqué a été diffusé après le dépôt de l’offre finale. En outre, l’IPFPC a su plus tôt dans la journée du 18 novembre 2008 qu’une offre finale s’en venait. Certes, la diffusion du communiqué si peu de temps après le dépôt de l’offre finale n’était pas idéale et n’a peut-être pas été très utile pour la négociation collective, mais rien ne prouve que c’était destiné à influencer directement la négociation collective.

96 L’IPFPC a aussi argué que le manque de temps pour parvenir à une entente montrait que l’employeur négociait de mauvaise foi. Dans l’affaire Brewster Transport Company Limited, l’agent négociateur avait eu moins d’une journée pour répondre à l’offre de l’employeur. Je reconnais que les parties doivent avoir assez de temps pour discuter rationnellement. En l’espèce, les délais étaient serrés, mais non déraisonnables. Quoi qu’il en soit, c’est l’IPFPC qui a décidé de ne pas poursuivre les négociations. L’employeur avait demandé un rapport d’étape le 27 novembre 2008 et s’était fait dire que l’IPFPC n’était pas réellement intéressé à continuer les négociations.

97 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

98 La plainte est rejetée.

Le 21 août 2009.

Traduction de la CRTFP.

Ian R. Mackenzie,
vice-président

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