Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a affirmé que l’arrivée tardive des membres du comité d’évaluation était assimilable à de l’intimidation; il a en outre soutenu que le comité avait procédé à une évaluation subjective et discriminatoire, qu’on avait refusé de lui fournir des renseignements et que des documents avaient été détruits. L’intimé a fait valoir que les membres du comité (qui habitaient à l’extérieur de la ville) était en retard en raison d’avertissements de tempête hivernale et faute d’avoir pris le bon chemin; que le plaignant s’était trompé par rapport à l’heure prévue du début de l’entrevue; que l’évaluation s’était déroulée de façon appropriée, qu’il s’était conformé à toutes les ordonnances de communication de renseignements et qu’il n’était pas tenu de conserver les notes de préparation des candidats. L’intimé a en outre maintenu que le plaignant n’avait pas produit de preuve prima facie de discrimination. Décision : Le Tribunal a conclu que les raisons de l’arrivée tardive des membres du comité ne donnaient pas lieu à une plainte d’abus de pouvoir fondée. Rien ne prouvait que le comité avait retardé délibérément le début de l’entrevue avec le plaignant ni que la situation visait à l’intimider. De plus, le plaignant n’a pas réussi à prouver que le temps alloué pour passer l’entrevue avait été réduit à une heure. Dans le processus en question, une méthode narrative avait été utilisée pour l’évaluation de certaines qualifications essentielles. Le Tribunal est convaincu que cette méthode permettait au comité d’évaluation de déterminer si les candidats possédaient la qualification essentielle évaluée. Le Tribunal a jugé que rien ne prouvait que la méthode d’évaluation utilisée était injuste ou discriminatoire de quelque façon que ce soit, ou que les membres du comité n’avaient pas fait preuve d’un jugement objectif dans l’évaluation des candidats. Le Tribunal a estimé que dans certaines circonstances les actes de l’intimé avant ou après le processus de nomination peuvent constituer une preuve pertinente dans le cas d’une plainte d’abus de pouvoir. En l’espèce, le Tribunal a réglé une demande de communication de renseignements par voie de décisions-lettres émises avant l’audience. Le plaignant n’avait soulevé aucune nouvelle question ni produit aucune preuve pertinente par rapport à sa plainte d’abus de pouvoir. D’autre part, le fait que les notes du plaignant n’ont pas été conservées contrairement à celles du candidat retenu ne constitue pas un abus de pouvoir ni une preuve de traitement différentiel ou de discrimination. En guise de recommandation, le Tribunal a jugé que s’agissant de permettre aux candidats de prendre des notes avant ou pendant un processus d’évaluation, il serait prudent de traiter ces notes de la même façon pour tous les candidats. Il faudrait conserver tous les documents, y compris les notes des candidats. Pour ce qui concerne l’allégation de discrimination, le plaignant n’a pas réussi à la présenter de façon appropriée aux termes des articles 7 et 8 de la Loi canadiennes sur les droits de la personne. Il a déclaré être l’objet d’un traitement différentiel mais n’a fait référence à aucun motif de distinction illicite. Rien ne prouvait que l’intimé avait agi, omis d’agir ou pris des décisions en fonction du statut du plaignant, qui fait partie d’un groupe visé par l’équité en emploi, notamment un groupe de minorité visible. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2007-0064
Rendue à:
Ottawa, le 7 novembre 2008

SHANSHENG ZHAO
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Merri Beattie, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Zhao c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0030

Motifs de la décision

Introduction

1 Le plaignant, Shansheng Zhao, a participé à un processus de nomination interne annoncé mené par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), afin de pourvoir au poste de gestionnaire des Ressources humaines (PE-04) au Centre de traitement des demandes (CTD) de Vegreville, en Alberta. Sa candidature a été éliminée du processus, et il a présenté une plainte d’abus de pouvoir.

2 Le plaignant présente trois allégations principales. Premièrement, les membres du comité sont arrivés à l’entrevue avec plus d’une heure et demie de retard sans donner de raison suffisante, ce qui équivaut à de l’intimidation. Deuxièmement, le comité a procédé à une évaluation subjective qui était injuste et qui correspondait à un traitement discriminatoire. Troisièmement, on a refusé de lui fournir des renseignements et des documents ont été détruits.

3 L’intimé, le sous-ministre de CIC, indique qu’il existe une explication raisonnable en ce qui concerne le retard, que l’évaluation s’est déroulée de façon appropriée, que l’intimé s’est conformé à toutes les ordonnances de communication de renseignements et, finalement, que rien ne l’obligeait à conserver les notes de préparation des candidats.

Contexte

4 Un comité d’évaluation formé de trois membres a été créé pour le processus de nomination susmentionné. Les membres du comité étaient les suivants : Shirley Holmstrom, directrice, CTD, Vegreville (Alberta); Anne Marie Giannetti, directrice, Ressourcement stratégique, administration centrale, Ottawa; et Jane Symes, gestionnaire des Ressources humaines, région de l’Atlantique, Halifax.

5 À la suite de la présélection initiale des demandes, les méthodes d’évaluation choisies pour évaluer les candidats participant au processus de nomination étaient une entrevue, un exercice écrit et la vérification des références. Le guide d’entrevue a été préparé plusieurs semaines avant les entrevues. Les candidats ont reçu une question à l’avance, à laquelle ils devaient répondre oralement pendant l’entrevue. Les candidats ont également été informés à l’avance qu’il y aurait un exercice écrit.

6 Le plaignant est chef des Ressources humaines (PE-03) au Service correctionnel du Canada. Sa candidature a été éliminée du processus parce qu’il ne possédait pas les qualifications essentielles. On a déterminé qu’il n’avait pas les connaissances et les capacités requises pour occuper le poste.

7 Un avis de nomination ou de proposition de nomination a été affiché sur Publiservice le 24 janvier 2007, et par la suite, un candidat a été choisi.

8 Le Tribunal a reçu la plainte et l’avis du plaignant à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) le 5 février 2007. La CCDP a informé le Tribunal qu’elle n’avait pas l’intention de présenter d’observations concernant la plainte.

9 Conformément au paragraphe 99(3) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP), le Tribunal a décidé de procéder à une instruction sur dossier pour statuer sur la plainte.

Questions en litige

10 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes:

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir pendant l’évaluation du plaignant?
  2. La plainte rend-elle nécessaire l’interprétation et l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne?

Lois pertinentes

11 Les articles suivants de la LEFP sont pertinents en l’espèce :

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

78. Le plaignant qui soulève une question liée à l’interprétation ou à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne en donne avis à la Commission canadienne des droits de la personne conformément aux règlements du Tribunal.

80. Lorsqu’il décide si la plainte est fondée, le Tribunal peut interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de celle-ci sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes.

12 Le paragraphe 3(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la LCDP)est également pertinent :

3.(1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

13 Les articles 7 et 8 de la LCDP seront aussi cités dans les présents motifs :

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

8. Constitue un acte discriminatoire, quand y sont exprimées ou suggérées des restrictions, conditions ou préférences fondées sur un motif de distinction illicite:

a) l’utilisation ou la diffusion d’un formulaire de demande d’emploi;

b>) la publication d’une annonce ou la tenue d’une enquête, oralement ou par écrit, au sujet d’un emploi présent ou éventuel.

(soulignement ajouté)

Question I: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir pendant l’évaluation du plaignant?

Argumentation des parties

A) Résumé de l’argumentation et des éléments de preuve pertinents présentés par le plaignant

14 Le plaignant soulève trois allégations principales concernant cette question. Premièrement, il affirme qu’il y a eu intimidation de la part des membres du comité, ce qui équivalait à un traitement injuste et discriminatoire. Deuxièmement, il indique que l’évaluation était injuste, subjective et discriminatoire, et qu’elle n’était pas fondée sur des critères objectifs. Enfin, le plaignant soutient qu’on a refusé de lui fournir des renseignements et que des documents ont été détruits.

15En ce qui concerne la première allégation, l’argumentation du plaignant peut être résumée comme suit. Il indique que son entrevue a été retardée et que le temps qui y a été consacré a été réduit. Il ajoute que cette situation constitue un abus de pouvoir. Il affirme que ce retard était délibéré. Pour appuyer cette allégation, il affirme que son entrevue, qui devait commencer à 9 h, a plutôt commencé à 11 h. Il ne croit pas à l’explication du comité, qui a déclaré que l’entrevue avait été retardée en raison de difficultés liées aux transports. Il affirme qu’il était parti d’Edmonton le matin de l’entrevue et que les conditions routières étaient bonnes. Il indique que, en raison du retard, il a subi du stress et de l’intimidation et qu’il a souffert de la faim, facteurs qui ont eu des conséquences sur son rendement pendant l’entrevue. Le plaignant ajoute que l’entrevue d’aucun autre candidat n’a été retardée. Enfin, il déclare qu’au début, son entrevue devait durer deux heures, mais que cette durée a été ramenée à une heure de façon inattendue.

16 Pour ce qui est de sa deuxième allégation, le plaignant affirme que le guide de cotation utilisé pendant le processus de nomination n’était pas objectif. Le comité a plutôt utilisé un guide d'évaluation narrative. Bien qu’il admette que chaque cote était définie par des critères, ces derniers n’étaient expliqués nulle part. Il ajoute que, même si les réponses attendues étaient inscrites dans le guide de cotation, aucun point ni pondération n’était indiqué. Il soutient que l’échelle de cotation n’était pas bien définie et qu’il n’y avait aucune corrélation claire entre, d’une part, le nombre de réponses exactes fournies par le candidat et, d’autre part, la cote attribuée. Il affirme que son hypothèse selon laquelle l’évaluation était subjective a été corroborée par le président du comité pendant une discussion informelle.

17 Pour soutenir sa troisième allégation, le plaignant maintient qu’on a refusé de lui fournir des renseignements relatifs à l’évaluation du candidat retenu, et que ces renseignements ne lui ont été communiqués qu’après ordonnance du Tribunal. En outre, le plaignant affirme que des documents qu’il avait créés, lesquels font partie du dossier de dotation et doivent être conservés pendant cinq ans après la fermeture de celui‑ci, ont été détruits. À l’inverse, selon le plaignant, les notes du candidat retenu n’ont pas été détruites.

B) Resumé de l’argumentation et des éléments de preuve pertinents présentés par l’intimé

18 En réponse à la première allégation du plaignant, l’intimé soutient que les membres du comité qui habitent à l’extérieur de la ville avaient prévu arriver à Vegreville le jour précédant les entrevues. Un courriel à ce sujet en date du 29 décembre 2006 a été fourni au Tribunal. Toutefois, en raison d’avertissements de tempête hivernale, les membres du comité ne sont pas partis pour Vegreville avant le matin du 11 janvier 2007 et ils sont arrivés en retard. Ils sont partis de Nisku, en Alberta, à 8 h 30 et sont arrivés au CTD de Vegreville, en Alberta, à 10 h 30, après s’être égarés en chemin. Une copie de deux articles de presse a été remise au Tribunal pour appuyer la version du déroulement des événements présentée par l’intimé en ce qui concerne les avertissements de tempête hivernale dans le centre de l’Alberta. L’intimé a également fourni une copie du registre des visites du CTD qui démontre que ces deux membres du comité ont signé le registre à l’entrée de l'immeuble le 11 janvier 2007 à 10 h 30.

19 L’intimé prétend que le plaignant était dans l’erreur en ce qui concerne l’heure prévue du début de l’entrevue. Son entrevue devait initialement commencer à 9 h 45. L’intimé a fourni la copie d’un courriel en date du 8 décembre 2006 à l’appui. De plus, l’intimé a fourni une copie du calendrier original des entrevues.

20 L’intimé affirme qu’à son arrivée le plaignant a été informé qu’il y aurait un retard, qu’on lui ferait visiter l’immeuble et qu’on lui offrirait un café. L’intimé réfute aussi l’allégation du plaignant selon laquelle la durée de son entrevue a été réduite de deux heures à une heure. L’intimé soutient que les candidats ont été informés à l’avance par écrit qu’ils devaient prévoir deux heures pour le processus au complet, qui comprenait l’entrevue, l’exercice écrit et une courte visite des installations du CTD. L’intimé a fourni la copie d’un courriel daté du 5 janvier 2007 pour appuyer son affirmation.

21 L’intimé déclare que le plaignant a passé l’entrevue et le test écrit pendant la période allouée de deux heures, qui a pris fin vers 13 h. En aucun temps le plaignant n’a informé les membres du comité de quelque préoccupation que ce soit découlant du fait qu’il avait faim ou qu’il se sentait intimidé ou perturbé.

22 En ce qui concerne la deuxième allégation, l’intimé soutient que le comité était formé de trois spécialistes des ressources humaines compétents. Ces personnes comprennent les exigences du travail dans ce milieu très axé sur les opérations et où les activités se déroulent à un rythme rapide. En outre, elles ont collaboré au choix et à l’application des outils d’évaluation. Les outils d’évaluation choisis constituaient des méthodes d’évaluation acceptables.

23 Un guide de cotation complet a été utilisé. On y trouvait les questions, les critères d’évaluation et la méthode de cotation. L’intimé affirme que les membres du comité comprenaient bien les attentes relatives aux questions et qu’ils interprétaient de la même façon les définitions et les critères d’évaluation narrative. De plus, les membres du comité ont agi avec diligence, ont pris des notes, ont délibéré sur leurs décisions et sont parvenus à un consensus. Tous les candidats ont été évalués de façon juste et uniforme.

24 L’intimé affirme que, aux termes du paragraphe 30(2) de la LEFP, l’administrateur général a le pouvoir d’établir les qualifications essentielles, et que l’article 36 de la LEFP accorde à l’administrateur général le pouvoir d’utiliser toute méthode d’évaluation qu’il considère appropriée. À cet égard, l’intimé s’appuie sur le paragraphe 42 de la décision rendue par le Tribunal dans l’affaire Visca c. le Sous‑ministre de Justice et al., [2007 TDFP 0024.

25 Pour ce qui est de la troisième allégation, l’intimé affirme que les notes prises par les candidats avant l’entrevue aux fins de la présentation orale ont été conservées, mais qu’elles ne faisaient pas partie de l’évaluation. À l’inverse, les notes préparées par les candidats pendant les entrevues ont été détruites. En ce qui concerne l’allégation du plaignant selon laquelle des documents n’ont pas été fournis, l’intimé soutient que cette situation est liée au processus de communication de renseignements qui a suivi la présentation de la plainte et qu’elle n’est donc pas pertinente dans le contexte d’une plainte d’abus de pouvoir. De toute façon, l’intimé soutient qu’il s’est conformé à l’ordonnance de communication de renseignements du Tribunal lorsqu’il a fourni les documents relatifs à l’évaluation.

C) Résumé des arguments de la Commission de la fonction publique

26 Comme elle l’a fait pour des plaintes précédentes, la Commission de la fonction publique (CFP) a fourni des arguments généraux concernant le concept d’abus de pouvoir et la façon dont le Tribunal devrait aborder cette question.

D) Résumé des éléments de réponse pertinents présentés par le plaignant

27 Pour ce qui est de la première allégation du plaignant, ce dernier affirme dans sa réponse que les articles de presse ne décrivent pas de conditions hivernales difficiles et ne mentionnent aucunement les conditions routières.

28 En ce qui concerne la troisième allégation, le plaignant répond que, bien qu’il ne soit pas nécessaire d’utiliser les notes pour l’évaluation, ces dernières constituent une preuve de la façon dont les candidats ont répondu aux questions. Finalement, il réitère son point de vue selon lequel les notes des candidats font partie d’un dossier de dotation et doivent être conservées pendant les cinq années suivant la fermeture du dossier.

Analyse

29 En ce qui concerne la première allégation, au vu de la preuve produite, le Tribunal constate les faits suivants. Premièrement, l’entrevue du plaignant devait initialement commencer le 11 janvier 2007 à 9 h 45. Deuxièmement, les membres du comité avaient prévu arriver à Vegreville le 10 janvier 2007. Le plaignant et les membres du comité sont partis en direction de Vegreville le matin du 11 janvier 2007.

30 L’intimé soutient que les membres du comité sont arrivés en retard parce qu’ils se sont perdus en chemin. Le plaignant n’a fourni aucune preuve visant à réfuter ce fait. Ainsi, le Tribunal tient pour avéré que l’entrevue du plaignant a été retardée parce que des membres du comité en provenance de l’extérieur de la ville se sont égarés en chemin pendant leur déplacement en direction de Vegreville le matin du 11 janvier 2007. Il ne s’agit certainement pas d’un ensemble de circonstances qui puissent donner lieu à une plainte d’abus de pouvoir qui serait accueillie. Rien ne prouve que le comité a retardé délibérément le début de l’entrevue avec le plaignant ni que la situation visait à l’intimider.

31 En outre, le plaignant n’a pas réussi à prouver que le temps qui lui a été alloué pour passer l’entrevue a été réduit à une heure. Aucune preuve n’appuie les allégations du plaignant à cet égard. Au contraire, la preuve documentaire, à savoir le courriel envoyé au plaignant le 8 décembre 2006 pour l’informer que sa candidature avait été retenue à la présélection pour les étapes ultérieures du processus, confirme que la partie « entrevue » de l’évaluation devait durer une heure.

32 Enfin, en ce qui concerne l’allégation du plaignant selon laquelle aucune autre entrevue avec un candidat n’a été retardée, la preuve démontre que le candidat qui devait passer une entrevue avant le plaignant avait retiré sa candidature du processus avant le jour de l’entrevue. De la même façon, le candidat qui devait passer une entrevue immédiatement après le plaignant selon l’horaire initial a également retiré sa candidature. En conséquence, l’entrevue initialement prévue pour 13 h a eu lieu tel qu’il avait été planifié.

33 Pour ce qui est de la deuxième allégation du plaignant, le Tribunal a établi dans un certain nombre de décisions que son rôle consistait à examiner le processus utilisé par un administrateur général pour déterminer s’il y avait une situation d’abus de pouvoir. Le rôle du Tribunal ne consiste pas à mener un nouveau processus de nomination. Voir, par exemple : Broughton c. le Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux et al., [2007 TDFP 0020, au paragraphe 54; et Oddie c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2007 TDFP 0030, au paragraphe 66.

34 Dans la décision Visca, au paragraphe 44, le Tribunal traite du changement considérable découlant de l’entrée en vigueur de la LEFP, laquelle permet désormais de ne plus donner d’évaluation chiffrée et de ne plus classer les candidats. Dans la décision Visca et la décision Jolin c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2007 TDFP 0011, le Tribunal explique le vaste pouvoir discrétionnaire dont dispose un comité d’évaluation pour faire un choix entre toute une gamme d’outils et de méthodes d’évaluation, en vertu de l’article 36 de la LEFP.

35 Une méthode d’évaluation doit fournir un moyen de déterminer si un candidat possède ou non une qualification essentielle, afin de respecter l’exigence de nommer des personnes qualifiées en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP.

36 Dans le processus de nomination en question, une méthode narrative a été utilisée pour évaluer certaines qualifications essentielles, au lieu d’une méthode numérique qui consiste à accorder des points pour chaque réponse. Quatre cotes d’évaluation ont été établies, à savoir : excellent, très bon, bon et insatisfaisant. Chaque cote a été définie. Le Tribunal juge que tous ces éléments sont objectifs. De plus, le Tribunal est convaincu que cette méthode permettait au comité d’évaluation de déterminer si les candidats possédaient la qualification essentielle évaluée.

37 Dans le cas d’une évaluation narrative, les membres du comité doivent utiliser leur jugement lorsqu’ils évaluent les candidats. Il existe clairement un élément de subjectivité dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire et du jugement. Comme le Tribunal l’a indiqué dans la décision Visca, « [l]e législateur a plutôt préféré fournir aux personnes détenant les pouvoirs de dotation, les moyens d’exercer l’aspect discrétionnaire de ces pouvoirs, en faisant appel à leur jugement ». Les personnes qui exercent leur jugement dans le domaine de la dotation doivent être bien informées, et elles doivent fonder leur jugement sur des critères objectifs, agir de bonne foi et ne pas avoir de parti pris. Partant de la preuve et des arguments fournis pendant l’audience, le Tribunal juge que le guide d’évaluation était objectif et que les membres du comité qui l’ont appliqué au cours du processus de nomination visé étaient bien informés.

38 Il n’existe absolument aucune preuve que l’allégation selon laquelle la méthode d’évaluation utilisée était injuste ou discriminatoire de quelque façon que ce soit. Rien ne prouve non plus que les membres du comité n’aient pas fait preuve d’objectivité lorsqu’ils ont évalué les candidats.

39 Pour ce qui est de l’allégation du plaignant selon laquelle l’intimé a refusé de lui fournir des renseignements, il n’est pas inhabituel que les parties soient en désaccord par rapport à la pertinence des renseignements demandés pendant la communication de renseignements qui a eu lieu avant l’audience. Une partie peut demander que le Tribunal détermine la pertinence d’une demande pouvant donner lieu à une ordonnance de communication de renseignements, conformément au Règlement du TDFP.

40 Contrairement au point de vue de l’intimé, le Tribunal estime que, dans certaines circonstances, les actes de l’intimé avant ou après le processus de nomination peuvent constituer une preuve pertinente dans le cas d’une plainte d’abus de pouvoir. En l’espèce, le Tribunal a traité une demande de communication de renseignements dans des lettres de décision avant l’audience. En l’espèce, le plaignant n’a soulevé aucune nouvelle question et n’a produit aucune preuve pertinente sur ce sujet dans le cadre de sa plainte d’abus de pouvoir.

41 Enfin, le plaignant soutient que la destruction de ses notes, alors que celles du candidat retenu ont été conservées, constitue une preuve de traitement différentiel et de discrimination.

42 Le plaignant indique que toutes les notes prises par les candidats avant et pendant l’entrevue devaient être remises aux membres du comité à la fin de l’entrevue. Il ajoute que ses notes de préparation rédigées avant l’entrevue ont été détruites, alors que le comité a conservé celles du candidat retenu.

43 L’intimé affirme que les notes de préparation rédigées avant l’entrevue étaient conservées si le candidat les remettait aux membres du comité, mais elles n’ont pas été utilisées pendant l’évaluation. Les notes prises par les candidats pendant l’entrevue ont été détruites.

44 Au vu des éléments de preuve, le Tribunal juge que le comité d’évaluation n’a pas conservé les notes de préparation rédigées par le plaignant avant l’entrevue, alors que celles du candidat retenu l’ont été. Le Tribunal juge également que le comité n’a pas pris en considération les notes de préparation pendant son évaluation des candidats.

45 Il n’a pas été établi si les notes de préparation rédigées par le plaignant avant l’entrevue ont déjà été en la possession des membres du comité ni si ces derniers les ont détruites. Même si on avait établi que le comité avait détruit les notes, cela ne constituerait pas une preuve en soi qu’il y a eu un traitement différentiel ou de la discrimination. Ces notes n’ont apporté aucun avantage ou désavantage dans le processus de nomination, car le comité ne les a pas utilisées pour évaluer les candidats. Le fait que les notes du plaignant n’ont pas été conservées alors que celles du candidat retenu l’ont été ne constitue pas un abus de pouvoir ou une preuve de traitement différentiel ou de discrimination.

46 Néanmoins, le Tribunal aimerait adresser la mise en garde suivante pour les futurs processus. Si un comité permet aux candidats de prendre des notes avant ou pendant un processus d’évaluation, il serait très prudent de traiter ces notes de la même façon pour tous les candidats. Dans d’autres circonstances, une incohérence de ce type pourrait entraîner la présentation d’une plainte. Cela étant dit, tout document, y compris les notes des candidats, qui est utilisé pour l’évaluation doit toujours être conservé, comme le Tribunal l’a établi récemment dans la décision Dionne c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2008 TDFP 0011, au paragraphe 67.

Question II: La plainte rend-elle nécessaire l’interprétation et l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne?

Argumentation des parties

A) Résumé de l’argumentation et des éléments de preuve pertinents présentés par le plaignant

47 Dans ses arguments écrits, le plaignant a fait plusieurs fois mention de discrimination. Il soutient qu’il y a eu abus de pouvoir parce que l’intimé a omis de respecter le principe du mérite. Il a ajouté que, comme il a été traité différemment des autres candidats, il s’agissait d’un cas de discrimination. Dans sa demande de recours au Tribunal, le plaignant demande réparation pour les conséquences de la discrimination qu’il a subie.

B) Résumé de l’argumentation et des éléments de preuve pertinents présentés par l’intimé

48 L’intimé affirme que le plaignant n’a pas réussi à produire une preuve prima facie de discrimination. L’intimé ajoute que le plaignant n’a pas réussi à établir un lien entre, d’une part, ses résultats d’évaluation et, d’autre part, un motif de distinction illicite. Comme aucun cas de discrimination ne peut être constaté, aucun recours en vertu de la LCDP n’est justifié en l’espèce.

49 L’intimé ajoute que si le Tribunal jugeait que le plaignant a produit une preuve prima facie de discrimination, il serait nécessaire d’organiser une audience pour trancher cette question.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

50 La CFP est d’accord avec l’intimé sur le fait que, si le Tribunal déterminait que le plaignant a soulevé une question valide de discrimination, il serait préférable de tenir une audience.

D) Réponse du plaignant

51 Dans sa réponse, le plaignant affirme que l’intimé a délibérément choisi de faire fi du fait qu’il est membre d’un groupe de minorité visible.

Analyse

52 Le plaignant n’a pas réussi à présenter de façon appropriée une allégation de pratique discriminatoire aux termes des articles 7 et 8 de la LCDP. Ces articles indiquent qu’une pratique discriminatoire doit être fondée sur un motif de distinction illicite, comme le prévoit le paragraphe 3(1) de la LCDP. Le plaignant a omis d’inscrire un motif de distinction illicite quelconque (qu’il soit fondé sur la race, la religion ou l’âge) dans les documents qu’il a remis au Tribunal.

53 Dans sa plainte, le plaignant ne fait aucunement référence à un motif de distinction illicite. Il affirme qu’il a fait l’objet d’un traitement différentiel.

54 Le plaignant a remis un avis à la CCDP. Dans cet avis, on doit indiquer le motif de discrimination illicite. Le plaignant a déclaré ce qui suit : « Je considère également que j’ai été victime de discrimination, puisque j’étais le seul candidat passé en entrevue qui fait partie d’un groupe visé par l’équité en emploi [Traduction. »

55 Le 20 avril 2007, le plaignant a présenté cinq allégations. Dans deux de ces allégations, il soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir en le traitant « de façon discriminatoire [Traduction. » Il ne fournit aucun autre détail concernant ses allégations.

56 Dans sa réponse finale, le plaignant indique qu’il a été traité de façon différente parce qu’il est membre d’une minorité visible. Le terme minorité visible se trouve dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi, L.C. 1995, ch. 44 (la LEE). La LEE a été adoptée pour faire en sorte que les employeurs assujettis à la législation fédérale offrent des possibilités d’emploi égales aux membres des quatre groupes désignés, à savoir les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les membres d’une minorité visible.

57 En vertu de l’article 80 de la LEFP, le Tribunal a le pouvoir d’interpréter et d’appliquer les dispositions de la LCDP. Cependant, il existe une condition préalable obligatoire à l’application de l’article 80 : le plaignant doit soulever un motif de distinction illicite. Or, en l’espèce, le plaignant n’a soulevé aucun motif de distinction illicite.

58 Partant des éléments de preuve, le Tribunal juge que le plaignant n’a pas respecté la condition préalable obligatoire pour que le Tribunal invoque l’article 80 de la LEFP. En conséquence, son allégation de discrimination en vertu de la LCDP n’est pas fondée.

59 Le plaignant s’est représenté lui-même. Toutefois, il serait faux de dire qu’il n’est pas informé. En tant que chef des Ressources humaines, on peut s’attendre à ce qu’il possède une certaine connaissance de la législation se rapportant aux droits de la personne, en sa qualité de titulaire de ce poste. Cela étant dit, une allégation de traitement différentiel inapproprié est une allégation grave, et le fait d’avoir omis de citer les motifs exacts au sens de la loi ne doivent pas empêcher le Tribunal de prendre en considération le dossier qui lui a été confié.

60 Les arguments du plaignant concernant le traitement différent ont été examinés et analysés dans les motifs de décision. Aucune preuve produite au Tribunal n’appuie une constatation selon laquelle le plaignant a été traité de façon différente des autres candidats. Rien ne prouve que l’intimé a agi ou a omis d’agir, ou qu’il a pris des décisions, en fonction du statut du plaignant, qui fait partie d’un groupe visé par l’équité en emploi, à savoir un groupe de minorité visible.

Décision

61 Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.

62 Comme la plainte n’est pas fondée, il n’est pas nécessaire que le Tribunal aborde les arguments des parties portant sur les recours.

Merri Beattie

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0064
Intitulé de la cause:
Zhao et le Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration et al.
Audience:
Audience sur dossier
Date des motifs:
Le 7 novembre 2008

Comparutions:

Pour le plaignant:
Shansheng Zhao
Pour l'intimé:
Amita Chandra
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
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