Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé sa première plainte au motif qu’on lui a demandé de s’excuser auprès d’un autre membre de l’agent négociateur et qu’elle a refusé de le faire - le Comité exécutif a présenté des excuses au nom de la plaignante - elle a déposé sa seconde plainte lorsqu’on l’a suspendue de ses fonctions au sein de l’organisation syndicale, en vertu d’une politique récemment instaurée, au motif qu’elle avait déposé une plainte devant la Commission - l’agent négociateur a fait valoir que la Commission n’avait pas compétence pour se prononcer sur les affaires internes de l’organisation syndicale - la Commission a rejeté l’objection compte tenu des modifications législatives qui l’habilitent à se pencher, dans une certaine mesure, sur les interactions de l’agent négociateur avec ses membres - la Commission a rejeté la première plainte après avoir déterminé que l’agent négociateur avait agi correctement - néanmoins, la Commission a accueilli la seconde plainte - aux termes de la politique, tout membre qui entame une procédure externe pour se plaindre est automatiquement suspendu de ses fonctions - la Commission a jugé que cette politique, quoique justifiée dans certaines circonstances, était d’application trop large et privait indûment la plaignante de son droit d’exercer les fonctions des postes auxquels elle avait été élue ou nommée - par ordonnance, la Commission a ordonné à l’agent négociateur de rétablir la plaignante dans ses fonctions et de modifier la politique. Objection préliminaire rejetée. Une plainte rejetée. Une plainte accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-08-26
  • Dossier:  561-34-202 et 339
  • Référence:  2009 CRTFP 103

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

Irene J. Bremsak

plaignante

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant des plaintes visées à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John Steeves, commissaire

Pour la plaignante:
John Lee, représentant

Pour le défendeur :
Geoffrey Grenville-Wood et Isabelle Roy, avocats

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
du 27 au 31 octobre 2008 et du 5 au 7 mai 2009.
Arguments écrits déposés le 22 mai et les 1er, 17 et 25 juin 2009.
(Traduction de la CRTFP.)

I. Plaintes devant la Commission

1 La présente décision porte sur deux plaintes d’Irene J. Bremsak (la « plaignante ») contre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada ( le     « défendeur » ou l’« agent négociateur ») et certaines personnes élues ou employées par l’agent négociateur.

2 La plaignante accuse l’agent négociateur d’avoir contrevenu à l’alinéa 188c) et au sous-alinéa 188e)(ii) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la     « Loi »). L’alinéa 188c) interdit à l’organisation syndicale de prendre des mesures disciplinaires contre un fonctionnaire ou de lui imposer « une sanction quelconque » en lui appliquant d’une manière discriminatoire les normes de discipline de l’organisation syndicale. L’alinéa 188e) interdit à l’agent négociateur de faire des distinctions illicites à l’égard d’une personne en matière d’adhésion à une organisation syndicale, ainsi que d’user de menaces ou de coercition à son égard ou de lui imposer « une sanction, pécuniaire ou autre » pour avoir présenté une demande sous le régime de la Loi.

3 La première plainte a commencé par un courriel de la plaignante à propos de la controverse entourant une élection locale au sein de l’agent négociateur. La plaignante reprochait à une autre membre, qui avait été déclarée élue par souci d’assurer la représentation régionale, de ne pas s’être désistée, par « manque d’éthique » et de « sens moral ». La personne visée par ces commentaires a présenté une plainte à la présidente de l’agent négociateur, dans laquelle elle alléguait que la plaignante avait tenu des propos diffamatoires et malveillants à son égard. Le Comité exécutif de l’agent négociateur a accueilli la plainte et demandé par écrit à la plaignante, le 12 septembre 2007, de présenter des excuses. La plaignante ayant refusé, le Conseil d’administration de l’agent négociateur a décidé de le faire à sa place. La plaignante a alors déposé une plainte, le 16 novembre 2007, devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), dans laquelle elle alléguait que l’agent négociateur lui avait imposé une sanction ou une mesure disciplinaire quelconque d’une manière discriminatoire, en contravention de l’alinéa 188c) de la Loi.

4 La seconde plainte est datée du 11 avril 2008 (mais n’a été déposée devant la Commission que le 8 juillet 2008) et porte sur la décision de l’agent négociateur d’établir une politique concernant les demandes présentées à des « organismes extérieurs ». La Commission figure dans la liste des organismes extérieurs visés par cette politique. L’effet de la politique est le suivant : « […] [q]uand un […] membre[…] renvoie[…] une affaire, qui a été ou aurait dû être référée à la procédure interne de l’Institut, à un processus ou une procédure externe pour étude, ce[…] membre[…] [est] automatiquement suspendu[…] temporairement […] » des fonctions et des tâches liées à la charge ou au poste auquel il a été élu ou nommé. Le 9 avril 2008, le président intérimaire de l’agent négociateur a avisé la plaignante que, conformément à cette politique, elle était suspendue temporairement de quatre postes auxquels elle avait été élue ou nommée pour avoir déposé une plainte devant la Commission. Il indiquait également que la suspension temporaire serait levée dès que les procédures externes auraient pris fin, quelle qu'en soit la raison. La plaignante avance que la politique est discriminatoire et que l’agent négociateur a fait des distinctions illicites à son égard en matière d’adhésion à une organisation syndicale en lui appliquant cette politique et qu’il a usé de menaces ou de coercition et lui a imposé une sanction pécuniaire « ou autre » pour avoir présenté une demande à la Commission, en contravention du sous-alinéa 188e)(ii) de la Loi.

II. Résumé des positions des parties

5 Dans sa première plainte, la plaignante conteste avec véhémence les mesures prises par l’agent négociateur et le processus qu’il a appliqué. Elle avance que l’agent négociateur a agi d’une manière discriminatoire à son égard, qu’il l’a menacée et harcelée et qu’il lui a imposé des sanctions, en contravention de l’alinéa 188c) de la Loi. Elle nie avoir commis quelque acte répréhensible que ce soit dans le contexte de la controverse qui a entouré l’élection de 2007; et accuse notamment l’agent négociateur et ses dirigeants de « [traduction] ne pas avoir été honnêtes » avec elle. Elle allègue également que l’agent négociateur a dérogé à ses propres statuts durant le processus d’enquête et de résolution de sa plainte. En ce qui concerne la politique relative aux demandes présentées à des organismes extérieurs, elle avance que l’agent négociateur a fait des distinctions illicites à son égard, en contravention de l’alinéa 188e)(ii) de la Loi, au motif qu’elle a déposé une plainte devant la Commission. Pour finir, la plaignante attire l’attention sur une décision très récente de la Commission à propos du même agent négociateur et de la même politique. Elle veut que l’agent négociateur lui présente des excuses, qu’il lui accorde du temps lors de la prochaine assemblée générale annuelle pour prendre la parole, qu’il lui rembourse ses dépenses et que la politique de l’agent négociateur soit déclarée non conforme à la Loi.

6 Pour sa part, l’agent négociateur conteste, à titre préliminaire, ma compétence pour intervenir dans la conduite de ses affaires internes. Dans le cas de la première plainte, l’agent négociateur admet qu’il a demandé à la plaignante de présenter des excuses et qu’il a fait des excuses au nom de l’organisation parce qu’elle refusait de le faire. Il soutient toutefois que cela ne constituait pas une mesure disciplinaire ni l’imposition d’une sanction quelconque d’une manière discriminatoire. Dans le cas de la seconde plainte, et de la politique prévoyant la suspension des membres qui présentent des demandes à des organismes extérieurs, l’agent négociateur défend la position selon laquelle la politique était justifiée au vu du nouvel article 188 de la Loi. Il estime en outre que c’est un moyen utile et nécessaire pour résoudre le problème des membres qui sont en conflit d’intérêts en tant que dirigeant élu ou nommé après avoir présenté une demande à un organisme extérieur à propos de questions de régie interne. L’agent négociateur demande que les plaintes soient rejetées.

III. Contexte

7 La plaignante travaille à Santé Canada depuis un certain nombre d’années; elle y occupait tout récemment le poste d’inspectrice des décisions médicales. Elle a également exercé diverses charges, à titre de membre élu ou nommé, au sein de l’agent négociateur, dont celles de membre de l’Exécutif régional, de présidente du chapitre de Vancouver et de déléguée syndicale.

8 L’agent négociateur représente environ 55 000 fonctionnaires fédéraux répartis dans une quarantaine de groupes professionnels, dans six régions géographiques. Cela donne quelque 350 organismes constituants qui appliquent chacun leurs propres statuts et élisent ou nomment leurs propres dirigeants. Les membres ont le dernier mot sur presque toutes les questions et expriment généralement leurs voix lors d’assemblées générales auxquelles participent des délégués; à l’article 13.2.1 des Statuts de l’agent négociateur, il est écrit que l’Assemblée générale annuelle « […] constitue l’instance suprême de l’Institut ». L’organisation syndicale compte un président et d’autres dirigeants, qui forment le conseil d’administration et qui exercent les pouvoirs de l’agent négociateur entre les assemblées générales annuelles, en interprétant notamment les statuts et les politiques pris par les assemblées (articles 15.2.1 et 15.2.2 des Statuts). L’agent négociateur comprend également des conseils régionaux, des chapitres, des groupes et des sous-groupes. Par exemple, il existe un conseil régional de la Colombie­-Britannique (C.-B.) et du Yukon dont les membres élus sont issus de la région. À l’époque où les présentes plaintes ont été déposées, la présidente de l’agent négociateur était Mme Michèle Demers, décédée prématurément durant l’instruction des présentes plaintes.

9 Les événements ayant donné lieu aux plaintes ont commencé en juin 2007, au lendemain d’une élection au conseil régional de la C.-B et du Yukon. Huit personnes avaient posé leur candidature aux quatre postes à pourvoir, dont Susan Ramsay. Le comité d’élection a d’abord annoncé que les quatre candidats qui avaient obtenu le plus grand nombre de voix étaient élus. Mais un problème est survenu parce que les statuts du conseil régional exigent qu’un représentant de Victoria (C.-B.) siège au conseil régional. Or aucun des quatre candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix ne provenait de Victoria. Pour résoudre ce problème, on a décidé que Mme Ramsay, qui provient de Victoria, devait être déclarée élue. Après quelque temps et deux opinons juridiques, on a finalement conclu qu’il n’était pas nécessaire de déclarer Mme Ramsay élue, pour la bonne raison qu’un autre membre du conseil régional (qui siégeait déjà au conseil) provenait de Victoria et que cela satisfaisait à l’exigence contenue dans les statuts. Mme Ramsay a dès lors démissionné du poste auquel elle était réputée avoir été élue.

10 La question de la représentation et l’élection présumée de Mme Ramsay ont suscité beaucoup de controverse parmi les membres de la région de la C.-B et du Yukon. La plaignante, entre autres, était d’avis que Mme Ramsay aurait dû se désister dès le départ; elle a d’ailleurs déclaré, durant son témoignage, qu’elle ne s’« expliquait » pas pourquoi Mme Ramsay ne l’avait pas fait.

11 Des courriels ont circulé entre les membres. La plaignante a elle-même écrit à diverses personnes au sein de l’agent négociateur, le 1er juillet 2007. Son courriel contenait notamment le passage suivant :

[Traduction]

[…]

[…] bref, les règles de l’éthique voudraient que le candidat qui est arrivé dernier se désiste en attendant que cette question soit résolue. En se désistant, ce candidat se montrerait respectueux de nos statuts et permettrait l’application régulière de la procédure. Il ferait ainsi la preuve irréfutable de son sens élevé de l’éthique dans une situation qui échappe totalement à son contrôle. En refusant de se désister, ce candidat montre toutefois qu’il est dénué de sens moral.

[…]

12 Après avoir expédié ce courriel, et durant son témoignage, la plaignante a refusé d’admettre que ces commentaires visaient Mme Ramsay : elle a soutenu qu’elle ne « port[ait] pas un jugement » sur Mme Ramsay et qu’elle : « [traduction] […] croyai[t] qu[’elle] lui faisai[t] un compliment […] » et que « [traduction] […] [Mme Ramsay] allait simplement prendre une décision quand elle serait prête à le faire. »

13 Le courriel de la plaignante a été interprété différemment par d’autres membres de l’agent négociateur. Mme Ramsay, notamment, a envoyé un courriel à la présidente, le 30 juillet 2007, pour l’aviser qu’elle voulait déposer une plainte officielle contre la plaignante parce que ses commentaires « [traduction] […] visaient à [la] harceler et à ternir [s]a réputation […] ». L’agent négociateur a tenté de résoudre la plainte par un processus de médiation, mais sans succès. Le 12 septembre 2007, Mme Demers a écrit à la plaignante pour l’informer que le Comité exécutif avait examiné son courriel du 1er juillet 2007 et qu’il « [traduction] […] considér[ait] comme inacceptable qu’on porte un jugement sur le sens éthique et moral d’une personne dans un courriel envoyé à quarante-sept (47) personnes et que cela dénot[ait] un manque de jugement en soi. » Mme Demers indiquait aussi que le Comité exécutif avait jugé la plainte de Mme Ramsay valide et qu’il avait recommandé la mesure corrective suivante :

[Traduction]

[…]

[…] que vous présentiez vos excuses à la plaignante, Mme Ramsay, par courriel, avec copie aux personnes qui ont reçu votre courriel initial du 2 [sic] juillet 2007 et aux membres du Comité exécutif de l’Institut, au plus tard le 26 septembre 2007.

[…]

14 Mme Demers terminait sa lettre en offrant à la plaignante de :

[Traduction]

[…] résoudre le conflit de manière informelle. Cependant, [s]i vous décidez de ne pas donner suite à cette offre, nous soumettrons l’affaire au Conseil d’administration, qui présentera des excuses en votre nom à la plaignante et aux personnes qui ont reçu votre courriel et qui déterminera si d’autres mesures sont nécessaires.

15 En réponse à la lettre du 12 septembre 2007, la plaignante a déposé une plainte interne contre la présidente, dans un courriel daté du 14 septembre 2007. La plainte était fondée sur les statuts de l’agent négociateur et alléguait que Mme Ramsay et les dirigeants de l’agent négociateur entretenaient des liens « étroits» d’amitié et de fidélité. La plaignante prétendait que Mme Ramsay et d’autres personnes soutenaient étroitement les « efforts » de la présidente pour évincer une « [traduction] […] rivale au poste de président lors de la prochaine élection » et qu’ils lui apportaient une aide indispensable à cette fin. Elle disait également qu’en apportant son aide et son appui à une autre personne et en cherchant à « discréditer » la plaignante « [traduction] [Mme Demers] affich[ait] au grand jour [son] parti pris et sa partisanerie […] ». Le courriel contenait également le paragraphe suivant :

[Traduction]

[…]

Dans votre empressement à me discréditer pour venir en aide à M. Chevalier, qui vous appuie, vous avez délibérément dérogé à nos statuts et à nos politiques et porté atteinte à mon droit à une audition impartiale. Vous connaissez évidemment les statuts, règlements et politiques de l’IPFP et n’avez donc aucune raison de ne pas vous y conformer. Ma seule conclusion est que vous avez intentionnellement décidé de ne pas en tenir compte. Il s’ensuit que je dépose officiellement une plainte contre vous, Michèle Demers, concernant votre conduite et les mesures injustes que vous avez prises contre moi pour m’empêcher de bénéficier d’une audition impartiale.

[…]

Comme il est indiqué dans le courriel susmentionné, la plaignante a ensuite interjeté appel devant le Conseil d’administration de la décision de la présidente datée du 12 septembre 2007.

16 Avant d’aller plus loin, il me semble utile de fournir quelques renseignements à propos des statuts, des politiques et des procédures de l’agent négociateur. Eddie Gillis est le secrétaire exécutif de l’agent négociateur. Il occupe également d’autres postes, dont celui de secrétaire exécutif du Conseil d’administration. Il a déclaré à l’audience qu’il y avait une section des statuts de l’agent négociateur, dont l’article 24, qui portait sur l’imposition de mesures disciplinaires aux membres. Selon lui, l’article 24 des Statuts n’est utilisé que dans des cas très graves, et il ne se souvenait que de deux cas passés où cette disposition avait été appliquée, dont une grave affaire de fraude.

17 M. Gillis a également indiqué que l’agent négociateur utilisait divers processus informels pour résoudre des conflits entre des membres et des dirigeants élus ou nommés. Par exemple, les dirigeants élus ou nommés sont censés se saisir des problèmes et tenter de les résoudre de manière individuelle et informelle. Les problèmes sont souvent résolus de cette manière, indépendamment de tout document écrit et sans prévenir le Comité exécutif, le Conseil d’administration ou le président. Don Burns, un vice-président de l’agent négociateur, a déclaré que les dirigeants essayaient d’abord de résoudre les conflits entre les membres de manière informelle afin que « [traduction] […] chacun y trouve son compte ». Comme nous le verrons plus loin, la plaignante conteste cette façon de résoudre les plaintes et s’appuie sur l’interprétation et l’application rigoureuse des statuts; elle soulève également la question de savoir si les statuts ont été appliqués dans ce cas-ci. L’agent négociateur soutient pour sa part qu’il n’est pas nécessaire d’appliquer les statuts à la lettre et que les procédures utilisées n’étaient pas prévues par les statuts et qu’il n’était pas nécessaire qu’elles le fussent.

18 M. Gillis explique que l’agent négociateur a tenté, dans ce cas-ci, de résoudre la plainte de Mme Ramsay contre la plaignante de manière informelle. Après l’échec de ce processus, il a appliqué la politique visée à l’article 11 de la partie B du Manuel des politiques. Cette politique s’intitule Plainte par un membre de l’Institut contre un autre membre élu ou nommé à un poste et est libellée comme suit :

[Traduction]

[…]

1. Préambule

La présente politique entre en vigueur lorsqu'un membre est mécontent des mesures prises par d'autres membres dans le cadre de leurs fonctions de dirigeants nommés ou élus de l'Institut. Cette politique ne s’applique pas aux membres de l’Institut élus en vertu de l’article 20.1 des Statuts.

2. Procédure d’enquête

(1)      Une plainte doit être remise au Président, par écrit. Le membre contre qui une plainte a été déposée en est avisé et on lui demande de répondre par écrit avant une date précise.

(2)      Le Président, assisté du Comité exécutif, peut nommer une ou plusieurs personnes pour faciliter le règlement informel des plaintes entre les parties ou pour faire enquête.

(Conseil d’administration – le 19 avril 2005)

3. L’enquêteur remet un rapport au Comité exécutif.

4. D’après ce rapport, le Comité exécutif établit la validité de la plainte.

(1)      Si une plainte est jugée non fondée, aucune autre mesure n’est prise après que les parties (le plaignant et le membre élu ou nommé) sont informés de la décision.

(2)      Lorsqu’une plainte est jugée valide, les parties en sont ainsi avisées et doivent avoir la possibilité de régler la situation de façon informelle à la satisfaction de toutes les personnes en cause. Si cette mesure n’est pas possible, le membre élu ou nommé peut décider de présenter sa démission.

5. Si le processus informel ne permet pas de résoudre le problème, le Comité exécutif peut recommander au Conseil d’autres mesures.

[…]

Selon la preuve, cette politique existe depuis plusieurs années. Elle a été révisée en décembre 1994, à l’exception du paragraphe 2(2), qui a été révisé ou incorporé par le Conseil d’administration, le 19 avril 2005. La version la plus récente de cette politique est datée du 11 août 2007 et est intitulée « Politique de règlement des différends ».

19 M. Gillis a expliqué que les processus informels n’avaient pas donné les résultats escomptés dans le dossier de la plaignante et que l’affaire avait été soumise au Comité exécutif pour obtenir une décision, d’où la lettre du 12 septembre 2007 de la présidente à la plaignante. M. Gillis a également expliqué que la politique susmentionnée ne prévoyait pas de procédure d’appel, mais que l’agent négociateur avait pallié ce manque en établissant d’autres politiques, dont une procédure de règlement des conflits. Comme cette procédure comprenait un processus d’appel ou d’examen, le Conseil d’administration a décidé d’accorder à la plaignante un droit « extraordinaire » d’appel. La plaignante n’a pas été avisée qu’il s’agissait d’un droit extraordinaire, mais elle a néanmoins décidé d’interjeter appel et de présenter des arguments détaillés au Conseil d’administration, le 22 octobre 2007. Après avoir examiné les arguments lors d’une séance à huis clos, le 7 décembre 2007, le Conseil d’administration a rejeté l’appel. Par la suite, le 12 décembre 2007, le Conseil d’administration a envoyé un communiqué aux 47 personnes qui avaient reçu le courriel du 1er juillet 2007 pour s’excuser, au nom du défendeur, du ton et du contenu inacceptables du courriel.

20 La plaignante a écrit au Conseil d’administration, le 18 décembre 2007, pour exiger le retrait immédiat du communiqué envoyé aux 47 personnes qui avaient reçu le courriel du 1er juillet 2007. L’agent négociateur avait jusqu’au 31 décembre 2007 pour retirer le communiqué, faute de quoi la plaignante déposerait une plainte devant la Commission. Un représentant de l’agent négociateur a avisé la plaignante, le 24 décembre 2007, que la décision du Conseil d’administration demeurait inchangée.

21 En fait, la plaignante avait déjà déposé sa première plainte devant la Commission, le 16 novembre 2007. Elle y alléguait que l’agent négociateur ne l’avait pas avisée par écrit avant de rendre sa décision du 12 septembre 2007 et demandait les mesures correctives suivantes :

[Traduction]

[…]

a)       Le rejet de la plainte.

b)       Le retrait de la décision du Comité exécutif du 12 septembre 2007.

c)       Des excuses publiques de la part de Michèle Demers reconnaissant qu’elle-même et le Comité exécutif ont dérogé aux statuts et règlements de l’IPFPC et aux principes généraux de la justice naturelle.

d)       Une corroboration de la part de Michèle Demers que toutes les mesures prises par la plaignante étaient conformes aux statuts et règlements de l’IPFPC et aux principes généraux de la justice naturelle.

[…]

22 Dans sa réponse datée du 14 décembre 2007, l’agent négociateur soulève la question de savoir si la plainte est fondée sur la disposition pertinente de la Loi. Il remet également en question la compétence de la Commission pour se prononcer sur ce qu’il décrit comme des questions de régie interne.

23 Le 3 mars 2008, Mme Demers a envoyé à la plaignante une lettre détaillée dans laquelle elle faisait la chronologie des événements survenus jusqu’à cette date-là. Elle se disait « [traduction] […] très préoccupée par le ton de [son] courriel, ainsi que par les accusations, les demandes qui se muent en menaces, les ultimatums, le « chantage » et l’action qu[’elle] a[vait] engagée. » La lettre disait aussi ceci :

[Traduction]

[…]

Je crains aussi beaucoup que votre comportement agressif et belliqueux ne dissuade des membres de militer comme bénévole au sein de l’Institut professionnel. J’ai peur que d’autres, dans votre groupe actuel de bénévoles, ne décident de démissionner à cause de la façon dont vous avez agi. Je dois vous dire que certains ont déjà manifesté leur intention de démissionner. Je ne peux pas demeurer passive et tolérer de telles attitudes négatives et intimidantes à l’égard de membres et de bénévoles de notre syndicat. L’enjeu est trop important pour nos membres, notre personnel et l’intérêt public pour que je laisse cette situation perdurer.

Je profite de l’occasion pour vous exhorter, par les présentes, à changer d’attitude et à trouver une façon plus positive d’aider vos collègues syndiqués. Le mode fondé sur les attaques et les représailles que vous avez adopté contre votre syndicat et nos bénévoles est contre-productif, extrêmement dommageable et totalement inacceptable aux yeux des membres de votre région et de l’ensemble de l’Institut professionnel.

[…]

24 Le représentant de la plaignante a écrit à la Commission, le 7 mars 2008, pour se plaindre de cette lettre, qu’il qualifiait, entre autres choses, de lettre « [traduction] de menace et de harcèlement ».

25 Je vais maintenant examiner la preuve se rapportant à la politique de l’agent négociateur relative aux membres qui présentent des plaintes à des organismes extérieurs.

26 L’agent négociateur a écrit à la plaignante, le 9 avril 2008. La lettre contenait une copie d’une politique « [traduction] […] récemment adoptée par le Conseil d’administration, qui s’applique aux membres qui engagent des procédures contre l’Institut professionnel devant des organismes extérieurs. » Cette politique est intitulée Politique relative aux membres et aux plaintes à des organismes extérieurs. J’en reproduis le texte ici :

[Traduction]

[…]

1. INTRODUCTION

Dans ses Statuts et politiques, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada offre des procédures permettant

1) à des membres de soumettre des plaintes contre d’autres membres;

2) la résolution de différends entre et parmi les membres; et

3) l’application de mesures disciplinaires dans les cas où l’Institut estime que des membres ont adopté un comportement qui pourrait porter atteinte d’une façon ou d’une autre aux intérêts ou à la réputation de l’Institut, ou restreindre ses activités.

Ces procédures internes permettent d’aborder équitablement et de manière raisonnable la résolution de certaines questions difficiles qui se présentent inévitablement entre et parmi les membres d’une organisation aussi vaste et diverse que l’Institut.

De plus, il est peut-être inévitable que certains cas ne trouvent pas leur aboutissement dans le processus interne. Certains membres ont recours à des processus externes pour résoudre leurs problèmes quand ils ne sont pas satisfaits du résultat des procédures internes.

Le but de cette politique est d’aborder les difficultés qui se présentent quand les membres transfèrent des problèmes originellement internes à des processus externes.

2. PROCESSUS OU PROCÉDURES EXTERNES

Cette politique s’appliquera si un membre renvoie une affaire à un quelconque processus externe alors qu’elle a été ou aurait dû être traitée en ayant recours aux procédures internes de l’Institut. Dans le cadre de cette politique, les processus ou procédures externes comprennent le recours aux organismes suivants, mais n’y sont pas limités :

  • la Cour suprême du Canada;
  • la Cour d’appel fédérale;
  • la Cour fédérale;
  • la cour d’appel de toute province ou de tout territoire;
  • la cour supérieure de toute province ou de tout territoire;
  • tout tribunal provincial ou territorial;
  • la Commission des relations de travail dans la fonction publique;
  • toute autre commission ou tout autre tribunal fédéraux;
  • toute autre commission ou tout autre tribunal provinciaux ou territoriaux; ou
  • tout organisme décisionnel autre que l’Institut.

Cette politique ne s’appliquera pas nécessairement si l’Institut et le membre ou les membres s’entendent volontairement et conjointement pour renvoyer l’affaire en litige à un processus externe. Toutefois, pour qu’un tel renvoi soit effectif, il est nécessaire que le membre ou les membres signent un mémoire conjointement avec les représentants dûment autorisés de l’Institut.

3. POLITIQUE

(1) Quand un ou des membres renvoient une affaire, qui a été ou aurait dû être référée à la procédure interne de l’Institut, à un processus ou une procédure externe pour étude, ce ou ces membres sont automatiquement suspendus temporairement des fonctions et des tâches liées à la charge ou au poste auquel ils ont été élus ou nommés à l’Institut. Cette suspension temporaire cesse dès que les procédures externes prennent fin, quelle qu’en soit la raison.

(2) Il est entendu qu’il est contraire à son devoir de loyauté envers l’Institut qu’un membre du Conseil d’administration ou de tout organisme décisionnaire de l’Institut, qu’il soit national, régional, local, de groupe, de sous-groupe, de chapitre, ou que tout membre nommé à un poste représentent ou participent de quelque façon au soutien d’un ou de plusieurs membres dans tous processus ou procédures externes contre l’Institut. Tout membre appartenant aux organismes décisionnaires évoqués ci-dessus ou occupant un poste auquel il a été nommé et qui représenterait un ou plusieurs membres ou participerait au soutien d’un ou de plusieurs membres dans un processus ou une procédure externe sera automatiquement réputé avoir démissionné de tous les postes auxquels il a été élu ou nommé.

4. EXCEPTION

Le paragraphe 3.(2) de cette politique ne s’appliquera pas à un membre du Conseil d’administration ou de tout organisme décisionnaire de l’Institut qui est convoqué pour témoigner dans un processus ou une procédure externes à la suite d’une citation ou d’une assignation à témoin dûment délivrée.

Approuvé par le Conseil d’administration
le 19 mars 2008

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original.]

27 L’agent négociateur a produit des éléments de preuve à propos des objectifs de la politique et j’en fais l’analyse un peu plus loin. Le problème se résume à ceci : depuis l’entrée en vigueur de l’article 188 de la Loi, il est désormais possible pour des membres d’occuper une charge au sein de l’agent négociateur tout en étant partie à une plainte contre celui-ci. Selon l’agent négociateur, cela place les membres en situation de conflit d’intérêts et soulève des questions valables à propos du devoir de loyauté des dirigeants élus.

28 La politique a d’abord été examinée lors d’une réunion à huis clos du Comité exécutif de l’agent négociateur, le 14 février 2008. Le projet de politique a ensuite été soumis à l’examen du Conseil d’administration, les 21 et 22 février 2008. Je reproduis ici un passage du procès-verbal de cette réunion :

[Traduction]

[…]

Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle LRTFP, l’Institut a été l'objet de deux plaintes devant la CRTFP. Le plaignant a été suspendu dans un cas, mais pas dans l’autre. La politique proposée traite des cas où un membre élu ou nommé à un poste officiel de l’Institut qui entreprend un recours devant un tribunal ou une procédure contre l’Institut devrait être relevé de ses fonctions jusqu’à ce que la procédure prenne fin et que les conclusions soient rendues. La politique proposée sera examinée plus en profondeur lors de la prochaine réunion du Conseil d’administration. Le dossier sera ensuite transmis au CSP pour qu’il rédige le texte de la politique.

Suivi : Conseil d’administration/J. Gagnon

[…]

29 Dans son témoignage pour le compte de l’agent négociateur, David Gray, un vice-président de l’agent négociateur, a déclaré que la politique avait également été analysée par le Comité des statuts et probablement par d’autres membres de l’organisation, bien qu’il n’existe aucun compte rendu de ces discussions. La politique a été adoptée par le Conseil d’administration, le 19 mars 2008. Je reproduis ci-après un passage du procès-verbal de cette réunion :

[Traduction]

[…]

L’avocat général de l’Institut s'est joint au Conseil d’administration pour cette partie de la discussion. Le projet de politique est soumis à l’examen et à l’approbation du conseil. La nouvelle politique vise à protéger les intérêts de l’Institut lorsqu’une personne renvoie une affaire à un processus externe. Cela devrait aller de soi qu’une personne qui a déposé une plainte contre l’Institut devant un organisme extérieur ne devrait pas représenter des membres de l’Institut en tant que membre élu ou nommé. Il ne s’agit pas d’une politique disciplinaire.

Motion proposée et appuyée : Que le Conseil d’administration approuve la politique proposée en ajoutant un énoncé concernant les assignations à comparaître.

Que se passe-t-il, demande-t-on, si un membre est appelé à témoigner et que sa déposition étaye la cause de la personne concernée? La réponse donnée est que les personnes qui sont appelées à témoigner sont censées dire la vérité et présenter les faits. Témoigner dans une affaire et faire quelque chose à l’appui de la cause sont deux choses différentes. Il faut cependant s’abstenir de discuter de l’affaire avec la personne concernée.

D’aucuns observent qu’il faudrait établir clairement cette distinction dans la politique. Il faudrait également expliquer la différence qui existe entre être assigné à comparaître, qui a valeur d’obligation, et témoigner de son plein gré. D’autres paramètres (exemples) devraient être ajoutés pour mieux expliquer les restrictions qui s’appliquent aux « communications » (« à l’appui de »). Cela s’appliquerait également aux employés. Les membres du personnel savent très bien qu’il existe un processus pour résoudre ces cas-là.

Sous réserve de son approbation, la politique s’appliquera immédiatement. On prendra donc des mesures de suivi dans les dossiers où l’Institut est actuellement mis en cause dans une procédure externe. Les membres concernés devraient être suspendus de leurs fonctions jusqu’à ce que l’affaire soit résolue. Les exécutifs des organismes constituants devront alors décider, compte tenu de leurs statuts respectifs, s’ils veulent pourvoir temporairement le poste devenu vacant.

[…]

30 Il existe une seconde version de la politique. Cette version porte les mêmes dates que celle reproduite ci-dessus, mais il est évident que c’est une version ultérieure. M. Gray a d’ailleurs déclaré que cette version répondait à des préoccupations des membres. La principale différence qui existe entre les deux textes est qu’au paragraphe 3(2) de la seconde version, il est écrit que le dirigeant doit être « temporairement suspendu » alors que dans le texte original, le dirigeant est « réputé avoir démissionné ».

31 La politique ne fait pas l’unanimité au sein de l’agent négociateur. James Thatcher a occupé et occupe encore diverses charges électives au sein de l’agent négociateur; il est d’ailleurs l’une des 47 personnes qui ont reçu une copie du courriel de la plaignante daté du 1er juillet 2007. Dans son témoignage, M. Thatcher s’est interrogé sur la question de savoir si la politique était conforme à l’article 24 des Statuts et aux suspensions prévues par cette disposition. Il s’est également demandé si l’agent négociateur était fondé à appliquer la politique aux membres qui, comme la plaignante, avaient présenté une demande avant l’entrée en vigueur de la politique. Toujours durant son témoignage, il a exprimé l’avis que la politique contrevenait à l’article 188 de la Loi. Il a déclaré que lui-même et d’autres avaient fait part de ces questions au conseil régional et que cela avait abouti à la présentation d’une résolution au Conseil d’administration. Ils cherchent à faire annuler la politique, mais leurs efforts n’ont toujours pas été couronnés de succès. Une résolution a été présentée lors l’assemblée générale annuelle de novembre 2008, mais le point n’a pas été débattu.

32 La plaignante conteste avec véhémence la politique de l’agent négociateur et l’effet que cette politique a eu sur ses activités à titre de dirigeante élue. Dans une lettre adressée à la Commission le 11 avril 2008, le représentant de la plaignante allègue que l’agent négociateur a pris des « mesures de représailles » contre la plaignante, en violation du sous-alinéa 188e)(ii) de la Loi. Cette allégation a finalement été considérée comme une plainte distincte, mais la Commission a décidé de l’instruire avec la première plainte. La plaignante a également demandé à la Commission de rendre une décision provisoire la réintégrant dans les postes auxquels elle avait été élue, entre autres choses. La Commission a rejeté cette demande dans une décision datée du 4 juillet 2008.

33 Malgré le fait qu’elle avait été suspendue de ses fonctions, la plaignante a assisté à diverses réunions de l’agent négociateur en avril 2008. L’agent négociateur lui avait dit, à cette époque, qu’elle conservait ses droits d’adhésion, y compris celui d’assister et aux réunions et d’intervenir, mais qu’elle n’avait pas le droit de participer aux votes. Dans son témoignage, la plaignante a déclaré qu’elle avait été « estomaquée » et « vexée » par la façon dont on l’avait traitée à ces réunions; « [traduction] […] Je me suis dit que cette politique était totalement inacceptable, qu’elle faisait peur aux membres, qui n’osaient plus utiliser les outils qui sont à leur disposition. » Elle a assisté aux réunions, dit-elle, « [traduction] […] par souci du devoir […] » parce qu’elle avait été élue par les membres. Elle a également déclaré qu’elle « [traduction] ne comprenai[t] pas le sens de la lettre » et qu’il « [traduction] […] ne [lui] était pas venu à l’idée qu[’elle] ne pouvai[t] pas assister [aux réunions] comme déléguée. »

34 L’agent négociateur s’attendait pour sa part à ce que la présence de la plaignante aux réunions cause des problèmes. C’est pourquoi l’adjointe de direction de la présidente a envoyé un courriel aux dirigeants du conseil régional de la C.-B. et du Yukon pour les informer que la plaignante ne pouvait pas être considérée comme une déléguée du conseil régional, mais que rien ne l’empêchait d’assister aux réunions comme membre. Le courriel contenait notamment le passage suivant :

[Traduction]

[…]

3. Participation aux réunions de l’Exécutif des sous-groupes du chapitre – Rien n’empêche les membres en règle d’assister aux réunions. Dans ce cas-ci, la membre doit payer elle-même ses dépenses, car elle participe à la réunion à titre d’observatrice seulement. Le président peut lui demander de quitter la pièce s’il juge ses interventions inopportunes. Si des discussions en viennent à se dérouler à « huis clos », vous devez la prier de quitter la pièce. La pratique, au conseil, est que le membre doit d’abord demander l’autorisation du président (au bureau du président). Si cette autorisation est accordée, nous en informons le membre en lui signalant qu’il pourrait être prié de quitter la pièce si une discussion se tient à « huis clos ». Nous avons aussi l’habitude de l’inviter à se joindre aux membres du conseil pour le déjeuner.

[…]

35 La plaignante a déclaré, durant son témoignage, que les actions de l’agent négociateur l’avaient « enragée et peinée » parce qu’il la « [traduction] […] trait[ait] plus ou moins comme une criminelle. »

36 Les deux parties ont des versions quelque peu différentes de la façon dont se sont réellement déroulées les réunions. La plaignante dit qu’elle a essentiellement été tenue à l’écart, qu’elle n’a pas été capable d’intervenir et que, contrairement aux autres, elle a été obligée de payer ses repas. M. Gray affirme, en revanche, qu’on l’avait prié d’assister aux réunions pour prêter main-forte au chapitre local « [traduction] […] dans une situation très difficile. » Selon son témoignage, la plaignante avait insisté pour participer à la réunion comme dirigeante et on avait été obligé de lui dire qu’elle n’en était pas une. Durant la réunion, la plaignante a repris de plus belle ses injures à propos de l’élection précédente; elle revenait sans cesse sur sa « [traduction] […] saga continuelle pour savoir qui devrait présenter des excuses. ». M. Gray a rejeté l’idée que la plaignante défendait tout simplement les intérêts de ses membres avec passion, un point de vue que partageait également M. Burns.

IV. Questions de procédure et autres

37 Comme on l’aura sans doute constaté à la lecture des faits décrits ci-dessus, bon nombre des questions que je dois trancher dans les présentes plaintes sont litigieuses et très complexes.

38 J’ai très souvent été obligé d’intervenir durant la présente instance. La plaignante étant représentée par un non-juriste, en l’occurrence son époux, je leur ai accordé une grande latitude pour présenter leur preuve et examiner celle de l’agent négociateur. J’ai rejeté un certain nombre d’objections de l’agent négociateur relativement à la pertinence et au caractère répétitif de certaines questions. J’ai néanmoins prié à quelques reprises le représentant de la plaignante de passer à la question suivante durant son contre-interrogatoire quand, par exemple, il insistait auprès de témoins pour leur faire admettre des arguments plutôt que des éléments de preuve. J’ai parfois été obligé de le prier de garder son calme et d’être moins agressif. Je lui ai également dit, à d’autres moments, qu’il ne pouvait pas utiliser des termes extrêmes comme « parjure » quand un témoin ne partageait pas son point de vue ou quand le témoin n’arrivait tout simplement pas à se souvenir des événements.

39 Un certain nombre de questions de procédure se sont posées durant l’audience et j’en rapporte quelques-unes ici.

A. Communication de documents

40 Les parties ont convenu, durant l’audience, qu’il n’existait aucune jurisprudence de la Commission sur l’article 188 de la Loi et elles m’ont demandé de leur fournir des indications sur l’interprétation de cette disposition. J’ai donc conclu que je devais leur accorder une certaine latitude dans la présentation de leur preuve afin de disposer d’un dossier suffisamment étoffé pour examiner toutes les questions éventuelles. Cela a causé des difficultés aux deux parties, et je leur sais gré de leur patience. Alors que les parties venaient de finir de présenter leurs arguments, la Commission a rendu deux décisions basées sur l’article 188, en l’occurrence : Veillette c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 58 (« Veillette 1 »), et Veillette c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada et Rogers,2009 CRTFP 64 (« Veillette 2 »). Dans les deux causes, la Commission a accueilli les plaintes en partie.

41 La plaignante et son représentant ont beaucoup insisté, tout au long de la présente instance, pour obtenir certains documents de l’agent négociateur. Cette question a fait l’objet d’un volumineux échange de correspondance et de plusieurs conférences préparatoires, mais, au bout du compte, un grand nombre de documents ont été communiqués à la plaignante, quoique « [traduction] très tardivement », selon elle. Dans certains cas, les parties ont trouvé elles-mêmes une solution à leurs différends à propos de la communication de documents, mais dans bien des cas, la Commission a été obligée d’intervenir pour résoudre des conflits qui sont survenus avant et durant la présentation de la preuve.

42 Par exemple, la plaignante a demandé à l’agent négociateur de lui fournir des renseignements à propos de l’élaboration de la politique relative aux membres qui présentent des demandes à des organismes extérieurs, dont les procès-verbaux des réunions du Comité exécutif et du Conseil d’administration. L’agent négociateur a cependant refusé de fournir de l’information à propos des séances à huis clos du Conseil d’administration et du Comité exécutif, pour deux raisons. La première était que les statuts interdisaient de communiquer les procès-verbaux des séances à huis clos, ce qui soulevait la question de savoir si une ordonnance de communication rendue sous le régime de la Loi l’emporterait sur les statuts. L’agent négociateur a ensuite invoqué le privilège de non-divulgation, au motif que le conseiller juridique avait participé à diverses réunions à huis clos. Je tiens néanmoins à préciser que l’agent négociateur a communiqué une multitude de documents à la plaignante.

43 Au début de l’audience, la plaignante a admis que les documents qui lui avaient été communiqués jusqu’à ce jour étaient suffisants. Il n’était donc plus nécessaire de déterminer si la Loi avait préséance sur les statuts relativement à la communication des procès-verbaux des réunions à huis clos et si ces procès-verbaux étaient protégés par le privilège ou devaient par ailleurs être considérés comme des documents confidentiels du fait que le conseiller juridique avait pris part aux réunions.

44 La question s’est cependant posée de nouveau durant les dépositions de nombreux témoins. Par exemple, la plaignante est revenue à la charge à plusieurs reprises, durant l’audience, pour dire que les procès-verbaux reçus de l’agent négociateur avaient été « retouchés », surtout parce qu’ils ne concordaient pas avec d’autres éléments de preuve. Dans certains cas, c’était parce qu’ils ne confirmaient pas sa version des faits. À un autre moment, le représentant de la plaignante a prétendu qu’un témoin « [traduction] s’[était] parjuré » parce qu’il refusait d’accepter la position du représentant sur un fait donné. Aucune preuve n’a été produite pour étayer ces affirmations, et j’ai dit à la plaignante qu’elle devait se garder de formuler des allégations extrêmes dénuées de fondement. Dans un autre d’idées, la plaignante a souvent prétendu, par l’entremise de son représentant, que des documents auraient dû lui être communiqués, parce qu’ils se rapportaient à une « sanction » ou à une « mesure disciplinaire » visée à l’article 188 de la Loi. J’ai généralement prié la plaignante de me fournir plus de précisions sur les documents en question, si bien qu’un certain nombre de documents internes de l’agent négociateur ont été admis en preuve, y compris les procès-verbaux de diverses réunions du Comité exécutif.

45 Un nouveau différend a surgi à propos de la communication de documents à l’audience du 5 mai 2009; j’ai rappelé à l’agent négociateur qu’il devait communiquer tous les documents dignes d’intérêt pour trancher les questions soulevées dans les présentes plaintes. J’ai insisté sur le fait que la communication de renseignements était un processus différent de celui de l’admission de documents en preuve et que la question de savoir si les documents communiqués étaient recevables dans les faits serait examinée séparément. Après quelques vérifications, les avocats de l’agent négociateur ont indiqué que l’agent négociateur aurait dû communiquer un plus grand nombre de documents. On a justifié cette omission par le fait qu’il y avait une multitude de personnes qui avaient reçu et envoyé une multitude de courriels et qu’il était tout simplement impossible d’effectuer des recherches dans tous les ordinateurs. La plaignante a prétendu que la mise au jour de nouveaux documents contrevenait aux directives que j’avais données, avant la tenue de l’audience, à propos de la communication de tous les documents; elle a soutenu, par l’entremise de son représentant, que des dirigeants non nommés priaient d’autres dirigeants non nommés de ne pas communiquer de documents. Aucune preuve n’a été produite pour étayer cette allégation. J’ai néanmoins exprimé mes réserves à propos de la communication tardive de documents par l’agent négociateur. J’ai également observé que c’était probablement un aspect incontournable d’une cause comme celle-ci, vu que la preuve porte littéralement sur des centaines de courriels et d’autres documents qui peuvent surgir à tout moment durant la présentation de la preuve.

46 Il s’est avéré que la plaignante, elle-même, n’avait pas communiqué tous les documents qu’elle avait en sa possession, et je lui ai enjoint de les communiquer à l’agent négociateur. J’ai observé que les parties s’adressaient mutuellement les mêmes critiques à propos de la communication de documents. À un autre moment, vu le grand nombre de documents communiqués par l’agent négociateur, un différend a surgi à propos de la question de savoir si la plaignante avait bien reçu les documents en question. On s’est finalement rendu compte que le problème tenait au fait que la plaignante avait de la difficulté à tenir la comptabilité de tous les documents. Au cours d’un autre échange, le représentant de la plaignante a déclaré qu’ils envisageaient la possibilité d’entreprendre d’autres actions, dont une requête devant un tribunal. En apprenant cela, l’agent négociateur s’est inquiété de ce que la plaignante cherchait surtout à obtenir des documents pour préparer ce recours, ce qui l’a amené à alléguer qu’il y avait abus de la procédure. Dans le cas de documents particuliers, j’ai donné raison à l’agent négociateur, dans la mesure où les demandes de documents de la plaignante n’avaient aucun lien avec les questions à trancher dans ce cas-ci. Je crois d’ailleurs savoir que la Commission est saisie d’une autre plainte, qui mettrait vraisemblablement en cause les mêmes parties; j’ai donc décidé que je n’étais pas compétent pour trancher cette plainte ou pour ordonner la communication de documents qui se rapportent à cette plainte.

47 Les nouveaux documents ont été communiqués et une partie ont été versés au dossier. Même si ces documents présentaient un certain intérêt pour trancher les questions soulevées dans les présentes plaintes, aucun n’était suffisamment important pour que je rappelle des témoins ou que je modifie le déroulement de l’instance. J’avais soulevé plus tôt la question de savoir si la communication tardive de documents justifiait la suspension de l’instance, mais j’ai ultérieurement conclu que cela n’était pas nécessaire. Au demeurant, à ce stade-ci de la procédure, aucune des parties ne voulait d’une autre suspension de l’audience.

48 La question de la communication des comptes rendus des décisions du Conseil d’administration et du Comité exécutif a finalement été résolue quand la plaignante a admis, par l’entremise de son représentant qu’il n’existait pas d’autres procès-verbaux de réunions internes de l’agent négociateur parce qu’il n’y avait pas eu d’autres réunions que celles dont les procès-verbaux avaient été mis en preuve. Pour reprendre les paroles du représentant de la plaignante, je dirai que la question de la communication des procès-verbaux n’avait plus « [traduction] […] sa raison d’être puisqu’il n’y a[vait] pas eu d’autres réunions. »

B. Dates d’audience

49 Après la suspension de l’audience, le 31 octobre 2008, la discussion s’est engagée sur les dates de la reprise de l’audience. La lettre de la Commission du 26 novembre 2008 fournit quelques détails sur un conflit à propos des futures dates d’audience et sur l’allégation de la plaignante voulant que je lui aie causé un « préjudice » :

[Traduction]

[…]

L’audition de la plainte no 561-34-202 était prévue pour le 23 juin 2008. Le défendeur a demandé l’ajournement de l’audience. La plaignante ne s’y est pas opposée initialement, si bien que l’audience a été reportée aux 27, 28, 29 et 30 octobre 2008.

[…]

La Commission prévoit généralement de trois à quatre jours  pour instruire ce type d’affaires. Cependant, après la tenue de l’audience, le commissaire a indiqué qu’il fallait prévoir des journées d’audience supplémentaires, car les parties n’avaient pas terminé la présentation de leur preuve ou commencé leurs plaidoiries durant les quatre jours déjà prévus [du 28 au 31 octobre 2008].

Les parties estiment pour l’instant qu’elles auraient besoin d’au moins trois jours supplémentaires d’audience. Bien que la Commission en soit actuellement à établir les rôles d’audience des mois d’avril et de mai 2009, des dates leur ont été proposées en mars 2009, parce que le commissaire était disponible à ces moments-là. Le défendeur a indiqué qu’il avait d’autres engagements à ces dates-là, mais il a signalé ses disponibilités en avril et en mai 2009. Après avoir confirmé la disponibilité de M. Steeves, nous avons mis les affaires au rôle pour les 27, 28, 29 et 30 avril 2009, en l’occurrence les dates les plus rapprochées où le défendeur était disponible. Le représentant de la plaignante a indiqué que la plaignante n’était pas disponible à ces dates-là et l’affaire a été retirée du rôle d’audience.

Les parties ont été priées d’indiquer leurs disponibilités en mai 2009. Le défendeur a communiqué ses dates et nous attendons celles de la plaignante.

La plaignante a demandé qu’une décision soit rendue sur le préjudice que le retard à fixer les dates de la reprise de l’audience lui a causé. La Commission n’est pas indifférente à ces problèmes; elle fait d’ailleurs tout en son pouvoir pour mettre les affaires au rôle le plus rapidement possible. La Commission n’ayant toutefois aucun contrôle sur la disponibilité des parties et du commissaire, cela ne servirait à rien de rendre une décision. Les Services du greffe de la Commission s’emploient déjà, depuis la suspension de l’audience en octobre, à trouver une date qui conviendra aux deux parties. Dans ces conditions, la Commission ne peut rien faire d’autre. C’est pourquoi, aucune décision ne sera rendue sur le retard à fixer les dates de la reprise de l’audience.

[…]

50 En fin de compte, la reprise de l’audience a été fixée aux 5, 6 et 7 mai 2009. La plaignante a continué à contester les dates d’audience, dans un courriel à la Commission daté du 26 novembre 2008, dont voici le texte :

[Traduction]

[…]

Vous indiquez, dans votre lettre, que je ne me suis pas opposée, au départ, à la suspension de l’audience du 23 juin 2008. Vous omettez cependant de dire que, après avoir découvert que Me Grenville-Wood [l’avocat général de l’agent négociateur] avait menti à propos des renseignements communiqués le 6 juin 2008, je me suis opposée à la suspension de l’audience et que le commissaire a rejeté mon objection. Je m’interroge sur les raisons pour lesquelles le commissaire a accepté de suspendre l’audience, y compris sur l’argument selon lequel il est indispensable que Me Granville-Wood soit présent à l’audience aux côtés de l’IPFPC. Il se trouve qu’à l’audience du 27 octobre, Me Granville-Wood a été absent deux jours et demi sur quatre et qu’il a été remplacé par Me Roy. Il est évident que la présence de Me Granville-Wood n’est pas indispensable et que les raisons invoquées par l’IPFPC pour obtenir la remise de l’audience du 23 juin 2008 étaient discutables. J’aimerais que ces faits soient aussi consignés dans la décision définitive.

[…]

Précisons ici que c’est un problème de santé qui a empêché Me Grenville-Wood d’être présent pendant les quatre jours d’audience en octobre 2008 et que cela est consigné au dossier. J’ajouterai que la plaignante a déposé une plainte devant l’Association du barreau, dans laquelle elle accuse Me Grenville-Wood d’inconduite dans l’affaire qui nous occupe.

51 En fin de compte, la reprise de l’audience a été fixée aux 5, 6 et 7 mai 2009; les parties ont conclu la présentation de leur preuve et de leurs arguments à ces dates-là. À la demande de la plaignante, j’ai autorisé les parties à fournir des observations complémentaires à propos des deux décisions Veillette qui ont été rendues après la présentation de leurs arguments. Ces observations sont datées du 22 mai et des 1er, 17 et 25 juin 2009.

C. Parties aux plaintes

52 La dernière question de procédure concerne la désignation de la regrettée Mme Demers comme codéfendeur, avec l’agent négociateur lui-même, dans la première plainte présentée à la Commission en novembre 2007. Même si Mme Demers a eu un certain nombre d’échanges avec la plaignante, je ne peux pas conclure qu’elle a agi à quelque autre titre que celui de présidente de l’agent négociateur. J’ordonne donc que Mme Demers soit mise hors de cause à titre de codéfendeur dans la présente plainte.

V. Décisions et motifs

53 J’ai déjà indiqué que j’étais saisi de deux plaintes. La première résulte d’un différend à propos d’une élection régionale en 2007 et la seconde porte sur la politique de l’agent négociateur relative aux membres qui présentent des plaintes à des organismes extérieurs à propos de questions de régie interne. Je dois aussi statuer sur l’objection préliminaire de l’agent négociateur concernant ma compétence pour trancher toutes les questions soulevées par la plaignante.

54 Les deux plaintes sont fondées sur l’article 188 de la Loi, plus précisément sur l’alinéa 188c) et le sous-alinéa 188e)(ii). Je reproduis ci-après le texte intégral de l’article 188 :

[…]

188. Il est interdit à l’organisation syndicale, à ses dirigeants ou représentants ainsi qu’aux autres personnes agissant pour son compte :

a) sans consentement de l’employeur, de tenter, sur le lieu de travail d’un fonctionnaire et pendant les heures de travail de celui-ci, de l’amener à adhérer ou continuer d’adhérer, ou à s’abstenir ou cesser d’adhérer à une organisation syndicale;

b) d’expulser un fonctionnaire de l’organisation syndicale ou de le suspendre, ou de lui refuser l’adhésion, en appliquant d’une manière discriminatoire les règles de l’organisation syndicale relatives à l’adhésion;

c) de prendre des mesures disciplinaires contre un fonctionnaire ou de lui imposer une sanction quelconque en appliquant d’une manière discriminatoire les normes de discipline de l’organisation syndicale;

d) d’expulser un fonctionnaire de l’organisation syndicale, de le suspendre, de prendre contre lui des mesures disciplinaires ou de lui imposer une sanction quelconque parce qu’il a exercé un droit prévu par la présente partie ou la partie 2 ou qu’il a refusé d’accomplir un acte contraire à la présente partie;

e) de faire des distinctions illicites à l’égard d’une personne en matière d’adhésion à une organisation syndicale, d’user de menaces ou de coercition à son égard ou de lui imposer une sanction, pécuniaire ou autre, pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(i) elle a participé, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie ou la partie 2, ou pourrait le faire,

(ii) elle a soit présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie, soit déposé un grief sous le régime de la partie 2,

(iii) elle a exercé un droit prévu par la présente partie ou la partie 2.

[…]

55 Je vais d’abord examiner les observations de l’agent négociateur sur la compétence que me confère l’article 188 de la Loi, après quoi, je trancherai les deux plaintes.

A. Compétence

56 L’agent négociateur a soulevé une objection préliminaire dès le début de l’audience. Selon ses observations détaillées, je ne suis pas compétent pour trancher les plaintes parce qu’elles portent sur des questions ayant trait à la conduite des affaires internes de l’agent négociateur. La plaignante, qui ne partage pas ce point de vue, défend la position que je suis investi du pouvoir très général de faire enquête sur la conduite des affaires internes de l’agent négociateur et de rendre des ordonnances à ce propos.

57 En résumé, l’agent négociateur soutient qu’il n’a pas pris de « mesures disciplinaires », ni imposé une « sanction », ni fait de distinctions illicites au sens des alinéas 188c) et e). Il ajoute que la plaignante a conservé sa qualité de membre, que l’agent négociateur n’a pas usé de menaces ou de coercition à son endroit au sens de l’alinéa 188e) de la Loi et qu’aucune disposition de la Loi n’a été violée. J’ai remis le prononcé de ma décision sur l’objection relative à ma compétence afin d’entendre la preuve à ce propos.

58 Avant l’ajout de l’article 188 de la Loi, la Commission avait peu de pouvoirs pour se pencher sur la conduite des affaires internes des agents négociateurs. Son rôle se limitait généralement à trancher des questions découlant de leur devoir de représentation des fonctionnaires faisant partie de l’unité de négociation. Il s’agissait plus particulièrement de déterminer si l’agent négociateur avait agi d’une manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. Ce « devoir de représentation » se trouve toujours dans la Loi, à l’article 187. L’approche générale retenue par la Commission concorde avec les approches des autres administrations provinciales et territoriales au Canada et s’énonce comme suit : l’article 187 (et ses prédécesseurs) ne confère pas à la Commission le pouvoir de régir la conduite des affaires internes des agents négociateurs, à moins que les mesures de l’agent négociateur ne touchent les relations employeurs-employés (St-James c. Syndicat de l’Emploi et de l’Immigration du Canada (Élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada), dossier de la CRTFP 100-1 (19920331), à la page 3). Le membre d’une unité de négociation peut également posséder des droits d’adhésion sous le régime de la common law et tout nous porte à croire que ces questions continueront d’être réglées devant les cours (voir, par exemple, Hibbard c. L’Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 161-02-136 (19760521), au paragr. 16).

59 L’article 188 de la Loi existe depuis quelques années seulement; il est entré en vigueur le 1er avril 2005. Les parties admettent que cette disposition a créé une nouvelle sphère de compétence pour la Commission, mais elles diffèrent d’opinion sur l’étendue de cette compétence. L’agent négociateur, du moins, a présenté des éléments de preuve et des arguments en espérant que cela susciterait de nouvelles questions d’interprétation dans ce cas-ci. Or, comme je l’ai mentionné plus tôt, après que les parties eurent présenté leurs arguments, la Commission a rendu sa décision dans les deux affaires Veillette fondées sur l’article 188; l’une et l’autre mettaient en cause le même agent négociateur et l’une des décisions portait sur la même politique relative aux membres qui présentent des demandes à des organismes extérieurs.

60 Le Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le « Code »), contient depuis des années déjà une disposition qui dit essentiellement la même chose que l’article 188 de la Loi, bien qu’elle se distingue à certains égards. Je fais référence ici à l’article 185, devenu aujourd’hui l’article 95 du Code. L’ancien Conseil canadien des relations du travail (« le CCRT », devenu le Conseil canadien des relations industrielles) a déjà analysé ces dispositions et j’estime que ses observations peuvent nous aider à mieux comprendre la portée générale de l’article 188 de la Loi. Dans Solly v. Communications Workers of Canada, Local 49, and Communications Workers of Canada, National Executive, [1981] 2 Can LRBR 245, le CCRT a déclaré ce qui suit aux pages 256 et 257 :

[Traduction]

[…]

Pour appliquer et interpréter les alinéas 185f) et g), le Conseil doit se fonder sur certaines prémisses de base. En premier lieu, ces alinéas ont pour objet de protéger et d'accroître les droits des particuliers en face des pouvoirs auparavant absolus des associations syndicales. Deuxièmement, ils n'enlèvent pas aux syndicats le droit d'exclure leurs membres temporairement ou définitivement, d'imposer des mesures disciplinaires ou encore de refuser d'admettre des employés dans leurs rangs […]

La loi reconnaît que les syndicats ont nécessairement des intérêts collectifs à protéger s'ils veulent continuer d'agir à titre d'agents négociateurs efficaces et d'organismes démocratiques […] [L]e Parlement ne garantit pas et ne peut pas garantir que les ouvriers syndiqués prendront une part active aux affaires du syndicat […] Il ne peut que favoriser un climat permettant de participer à ceux qui le désirent. La décision finale au sujet de l'admissibilité des candidats est laissée au syndicat, avec la seule restriction qu'il doit éviter certaines pratiques discriminatoires. Le syndicat est restreint, en outre, par les alinéas 185f) et g).

[…]

61 Je souscris également à une autre décision rendue sous le régime du Code, dans laquelle le CCRT observe que l’existence de l’article 185 du Code ne signifie pas que le CCRT est le dernier recours en appel contre les décisions internes de l’agent négociateur (James Carbin c. Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aéroastronautique (1984)59 di 109). J’estime que ces observations s’appliquent aussi à l’article 188 de la Loi. Cela signifie que, pour l’application de l’alinéa 188c), la Commission doit veiller à ce que les normes de discipline ne soient pas appliquées d’une manière discriminatoire par l’agent négociateur. Dans le cas de l’alinéa 188e), le rôle de la Commission est double. Dans un premier temps, la Commission doit s’assurer que l’agent négociateur ne fait pas de distinctions illicites à l’égard d’une personne en matière d’adhésion à une organisation syndicale. Elle doit ensuite veiller à ce que l’agent négociateur n’use pas de menaces ou de coercition à l’égard d’une personne ou ne lui impose pas de sanction, pécuniaire « ou autre », au motif qu’elle a présenté une demande ou déposé une plainte en vertu de la partie 1 de la Loi ou déposé un grief en vertu de la partie 2.

62 Ces dispositions soulèvent des questions particulières sous le régime de la Loi; une chose est sûre, elles n’autorisent pas la Commission à se faire l’arbitre final de tous les conflits internes entre des membres de l’agent négociateur. Par exemple, la Commission ne peut pas décider de la portée des délits pour lesquels un syndicat peut prendre des mesures disciplinaires à l'égard de ses membres ou leur refuser l'adhésion (Fred J. Solly; citée dans Beaudet-Fortin c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (1997) 105 di 98, au paragr. 86). Autrement dit, la Commission n’a pas le droit de se prononcer sur la légitimité d’une politique ou d’une règle interne ou d’un article des statuts de l’agent négociateur, sauf dans des cas très particuliers, en l’occurrence lorsque la politique, la règle ou l’article des statuts est discriminatoire en soi ou que son application a des effets discriminatoires. De plus, la Loi interdit d’user de menaces ou de coercition à l’égard d’une personne, au motif qu’elle a présenté une demande ou déposé une plainte ou un grief sous le régime des parties 1 et 2 de la Loi.

63 Cette approche concorde avec la décision rendue dans Veillette 1 et les observations contenues dans cette décision, et que je reproduis ci-dessous, à propos des pouvoirs qui sont conférés à la Commission par l’alinéa 188c) et l’article 185 de la Loi :

[…]

27[…] Ces dispositions sont de droit nouveau depuis le 1er avril 2005, à la suite de la réforme de la LRTFP. Elles sont précises. La Commission peut revoir une mesure disciplinaire imposée à un membre d’un syndicat afin de décider si celle-ci est discriminatoire, ce qui, de toute évidence, comprend le processus décisionnel qui y a mené […]

[…]

64 Ces observations à propos de l’article 188 de la Loi indiquent implicitement qu’il y a des aspects de la régie interne de l’agent négociateur que la Commission peut examiner en vertu de cette disposition. Cela découle, encore une fois, des modifications apportées à la Loi en 2005, y compris l’ajout de l’article 188. Il s’ensuit que, tout en admettant que les observations de l’agent négociateur auraient probablement présenté plus d'intérêt avant 2005, je conclus que la Commission a aujourd’hui compétence pour examiner certains aspects de la conduite des affaires internes des agents négociateurs. Comme je l’expliquerai plus en détail dans la présente décision, j’ai décidé que certains aspects des deux plaintes dont je suis saisi étaient visés à bon droit aux alinéas 188c) et e). J’ai également conclu que d’autres questions ne relevaient pas de la compétence de la Commission en vertu de ces dispositions. Il va de soi que ces conclusions s’inscrivent dans le contexte des deux plaintes dont je suis saisi et que des plaintes futures pourraient fort bien soulever d’autres questions inattendues.

65 Il s’ensuit que l’objection préliminaire de l’agent négociateur concernant ma compétence pour instruire les deux plaintes est rejetée. Les motifs de cette décision sont également exposés ci-après.

B. La première plainte

66 La première plainte porte sur l’élection de 2007 au conseil régional de la C.-B. et du Yukon et sur l’alinéa 188c) de la Loi.Je reproduis de nouveau le texte de cette disposition :

[…]

188. Il est interdit à l’organisation syndicale, à ses dirigeants ou représentants ainsi qu’aux autres personnes agissant pour son compte :

[…]

c) de prendre des mesures disciplinaires contre un fonctionnaire ou de lui imposer une sanction quelconque en appliquant d’une manière discriminatoire les normes de discipline de l’organisation syndicale;

[…]

67 On se rappellera que le comité d’élection s’était posé la question de savoir si un représentant de Victoria devait siéger au conseil régional de la C.-B. et du Yukon et que Mme Ramsay avait été déclarée élue pour satisfaire à cette exigence, même si d’autres candidats avaient obtenu un plus grand nombre de voix. Il avait ensuite été décidé que cette condition ne s’appliquait pas et Mme Ramsay avait démissionné du poste auquel elle avait été déclarée élue.

68 La preuve établit hors de tout doute que la plaignante faisait partie d’un groupe de fonctionnaires qui se sont opposés à la décision de déclarer Mme Ramsay élue. Les membres du groupe avaient parfaitement le droit de prendre cette position, à titre individuel ou collectif, sauf que la situation a pris une tournure très personnelle. Comme je l’ai indiqué plus tôt, la plaignante admet avoir écrit le courriel du 1er juillet 2007. Par souci de commodité, je reproduis de nouveau le passage crucial de ce courriel :

[Traduction]

[…]

[…] bref, les règles de l’éthique voudraient que le candidat qui est arrivé dernier se désiste en attendant que cette question soit résolue. En se désistant, ce candidat se montrerait respectueux de nos statuts et permettrait l’application régulière de la procédure. Il ferait ainsi la preuve irréfutable de son sens élevé de l’éthique dans une situation qui échappe totalement à son contrôle. En refusant de se désister, ce candidat montre toutefois qu’il est dénué de sens moral.

[…]

69 À l’époque où elle a rédigé ce courriel, et de nouveau durant son témoignage, la plaignante a refusé d’admettre qu’elle faisait référence à Mme Ramsay. J’estime que ce déni dénote un manque d’honnêteté de sa part. Tous savaient que Mme Ramsay était le candidat qui était « arrivé au dernier rang » et que le désaccord portait sur la question de savoir si Mme Ramsay devait se désister. J’estime également que, contrairement à ce qu’elle a affirmé dans son témoignage, la plaignante portait un jugement sur Mme Ramsay en utilisant les mots « sens élevé de l’éthique » et « manque de sens moral ». Il s’ensuit que je n'accepte pas l'explication donnée par la plaignante, durant son témoignage, selon laquelle elle « [traduction] faisai[t] [en fait] un compliment [à Mme Ramsay] ». En plus de ne pas concorder avec la déclaration de la plaignante selon laquelle ses propos ne visaient pas Mme Ramsay, cette explication ne trouve pas écho dans le libellé qu’elle a utilisé.

70 L’envoi du courriel a provoqué une succession rapide d’événements. Mme Ramsay a pris ombrage des propos de la plaignante et s’est plainte à l’agent négociateur que la plaignante la harcelait. Les efforts de médiation n’ont pas porté fruit. Après avoir décidé d’accueillir la plainte de Mme Ramsay, le Comité exécutif a informé la plaignante, le 12 septembre 2007, qu’il « [traduction] […] considér[ait] comme inacceptable qu’on porte un jugement sur le sens éthique et moral d’une personne dans un courriel qui a été distribué à quarante-sept (47) personnes et que cela dénot[ait] un manque de jugement en soi. » Mme Demers a demandé à la plaignante, au nom du Comité exécutif, de présenter des excuses à Mme Ramsay. Elle précisait que divers processus informels étaient à la disposition de la plaignante, mais que si elle refusait de présenter des excuses à Mme Ramsay, le Comité exécutif avait l’intention de le faire « [traduction] à [sa] place. » La plaignante a répondu à cette lettre par une plainte interne contre Mme Demers, le 14 septembre 2007, dans laquelle elle alléguait que la présidente avait un partis pris et s’adonnait à la « partisanerie ». Elle a également interjeté appel devant le Conseil d’administration de la décision du Comité exécutif du 12 septembre 2007. Les demandes de la plaignante ont toutes été rejetées.

71 La plaignante conteste avec véhémence les procédures appliquées par l’agent négociateur pour résoudre sa plainte contre Mme Demers et la plainte de Mme Ramsay contre elle. Elle reproche en premier lieu à l’agent négociateur de ne pas avoir appliqué ses propres procédures. Elle me demande d’appliquer les statuts et les politiques de l’agent négociateur à la lettre et de conclure, par exemple, que sa plainte aurait dû être tranchée aux termes de l’article 24 des Statuts, au motif que cette disposition porte sur l’imposition de mesures disciplinaires aux membres, que l’agent négociateur a pris une mesure disciplinaire contre elle et que les procédures applicables dans ce cas-là se trouvent à l’article 24 des Statuts. L’agent négociateur reconnaît pour sa part que l’article 24 des Statuts décrit la procédure à suivre pour imposer des mesures disciplinaires aux membres, mais précise que cette disposition est rarement utilisée. Il n’était pas nécessaire d’appliquer l’article 24 parce qu’aucune mesure disciplinaire n’avait été prise contre la plaignante. Il y avait eu un conflit mineur entre deux membres du Comité exécutif et ce conflit avait été réglé de manière informelle, un point c’est tout.

72 L’alinéa 188c) de la Loi interdit à l’agent négociateur de prendre des mesures disciplinaires contre un fonctionnaire ou de lui imposer une sanction quelconque en lui appliquant d’une manière discriminatoire les « normes de discipline » de l’organisation syndicale. Il se peut que la plaignante ait été attirée par le libellé de l’article 24 des Statuts, qui traite de l’imposition de mesures disciplinaires, après avoir constaté que l’alinéa 188c) parlait de l’application de « normes de discipline ». Cela est tout à fait logique, mais rien dans la Loi n’oblige l’agent négociateur à imposer exclusivement des mesures disciplinaires pour résoudre des conflits internes. En fait, comme c’est aux agents négociateurs que revient la tâche de résoudre la plupart des conflits pour le compte de leurs membres, on s’attend en quelque sorte à ce qu’ils utilisent des processus informels et non disciplinaires. Cela ne veut pas dire, par ailleurs, que l’alinéa 188c) doit être interprété d’une manière restrictive, de manière à ce que seules les questions dites « disciplinaires » soient examinées aux termes de cette disposition. Selon moi, il n’est pas nécessaire qu’une politique porte explicitement sur l’imposition de mesures disciplinaires ou soit associée à l’imposition de telles mesures pour être considérée comme une « mesure[…] disciplinaire[…] » au sens de l’alinéa 188c). Qui plus est, l’agent négociateur ne peut pas se soustraire à l’examen de sa conduite au regard de cette disposition en désignant simplement une pratique comme un processus non disciplinaire. Je m’empresse cependant d’ajouter que ce n’est pas la position que défend l’agent négociateur dans ce cas-ci.

73 Il est évident que le législateur a voulu que la Commission intervienne dans les cas où l’agent négociateur applique les normes de discipline d’une manière discriminatoire. J’admets également que cela comporte un aspect procédural qui fait en sorte que des processus disciplinaires peuvent être appliqués d’une manière discriminatoire. Je n’arrive toutefois pas à trouver dans l’article 188 quelque libellé qui autoriserait la Commission à intervenir dans les conflits portant sur l’interprétation et l’application de statuts (ou politiques) internes de l’agent négociateur qui n’ont pas été appliqués d’une manière discriminatoire. De même, je ne trouve rien qui autorise la Commission à déterminer si une disposition des statuts comporte des lacunes ou s’il faudrait en créer une pour combler un manque dans un secteur particulier. Je crois que s’il existe une solution à ce genre de conflits, ce n’est pas dans la Loi qu’elle se trouve. Je crois également que rien dans l’alinéa 188c) de la Loi n’autorise la Commission à aller au-delà de l’objet de cette disposition, qui interdit de prendre des mesures discriminatoires en matière d’adhésion à une organisation syndicale, ou des autres interdictions contenues dans cette disposition.

74 Je suis incapable de conclure, dans ces conditions, que l’alinéa 188c) m’autorise d’une manière ou d’une autre à décider que l’agent négociateur n’était pas fondé à appliquer un processus informel et non disciplinaire pour résoudre la plainte de Mme Ramsay, d’une part, et la plainte de la plaignante contre Mme Demers, d’autre part. M. Burns a déclaré à l’audience qu’il y a des « [traduction] critères très rigoureux » qui s’appliquent pour déterminer si une affaire constitue une infraction disciplinaire aux termes de l’article 24 des Statuts. L’agent négociateur a le droit de se faire sa propre opinion, et je ne peux pas conclure qu’il l’a fait d’une manière discriminatoire.

75 Je note également que l’agent négociateur a une politique, dont j’ai reproduit le texte au début de la présente décision, qui s’intitule Plainte par un membre de l’Institut contre un autre membre élu ou nommé à un poste, et que M. Gillis a déclaré que c’est la politique qui avait été appliquée pour régler la plainte de Mme Ramsay contre la plaignante. La politique indique expressément qu’on doit utiliser notamment des processus de « règlement informel » pour résoudre ce genre de plaintes. J’attire l’attention sur la décision rendue dans Veillette 1, où le commissaire a notamment tenu compte du fait que l’agent négociateur avait court-circuité l’article 24 des Statuts pour conclure qu’il y avait eu violation de l’alinéa 188c) de la Loi. L’affaire portait sur la suspension de deux ans qui avait été imposée à un dirigeant de l’agent négociateur à la suite d’une altercation avec un autre dirigeant. La suspension a été jugée non conforme à l’alinéa 188c) parce que l’agent négociateur n’avait pas appliqué l’article 24 des Statuts. Il faut savoir que dans cette affaire-là, l’agent négociateur avait imposé la suspension aussitôt après avoir pris connaissance du rapport d’enquête, sans appliquer une politique ou les statuts. Dans le cas qui nous occupe, l’agent négociateur a appliqué une politique, et le processus informel utilisé était conforme à cette politique.

76 Je conviens que les processus qui sont appliqués doivent satisfaire, dans une certaine mesure, aux exigences de la justice naturelle, mais je ne peux pas conclure que l’agent négociateur a contrevenu à l’alinéa 188c) de la Loi dans ce cas-ci parce qu’il a appliqué un processus plutôt qu’un autre. Je note également qu’une sanction qui est imposée à un dirigeant pour avoir agressé et blessé un autre dirigeant, comme ce fut le cas dans Veillette 2, est sans conteste une mesure disciplinaire. Il s’avère que la plaignante, dans ce cas-ci, insiste pour dire qu’elle a commis une infraction disciplinaire en envoyant le courriel du 1er juillet 2007, même si elle refuse d’admettre que ce courriel visait Mme Ramsay. De son côté, l’agent négociateur a décidé, peut-être en dépit du bon sens, que la conduite de la plaignante ne constituait pas une infraction disciplinaire. Quoi qu’il en soit, il faut dire que le courriel était d’un tout autre ordre qu’une agression contre une autre personne. Il serait faux de croire que tous les actes fautifs sont des infractions disciplinaires; c’est pourquoi je suis incapable de conclure que l’agent négociateur a contrevenu d’une manière ou d’une autre à l’alinéa 188c) en déterminant que le courriel ne constituait pas une infraction disciplinaire et en appliquant un processus non disciplinaire.

77 Cela dit, il ne s’agit pas de déterminer ici si l’interprétation ou l’application d’une disposition des statuts ou d’une politique est généralement erronée ou si la disposition des statuts ou la politique est en soi erronée. Je dois plutôt déterminer si les éléments de preuve dont je dispose étayent les divers aspects de l’alinéa 188c) de la Loi. Je conviens avec l’agent négociateur que rien dans la manière dont il a appliqué les statuts et les politiques en vigueur à la première plainte n’est contraire à l’article 188. Je ne vois pas en quoi l’agent négociateur aurait contrevenu à l’article 188 en offrant de résoudre un conflit de manière informelle aux termes d’une politique valide au lieu d’appliquer la procédure disciplinaire prévue à l’article 24 des Statuts. Je conviens également que la Commission ne devrait pas appliquer une norme qui réduirait à néant le caractère informel des processus prévus par les statuts de l’agent négociateur (Ronald Wheadon et al. c. Syndicat international des marins canadiens et al. (1983), 54 di 134, à la page 150; citée dans Beaudet-Fortin, au paragr. 81). En terminant, je note que le caractère informel des processus de l’agent négociateur a bien servi les intérêts de la plaignante, dans un cas du moins, lorsque qu’on lui a accordé le droit d’interjeter appel d’une décision devant le Comité exécutif, alors que les politiques ou les statuts ne prévoyaient rien de semblable. La plaignante s’est prévalue de ce recours en présentant des arguments, le 22 octobre 2007; la preuve a démontré que l’agent négociateur avait examiné attentivement l’appel avant de le rejeter.

78 Le moment est bien choisi pour examiner deux questions factuelles soulevées par la plaignante.

79 Il est un fait avéré que la plaignante n’a pas reçu de copie de la plainte de Mme Ramsay au premier stade du processus informel de résolution du conflit. L’agent négociateur admet que le document n’a pas été remis à la plaignante. Rien ne prouve que cependant que cela relevait d’une décision délibérée ou que cela a par ailleurs causé un préjudice à la plaignante (malgré ce qu’elle en dit). J’estime qu’il s’agit d’un malencontreux oubli de la part de l’agent négociateur plutôt que d’une mesure discriminatoire au sens de l’alinéa 188c) de la Loi. Il est également acquis que la plaignante était au courant de la teneur de la plainte de Mme Ramsay, puisqu’il en avait été question durant le processus informel qu’on avait appliqué pour tenter de résoudre la plainte. Les faits étaient clairs, car tous savaient que la plainte portait sur le courriel de la plaignante daté du 1er juillet 2007. De plus, la plaignante a soumis des observations détaillées au Conseil d’administration, le 22 octobre 2007, dans le cadre d’un processus d’appel (de la décision d’accueillir la plainte de Mme Ramsay). Ce document indique que la plaignante a reçu une copie de la plainte de Mme Ramsay le 1er octobre 2007. La plaignante a eu l’occasion de prendre connaissance de la plainte avant de présenter sa preuve et l’agent négociateur a eu l’occasion d’examiner la question à nouveau dans le cadre d’une nouvelle audience. S’il y a eu des vices de procédure au début du processus, j’estime qu’ils ont été corrigés par la tenue de la nouvelle audience.

80 J’ajouterai en terminant que je ne partage pas le point de vue de la plaignante selon lequel chaque palier de chaque processus doit offrir la panoplie complète de droits procéduraux. Il est largement reconnu que les garanties offertes au premier palier d’un processus sont différentes et généralement limitées en nombre; cela a pour but, très précisément, de favoriser la conclusion d’ententes de manière très informelle. Par exemple, au premier palier de la procédure de règlement des griefs prévue par la convention collective, les formalités sont réduites au minimum; les exigences procédurales s’accroissent à chaque palier menant au renvoi du grief devant la Commission. Leur nombre se multiplie encore si le grief aboutit devant d’autres organes judiciaires tels que les cours. Comme il est indiqué dans Veillette 1 :

[…]

30 […] L’équité procédurale n’est pas un concept rigide. Tout dépend de la nature du pouvoir exercé, des conséquences de la mesure envisagée ainsi que des conditions pratiques découlant d’une procédure plus longue. Plus la mesure est lourde de conséquences, plus une procédure qui ressemble au processus judiciaire sera justifiée.

[…]

Bref, il n’est pas nécessaire qu’un processus informel, tel que celui qui a été appliqué pour résoudre les plaintes de la plaignante et de Mme Ramsay, comporte les mêmes procédures détaillées et rigoureuses qu’un processus pleinement accusatoire, même si la plaignante pense le contraire.

81 La plaignante soulève aussi une question de fait concernant l’offre de médiation faite par l’agent négociateur pour résoudre la plainte de Mme Ramsay. La plaignante conteste vivement la déclaration contenue dans la lettre de Mme Demers, en date du 12 septembre 2007, au sujet de l’échec des efforts de médiation. La lettre dit ceci : « [traduction] Je crois comprendre que les efforts de médiation ont échoué et que vous avez refusé de présenter des excuses, en dépit des directives que vous avez reçues. » Dans ses observations du 22 octobre 2007, la plaignante indique ceci : « [traduction] C’était malhonnête de la part Mme Demers de laisser entendre que c’est parce que j’ai refusé de présenter des excuses que les efforts de médiation ont échoué. » Ailleurs dans ses observations, la plaignante écrit ceci :

[Traduction]

[…]

J’ai informé David Gray que j’étais prête à aller en médiation à la condition que les deux parties soient présentes. David Gray a indiqué que Sue Ramsay ne participerait pas au processus. Il est donc évident que ce n’est pas moi qui ai refusé de participer à la médiation, mais bien Sue Ramsay.

[…]

La plaignante a continué à défendre cette position avec véhémence dans son témoignage. Elle m’invite à souscrire à cet argument et à reconnaître que cela démontre une fois de plus que l’agent négociateur a agi d’une manière discriminatoire, en contravention de l’alinéa 188c)de la Loi.

82 À part attirer l’attention sur le fait que la lettre de Mme Demers décrit les faits avec exactitude, sans aucun soupçon de malhonnêteté — les efforts de médiation ont échoué et la plaignante a refusé de présenter des excuses —, je décline l’invitation de la plaignante. Je n’ai absolument pas le pouvoir de me pencher sur la question de savoir si les efforts de médiation ont échoué et sur les raisons avancées par chaque partie pour expliquer cet échec, le cas échéant (Mme Ramsay n’a pas témoigné). Il n’y a tout simplement rien dans ce conflit qui me soit utile pour trancher la question de savoir si l’agent négociateur a contrevenu à l’alinéa 188c) de la Loi. Le fait que les efforts de médiation aient échoué ne signifie pas nécessairement que la plaignante a été traitée d’une manière discriminatoire.

83 J’en viens maintenant à la principale question de droit soulevée dans la première plainte, et qui peut être formulée comme suit : en demandant à la plaignante de présenter des excuses pour les commentaires contenus dans son courriel du 1er juillet 2007 et en faisait des excuses en son nom après qu’elle eut refusé de se rendre à sa demande, l’agent négociateur a-t-il pris une mesure discriminatoire contre la plaignante ou lui a-t-il imposé une « sanction quelconque » en lui appliquant d’une manière discriminatoire les normes de conduite de l’organisation syndicale? Résumons les faits, le Comité exécutif a présenté des excuses à Mme Ramsay parce que la plaignante avait refusé de le faire et la plaignante allègue que cela constitue soit une mesure disciplinaire, soit l’imposition d’une « sanction quelconque » et, partant, une violation de l’alinéa 188c) de la Loi.

84 Pour analyser ce problème, je dois examiner la question suivante : qu’est-ce qui constitue de la discrimination en vertu de l’alinéa 188c)? Se pourrait-il que les excuses présentées par l’agent négociateur au nom de la plaignante constituent « une sanction quelconque »? J’admets que ces termes sont très vagues; c’est pourquoi dans Veillette 2,la Commission a défini une sanction de la façon suivante : « […] une peine établie ou infligée par une loi ou une autorité quelconque pour réprimer un acte défendu » (au paragraphe 32). Nous verrons cependant qu’il n’est pas nécessaire de décider si une « sanction » a été imposée dans ce cas-ci.

85 En ce qui concerne le sujet de la discrimination, j’estime que c’est ce qui caractérise l’interdiction contenue à l’alinéa 188c). En effet, ce ne sont pas toutes les mesures disciplinaires ni toutes les sanctions qui sont interdites par cette disposition; il faut que la mesure ou la sanction soit imposée dans le contexte des normes de discipline de l’agent négociateur et d’« une manière discriminatoire » pour tomber sous le coup de l’interdiction contenue à l’alinéa 188c). Dans Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l'Hôpital général de Montréal, 2007 CSS 4, la Cour suprême du Canada a énoncé quelques principes pour nous aider à mieux comprendre en quoi consiste la discrimination. Après avoir analysé diverses définitions contenues dans la législation sur les droits de la personne et des jugements antérieurs, la Cour a formulé les observations suivantes à propos de la discrimination en milieu de travail :

[…]

48 La prémisse voulant qu’une pratique, une norme ou une exigence du milieu de travail ne puisse pas désavantager un individu par l’attribution de caractéristiques stéréotypées ou arbitraires est au cœur de ces définitions.  Le but de la prévention des obstacles discriminatoires est l’inclusion.  Ce but est atteint si on empêche que des individus soient soustraits à des possibilités et à des agréments fondés non pas sur leurs aptitudes réelles, mais sur des aptitudes qu’on leur attribue.  La discrimination réside essentiellement dans le caractère arbitraire de son incidence négative, c’est-à-dire le caractère arbitraire des obstacles érigés intentionnellement ou inconsciemment.

49  Il en résulte une différence entre discrimination et distinction.  Les distinctions ne sont pas toutes discriminatoires.  Il ne suffit pas de contester le comportement d’un employeur pour le motif que ce qu’il a fait a eu une incidence négative sur un membre d’un groupe protégé.  La seule appartenance à un tel groupe n’est pas suffisante pour garantir l’accès à une réparation fondée sur les droits de la personne.  C’est le lien qui existe entre l’appartenance à ce groupe et le caractère arbitraire du critère ou comportement désavantageux — à première vue ou de par son effet — qui suscite la possibilité de réparation.  Et ce fardeau de preuve préliminaire incombe au demandeur.

[…]

86 Dans le contexte de la justice administrative et des relations de travail, la Commission se doit de retenir une interprétation libérale de la discrimination en respectant les limites de la législation; la Commission doit aussi étudier non seulement « […] les résultats de l'application des normes disciplinaires, mais aussi les raisons qui les ont justifiées et la manière dont elles furent appliquées. » À ce propos, je renvoie à Daniel Joseph McCarthy, [1978] 2 Can LRBR 105; citée dans Beaudet-Fortin, au paragraphe 84, dans laquelle le CCRT dit ceci :

[…]

Nous croyons que dans le présent contexte, le terme « discriminatoire » signifie l'application de règles d'adhésion visant à établir des distinctions entre des personnes ou des groupes, pour des motifs illégaux, arbitraires ou déraisonnables. La distinction est de toute évidence illégale lorsqu'elle se fonde sur des considérations interdites [par la législation sur les droits de la personne], la distinction est arbitraire si elle n'est pas fondée sur aucune règle, aucune politique ni principe d'ordre général; enfin la distinction est jugée déraisonnable si elle n'a aucun rapport juste ou raisonnable avec la décision prise, bien qu'elle ait été établie conformément à une règle ou à une politique générale […]

87 J’estime que ces observations s’appliquent aussi à l’interdiction d’agir d’une manière discriminatoire contenue à l’alinéa 188c) de la Loi. Cette interdiction est de nature inclusive et vise à empêcher les agents négociateurs d’exclure des employés des activités de l’organisation syndicale en se basant sur les aptitudes qu’on leur attribue plutôt que sur leurs aptitudes réelles. La protection consiste essentiellement à éliminer les obstacles qui sont illégaux, arbitraires ou déraisonnables. Il n’en reste pas moins que les obstacles ou les distinctions valides en droit qui sont véritablement basés sur une règle ou une politique ayant un lien juste et raisonnable avec la décision qui est prise peuvent être considérés comme valides et défendables. Dans certains cas, la mesure prise à l’égard du fonctionnaire est basée sur une distinction valide plutôt que sur un motif de discrimination interdite, même si la distinction a une incidence négative pour le fonctionnaire : « [l]es distinctions ne sont pas toutes discriminatoires. » De plus, c’est le fonctionnaire qui a la charge de démontrer que l’agent négociateur a agi d’une manière discriminatoire.

88 Si j’applique cette analyse aux faits dont je dispose, j’en viens à la conclusion que l’agent négociateur n’a pas agi d’une manière discriminatoire à l’égard de la plaignante. Rappelons que la plaignante a expédié un courriel contenant des commentaires irréfléchis et excessifs et que Mme Ramsay s’en est plainte. Le Comité exécutif a examiné la plainte et l’a accueillie. Il a ensuite recommandé à la plaignante de présenter des excuses à Mme Ramsay, ce qu’elle a refusé de faire parce qu’elle était convaincue de la justesse de sa position. Elle est même allée encore plus loin en portant la décision du Comité exécutif en appel et en déposant une plainte contre la présidente. Pour finir, le Comité exécutif a présenté des excuses à Mme Ramsay, au nom de la plaignante, ainsi qu’à tous ceux qui avaient reçu le premier courriel de la plaignante.

89 J’estime que l’agent négociateur a agi de façon modérée et équitable pour résoudre la plainte de Mme Ramsay, d’une part, et la plainte de la plaignante contre Mme Demers, d’autre part. Il avait une raison valable de recommander à la plaignante de présenter des excuses et, ensuite, de faire des excuses à sa place. Sa décision n’était pas arbitraire. Ce n’était certainement pas une décision illégale. Le courriel de la plaignante à propos de Mme Ramsay était tout à fait inacceptable et l’agent négociateur était en droit d’exiger que ses membres appliquent en eux des règles élémentaires d’étiquette. Que cela cause ou non des remous politiques n’est d’aucun intérêt pour la Commission. La réponse de l’agent négociateur visait à corriger une situation; elle était basée sur une distinction valable et raisonnable, cette distinction étant que le courriel de la plaignante à propos d’une autre membre justifiait une sanction non disciplinaire quelconque. Je conclus donc que l’agent négociateur n’a pas pris de mesures disciplinaires à l’égard de la plaignante ni ne lui a imposé une sanction quelconque en lui appliquant d’une manière discriminatoire les normes de conduite de l’organisation syndicale.

90 Le dernier point qu’il me reste à trancher dans la première plainte se rapporte à la lettre du 3 mars 2008 de Mme Demers à la plaignante. C’est une lettre de plusieurs pages qui décrit principalement les événements qui sont survenus jusqu’à cette date, et les faits rapportés sont généralement exacts. Cependant, à la fin de la lettre, Mme Demers écrit qu’elle « [traduction] […] craint aussi beaucoup que [le] comportement agressif et belliqueux [de la plaignante] ne dissuade des membres de militer comme bénévole au sein de l’Institut professionnel. » La plaignante s’érige totalement en faux contre cette déclaration et d’autres propos de Mme Demers, dont ceux-ci : « [traduction] Je ne peux pas demeurer passive et tolérer de telles attitudes négatives et intimidantes à l’endroit de membres et bénévoles de notre syndicat » et « [traduction] […] [je vous] exhorte […] à changer d’attitude et à trouver une façon plus positive d’aider vos collègues syndiqués. »

91 Je conviens que Mme Demers s’est exprimée de façon directe et brutale dans sa lettre. J’attire par ailleurs l’attention sur le contexte dans lequel cette lettre a été rédigée. Par exemple, dans le texte détaillé de son appel devant le Comité exécutif, le 22 octobre 2007, la plaignante dit que Mme Demers n’a « pas été honnête »; que la plainte de Mme Ramsay était motivée par une « dette politique » contractée par Mme Demers et supposant un complot compliqué entre divers dirigeants de l’unité de négociation; que Mme Demers a agi au mépris des règles de la justice naturelle pour résoudre la plainte; que Mme Demers et d’autres ont « [traduction] outrepassé leurs pouvoirs »; et « [traduction] […] [qu’]il existe des preuves irréfutables que Mme Demers avait un intérêt personnel et pécuniaire, direct et indirect, dans la plainte. » La plaignante formule plus ou moins les mêmes allégations dans son courriel du 14 septembre 2007, lorsqu’elle dit que Mme Demers « [traduction] a délibérément dérogé » aux statuts et « intentionnellement décidé de ne pas [en] tenir compte ».

92 Une évidence s’impose ici : il y avait énormément d’antipathie personnelle entre la plaignante et les dirigeants de l’agent négociateur. Cela situe le contexte de la lettre de Mme Demers, en date du 3 mars 2008, exhortant expressément la plaignante à changer d’attitude. Cette lettre ne contient, à mon avis, aucuns propos inadmissibles ou par ailleurs discriminatoires. Il s’ensuit que la Loi ne m’autorise pas à intervenir dans un conflit personnel comme celui-ci. Cela signifie implicitement que je ne peux pas tirer de conclusions en faveur de l’une ou l’autre personne. J’ouvre toutefois une parenthèse pour indiquer, de nouveau, que je n’accepte pas l’allégation de la plaignante selon laquelle les témoins de l’agent négociateur « [traduction] ont menti » lorsqu’ils ont déclaré que la situation nécessitait l’application d’un processus informel plutôt que du processus disciplinaire visé à l’article 24 des Statuts.

93 Pour ces motifs, je rejette la première plainte.

C. La seconde plainte

94 La seconde plainte porte sur la politique de l’agent négociateur voulant que les membres qui présentent une demande à un organisme extérieur à propos d’une question de régie interne soient suspendus du poste auquel ils ont été élus jusqu’à la fin du processus externe.

95 Les parties s’entendent généralement sur les faits entourant l’application de la politique de l’agent négociateur à la plaignante. Ces faits sont les suivants : la plaignante a déposé une plainte devant la Commission, le 16 novembre 2007, comme le prévoit le sous-alinéa 188e)(ii) de la Loi; l’agent négociateur l’a suspendue, le 9 avril 2008, des postes auxquels elle avait été élue, en application de la politique.

96 La plaignante avance que l’agent négociateur a contrevenu au sous-alinéa 188e)(ii) de la Loi. Je reproduis de nouveau cette disposition, par souci de commodité :

[…]

188. Il est interdit à l’organisation syndicale, à ses dirigeants ou représentants ainsi qu’aux autres personnes agissant pour son compte :

[…]

e) de faire des distinctions illicites à l’égard d’une personne en matière d’adhésion à une organisation syndicale, d’user de menaces ou de coercition à son égard ou de lui imposer une sanction, pécuniaire ou autre, pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

[…]

(ii) elle a soit présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie, soit déposé un grief sous le régime de la partie 2,

[…]

97 L’objet de cette disposition est de protéger les personnes qui présentent une demande ou déposent une plainte devant la Commission et c’est évidemment un objectif très important. Il est inacceptable en soi d’user de menaces ou de coercition à l’égard d’un demandeur ou d’un plaignant ou de lui imposer une « autre » « sanction ». En outre, du point de vue des principes, il est important d’éliminer tout obstacle extérieur susceptible d’empêcher une personne de présenter une demande ou de déposer une plainte sous le régime de la Loi. L’objectif de ce type de dispositions est de faire en sorte que les droits prévus par la Loi « […] so[ient] réels et non seulement illusoires, et [d’]empêcher qu'il soit possible de les méconnaître en commettant des gestes qui tendent à en décourager l'exercice » et aussi « […] d'encourager les personnes à donner des témoignages honnêtes et francs […] » (Grain Workers Union, section locale 333, C.T.C. (1979), 34 di 543, aux pages 845 et 846, citée dans Latrémouille c. Union des Artistes,50 di 197).

98 Je reproduis de nouveau les passages importants de la politique de l’agent négociateur relative aux membres qui présentent une demande à des organismes extérieurs :

[Traduction]

[…]

Il est entendu qu’il est contraire à son devoir de loyauté envers l’Institut qu’un membre du Conseil d’administration ou de tout organisme décisionnaire de l’Institut, qu’il soit national, régional, local, de groupe, de sous-groupe, de chapitre, ou que tout membre nommé à un poste représentent ou participent de quelque façon au soutien d’un ou de plusieurs membres dans tous processus ou procédures externes contre l’Institut. Tout membre appartenant aux organismes décisionnaires évoqués ci-dessus ou occupant un poste auquel il a été nommé et qui représenterait un ou plusieurs membres ou participerait au soutien d’un ou de plusieurs membres dans un processus ou une procédure externes sera automatiquement considéré comme ayant été temporairement suspendu de tous les postes auxquels il a été élu ou nommé.

[…]

99 M. Gillis et M. Gray ont décrit, dans leur témoignage, comment l’agent négociateur percevait les objectifs généraux de cette politique. Ils ont reconnu que l’article 188 de la Loi élargissait la portée de l’examen auquel sont soumises les actions internes de l’agent négociateur par rapport à la norme précédente, incarnée dans le devoir de représentation. Ce changement fait en sorte qu’il est aujourd’hui possible pour une personne d’être partie à un litige avec l’agent négociateur parce qu’il lui reproche, entre autres choses, d’avoir agi d’une manière discriminatoire, ou d’avoir usé de menaces et de coercition à son égard, tout en exerçant une charge élective au sein de cet agent négociateur. Selon M. Gillis et M. Gray, le risque de conflit d’intérêts est évident dans ces cas-là, pour la bonne raison qu’une personne ne peut pas représenter les intérêts de l’agent négociateur ou prendre des décisions essentielles à propos de l’agent négociateur alors qu’elle est engagée dans une bataille juridique avec celui-ci. Il est d’ailleurs arrivé à quelques reprises que des réunions internes de l’agent négociateur soient perturbées par des membres qui se trouvaient dans une situation de conflit semblable. Les témoins de l’agent négociateur s’accordent à dire que la politique n’a pas eu d’incidence sur les droits d’adhésion et que rien n’empêche un membre d’assister aux réunions et d’intervenir. M. Burns a affirmé que la politique ne disait pas et ne sous-entendait pas non plus qu’il était interdit de présenter une demande à un organisme extérieur. Elle dit simplement que le fait de présenter une demande crée un conflit d’intérêts.

100 Cette politique a récemment été analysée par la Commission dans Veillette 2;le commissaire qui a instruit cette cause a conclu que l’idée de suspension temporaire était sous-entendue dans les mots « une sanction quelconque », à l’alinéa 188d) de la Loi, et que la politique de l’agent négociateur contrevenait à cette disposition. L’alinéa 118d) interdit à l’agent négociateur d’expulser « […] un fonctionnaire […] », de le suspendre, de prendre contre lui des mesures disciplinaires ou de lui imposer une sanction quelconque « […] parce qu’il a exercé un droit prévu par la […] partie [1] ou la partie 2 » de la Loi. Le plaignant en cause dans Veillette 2avait été suspendu de ses fonctions par l’agent négociateur qui est partie aux présentes plaintes. Le commissaire a enjoint à l’agent négociateur de modifier sa politique pour la rendre conforme à la Loi. Dans ce cas-ci, la plaignante fonde sa plainte sur le sous-alinéa 188e)(ii) de la Loi; mis à part le fait que son libellé contient le mot « personne » plutôt que le mot « fonctionnaire», c’est une disposition quasi identique, qui interdit notamment d’imposer une « sanction quelconque ».

101 Comme je l’ai indiqué plus tôt, le Code canadien du travail contenait jadis l’article 185 (aujourd’hui l’article 95), qui ressemble beaucoup à l’article 188 de la Loi. Les décisions du CCRT fondées sur l’article 185 du Code nous fournissent d’ailleurs des renseignements utiles pour mieux comprendre l’article 188 de la Loi. J’attire surtout l’attention sur Beaudet-Fortin, Latrémouille et Carbin, qui sont également analysées dans Veillette 2.

102 Dans Carbin, le plaignant avait été expulsé des rangs du syndicat parce qu’il avait prêté main-forte à un syndicat rival et qu’il avait miné les intérêts du syndicat. La plainte a été rejetée parce que le plaignant avait été expulsé pour avoir miné la position du syndicat en tant qu’agent négociateur et non pas pour avoir exercé un droit prévu par la législation. Par contre, dans Beaudet-Fortin, la plainte a été accueillie parce que la plaignante avait été expulsée pour avoir exercé son droit légal d’adhérer à un autre syndicat. Ces décisions du CCRT sont basées principalement sur la disposition qui correspond à l’alinéa 188b) de la Loi, en l’occurrence l’interdiction d’expulser un fonctionnaire de l’organisation syndicale en lui appliquant d’une manière discriminatoire les règles de l’organisation syndicale relatives à l’adhésion.

103 Dans ce cas-ci, l’application de la politique relative aux demandes présentées à des organismes extérieurs n’a pas eu d’incidence sur l’adhésion de la plaignante. En fait, le texte proprement dit de la politique et les déclarations ultérieures de l’agent négociateur confirment que l’application de la politique n’a pas eu d’incidence sur l’adhésion de la plaignante. Par exemple, la plaignante avait et a toujours le droit d’assister aux assemblées et d’y prendre la parole. C’est donc à dire que l’alinéa 188b) de la Loi, qui interdit d’expulser un fonctionnaire de l’organisation syndicale ou de le suspendre d’une manière discriminatoire, ne s’applique pas dans ce cas-ci.

104 Dans Latrémouille, par ailleurs, le CCRT a analysé et appliqué le sous-alinéa 185i)(iii) du Code (aujourd’hui le sous-alinéa 95i)(iii)). Cette disposition ressemble beaucoup au sous-alinéa 188e)(ii) de la Loi : pour l’essentiel, ce sont des dispositions identiques. Le plaignant dans cette affaire avait été empêché de siéger au conseil d’administration de l’agent négociateur parce qu’il avait participé à une autre procédure devant le CCRT. Cette autre procédure concernait une demande qui aurait eu pour effet, si elle avait été accueillie, de modifier considérablement la composition du syndicat. La situation peut se résumer comme suit : craignant de perdre son statut d’entrepreneur indépendant, le plaignant s’était opposé à la requête en accréditation de son syndicat. L’organisation syndicale était un « agent négociateur volontairement reconnu », qui, de ce fait, n’était pas accrédité par le CCRT. Le plaignant avait également présenté une demande visant à ce que le CCRT déclare, par ordonnance, que l’agent négociateur était un employeur plutôt qu’un syndicat; le Conseil a qualifié cette demande d’«étrange ».

105 Le CCRT a rejeté les plaintes basées sur ces faits. Le banc du CCRT a commencé son analyse en indiquant ceci :

[…]

[…] rechercher dans la particularité de chaque affaire […] les motifs et le contexte qui ont poussé les parties impliquées à agir. La recherche des motifs et du contexte particulier est d'autant plus importante que nous devons déterminer, souvent au-delà des apparences, si le syndicat contre qui la plainte est portée agissait de façon discriminatoire ou s'il agissait de façon légitime dans la défense de ses intérêts, comme entité administrative, par exemple.

[…]

Le banc du CCRT a conclu que le conflit entre le plaignant et l’agent négociateur était essentiellement d’ordre politique et que rien ne permettait d’établir que le plaignant avait été empêché de faire valoir son point de vue. Il s’agissait simplement d’un cas où une minorité d’administrateurs était en désaccord avec la majorité. Toujours dans Latrémouille, le CCRT a formulé les observations suivantes au sujet du rôle et des responsabilités des minorités dans un syndicat :

[…]

[…] Les minorités, qu'elles soient d'accord ou pas, doivent se rallier à la majorité, sinon il en résulte l'anarchie. Ceci ne veut pas dire que la minorité ne peut pas continuer sa lutte pour convaincre la majorité de changer d'idée. Cela veut cependant dire que tant que la majorité n'a pas épousé les vues de la minorité, ce sont celles de la majorité qui doivent prévaloir.

[…]

106 Le CCRT a également conclu que le comportement du plaignant était « […] incompatible avec le respect de l'institution démocratique qu'est le conseil d'administration » de l'agent négociateur et qu’il constituait également un « […] abus flagrant des recours » prévus au Code. Le CCRT a en outre conclu que le conseil d’administration avait expulsé le plaignant de l’agent négociateur parce qu’il avait adopté une position contraire aux vœux de la majorité des autres membres du conseil d’administration et non pas parce qu’il avait pris part à des procédures sous le régime de la loi.

107 Je souscris à l’analyse du CCRT dans Latrémouille. L’agent négociateur « […] agi[t] de façon légitime dans la défense de ses intérêts, comme entité administrative […] » et « […] préserve l'intégrité de sa structure administrative […] » lorsqu’il empêche une personne dont le comportement est « incompatible » avec le processus démocratique de l’agent négociateur de participer à la conduite des affaires internes de l’agent négociateur

108 Le sous-alinéa 188e)(ii) de la Loi vise à protéger les personnes qui présentent des demandes ou déposent des plaintes et des griefs sous le régime de la Loi; la minorité ne doit pas se servir de cette disposition pour tenter de faire annuler des décisions valides de la majorité. Les dirigeants des agents négociateurs ont une obligation de loyauté. Comme ils occupent un poste de confiance et de responsabilité, l’agent négociateur est en droit de s’attendre à ce qu’ils fassent montre de loyauté (MacNeil, Lynk, Engelman, Trade Union Law in Canada (Canada Law Book; octobre 2003), au paragr. 6.690). Cela est évidemment contraire au devoir de loyauté que de contester les intérêts de l’agent négociateur de manière significative tout en participant à la conduite des affaires internes et aux processus décisionnels de l’agent négociateur. Ni l’une ni l’autre de ces actions n’est interdite individuellement, c’est la combinaison des deux qui l’est.

109 Pour mieux comprendre comment cette situation pourrait s’appliquer dans les faits, prenons l’exemple d’une demande visée à l’article 94 de la Loi. Cette disposition permet à quiconque affirme représenter la majorité des fonctionnaires d’une unité de négociation de demander à la Commission de déclarer que l’agent négociateur représente la majorité des fonctionnaires de l’unité. Pour ce faire, les membres de l’unité participent à un scrutin en vertu de l’article 95; si la majorité des fonctionnaires indiquent qu’ils ne souhaitent plus être représentés par l’organisation syndicale, l’accréditation de l’agent négociateur est révoquée en vertu de l’article 96. On comprendra facilement que, si la demande visée à l’article 94 est présentée par un dirigeant élu de l’agent négociateur, cela crée une situation très difficile. Autrement dit, un dirigeant élu qui présente une demande de révocation de l’accréditation à la Commission occasionne de sérieux problèmes pour tous.

110 Il y a tout lieu de croire que l’agent négociateur voudra discuter de la demande d’accréditation visée à l’article 94 de la Loi avec ses dirigeants, ses avocats et d’autres conseillers. Il va de soi, selon moi, que le dirigeant qui a introduit cette demande devrait s’abstenir de participer aux discussions, même s’il a été élu pour prendre part à des discussions de cette envergure. En participant aux discussions, il manquerait à son devoir de loyauté envers l’agent négociateur. On peut supposer que le membre se retirera de la discussion; mais la situation peut être assez conflictuelle pour qu’il ne veuille pas se retirer. L’agent négociateur est alors en droit de lui interdire de participer aux discussions. Malheureusement, l’intensité des affaires internes de l’agent négociateur pourrait bien faire en sorte que la Commission soit saisie d’une plainte du dirigeant expulsé qui allègue avoir été victime de menaces, de coercition ou d’une « sanction quelconque », en violation de l’alinéa 188e)(ii).

111 J’avoue qu’il s’agit là d’un exemple extrême, mais cela nous aide malgré tout à mieux comprendre l’objet du sous-alinéa 188e)(ii) : le recours prévu par cette disposition ne doit pas être utilisé pour intervenir dans la conduite des affaires internes de l’agent négociateur d’une manière qui nuit à ses intérêts légitimes et importants. Il m’apparaît évident que les intérêts de l’agent négociateur seraient menacés si une personne pouvait le contraindre à l’intégrer à des discussions considérées à bon droit comme privilégiées, c’est-à-dire des discussions auxquelles cette personne ne devrait pas participer. Le sous-alinéa 188e)(ii) vise à protéger les personnes qui présentent une demande sous le régime des parties 1 ou 2 de la Loi; l’objet de cette disposition n’est aucunement affaibli par le fait que l’agent négociateur a le droit de discuter en privé de questions qui sont véritablement protégées par le privilège. En fait, je suis incapable de trouver un lien entre le fait de protéger une personne qui présente une demande de ce genre et le fait de l’exclure des réunions de l’agent négociateur où il sera question de cette demande. En outre, comme il est indiqué dans Latrémouille, les dispositions comme le sous-alinéa 188e)(ii) ne doivent pas être utilisées pour substituer les opinions de la minorité à celles de la majorité ou pour promouvoir le programme politique d’un membre ou d’un groupe de membres de l’unité de négociation. Dans certains cas, l’agent négociateur agit d’une manière démocratique et équitable et conformément au sous-alinéa 188e)(ii), lorsqu’il prend la difficile décision d’exclure un dirigeant élu de réunions et d’autres événements internes afin de protéger adéquatement ses intérêts légitimes.

112 J’ajouterai que Latrémouille contient un certain nombre de phrases qui nous aident à mieux comprendre dans quel genre de situation l’agent négociateur est fondé à prendre des mesures contre un dirigeant élu. En voici quelques exemples : l’agent négociateur a le droit de défendre « […] ses intérêts, comme entité administrative […] », de mettre en place « […] des mesures qui peuvent […] être perçues comme des mesures raisonnables visant à protéger sa propre position […] [et] en assurant son existence, […] [de] reconnaître et faire valoir ses intérêts légitimes […] ». À mon sens, l’agent négociateur a le droit d’agir dans son intérêt avant que son existence même soit menacée. Autrement dit, les mesures prises dans le but véritable de préserver les intérêts légitimes et importants de l’agent négociateur ne vont pas à l’encontre du sous-alinéa 188e)(ii). J’en suis venu à cette conclusion après avoir déterminé que ce serait un non-sens de limiter le champ d’action de l’agent négociateur aux seules situations urgentes qui nécessitent son attention immédiate; pour être efficace, l’agent négociateur doit être capable de résoudre les problèmes avant que la situation atteigne un seuil critique. Vu sous cet angle, l’exemple que j’ai utilisé plus tôt à propos d’une demande visée à l’article 94 justifiant que l’agent négociateur prenne des mesures restrictives contre un dirigeant élu qui serait partie à la demande constitue encore une fois un cas extrême. Il peut y avoir des cas où les intérêts de l’agent négociateur ne sont pas menacés directement, mais où ses décisions sont néanmoins conformes au sous-alinéa 188e)(ii). Chaque cas constitue en fait un cas d’espèce.

113 Pour en revenir à la politique en cause dans ce cas-ci, je suis d’avis qu’elle autorise l’agent négociateur à exclure un dirigeant élu de discussions privilégiées auxquelles ce dirigeant ne devrait pas participer. Pour les motifs que j’ai exposés ci-dessus, il se peut qu’un membre doive se retirer des discussions se rapportant à la demande qu’il a présentée à un organisme extérieur ainsi que des discussions se rapportant à la conduite des affaires légitimes de l’agent négociateur. De plus, si le membre décide de participer quand même aux discussions et que sa présence pourrait véritablement nuire aux intérêts de l’agent négociateur, ce dernier doit alors être capable de l’obliger à se retirer. Au risque de me répéter, j’estime que c’est un résultat valide et même nécessaire dans certains cas.

114 J’attire par ailleurs l’attention sur le fait que la politique en cause ici dit aussi qu’un membre qui « […] renvoie[…] une affaire, qui a été ou aurait dû être référée à la procédure interne de l’Institut, à un processus ou une procédure externe pour étude […] [est] automatiquement suspendu[…] temporairement […] » de ses fonctions. La suspension cesse « […] dès que les procédures externes prennent fin, quelle qu’en soit la raison. » La politique aborde aussi la question du devoir de loyauté des membres d’organismes décisionnaires, en précisant toutefois que ce devoir s’applique à ceux qui « […] représentent ou participent de quelque façon au soutien d’un ou de plusieurs membres dans tous processus ou procédures externes contre l’Institut. » Je présume que ce devoir de loyauté envers l’agent négociateur s’applique à ceux qui présentent une demande comme à ceux qui appuient ou représentent les demandeurs.

115 En fin de compte, j’en déduis que c’est le fait même de présenter une demande à un organisme extérieur qui enclenche l’application de la politique et, surtout, qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait un conflit réel ou une apparence raisonnable de conflit entre l’objet de la demande et le devoir de loyauté envers l’agent négociateur. Autrement dit, le simple fait de présenter une demande ou d’être partie à une demande semble créer une présomption de conflit. Je note également que la suspension s’applique à toutes les fonctions détenues par le membre, et non pas exclusivement à celles qui occasionnent le conflit avec l’objet de la demande.

116 J’admets que ces situations mettent parfois en jeu des intérêts personnels et philosophiques très puissants qu’il est plus simple dans ces cas-là de suspendre carrément le membre de toutes ses fonctions sans exception. Je conviens par ailleurs que ce ne sont pas des situations faciles. D’une part, l’agent négociateur a le droit de protéger ses intérêts contre le risque de préjudice. D’autre part, les dirigeants élus ou nommés, auxquels les membres ont confié d’importantes responsabilités, ont le droit de s’acquitter de leurs obligations. Parallèlement, les dirigeants élus doivent agir de façon cohérente avec leur devoir de loyauté envers l’agent négociateur. Pire encore, il arrive que le dirigeant élu interprète son mandat d’une manière qui n’est pas cohérente avec son devoir de loyauté envers l’agent négociateur ou, comme dans ce cas-ci, que l’agent négociateur et le dirigeant élu ne s’entendent pas sur la manière dont ce devoir doit être exercé.

117 Je reconnais que tout cela est complexe, mais je suis néanmoins incapable d’admettre que, chaque fois qu’un membre élu présente une demande à un organisme extérieur, une suspension doit lui être imposée ou que la suspension doit s’appliquer à toutes les fonctions du poste en question. Un critère quelconque de proportionnalité est nécessaire, selon moi, afin de pondérer les divers facteurs en cause, de manière à ce que les intérêts légitimes de l’agent négociateur soient protégés et à ce que les actes préjudiciables d’un dirigeant élu ne nuisent pas à ces intérêts. Je ne trouve malheureusement aucun critère de ce genre dans la politique en litige et je constate que sa portée est beaucoup trop étendue. Le droit de présenter une demande sous le régime de la Loi est un droit fondamental et j’irais jusqu’à dire que la politique de l’agent négociateur ne porte pas directement atteinte à ce droit. Il n’en reste pas moins que le droit de common law de présenter une demande à la Commission (ou à un autre organisme extérieur) est un droit fondamental et qu’il m’apparaît évident que la perspective d’être suspendu d’une charge élective est une raison suffisante pour ne pas présenter une demande. Pour les motifs que j’ai exposés ci-dessus, j’estime qu’une suspension peut être justifiée dans certains cas, en raison du risque réel de préjudice pour l’agent négociateur et du devoir de loyauté du dirigeant envers l’agent négociateur. Cela dit, je ne crois pas que ce risque peut être présumé du simple fait qu’une demande est présentée à un organisme extérieur. Je suis d’avis que le fait de suspendre une personne des postes auxquels elle a été élue, pour une raison arbitraire, constitue « une sanction quelconque ».

118 Pour en revenir à la situation particulière de la plaignante dans ce cas-ci, rappelons qu’elle a eu un conflit avec une autre membre, Mme Ramsay, après avoir expédié le courriel du 1er juillet 2007. J’ai conclu, ci-dessus, que le courriel contenait des commentaires irréfléchis et excessifs et qu’il visait à critiquer Mme Ramsay, même si la plaignante soutient le contraire. La plainte de Mme Ramsay à l’agent négociateur a été accueillie par le Comité exécutif, qui a ensuite rejeté la plainte et l’appel de la plaignante. La plaignante a alors déposé une plainte devant la Commission, en novembre 2007, ce qui lui a valu d’être suspendue des postes auxquelles elle avait été élue, en avril 2008.

119 Selon les témoins du défendeur, l’agent négociateur a d’abord jugé qu’il s’agissait d’un problème mineur. C’est pour cette raison que des processus informels ont été appliqués et que, en guise de sanction, on a simplement recommandé à la plaignante de présenter des excuses. La plaignante a refusé de le faire, cela n’a pas été sanctionné et le Comité exécutif a présenté des excuses en son nom. La plaignante a alors déposé sa première plainte devant la Commission, en novembre 2007. J’ai conclu plus tôt que cette plainte était sans fondement, mais cela n’est d’aucun intérêt pour trancher les questions soulevées dans la seconde plainte, pour la bonne raison que la plaignante a le droit de présenter une demande en vertu de la Loi, que cette demande soit fondée ou non. La conclusion qui s’impose, donc, est que c’est parce qu’il y avait un conflit avec une autre membre et, par la suite, parce qu’il y avait un conflit avec la présidente et le Conseil d’administration à propos de la manière dont le conflit initial avait été résolu que l’agent négociateur a décidé de suspendre la plaignante de tous les postes auxquels elle avait été élue.

120 Dans sa première plainte, la plaignante demandait à la Commission de rejeter la plainte de M. Ramsay et d’annuler la décision du Comité exécutif datée du 12 septembre 2007. Elle demandait également des « [traduction] excuses publiques » de la part de Mme Demers et une « [traduction] corroboration de la part de Michèle Demers que toutes les mesures prises par la plaignante étaient conformes aux statuts et règlements de l’IPFPC et aux principes généraux de la justice naturelle. » En supposant que je puisse accorder ces réparations (et que la plainte soit accueillie), je ne crois pas que les mesures demandées portent atteinte aux intérêts légitimes et importants de l’agent négociateur. Cette conclusion est d’ailleurs confirmée par le fait que l’agent négociateur a jugé que la plaignante n’avait pas commis d’infraction disciplinaire et qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 24 des Statuts ayant trait aux mesures disciplinaires. L’article 24.1 des Statuts dit qu’un membre peut faire l’objet d’une mesure disciplinaire si « sa conduite nuit aux intérêts ou à la réputation de l’Institut ou restreint ses activités. » L’agent négociateur ayant décidé que les actions de la plaignante ne satisfaisaient pas à ce critère, il serait faux de prétendre que la plaignante a nui aux intérêts de l’organisation syndicale.

121 Il y a cependant un aspect que je trouve troublant dans la présente plainte. C’est le fait que la plaignante a participé à des réunions après avoir été suspendue de son poste aux termes de la politique décrite précédemment. On l’a autorisée à prendre la parole en tant que membre, mais pas comme titulaire des postes auxquelles elle avait été élue. Malheureusement, son comportement a été si nuisible durant les réunions que d’autres membres ont été obligés d’intervenir pour rétablir l’ordre. La plaignante nie qu’elle a eu un comportement nuisible durant les réunions, mais je préfère la preuve des témoins de l’agent négociateur sur ce point. La plaignante estime également qu’elle aurait dû avoir droit au remboursement de ses frais au même titre que les autres délégués; elle conteste aussi le fait que l’agent négociateur l’ait exclue de certaines discussions durant les réunions. Je comprends que la plaignante était vexée et contrariée d’avoir été suspendue des postes auxquels elle avait été élue. Il reste que cette suspension était bien réelle; je ne peux donc que conclure que son insistance à vouloir être traitée comme si elle n’avait pas été suspendue était un comportement déraisonnable et nuisible.

122 Même si j’ai conclu que la plaignante avait eu un comportement nuisible durant les réunions d’avril 2008, je ne crois pas que cela ait porté atteinte aux intérêts de l’agent négociateur. Au bout du compte, les réunions ont été menées à terme, les points inscrits à l’ordre du jour ont été débattus et les affaires de l’agent négociateur ont continué. C’est un fait bien connu parmi les membres de la communauté des relations de travail que les réunions des agents négociateurs s’accompagnent parfois de débats houleux et acrimonieux. À cet égard, je paraphrase comme suit l’une des conclusions contenues dans Veillette 2 : « […] la plaignante a certainement eu un comportement nuisible qui a créé [un] malaise, mais cela n’a pas mis l’organisation en péril. »

123 Pour finir, les parties s’accordent à dire que l’agent négociateur a appliqué sa politique, en avril 2008, après que la plaignante eut présenté sa plainte à la Commission en novembre 2007. La preuve a établi que l’agent négociateur avait envisagé de ne pas appliquer la politique aux membres qui avaient déjà présenté des demandes, mais qu’il avait finalement changé d’idée. Dans le procès-verbal de la réunion du Conseil d’administration du 19 mars 2008, il est écrit que la politique « [traduction] s’applique immédiatement ». La plaignante prétend que cette politique la ciblait expressément et que cela constitue une preuve supplémentaire que l’agent négociateur a agi d’une manière discriminatoire et usé de menaces à son égard. L’agent négociateur a cependant démontré qu’il avait d’autres membres dans sa ligne de mire, ce que confirment les décisions rendues dans Veillette 1 et Veillette 2. Je conviens néanmoins avec la plaignante qu’il y a un certain manque d’équité dans l’application de cette politique, car, pour en éviter les conséquences, la plaignante devait absolument retirer sa plainte devant la Commission; je ne peux rejeter d’emblée son argument selon lequel l’application rétroactive de la politique dans ce cas-ci est en soi inéquitable. De même, du point de vue des principes, j’ai de la difficulté à voir où se situe l’effet dissuasif de la politique; la plaignante n’a pas eu la possibilité de décider si elle devait présenter sa demande ou non, à la lumière des conséquences de cette politique, si elle voulait vraiment présenter sa demande. Indépendamment des considérations relatives à l’équité, la question de la rétroactivité de politiques est un sujet relativement technique qui nécessite l’examen des statuts de l’agent négociateur et de certains aspects du droit commun. Ni l’une ni l’autre des parties n’a abordé ces questions complexes, à vrai dire, dans son argumentation. Par conséquent, à part les observations que je viens de formuler sur ce point, je suis incapable de tirer des conclusions définitives.

124 En conséquence, je conclus que la seconde plainte de la plaignante, datée du 11 avril 2008, est accueillie. Cette conclusion concorde généralement avec la décision rendue dans Veillette 2; il faut cependant se rappeler que cette décision a été rendue en vertu de l’alinéa 188d) de la Loi.

D. Réparation

125 En ce qui concerne la question de la réparation, je signale que l’alinéa 192(1)f) de la Loi s’applique. Cette disposition est libellée comme suit :

192.(1) Si elle décide que la plainte présentée au titre du paragraphe 190(1) est fondée, la Commission peut, par ordonnance, rendre à l’égard de la partie visée par la plainte toute ordonnance qu’elle estime indiquée dans les circonstances et, notamment :

[…]

f) en cas de contravention par l’organisation syndicale de l’un des alinéas 188c), d) et e), lui enjoindre d’annuler toute mesure disciplinaire prise et de payer au fonctionnaire touché une indemnité équivalant au plus, à son avis, à toute sanction pécuniaire ou autre imposée au fonctionnaire par l’organisation syndicale.

126 Cette disposition accorde à la Commission des pouvoirs réparateurs généraux en vertu du paragraphe 192(1) de la Loi et l’autorise ensuite à rendre les ordonnances particulières qu’elle estime indiquées en vertu du sous-alinéa 192(1)f) dans les cas où l’organisation syndicale a contrevenu à l’alinéa 188e). Je ne dispose d’aucune preuve ici que l’agent négociateur a imposé une sanction pécuniaire à la plaignante.

127 La plaignante demande un certain nombre de réparations; je cite celles que son représentant a présentées dans sa plaidoirie finale. La plaignante veut que l’agent négociateur lui présente des excuses publiques « [traduction] […] dans tous les médias auxquels il a accès »; elle veut également qu’il prenne en charge les honoraires d’un représentant indépendant durant les huit jours d’audience (soit 600 heures de travail), qu’il lui permette de parler de sa plainte lors de la prochaine assemblée générale annuelle de l’agent négociateur, en lui accordant, pour ce faire, le « [traduction] double du temps prévu » et qu’il lui rembourse les frais encourus pour assister aux réunions de l’agent négociateur après sa suspension. Pour finir, elle demande à la Commission de déclarer que la politique en litige n’est pas conforme à la Loi.

128 La Commission n’a pas pour pratique de rembourser les dépenses; je rejette donc la demande de la plaignante pour cette raison. Je rejette également la demande d’excuses publiques parce qu’elle est beaucoup trop générale et que cela équivaut essentiellement à présenter des excuses à la planète entière. Je ne suis d’ailleurs pas convaincu que la Loi m’autorise à m’immiscer dans la conduite des affaires internes d’un agent négociateur en l’obligeant à accorder du temps à la plaignante, en fait « [traduction] le double du temps prévu », lors d’une assemblée générale annuelle, pour lui permettre de parler de sa plainte.

129 En ce qui concerne le remboursement des frais engagés pour assister à des réunions en avril 2008, je note que la plaignante a déclaré, durant son témoignage, qu’elle « [traduction] […] ne comprenai[t] pas le sens de la lettre » du 9 avril 2008 dans laquelle l’agent négociateur l’informe qu’il la suspend des postes auxquels elle a été élue et qu’il « [traduction] […] ne [lui] était pas venu à l’idée qu[’elle] ne pouvai[t] pas assister [aux réunions] comme déléguée ». J’admets que cette lettre a contrarié et fâché la plaignante, comme elle l’a dit, mais je ne crois pas que le sens lui en ait échappé. J’estime en fait qu’elle était contrariée parce que l’agent négociateur l’avait suspendue des postes auxquels elle avait été élue. Elle savait donc très bien, en se présentant aux réunions, qu’elle n’avait pas le droit d’y participer en tant que dirigeante élue. J’estime par conséquent qu’il serait incongru de lui rembourser des frais qu’elle a engagés en toute connaissance de cause. Ce serait également imposer une mesure punitive à l’agent négociateur que de l’obliger à rembourser ces frais; je n’ai d’ailleurs pas le pouvoir de rendre une ordonnance de cette nature.

130 Je conviens avec la plaignante que l’agent négociateur a contrevenu au sous-alinéa 188e)(ii) de la Loi en lui appliquant la politique en litige et en la suspendant des postes auxquels elle avait été élue. J’enjoins donc à l’agent négociateur d’annuler l’application de la politique à la plaignante. J’ai conclu ci-dessus que la politique visait, à juste titre, à protéger les intérêts légitimes et importants de l’agent négociateur. C’est pourquoi je ne peux conclure que la politique est totalement contraire à la Loi. J’ai également conclu que la politique avait une trop grande portée, comme en témoigne son application à la plaignante dans ce cas-ci. La Commission est d’ailleurs arrivée à la même conclusion dans Veillette 2; j’adopte également la conclusion contenue dans cette décision et selon laquelle l’agent négociateur doit modifier sa politique pour la rendre conforme à la Loi.

131 Pour finir, j’estime que le préjudice, dans ce cas-ci, ne peut avoir été causé que par la suspension qui a été imposée à la plaignante et que, dans la mesure du possible, la réparation accordée doit avoir pour but de corriger ce préjudice et de rétablir la plaignante dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant d’être suspendue des postes auxquels elle avait été élue. J’enjoins donc à l’agent négociateur d’annuler les suspensions imposées à la plaignante. J’accorde également une grande importance au fait que les membres et les dirigeants de l’agent négociateur ont été informés de la suspension de la plaignante et je conclus qu’il convient d’exiger qu’ils soient avisés de l’annulation de la suspension. À la différence du commissaire qui a instruit l’affaire Veillette 2, j’estime que j’ai le pouvoir d’intervenir dans la conduite des affaires internes de l’agent négociateur pour façonner une réparation relativement aux mesures visées au sous-alinéa 188e)(ii) de la Loi, notamment les sanctions imposées par l’agent négociateur parce qu’une personne a présenté une demande à la Commission. Dans ce cas-ci, il s’agissait d’une suspension. L’ordonnance n’a pas pour but de contourner l’application régulière des statuts de l’agent négociateur régissant la durée habituelle du mandat des membres élus et nommés.

132 Pour ces motifs, j’estime indiqué dans les circonstances d’enjoindre à l’agent négociateur de publier le communiqué suivant, à un endroit bien visible, dans le prochain numéro d’une de ses publications périodiques et significatives destinées aux membres (le communiqué pourrait être affiché sur le site Web) :

[Traduction]

Communiqué à l’intention des membres et dirigeants de l’Institut

Le 9 avril 2008, Mme Irene Bremsak a été suspendue de ses fonctions à titre de membre particulière, sous-groupe SP de Vancouver, de présidente, chapitre de Vancouver; de membre particulière, Exécutif régional de la C.-B et du Yukon; et de coordonnatrice d’un sous-groupe, Exécutif du groupe SP. Cette suspension lui a été imposée aux termes de la « Politique relative aux membres et aux plaintes à des organismes extérieurs » de l’Institut après qu’elle eut déposé une plainte devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

La Commission des relations de travail dans la fonction publique a récemment enjoint à l’Institut, en vertu du sous-alinéa 188e)(ii) et de l’article 192 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, d’annuler la suspension imposée à Mme Bremsak aux termes de la politique et d’apporter les modifications nécessaires à la politique pour la rendre conforme à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. La Commission a également conclu que l’Institut pouvait être fondé, dans d’autres circonstances, à suspendre un membre du poste auquel il a été élu ou nommé. Pour finir, la Commission a ordonné que le présent communiqué soit distribué aux membres et aux dirigeants de l’Institut.

Il s’ensuit que Mme Bremsak est réintégrée, en date d’aujourd'hui, dans tous les postes auxquels elle a été élue et nommée, sous réserve de l’application régulière des statuts de l’Institut.

VI. Résumé

133 La plaignante avance, dans sa première plainte, que l’agent négociateur a contrevenu à l’alinéa 188c) de la Loi en accueillant, à la suite d’une élection régionale contestée, la plainte d’une autre membre contre la plaignante, d’une part, et en rejetant l’appel de cette décision ainsi que la plainte de la plaignante contre la présidente de l’agent négociateur, d’autre part.

134 Je conclus que les commentaires formulés par la plaignante, à propos d’une autre membre, dans le courriel daté du 1er juillet 2007, justifiaient la prise d’une sanction quelconque par l’agent négociateur afin d’obliger les membres à appliquer entre eux des règles élémentaires d’étiquette. Je n’accepte pas l’argument de la plaignante selon lequel ses commentaires visaient un autre membre. Je reconnais en outre à l’agent négociateur le droit de résoudre les plaintes entre des membres par divers moyens, y compris des processus informels moins formalistes que d’autres processus officiels. L’agent négociateur a également le droit de prendre des décisions à propos des processus à appliquer pour résoudre les plaintes, sans que la Commission n’intervienne, dans la mesure où ces décisions ne sont pas basées sur des facteurs discriminatoires qui vont à l’encontre de l’alinéa 188c) de la Loi et pour autant qu’elles soient conformes aux principes de la justice naturelle.

135 La plainte du 16 novembre 2007 fondée sur l’alinéa 188c) de la Loi est rejetée.

136 La seconde plainte porte sur une politique de l’agent négociateur voulant que tout dirigeant élu qui dépose une plainte devant un organisme extérieur à propos d’une question de régie interne soit automatiquement suspendu des postes auxquels il a été élu jusqu’à ce que la procédure externe ait pris fin. La plaignante allègue que cette politique n’est pas conforme au sous-alinéa 188e)(ii) de la Loi.

137 Je conclus que la politique de l’agent négociateur relative aux demandes présentées à des organismes extérieurs est généralement conforme à la politique visant à protéger les intérêts légitimes et importants de l’agent négociateur contre le risque de préjudice. J’estime par ailleurs que la portée de cette politique est trop étendue, dans la mesure où chaque demande présentée à un organisme extérieur à propos d’une question de régie interne est systématiquement considérée comme un manquement au devoir de loyauté envers l’agent négociateur. Dans ce cas-ci, la plainte déposée devant la Commission portait sur un conflit entre la plaignante et une autre membre de l’unité de négociation et un conflit à propos de la façon dont l’agent négociateur avait résolu ce premier conflit. Cette plainte n’a aucunement nui aux intérêts importants et légitimes de l’agent négociateur.

138 En conséquence, j’accueille la plainte fondée sur l’alinéa 188e)(ii) de la Loi et datée du 11 avril 2008, bien que je sois en désaccord avec ses observations à propos des réparations que je devrais lui accorder. Conformément à l’alinéa 192(1)f), j’enjoins à l’agent négociateur d’annuler l’application de la politique à la plaignante et de modifier cette politique pour la rendre conforme à la Loi. Afin de rétablir la plaignante dans son rôle de dirigeante élue de l’unité de négociation, j’enjoins également à l’agent négociateur d’aviser ses membres, de la manière décrite ci-dessus (voir le paragraphe 131 de la présente décision), que la plaignante a été réintégrée dans ses anciennes fonctions.

139 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

140 L’objection préliminaire de l’agent négociateur à propos de la compétence de la Commission pour se pencher sur la conduite des affaires internes de l’agent négociateur est rejetée.

141 La plainte du 16 novembre 2007 est rejetée.

142 La plainte du 11 avril 2008 est accueillie.

143 L’agent négociateur doit annuler l’application de sa « Politique relative aux membres et aux plaintes à des organismes extérieurs » à la plaignante.

144 L’agent négociateur doit modifier sa « Politique relative aux membres et aux plaintes à des organismes extérieurs » pour la rendre conforme à la Loi.

145 L’agent négociateur doit rétablir la plaignante dans son rôle de dirigeante élue de l’unité de négociation et aviser ses membres et ses dirigeants, de la manière décrite au paragraphe 131 de la présente décision, que la plaignante a été réintégrée dans tous les postes auxquels elle a été élue et nommée, sous réserve de l’application régulière des statuts de l’agent négociateur.

Le 26 août 2009.

Traduction de la CRTFP.

John Steeves,
commissaire

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