Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants ont soutenu que l’intimé avait abusé de son pouvoir par favoritisme personnel à l’égard du candidat retenu, et en faisant preuve de discrimination à leur encontre. L’intimé a fait valoir que les plaignants n’avaient fourni aucune preuve à l’appui de leurs allégations. Au début de l’audience, les plaignants ont présenté une requête visant à suspendre l’instruction des plaintes car ils souhaitaient déposer une requête en révision judiciaire auprès de la Cour fédérale à propos d’une décision partielle rendue par le Tribunal. Celui-ci a rejeté la requête vu que les plaignants n’ont pas réussi à démontrer que la poursuite de l’audience leur causerait un préjudice quelconque. Les plaignants ne se sont pas présentés à l’audience le deuxième jour; le Tribunal a décidé de la poursuivre en leur absence en vertu du Règlement du TDFP puisqu’ils avaient été informés de la tenue de l’audience en bonne et due forme. Décision : Les plaignants n’ont pas assisté à toute l’audience. Ils n’ont donc fourni aucune preuve au Tribunal pour appuyer leur allégation selon laquelle leur candidature avait été éliminée du processus de façon injustifiée à l’étape de la présélection. D’autre part, il n’y avait pas de preuve de favoritisme personnel ni de discrimination à l’égard du candidat reçu; les plaignants n’en avaient produit aucune. Le Tribunal s’est prononcé sur la conduite de l’un des plaignants, précisant que celui-ci avait fait preuve de manque de respect envers le Tribunal et les parties durant tout le processus de plainte; le Tribunal considérait cette conduite comme étant un abus de procédure et un comportement vexatoire. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2006-0220 et 0238
Rendue à:
Ottawa, le 19 décembre 2008

PAUL ALEXANDER ET SUPRIYA RAVE
Plaignants
ET
LE SOUS-MINISTRE DE SANTÉ CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par:
Francine Cabana, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Alexander et Rave c. Sous-ministre de Santé Canada et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0032

Motifs de la décision

Introduction

1 Les plaignants, Paul Alexander et Supriya Rave, ont présenté chacun une plainte semblable à l’encontre d’un processus de nomination interne annoncé (no 06‑NHW‑ON‑IA‑029) pour le poste de gestionnaire, Centre des opérations de l'Ontario de Santé Canada, aux groupe et niveau SG-SRE-07.

2 La candidature de M. Alexander, qui a présenté sa plainte le 17 novembre 2006, a été éliminée du processus de nomination parce qu’il ne répondait pas à tous les critères relatifs à l’expérience. Mme Rave ne répondait pas non plus à tous les critères relatifs à l’expérience; elle a présenté sa plainte le 27 novembre 2006.

3 Les plaignants affirment que l’intimé, le sous-ministre de Santé Canada, a abusé de son pouvoir dans l’application du principe du mérite. Ils soutiennent principalement que, dans le passé, on a accordé au candidat nommé des affectations intérimaires afin qu’il soit retenu pour le poste. Par conséquent, la personne nommée a bénéficié d’un avantage injuste par rapport aux autres candidats. Les plaignants ajoutent qu’ils ont été victimes de discrimination raciale, car ils sont membres d’une minorité visible.

4 Les plaignants ont présenté leur plainte en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). Comme les deux plaintes visent le même processus de nomination et que les plaignants présentent les mêmes allégations de favoritisme personnel, d’application inappropriée du principe du mérite et de discrimination, le Tribunal a procédé à la jonction des dossiers le 18 janvier 2008 conformément à l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6 (Règlement du TDFP).

Questions en litige

5 Pour régler les plaintes, le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’égard du candidat retenu, rejetant ainsi de façon injustifiée la candidature des plaignants à l’étape de la présélection du processus de nomination?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoiren faisant preuve de discrimination à l’encontre des plaignants?

Contexte

6 Le 4 août 2006, une annonce de possibilité d’emploi visant la dotation du poste de gestionnaire, Centre des opérations de l'Ontario (SG SRE‑07) de Santé Canada à Scarborough, en Ontario, a été affichée sur Publiservice. Le processus servait également à créer un bassin de candidats qualifiés pour les futurs postes vacants, qu’ils soient temporaires ou de durée indéterminée.

7 Les postulants ont été évalués aux fins de la présélection en fonction de leurs qualifications liées à la scolarité et à l’expérience. Au total, 21 personnes ont présenté leur candidature pour le poste. Sept d’entre elles répondaient aux critères de présélection, et leur candidature a été examinée pendant le reste du processus. Les candidatures des deux plaignants ont été rejetées à la présélection, car ceux‑ci ne répondaient pas à tous les critères relatifs à l’expérience. Seule la personne nommée, Jim Daskalopoulos, possédait toutes les qualifications essentielles.

8 Mme Rave travaille actuellement pour l’intimé, mais M. Alexander ne travaille plus pour lui. Le plaignant a indiqué qu’il était en congé de maladie du 22 décembre 2006 au 17 janvier 2007. Il semble qu’après cette date, il a pris un congé non payé qu’il a décrit comme un « lock-out ». Il soutient donc qu’il n’avait plus accès à ses courriels et documents à son bureau.

9 Chacun des deux plaignants a reçu la lettre standard envoyée par le Tribunal pour accuser réception de sa plainte. Dans les lettres, on demandait aux plaignants de consulter le Guide de procédures, qui a été rédigé pour aider les parties engagées dans une instance devant le Tribunal.

10 Pendant toute la durée du processus de plainte, M. Alexander a envoyé des centaines de courriels au Tribunal. La plupart des courriels étaient très longs, contenaient des copies de courriels précédents, demandaient les mêmes renseignements et contenaient des arguments relatifs au bien-fondé de la plainte. M. Alexander envoyait souvent plusieurs courriels par jour. Mme Rave a elle aussi envoyé plusieurs courriels, mais en moins grande quantité que M. Alexander.

11 Par conséquent, le Tribunal a émis de nombreuses lettres de décision concernant ces plaintes, avant et après la jonction de celles-ci le 18 janvier 2008. Le Tribunal a reçu des demandes d’ordonnance de communication de renseignements. Il a rappelé aux parties qu’elles devaient éviter d’envoyer des courriels portant sur le bien‑fondé des plaintes, car elles auraient la possibilité de contre‑interroger les témoins et de présenter leur argumentation et la jurisprudence pendant l’audience. Le Tribunal a aussi abordé la question des témoins.

12 Le 29 avril 2008, le Tribunal a diffusé un résumé de la conférence préparatoire qui a eu lieu le 25 avril 2008. Le Tribunal a ordonné à l’intimé de fournir certains documents à M. Alexander, et si l’intimé ne trouvait pas lesdits documents, l’intimé devait essayer de les récupérer avec l’aide de l’équipe de la TI. Le Tribunal a également ordonné à l’intimé de fournir à M. Alexander les courriels relatifs à la dotation échangés entre lui et trois autres personnes. En outre, le Tribunal a reproduit les deux listes de témoins que les plaignants et l’intimé doivent appeler à comparaître. Le Tribunal a aussi indiqué que les questions en litige portaient sur les qualifications de la personne nommée se rapportant aux exigences du poste, la discrimination contre les membres des minorités visibles, le processus qui aurait favorisé la personne nommée et l’abus de pouvoir qui aurait entaché le processus de présélection.

Questions préliminaires

13 Les plaignants ont présenté six requêtes au début de l’audience, le 27 mai 2008. Le Tribunal avait déjà abordé certaines de ces questions en litige dans des lettres de décision. La première requête était liée à trois témoins que les plaignants voulaient faire comparaître. La deuxième requête portait sur des assignations que les plaignants voulaient faire adresser à leurs témoins. La troisième requête se rapportait aux témoins appelés par l’intimé plutôt que par les plaignants. La quatrième requête était liée à la demande de M. Alexander qui voulait avoir accès à ses courriels et aux documents qui se trouvaient sur son bureau. La cinquième et la sixième requêtes étaient semblables à la troisième et à la quatrième requêtes.

14 Le Tribunal a écouté les parties et a statué sur les requêtes. Il a confirmé toutes les décisions précédentes qu’il avait rendues dans diverses lettres de décision, sauf dans un cas, à savoir en ce qui concerne les témoins.

15 Les plaignants tenaient absolument à ce que Anthony Sangster (directeur général régional, région de l’Ontario), Jean-Marc Charron (ancien gestionnaire des opérations, Direction générale des produits de santé et des aliments, région de l’Ontario), Robert Neil (Chef, Division des laboratoires d’analyse des aliments, Direction générale des produits de santé et des aliments, région de l’Ontario), Karolyn Lui (directrice régionale, Direction générale des produits de santé et des aliments, région de l’Ontario) et Helen Goulet (ancienne sous-ministre adjointe, Direction générale des produits de santé et des aliments) témoignent pour eux.

16 Après une discussion avec les plaignants et l’intimé, le Tribunal a conclu que les témoins de l’intimé (M. Sangster, M. Charron, M. Neil et Mme Lui) seraient maintenant considérés comme les témoins des plaignants, comme ces derniers le demandaient. Après avoir entendu les parties sur cette question, le Tribunal s’est assuré que les plaignants comprenaient la différence entre un interrogatoire principal et un contre‑interrogatoire. Le Tribunal a également expliqué que comme les témoins étaient à présent ceux des plaignants, ceux-ci se verraient accorder moins de souplesse à l’interrogatoire principal qu’ils en auraient eu au contre‑interrogatoire. Cette souplesse était maintenant accordée à l’intimé. Les plaignants ont déclaré qu’ils comprenaient les conséquences de leur demande et de la décision du Tribunal. Le Tribunal a indiqué qu’il attendrait le témoignage de la personne nommée avant de se prononcer quant au témoignage de Mme Goulet. Si son témoignage était toujours nécessaire, une décision en ce sens serait rendue à ce moment.

Requête visant à suspendre l’instruction des plaintes en attendant un contrôle judiciaire

17 Au cours de l’après-midi du premier jour de l’audience, les plaignants ont présenté une requête visant à suspendre l’instruction des plaintes. Les plaignants voulaient présenter une demande de contrôle judiciaire, car ils contestaient la décision rendue par le Tribunal le 29 avril 2008 en ce qui concerne la question des témoins qui avait été abordée pendant la conférence préparatoire.

18 L’intimé s’est opposé à la requête visant à suspendre l’instruction des plaintes au motif que la poursuite de l’audience ne causerait aucun préjudice. L’intimé a ajouté que les plaignants auraient l’occasion de demander une révision judiciaire une fois que le Tribunal aura rendu sa décision finale.

19 La Commission de la fonction publique (la CFP) s’est également opposée à la requête visant à suspendre l’instruction des plaintes, car elle considérait elle aussi que les plaignants ne subiraient aucun préjudice si l’audience se poursuivait.

20 La personne nommée était aussi d’avis que l’audience devrait se poursuivre.

21 Les plaignants n’ont pas réussi à convaincre le Tribunal qu’ils subiraient un préjudice quelconque ou qu’il y aurait des conséquences néfastes sur l’issue de l’affaire en l’espèce qui auraient justifié une suspension de l’instruction des plaintes. Les plaignants n’ont présenté aucune jurisprudence à l’appui de leur requête. Le Tribunal a donc rejeté la requête et a expliqué aux parties que l’audience allait se poursuivre, car la question soulevée pendant la conférence préparatoire était différente de celle qui est abordée dans le cadre de l’audience décrite dans les présents motifs. De plus, le Tribunal a expliqué aux plaignants qu’ils auraient l’occasion de demander une révision judiciaire une fois que le Tribunal aura rendu sa décision finale.

22 Le Tribunal a jugé qu’il n’était aucunement nécessaire de suspendre l’instruction des plaintes, et l’audience s’est donc poursuivie.

Poursuite de l’audience en l’absence des plaignants

23 Le 27 mai 2008, vers 15 h, on a demandé aux plaignants de présenter leurs éléments de preuve et de fournir aux autres parties une copie des documents qu’ils avaient l’intention de présenter en preuve à l’audience. Les plaignants n’avaient en leur possession ni les documents, ni copies desdits documents à remettre aux parties.

24 Le Tribunal a demandé aux plaignants de se présenter le lendemain, le 28 mai 2008, à 9 h, et d’apporter cinq copies de chacun de leurs documents. Il a également été décidé que M. Sangster témoignerait le 28 mai 2008 à 9 h 30, et qu’après son témoignage, on accorderait du temps aux parties pour leur permettre de discuter de la possibilité de déterminer quels documents seront présentés sur consentement.

25 Le 28 mai 2008 à 8 h 44, le bureau du Greffe du Tribunal a télécopié au membre qui présidait l’audience une copie du courriel de M. Alexander reçu le soir précédent.

26 Le 27 mai 2008 à 23 h 38, M. Alexander a envoyé au Tribunal un courriel dont le contenu a amené le Tribunal à croire que M. Alexander ne serait pas présent à l’audience le 28 mai 2008. De la même façon, Mme Rave a envoyé un courriel le 28 mai 2008 à 9 h 29 pour indiquer qu’elle souscrivait au contenu du courriel envoyé par M. Alexander le 27 mai 2008. Toutes les parties étaient présentes lorsque le Tribunal a repris l’audience le 28 mai 2008 à 9 h, sauf les plaignants.

27 Le membre qui présidait l’audience a communiqué avec le bureau du Greffe du Tribunal pour lui demander de téléphoner aux plaignants et de leur envoyer un courriel afin de les informer que le Tribunal allait recommencer l’audience à 11 h et que, s’ils décidaient de ne pas y participer, l’audience allait se poursuivre en leur absence. L’audience a été suspendue jusqu’à 11 h. Le membre qui présidait l’audience est resté dans la salle d’audience jusqu’à 11 h.

28 Le bureau du Greffe a tenté en vain de communiquer avec les plaignants par téléphone, car le numéro de téléphone de M. Alexander dont il disposait n’était pas valide. Un message a été laissé sur un système de messagerie vocale à l’intention de Mme Rave.

29 Le bureau du Greffe du Tribunal a aussi envoyé le courriel suivant aux deux plaignants à 9 h 48 :

« Le présent message fait suite au courriel de M. Alexander du 27 mai 2008 et au courriel de Mme Rave envoyé plus tôt aujourd’hui (voir le fichier ci-dessus). Les parties sont informées que l’audience relative à la présente affaire aura lieu aujourd’hui à 11 h. Si une des parties omet d’y participer, l’audience aura lieu en son absence, conformément à l’article 29 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique. »

[Traduction]

30 Le 28 mai 2008 à 10 h 47, le Tribunal a reçu un courriel de M. Alexander dans lequel il était écrit « Merci » [Traduction] en réponse au courriel envoyé par le Tribunal à 9 h 48 le même jour.

31 Le 28 mai 2008, au nom des deux plaignants, M. Alexander a envoyé un autre courriel pour confirmer que les deux plaignants avaient bien reçu le courriel envoyé par le Tribunal à 9 h 48.

32 L’audience a repris à 11 h, et le Tribunal a décidé de la poursuivre en l’absence des deux plaignants, en vertu de l’article 29 du Règlement du TDFP, qui est ainsi rédigé :

29. Si une partie, un intervenant ou la Commission canadienne des droits de la personne, si celle-ci a le statut de participant, omet de comparaître à l’audience ou à toute continuation de celle-ci, le Tribunal peut, s’il est convaincu que l’avis d’audition a bien été donné, tenir l’audience et statuer sur la plainte sans autre avis.

33 Le Tribunal était convaincu que les instructions données aux deux plaignants avant l’ajournement de l’audience le 27 mai 2008 (instructions selon lesquelles les plaignants devaient être présents le 28 mai 2008 à 9 h) étaient claires et qu’elles avaient été comprises par tous. En outre, un avis approprié avait été donné aux plaignants par courriel le 28 mai 2008 à 9 h 48 pour les informer que l’audience aurait lieu à 11 h le jour même et que, s’ils décidaient de ne pas y participer, le Tribunal allait poursuivre l’audience en leur absence.

34 Le Tribunal souligne que les plaignants ont accusé réception de l’avis. Ils connaissaient donc les conséquences qui découleraient de leur absence à l’audience prévue.

35 Compte tenu des renseignements susmentionnés, le Tribunal a poursuivi la procédure en l’absence des plaignants et a demandé à l’intimé de présenter ses éléments de preuve.

36 Le Tribunal a traité une situation semblable dans l’affaire Broughton c. le Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux et al., [2007] TDFP 0020. Dans cette affaire, le Tribunal avait décidé de procéder à une instruction sur dossier en vertu du paragraphe 99(3) de la LEFP et avait imposé un délai aux parties pour qu’elles présentent leurs arguments. Le plaignant avait omis de fournir ses arguments écrits avant la date butoir fixée, ce qui équivalait en fin de compte à ne pas se présenter à l’audience. Par conséquent, conformément à l’article 29 du Règlement du TDFP, le Tribunal a rendu sa décision en se fondant sur les arguments écrits, les documents à l’appui et la jurisprudence présentés par l’intimé et la CFP.

Résumé des éléments de preuve pertinents

37 Comme les plaignants n’étaient pas présents à l’audience, ils n’ont présenté aucun élément de preuve pour appuyer leurs allégations.

38 L’intimé a appelé deux témoins à comparaître, à savoir M. Sangster et Mme Lui.

39 M. Sangster a témoigné concernant la nomination intérimaire de M. Daskalopoulos. M. Sangster travaille au sein de la fonction publique depuis 27 ans et il est directeur général régional depuis septembre 2005. Il a expliqué qu’en avril 2006 son rôle avait changé et qu’il était devenu responsable de toutes les activités, à savoir les suivantes : Santé des Premières nations et des Inuits, Santé environnementale et Sécurité des consommateurs, Programmes des produits de santé et des aliments, tout le Soutien ministériel dans la région (y compris les finances et les ressources humaines) et toutes les activités de Santé Canada dans la région.

40 M. Sangster a expliqué qu’à la suite du dépôt du Rapport du vérificateur général, des décisions ont été prises de sorte que, à compter d’avril 2006, les directeurs relèvent du directeur général régional au lieu de relever de la sous‑ministre adjointe. Ces changements sont entrés en vigueur en avril 2006.

41 M. Sangster a fait référence à un courriel qu’il avait envoyé aux membres du personnel le 9 mai 2006 dans lequel il expliquait certains changements apportés au bureau du directeur général régional. Dans ce courriel, les membres du personnel étaient informés de ce qui suit :

La présente note vise à vous informer de quelques changements touchant le bureau du directeur général régional (BDGR).

[…]

De plus, veuillez noter que Jim Daskalopoulos fait maintenant partie de l’équipe de direction régionale en tant que directeur régional intérimaire de la Planification et de la Coordination, poste qu’il occupera pendant une période de six mois à compter du 17 avril. Jim apportera aussi son soutien à la transition du Renouvellement régional de la DGPSA […].

[Traduction]

42 M. Sangster a soutenu que cette nomination intérimaire était devenue nécessaire en raison de la situation urgente découlant du Renouvellement régional, qui devait être en place en avril 2006. Il a fourni au Tribunal une évaluation écrite en fonction des critères de mérite montrant que M. Daskalopoulos possédait toutes les qualifications essentielles pour occuper le poste de façon intérimaire.

43 Il a indiqué que la période de nomination intérimaire devait durer six mois, mais qu’elle avait été réduite pour correspondre à quatre mois moins un jour en raison des préoccupations exprimées par d’autres employés. M. Sangster a présenté un courriel de Mme Rave reçu le 18 mai 2006 dans lequel elle remettait en question le type de nomination utilisé.

44 M. Sangster a expliqué que, depuis son arrivée au ministère, il est responsable de la promotion de la diversité dans la région. Il a déclaré qu’il prend la diversité très au sérieux, car il s’agit d’un aspect important de la raison d’être de la fonction publique. Il a expliqué qu’il est membre du Comité d’apprentissage, de sensibilisation des employés et de la diversité, qui prend des mesures dans le but de rendre le milieu de travail le plus accessible possible et d’augmenter la sensibilisation.

45 Dans son témoignage, Mme Lui a indiqué qu’elle travaillait à la fonction publique depuis 16 ans et qu’elle avait été nommée au poste de directrice régionale en 2006. Elle s’occupait de questions de dotation depuis les 14 dernières années. Elle a expliqué également qu’elle avait suivi une formation sur la nouvelle loi.

46 Mme Lui a expliqué que lorsqu’elle a commencé à travailler dans la région en 2006, huit à dix personnes n’occupaient pas leur poste d’attache. Certaines d’entre elles étaient prêtes à prendre leur retraite, d’autres étaient déjà parties à la retraite, et d’autres encore avaient obtenu une affectation spéciale. Elle a indiqué qu’elle avait accordé la priorité au poste de gestionnaire du Centre des opérations de l'Ontario, car la personne titulaire de ce poste serait responsable de 55 employés à temps plein et de la plupart des activités de la région.

47 Mme Lui a soutenu qu’elle avait choisi un processus de nomination annoncé parce qu’elle voulait trouver la personne la plus qualifiée possible pour occuper le poste. Elle était nouvelle dans la région et savait qu’il y avait beaucoup d’employés, elle voulait donc étendre le plus possible le bassin de candidatures éventuelles. Elle a également expliqué pourquoi toutes les qualifications inscrites sur l’énoncé des critères de mérite (l’ECM) étaient essentielles pour occuper le poste.

48 Mme Lui a ajouté qu’elle avait utilisé un processus de présélection anonyme. Une liste de candidats a été établie, et un numéro a été attribué à chaque candidat. La présélection a ensuite été effectuée en fonction des numéros des candidats. Les membres du comité de présélection n’ont connu le nom des candidats que beaucoup plus tard au cours du processus. M. Alexander était le candidat numéro 5, et Mme Rave était la candidate numéro 12 sur la liste.

49 Pendant l’audience, Mme Lui a déposé l’ECM lié au poste, de même que le guide de cotation utilisé pour la présélection et l’évaluation des candidats.

50 Les critères relatifs à l’expérience inscrits sur l’ECM sont les suivants :

  • Expérience récente et appréciable du travail dans un cadre réglementaire au sein de la fonction publique ou de l’industrie.
  • Expérience récente et appréciable de la prestation de conseils à la direction.
  • Expérience récente et appréciable de la mise en oeuvre et de la coordination d’un programme réglementaire dans un cadre législatif.
  • Expérience récente et appréciable de l’application, de l’interprétation et de la prise de décisions se rapportant aux exigences réglementaires relatives aux produits de santé.

[Traduction]

51 Le guide de cotation définit l’expérience récente et appréciable comme suit :

- par « récente », on entend du 1er avril 2004 à aujourd’hui;

- par « appréciable », on entend une période de 24 mois au minimum.

[Traduction]

52 Mme Lui a affirmé qu’elle et M. Neil avaient examiné les demandes individuellement, puis qu’ils s’étaient rencontrés pour discuter de leurs évaluations et s’entendre à cet égard.

53 La demande de M. Alexander a été rejetée parce qu’il n’avait pas démontré, dans la documentation présentée, qu’il répondait aux critères relatifs à l’expérience. Mme Lui a souligné que le formulaire de présélection initiale lié aux qualifications essentielles (SG-SRE-07) représente – selon son témoignage – le résumé de l’évaluation de présélection.

54 Mme Lui a indiqué que M. Alexander ne répondait pas aux critères relatifs à l’expérience et que sa candidature avait donc été éliminée à la présélection. Elle a soutenu que M. Alexander avait démontré qu’il possédait une expérience récente dans un cadre réglementaire au sein de la fonction publique ou de l’industrie, mais qu’il n’avait pas réussi à démontrer qu’il possédait une expérience appréciable, compte tenu du fait que la documentation n’indiquait qu’une expérience acquise depuis juillet 2005. Mme Lui a ajouté que même si M. Alexander possédait une certaine expérience en tant que conseiller en ressources humaines, il ne s’agissait pas d’une expérience appréciable de la prestation de conseils à la direction. Selon Mme Lui, aucun renseignement se trouvant dans la documentation fournie par M. Alexander ne démontrait qu’il possédait une expérience récente et appréciable de la mise en oeuvre et de la coordination d’un programme réglementaire dans un cadre législatif. Finalement, M. Alexander a démontré qu’il possédait une expérience récente de l’application, de l’interprétation et de la prise de décisions se rapportant aux exigences réglementaires relatives aux produits de santé; cependant, il n’a pas démontré qu’il possédait une expérience appréciable en la matière.

55 Mme Lui a indiqué qu’elle avait mené une discussion informelle lors d’une rencontre en personne avec M. Alexander au cours de laquelle elle avait expliqué en détail ce qu’elle recherchait en matière d’expérience. Après cette rencontre, M. Alexander a eu l’occasion de donner des éclaircissements concernant son expérience, ce qu’il a fait par courriel. Ses éclaircissements ont été pris en considération par les deux membres du comité de présélection.

56 Mme Lui a déclaré qu’après le deuxième examen des deux séries de documents fournies par M. Alexander, la conclusion selon laquelle il ne répondait pas à tous les critères relatifs à l’expérience indiqués dans l’ECM était restée la même.

57 À la suite de la discussion informelle, Mme Rave a également eu l’occasion de fournir des éclaircissements concernant les critères relatifs à l’expérience, ce qu’elle a fait. M. Neil et Mme Lui ont pris en considération les éclaircissements en question. Ils ont conclu que Mme Rave ne répondait pas aux critères relatifs à l’expérience, car elle n’avait pas démontré qu’elle possédait l’expérience exigée par le comité de présélection.

58 Mme Lui a affirmé que les deux candidats avaient omis de fournir les dates et les postes qu’ils avaient occupés pour démontrer qu’ils répondaient bel et bien aux critères relatifs à l’expérience.

59 Mme Lui a ensuite décrit les étapes de l’évaluation des candidats dont la candidature avait été retenue à la présélection. Un exercice « In-Basket » de Business Option Inc., un examen Business Thinking et un examen Psymax ont été administrés, une entrevue a eu lieu et une vérification des références a été effectuée.

60 M. Daskalopoulos a effectué toutes les étapes du processus, et il a été jugé qualifié. Mme Lui a déclaré qu’elle était convaincue que M. Daskalopoulos possédait toutes les qualifications liées au poste et elle a proposé qu’il soit nommé.

Argumentation des parties

A) Argumentation des plaignants

61 Étant donné que les plaignants ont décidé de ne pas participer à l’audience comme l’avait demandé le Tribunal par courriel le 28 mai 2008, aucune argumentation n’a été présentée pour appuyer leurs points de vue.

B) Argumentation de l’intimé

62 L’intimé affirme que, comme les plaignants ont décidé de ne pas participer au reste de l’audience, ils n’ont présenté aucune preuve pour appuyer leurs plaintes et leurs allégations.

63 L’intimé soutient que le Tribunal a établi que les plaignants devaient s’acquitter du fardeau de la preuve et fournir une preuve claire et convaincante, selon la prépondérance des probabilités, indiquant un abus de pouvoir dans le processus de sélection.

64 L’intimé ajoute qu’aucune preuve présentée devant le Tribunal ne vient soutenir une conclusion d’abus de pouvoir ou de discrimination.

65 L’intimé déclare que les plaignants n’ont présenté aucune preuve pour corroborer leur allégation de discrimination. Par conséquent, en raison du manque de preuve, le Tribunal ne peut que conclure que l’allégation de discrimination n’a pas été prouvée, ce qui signifie qu’on ne peut pas juger que l’intimé a fait preuve de discrimination à l’égard des plaignants.

66 L’intimé indique également que le pouvoir d’établir les qualifications appartient à l’administrateur général. L’article 36 de la LEFP accorde aux administrateurs généraux un vaste pouvoir discrétionnaire leur permettant de choisir et d’utiliser les outils appropriés pour déterminer si un postulant possède les qualifications essentielles.

67 L’intimé ajoute que, pour qu’une nomination soit effectuée conformément au principe du mérite, le candidat doit posséder toutes les qualifications essentielles liées au poste.

68 Selon l’intimé, le témoignage de Mme Lui a démontré que chaque qualification indiquée sur l’ECM était essentielle à l’exécution des fonctions du poste. De plus, Mme Lui a expliqué que les critères relatifs à l’expérience étaient clairement établis et qu’ils contenaient assez de détails pour permettre aux candidats de savoir ce qu’ils devaient démontrer dans leur demande.

69 L’intimé soutient que le comité de présélection recherchait une personne possédant une expérience récente et appréciable de la mise en oeuvre et de la gestion, tel qu’il était défini dans le guide de cotation. Selon l’intimé, ces définitions servaient à guider le comité de présélection dans son évaluation de chaque postulant.

70 Selon les témoignages recueillis, le comité de présélection a examiné de nombreux documents pour évaluer les plaignants : soit, dans le cas de M. Alexander et de  Mme Rave, leur curriculum vitæ et les éclaircissements qu’ils ont donnés concernant leur expérience à la suite de la discussion informelle. Toutefois, l’intimé affirme que les plaignants n’ont pas donné de renseignements se rapportant aux périodes ou aux dates où ils ont acquis leur expérience.

71 L’intimé indique que les postulants ont la responsabilité de démontrer qu’ils possèdent les qualifications exigées.

72 L’intimé déclare que Mme Lui a exercé son pouvoir de façon appropriée et juste en ce qui concerne l’établissement des qualifications liées au poste. Il affirme aussi que le comité d’évaluation a agi de façon juste et appropriée lorsqu’il a évalué les deux plaignants.

73 En outre, l’intimé indique que l’examen des qualifications de M. Daskalopoulos, des outils d’évaluation utilisés par le comité d’évaluation ainsi que des résultats de l’évaluation présentés en preuve ne permet de déceler aucune indication selon laquelle M. Daskalopoulos n’était pas qualifié pour le poste.

74 Selon l’intimé, le témoignage de Mme Lui démontre qu’elle a formé un comité d’évaluation composé d’elle‑même, de M. Neil et de Diana Dowthwaite, directrice générale, Inspectorat de la Direction générale des produits de santé et des aliments, mais que seuls Mme Lui et M. Neil avaient évalué les candidats à l’étape de la présélection du processus. La personne nommée a passé l’exercice « In-Basket » de Business Option Inc., l’examen Business Thinking, l’examen Psymax et l’entrevue, de même que l’étape de la vérification des références.

75 Selon l’intimé, la preuve présentée au Tribunal indique que le processus d’évaluation était solide et rigoureux, et que M. Daskalopoulos a été évalué et jugé qualifié pour le poste. L’intimé rappelle que Mme Lui a déclaré qu’à la fin de l’évaluation, elle était convaincue que M. Daskalopoulos était qualifié pour le poste.

76 Selon l’intimé, aucune preuve présentée devant le Tribunal n’indique que la personne nommée n’était pas qualifiée pour le poste.

77 En ce qui concerne la question du favoritisme personnel, l’intimé s’appuie sur la décision rendue par le Tribunal dans l’affaire Carlson-Needham et Borden c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0038, dans laquelle le Tribunal a établi un critère à appliquer lorsque des allégations de favoritisme personnel sont présentées relativement à un processus de nomination annoncé.

78 L’intimé affirme que les plaignants n’ont pas présenté la moindre preuve pour soutenir leur allégation de favoritisme personnel. L’intimé déclare qu’en réalité, la preuve présentée devant le Tribunal démontre clairement qu’il n’y a eu aucun favoritisme personnel en ce qui concerne la nomination de M. Daskalopoulos.

79 Ainsi, l’intimé soutient que la preuve présentée devant le Tribunal démontre ce qui suit :

  • l’intimé a choisi un processus annoncé qui comportait une zone nationale de sélection;
  • l’exigence linguistique du poste a été changée pour correspondre à une dotation non impérative, de façon à ne pas limiter de façon indue les candidatures internes pour le poste et en vue de créer un bassin de candidats qualifiés;
  • le guide de cotation a été établi avant l’affichage de la possibilité d’emploi, avant que l’identité des candidats soit connue;
  • l’intimé a mené un processus de présélection anonyme pour s’assurer que les postulants seraient évalués selon leurs qualifications;
  • les deux nominations intérimaires de M. Daskalopoulos ont été effectuées conformément aux processus appropriés et aux exigences de la loi;
  • les deux nominations intérimaires précédentes de M. Daskalopoulos, de même que sa nomination au poste SG-07, ont été effectuées uniquement parce qu’il était qualifié pour les postes en question.

80 Selon l’intimé, toutes ces étapes ont contribué à l’atteinte d’un processus juste et transparent qui a mené à la nomination d’une personne possédant toutes les qualifications essentielles liées au poste.

81 À la lumière des renseignements susmentionnés, l’intimé soutient que les plaignants n’ont clairement pas réussi à s’acquitter du fardeau de la preuve qui leur incombait en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP.

82 L’intimé demande que les deux plaintes soient rejetées.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

83 La CFP indique que, compte tenu du fait que les plaignants ont décidé de ne pas participer à l’audience et de la nature de la preuve présentée à l’audience, aucune preuve n’a été présentée quant à la question relative à la discrimination.

84 Selon la CFP, à la lumière des circonstances, il serait très difficile pour le Tribunal de parvenir à une conclusion concernant la discrimination. Par conséquent, la CFP retire la partie 3 de ses observations écrites « Répercussions des allégations présentées en vertu de la LCDP et discrimination » [Traduction] et demande au Tribunal de ne pas prendre cette partie en considération.

85 En ce qui concerne la question d’abus de pouvoir, la CFP a présenté son observation habituelle sur la façon dont, selon elle, le Tribunal devrait aborder cette question.

86 Finalement, la CFP déclare que compte tenu de la preuve entendue ses politiques n’ont pas été enfreintes pendant le processus de dotation.

Analyse

87 Les plaintes ont été présentées en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP, qui porte sur les critères exigés pour procéder à une nomination selon le principe du mérite conformément au paragraphe 30(2) de la LEFP. Ces dispositions, qui doivent être lues en parallèle, sont ainsi rédigées :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

[…]

30. (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

b) la Commission prend en compte :

  1. toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,
  2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,
  3. tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

Question I: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’égard du candidat retenu, rejetant ainsi de façon injustifiée la candidature des plaignants à l’étape de la présélection du processus de nomination?

88 Le Tribunal a déterminé dans des décisions précédentes, comme dans la décision Tibbs c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, et la décision Jolin c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0011, que la partie qui présente une allégation d’abus de pouvoir doit s’acquitter du fardeau de la preuve. Par conséquent, comme il a été établi dans la décision Tibbs, la règle générale de la preuve en matière civile doit être suivie :

[49] La règle générale devant les tribunaux civils et dans les audiences en matière d’arbitrage veut qu’il incombe à la partie qui fait une allégation de prouver celle-ci plutôt qu’à l’autre partie de la réfuter. […]

[50] […] S’il incombait à l’intimé de prouver qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir, cela soulèverait une présomption d’abus de pouvoir dans toutes les nominations, ce qui, sans l’ombre d’un doute, n’était pas l’intention du législateur. La règle générale dans les causes civiles devrait être suivie et il incombe à la plaignante, dans les procédures intentées auprès du Tribunal, de faire la preuve de l’allégation d’abus de pouvoir.

89 Ainsi, les plaignants doivent fournir une preuve convaincante que l’intimé a abusé de son pouvoir.

90 Le paragraphe 2(4) de la LEFP indique qu’« [i]l est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par "abus de pouvoir" la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

91 Les plaignants soutiennent que l’intimé a fait preuve de favoritisme personnel dans la nomination de M. Daskalopoulos au poste de gestionnaire, Centre des opérations de l'Ontario, et que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a éliminé leur candidature du processus de façon inappropriée à l’étape de la présélection.

92 Les deux plaignants ont décidé de ne pas participer à l’audience des 28 et 29 mai 2008. Par conséquent, ils n’ont présenté aucune preuve pour appuyer leurs allégations.

93 En revanche, l’intimé a appelé deux témoins, à savoir M. Sangster et Mme Lui.

94 Dans son témoignage, M. Sangster a expliqué les étapes qu’il a suivies pour nommer M. Daskalopoulos de façon intérimaire et il a présenté en preuve tous les documents relatifs au processus de dotation en question. Il a indiqué que la nomination intérimaire de M. Daskalopoulos a été effectuée parce qu’il était qualifié pour le poste. Or, en l’espèce, les plaintes ne portent pas sur ce processus.

95 Mme Lui a expliqué au Tribunal les étapes suivies par le comité d’évaluation pour évaluer le mérite dans le cadre du processus annoncé faisant l’objet des plaintes en l’espèce, lequel a mené à la nomination de M. Daskalopoulos au poste en question pour une période indéterminée. En outre, le processus comportait une zone nationale de sélection, les exigences linguistiques ont été changées pour la formulation « dotation non impérative » [Traduction], le guide de cotation a été préparé avant l’affichage de l’emploi et le processus de présélection était anonyme.

96 L’article 36 de la LEFP accorde à un administrateur général le pouvoir discrétionnaire de choisir et d’utiliser diverses méthodes pour évaluer les candidats afin de procéder à une nomination fondée sur le principe du mérite. Par contre, comme le Tribunal l’a indiqué dans la décision Jolin, le choix et la méthode d’évaluation peuvent faire l’objet de recours en vertu de l’article 77 de la LEFP. Le Tribunal est convaincu qu’un processus de présélection anonyme fondé sur le curriculum vitæ des candidats, comme celui qui a été utilisé en l’espèce, constitue une méthode d’évaluation appropriée.

97 De plus, le Tribunal a établi à maintes occasions que les candidats doivent s’assurer qu’ils démontrent clairement dans leur demande qu’ils possèdent toutes les qualifications essentielles exigées pour le poste. Le Tribunal a abordé cette question dans la décision Pugh c. le Sous-ministre de la Justice et al., [2008] TDFP 0023 :

[69] Comme le Tribunal l’a soutenu à de nombreuses occasions, il incombe au candidat de montrer qu’il possède les qualifications essentielles liées au poste. Dans la décision Charter c. le Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0048, au paragraphe 37, le Tribunal a affirmé ce qui suit : « Pour qu’un candidat soit nommé à un poste, il doit démontrer, dans le cadre du processus d’évaluation choisi, qu’il possède les qualifications essentielles liées au poste ». De même, dans la décision Henry c. l’Administrateur général de Service Canada et al., 2008 [TDFP] 0010, au paragraphe 55, le Tribunal a déclaré ce qui suit : « Le Tribunal estime qu’il incombait à la plaignante de veiller à ce que sa demande soit complète et à ce que celle-ci contienne tous les renseignements nécessaires pour démontrer qu’elle possédait toutes les qualifications essentielles ».

98 La preuve démontre que les plaignants ne répondaient pas aux critères relatifs à l’expérience, ce qui a conduit à l’élimination de leur candidature à l’étape de la présélection.

99 La preuve présentée par l’intimé n’est pas contestée et démontre que ce dernier a pris des mesures pour s’assurer que les candidats ont été évalués seulement en fonction des renseignements contenus dans leur demande. Le processus de présélection était anonyme, car les candidats étaient identifiés par un numéro au lieu de l’être par leur nom. De plus, à la suite d’une discussion informelle, les plaignants ont eu l’occasion de fournir des éclaircissements au comité de présélection en ce qui concerne l’expérience inscrite sur leur curriculum vitæ. Toutefois, selon l’intimé, les éclaircissements donnés n’étaient toujours pas suffisants pour accepter leur candidature à la présélection. Mme Lui a déclaré que les plaignants n’avaient fourni aucune date ni aucun titre de poste qu’ils avaient occupé afin de démontrer qu’ils possédaient l’expérience requise.

100 L’intimé a aussi expliqué les étapes suivies par le comité d’évaluation pour évaluer les autres candidats. Divers outils ont été utilisés comme l’exercice « In-Basket » de Business Option Inc., un examen Business Thinking, un examen Psymax, une entrevue et la vérification des références.

101 Le Tribunal n’a reçu aucune preuve à l’appui de l’allégation des plaignants selon laquelle leur candidature a été éliminée du processus à la présélection de façon inappropriée. La preuve ne montre pas que la personne nommée a été favorisée parce qu’elle avait occupé le poste de façon intérimaire. En réalité, la preuve non contestée présentée devant le Tribunal démontre que M. Daskalopoulos a été nommé conformément aux critères de mérite inscrits dans l’ECM.

102 Compte tenu des motifs qui précèdent, le Tribunal conclut qu’il n’y a eu aucun abus de pouvoir reposant sur le favoritisme personnel ni aucune preuve démontrant que la candidature des plaignants a été éliminée de façon inappropriée du processus de nomination à la présélection.

Question II : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoiren faisant preuve de discrimination à l’encontre des plaignants?

103 Les plaignants affirment que l’intimé a fait preuve de discrimination et ont soutenu qu’ils n’avaient pas été nommés parce qu’ils font partie d’une minorité visible. Cependant, ils n’ont fourni aucune preuve pour soutenir leurs allégations.

104 La seule preuve présentée devant le Tribunal est celle qu’a présentée l’intimé. Cette preuve n’est pas contestée et elle laisse entendre que la candidature des plaignants a été éliminée à la présélection au motif que les plaignants ne répondaient pas aux critères relatifs à l’expérience. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il n’existe aucune preuve de discrimination liée à ces plaintes.

Conduite de M. Alexander

105 Le Tribunal estime qu’il est important d’aborder la question de la conduite du plaignant pendant toute la durée du présent processus. Comme il a été mentionné ci‑dessus, le plaignant a envoyé des centaines de courriels au Tribunal, qui étaient répétitifs et parfois irrespectueux.

106 Malgré un grand nombre de rappels de la part du Tribunal, le plaignant a fait fi du processus du Tribunal tel qu’il est décrit dans le Règlement du TDFP et il a continué d’envoyer des courriels concernant le bien‑fondé du dossier et des sujets déjà abordés par le Tribunal. Dans l’article 11 (forme et contenu de la plainte), l’article 16 (communication de renseignements), le paragraphe 17(3) (demande d’ordonnance de communication) et l’article 22 (allégations), le Règlement du TDFP indique les diverses étapes que doit suivre un plaignant pendant un processus de plainte avant la tenue de l’audience. En outre, l’argumentation relative au bien-fondé de la plainte n’est présentée que pendant l’audience. Le Guide de procédures du Tribunal fournit également des éclaircissements quant au processus de plainte. La réglementation et les lignes directrices servent à faciliter le règlement rapide de la plainte. Par conséquent, le fait que M. Alexander ait omis de se conformer au Règlement du TDFP et aux lignes directrices a considérablement compliqué et ralenti le processus de plainte.

107 De plus, M. Alexander a fait preuve d’un manque de respect total en utilisant un langage méprisant et offensant et en formulant des remarques condescendantes dans ses communications par courriel avec les parties et le Tribunal, de même que dans ses interventions orales devant le Tribunal.

108 Voici quelques exemples de remarques outrageuses de M. Alexander dans ses communications écrites : « lâche et discriminatoire » [Traduction], « petit Blanc » [traduction], « aux ordres de votre copain épris de népotisme » [Traduction], « ce genre de gestionnaires voyous et ignobles qui sévissent dans les environs » [Traduction], « ne vous laissez pas tromper par le fait que je suis membre d’une minorité visible et par mon accent prononcé […] ne pensez pas que je sois l’idiot que vous espérez » [Traduction], « y a-t-il une raison pour laquelle vous ne pouvez pas entamer une communication avec une formule de salutations […] là d’où je viens […] nous aimons exprimer une certaine marque de respect » [Traduction] et « je vous poursuivrai en cour incessamment » [Traduction].

109 Le Tribunal considère que cette conduite constitue un abus de procédure qui est également de nature vexatoire (voir la décision Wilson c. Canada (Revenu), [2006] 305 F.T.R. 250, [2006] A.C.F. No 1922 (Q.L.)). En fait, dans la décision Wilson, la Cour fédérale du Canada a décrit le comportement vexatoire comme suit :

[31] Parmi les autres indices de comportement vexatoire, on trouve l’introduction d’actions ou de requêtes frivoles, la formulation d’allégations non fondées reprochant à la partie adverse, aux avocats ou à la Cour d’avoir posé des actes irréguliers, le refus ou l’omission de se conformer aux règles ou aux ordonnances de la Cour, l’emploi d’un langage scandaleux dans les actes de procédure ou devant la Cour […]

[caractères gras ajoutés]

110 Le Tribunal a traité une question semblable dans la décision Pugh, dans laquelle il a déterminé que l’utilisation de propos incendiaires par le plaignant constituait un comportement vexatoire. Le Tribunal a informé le plaignant que, s’il avait une telle conduite dans le cadre d’autres plaintes présentées devant le Tribunal dans l’avenir, il prendrait des mesures appropriées pouvant mener au rejet sommaire de sa plainte en vertu du paragraphe 99(2) de la LEFP :

[92] Les propos incendiaires tenus par le plaignant amènent le Tribunal à juger sa conduite vexatoire (frustratoire). Il s’agit de la deuxième audience à laquelle participe M. Pugh et où le comportement de ce dernier soulève de sérieuses préoccupations. Le comportement d’une partie à l’audience et en dehors de l’audience peut être pris en considération lorsqu’il s’agit de déterminer si une conduite peut être qualifiée de vexatoire (frustratoire). Dans la décision Canada v. Warriner (1993), 70 F.T.R. 8 (T.D.), [1993] A.C.F. No 1007 (Q.L.), la Cour a fait remarquer que des allégations frivoles et non fondées concernant des actes irréguliers avaient été formulées à l’encontre de deux avocats qui avaient représenté la partie ou qui s’y étaient opposés. De la même façon, dans la décision Wilson c. Canada (Revenue) (2006), 305 F.T.R. 250 (T.D.), [2006] A.C.F. No 1922 (Q.L.), la Cour a établi que, parmi les indicateurs de comportement vexatoire (frustratoire), on comptait notamment la formulation d’allégations non fondées à l’encontre de la partie adverse, de l’avocat-conseil ou de la Cour concernant des actes irréguliers. Enfin, dans la décision Canada Post Corp. v. Varma (2000), 192 F.T.R. 278 (T.D.), [2000] A.C.F. No 851 (Q.L.), la Cour a examiné les éléments de preuve dont elle disposait et elle a établi, hors de tout doute, que la partie avait mené la procédure de façon vexatoire (frustratoire).

[93] En vertu de l’article 27 du Règlement du Tribunal, celui-ci « est maître de la procédure ». De plus, comme il a déjà été mentionné, le paragraphe 99(2) de la LEFP confère au Tribunal le pouvoir formel de « rejeter de façon sommaire les plaintes qu’il estime frustratoires » [caractères gras ajoutés]. Compte tenu de la jurisprudence de la Cour fédérale citée ci-dessus et du libellé du paragraphe 99(2), le Tribunal est d’avis que l’intention du législateur était clairement que le Tribunal ait le pouvoir d’examiner non seulement la plainte en elle-même, mais également, sur le même pied d’égalité, la conduite du plaignant lorsqu’il s’agit de déterminer si une plainte est frustratoire.

[95] Aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, la Cour peut empêcher une personne d’engager d’autres instances devant elle, sauf avec son autorisation. Bien que la LEFP ne contienne pas de disposition semblable, le Tribunal est maître de sa procédure et ne tolérera plus une telle conduite dans l’avenir.

111 Le Tribunal juge que la conduite de M. Alexander est vexatoire. Toutefois, comme les plaintes n’ont pas été corroborées, il n’est pas nécessaire que le Tribunal rende une décision à cet égard. Néanmoins, M. Alexander doit se conduire conformément au Règlement du TDFP, et de manière courtoise et respectueuse avec les autresparties ainsi que devant le Tribunal, sans quoi celui-ci peut rejeter toute future plainte de façon sommaire.

Décision

Pour les motifs susmentionnés, les plaintes sont rejetées.

Francine Cabana

Membre

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2006-0220 et 2006-0238
Intitulé de la cause:
Paul Alexander et Supriya Rave et le sous-ministre de Santé Canada et al.
Audience:
Les 27, 28, 29 mai 2008
Toronto (Ontario)
Date des motifs:
Le 19 décembre 2008

Comparutions:

Pour le plaignant:
Paul Alexander et Supriya Rave
Pour l'intimé:
Lesa Browne
Pour la Commission
de la fonction publique:

Lili Ste-Marie
Pour l'autre partie:
Jim Daskalopoulos
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