Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a affirmé que l’intimé avait abusé de son pouvoir en incluant l’exigence d’une expérience récente comme gestionnaire parmi les qualifications essentielles et en omettant de définir le terme << récent >> tant dans l’annonce de possibilité d’emploi que dans l’énoncé des critères de mérite. Le plaignant a également avancé que l’exigence d’une expérience récente comme gestionnaire constituait du favoritisme personnel à l’égard des personnes qui occupent actuellement un poste de gestion ou de supervision. L’intimé a répliqué que le fait d’exiger une expérience << récente >> en gestion constituait un exercice approprié du pouvoir discrétionnaire conféré au gestionnaire en vertu de la LEFP; que le plaignant n’avait fourni aucun renseignement pour étayer son allégation de favoritisme personnel. Décision : L’intimé accordait une plus grande importance à la gestion du rendement, et les gestionnaires disposaient de nouvelles responsabilités dans le cadre du nouveau régime de ressources humaines, notamment dans les domaines des acquisitions, de la technologie de l’information et de la gestion virtuelle des employés. Le Tribunal a conclu que le plaignant n’avait fourni aucune preuve démontrant que l’exigence de posséder une expérience << récente >> comme gestionnaire n’a pas été incluse à la rubrique des qualifications essentielles pour le travail à accomplir. Le Tribunal ne voyait aucune raison de s’immiscer dans la décision du gestionnaire à cet égard. Il aurait été préférable que l’intimé indique sur l’annonce relative au poste ce qu’il entendait par << récent >> et qu’il précise la définition du terme << appréciable >>. Toutefois, dans cette affaire, l’absence d’une définition dans l’énoncé des critères de mérite et dans l’annonce de possibilité d’emploi n’avait aucune incidence sur la plainte. Enfin, le Tribunal a jugé que le plaignant n’avait produit aucune preuve permettant de conclure à l’abus de pouvoir au motif de favoritisme personnel. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2008-0059
Rendue à:
Ottawa, le 19 décembre 2008

DAVID BELL
Plaignant
ET
L'ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DE SERVICE CANADA AU SEIN DU MINISTÈRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Helen Barkley, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Bell c. Administrateur général de Service Canada et al.
Référence neutre:
2008 TDFP 0033

Motifs de la décision

Introduction

1 Le plaignant, David Bell, estime que le fait d’inclure l’exigence d’une expérience « récente » comme gestionnaire parmi les qualifications essentielles aux fins du processus visé constituait un abus de pouvoir.

2 L’intimé, l’administrateur général de Service Canada, qui fait partie du ministère des Ressources humaines et du Développement social, est d’avis que l’utilisation de ce critère était nécessaire pour faire en sorte que les personnes nommées possèdent l’expérience voulue pour s’acquitter des tâches de gestion dans le contexte du nouveau régime des ressources humaines et au sein d’un bureau où la tendance allait vers la « gestion virtuelle ».

Contexte

3 En juin 2007, l’intimé a lancé un processus de nomination interne annoncé (processus de sélection nº 2007-CSD-IA-SASK-RE-SC-073) visant à doter des postes de chef de service (PM-05) situés à divers endroits en Saskatchewan. Le processus de nomination s’adressait aux personnes employées par Service Canada, au sein du ministère des Ressources humaines et du Développement social (également connu sous le nom de Ressources humaines et Développement des compétences), qui travaillaient ou qui occupaient un poste dans la région de la Saskatchewan.

4 Le plaignant occupe un poste d’agent principal de développement (PM-04) au sein de Service Canada dans la région de la Saskatchewan.

5 Le processus de nomination a permis de recueillir 27 candidatures, dont 14 ont été rejetées à l’étape de la présélection.

6 Le plaignant a vu sa candidature éliminée à l’étape de la présélection du processus, car il ne possédait pas l’une des qualifications essentielles, soit l’expérience « récente » comme gestionnaire. Dans l’annonce de possibilité d’emploi et l’énoncé des critères de mérite affichés sur Publiservice, la qualification essentielle est décrite comme suit :

Expérience récente et appréciable comme gestionnaire dans un milieu professionnel dont :
Responsabilité des ressources humaines ET
Responsabilité des ressources financières ET
Responsabilité des programmes et/ou des services.

7 Une plainte a été présentée au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) le 21 janvier 2008, en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

8 En vertu du paragraphe 99(3) de la LEFP, le Tribunal a déterminé qu’il était approprié d’examiner la plainte et de statuer sur celle‑ci en procédant à une instruction sur dossier.

9 Aux fins de l’instruction sur dossier, les parties ont présenté au Tribunal ce qu’elles qualifiaient de « faits non contestés en l’espèce » [Traduction]. Bien que certaines de ces affirmations constituent plutôt des principes juridiques que des faits, l’« Exposé conjoint des faits » est reproduit textuellement ci‑dessous :

(i) En vertu du paragraphe 30(2) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, les administrateurs généraux ont le pouvoir d’établir les qualifications essentielles pour un poste donné. L’administrateur général de Service Canada a donc le pouvoir d’établir les qualifications essentielles pour les postes à doter au sein de Service Canada. Cette responsabilité est actuellement subdéléguée au sein du ministère, conformément au tableau des pouvoirs liés à la subdélégation à Service Canada.

(ii) Aux termes du paragraphe 30(2) de la LEFP, les qualifications essentielles doivent être liées au travail à accomplir.

L’énoncé des critères de mérite décrit les qualifications que les candidats doivent posséder pour être nommés à un poste en particulier. Ce sont ces mêmes qualifications qui sont évaluées au cours du processus de nomination.

Le dictionnaire des compétences clés en leadership explique les compétences communes à diverses catégories de postes à la fonction publique. Les compétences énumérées dans la catégorie du dictionnaire s’adressant aux gestionnaires correspondent aux compétences que doivent posséder les employés occupant des postes de cette catégorie. Le poste visé ferait partie de la catégorie du dictionnaire s’appliquant aux gestionnaires.

Le dictionnaire des compétences de Service Canada énumère les compétences communes à diverses catégories de postes au sein de Service Canada.

La candidature du plaignant a été éliminée du processus de nomination à l’étape de la présélection car le plaignant n’y démontrait pas qu’il possédait une expérience récente à titre de gestionnaire dans un milieu professionnel. Aux fins du processus de nomination susmentionné, le comité d’évaluation entend par « expérience récente » une expérience acquise au cours des cinq dernières années.

Le gestionnaire subdélégataire a la responsabilité d’établir les qualifications du poste à doter. En ce qui a trait au processus de nomination visé, Cam King était à la fois le gestionnaire subdélégataire et le président du comité d’évaluation.

L’énoncé des critères de mérite a été élaboré par une équipe composée des Ressources humaines et des membres du comité d’évaluation. L’énoncé a ensuite été approuvé par M. King.

Le titre du poste visé était « chef de service ».

[Traduction]

10 Le terme « récent » n’était défini ni dans l’annonce de possibilité d’emploi ni dans l’énoncé des critères de mérite.

11 Le plaignant a acquis son expérience dix ans ou plus avant la tenue du processus de nomination.

12 Selon ses dires, le plaignant a accepté une nomination intérimaire au poste de gestionnaire de la prestation des services, Traitement de l’assurance‑emploi, à Saskatoon, le 11 août 2008.

Questions en litige

13 Le Tribunal doit déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir dans les deux contextes suivants :

  1. en demandant, à la rubrique des qualifications essentielles, une expérience « récente » comme gestionnaire;
  2. en omettant de définir le terme « récent », tant dans l’annonce de possibilité d’emploi que dans l’énoncé des critères de mérite.

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

14 Le plaignant indique qu’il possède plus de 20 ans d’expérience à titre de gestionnaire, bien qu’il reconnaisse qu’il a acquis toute cette expérience dix ans ou plus avant la tenue du processus de nomination.

15 Le plaignant estime que l’intimé a omis de justifier l’inclusion du critère de l’expérience « récente » comme gestionnaire dans les qualifications essentielles. Selon le plaignant, cette exigence est déraisonnable et ne devrait pas constituer une qualification essentielle pour le poste visé.

16 À l’appui de son point de vue, le plaignant a fourni au Tribunal huit exemples d’annonces de possibilité d’emploi provenant de Service Canada et visant des postes de gestionnaire de la prestation des services à divers endroits au Canada. Il a également fourni des liens vers des nominations intérimaires et vers un processus de nomination relatif à un poste de PM-06 dans la région de la Saskatchewan. Il soutient que les termes « gestionnaire de la prestation des services » et « chef de service » peuvent être utilisés de façon interchangeable par Service Canada et le sont d’ailleurs. Il soutient enfin qu’aucune des annonces provenant de Service Canada pour des postes de gestionnaire de la prestation des services ne contenait l’exigence de l’expérience « récente » comme gestionnaire à la rubrique des qualifications essentielles.

17 Dans son argumentation, le plaignant explique que l’exercice « in‑basket » pour la gestion 820 de la Commission de la fonction publique (CFP), qui sert à évaluer les compétences en gestion, est utilisé depuis les années 1980 sans avoir fait l’objet de mises à jour importantes. Selon le plaignant, ces compétences en gestion sont établies depuis le début du XXe siècle et elles sont toujours demeurées essentiellement les mêmes. L’exigence relative à l’expérience comme gestionnaire acquise au cours des cinq dernières années n’était donc pas justifiée.

18 Le plaignant soutient que le gestionnaire subdélégataire a arbitrairement ajouté l’exigence de l’expérience « récente » comme gestionnaire dans le but de limiter le processus de nomination aux personnes occupant actuellement un poste de gestion ou de supervision au sein de Service Canada dans la région de la Saskatchewan.

19 Il affirme que cette décision dénote un favoritisme personnel à l’égard des personnes qui occupent actuellement un poste de gestion ou de supervision pour Service Canada dans la région de la Saskatchewan.

20 Le plaignant affirme que le terme « récent » n’était défini ni dans l’annonce de possibilité d’emploi ni dans l’énoncé des critères de mérite et que cette absence de définition constitue également un abus de pouvoir. Il est d’avis que le fait de restreindre le sens du terme « récent » à l’expérience acquise au cours des cinq dernières années ne permet pas plus de savoir si la personne a les capacités nécessaires pour exercer les fonctions du poste que si cette expérience a été acquise il y a 10 ou même 20 ans. Selon le plaignant, le fait de limiter ce critère relatif à l’expérience aux cinq dernières années n’est pas conforme ni au dictionnaire des compétences clés en leadership pour ce qui est de la catégorie de la gestion ni à la définition des comportements efficaces liés aux compétences clés en leadership de l’Agence de la fonction publique du Canada.

B) Argumentation de l’intimé

21 Quant à la justification qui sous-tend l’exigence de posséder une expérience récente comme gestionnaire, l’intimé indique que l’objectif était de faire en sorte que les personnes nommées soient en mesure d’accomplir l’ensemble des tâches de gestion dès leur nomination. Au cours des dernières années, l’intimé a mis l’accent sur la gestion du rendement, ce qui comprend des responsabilités relatives à l’approbation et à la mise en oeuvre de plans d’apprentissage pour les employés et à la préparation d’évaluations de rendement. Sous le régime de la nouvelle LEFP, les gestionnaires disposent de beaucoup plus de pouvoirs et de responsabilités en matière de gestion des ressources humaines. Ils ont également de nouvelles responsabilités dans les domaines des acquisitions, de la gestion de l’information et des finances, responsabilités qui n’existaient pas il y a dix ans.

22 Le bureau régional évolue actuellement vers un modèle de « gestion virtuelle » dans le cadre duquel un gestionnaire de la prestation des services pourrait être appelé à gérer des employés qui travaillent à d’autres endroits dans la région. La direction recherchait donc des candidats qui seraient en mesure de « s’atteler immédiatement à la tâche » [Traduction afin de répondre aux besoins opérationnels du bureau régional.

23 L’intimé affirme que le gestionnaire subdélégataire a établi que les employés qui n’avaient pas exercé de fonctions de gestion au cours des cinq dernières années ne pourraient pas répondre à ces attentes.

24 Selon l’intimé, le fait d’exiger une expérience « récente » comme gestionnaire constituait un exercice approprié du pouvoir discrétionnaire dont jouit le gestionnaire en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP. À l’appui de son point de vue, l’intimé a cité les paragraphes 42 et 43 de la décision Visca c. Sous-ministre de la Justice et al., [2007 TDFP 0024.

25 En réponse à l’argument du plaignant selon lequel les autres annonces de possibilité d’emploi visant des postes de gestionnaire de la prestation des services provenant de Service Canada ne contenaient pas l’exigence d’une expérience « récente », l’intimé a cité la décision Feeney c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2008 TDFP 0017, au paragraphe 43. Dans cette affaire, le Tribunal a déterminé que les qualifications essentielles pouvaient varier d’un poste à l’autre, selon les circonstances et l’endroit.

26 En réponse à l’argument du plaignant selon lequel l’exigence relative à l’expérience « récente » comme gestionnaire dénote un favoritisme personnel en faveur des personnes occupant actuellement un poste de gestion dans la région de la Saskatchewan, l’intimé indique que le plaignant n’a fourni aucun renseignement pour étayer cette affirmation. En outre, son allégation ne correspond pas à la définition du favoritisme personnel établie dans la décision Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., [2008] TDFP 0007, aux paragraphes 39 à 41.

27 Enfin pour ce qui est de l’argument du plaignant selon lequel l’annonce de possibilité d’emploi et l’énoncé des critères de mérite affichés sur Publiservice auraient dû comprendre une définition de l’expérience « récente », l’intimé s’appuie sur la décision Neil c. Sous-ministre d’Environnement Canada et al., [2008] TDFP 0004, au paragraphe 51, dans laquelle le Tribunal a établi qu’il n’était pas obligatoire d’informer les candidats de la définition du terme « expérience appréciable » en le précisant dans l’annonce.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

28 Comme elle l’a fait dans le cadre d’affaires précédentes, la CFP a présenté des observations générales portant sur la notion d’abus de pouvoir et sur la façon dont le Tribunal devrait interpréter celle‑ci.

29 La CFP en a profité à nouveau pour soutenir son point de vue en ce qui a trait à certaines affaires qui font actuellement l’objet d’une révision judiciaire. Cette argumentation n’est pas pertinente en l’espèce, étant donné qu’elle ne porte pas sur la question que doit trancher le Tribunal. C’est à la Cour fédérale qu’il convient de présenter cette argumentation, non pas au Tribunal.

Analyse

30 Le paragraphe 30(2) de la LEFP énonce la définition du mérite de même que les pouvoirs conférés aux administrateurs généraux pour ce qui est de l’établissement des qualifications. Aux termes de ce paragraphe, une nomination est fondée sur le mérite lorsque la personne à nommer possède les qualifications essentielles, établies par l’administrateur général.

31 Dans la décision Neil,le Tribunal devait se prononcer sur une allégation selon laquelle l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il avait établi l’exigence de posséder une expérience « appréciable ». Le Tribunal a déterminé ce qui suit :

[45] La direction bénéficie donc d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour déterminer les qualifications relatives à un poste. En l’espèce, les gestionnaires ont établi qu’il leur fallait des candidats possédant une expérience appréciable de la recherche et de l’analyse de questions stratégiques complexes. Selon les éléments de preuve fournis à l’audience, il est clair que la justification du critère « expérience appréciable » visait à distinguer ce niveau d’analyste des politiques de ceux au niveau ES-04 et à faire en sorte que les personnes nommées possèdent l’expérience nécessaire pour travailler de façon autonome, avec un minimum de supervision. Le Tribunal estime qu’en décidant d’inclure l’expérience appréciable dans les qualifications essentielles relatives aux postes, la direction a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée en vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP.

[46] Le plaignant a affirmé que des qualifications semblables devraient être exigées pour des postes ES-05 du même type, ce qui, à son avis, serait conforme à la tendance visant l’uniformisation des postes. Toutefois, aucun élément de preuve n’a été fourni pour démontrer que les gestionnaires étaient tenus d’utiliser des qualifications semblables pour les postes du même niveau ni qu’il existait une tendance visant l’uniformisation des postes. Les gestionnaires sont simplement tenus d’établir les qualifications pour le travail à accomplir. En l’espèce, le Tribunal ne voit aucune raison de s’immiscer dans la décision des gestionnaires à cet égard.

32 En l’espèce, le gestionnaire a décidé d’exiger une expérience « récente » de la gestion, étant donné qu’il y avait eu des changements dans les responsabilités relatives à la gestion au cours des dernières années. L’intimé accorde désormais une plus grande importance à la gestion du rendement, et les gestionnaires disposent de nouvelles responsabilités dans le cadre du nouveau régime de ressources humaines, notamment dans les domaines des acquisitions, de la technologie de l’information et de la gestion virtuelle des employés. Le plaignant, à qui il incombe de prouver qu’il y a eu abus de pouvoir, n’a fourni aucune preuve permettant au Tribunal de conclure que l’exigence de posséder une expérience « récente » comme gestionnaire n’a pas été incluse à la rubrique des qualifications essentielles en vue du travail à accomplir. Comme le Tribunal l’a établi dans la décision Neil, il ne voit aucune raison de s’immiscer dans la décision du gestionnaire à cet égard.

33 Le plaignant cherche à s’appuyer sur des documents comme la définition des comportements efficaces liés aux compétences clés en leadership de l’Agence de la fonction publique du Canada. Or, une partie ne peut pas se contenter simplement de faire référence à un document. Le plaignant est tenu de préciser au Tribunal les sections pertinentes de la documentation visée et de désigner les passages de ces documents sur lesquels il s’appuie.

34 Le Tribunal abordera maintenant l’argument du plaignant selon lequel l’intimé n’a pas demandé une expérience « récente » comme gestionnaire pour plusieurs autres postes qu’il a annoncés; il n’aurait donc pas dû exiger cette qualification pour le poste visé par le processus susmentionné. Le Tribunal a déjà abordé cette question et a refusé d’accepter cette argumentation dans le cadre d’une décision précédente. Au paragraphe 43 de la décision Fenney, le Tribunal a établi ce qui suit :

[43] En outre, le Tribunal ne souscrit pas à l’argumentation du plaignant selon laquelle l’affichage d’un poste de FR-01 à Halifax en juillet 2006, avec l’exigence de posséder un permis N-É classe 3 à la rubrique des conditions d’emploi, a créé un précédent pour l’avenir. En vertu de la LEFP, l’administrateur général jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour établir les qualifications essentielles, lesquelles peuvent varier d’un poste à l’autre, selon les circonstances et l’endroit.

35 L’allégation du plaignant selon laquelle il y a eu abus de pouvoir lorsque l’expérience « récente » comme gestionnaire a été demandée à titre de qualification essentielle n’est pas fondée.

36 Quant à l’allégation du plaignant selon laquelle le terme « récent » n’a pas été défini pour les candidats, le Tribunal en convient. Le raisonnement établi par le Tribunal dans la décision Neil, aux paragraphes 50 et 51, s’applique tout autant en l’espèce :

[50] Le Tribunal tient à souligner que, bien qu’il ne soit pas obligatoire d’informer les candidats de tous les détails concernant la façon dont une qualification en particulier sera évaluée, il est dans l’intérêt de tous de faire preuve de clarté et de transparence dans la mesure du possible dans le cadre d’un processus de nomination. Il s’agit de s’assurer que tous ceux qui possèdent effectivement une qualification peuvent le démontrer et passer à la prochaine étape du processus. Il aurait donc été préférable que l’intimé fournisse aux candidats plus de détails dans l’énoncé des critères de mérite sur la façon dont « l’expérience appréciable » serait évaluée par le comité. Cette démarche est d’ailleurs recommandée dans la Série d’orientation de la Commission de la fonction publique portant sur l’évaluation, la sélection et la nomination. En voici un extrait :

Dans le but de faciliter la présélection des candidats et candidates, il est important que le ou la gestionnaire mette au point une définition de certains mots : par exemple, la signification d’une expérience « récente » ou « appréciable ». Une fois qu’une telle définition a été établie, le ou la gestionnaire, ou le comité d’évaluation si le ou la gestionnaire en fait la demande, devrait être prêt à répondre aux demandes et à transmettre ces renseignements aux candidats ou aux candidats éventuels. (…) Les définitions sont élaborées en fonction des exigences du poste et non pas d’après l’expérience ou les compétences du candidat ou de la candidate. Par conséquent, elles devraient être élaborées avant de passer en revue les candidatures et les qualifications des personnes considérées.

·Exemple - L’annonce pour un poste précisait que les personnes devaient posséder « une expérience appréciable en élaboration de politiques ». Le ou la gestionnaire devrait définir le mot « appréciable » et il ou elle pourrait inclure cette définition dans l’annonce […].

51 Toutefois, le fait de ne pas informer les candidats de la définition précise d’un critère de mérite ne constitue pas, en soi, un abus de pouvoir. La qualification choisie par les gestionnaires et en fonction de laquelle les candidats seraient évalués figurait dans l’énoncé des critères de mérite. Le Tribunal estime que cette qualification était suffisamment détaillée pour permettre aux candidats de démontrer qu’ils la possédaient.

[caractères gras ajoutés]

37 Le Tribunal tient à rappeler l’importance de la clarté et de la transparence dans les énoncés de critère de mérite, de façon à permettre aux candidats de connaître les exigences auxquelles ils doivent satisfaire. Il aurait certainement été préférable que M. King indique sur l’annonce relative au poste ce qu’il entendait par « récent » et qu’il précise la définition du terme « appréciable ». Cela dit, en l’espèce, l’absence d’une définition dans l’énoncé des critères de mérite et dans l’annonce de possibilité d’emploi n’a aucune incidence sur la plainte. De son propre aveu, le plaignant a acquis son expérience comme gestionnaire au moins dix ans avant la tenue du processus de nomination visé. Quelle que soit la définition du terme « récent », le plaignant n’aurait pas possédé cette qualification essentielle.

38 La CFP a publié une Série d’orientation mentionnée dans la décision Neil ci‑dessus. Dans l’avenir, il pourrait être utile que la CFP en traite dans les observations qu’elle fournit au Tribunal.

39 Le plaignant a également affirmé que l’exigence d’une expérience « récente » comme gestionnaire limitait le nombre de candidats éventuels à ceux qui occupaient actuellement un poste de gestion ou de supervision dans la région de la Saskatchewan et, par conséquent, que cette exigence était fondée sur le favoritisme personnel.

40 Dans la décision Glasgow, le Tribunal a fourni des éclaircissements quant aux actions qui pouvaient constituer du favoritisme personnel. Aux paragraphes 39 et 41, le Tribunal a indiqué ce qui suit :

[39] […] Il convient de noter que le mot « favoritisme » est qualifié par l’adjectif « personnel », ce qui met en évidence l’intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble, et que c’est le favoritisme personnel, non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir.

[41] […] La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

41 L’argumentation et les éléments de preuve présentés par le plaignant ne contiennent aucun élément permettant au Tribunal de considérer comme fondée une allégation d’abus de pouvoir motivé par le favoritisme personnel, tel que ce concept a été expliqué dans la décision Glasgow.

Décision

42 Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Helen Barkley

Membre

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2008-0059
Intitulé de la cause:
David Bell et l'Administrateur général de Service Canada et al.
Audience:
Instruction sur dossier
Date des motifs:
Le 19 décembre 2008

Comparutions:

Pour le plaignant:
David Bell
Pour l'intimé:
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
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