Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

En déposant un grief de principe, l’agent négociateur conteste l’interprétation de l’employeur concernant l’annexe de la convention collective prévoyant une indemnité de marché pour certains employés - l’agent négociateur a affirmé que les titulaires d’un certain nombre de postes ne reçoivent pas l’indemnité de marché même s’ils satisfont aux critères énumérés au paragraphe1 ou 2 de l’Annexe B de la convention collective - il a mis en preuve que les employés (cryptographes et techniciens) occupent des postes nécessitant principalement l’accomplissement de fonctions d’administration informatique et/ou d’ingénierie - l’employeur prétend que la phrase <<Les postes dont les tâches essentielles nécessitent l'accomplissement de fonctions d'administration informatique et/ou d’ingénierie>> doit être interprétée de façon très précise - l’employeur a évoqué l’histoire des négociations entre les parties et a affirmé que les parties avaient compris que la phrase se limitait aux employés dont les postes avaient été classifiés dans les groupes CS ou EN en vertu de la structure de classification qui existait avant l’introduction d’un système de classification universel (UNISON), ou aux nouveaux employés dont les postes auraient autrement correspondu aux anciennes définitions des groupes professionnels susmentionnés - l’arbitre de grief était d’accord avec l’agent négociateur pour dire qu’il faut donner sa signification ordinaire à la phrase contenue dans l’annexe, et a indiqué que sa tâche consistait à appliquer les mots de la convention collective - il a conclu que la preuve relative aux tâches de certains employés montre clairement qu’ils doivent accomplir des fonctions d’administration informatique ou d’ingénierie - il a conclu également que les parties ne se sont jamais entendues sur la signification correcte de la phrase en question pendant leurs négociations et que, par conséquent, la preuve extrinsèque des discussions tenues pendant les négociations n’appuie pas la prétention de l’employeur, selon qui la phrase en question devrait avoir une signification bien précise et restrictive. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-10-06
  • Dossier:  569-13-17
  • Référence:  2009 CRTFP 121

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Centre de la sécurité des télécommunications

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Georges Nadeau, arbitre de grief

Pour l’agent négociateur:
Chantal Homier-Nehme, avocate

Pour l'employeur:
Stephen Bird, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 12 au 14 et le 16 février, du 9 au 12 et du 23 au 26 juillet, du 2 au 4 octobre et les
13 et 14 novembre 2007 ainsi que du 15 au 17 janvier, du 6 au 8 février, les 11 et
12 mars, les 2 et 3 avril, les 18, 25 et 27 juin et les 6 et 7 août 2008.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1 La présente décision porte sur un grief de principe renvoyé à l’arbitrage le 19 janvier 2006 par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») en vertu de l’article 220 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la « LRTFP »), au sujet de l’Annexe « B » – Protocole d’entente relatif aux indemnités en fonction du marché de la convention collective entre l’AFPC et le Centre de la sécurité des télécommunications, date d’expiration : 9 février 2006.

2 Les dispositions pertinentes de l’Annexe « B » sont les suivantes :

Préambule

L’employeur accepte de verser une indemnité spéciale aux titulaires de postes classifiés aux niveaux UNI-4 à UNI-11 qui exercent des fonctions d’administration informatique ou d’ingénierie.

Postes admissibles

  1. Postes classifiés aux niveaux CS-1 à CS-5 ou EN-3 à EN-6 un jour avant la signature de la présente convention.
  2. Postes dont les fonctions principales sont rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie.

II. Résumé de la preuve

3 L’AFPC est l’agent négociateur accrédité par la Commission pour représenter les employés du Centre de la sécurité des télécommunications (le « CST » ou l’« employeur ») qui font partie de l’unité de négociation.

4 Voici l’exposé détaillé du renvoi à l’arbitrage et des mesures correctives réclamées :

[Traduction]

Le 19 janvier 2006, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) a renvoyé à l’arbitrage un grief de principe signé par Nycole Turmel le 30 septembre 2005. Ce grief se lit comme suit :

Grief de principe

Ceci est un grief de principe ainsi déposé par l’Alliance de la Fonction publique du Canada en vertu de l’article 220 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Détails du grief :

Le grief porte sur l’interprétation et l’application de l’Annexe « B » – Indemnité en fonction du marché – de la convention collective entre le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

L’agent négociateur et l’employeur ont été incapables de s’entendre sur la question des postes admissibles à l’indemnité en fonction du marché. L’agent négociateur maintient que les occupants de certains postes ne touchent pas l’indemnité en fonction du marché même s’ils y sont admissibles en vertu des critères figurant aux paragraphes 1 ou 2 de l’Annexe B.

Compte tenu de cette impasse, les parties conviennent que la question de l’interprétation de l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché prévue à l’Annexe « B » de la convention collective doit être tranchée conformément à la procédure de règlement des griefs prévue par la LRTFP.

Mesure corrective :

L’AFPC demande une déclaration que le CST est tenu de verser une indemnité en fonction du marché aux occupants des postes mentionnés à chacun des paragraphes 1 et 2 de l’Annexe « B » – Indemnité en fonction du marché – de la convention collective.

5 L’employeur reconnaît que le grief porte sur l’interprétation et l’application de l’Annexe B – Indemnité en fonction du marché et il lui a répondu comme suit :

[Traduction]

Le CST verse des indemnités salariales supplémentaires (appelées indemnité en fonction du marché) aux employés occupant certains postes afin de pouvoir rivaliser sur le marché pour des habiletés en grande demande et d’attirer et maintenir en poste des personnes ayant ces habiletés clés. Comme le montant et la durée de cette indemnité dépendent des forces du marché, elle a traditionnellement été versée en tant qu’élément distinct du traitement et limitée à des catégories spécifiques d’employés du CST. Avant la dernière convention collective, l’indemnité en fonction du marché était versée seulement aux employés classifiés EN ou CS.

La conversion au système de classification UNISON a eu des répercussions sur la description des employés admissibles à l’indemnité en fonction du marché, puisque le CST a cessé d’appliquer le système de classification du Secrétariat du Conseil du Trésor. La négociation de la convention collective actuelle a été axée sur la recherche de moyens de décrire les postes des employés qui touchaient l’indemnité en fonction du marché et des nouveaux employés qui auraient été admissibles à cette indemnité si le CST avait conservé l’ancien système de classification.

Le libellé actuel de l’Annexe « B » reflète l’intention des parties à la table de négociation, à savoir que les employés qui touchaient l’indemnité auparavant devraient continuer à la recevoir et que les nouveaux employés qui y auraient été admissibles sous l’ancien régime y seraient également admissibles sous le nouveau régime. On n’a jamais envisagé que l’admissibilité serait élargie ou que l’indemnité en fonction du marché serait offerte à de nouvelles classes d’employés.

Le libellé actuel de l’Annexe « B » reflète également cette réalité. Le CST verse l’indemnité en fonction du marché aux employés qui y sont admissibles à ses conditions et conformément à l’intention des parties.

Par conséquent, le grief est rejeté.

6 Dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a remis à l’agent négociateur un document (pièce G-115) indiquant comment il appliquait les dispositions du protocole d’entente relatif à l’indemnité en fonction du marché figurant à l’Annexe « B ». Ce document se lit comme suit :

[Traduction]

Détermination de l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché

Avant la conversion à UNISON, si les postes étaient classifiés CS ou ENG sans que leurs fonctions et leurs responsabilités ne changent, leurs titulaires touchaient automatiquement l’indemnité en fonction du marché.

Quand on a soumis les nouvelles descriptions de travail (QRP) pour évaluation, le personnel de la classification a analysé le travail des intéressés pour déterminer si leurs fonctions et responsabilités prédominantes satisfaisaient aux anciennes normes permettant de les inclure dans la catégorie et le groupe des CS et ENG. Si toutes les conditions étaient réunies, l’agent de classification indiquait sur la feuille de décision de mesure de classification (DMC) que les postes étaient admissibles à l’indemnité en fonction du marché.

7 L’AFPC a admis que la charge de prouver le bien-fondé de son grief de principe lui incombait. Pour des raisons de sécurité nationale, j’ai résumé les dires de chacun des témoins à l’Appendice 1, qui fait partie intégrante de la présente décision.

8 Bref, la preuve de l’agent négociateur a décrit de façon très détaillée les activités accomplies des employés directement concernés par le grief de principe.

9 En général, l’employeur ne conteste pas la validité de la preuve présentée par les employés quant à la nature de leur travail, mais il a concentré sa preuve sur l’historique des négociations collectives qui a fini par aboutir à l’inclusion de l’Annexe « B » dans la convention collective ainsi que sur le contexte dans lequel ces négociations se sont déroulées.

10 Fondamentalement, les parties ne s’entendent ni sur le sens, ni sur la portée de la proposition « fonctions rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie ». L’employeur est d’avis qu’il faudrait lui accorder un sens très précis dans le contexte des normes de classification du Conseil du Trésor anciennement applicables aux groupes professionnels de l’administration des systèmes d’ordinateur (CS) et du génie et de l’arpentage (EN).

11 Les arguments complets des parties suivent.

A. Pour l’agent négociateur

12 L’avocate de l’AFPC a déclaré que ce grief de principe conteste fondamentalement le fait que les occupants de plusieurs postes ne touchent pas l’indemnité en fonction du marché même s’ils y sont admissibles en vertu des critères figurant au paragraphe 1 ou au paragraphe 2 de l’Annexe « B » de la convention collective.

13 Selon le second critère, qui figure au paragraphe 2, l’avocate de l’AFPC a souligné que le droit à l’indemnité ne pouvait pas être traité comme une question de classification. Elle a déclaré que la preuve incontestée a établi que les fonctions principales des postes occupés par les mathématiciens et par les ingénieurs technologues exigeaient l’exécution de tâches d’administration informatique ou d’ingénierie. Cette preuve a été corroborée par les descriptions de travail (QRP) et par les profils des compétences établis par le CST de même que par les témoignages de ses directeurs et de ses gestionnaires.

14 L’avocate de l’AFPC a fait valoir que l’objection du CST à l’introduction de la preuve ultérieure à la date d’expiration de la convention collective (février 2006) devrait être rejetée, étant donné que le présent grief de principe est un grief continu et que la plus grande partie de la preuve du CST est constituée des témoignages de directeurs et de gestionnaires qui n’ont commencé à occuper leurs postes qu’après février 2006.

15 L’avocate de l’AFPC a également déclaré que l’application par le CST du second critère d’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché était contraire non seulement au libellé de l’Annexe « B », mais aussi à la preuve extrinsèque qu’il a lui-même avancée.

16 L’avocate de l’AFPC a de plus souligné que le CST n’avait pas appliqué ce second critère uniformément, en allant de refuser de l’appliquer à  ne l’appliquer qu’aux occupants des nouveaux postes dont les fonctions principales sont rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie. Ce manque d’uniformité était aussi évident dans sa réponse aux griefs individuels déposés sur cette question, dans laquelle il a dit croire que le problème relatif au second critère est qu’il n’existait pas de définitions des fonctions rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie. L’avocate de l’AFPC a souligné que le rapport Hadad, préparé à la demande du CST, souscrivait à la conclusion que les mathématiciens satisfaisaient au second critère.

17 L’avocate de l’AFPC a fait valoir que la raison de l’application du second critère pour laquelle le CST a fini par opter, sur l’avis de sa section de la classification, consistait à toutes fins utiles à déterminer si les fonctions et responsabilités principales des postes satisferaient aux critères d’inclusion dans les groupes CS ou EN, tels qu’ils sont définis dans les normes de classification du Conseil du Trésor. Cette application contredit le libellé même du second critère d’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché, qui a été accepté par les parties, et elle est contraire à l’intention déclarée du CST de ne pas se servir des normes du Conseil du Trésor après la mise en application d’UNISON, son nouveau système de classification. Mme Dufour a témoigné que le CST voulait éviter de se fonder sur les « anciennes » normes de classification du Conseil du Trésor et que l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché devrait être basée sur les compétences, avec l’introduction d’UNISON, un système de classification basé sur les compétences.

18 L’avocate de l’AFPC a déclaré que le libellé du second critère excluait l’utilisation des normes du Conseil du Trésor, qui définissent les groupes en les excluant mutuellement alors que le second critère fait état de postes dont les fonctions principales exigent l’exécution de tâches rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie, voire à ces deux spécialités. Sous le régime des normes du Conseil du Trésor, un poste ne peut être à la fois CS et EN, alors que le critère envisageait clairement des postes exigeant de leurs occupants qu’ils accomplissent des fonctions à la fois d’administration informatique et d’ingénierie.

19 En ce qui concerne la preuve extrinsèque produite par le CST, l’avocate de l’AFPC a fait remarquer que, selon Mme Dufour, le défi consistait à trouver les postes chargés de fonctions d’administration informatique et d’ingénierie dans le nouveau système de classification universel UNISON. C’est précisément en raison de l’introduction d’UNISON qu’une disposition d’antériorité — le premier critère — avait été mise en place pour qu’aucun des employés qui touchaient l’indemnité à l’époque ne la perde, parce que le nouveau système de classification était susceptible d’aboutir à l’identification de nouveaux postes admissibles à l’indemnité. Il ressortait aussi clairement du témoignage de Mme Dufour que l’admissibilité serait basée sur les compétences plutôt que sur l’utilisation des anciennes normes de classification du Conseil du Trésor, sauf en ce qui concernait le premier critère.

20 L’avocate de l’AFPC a ajouté que les parties l’auraient précisé si elles avaient voulu que le second critère ne s’applique qu’aux nouveaux postes. C’est le CST qui l’a rédigé, et s’il avait voulu verser l’indemnité en fonction du marché seulement aux occupants des postes dont les fonctions principales seraient rattachées à l’administration informatique et à l’ingénierie et qui satisferaient aux normes du Conseil du Trésor applicables aux groupes CS et EN, il l’aurait rédigé autrement.

21 L’avocate de l’AFPC a souligné que l’agent négociateur n’avait jamais consenti à ce que l’employeur détermine unilatéralement l’admissibilité à l’indemnité, mais qu’il voulait participer à cette démarche. Elle a également insisté sur le fait que la lettre d’intention proposée au cours des négociations confirmait clairement l’intention du CST de se servir du cadre des compétences comme base pour déterminer l’admissibilité à l’indemnité. Elle a ajouté que l’AFPC avait constamment répété au CST qu’il devait être clair dans ses termes et dans ses définitions.

22 L’avocate de l’AFPC a déclaré que les expressions [traduction] « telles que déterminées par l’Employeur » et [traduction] « après cette date » avaient déjà été retirées du libellé proposé quand les parties étaient arrivées à une entente de principe sur le second critère.

23 L’avocate de l’AFPC a déclaré que le mandat du CST et l’étude de Price Waterhouse sur la rémunération n’avaient pas été communiqués à l’AFPC et qu’ils n’étaient donc pas pertinents pour trancher la présente affaire.

24 L’avocate de l’AFPC a allégué qu’il fallait répondre aux trois questions suivantes pour arriver à une décision en l’espèce :

Qu’entend-on par des fonctions rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie?

Quelles sont l’interprétation et l’application correctes de la phrase « postes dont les fonctions principales sont rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie »?

Tels que produits en preuve, les postes satisfont-ils aux critères?

25 L’avocate de l’AFPC s’est opposée à la production d’une preuve extrinsèque sur l’historique des négociations. Elle a fait valoir que l’Annexe « B » de la convention collective est claire et que l’employeur n’a pas prouvé l’existence d’une ambiguïté patente ou latente à résoudre. Dans un courriel, M. Leblanc, un témoin de l’employeur, a déclaré que l’Annexe est claire (pièce G-6).

26 Subsidiairement, si je devais conclure qu’il existe une ambiguïté, l’avocate de l’AFPC a déclaré que le libellé produit par l’équipe de négociation du CST devrait être interprété conformément au principe contra proferentem. Elle a invoqué Exportations Consolidated Bathurst c. Mutual Boiler,[1980] 1 R.C.S. 888, à l’appui de son argument qu’en rédigeant cette proposition, le CST aurait dû préciser ce qu’il fallait pour protéger ses propres intérêts.

27 L’avocate de l’AFPC a également fait valoir qu’on n’avait pas produit de preuve claire, convaincante et sans équivoque sur les intentions des parties au moment de l’entente de principe ou de la décision arbitrale. Mme Dufour a témoigné que le CST n’allait pas se servir des « anciennes » normes de classification du Conseil du Trésor ni s’y reporter, et pourtant, ce sont ces critères que le CST a fini par adopter. L’avocate a invoqué Hiram Walker & Sons Ltd v. Distillery Workers, Local 61, [1973] 3 L.A.C. (2d) 203 et Re Strait Crossing Joint Venture v. International Bargaining Agent of Operating Engineers/Iron Workers, [1997] 64 L.A.C. (4e) 229.

28 L’avocate de l’AFPC a déclaré qu’il est largement reconnu en droit du travail que la raison fondamentale pour laquelle on interprète les dispositions d’une convention collective consiste à découvrir l’intention des parties en fonction de son contenu. Leur intention doit être déduite des instruments écrits. L’arbitre de grief a pour fonction de déterminer ce que les parties voulaient dire en interprétant les mots qu’elles ont employés à partir de ce qui est écrit dans l’instrument et non de ce qui était censé y avoir été écrit. Sur ce point, l’avocate a invoqué Exportations Consolidated Bathurst et Banque Manuvie du Canada c. Conlin, [1996] 3 R.C.S. 415.

29 L’avocate de l’AFPC a affirmé qu’une preuve extrinsèque n’est pas admissible pour contredire ou modifier les conditions d’une entente réduites à son expression écrite, y ajouter ou en soustraire quoi que ce soit. On ne peut pas se fier à une telle preuve pour découvrir l’intention des parties. On ne peut s’y fier que pour déterminer le sens des mots écrits dans l’entente, et ce seulement si cette preuve est claire, convaincante et sans équivoque. Ce n’est pas le cas des témoignages que j’ai entendus. L’avocate a invoqué à cet égard l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd.,[1993] 2 R.C.S. 316.

30 L’avocate de l’AFPC a maintenu que la seule exception admise à ce principe est quand il existe une ambiguïté dans la convention écrite elle-même; en l’espèce, l’employeur n’a pas prouvé l’existence d’une telle ambiguïté patente ou latente.

31 L’avocate de l’AFPC a déclaré que même si elle témoignait à l’appui de la position du CST voulant que les expressions « fonctions […] rattachées à l’administration informatique » et à « l’ingénierie » ne soient pas définies, Mme Dufour parlait constamment d’informatique dans son témoignage, et que le CST parlait vraiment de fonctions rattachées à l’administration informatique. Mme Dufour a également parlé de fonctions d’ingénierie en déclarant que ces fonctions étaient liées à la norme de classification des ingénieurs. Rien dans la preuve n’indique que ce point ait été expliqué à l’agent négociateur. La preuve a révélé que le CST a constamment changé sa position durant les négociations, jusqu’à la conclusion de l’entente de principe, et qu’il ne savait pas vraiment comment il allait déterminer l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché.

32 L’avocate de l’AFPC a fait valoir que le CST prétendait que le second critère était censé s’appliquer aux nouveaux postes. Or, le mot « nouveau » n’apparaît nulle part dans l’Annexe « B », et l’on ne peut pas se servir d’une preuve extrinsèque pour ajouter quoi que ce soit à une convention conclue par écrit entre les parties, ni pour la modifier.

33 L’avocate a invoqué DHL Express (Canada) Ltd. v. C.A.W.-Canada, Locs. 4215, 144 & 4278 (Re),[2004] C.L.A.D. No. 613, à l’appui de son argument qu’une preuve extrinsèque ne peut être utilisée que lorsqu’il existe une ambiguïté patente ou latente dans un texte, pour en faciliter l’interprétation. Elle a également déclaré que, pour que l’historique des négociations puisse contribuer à l’interprétation du libellé, la preuve avancée doit révéler soit une intention commune, soit un consensus des parties quant au sens qu’une d’entre elles veut lui faire reconnaître. Le fait qu’il peut exister une interprétation incertaine du sens très général d’une disposition d’une convention collective ne signifie pas nécessairement qu’une preuve extrinsèque soit admissible.

34 L’avocate de l’AFPC a maintenu qu’une telle preuve ne devrait pas être utilisée en l’espèce pour modifier la convention collective de façon que le second critère puisse s’appliquer seulement aux nouveaux postes en privant les occupants des postes de mathématiciens et d’ingénieurs technologues de l’admissibilité à l’indemnité. Qui plus est, la LRTFP n’autorise pas un arbitre de grief à changer ou à modifier une disposition d’une convention collective.

35 L’avocate de l’AFPC a invoqué Ontario Jockey Club v. S.E.I.U., Loc. 528 (McNeil) (Re),[2001] 87 L.A.C. (4e) 283, à l’appui de son argument que la preuve n’a pas réussi à démontrer que les parties s’étaient entendues sur le sens de cette clause, et que celle qui voudrait justifier le recours à une preuve extrinsèque pour faire reconnaître aux termes de la convention collective un sens qu’ils ne justifient pas eux-mêmes à première vue doit invariablement assumer une énorme charge de la preuve.

36 L’avocate de l’AFPC a déclaré qu’il faudrait accorder aux termes employés dans l’Annexe « B » leur sens naturel ordinaire. La phrase « L’employeur accepte de verser une indemnité spéciale aux titulaires de postes classifiés aux niveaux UNI-4 à UNI-11 qui exercent des fonctions d’administration informatique ou d’ingénierie » est claire. Conclure autrement serait manifestement déraisonnable. L’avocate a invoqué Construction and General Workers’ Local 1111 v. PCL Construction Ltd.,[1982] A.G.A.A. No. 1 à l’appui de son argument que tous les contrats doivent être interprétés au sens premier des termes qui y sont employés. Si leur sens ordinaire n’est pas ambigu, qu’il n’est pas exclu par le contexte et qu’il est logique, compte tenu de la preuve extrinsèque, il devrait être interprété comme étant le seul conforme à l’intention des parties.

37 L’avocate a en outre invoqué Exportations Consolidated Bathurst et Medis Health and Pharmaceutical Services Ltd. v. Teamsters, Chemical and Allied Workers, Local 424 (Overtime Grievances), [2000] O.L.A.A., No. 753 en déclarant que s’il existe une ambiguïté, elle devrait être tranchée contre le CST, puisque c’est lui qui a rédigé le texte en question.

38 L’avocate de l’AFPC a fait valoir que tous les mathématiciens et ingénieurs technologues qui ont témoigné avaient démontré, en donnant de nombreux exemples de projets et de la nature même des résultats attendus, que les principales fonctions des postes qu’ils occupent exigent qu’ils s’acquittent de tâches d’administration informatique ou d’ingénierie. Elle a ensuite décrit de façon détaillée la preuve produite par chacun des témoins de l’agent négociateur en ce qui concerne le travail des mathématiciens et des ingénieurs technologues. Puisque ces arguments contiennent des détails relatifs à des projets qui ne devraient pas être divulgués, pour des raisons de sécurité nationale, je les ai reproduits à l’Appendice 2 de la présente décision.

39 L’avocate de l’AFPC a conclu ses arguments en déclarant que la preuve avait clairement établi que les principales fonctions des occupants des postes de mathématiciens et d’ingénieurs technologues exigeaient qu’ils s’acquittent de tâches d’administration informatique ou d’ingénierie. Elle a réclamé une déclaration ordonnant au CST de verser une indemnité en fonction du marché aux personnes occupants ces postes rétroactivement à la date de la convention collective, une déclaration que le CST a contrevenu à la convention collective en ne versant pas cette indemnité en fonction du marché et une déclaration que l’interprétation de l’AFPC était fondée. Elle a également demandé que je reste saisi de toutes les questions découlant de l’application de l’ordonnance.

B. Pour l’employeur

40 Dans ses commentaires sur les arguments de l’AFPC, l’avocat du CST a déclaré qu’il s’agit en l’occurrence d’un grief de principe et que la plus grande partie des témoignages n’étaient pas pertinents.

41 L’avocat du CST a déclaré qu’il souscrivait à la façon de l’avocate de l’AFPC de présenter la question : [traduction] « Quelle est la bonne façon d’interpréter, d’appliquer et d’administrer l’Annexe « B » de la décision arbitrale du 16 juin 2004? » Il a souligné que, pour que je puisse rendre cette décision, j’allais devoir répondre à deux des trois questions soulevées par l’avocate de l’AFPC : [traduction] « Qu’entend-on par des fonctions rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie? » et [traduction] « Quelles sont l’interprétation et l’application correctes de la phrase ‘postes dont les fonctions principales sont rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie’? » La troisième question [traduction] « Tels que produits en preuve, les postes satisfont-ils aux critères? » ne faisait pas partie du grief de principe.

42 L’avocat du CST a également souligné que chacune des parties s’était servie de la preuve sur la classification à ses propres fins. Il a ajouté qu’il ne s’agit pas en l’occurrence d’un grief de classification et que la question à trancher ne consiste pas à savoir si les postes devraient faire partie du groupe CS ou du groupe EN.

43 L’avocat a déclaré que l’AFPC avait reçu à la table de négociation une indication claire de ce que signifiaient les termes employés dans l’Annexe ainsi qu’une indication que l’employeur chercherait à obtenir d’autres changements aux rondes de négociation subséquentes. Les parties avaient conclu une entente; autrement, puisque l’AFPC avait besoin d’une assurance, elle n’aurait pas soumis l’entente de principe à ses membres.

44 L’avocat du CST a déclaré que Mme Dufour avait clairement témoigné que les parties s’entendaient sur ce que signifiaient les mots employés dans l’Annexe, à savoir que l’indemnité en fonction du marché continuerait d’être versée aux occupants des postes comparables à ceux des groupes CS et EN. Le témoignage de M. Sullivan que l’employeur lui aurait dit qu’il n’en [traduction] « […] perd[rait] pas le sommeil […] » devrait être exclu, parce qu’on n’a pas donné à Mme Dufour l’occasion de le réfuter. La règle de Browne v. Dunn devrait s’appliquer. L’avocat du CST a invoqué Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 2008 (4e édition), vol. 3-56, Sopinka, The Law of Evidence in Canada, 1999 (2e édition), pp. 954-957, Browne v. Dunn (1893) 6 R. 67, H.L., Avey c. Canada (Forces canadiennes, Personnel des fonds non publics), [1998] C.R.T.F.P. no 10, McElrea c. Conseil du Trésor (Industrie Canada), [1998] C.R.T.F.P. no 98 et Séguin c. Chambre des communes, 2000 CRTFP 78. Il a ajouté que, de toute façon, ce témoignage était si vague et imprécis qu’il faudrait lui préférer celui de Mme Dufour.

45 L’avocat du CST a maintenu que l’AFPC n’avait pas de vision claire de la définition qu’elle voulait. Les témoins ont tous avancé une définition qui reflétait leur propre travail, mais ces définitions n’étaient pas uniformes. Dans bien des cas, accepter une définition d’un témoin priverait un autre témoin de l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché et pourrait en fait faire perdre leur admissibilité à de nombreux employés qui touchent actuellement cette indemnité. L’avocat a fait valoir que toute définition comprenant l’élaboration d’algorithmes pourrait en fait exclure les employés travaillant sur des réseaux ou au comptoir d’aide. L’intérêt personnel des témoins était évident.

46 La période pertinente des témoignages s’étendait selon l’avocat du CST de juillet 2004 à février 2006, quoiqu’il ait ajouté que les témoignages des directeurs restaient admissibles et pertinents parce que tous les témoins de l’AFPC sans exception ont déclaré qu’ils accomplissaient plus de tâches en question aujourd’hui que durant la période pertinente. On ne devrait tirer aucune conclusion négative du fait qu’aucun des témoins de l’employeur occupant des postes de directeur n’occupait ces postes pendant la période pertinente.

47 L’avocat du CST a rappelé que l’AFPC alléguait que le grief de principe est un grief continu, en faisant remarquer qu’elle avait raison dans la mesure où l’interprétation du CST n’avait pas changé. Toutefois, il a maintenu que les témoignages rendus par les témoins de l’AFPC à l’égard de la période de février 2006 à février 2008 devraient être exclus, puisqu’ils ne sont pas pertinents dans le contexte d’un grief de principe déposé le 16 juin 2004.

48 L’avocat du CST a souligné que la position du CST figure dans sa réponse au grief (pièce E-1) et dans un courriel de M. Leblanc (pièce G-6).

49 L’avocat du CST a déclaré que même si le CST voulait initialement éviter de se servir des normes de classification du Conseil du Trésor, l’entente conclue en définitive était que les postes comparables à ceux des groupes CS et EN étaient admissibles, mais que les parties ne se reporteraient pas aux normes de classification.

50 L’avocat du CST a souligné qu’il y avait différentes versions de ce qui s’était passé à l’assemblée de ratification sur la question de savoir s’il y avait eu un changement de l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché. S’il y avait eu le changement allégué par l’AFPC, cela aurait été un changement substantiel.

51 En réponse à l’argument de l’AFPC voulant que si l’intention du CST avait été de déterminer l’admissibilité à l’indemnité en se basant sur le document intitulé [traduction] « Détermination de l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché » (pièce G-115), ce critère aurait été inclus dans le texte de l’Annexe « B », l’avocat du CST a déclaré que ce document avait été rédigé par le CST à la demande de l’AFPC pour les fins de la présente procédure. Il n’existait pas à l’époque. Cela dit, il ressort à l’évidence du témoignage de Mme Dufour que le CST ne voulait pas se reporter aux normes de classification des CS et des EN, mais s’assurer que les postes admissibles étaient comparables à ceux des groupes CS et EN.

52 En réponse à l’argument de l’AFPC que le principe contra proferentem devrait s’appliquer, l’avocat du CST a déclaré que l’Annexe « B » n’était pas une clause d’un contrat introduite par une partie, à savoir le CST, puisqu’il s’agissait d’un document négocié, et que le principe contra proferentem peut être appliqué seulement lorsque la clause interprétée crée une exception telle que l’exclusion de la limite de la responsabilité, comme dans Medis Health and Pharmaceutical Services Ltd. En l’espèce, la clause interprétée crée un droit plutôt qu’une exclusion. Il ne s’agit pas ici d’une situation dans laquelle une clause ajoutée par une partie n’a pas été librement négociée.

53 En réponse aux commentaires d’un des témoins de l’agent négociateur quant à l’exigence de connaissances approfondies en informatique pour les postes occupés par les mathématiciens, l’avocat du CST a souligné que cette exigence ne figurait pas dans l’Annexe « B ». De même, le fait que l’occupant d’un poste a des habiletés particulières ne prouve pas que son poste les exige.

54 L’avocat du CST a souligné que le directeur de la Recherche et du Développement n’a pas témoigné, de sorte que les commentaires voulant que la direction du CST ait reconnu que les postes d’ingénieurs technologues du groupe T3D s’acquittaient de certaines fonctions n’étaient que du ouï-dire.

55 L’avocat du CST a fait remarquer que les commentaires de l’avocate de l’AFPC alléguant qu’un certain Paul Brown aurait fait d’importantes contributions n’étaient pas valables, puisque M. Brown n’avait pas témoigné et qu’on ne savait donc pas ce qu’il avait fait.

56 L’avocat du CST a contesté la validité des allégations que les postes figurant sur la liste des mathématiciens et des ingénieurs technologues (pièces E-15, E-16 et E-17) auraient été classifiés dans les groupes CS ou EN. Il a aussi contesté l’allégation de l’AFPC qu’une partie des principales fonctions de tous les postes de mathématiciens et d’ingénieurs technologues les oblige à s’acquitter de tâches comparables à celles des postes dont les occupants touchent actuellement l’indemnité en fonction du marché. Cette allégation n’a pas été entendue en preuve.

57 L’avocat du CST s’est opposé à ce que je demeure saisi de toute question résultant de l’application de la présente décision. Il a souligné qu’un arbitre saisi d’un grief de principe portant sur l’application d’une décision arbitrale rendue en 2004 n’a pas compétence sur des affaires individuelles.

58 L’avocat du CST a fait valoir qu’en s’entendant sur le libellé de l’Annexe « B » au moment de leur entente de principe, les parties avaient accepté l’entente commune qu’elles avaient conclue.

59 L’avocat du CST a fait valoir que la preuve sur les fonctions et la classification produite par les employés et par le CST devrait mener aux constatations suivantes : la classification suppose une démarche d’ensemble, une recherche d’une raison d’être et de résultats. Le fait qu’on puisse trouver certaines tâches dans une norme de classification ne signifie pas qu’un poste soit conforme à la norme ou qu’une tâche particulière accomplie régulièrement soit une des fonctions principales du poste. L’avocat du CST a fait remarquer que les pièces E-18 et E-19 montrent que les mathématiciens correspondent clairement à la norme des cryptographes professionnels (CP) et que les ingénieurs technologues correspondent à celle des CP ou à celle des cryptographes technologues (CTO). Il a ajouté que le rapport Hadad (pièce G-14) laissait clairement entendre que les mathématiciens ne correspondaient pas à la norme des CS.

60 L’avocat du CST a affirmé que ce grief de principe n’est pas un grief de classification (ce qui serait le cas si au moins un mathématicien devait être classifié dans le groupe CS), même si un employé donné occupe un poste dont les « fonctions principales sont rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie » — quoi que cela puisse signifier dans le contexte de la convention collective. En fait, une grande partie des témoignages entendus, notamment parmi ceux qu’ont rendus les témoins de la direction du CST, ne sont pas pertinents pour l’analyse en l’espèce. Cela dit, une partie des témoignages seront extrêmement utiles pour ma démarche.

61 L’avocat du CST a déclaré que la première question que je dois trancher consiste à déterminer si la phrase « postes dont les fonctions principales sont rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie » est claire ou ambiguë. Il a fait remarquer que, conformément à la règle de la preuve établie dans Parol, une preuve extrinsèque peut être admise seulement pour interpréter un libellé s’il renferme une ambiguïté ou pour clarifier une ambiguïté. Il arrive parfois qu’un terme ou une expression ordinaire ait un sens particulier que les parties leur ont attribué et qui peut leur être normalement associé ou pas dans une définition commune d’un dictionnaire.

62 L’avocat du CST a fait valoir qu’une telle preuve peut être utile pour déterminer si cette phrase est ambiguë. Il a souligné que la preuve a révélé que cette phrase renvoyait aux normes de classification des groupes CS et EN du Conseil du Trésor selon le CST, tandis que l’AFPC n’en a donné aucune interprétation conséquente. Il a déclaré que les 27 personnes qui ont témoigné avaient donné 12 définitions de l’administration informatique (pièces G-5, G-17 et G-25). Ces définitions n’étaient pas uniformes; elles différaient nettement, voire étaient contradictoires, et l’utilisation de certaines d’entre elles aboutirait à l’exclusion de certains employés qui touchent actuellement l’indemnité en fonction du marché. Certains des témoins de l’AFPC ont reconnu que la norme des CS du Conseil du Trésor était la meilleure définition de l’administration informatique. L’avocat du CST a souligné que tous les témoins avaient des interprétations différentes de cette expression et de son application aux fonctions particulières qu’ils ont décrites. De même, les fonctions d’ingénierie n’étaient pas définies précisément; plusieurs définitions ou plusieurs lignes directrices s’appliquent à ce qu’est une fonction d’ingénierie (pièces G-53 et G-57).

63 Par conséquent, l’avocat du CST a déclaré que les dires des témoins de l’AFPC à eux seuls laissent entendre que le libellé se prêtait à de nombreuses interprétations et qu’il était manifestement ambigu en lui-même. Il a ajouté que la preuve extrinsèque avait montré que chacune des parties employait la phrase en question comme un « terme de l’art » pour atteindre un objectif de négociation qui lui était propre. C’est ce qu’on appelle une « ambiguïté de référence » dans la jurisprudence.

64 L’avocat du CST a déclaré que la position du CST revient à dire que les fonctions d’administration informatique et d’ingénierie étaient employées comme des termes de l’art et créaient une telle « ambiguïté de référence ». Il a ajouté qu’une preuve extrinsèque est admissible si l’entente écrite est ambiguë pour faciliter l’interprétation de la convention ou expliquer l’ambiguïté, mais pas pour modifier les conditions de la convention. La preuve extrinsèque invoquée par le CST porte sur l’historique des négociations et sur l’entente de principe conclue entre les parties.

65 Selon l’avocat du CST, dans Noranda Metal Industries Ltd. v. I.B.E.W., Loc. 2345,(1983) 44 O.R. (2d) 529 (C.A.), la Cour d’appel de l’Ontario avait conclu qu’une preuve extrinsèque était admissible en cas d’ambiguïté tant patente que latente. Il a aussi déclaré que, dans International Nickel Co. of Canada Ltd. v. United Steelworkers (1974), 5 L.A.C. (2d) 331, l’arbitre avait conclu qu’une ambiguïté latente peut également exister lorsqu’un terme peut avoir une signification particulière.

66 L’avocat du CST a fait valoir qu’il existait une ambiguïté latente en l’espèce puisque les deux expressions « fonctions principales rattachées à l’administration informatique » et « fonctions principales rattachées à l’ingénierie » pourraient se prêter à de nombreuses interprétations. Le mot « administration » lui-même est aussi ambigu. Il a ajouté que les définitions externes proposées par les témoins de l’AFPC et les descriptions des fonctions et de la façon dont elles correspondaient à la définition de ces propositions étaient des éléments extrinsèques qui avaient été admis en preuve.

67 Subsidiairement, l’avocat du CST a fait valoir que, lorsqu’il existe une ambiguïté patente ou latente, une preuve de l’intention des parties est pertinente et essentielle pour trancher l’ambiguïté. En l’espèce, le conseil d’arbitrage a accepté ce libellé parce qu’il était présenté comme une entente de principe. Cette entente de principe reflète l’intention des parties et ce qui avait été réellement accepté dans ce que Mme Dufour a décrit comme une entente de dernière minute conclue pour répondre aux besoins immédiats des parties.

68 En évoquant Exportations Consolidated Bathurst, l’avocat du CST a souligné qu’il était important de déterminer ce que les parties tentaient d’obtenir. Selon lui, à en croire le témoignage de Mme Dufour sur les négociations, les trois éléments importants suivants les avaient amenés à négocier collectivement : le processus du mandat (pièce E-13), l’étude de Price Waterhouse (pièce E-14) et le système UNISON. Il a rappelé que le CST était tenu de faire approuver par le Secrétariat du Conseil du Trésor tout ce qu’il voulait négocier, qu’il n’avait jamais envisagé une extension de l’indemnité en fonction du marché, que l’étude de Price Waterhouse avait appuyé sa conviction qu’il n’était pas nécessaire d’accorder une extension de cette indemnité et que, par suite de la conversion au système UNISON, il avait besoin d’un mécanisme pour décrire qui aurait droit à l’indemnité une fois ce système mis en oeuvre.

69 L’avocat du CST a fait valoir que l’AFPC n’avait par contre pas de proposition à avancer et qu’elle ne demandait pas d’extension de l’indemnité en fonction du marché. Selon le témoignage de Mme Dufour, il était entendu entre les parties que personne ne perdrait quoi que ce soit par suite de la mise en œuvre d’UNISON et que les employés qui touchaient l’indemnité la veille de sa mise en œuvre continueraient de la toucher le lendemain. Il a ajouté que, tout imprécis qu’il soit, le témoignage de M. Sullivan sur ce point,  ne contredisait pas celui de Mme Dufour.

70 L’avocat du CST a affirmé que la position originale du CST était que l’employé qui touchait déjà l’indemnité en fonction du marché allait continuer à la recevoir. Dans l’avenir, le CST voulait adapter l’indemnité aux postes qu’il estimait justifier une prime d’attraction et de maintien en poste. Si un nouveau poste de CS était créé, les personnes qui l’occuperaient pourraient ne pas toucher l’indemnité même si l’occupant d’un poste existant identique l’aurait touchée. Il s’agissait donc de savoir comment décrire les postes existants et futurs dont les occupants allaient toucher l’indemnité, puisque le CST ne voulait plus se fier aux normes du Conseil du Trésor, qui n’étaient plus appliquées.

71 L’avocat du CST a déclaré que la question s’était alors focalisée. Le CST ne savait pas comment décrire l’admissibilité à l’indemnité après la mise en œuvre d’UNISON et il ne pouvait pas donner une définition claire à l’AFPC, qui avait de grandes réserves quant à l’expression [traduction] « telles que déterminées par l’Employeur » en raison des risques d’abus, parce qu’elle craignait d’éventuelles restrictions de l’admissibilité à l’indemnité. L’AFPC voulait des assurances à cet égard.

72 L’avocat du CST a souligné que les parties s’étaient entendues sur le statu quo, d’après le témoignage de Mme Dufour. L’employé qui avait droit à l’indemnité en fonction du marché avant la mise en œuvre d’UNISON allait continuer à la toucher par la suite. Les nouveaux postes qui auraient été des postes de CS ou d’EN seraient admissibles à l’indemnité. L’avocat du CST a insisté sur le fait que l’AFPC avait rejeté plusieurs propositions de libellé parce qu’elle voulait être sûre de qui serait admissible. L’entente de principe était un compromis garantissant provisoirement le statu quo.

73 L’avocat du CST a ajouté que l’indemnité en fonction du marché était le dernier point restant sur la table de négociation. Il a souligné que l’AFPC a reconnu dans ses arguments que Mme Dufour avait déclaré que seuls les postes dont les fonctions étaient comparables à celles des postes de CS et d’EN auraient droit à l’indemnité en fonction du marché et que le CST ne savait pas comment il déterminerait quels postes auraient droit à l’indemnité dans l’avenir, puisque les critères n’avaient pas été établis. Il a fait remarquer que l’AFPC avait encore du mal à accepter une définition aussi générale le 9 octobre 2002 et qu’elle continuait à demander des précisions. Il a aussi souligné que la lettre d’intention proposée avait été retirée par l’employeur.

74 Qui plus est, l’avocat du CST a fait remarquer que Mme Dufour avait déclaré que le CST avait informé l’AFPC au cours des négociations de son interprétation du libellé relatif à l’indemnité en fonction du marché et que, pendant son contre-interrogatoire, l’avocate de l’AFPC n’avait pas demandé à Mme Dufour de commenter le témoignage contradictoire que M. Sullivan avait rendu. L’avocat a invoqué la règle de Browne v. Dunn, telle que décrite et appliquée dans Brown et Beatty et dans Sopinka et telle qu’appliquée également par la Commission dans Avey,McElrea et dans Séguin, en soutenant que le témoignage de M. Sullivan était inadmissible. Il a ajouté que ce témoignage était de toute façon si vague et si imprécis qu’il devrait tout simplement être rejeté et que je devrais lui préférer celui de Mme Dufour.

75 L’avocat du CST a fait valoir que la position du CST à l’arbitrage était révélatrice, puisqu’elle soulignait la différence du libellé de la proposition sur l’admissibilité et de la note accompagnant cette proposition (pièce E-13, onglet 11). Il a souligné que la position de l’AFPC à l’arbitrage ne reflétait pas le fait qu’elle avait obtenu une amélioration substantielle de l’indemnité en fonction du marché dans le contexte de l’entente de principe. Dans son document de ratification (pièce E-7), l’AFPC ne déclarait pas qu’elle avait obtenu une amélioration substantielle, et les exemples qui figuraient dans ce document ne laissaient pas non plus entendre qu’elle avait obtenu une telle amélioration; un des témoins présents à l’assemblée de ratification a d’ailleurs déclaré que ses confrères et lui-même n’avaient pas été informés d’une amélioration pareille. Pendant ce temps, les mathématiciens rencontraient le chef du CST au sujet de ce qu’ils considéraient comme des injustices. L’AFPC ne les avait pas informés qu’elle avait négocié une amélioration de l’indemnité; en fait, les mathématiciens et les ingénieurs technologues n’avaient jamais été mentionnés au cours des négociations. L’avocat du CST a déclaré que ce qui avait été présenté à l’assemblée de ratification était critique, parce que c’était ce que le conseil d’arbitrage avait décidé (pièce E-2).

76 L’avocat du CST a fait remarquer que l’AFPC cherchait dans son mémoire d’arbitrage (pièce E-13, onglet 10) à obtenir une indemnité fondée sur le marché comparable à celles qui étaient versées dans la fonction publique fédérale, tandis que le CST avait rajusté sa proposition à la baisse (pièce E-13, onglet 11). Il n’a pas déclaré qu’il y avait des indications pouvant justifier une allégation que les mathématiciens ou les ingénieurs technologues de la fonction publique fédérale touchaient une indemnité fondée sur le marché. En fait, l’AFPC cherchait à faire incorporer l’indemnité fondée sur le marché dans les taux de rémunération UNISON pour tous les employés (pièce E-13, onglet 12).

77 L’avocat du CST a déclaré qu’il faudrait tenir compte également d’autres facteurs dans l’analyse de la situation. Il a fait valoir que le CST s’était fait imposer une enveloppe de rémunération par le Secrétariat du Conseil du Trésor et qu’on n’avait pas établi les coûts d’une admissibilité accrue à l’indemnité en fonction du marché. Tels qu’exposés aux pièces E-15, E-16, E-20 et E-21, ces coûts sont importants et pourraient même être plus élevés encore.

78 L’avocat du CST a déclaré que la convention collective devrait être considérée comme un tout. La preuve a démontré que l’indemnité en fonction du marché a pour but d’attirer des employés et de les maintenir en poste. La position de l’AFPC vide l’Annexe de son sens à cette fin. L’avocat a invoqué DHL Express à l’appui de son argument, en déclarant que l’interprétation devrait correspondre à la raison d’être déclarée de l’Annexe et de sa négociation. Une telle indemnité est typiquement un mécanisme conçu par l’employeur, et l’on n’a avancé aucune preuve que le CST tentait d’étendre l’application de l’indemnité en fonction du marché.

79 Selon l’avocat du CST, on n’a produit aucune preuve de problèmes d’attraction ou de maintien en poste des ingénieurs technologues, puisque ces employés acceptaient des postes au CST en sachant pertinemment qu’ils ne toucheraient pas d’indemnité en fonction du marché, sans s’être fait promettre qu’ils en toucheraient une plus tard.

80 L’avocat du CST a souligné qu’il n’y avait rien dans le renvoi à l’arbitrage du différend ni dans la décision arbitrale elle-même qui semblait envisager une extension de la portée de l’indemnité en fonction du marché, en déclarant que les bonnes relations de travail et les principes d’interprétation exigent qu’on assure la certitude d’une disposition, ce qui ne pouvait être accompli qu’en acceptant la position du CST.

81 L’avocat du CST a demandé ce qu’on devait faire de l’inclusion du mot « administration », en rappelant le témoignage de Mme Dufour, qui a déclaré que le CST considérait l’administration de l’informatique comme synonyme de l’administration des systèmes d’ordinateurs en se fondant sur les normes de classification du Conseil du Trésor. Dans son témoignage, M. Sullivan n’a mentionné aucune autre représentation ni dit qu’on en avait même parlé. C’était une indication que les parties s’entendaient.

82 L’avocat du CST a demandé que la relation d’emploi soit considérée comme un tout. Il a déclaré que le CST était conscient des préoccupations des mathématiciens. Il connaissait la nature et la raison d’être des tâches de ces employés exposées dans les descriptions de travail (pièce G-34) et il était conscient depuis août 2000 des profils des compétences des postes des mathématiciens (pièces G-8 et 22), ainsi que du fait que leur travail les obligeait à maîtriser divers niveaux de compétences en informatique. Il a souligné que le CST était aussi conscient des descriptions de travail des ingénieurs technologues et des profils des compétences de leurs postes.

83 L’avocat du CST a également fait remarquer comment les normes de classification des CP et des CTO (pièces E-18 et E-19) précisaient les fonctions et les habiletés en demande sur le marché d’après l’étude de Price Waterhouse (pièce E-14). Il a souligné que certains mathématiciens avaient reconnu que leur travail était reflété par la proposition no 3 (pièce E-3), qui est tirée d’après lui de la norme de classification des mathématiciens (pièce G-18). L’avocat a rappelé que le principal indicateur d’embauche des mathématiciens, selon un des gestionnaires, est l’Échelle Putman, un examen de mathématiques pures et appliquées (pièce G-28B).

84 Qui plus est, l’avocat du CST a demandé si l’on avait avancé la moindre preuve d’une intention de verser l’indemnité aux ingénieurs technologues et aux mathématiciens. Il a noté que les mathématiciens considéraient le fait qu’ils ne touchaient pas cette indemnité comme un manque d’équité et qu’ils avaient soulevé la question avec la haute direction. Comme en témoigne le document intitulé [traduction] « Manque d’équité pour les mathématiciens du CST », et comme le confirme le témoignage de ses signataires, le CST n’était pas disposé à libéraliser l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché. La haute direction avait de la sympathie pour les mathématiciens, mais elle n’a jamais donné la moindre indication qu’elle était disposée à prendre des mesures en ce sens. L’avocat du CST a souligné que les dates d’une note de service (pièce E-3) et d’un courriel (pièce E-4) exprimant les doléances des mathématiciens coïncidaient avec l’expiration de la convention collective. De toute évidence, l’agent négociateur aurait présenté une proposition sur cette question. Mme Dufour et M. Sullivan ont témoigné que cela n’avait pas été discuté à la table de négociation.

85 Si l’interprétation du CST n’était pas acceptée, l’avocat du CST a demandé quelle interprétation pourrait être retenue. Il a fait remarquer que chaque témoin avait proposé une version correspondant à sa position, mais qu’il était clair que l’adoption d’une interprétation exclurait certains des autres témoins. L’avocat du CST a fait valoir que toute interprétation comportant le traitement d’algorithmes exclurait les postes au comptoir d’aide et ceux de nombreux informaticiens travaillant dans des réseaux, de même que la grande majorité des techniciens et des ingénieurs technologues.

86 L’avocat du CST a déclaré qu’une des plus grandes difficultés en l’espèce est attribuable au fait que même si tous les témoins ont catégoriquement déclaré qu’ils accomplissaient des fonctions rattachées à l’administration informatique, ils n’appliquaient pas une définition uniforme de cette notion, de sorte que la valeur de leurs témoignages est limitée.

87 L’avocat du CST a donc fait valoir que les témoignages produits par l’AFPC ont une valeur limitée. Il a souligné qu’une grande partie des témoignages qu’elle a avancés ont été rendus par des personnes qui n’étaient pas membres de l’unité de négociation au moment où le grief a été déposé.

88 L’avocat du CST a passé en revue les commentaires des témoins sur la gamme des définitions qui ont été proposées de l’informatique, figurant à la pièce G-5. Pour des raisons de sécurité nationale, je ne désignerai ces témoins que par leurs initiales.

89 L’avocat du CST a déclaré qu’un témoin (JP) avait reconnu qu’aucune de ces définitions n’était aussi descriptive qu’il le faudrait au CST. Il a déclaré que le commentaire de ce témoin que l’informatique et la science des ordinateurs étaient synonymes posait problème au CST, en raison de la diversité des fonctions professionnelles.

90 L’avocat du CST a également souligné qu’un des témoins (SD) avait reconnu qu’importer les définitions universitaires de l’informatique posait un problème parce que les universités privilégient l’enrichissement du savoir alors que le CST se concentre sur l’application des connaissances.

91 L’avocat du CST a par ailleurs fait remarquer qu’un autre témoin (DV) avait dit qu’il existait de nombreuses définitions acceptables et que les différentes définitions qu’on trouvait dans les universités renfermaient diverses descriptions dont la plupart menaient à une définition raisonnable de l’informatique. Un autre témoin (MR) avait déclaré qu’il n’avait pas trouvé une seule définition inacceptable, en ajoutant toutefois qu’aucune définition n’était parfaite.

92 L’avocat du CST a fait remarquer qu’un des témoins (LC) avait dit que les définitions des universités étaient de bonnes définitions des fonctions d’informatique, mais que c’étaient de moins bonnes définitions des fonctions des systèmes d’ordinateurs.

93 L’avocat du CST a aussi fait remarquer qu’un témoin (FT) avait déclaré que l’informatique s’entendait des processus algorithmiques utilisés pour décrire et transférer de l’information. Il a fait valoir qu’une telle définition exclurait les occupants de nombreux postes de CS qui touchent actuellement l’indemnité en fonction du marché.

94 De même, un des témoins (BM) avait défini l’administration informatique comme le fait [traduction] « d’exécuter un acte ou un processus pour contrôler l’utilisation, l’exécution ou la conduite d’une conception analytique, de l’élaboration, de la mise en œuvre, de la mise à l’essai, de l’application et du maintien d’un algorithme informatique ». L’avocat du CST a demandé combien d’employés continueraient à être admissibles à l’indemnité en fonction du marché si cette définition était retenue.

95 L’avocat a rappelé qu’un témoin (JW) avait déclaré que l’informatique s’entendait de la pratique et de l’application de l’informatique et de sa discipline, y compris la conception et l’optimisation de logiciels, la conception d’algorithmes ainsi que les essais et la maintenance de logiciels. Selon l’avocat du CST, ce témoin adaptait la définition à son poste.

96 L’avocat du CST a également souligné qu’un autre témoin (CMC) avait dit que l’administration informatique désignait les processus algorithmiques utilisés pour décrire et transformer des données, écrire des logiciels et concevoir des bases de données ainsi qu’optimiser des logiciels et des données.

97 L’avocat du CST a aussi noté que deux des ingénieurs technologues (TB et WR) préféraient la norme des CS comme définition de l’administration informatique.

98 L’avocat du CST a également noté qu’un autre témoin (GP) préférait les définitions des universités et que son poste ne correspondrait peut-être pas à une définition basée sur des algorithmes.

99 L’avocat du CST a aussi fait remarquer qu’un témoin (RT) reconnaissait que son poste serait exclu en vertu des normes de classification du groupe CS.

100 En ce qui concerne la norme de classification du Conseil du Trésor applicable au groupe CS, l’avocat du CST a fait remarquer qu’un des témoins (JP) avait déclaré qu’elle englobait plus de systèmes et que c’était la seule norme de pointage applicable aux responsables de l’élaboration des programmes. L’avocat a souligné qu’un autre témoin (BW) avait déclaré que la norme englobait une partie de l’informatique, mais que certains de ses éléments, incluant possiblement le soutien de la TI et l’installation de logiciels, n’étaient pas de l’informatique. Ce témoin avait dit que le soutien de la TI et l’installation de logiciels n’étaient peut-être pas de l’informatique.

101 L’avocat du CST a déclaré qu’un des témoins (RG) avait très bien saisi les problèmes qui résulteraient de l’acceptation de la thèse de l’AFPC. Selon lui, ce témoin a expliqué que les fonctions accomplies par l’unité T3D n’étaient pas décrites dans la définition qui figure dans la norme de classification des CS et que de nombreuses définitions étaient applicables puisque l’administration informatique est un vaste domaine. L’avocat du CST a soutenu qu’on ne peut pas adapter une définition valide à différentes circonstances. Il a souligné que ce témoin s’était efforcé en contre-interrogatoire de montrer comment il serait admissible en fonction du critère de l’algorithme et qu’il avait admis que les employés affectés au comptoir d’aide qui touchent actuellement l’indemnité en fonction du marché n’y seraient pas admissibles si la définition de l’algorithme était retenue. D’après l’avocat, le témoin avait laissé entendre qu’en déclarant qu’il accomplissait des tâches rattachées à l’administration informatique, il avait en tête une définition (pièce G-17) qui n’était pas utilisée au CST, en reconnaissant que la seule définition que le CST employait était la définition applicable aux CS qui figurait dans leur norme.

102 L’avocat du CST a déclaré qu’un des témoins (MW), un ingénieur technologue, préférait les définitions de l’Encyclopaedia Britannica, de l’Agence du revenu du Canada (pièce G-7) et de la norme des CS (pièce G-20) aux définitions des universités, qui étaient plus théoriques. Selon l’avocat, ce témoin avait dit s’être servi des trois définitions susmentionnées en plus de son [traduction] « expérience collective de toute une vie » pour répondre à la question qu’on lui avait posée pour savoir s’il accomplissait des fonctions d’administration informatique. L’avocat a aussi fait remarquer que le témoin avait déclaré que l’administration informatique [traduction] « allait de l’architecture de haut niveau au changement de disques durs d’un ordinateur ou à l’installation de Windows ».

103 L’avocat du CST a souligné qu’un témoin (DF) avait déclaré que l’utilisation de dessins assistés par ordinateur pour manipuler des circuits imprimés est une fonction rattachée à l’administration informatique tout comme la surveillance de la chaleur et du reflux et la façon de réagir aux processus exécutés par ordinateur.

104 L’avocat du CST a également fait des commentaires sur l’emploi du mot « administration », en soulignant que certains témoins (JP, PM, BW, FB et JW) lui attribuaient des sens différents : il ne veut pas dire grand-chose, il ajoute un peu, il signifie appliquer l’informatique pour résoudre des problèmes, il signifie traiter de l’information en se servant d’ordinateurs, ce qui permet de trouver des solutions et d’élaborer des programmes, il s’entend de fonctions rattachées à l’administration, il désigne la pratique et l’application de l’élaboration de logiciels, leur optimisation, la conception d’algorithmes et la mise à l’essai de même que la maintenance de logiciels. Une grande partie de ces interprétations impliquaient l’adaptation de la définition aux fonctions individuelles des témoins.

105 L’avocat du CST a également souligné que certains ingénieurs technologues avaient un point de vue différent. Ainsi, il a fait remarquer qu’un des témoins (PT) avait déclaré que tout ce qui était lié à l’administration de réseaux était de l’administration informatique; un autre (CStJ) avait dit que l’utilisation d’ordinateurs comme outils pour manipuler des données et contrôler des signaux et pour intégrer du matériel et des logiciels aux fins d’une application spécifique ainsi que pour modifier du matériel, configurer des logiciels et rédiger des codes constituait de l’administration informatique. L’avocat du CST a demandé combien d’employés touchant actuellement l’indemnité en fonction du marché y seraient admissibles selon cette dernière définition. Il a fait valoir qu’un autre témoin (GP) avait déclaré que l’administration informatique était un terme vague.

106 En ce qui concerne les fonctions d’ingénierie décrites par les ingénieurs technologues, l’avocat du CSTa fait remarquer que, s’il faut en croire les exemples cités par un des témoins (PT), même si les fonctions en question comprenaient l’identification de problèmes, les ingénieurs technologues ne solutionnaient pas les problèmes qu’ils diagnostiquaient, puisqu’ils les renvoyaient aux ingénieurs du fournisseur de l’équipement pour les faire résoudre. L’avocat du CST a donc demandé si l’établissement d’un banc d’essai était une fonction d’ingénierie et si les exemples de rétroingénierie que les témoins avaient donnés les rendraient admissibles à l’indemnité en fonction du marché.

107 L’avocat du CST a souligné qu’un des témoins (CStJ) avait dit que les fonctions d’ingénierie dont il était chargé étaient des tâches de conception en fonction des exigences des utilisateurs ainsi que des tâches d’analyse, d’essai et de rapport à la suite de ses rencontres avec des ingénieurs pour arriver à une solution acceptable du point de vue de la sécurité. Il devait notamment faire de la recherche sur les éléments du réseau et proposer une architecture et des plans d’essais. L’avocat a noté que ce témoin avait déclaré que toute procédure d’essai est une fonction d’ingénierie et que le fait qu’il représentait le CST dans un groupe en tant que principal spécialiste en raison de son expérience était une fonction d’ingénierie.

108 L’avocat du CSTa également déclaré qu’un autre témoin (TB) avait affirmé que toutes les tâches de conception et d’élaboration d’un processus ou d’intégration et toutes les évaluations d’un système étaient des fonctions d’ingénierie, que l’accomplissement d’une tâche technique concrétisant une décision technique prise par une personne autorisée à prendre des décisions en matière de conception ou de processus était une fonction d’ingénierie, que l’installation d’un dispositif ou d’un appareil sur une ligne était une fonction d’ingénierie et que l’ensemble du processus était également une fonction d’ingénierie, que choisir la bonne soudure était une fonction d’ingénierie et qu’entrer un ensemble de paramètres dans un dispositif d’essai était une fonction d’ingénierie.

109 L’avocat du CST a fait valoir qu’un autre témoin (DF) avait déclaré qu’une fonction d’ingénierie implique l’application des mathématiques, de la physique et de principes de mécanique pour résoudre des problèmes de procédure, que la détermination de l’essai à effectuer et de la façon de l’effectuer était une fonction d’ingénierie, que l’installation de n’importe quel équipement de télécommunication en s’assurant qu’il fonctionne après l’avoir installé était une fonction d’ingénierie, que faire une analyse coûts-avantages et la noter était une fonction d’ingénierie, que la gestion du cycle de vie était une fonction d’ingénierie, que donner des avis et des conseils aux clients nécessitait du leadership et que c’était une fonction d’ingénierie, et enfin que savoir quel matériau utiliser était également une fonction d’ingénierie.

110 L’avocat du CST a dit qu’un témoin (WR) avait déclaré qu’analyser un problème et arriver à un environnement d’essai pour mesurer le degré de risque était une fonction d’ingénierie. L’avocat a fait valoir qu’un mécanicien d’automobile accomplit des fonctions d’ingénierie, selon cette définition.

111 L’avocat du CST a déclaré qu’un des témoins (RG) avait dit que des fonctions d’ingénierie étaient rattachées à toute décision liée à un processus lorsqu’il s’agissait de prendre une décision judicieuse en vue d’une analyse de rentabilisation pour effectuer une analyse de risque et pour proposer une solution compatible avec le processus administratif d’un groupe. L’avocat a souligné que ce témoin reconnaissait que les habiletés électromécaniques des ingénieurs technologues de l’unité T3D étaient manifestement uniques et que leurs aptitudes de conception de matériel excédaient de toute évidence les attentes pour des postes de CTO. Il a souligné que ce témoin (RG) souscrivait à la notion de connaissances appliquées figurant dans la description de travail des ingénieurs technologues utilisée à l’unité T3D, qui emploie l’expression [traduction] « technologie du génie électronique ».

112 L’avocat du CST a déclaré qu’un témoin (MW) avait affirmé que présenter de l’information technique à un auditoire technique était une fonction d’ingénierie.

113 L’avocat du CST a dit qu’un des témoins (RT) avait allégué que trouver des solutions aux problèmes, fabriquer des prototypes, être capable de donner des explications aux utilisateurs ultimes, rédiger des documents, aménager des installations, s’adapter aux différences entre fournisseurs et installer du câblage constituaient des fonctions d’ingénierie.

114 L’avocat du CST a déclaré qu’un des témoins (GP) avait dit que présenter des rapports au groupe T, assister à des réunions où l’on planifiait des stratégies, utiliser les outils nécessaires pour accéder aux données, comprendre comment manipuler des pièces sur un circuit imprimé, comment établir un banc d’essai, comment avoir des interactions avec les clients pour comprendre la disposition et comment prendre des notes et présenter des rapports, savoir comment le « RNIS » fonctionne, savoir comment répondre aux questions techniques des étudiants et participer aux réunions d’échange technique étaient des fonctions d’ingénierie.

115 Sur la question de savoir si les ingénieurs technologues avaient des fonctions rattachées à l’administration informatique, l’avocat du CST a déclaré qu’un des témoins (CStJ) avait allégué que, comme il devait définir des cartes de surveillance et effectuer des manipulations en laboratoire, il était chargé de fonctions d’administration informatique. L’avocat du CST a ajouté que ce témoin avait également affirmé que l’utilisation de systèmes informatiques pour arriver à des preuves de concepts était une fonction d’administration informatique et que savoir comment un système d’exploitation fonctionne et comment configurer un ordinateur personnel et un système d’exploitation constituaient de l’administration informatique.

116 L’avocat du CST a souligné qu’un des témoins (TB) avait affirmé qu’effectuer un contrôle radioscopique constituait de l’administration informatique pour les fins de l’indemnité en fonction du marché.

117 L’avocat du CST a également souligné qu’un autre témoin (DF) avait déclaré que l’installation, l’entretien, la configuration ou le soutien d’un ordinateur ou d’un réseau d’ordinateurs constituaient des fonctions d’administration informatique, à l’instar de la conception, du calcul, de l’architecture, de la programmation et de la préparation de manuels d’instruction. Il a fait remarquer que ce témoin préférait la définition de la norme des CS, en ajoutant que l’utilisation d’un système de dessin assisté par ordinateur manipulant des cartes d’ordinateur était une fonction d’administration informatique. L’avocat du CST a également souligné que selon ce témoin-là, tous les aspects de la gestion du cycle de vie étaient une fonction d’administration informatique et que ce même témoin reconnaissait que son poste serait exclu du groupe CS en vertu des exclusions figurant dans la définition de ce groupe.

118 L’avocat du CST a déclaré qu’un des témoins (WR) avait soutenu que l’examen des interrelations et des interconnexions des systèmes sécurisés et non sécurisés ainsi que le codage, l’établissement des paramètres dans un équipement de mise à l’essai d’ordinateurs et la gestion du cycle de vie étaient des fonctions d’administration informatique.

119 L’avocat du CST a souligné que, selon un des témoins (GP), spécifier des cartes-mères et des jeux de puces et faire des essais de matériel étaient des fonctions d’administration informatique. Ce témoin reconnaissait aussi que son poste aurait été exclu du groupe CS puisqu’il était visé par une des exclusions figurant dans la définition du groupe.

120 L’avocat du CST a déclaré qu’un des témoins (RG) affirmait que quiconque élaborait des logiciels spécialisés accomplissait des fonctions d’administration informatique.

121 L’avocat du CST a souligné qu’un des témoins (CT) avait dit qu’adapter un ordinateur équipé d’un système d’exploitation pour qu’il puisse fonctionner en réseau revenait à s’acquitter d’une fonction d’administration informatique.

122 L’avocat du CST a également déclaré qu’un des témoins (WR) avait affirmé que déterminer dans quel sens la technologie évolue était une fonction d’administration informatique et que s’assurer que les laboratoires du CST pourront répondre aux besoins de l’avenir ainsi qu’acheter l’équipement et conceptualiser les essais nécessaires étaient aussi des fonctions d’administration informatique.

123 L’avocat du CST se demandait si l’une ou l’autre des déclarations des témoins qui précèdent était compatible avec le versement d’une indemnité en fonction du marché.

124 En se fondant sur le témoignage de l’agent de classification (RL), l’avocat a soutenu qu’il faut adopter une approche holistique de haut en bas pour déterminer les principales fonctions des intéressés, en tenant compte des résultats attendus du groupe et de leur incidence sur l’organisation dans son ensemble. Il a ajouté qu’il faut aussi définir les responsabilités des intéressés vis-à-vis des différents niveaux de la direction et des habiletés requises pour doter les postes. Enfin, il faut établir des postes repères.

125 Si l’on procédait de cette façon, l’avocat du CST a souligné qu’aucun des mathématiciens ou des CTO n’aurait de tâches d’administration informatique ou d’ingénierie parmi ses fonctions principales. Il a reconnu qu’on ne saurait nier que certains aspects de l’utilisation de l’informatique et des principes d’ingénierie sont associés à l’exécution des tâches des intéressés, en ajoutant toutefois que trancher la question n’est pas aussi simple que de dire que si quelqu’un peut constater quelque chose qui ressemble à de l’informatique ou à de l’ingénierie dans une description de travail, c’est la principale fonction du poste, particulièrement puisque le présent grief porte essentiellement sur l’admissibilité à une indemnité en fonction du marché.

126 L’avocat du CST a déclaré que le témoignage d’un des témoins (RG) avait montré que les postes de l’unité T3B dont les occupants touchent l’indemnité en fonction du marché et ceux de l’unité T3D dont les occupants ne la touchent pas étaient très différents. Ces postes ont des descriptions et des profils des compétences distincts; ceux de l’unité T3B sont essentiellement chargés d’administration informatique.

127 L’avocat du CST a souligné que le CST se sert des codes de la Classification nationale des professions (CNP) pour distinguer les postes dans les familles d’emplois (pièces G-10 et E-13). Ces codes permettent d’établir des distinctions entre les groupes et évitent particulièrement de regrouper les mathématiciens avec les informaticiens ou les ingénieurs technologues avec soit les informaticiens, soit les ingénieurs. La preuve a montré que le CST se sert de ces familles d’emplois et qu’il établit des distinctions entre les ingénieurs technologues, les ingénieurs et les informaticiens. L’avocat du CST a fait valoir que les principales fonctions devraient être déterminées en fonction de la classification telle que décrite par le témoin RL, et que la preuve produite par ses témoins avait révélé les fonctions principales des postes visés et les habiletés dont le gestionnaire avait tenu compte à l’embauche.

128 L’avocat du CST a demandé s’il y avait une distinction entre « l’ingénierie » et le « génie électronique ». Il a déclaré que le témoin DF avait dit qu’il est difficile de préciser où l’ingénierie commence et s’arrête et qu’une vaste zone grise s’étend entre les fonctions d’ingénieur et les fonctions d’ingénieur technologue.

129 L’avocat du CST a demandé quels ingénieurs technologues devraient toucher l’indemnité en fonction du marché. Il a fait remarquer que de nombreux ingénieurs technologues du groupe Z (CIO-I) figurant à la pièce E-15 n’avaient pas témoigné et que, par conséquent, on ne sait pas grand-chose sur leur travail. Il a souligné que l’AFPC n’avait pas expressément déclaré qu’ils ne seraient pas admissibles à l’indemnité, puisque tous les autres employés pourraient l’être selon sa proposition.

130 L’avocat du CST a fait valoir que les conséquences économiques de cette clause sont énormes puisqu’il y a 85 techniciens et ingénieurs technologues dans ce groupe qui représente une importante partie de la liste de paie. Il a ajouté que le commentaire attribué au négociateur du CST qu’il n’en perdrait pas le sommeil était incroyable, puisque cette clause, si elle était interprétée comme l’AFPC le préférerait, accorderait un avantage onéreux à un groupe d’employés indéfini (et potentiellement illimité). Il était donc d’autant plus impérieux d’appliquer la règle de Browne v. Dunn, puisque cette question-là n’avait pas été posée au témoin du CST, Mme Dufour.

131 L’avocat du CST a fait valoir que le même problème se posait pour les mathématiciens et que, si l’interprétation de l’AFPC était retenue, les qualifications de l’employé plutôt que les fonctions principales du poste seraient déterminantes pour son admissibilité à l’indemnité.

132 L’avocat a déclaré que le résultat ultime était l’inacceptabilité de l’interprétation de l’AFPC, si ce n’est que parce qu’elle ne propose pas de définition claire. Ce qui est proposé mènera à l’incertitude et au chaos dans les relations de travail.

133 L’avocat du CST a souligné qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour ordonner aux parties de s’entendre sur ce que le texte signifie. L’arbitre de grief peut expliquer les mots que les parties ont négociés et doit en donner une définition claire. Il a souligné que l’AFPC n’avait pas proposé une seule définition claire. Il a ajouté que puisqu’il s’agit en l’espèce d’un grief de principe, je ne pouvais pas déclarer qui pourrait être admissible et ne pouvais pas non plus accorder une indemnité rétroactive.

134 L’avocat du CST m’a demandé de conclure que même si les parties avaient très clairement expliqué leur intention commune, cette intention consistait à préserver le statu quo, et que seuls les postes de CS ou d’EN qui seraient réputés admissibles en vertu de la norme de ces groupes devraient toucher l’indemnité en fonction du marché.

135 L’avocat du CST a souligné qu’il y avait des raisons pour que les parties aient agi comme elles l’ont fait et que je devrais leur laisser le soin de négocier cela à l’avenir (ce qui est exactement ce que Mme Dufour a témoigné être l’entente conclue à la table de négociation qui a mené à l’entente de principe que le conseil d’arbitrage a imposée comme texte de l’Annexe « B »). Les parties avaient négocié une mesure provisoire; le problème devrait être résolu à la table de négociation.

136 L’avocat du CST m’a demandé de rejeter le grief.

C. Réplique pour l’agent négociateur

137 L’avocate de l’agent négociateur m’a conseillé la prudence, en déclarant qu’une grande partie de la preuve a été faussement représentée ou présentée hors contexte par l’avocat du CST. Elle m’a pressé de revoir les notes, puisqu’une grande partie de ses déclarations étaient fausses.

138 L’avocate de l’agent négociateur a souligné que l’avocat du CST avait souvent qualifié d’absurde et d’illogique la position de l’agent négociateur sur l’application ou l’interprétation de l’Annexe « B ». Elle a rappelé que l’agent négociateur maintient qu’avec la mise en œuvre d’UNISON, un système de classification basé sur les compétences, l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché devrait être basée sur la description de travail et sur les profils des compétences. Ce n’est pas une interprétation absurde.

139 En ce qui concerne l’admissibilité des postes à l’indemnité en fonction du marché, l’avocate de l’agent négociateur a demandé un redressement qui relève entièrement de la compétence de l’arbitre de grief : une déclaration que l’Annexe « B » s’applique à tous les postes de l’unité de négociation. Elle a déclaré que l’agent négociateur avait donné des exemples des postes qui devraient avoir droit à l’indemnité en fonction du marché.

140 L’avocate de l’agent négociateur a souligné que, même si l’avocat du CST avait déclaré que le présent grief n’est pas une affaire de classification, le document décrivant l’application de l’Annexe « B » par le CST (pièce G-115) montre clairement que l’employeur le traite comme une affaire de classification. Elle a déclaré que cette façon de procéder était entièrement incompatible avec la preuve extrinsèque que le CST a produite et avec les modalités de l’Annexe, qui a pourtant été rédigée par l’équipe de négociation du CST, dirigée par son propre avocat. En fait, le CST aimerait que les normes des groupes CS et EN du Conseil du Trésor soient appliquées après la mise en œuvre d’UNISON, contrairement à ce qu’il a déclaré au cours des négociations. L’avocate de l’agent négociateur a affirmé qu’une telle approche rendrait sans objet l’utilisation du mot « ou » qui précède le second critère.

141 L’avocate de l’agent négociateur a déclaré que, même s’il était convenu que les normes du Conseil du Trésor applicables aux groupes CS et EN devaient être utilisées, la preuve a montré que les employés qui ont témoigné s’acquittaient de fonctions décrites dans ces définitions, bien qu’ils ne soient pas classifiés CS ou EN.

142 L’avocate de l’agent négociateur a fait valoir que les fonctions accomplies par les employés étaient pertinentes. Le travail exigé des employés qui ont témoigné, tel que décrit dans leurs descriptions de travail et leurs profils des compétences, devrait être pris en compte dans la définition des fonctions d’administration informatique et d’ingénierie. L’avocate de l’agent négociateur a déclaré que les fonctions principales sont les activités attendues et les activités principales décrites dans les descriptions de travail. Les fonctions d’administration informatique et d’ingénierie doivent être définies dans le contexte du travail accompli au CST.

143 Contrairement à ce qu’a affirmé l’avocat du CST, l’avocate de l’agent négociateur a déclaré que chacun des employés qui a témoigné a donné de nombreux exemples de produits attendus et d’activités principales exigeant l’accomplissement de fonctions d’administration informatique ou d’ingénierie.

144 Lorsqu’on leur a demandé de définir leurs fonctions d’administration informatique ou d’ingénierie, l’avocate de l’agent négociateur a déclaré que les témoins avaient toujours répondu dans le contexte de leur travail. Ils avaient expliqué pourquoi leurs fonctions principales exigeaient l’exécution de fonctions d’administration informatique ou d’ingénierie. L’avocate de l’agent négociateur a déclaré que l’important, c’était que chacun des employés qui ont témoigné reconnaissait que les définitions qu’ils proposaient étaient acceptables, même s’ils auraient peut-être préféré une définition à une autre. Contrairement à ce qu’a affirmé l’avocat du CST, les définitions proposées ne s’excluaient pas mutuellement. Même si certaines pouvaient insister sur différents aspects de l’administration informatique ou de l’ingénierie, il est clair qu’elles décrivaient toutes la même chose.

145 L’avocate de l’agent négociateur a contesté l’allégation de l’avocat du CST que l’utilisation d’une définition quelconque entraînerait l’exclusion de l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché d’occupants de postes qui la touchent actuellement. Elle a souligné que cette allégation n’était étayée d’aucune preuve.

146 L’avocate de l’agent négociateur a également souligné que le CST demandait qu’on se serve des normes des CS et des EN pour déterminer l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché tout en affirmant qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’une affaire de classification. Elle a soutenu que si, comme le CST le prétend, les activités décrites dans les normes de classification des CS et des EN sont des fonctions d’administration informatique et d’ingénierie et que la question en jeu n’est pas une affaire de classification, il n’y a aucune raison de rendre les postes inadmissibles à l’indemnité parce qu’ils sont visés par les exclusions mentionnées dans les normes de classification, puisque les exclusions figurant dans les normes de classification des CS et des EN n’empêchent pas l’occupant d’un poste quelconque de s’acquitter de ces fonctions. Les exclusions mentionnées dans les normes de classification sont des mesures de classification conçues pour faire en sorte qu’un poste quelconque ne soit classifié qu’en fonction d’une seule norme.

147 L’avocate de l’agent négociateur a déclaré que, s’il faut en croire le témoignage de Mme Dufour, la position du CST exprimée dans le document intitulé [traduction] « Détermination de l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché » (pièce G-115) était non seulement incorrecte, mais n’avait en outre jamais été présentée à l’agent négociateur pendant les négociations. En fait, le CST demande à l’arbitre de grief de modifier les conditions de la convention collective.

148 L’avocate de l’agent négociateur a contesté l’allégation du CST que les notes dans l’Échelle Putman étaient le facteur déterminant de l’embauche des mathématiciens, en déclarant que l’informatique était un facteur plus important selon le document confidentiel sur l’embauche (pièce G-28), puisque plus de points lui étaient accordés.

149 Au sujet de l’argument de l’avocat du CST voulant que certains mathématiciens aient reconnu que leur travail était décrit par la proposition no 3 (pièce E-3), tirée d’après lui de la norme de classification des mathématiciens (pièce G-18), l’avocate de l’agent négociateur a fait remarquer que, contrairement à ce que l’avocat du CST prétendait, cette proposition n’était pas tirée de la norme de classification du Conseil du Trésor applicable aux mathématiciens, mais plutôt de la définition du groupe Systèmes d’ordinateurs.

150 L’avocate de l’agent négociateur a maintenu qu’un des témoins (JP) avait témoigné que diverses définitions de l’informatique étaient applicables au CST. Elle a déclaré que la définition proposée de l’administration informatique (pièce G-17) figurait bel et bien dans la présentation du grief (pièce G-16). JP avait témoigné que cette définition pouvait être appliquée au CST, et elle avait été préparée afin d’être compatible avec l’observation de M. Coulter que les deux parties devraient collaborer en vue d’arriver à une définition commune et à une liste conjointe des activités.

151 Tout en reconnaissant que l’agent négociateur n’avait fait aucune proposition d’extension de l’indemnité en fonction du marché, son avocate a souligné qu’il n’avait jamais accepté non plus qu’on devrait en priver certains postes. L’agent négociateur cherchait une définition claire des termes utilisés et voulait en fait savoir qui serait admissible à l’indemnité. On n’a avancé aucune preuve que l’agent négociateur ait accepté que l’Annexe « B » s’applique uniquement à certains postes ou catégories de postes. L’avocate de l’agent négociateur a ajouté que le fait qu’il avait voulu intégrer l’indemnité en fonction du marché au traitement dans son bref d’arbitrage était une autre indication claire que l’agent négociateur pensait que cette indemnité devrait s’appliquer à tous les postes.

152 L’avocate de l’agent négociateur a déclaré, contrairement à ce que l’avocat du CST avait affirmé, que l’agent négociateur et le CST ne s’étaient jamais entendus sur une définition des termes figurant dans la convention collective. Elle a rappelé que Mme Dufour n’avait jamais donné de définition des fonctions rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie et qu’elle avait en fait témoigné que l’agent négociateur recherchait une définition qu’il n’avait jamais obtenue.

153 L’avocate de l’agent négociateur a souligné que l’étude de Price Waterhouse n’a jamais été communiquée à l’agent négociateur et qu’on n’a avancé aucune preuve à l’appui de l’allégation que l’indemnité en fonction du marché avait pour seul objet le maintien en poste des employés. Mme Dufour a bel et bien dit que le CST voulait l’étendre aux postes dont les occupants accomplissaient des fonctions comparables à celles qui sont décrites dans les normes des CS et des EN, en fonction des profils des compétences. Toutefois, la preuve a aussi révélé que Mme Dufour ne faisait pas partie de l’équipe qui élaborait les profils des compétences, lesquels n’étaient pas encore établis à ce moment-là. S’il y avait une incertitude, elle était davantage liée à l’application de l’entente qu’on négociait qu’à l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché dans les conventions collectives ultérieures.

154 L’avocate de l’agent négociateur a fait remarquer que l’avocat du CST s’était fondé sur le rapport Haddad (pièce G-14), qui avait conclu que les mathématiciens ne seraient pas inclus dans le groupe CS, en ignorant toutefois la conclusion de l’expert qui avait produit ce rapport voulant que les mathématiciens satisfaisaient au second critère de l’Annexe « B ».

155 En outre, l’avocate de l’agent négociateur a soutenu qu’il ressortait clairement dans les représentations du CST au conseil d’arbitrage (pièce E-13, onglet 11) que le CST n’avait pas de critère établi pour déterminer l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché, comme en témoigne la note figurant dans la proposition sur cette indemnité. De toute évidence, l’intention de l’employeur, ainsi qu’il l’avait déclaré à l’agent négociateur, consistait à se servir des nouveaux profils des compétences pour déterminer l’admissibilité à ladite indemnité.

156 L’avocate de l’agent négociateur a souligné que la règle de Browne v. Dunn est une règle discrétionnaire qui n’a pas été appliquée uniformément dans les décisions d’arbitrage en droit du travail. L’arbitre de grief dispose d’une grande discrétion pour accepter ou rejeter des éléments de preuve. L’avocate a fait remarquer qu’il y a des exceptions à l’application de la règle en question, en me renvoyant à Grand River Hospital Corp. v. C.A.W.-Canada, Loc 302 (Re),[2002] O.L.A.A. No. 1039. Puisque Mme Dufour a été longuement contre-interrogée et qu’elle n’était pas partie à la procédure, accepter le témoignage de M. Sullivan ne serait pas manquer à l’équité procédurale.

157 En réponse aux arguments du CST que le principe contra proferentem ne s’appliquait pas, l’avocate de l’agent négociateur a reconnu que l’Annexe était une clause qui crée des droits, mais que la règle s’appliquait quand même parce que l’Annexe contient des propositions proposées par l’employeur et rédigées par l’équipe de négociation du CST. Il ne s’agit pas d’une clause entièrement négociée, puisque l’employeur n’en a pas clarifié le sens. L’avocate de l’agent négociateur a invoqué Medis Health and Pharmaceutical Ltd à l’appui de son argument que le principe s’appliquait parce que le CST tentait de limiter l’application de l’Annexe « B » et d’en exclure certains postes. Le principe est favorable à l’argument voulant que si le CST avait eu l’intention de limiter son application, il aurait dû le déclarer clairement dans l’Annexe même.

158 Enfin, l’avocate de l’agent négociateur a invoqué Strait Crossing Joint Venture en déclarant que, pour qu’on puisse avoir recours à une preuve extrinsèque, elle doit être claire et convaincante; on ne doit y ajouter foi que si elle est sans équivoque. L’historique des négociations dans la présente affaire ne satisfait pas à ce critère.

III. Motifs

159 À l’appui de la position prise par l’agent négociateur à la table de négociation, l’Annexe « B » de la convention collective, intitulée « Protocole d’entente relatif aux indemnités en fonction du marché » stipule que l’employeur a accepté « de verser une indemnité spéciale aux titulaires de postes classifiés aux niveaux UNI-4 à UNI-11 qui exercent des fonctions d’administration informatique ou d’ingénierie ». Plus précisément, les postes sont admissibles s’ils satisfont à l’une ou l’autre de deux conditions. La première de ces conditions stipule que les postes classifiés aux niveaux CS-1 à CS-5 ou EN-3 à EN-6 un jour avant la décision arbitrale sont admissibles à l’indemnité en fonction du marché et la seconde, que les postes dont les fonctions principales sont rattachées à « l’administration informatique ou à l’ingénierie » y sont également admissibles.

160 Aucune preuve ne m’amène à conclure que l’application de la première condition pose un problème quelconque. Les occupants de postes qui avaient droit à l’indemnité en fonction du marché avant l’introduction du nouveau régime de classification UNISON continuent de la toucher.

161 Le problème concerne l’application de la seconde condition. La preuve a révélé que l’employeur a commencé par hésiter sur la façon de l’appliquer ou s’est même demandé s’il devrait l’appliquer le moindrement et qu’il a fini par adopter l’approche reflétée dans le document intitulé [traduction] « Détermination de l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché » (pièce G-115). Fondamentalement, l’employeur limite l’admissibilité à l’indemnité aux occupants des nouveaux postes qui se qualifieraient pour être inclus dans les anciens groupes CS et EN tels qu’ils sont définis dans les normes de classification du Conseil du Trésor. En d’autres termes, comme condition d’admissibilité, le CST procède à toutes fins utiles à un exercice d’affectation collective des nouveaux postes en vertu des normes de classification du Conseil du Trésor qui s’y appliquaient auparavant.

162 En ma qualité d’arbitre de grief, ma tâche consiste à déterminer l’application correcte de l’Annexe « B » et plus particulièrement de sa seconde condition d’admissibilité. C’est un truisme de dire que je dois ce faisant appliquer les termes choisis par les parties à la convention ou, comme en l’espèce, les termes qui y sont inclus par suite d’une décision arbitrale. En appliquant la décision arbitrale, je dois donner à ces mots leur sens ordinaire, en évitant de chercher l’intention des parties au-delà des mots. Les droits ou les obligations des parties découlent simplement du texte de la convention, à moins que son sens ordinaire n’aboutisse à une incongruité ou à un résultat franchement absurde.

163 L’AFPC a soutenu que l’Annexe « B » est claire et que les titulaires des postes classifiés aux niveaux UNI-4 à UNI-11 qui exercent des fonctions d’administration informatique ou d’ingénierie sont admissibles à l’indemnité en fonction du marché. Je suis d’accord. Bien que des témoins affectés à des rôles opérationnels ayant comparu tant pour l’employeur que pour l’agent négociateur aient exprimé un certain nombre de variations de ce qu’on entend par des fonctions d’administration informatique et d’ingénierie, ces variations ne sont pas importantes et, contrairement aux prétentions de l’avocat du CST, elles ne soulèvent pas de problèmes d’interprétation. Pour virtuellement toutes les personnes employées dans des postes opérationnels au CST, les fonctions d’administration informatique et d’ingénierie sont au minimum les fonctions accomplies quand un employé s’engage dans au moins une des activités décrites dans la liste des activités exposée dans les définitions des groupes Systèmes d’ordinateurs et Génie. Le problème est attribuable non pas au fait que les postes exigent l’exécution de ces activités mais à celui que, en vertu des normes de classification du Conseil du Trésor, tous les titulaires des postes en question seraient exclus des groupes CS et EN parce que la liste des exclusions figurant dans les définitions de ces groupes les ferait forcément classifier dans d’autres groupes. Le CST se fonde sur ces exclusions pour déclarer que les occupants des postes en question ne sont pas admissibles à l’indemnité en fonction du marché.

164  Par exemple, un mathématicien dont le poste était classifié comme cryptographe professionnel (CP) dans l’ancien système de classification en vigueur au CST, est chargé de fonctions caractéristiques de l’administration informatique comme l’analyse, la conception et la programmation en vue de l’élaboration, de la mise en œuvre et de la maintenance de systèmes de traitement de l’information administrative, scientifique et technologique. Son poste ne pourrait pas être inclus dans le groupe CS parce que sa principale fonction est la cryptographie et qu’il fait partie du groupe des cryptographes professionnels. Cette exclusion est devenue inopérante quand l’employeur a renoncé aux normes de classification du Conseil du Trésor et abandonné le groupe CP pour adopter le nouveau système de classification UNISON. Puisque le second critère d’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché n’exige pas que les postes soient classifiés CS ou EN, mais stipule que les fonctions principales du poste sont rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie, un mathématicien chargé d’activités d’analyse, de conception et de programmation en vue de l’élaboration, de la mise en œuvre et de la maintenance de systèmes de traitement de l’information administrative, scientifique et technologique occupe un poste dont les fonctions principales (liées à la cryptographie) exigent qu’il accomplisse des fonctions d’administration informatique.

165 Les témoignages rendus par les mathématiciens et les ingénieurs technologues qui ont comparu ont établi que leurs fonctions principales, que ce soit comme mathématiciens, mathématiciens de recherche, cryptomathématiciens, mathématiciens spécialistes, cryptanalystes principaux, analystes et mathématiciens de métadonnées, ingénieurs technologues de la COMSEC, chef d’unité de systèmes déployés, chef des technologies secrètes et du déploiement, ingénieur technologue de la technologie secrète et du déploiement, ingénieur technologue principal de l’EMSEC, chef des services du matériel de gestion des clés ou ingénieurs technologues des services du matériel de gestion des clés, exigent l’accomplissement de fonctions d’administration informatique ou d’ingénierie. Ces témoins ont donné des indications abondantes et détaillées qu’ils s’acquittaient de cette exigence. Leurs témoignages ont été confirmés par virtuellement tous les gestionnaires que l’employeur a fait témoigner, lesquels ont reconnu que, même si les occupants des postes en question n’étaient ni des CS ni des EN, les fonctions principales de leurs postes les obligeaient à accomplir des fonctions d’administration informatique ou d’ingénierie.

166 Cette constatation est étayée par le rapport Hadad, qui a conclu que les mathématiciens et les personnes occupant des postes analogues s’acquittaient de fonctions d’administration informatique, et elle est également confirmée par le profil des compétences de chacun de ces postes, qui étaye clairement les témoignages des employés qu’ils sont tenus d’avoir des compétences en informatique et en systèmes de réseautage, ainsi que par leurs descriptions de travail respectives (QRP).

167 De même, les postes d’ingénieur technologue et les postes assimilés sont des postes dont les fonctions principales exigent que leurs occupants accomplissent des fonctions d’ingénierie ou d’administration informatique. À l’instar des mathématiciens, les ingénieurs technologues qui ont témoigné devant moi ont tous donné des exemples spécifiques démontrant que leurs fonctions principales les obligeaient à s’acquitter de tâches d’ingénierie ou d’administration informatique. Cette constatation a été fondamentalement corroborée par les gestionnaires qui ont eux aussi témoigné devant moi. Elle est également confirmée par les profils des compétences qui ont été produits en preuve à l’égard de ces postes, de même que par leurs descriptions de travail (QRP).

168 Il est vrai, s’il faut en croire la preuve du CST, qu’aucun de ces postes ne se qualifierait pour être inclus dans le groupe CS ou dans le groupe EN en vertu des normes de classification du Conseil du Trésor, mais ce n’est pas ce qu’exige la seconde condition. Pour qu’il en soit ainsi, il aurait fallu que son libellé soit nettement différent. Si les parties s’étaient entendues pour que l’inclusion dans le groupe CS ou le groupe EN tels que définis dans les normes de classification du Conseil du Trésor soit la condition d’admissibilité déterminante, elles l’auraient dit, et ce d’une façon analogue à la première condition. En outre, l’emploi de « ou » dans la seconde condition est incompatible avec l’utilisation des normes de classification du Conseil du Trésor, parce que, dans ce système-là, un poste ne peut pas appartenir à deux groupes.

169 La juxtaposition des deux critères d’admissibilité sous la rubrique « Postes admissibles » de l’Annexe « B » montre très clairement que la seconde condition doit s’appliquer indépendamment des anciennes normes de classification des groupes CS et EN.

170 L’employeur a également prétendu que le second critère ne devrait être appliqué qu’aux nouveaux postes classifiés après l’entrée en vigueur de la convention collective. Or, il n’est nulle part fait mention des nouveaux postes dans le second critère d’admissibilité de l’Annexe « B ». Par conséquent, l’admissibilité ne peut être limitée qu’aux situations où de nouvelles descriptions de travail ou des descriptions de travail modifiées sont visées par une démarche de classification. Une telle limitation exigerait une formulation différente du second critère. Tels qu’ils sont rédigés, les critères d’admissibilité s’appliquent à mon avis à tous les postes existants de l’unité de négociation classifiés aux niveaux UNI-4 à UNI-11 à la date d’effet de l’Annexe « B ».

171 Dans le contexte du CST, l’Annexe « B » n’est pas ambiguë. Les fonctions d’administration informatique et d’ingénierie sont bien comprises, et il faudrait leur donner leur sens commun ordinaire. Qui plus est, il ne fait aucun doute que les activités décrites aux points 1 à 11 de la rubrique « Inclusions » de la Définition du groupe CS (pièce G-20) sont typiques des fonctions de l’administration informatique. De même, il ne fait aucun doute que les activités décrites aux points 1 à 6 de la Définition du groupe EN (pièce G-57) sont typiques des fonctions d’ingénierie. Bien que l’emploi de l’expression « administration informatique » plutôt que de l’expression « administration des systèmes d’ordinateurs » puisse avoir été imputable à une erreur de l’équipe de négociation de l’employeur, l’emploi d’« administration informatique » élargit la portée des activités et englobe à tout événement les activités énumérées dans la norme du Conseil du Trésor applicable au groupe CS.

172 La preuve est concluante : les mathématiciens et les ingénieurs technologues qui ont témoigné devant moi sont tenus, en vertu des fonctions principales de leurs postes respectifs, de s’acquitter d’au moins une des activités décrites dans une des définitions de ces groupes, voire dans les deux. Par conséquent, ils accomplissent des activités typiques des postes qui s’acquittent de ces fonctions. Le fait que leurs postes peuvent être exclus du groupe CS ou du groupe EN en vertu des exclusions figurant dans ces mêmes définitions ne change en rien le fait qu’ils accomplissent ces fonctions. En outre, le CST a choisi en introduisant UNISON de renoncer aux définitions des groupes du Conseil du Trésor en faveur d’un système de classification universel.

173 J’ajouterais également que même si j’avais décelé une ambiguïté latente dans le langage qu’ont employé les parties, j’estime que le témoignage rendu par Mme Dufour, qui siégeait à la table de négociation au nom de l’employeur, a confirmé que l’utilisation des normes de classification du Conseil du Trésor devait cesser avec la mise en œuvre d’UNISON. Fondamentalement, l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché devait être déterminée par les exigences effectives des fonctions principales plutôt que par l’application des normes de classification du Conseil du Trésor.

174 Cette constatation est patente aussi au vu des changements de la proposition du CST sur l’indemnité en fonction du marché. La proposition en style télégraphique qu’il a faite le 18 septembre 2002 précisait clairement que :

[Traduction]

Tous les employés CS et EN à la date de la signature continuent à recevoir :

Tous les nouveaux postes ou mutés vont recevoir sur la base des compétences requises dans le poste.

175 Le premier libellé proposé du second critère, soumis le 9 octobre 2002, stipulait que l’employeur allait déterminer qui serait admissible de la façon suivante, sur :

[Traduction]

[…] la base de l’exécution des fonctions d’administration informatique ou d’ingénierie […] après la date de la signature de la convention collective.

Le 15 octobre 2002, on a substitué à ce libellé le libellé suivant :

[…]

Postes dont les fonctions principales sont rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie, telles que déterminées par l’Employeur.

Ce texte était accompagné d’une lettre d’intention servant à le confirmer, comme suit :

[…]

l’Employeur va mettre la dernière main à l’élaboration d’un cadre des compétences professionnelles basé sur des groupements comme les communautés, les familles et les profils d’emplois pour déterminer l’admissibilité à la présente indemnité. L’Employeur convient de fournir au représentant local de l’agent négociateur des mises à jour sur les progrès de ce processus et de présenter les critères finalisés au représentant local de l’agent négociateur une fois qu’ils seront établis…

176 Bien que l’AFPC n’ait pas eu de proposition précise, il est clair qu’elle n’avait accepté aucune de ces propositions-là. La version définitive sur laquelle les parties se sont entendues quand elles ont conclu une entente de principe le 6 novembre 2002 ne comprenait ni cette lettre d’intention ni la spécification [traduction] « telles que déterminées par l’Employeur ». C’est ce libellé définitif, qui figurait dans la décision arbitrale, qui fait l’objet du présent grief de principe.

177 Même si je peux comprendre que les parties n’ont jamais eu l’intention expresse d’étendre l’admissibilité de l’indemnité en fonction du marché, elles ne se sont jamais expressément entendues sur le véritable sens de cette clause, contrairement aux allégations de l’avocat du CST, puisque Mme Dufour a témoigné que l’AFPC cherchait à obtenir une définition claire des termes employés dans les diverses propositions du CST et que les parties ne s’entendaient pas sur leur sens.

178 Le CST avait clairement fait savoir qu’il voulait cesser d’utiliser les normes de classification du Conseil du Trésor. Revenir à l’application stricte de ces normes de classification pour déterminer l’admissibilité à l’indemnité, comme le CST l’a fait, est contraire au libellé pertinent et contraire également à l’intention déclarée qui en découle et qui a été exprimée à la table de négociation.

179 Comme le CST est un employeur distinct, les contraintes imposées par le mandat obtenu du Conseil du Trésor ne sont pas pertinentes pour le règlement de la question à trancher. Que le CST ait agi sans outrepasser son mandat ou pas est une question qui va devoir être réglée entre le Conseil du Trésor et lui plutôt qu’entre les parties à la présente convention collective. De même, les coûts associés à l’application correcte de la convention collective ne sont pas pertinents pour la question à trancher.

180 Je n’ai aussi nul besoin de me prononcer sur l’admissibilité du témoignage de John Sullivan, puisque je n’en ai pas tenu compte pour arriver à ma conclusion.

181 Par conséquent, j’estime que le CST a contrevenu aux dispositions de l’Annexe « B » de la convention collective depuis que la décision arbitrale a été rendue. La preuve a clairement démontré que les fonctions principales des postes occupés par les personnes qui ont témoigné en l’espèce les obligent à accomplir des fonctions d’administration informatique ou d’ingénierie et qu’on leur a refusé l’indemnité en fonction du marché contrairement aux dispositions de la convention collective.

182 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

183 Le grief de principe déposé par l’AFPC est accueilli.

184 Je déclare que le CST a incorrectement appliqué l’Annexe « B » de la convention collective en exigeant qu’un poste puisse être classifié dans le groupe professionnel CS ou EN en vertu des normes de classification du Conseil du Trésor auparavant applicables, comme condition d’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché prévue par cette Annexe.

185 J’ordonne au CST de cesser de déterminer l’admissibilité à l’indemnité en fonction du marché en se basant sur le fait que les fonctions et responsabilités principales satisfont ou non aux exigences d’inclusion dans le groupe CS ou dans le groupe EN.

186 J’ordonne en outre au CST de verser l’indemnité en fonction du marché aux occupants des postes dont les fonctions principales sont rattachées à l’administration informatique ou à l’ingénierie à compter de la date de la décision arbitrale qui a abouti à la convention collective. Ces fonctions comprennent celles dont l’employé s’acquitte lorsqu’il accomplit au moins une des activités décrites dans la définition du groupe CS ou du groupe EN.

Le 6 octobre 2009.

Traduction de la CRTFP

Georges Nadeau,
arbitre de grief

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