Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée souffrait d’un problème de santé pour lequel la seule solution proposée par son médecin était le télétravail - compte tenu des fonctions de la fonctionnaire, l’employeur a établi que sa présence sur les lieux de travail était une exigence professionnelle justifiée - l’employeur a tenté d’accommoder la fonctionnaire, sans succès -l’arbitre a jugé que le télétravail comme seule solution constituait une contrainte excessive pour l’employeur. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-09-22
  • Dossier:  566-02-373 et 374
  • Référence:  2009 CRTFP 113

Devant un arbitre de grief


ENTRE

LOUISE LAFRANCE

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Statistique Canada)

employeur

Répertorié
Lafrance c. Conseil du Trésor (Statistique Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Georges Nadeau, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Bertrand Myre, Association canadienne des employés professionnels

Pour l'employeur:
Isabelle Blanchard, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 23 au 25 mars 2009.

I. Griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

1  Le 3 avril 2006, Mme Louise Lafrance, la fonctionnaire s’estimant lésée, travaillant pour Statistique Canada, Division des opérations des enquêtes, a déposé deux griefs. Dans le premier grief, elle a allégué que l’employeur avait contrevenu à l’article 27 de la convention collective en refusant de lui fournir du travail et en lui refusant de lui verser son salaire et ses avantages sociaux depuis le 31 mars 2006. Dans le second grief, elle a reproché à l’employeur d’avoir refusé d’adapter son milieu de travail et d’avoir refusé de respecter les recommandations des divers médecins contrevenant ainsi à l’article 16 de la convention collective et à la Charte canadienne des droits et libertés.

II. Résumé de la preuve

2 Une bonne partie des événements qui ont donné lieu à ces griefs ont déjà fait l’objet  d’une décision rendue en 2006. Les parties ont convenu d’intégrer à la preuve du présent dossier le résumé de la preuve décrit aux paragraphes 5 à 96 inclusivement de la décision Lafrance c. Conseil du Trésor (Statistique Canada), 2007 CRTFP 31 rendue le 23 mars 2007, ainsi que les pièces déposées dans cette affaire.

3 Pour faciliter la compréhension de la présente décision, il est important de savoir que dans 2007 CRTFP 31, j’avais conclu que Mme Lafrance souffrait de limites fonctionnelles découlant d’un problème de santé qui l’empêchait d’être présente à son lieu de travail. Pour être en mesure d’exécuter du travail rémunéré, il aurait fallu que Mme Lafrance puisse continuer à faire du télétravail à temps plein de son domicile. Toutefois, comme il était impossible d’accéder aux données essentielles à l’exécution des tâches de son poste hors des lieux de travail et que ces tâches exigeaient sa présence à des réunions qui se déroulaient sur les lieux de travail, l’obligation d’être présente sur les lieux du travail constituait une exigence professionnelle justifiée.

4 Néanmoins, l’employeur avait l’obligation de prendre les mesures d’adaptation jusqu’à contrainte excessive et, ce faisant, avait offert à Mme Lafrance, à l’occasion, du travail rémunéré qu’elle a pu exécuter de son domicile. À la lumière de la preuve présentée, j’avais conclu, d’une part, que l’employeur n’avait pas manqué à son devoir de chercher un arrangement raisonnable jusqu’à contrainte excessive pour permettre à Mme Lafrance de continuer à travailler, mais que d’autre part le devoir de trouver un arrangement raisonnable était un devoir de nature continue et qu’il ne cessait d’exister avec la décision que je rendais. 

5 Les parties ont convenu de l’exposé conjoint des faits suivant :

  • La période pertinente visée dans le cadre de ces deux griefs est celle débutant le 31 mars 2006 et se terminant le 26 juin 2007.
  • Mme Lafrance a été diagnostiquée avec un problème d’apnée du sommeil au alentour de l’an 2000.
  • Conformément au paragraphe 135 de la décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique datée du 23 mars 2007 dans le dossier numéro 566-02-04, toutes les parties sont d’accords [sic] sur le fait que les tâches du poste substantif de Mme Lafrance au groupe et niveau SI-02 requièrent sa présence sur les lieux de travail, qu’il s’agit d’une exigence professionnelle justifiée et que par conséquent, le télétravail à temps plein constitue une contrainte excessive pour l’employeur.
  • Conformément au paragraphe 135 de la décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique datée du 23 mars 2007 dans le dossier numéro 566-02-04, il est reconnu que l’employeur n’a pas manqué à son devoir de chercher un arrangement raisonnable pour permettre à la fonctionnaire s’estimant lésée de continuer à travailler, et ce, tant au niveau SI-02 qu’à des groupes et niveaux inférieurs pour la période allant jusqu’à mars 2006.
  • Conformément au paragraphe 135 de la décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique datée du 23 mars 2007 dans le dossier numéro 566-02-04, toutes les parties s’entendent sur le fait que ce n’est pas parce que du télétravail a été disponible dans le passé qu’obligatoirement il doit être disponible dans le présent.
  • Conformément au paragraphe 135 de la décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique datée du 23 mars 2007 dans le dossier numéro 566-02-04, il est reconnu que la Loi sur la statistique garanti aux citoyens la confidentialité des renseignements qu’ils confient à Statistiques Canda, et ce faisant, elle impose des contraintes extrêmement sévères concernant la gestion de cette information.
  • L’employeur a réussi à obtenir pour Mme Lafrance un affection de 6 mois pour du travail de rédactrice –réviseure à la direction de la méthodologie débutant le 24 octobre 2005. Cette affectation provient du programme de ressourcement et des affectations spéciales.
  • L’employeur a dû mettre un terme justifié à l’affectation de Mme Lafrance comme rédactrice –réviseure le 31 mars 2006, soit trois semaines à l’avance, puisque la qualité du travail de Mme Lafrance ne répondait pas aux attentes pour ce type de travail.
  • Conformément au paragraphe 24 de la décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique datée du 23 mars 2007 dans le dossier numéro 566-02-04, il est reconnu que Mme Lafrance a utilisé ses congés annuels ainsi que ses congés de maladie payés pour la période d’avril 2006 à juillet 2006.
  • Mme Lafrance a été rémunérée pour 69.5 heures de télétravail que l’employeur a réussi à lui trouvé au mois d’août 2006. Ce travail portait sur des questionnaires de débriefing.
  • Mme Lafrance n’a pas été rémunérée du 28 août 2006 et ce jusqu’en janvier 2007.
  • Mme Lafrance a été rémunérée pour 32 heures de télétravail que l’employeur a réussi à lui trouver pour la semaine du 22 janvier 2007. Ce travail portait sur des questionnaires de débriefing.
  • Mme Lafrance a accepté, au alentour du 23 mai 2007, de se soumettre à l’évaluation de son aptitude au travail à Santé Canada.
  • Mme Lafrance a fait sa demande d’assurance-invalidité en date du 3 juin 2007.
  • Mme Lafrance a reçu de l’assurance-invalidité à partir de juin 2007 et ce jusqu’à la date de sa retraite médicale.
  • Mme Lafrance a été rémunérée pour sa participation à la médiation qui a eu lieu le 10,11 et 12 septembre 2007.
  • Le 26 septembre 2007, Santé Canada a conclu que Mme Lafrance était inapte à travailler et qu’elle ne serait probablement pas apte à retourner au travail avant septembre 2008.
  • Mme Lafrance a obtenu une évaluation médicale du Dr. Berthiaume en Octobre 2007 indiquant qu’elle était inapte à travailler et qu’elle ne pourrait fort probablement jamais retourner au travail.
  • Selon le rapport de Santé Canada daté du 7 février 2008, la retraite médicale en raison de son d’incapacité permanente est recommandée à partir de janvier 2007.
  • Mme Lafrance a pris sa retraite médicale en date du 20 juin 2008.

III. Résumé des témoignages

6 Mme Lafrance a témoigné à l’appui de ses griefs. L’employeur a fait témoigner Francine Trottier-Guilbaud, Jean-François Carbonneau, Annie Grenier et Duncan Wrighte.

A. Louise Lafrance

7 Mme Lafrance témoigne qu’une fois que l’employeur avait mis un terme à une affectation en mars 2006, elle n’avait plus obtenu de travail et de rémunération. Elle affirme que l’employeur n’a jamais communiqué avec elle et qu’elle n’a pas été mise au courant des démarches prises par l’employeur, à l’exception d’une note de service qui l’informait que, lors de réunions entre les gestionnaires, il y aurait mention de la recherche de travail pour elle. Après avoir été informée du départ de M. Garey Catlin, elle a écrit au nouveau directeur adjoint, M. Duncan Wrighte, pour se présenter et lui parler de sa situation (pièce PS-4). Mme Lafrance témoigne qu’en dépit du fait qu’elle avait présenté deux griefs, elle était prête à faire n’importe quel type de télétravail parce que, à ce moment, elle n’avait aucun travail ni revenu.

8 Mme Lafrance confirme qu’elle a travaillé au mois d’août 2006 et a été rémunérée pour 69,5 heures. Elle ajoute  qu’entre mars 2006 et août 2006, elle n’a pas reçu de travail.

9 Mme Lafrance témoigne qu’elle n’a pas eu de communication avec l’employeur pour discuter de possibilité de travail ou de plan d’adaptation pour réintégrer le travail, jusqu’à un courriel de M. Wrighte le 12 janvier 2007 (pièce PS-5). Elle a compris de ce courriel de M. Wrighte que l’employeur lui demandait d’autres renseignements relatifs à sa santé et d’identifier un spécialiste de son choix. C’était la première demande de ce genre depuis mars 2006. Elle n’a pas accepté cette demande parce qu’à son avis l’employeur connaissait ses limites fonctionnelles et qu’elle n’était pas en mesure de déterminer un spécialiste. À la fin mai 2007, l’employeur lui a demandé de participer à une évaluation médicale par Santé Canada (pièce PS-6) à laquelle elle a accepté de se soumettre. L’employeur ne lui a pas demandé de renseignements sur sa condition médicale entre le 12 janvier 2007 et le 28 mai 2007. Le rendez-vous avec Santé Canada a été fixé à la fin août 2007 pour le 26 septembre 2007 (pièce PS-7).

10 Mme Lafrance témoigne que le 5 juillet 2007, après avoir été informée de la possibilité de travail par son représentant, elle a fait parvenir à M. Wrighte un courriel (pièce PS-8) pour l’informer qu’elle était encore disponible pour faire du travail. Ni Mme Matte, ni Mme Trottier-Guilbaud, dont il est question dans ce courriel, n’ont communiqué avec elle et M. Wrighte n’a pas répondu à ses courriels.

11 Mme Lafrance témoigne qu’étant sans salaire, elle a fait une demande de prestations d’assurance-invalidité (pièce PS-9). En date du 3 juillet 2007, l’employeur avait 72 heures pour fournir les documents nécessaires à la Sun Life. Toutefois, il a tardé à s’exécuter et Mme Lafrance a dû envoyer plusieurs courriels (pièces PS-10, 11 et 12). L’employeur a fourni une explication des retards (pièce PS-14).

12 Mme Lafrance réitère qu’à partir de mars 2006 jusqu’au moment où elle a été déclarée inapte au travail, elle n’a reçu aucune communication de son employeur, on ne lui a pas proposé d’arrangement raisonnable et l’employeur ne l’a pas informée des prétendus efforts pour  trouver un arrangement.

13 En contre-interrogatoire, Mme Lafrance confirme qu’elle a utilisé ses congés annuels et de maladie pour couvrir la période d’avril au 28 août 2006 et que par la suite elle a été en congé de maladie non payé (pièce PS-18). Confrontée à l’échange de courriels du 1er juin 2006, Mme Lafrance reconnaît qu’il y a eu des échanges entre elle et l’employeur relativement à sa situation. Elle indique que lors des conférences téléphoniques mensuelles on discutait toujours du manque d’information médicale et de courriels envoyés aux directeurs demandant s’il y avait du travail pour elle. Elle réitère que la première fois que M. Wrighte a communiqué avec elle suite à son courriel du 26 septembre 2006 (pièce PS-4) a été le 12 janvier 2007 (pièce PS-5). Toutefois, confrontée à un courriel daté du 29 septembre 2006, elle reconnaît avoir reçu de M. Wrighte une réponse à son courriel (pièce PS-20) qui l’avise que l’on cherche toujours du travail pour elle.

14 Interrogée relativement à la demande d’évaluation d’aptitude au travail et aux demandes de prestations d’assurance-invalidité, Mme Lafrance reconnaît l’échange de correspondance et les formulaires à ce sujet (pièces PS-21 à PS-27). Elle témoigne qu’elle était apte à travailler en situation de télétravail de mars 2006 à juin 2007. Elle a reconnu le certificat médical qui lui a permis d’obtenir de l’assurance-emploi de mars 2007 à juin 2007 (pièce PS-29). Elle confirme qu’elle a reçu des prestations d’assurance-invalidité à partir de juin 2007. Elle a quitté son emploi le 20 juin 2008 à la suite de l’acceptation de sa retraite médicale.

15 En ré-interrogatoire, Mme Lafrance a indiqué qu’en juin 2007, elle n’avait pas de travail et qu’à la fin de ses prestations d’assurance-emploi, elle a fait une demande d’assurance- invalidité.

B. Francine Trottier-Guilbaud

16 Mme Trottier-Guilbaud occupe le poste de gestionnaire de programmes à la Division du ressourcement et des affectations spéciales chez Statistique Canada depuis septembre 2005. Cette division s’occupe de jumeler les gestionnaires qui cherchent des ressources temporaires et des employés qui cherchent des affectations. Ce programme répond aux besoins opérationnels des gestionnaires et aux besoins de développement des connaissances des employés. Mme Trottier-Guilbaud indique qu’elle est responsable des dossiers liés aux relations de travail dans le but de trouver des affectations pour des besoins spécifiques.

17 Mme Trottier-Guilbaud témoigne qu’elle a fait acheminer le curriculum vitae de Mme Lafrance aux personnes-ressources du programme d’assignation de l’employeur accompagné d’une note qui indique que l’on cherche une affectation appropriée pour du télétravail. Elle a soumis en preuve des courriels envoyés à l’interne au ministère ainsi qu’à d’autres ministères liés à la recherche d’une affectation pour Mme Lafrance de février 2006 à septembre 2007 (pièces PS-31 à PS-36). Elle ajoute que chaque fois qu’un gestionnaire cherchait un candidat potentiel d’un groupe et d’un niveau compatible, elle faisait parvenir à ce gestionnaire le curriculum vitae de Mme Lafrance. 

18  Mme Trottier-Guilbaud a présenté en preuve un rapport présentant une revue des stratégies et dates des activités entreprises pour trouver une affectation à Mme Lafrance (pièce PS-37).

19 En contre-interrogatoire, Mme Trottier-Guilbaud a reconnu que son travail consistait à trouver une affectation pour Mme Lafrance et que la responsabilité de trouver un arrangement raisonnable relevait de la gestion. Elle n’a pas communiqué directement avec Mme Lafrance et ses démarches ont été entreprises sans consulter Mme Lafrance. De plus, elle n’a pas obtenu le consentement de Mme Lafrance pour envoyer son curriculum vitae.

20 Mme Trottier-Guilbaud a reconnu aussi que la recherche d’affectation ne vient pas d’une demande spécifique de Mme Lafrance et que la gestion a pensé que c’était une bonne stratégie pour donner les meilleures chances possibles à Mme Lafrance. Il s’agit d’un programme souple qui vise à jumeler les besoins du gestionnaire et ceux d’une personne qui cherche une affectation. C’est le gestionnaire qui examine les curriculums vitae et qui décide d’offrir ou non une affectation. Il ne s’agissait pas d’imposer au gestionnaire l’obligation d’engager Mme Lafrance. Mme Lafrance n’avait pas de statut particulier par comparaison avec les autres employés recherchant une affectation. Les gestionnaires ont indiqué qu’ils n’avaient pas de télétravail pour le moment. Mme Trottier-Guilbaud ne sait pas s’il y avait des employés qui faisaient du télétravail à Statistique Canada.

C. Jean-François Carbonneau

21 M. Carbonneau est le directeur de la Division de l’investissement et du stock de capital. Il occupait, jusqu’en août 2006, le poste de directeur adjoint de la Division des opérations des enquêtes.

22 M. Carbonneau témoigne qu’au moment de la période visée par les griefs, des conférences téléphoniques régulières avaient lieu avec Mme Lafrance et son représentant. Ces conférences portaient sur quatre points : la recherche d’emploi, la situation des congés, l’information médicale et la date de la prochaine conférence. À la suite de chaque conférence, Mme Annie Grenier préparait un sommaire (pièce PS-19). Pour assurer une meilleure communication, l’employeur avait réduit au maximum les points de contacts. Les conférences téléphoniques permettaient de limiter les déplacements puisque l’employeur connaissait mal les limitations de Mme Lafrance.

23 M. Carbonneau explique que l’accent avait été mis sur la circulation du curriculum vitae à l’intérieur comme à l’extérieur du ministère. L’employeur avait offert des ressources  pour aider Mme Lafrance à préparer son curriculum vitae. La recherche d’emploi a été étendue aux bureaux régionaux du ministère, à l’ensemble du ministère ainsi qu’à une trentaine d’autres ministères. L’employeur s’est aussi assuré du fait que Mme Lafrance avait la possibilité de consulter les offres d’affectations à l’interne et il l’a branché au réseau Internet à son domicile pour lui permettre d’avoir accès à Publiservice.

24 M. Carbonneau indique que l’employeur cherchait toujours à obtenir des renseignements sur les limitations fonctionnelles de Mme Lafrance et réitérait la demande de clarification. Ces renseignements auraient été utiles quant à la capacité du ministère de fournir du travail à Mme Lafrance.

25 M. Carbonneau témoigne que la demande d’évaluation par Santé Canada ainsi que la disponibilité du sommaire d’une conférence précédente dont il est question dans l’échange de courriels du 1er juin 2006 ont jeté un froid dans les communications avec Mme Lafrance. Il note qu’à partir de ce moment, le représentant de Mme Lafrance, M. Bertrand Myre, a exigé que les communications se fassent par écrit. Cette exigence est mentionnée dans la lettre adressée à Mme Lafrance du 30 juin 2006 (pièce G-29) qui fait le point sur la situation et qui présente à Mme Lafrance un projet de lettre à Santé Canada.

26 M. Carbonneau présente la demande d’affectations spéciales datée du 8 juillet 2005 (pièce PS-38) remplie par Mme Lafrance dans le but de l’inscrire dans la banque de données des affectations spéciales. Cette banque de données est accessible à l’ensemble de la gestion de Statistique Canada pour combler les besoins en ressources humaines.

27 M. Carbonneau témoigne qu’il n’a pas eu de changement dans le poste substantif de Mme Lafrance de groupe et niveau SI-02 jusqu’à son propre départ de son poste de directeur adjoint en août 2006. Il indique que Mme Lafrance n’a pas eu d’affectation spéciale durant la période de mars à août 2006. Le travail pouvant être exécuté en situation de télétravail est la préparation des comptes-rendus d’enquêtes. Le compte-rendu d’une enquête se fait après l’enquête et demande entre 40 et 70 heures de travail dépendant de l’ampleur de l’enquête. La raison de la non-disponibilité de ce type de travail était qu’aucune enquête sur laquelle elle pouvait travailler ne se terminait durant la période en question. M. Carbonneau note aussi qu’il y avait d’autres initiatives à l’intérieur comme à l’extérieur de Statistique Canada pour tenter de trouver du travail pour Mme Lafrance. C’est la raison pour laquelle Statistique Canada faisait circuler son curriculum vitae. Il ajoute que les exigences de confidentialité relative aux enquêtes et aux données recueillies par Statistique Canada n’avaient pas changé durant la période en question.

28 M. Carbonneau témoigne que la recherche de travail ne se limitait pas au travail de groupe et niveau SI-02 mais s’étendait à d’autres postes. À cet égard, il souligne que Statistique Canada a offert une affectation en traduction à Mme Lafrance à partir d’octobre 2005.

29 M. Carbonneau témoigne qu’il a communiqué par téléphone avec Mme Lafrance une fois entre mars 2005 et août 2006 pour discuter de l’utilisation de ses crédits de congés. Un courriel confirme cette conversation (pièce PS-40). À partir de juin 2006, à la suite de la demande du représentant de Mme Lafrance, la communication ne se faisait que par courriel (pièce PS-39).

30 En contre-interrogatoire, M. Carbonneau a  indiqué que son rôle était de collaborer avec les gens des ressources humaines pour mettre en place la meilleure façon de fonctionner pour régler des difficultés comme celles de Mme Lafrance. Sa responsabilité était de s’assurer que tous les moyens et outils en possession de Statistique Canada était utilisés pour faciliter le retour au travail de Mme Lafrance. Afin d’accomplir cette tâche, il a indiqué qu’il avait fait appel aux services disponibles au niveau corporatif, des ressources humaines, du programme d’aide aux employés et du programme d’affectations spéciales.

31 M. Carbonneau indique que l’affectation de Mme Lafrance d’octobre 2005 à mars 2006 était initialement pour une période de six mois. Il n’y avait aucune garantie que le type de travail offert serait disponible au terme de l’affectation. Au cours de cette période, l’employeur cherchait toujours à obtenir plus de renseignements pour comprendre les limitations fonctionnelles de Mme Lafrance. Ces renseignements auraient été utiles pour trouver un arrangement durable à Mme Lafrance. Il reconnaît que le manque de renseignements n’a pas empêché l’employeur de trouver un arrangement pour Mme Lafrance d’octobre 2005 à mars 2006.

32 M. Carbonneau a indiqué que les clarifications en question dans son courriel de juin 2006 (pièce PS-19) étaient liées aux conditions médicales qui affectaient le retour au travail de Mme Lafrance. L’objectif était de comprendre les limitations fonctionnelles dans le but de trouver un arrangement raisonnable et de bien diriger la recherche d’emploi. M. Carbonneau a indiqué qu’en dépit des nombreuses demandes faites au médecin de Mme Lafrance par l’entremise de Mme Lafrance ou par lettre de l’employeur, et de l’aide d’autres intervenants dont un représentant de la Commission canadienne des droits de la personne, l’employeur n’a jamais obtenu les renseignements demandés.

33 M. Carbonneau a indiqué que la première chose à faire était de demander à Mme Lafrance qu’elle obtienne les renseignements de son médecin. Ces renseignements étaient importants pour la gestion du retour au travail car ils auraient permis d’étendre l’éventail des possibilités. Plus les renseignements sont précis sur la condition médicale à satisfaire plus il est possible d’adapter le milieu de travail et de trouver un arrangement raisonnable. La restriction de « télétravail à temps complet » réduisait les chances de trouver une affectation pour Mme Lafrance. Après avoir déployé tous les efforts pour obtenir les renseignements de son médecin traitant, en juin 2006, il existait toujours la possibilité d’obtenir les renseignements de Santé Canada pour faire avancer le dossier. M. Carbonneau a expliqué qu’en dépit du manque de renseignements des efforts ont été déployés pour trouver du travail à Mme Lafrance. 

34 Interrrogé sur la question de savoir s’il était responsable de trouver un accommodement raisonnable, M. Carbonneau a indiqué qu’il était responsable de la recherche d’un accommodement raisonnable. Il a indiqué que lors des communications avec Mme Lafrance, la discussion portait sur les points à l’ordre du jour. Entre autre, l’employeur avait fourni de l’équipement à Mme Lafrance pour faciliter sa recherche d’emploi et s’informait des résultats de ses recherches de son côté. Questionné sur l’existence d’un plan d’adaptation, M. Carbonneau a indiqué qu’il faut voir que l’ensemble des actes et efforts de l’employeur sur plusieurs années ont été faits de façon coordonnée.

35 Questionné sur l’existence de télétravail à l’extérieur de la division, M. Carbonneau a indiqué qu’il n’y avait pas de télétravail disponible au groupe et niveau SI-02. Des économistes travaillaient à l’occasion en télétravail, pour la production d’une analyse ou la préparation de communiqués de presse, mais Mme Lafrance n’était pas qualifiée pour ce genre de tâches. L’employeur ne s’est pas limité à la recherche de postes de groupe et niveau SI-02 et note que l’on a offert à Mme Lafrance une affection spéciale en traduction. Quant aux postes d’intervieweur, ils exigent des titulaires de soit circuler en voiture pour se rendre à des rencontres programmées, soit travailler à partir des bureaux de Statistique Canada.

36 Questionné sur la statistique voulant que 6 % des employés de Statistique Canada font du télétravail, M. Carbonneau a répliqué que rien n’indique qu’il s’agit de télétravail à temps plein. La disponibilité du télétravail n’est qu’ad hoc.

37 Questionné sur la possibilité de jumeler des tâches pour créer un arrangement, M. Carbonneau a indiqué que les descriptions de tâches ont été analysées et que l’on communiquait avec les autres divisions dans le but de trouver du travail à Mme Lafrance. L’employeur a considéré regrouper les tâches, mais ce n’était pas possible compte tenu des qualifications et du niveau de connaissances de Mme Lafrance.

38 M. Carbonneau a indiqué que Statistique Canada a utilisé son réseau de personnes-ressources avec les autres ministères pour trouver du télétravail à temps plein pour Mme Lafrance, mais sans succès.

D. Annie Grenier

39 Mme Grenier est conseillère au personnel de direction à l’Agence des services frontaliers du Canada depuis octobre 2006. Auparavant, elle occupait le poste de conseillère principale en relations de travail à Statistique Canada.

40 Mme Grenier témoigne qu’elle a participé à la gestion du dossier de Mme Lafrance. Elle indique qu’elle a fait parvenir un courriel à M. Myre (pièce PS-44) avec copie à Mme Lafrance faisant état des efforts du ministère pour trouver un emploi convenant à Mme Lafrance. Elle note que la recherche d’emploi est une responsabilité commune de l’employé et du ministère. Le courriel se terminait en indiquant à Mme Lafrance que ses suggestions étaient les bienvenues. Elle n’a reçu aucune suggestion de Mme Lafrance.

41 Mme Grenier témoigne qu’elle a participé aux téléconférences avec Mme Lafrance. Ces téléconférences visaient à fournir une mise à jour à Mme Lafrance sur la recherche d’emploi. Le ministère comptait aussi sur ces téléconférences pour obtenir des clarifications sur les limitations fonctionnelles de Mme Lafrance.

42 Mme Grenier témoigne que le courriel du 1er juin 2006 (pièce PS-19) était un suivi du courriel de M. Myre dans lequel il avait exprimé des préoccupations au sujet du résumé de la téléconférence du mois de février 2006 et apportait des précisions relatives à des questions discutées.

43 Mme Grenier indique qu’elle a fait parvenir à M. Myre, après leur conversation téléphonique du 6 juin 2006, un courriel (pièce PS-45) confirmant la demande de M. Myre que les communications avec Mme Lafrance se fassent uniquement par écrit jusqu’à l’arbitrage qui devait avoir lieu au mois de juillet suivant. Cette exigence a ralenti le processus visant à trouver une solution à la situation de Mme Lafrance. M. Myre ne lui a pas donné de commentaires en ce qui concerne ce courriel.

44 Mme Grenier témoigne que c’est elle qui a rédigé l’ébauche de la lettre datée du 30 juin 2006 (pièce G-29) signée par M. Carbonneau au nom du directeur des opérations des enquêtes. Cette lettre remplaçait la conférence qui ne pouvait avoir lieu compte tenu de l’exigence relative aux communications. La lettre reprend les points à l’ordre du jour tels que la recherche d’emploi, les renseignements sur les limites fonctionnelles et son statut d’employé. La lettre indique aussi les résultats des démarches du ministère pour déterminer si Mme Lafrance est éligible à un statut prioritaire pour la dotation. Après consultation avec la Commission de la fonction publique, il a été établi que pour être éligible à un statut prioritaire, il aurait été nécessaire que Mme Lafrance bénéficie de prestations d’assurance-invalidité, ce qui n’était pas le cas. Mme Grenier indique que le ministère s’est aussi assuré de communiquer avec les divers services de dotation pour les informer de l’obligation de faire les démarches nécessaires pour identifier un emploi et pour leur demander de communiquer avec la gestion si un processus était lancé pour un poste qui conviendrait à Mme Lafrance. Elle note que Mme Lafrance n’a pas répondu à la demande de suggestions, en toute fin de lettre, quant aux démarches de recherche d’emploi ou de tout autre aspect de la situation susceptible de favoriser sa résolution.

45 En contre-interrogatoire, Mme Grenier a indiqué que son expérience en relations de travail a débuté en 2001. Elle a participé dans la gestion du dossier de Mme Lafrance depuis son entrée en fonction dans son poste. Elle a indiqué que l’exigence de n’avoir que des communications écrites avait rendu les communications plus complexes. Elle ajoute que cela n’a pas empêché l’employeur de faire la recherche d’emploi, mais quand les communications ne se font que par écrit, le partage d’information est limité et la collaboration devient plus difficile. Il est plus efficace d’utiliser le téléphone que de communiquer par courriel. Mme Grenier a indiqué que son approche était de donner à Mme Lafrance le traitement auquel elle avait droit. Elle a toujours tenté de maintenir les communications ouvertes pour gérer le dossier.

46 Mme Grenier a reconnu que la situation était stressante pour Mme Lafrance. Elle a ajouté que la gestion était empathique et cela se reflétait dans les démarches faites à son égard. La recherche d’emploi était à son avis une responsabilité conjointe entre la fonctionnaire et le ministère. L’obligation du ministère était de trouver un arrangement jusqu’à contrainte excessive.

E. Duncan Wrighte

47 M. Wrighte est le directeur de la Division de la planification et de la gestion de la collecte aussi connu sous le nom de la Division des sondages. Il occupe ce poste depuis septembre 2006. Il indique que peu après son entrée en fonction il a été informé de la situation de Mme Lafrance et du fait qu’elle ne pouvait travailler qu’en télétravail.

48 M. Wrighte a déposé les procès-verbaux des réunions de gestion de la division (pièce PS-46) entre novembre 2006 et novembre 2007. Il indique qu’un point avait été ajouté à toutes les réunions hebdomadaires pour demander au directeurs si du télétravail était disponible pour Mme Lafrance. Il indique que les efforts pour résoudre la situation incluaient aussi la recherche d’assignations à partir du programme d’assignation, de la sollicitation active et des rapports établis avec l’aide des ressources humaines pour communiquer avec d’autres ministères.

49 M. Wrighte explique que le retard de deux à trois semaines à faire suivre à la Sun Life la demande d’assurance-invalidité est attribuable au fait que la section de la rémunération devait être relocalisée et que l’employé qui s’occupait du dossier était en congé.

50 M. Wrighte indique qu’il a répondu le 29 septembre 2006 au courriel de Mme Lafrance (pièce PS-4) daté du 26 septembre 2006. Sa réponse (pièce PS-47) fait état des efforts continus et de la volonté de travailler en équipe pour chercher une solution à la situation de Mme Lafrance. Il a déposé aussi sa réponse datée du 12 janvier 2007 (pièce PS-48) au courriel que Mme Lafrance lui a fait parvenir le 10 janvier précédent. Il réitère dans cette communication le besoin de l’employeur d’obtenir les renseignements requis relativement à ses limitations fonctionnelles. Il indique que ces renseignements auraient été utiles pour trouver une solution à la situation de Mme Lafrance car la nature du travail à Statistique Canada limitait grandement les occasions et le type de travail disponible en télétravail à temps plein. Il dépose ce qui suit : une réponse à un courriel de Mme Lafrance datée du 25 janvier 2007 (pièce PS-49) relativement au fait que la recherche de travail continuait; un courriel (pièce PS-50) à l’effet voulant que l’on attribuait  à Mme Lafrance un congé rémunéré pour couvrir le temps passé par celle-ci en médiation; un courriel faisant suivre des renseignements reçus de Mme Lafrance (pièce PS-51); un courriel relatif à une demande de congé annuel spécial (pièce PS-52).

51 M. Wrighte témoigne qu’après son arrivée en fonction, il n’y a eu aucun changement qui aurait permis le télétravail à temps plein et que les exigences de confidentialité étaient toujours les mêmes. Il explique que cela relève de la nature du travail. Le travail des agents de projets requiert des rapports journaliers continus avec les divisions et les bureaux régionaux qui nécessitent l’utilisation du réseau informatique confidentiel. Même la rédaction de manuel et la préparation de la documentation requiert des contacts avec des collègues au bureau. Seulement, une petite partie du travail peut se faire en situation de télétravail.

52 En contre-interrogatoire, M. Wrighte a confirmé que l’employeur ne s’est pas limité à rechercher dans sa division. Il a indiqué que la nature du travail fourni à Mme Lafrance ne se limitait pas aux évaluations des enquêtes. Elle a participé à la compilation et la transcription des résumés de réunions après les enquêtes. Ce travail était de nature cléricale. Il a réitèré le fait qu’on avait communiqué avec d’autres divisions dans le but de trouver du travail à Mme Lafrance.

53 M. Wrighte a réitèré le fait que le délai dans le traitement de la demande d’assurance- invalidité a été occasionné par la relocalisation de la section de la rémunération et de l’absence de l’agent responsable de compléter les renseignements requis. Il a ajouté que c’est le ministère qui a encouragé Mme Lafrance à faire sa demande de prestations d’assurance-invalidité et que celle-ci a été approuvée rétroactivement à partir de juin 2007.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

54 Le représentant de Mme Lafrance commence son plaidoyer en indiquant, qu’en vertu des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP), l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour trouver un arrangement raisonnable pour un employé qui souffre de problème de santé. Il mentionne qu’après le premier grief on avait  constaté que Mme Lafrance avait fait l’objet d’un traitement discriminatoire et que sa situation durant la période visée par les présents griefs n’avait pas changé. L’employeur exigeait toujours qu’elle rentre au bureau, la privant ainsi de sa capacité de gagner sa vie à cause d’un problème de santé.

55 Le représentant plaide que la LCDP a été conçue afin de s’assurer que les employés qui ont des problèmes de santé ne subissent pas de traitement discriminatoire. Pendant la période visée par les griefs, Mme Lafrance a été contrainte de demeurer à la maison sans aucune source de rémunération faisant ainsi l’objet de traitement discriminatoire. La charge de la preuve incombe donc à l’employeur et celui-ci doit démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation jusqu’à contrainte excessive.

56 Le représentant indique qu’il y a deux questions en litige :

a) L’employeur a-t-il fait tous les efforts pour trouver un arrangement raisonnable?

b) Est-ce que les efforts déployés arrivent au seuil de la contrainte excessive?

57 Le représentant plaide que l’employeur savait, avant même la décision dans 2007 CRTFP 31, qu’il devait faire tous les efforts nécessaires pour trouver un arrangement raisonnable pour Mme Lafrance pour lui permettre de travailler à partir de la maison. Il indique que les réponses aux griefs confirment que l’employeur était au fait de cette obligation. Il note toutefois que la seule chose qu’on peut conclure de la preuve de l’employeur est qu’il y a eu des communications entre les représentants de la gestion qui cherchaient à savoir s’il y avait des affectations disponibles pour que Mme Lafrance puisse travailler de la maison. De l’avis du représentant, la question qui se pose est de savoir si le simple fait de communiquer informellement avec des employés du ministère et d’ailleurs pour leur demander s’il y a des affectations spéciales pour Mme Lafrance constitue un effort raisonnable jusqu’à contrainte excessive au sens de la LCDP et de la jurisprudence. Il soumet un article du Professeur Michael Lynk intitulé [traduction] « La déficience et l’obligation de prendre des mesures d’adaptation dans le milieu de travail canadien ».

58 Le représentant soumet que l’employeur a la responsabilité d’examiner toutes les possibilités et il doit démontrer que ses efforts ont été faits de façon sérieuse et consciencieuse. Cette démonstration se fait en quatre étapes : 1) l’employeur doit examiner si l’employé peut satisfaire aux obligations de son propre poste;  2) l’employeur doit déterminer s’il est possible de regrouper ou modifier les tâches du poste de l’employé pour lui permettre de continuer à travailler; 3) l’employeur doit déterminer si l’employé peut satisfaire aux obligations d’un autre poste; 4) l’employeur doit déterminer si l’employé peut satisfaire aux obligations d’un autre poste en le modifiant ou en regroupant d’autres tâches de l’organisation.

59 Le représentant soumet que la première décision rendue relative à la situation de Mme Lafrance 2007 CRTFP 31 a tranché la question à savoir si l’employeur avait franchi la première étape. Il soumet que l’employeur n’a jamais examiné ou même considéré les autres étapes. L’employeur n’a pas prouvé que la possibilité de modifier, jumeler ou regrouper certaines tâches du poste occupé par Mme Lafrance était impossible et constituait une contrainte excessive.

60 Le représentant soumet que l’employeur n’a pas prouvé qu’il était impossible, dans toute l’administration publique fédérale, de regrouper ou de modifier des tâches pour permettre à un employé de continuer travailler. Il ajoute que le témoignage de M. Carbonneau a démontré clairement qu’aucun effort sérieux ou consciencieux n’avait été déployé pour examiner ces étapes. Il souligne qu’en contre interrogatoire, M. Carbonneau a mentionné qu’il n’y avait pas de télétravail au sein de Statistique Canada à cause de la mission de l’organisation et surtout du fait qu’il n’y avait pas de télétravail possible pour les employés du groupe SI. Or, selon le sondage auprès des employés de 2005, 5 % des employés de Statistique Canada font du télétravail, soit le même pourcentage que pour l’ensemble de la fonction publique. Plus encore, la preuve révèle également que 6 % des employés du groupe SI font du télétravail. Le représentant conclut que l’argument avancé par M. Carbonneau qu’il n’y avait pas de télétravail à Statistique Canada ne tient pas la route et que plus de 250 personnes, selon les données du ministère, font du télétravail.

61 Le représentant soumet que M. Carbonneau a implicitement et explicitement avoué qu’il n’avait pas fait l’examen des postes pour déterminer quelles tâches pouvaient être faites par voie de télétravail et il n’a pas déterminé si ces tâches pouvaient être accomplies par Mme Lafrance. M. Carbonneau a seulement dit que le télétravail n’était disponible à Statistique Canada que de façon ad hoc. Il n’a pu dire si en regroupant des tâches qui se faisaient de façon ad hoc il aurait été possible de créer un poste productif pour Mme Lafrance. Quant à savoir si M. Carbonneau avait fait un examen des postes de télétravail dans l’ensemble de la fonction publique, le représentant soumet que M. Carbonneau a répondu  que « cela (lui) aurait pris 100 ans ».

62 Le représentant soumet qu’il est incontestable, à la lumière du témoignage de M. Carbonneau, que l’employeur n’a pas fait des efforts raisonnables de façon sérieuse et consciencieuse. Il ajoute que M. Carbonneau ne savait pas ce qu’était le processus ou le plan d’adaptation et n’a pas démontré qu’il était impossible de réaliser ces étapes puisqu’elles constitueraient une contrainte excessive.

63 Le représentant soumet, en citant la décision Calgary District Hospital v. United Nurses of Alberta Local 121-R (1994), 41 L.A.C. (4e) 319, que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation requiert plus que de démontrer que l’employé ne peut accomplir son poste. L’employeur a l’obligation de déterminer dans quelle mesure le poste de l’employé peut être modifié ou adapté afin de permettre à l’employé de retourner au travail en dépit de ses limitations.

64 Le représentant soumet que la décision arbitrale concernant Mme Lafrance 2007 CRTFP 31 rendue en mars 2007 a établi que la présence sur les lieux du travail constituait une exigence professionnelle justifiée. L’employeur n’a toutefois pas démontré comment son poste modifié ou adapté ne pouvait permettre à Mme Lafrance de faire du télétravail. Le représentant ajoute que la décision Greater Niagara General Hospital v. Ontario Nurses’ Association (1995), 50 L.A.C. (4e) 34 établit clairement que l’employeur a l’obligation d’examiner tous les postes pour déterminer s’il est possible de les restructurer ou de fusionner les tâches dans un nouveau poste qui permettrait à l’employé de retourner au travail. L’employeur avait l’obligation d’identifier les tâches qui pouvaient se faire en télétravail et de les rassembler dans un poste pour permettre à Mme Lafrance de travailler à partir de la maison.

65 S’appuyant sur la décision Community Life Care c. Ontario Nurses’ Association (2001), 101 L.A.C. (4th) 87, le représentant soumet que l’employeur avait l’obligation d’identifier les tâches dans l’ensemble de la fonction publique fédérale qui pouvaient être effectuées en télétravail et de les rassembler dans un même poste afin de trouver un arrangement raisonnable pour Mme Lafrance. Il ajoute qu’il est impensable de croire que, dans toute la fonction publique fédérale, il est impossible de jumeler des tâches pour créer un poste productif en situation de télétravail et que cela constitue une contrainte excessive pour l’employeur.

66 Le représentant soumet qu’un arbitre de grief de la Commission des relations de travail dans la fonction publique dans la Pepper c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 8, a statué que la responsabilité première de la recherche des mesures d’adaptation incombait à l’employeur. Il ne suffit pas, en vertu de Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. British Columbia Government and Service Employees’ Union (BCGSEU), [1999] 3 R.C.S. 3 (Meiorin),que l’employeur estime globalement ou qu’il affirme sans preuve qu’il ne serait pas possible de trouver des tâches adaptées aux besoins de l’employé pour que l’on puisse conclure que l’employeur a pris toutes les mesures possibles jusqu’au point où cela lui imposerait une contrainte excessive. L’arbitre de grief a conclu que Meiorin est sans équivoque : la législation sur les droits de la personne a pour objet d’obliger les employeurs à trouver des moyens positifs d’arriver à des mesures d’adaptation satisfaisantes.

67 Le représentant soumet que dans le cas de Mme Lafrance l’employeur n’a jamais envisagé de prendre des mesures d’adaptation pour satisfaire au besoin spécifique de Mme Lafrance qui était de travailler de la maison. Le seul effort déployé par l’employeur a été d’envoyer des courriels demandant s’il y avait des affectations disponibles pour Mme Lafrance. Le simple fait d’envoyer des courriels et de discuter de la recherche d’emploi au comité de gestion ne satisfaient certainement pas le principe établi par l’arrêt Meiorin. L’obligation ou le devoir de trouver un arrangement raisonnable va plus loin qu’une simple recherche d’emploi.

68 Le représentant note que Mme Trottier-Guilbaud a témoigné que Mme Lafrance a été placée dans le programme d’affectations spéciales pour lui permettre d’être inscrite dans une banque de données accessible aux gestionnaires en vue de combler des postes temporaires. Il note toutefois que Mme Trottier-Guilbaud n’a jamais consulté Mme Lafrance et elle n’était pas responsable du processus d’adaptation. Bien qu’il faille admettre que Mme Trottier-Guilbaud a fait des démarches pour informer les gestionnaires internes et externes de la disponibilité de Mme Lafrance pour des affectations spéciales, le programme d’affections spéciales n’est pas un programme d’adaptation. Mme Trottier-Guilbaud a effectivement reconnu que Mme Lafrance avait les mêmes possibilités et les mêmes chances que les autres employés inscrits au programme. Le représentant ajoute que cette partie du témoignage de Mme Trottier-Guilbaud a été complètement contredit par M. Carbonneau à deux reprises. Il indique que M. Carbonneau a mentionné le fait que Mme Lafrance ne pouvait faire du travail à temps complet et qu’il y avait un manque de clarté sur les limitations fonctionnelles qui réduisait considérablement les chances de Mme Lafrance d’obtenir une affectation spéciale. Le représentant s’est demandé si les courriels n’étaient que de la « poudre aux yeux » puisque M. Carbonneau savait qu’il y avait très peu de chances de trouver une affectation spéciale pour Mme Lafrance.

69 Le représentant soumet que le programme d’affectations spéciales est discriminatoire envers Mme Lafrance puisqu’en raison de sa condition médicale, elle avait moins de chance d’obtenir une affectation spéciale.

70 Le représentant soumet que bien que l’employeur tentera de convaincre qu’il a fait des efforts pour trouver du travail à Mme Lafrance, le fait demeure que l’employeur ne lui a pas trouvé d’arrangement raisonnable. Le seul travail que l’employeur lui a fourni équivalait à 69,5 heures en août 2006 et 32 heures au mois de janvier 2007. Le représentant renvoie, à titre de référence, aux efforts déployés par l’employeur dans Begley c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada) dossier de la CRTFP 166-2-26311 (19960522). Il note que contrairement à la situation de cet employé, aucun poste n’a été offert à Mme Lafrance. L’employeur s’est contenté d’invoquer qu’il n’y avait pas d’affectation possible sans même considérer d’autres types d’arrangements raisonnables. Il soumet que l’obligation de l’employeur ne se limite pas à la recherche de possibilités d’affectations spéciales au moyen d’un échange de courriels informels entre représentants de la gestion interne et externe et, à cet égard, il cite Hoyt c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2006 TCDP 33.

71 Le représentant soumet que l’employeur n’a fait preuve d’aucune innovation, flexibilité ou créativité et s’est contenté de faire des recherches d’emploi. La simple recherche d’un emploi ne satisfait pas aux critères prévus par la législation en matière de droits de la personne. Par conséquent, du 31 mars 2006 au 20 septembre 2007, date à laquelle Mme Lafrance a remis sa démission, l’employeur n’a pas trouvé d’arrangement raisonnable. Le représentant demande que le grief soit accueilli.

72 Le représentant soumet que puisque l’employeur a systématiquement refusé de trouver un arrangement raisonnable qui aurait permis de réintégrer Mme Lafrance au travail, et que l’employeur l’a ainsi privée de gagner sa vie à partir du 31 mars 2006, Mme Lafrance doit être indemnisée pour la perte de rémunération, incluant les avantages sociaux, qu’elle a subie, en tenant compte des prestations d’assurance-invalidité qu’elle a reçues, et ce, jusqu’au moment où elle a été déclarée inapte par le médecin de Santé Canada. Il demande aussi un réajustement du calcul de l’indemnité de départ et du calcul de sa prestation de retraite.

73 Le représentant demande l’indemnité maximale pour préjudice moral en vertu de l’article 53 de la LCDP. La conduite de l’employeur dans ce dossier a causé beaucoup de stress et de souffrance à Mme Lafrance. Le simple fait d’avoir été sans revenu pendant un an et quatre mois a été une menace pour sa santé. Le refus systématique de l’employeur de trouver un arrangement raisonnable a eu des conséquences au niveau professionnel. L’impact sur sa santé a engendré une retraite médicale prématurée. Le représentant note que trois mois après la première décision portant sur sa situation, Mme Lafrance s’est rendue compte que l’employeur ne prendrait pas les mesures d’adaptation qu’elle souhaitait. Elle n’a eu d’autre choix que de demander des prestations d’assurance-invalidité. Mme Lafrance ne souhaitait pas recevoir ces prestations; elle souhaitait travailler jusqu’à la fin de sa carrière.

74 Le représentant a renvoyé à Lloyd c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 15, où l’arbitre de grief stipule que c’est à l’employeur de fournir un plan d’adaptation et que l’absence de consultation avec la fonctionnaire sur le plan d’adaptation a retardé indûment la prise de mesures et la mise en œuvre des recommandations. L’arbitre de grief dans cette affaire explique que dans les dossiers portant sur les questions d’accommodement, il y a une nécessité de gérer la situation de façon consultative plutôt qu’autocratique. Le représentant soumet que la preuve a démontré qu’il n’y a jamais eu de consultation sur un véritable plan d’adaptation.

75 Le représentant demande une indemnité de 20 000 $ si je conclus que l’acte discriminatoire a été délibéré ou inconsidéré. Il note que la première décision portant sur la situation de Mme Lafrance comportait un sérieux avertissement pour l’employeur. Bien que la conclusion voulait que la preuve avait démontré une exigence professionnelle justifiée, il note que l’employeur avait toujours l’obligation de trouver un arrangement raisonnable pour permettre à Mme Lafrance de gagner sa vie. Il indique que les faits au dossier démontrent qu’en aucun temps après la décision 2007 CRTFP 31, l’employeur n’a fait de véritables efforts au sens de la LCDP pour trouver un arrangement raisonnable. Entre la date de la décision et celle à laquelle Mme Lafrance est déclarée inapte au travail, l’employeur n’a jamais pris l’initiative de communiquer avec elle. Il note que M. Wrighte a témoigné qu’il avait reçu des directives des Ressources humaines de communiquer uniquement par écrit. Il n’a communiqué avec Mme Lafrance que pour répondre aux courriels de Mme Lafrance.

76 Le représentant soumet que l’employeur n’avait visiblement pas pris au sérieux son obligation, qu’il n’a jamais eu l’intention de trouver un arrangement raisonnable et que sa conduite  envers Mme Lafrance était incontestablement délibérée et inconsidérée.

77 Le représentant soumet que ce qui distingue le cas de Mme Lafrance de bien d’autres cas est, sans aucun doute, l’attitude des représentants de l’employeur envers Mme Lafrance au mépris des conséquences. Il souligne qu’à cet égard les témoignages de Mme Grenier et celui de M. Wrighte sont révélateurs.

78 Le représentant soumet que le seul et unique but visé par le témoignage de Mme Grenier était de rendre le représentant syndical responsable, en partie, de l’échec des démarches pour trouver une solution à la situation de Mme Lafrance. Jamais l’employeur n’a signifié au syndicat qu’il avait l’intention de mettre l’organisation syndicale en cause ou indiqué que la demande de communication écrite allait causer des problèmes ou des embûches pour ce qui est du processus d’adaptation. Il ajoute que le témoignage de Mme Grenier n’établit pas comment cette exigence nuisait au processus.

79 Le représentant soumet que le témoignage de M. Wrighte est révélateur de l’insouciance intentionnelle et délibérée de l’employeur. Malgré les nombreux courriels envoyés à l’employeur expliquant l’urgence de la situation de Mme Lafrance, l’employeur a pris deux mois pour remplir un formulaire qui normalement aurait dû être rempli en 72 heures. La preuve a révélé que quatre courriels ont été envoyés par Mme Lafrance et Mme Black pour rappeler à M. Wrighte l’urgence de la situation. L’employeur savait que les prestations d’assurance-invalidité étaient la seule source de revenu de Mme Lafrance. Il note que la réponse de M. Wrighte a été de dire que Mme Lafrance aurait pu demander des prestations bien avant le moment où elle l’a fait. Il soumet que ce qui est important est le délai de deux mois pris par l’employeur et se demande si l’employeur a fait tous les efforts raisonnables pour s’assurer que le formulaire soit remis à l’assureur dans les plus brefs délais.

80 Le représentant souligne que pendant ce temps, en juillet 2007, Mme Lafrance écrivait à M. Wrighte, en dépit du fait qu’elle avait soumis une demande de prestations d’assurance-invalidité pour lui indiquer qu’elle était disponible pour travailler. Elle avait toujours espoir de pouvoir travailler. Le représentant soumet que malheureusement la preuve indique que M. Wrighte avait reçu l’ordre de ne pas communiquer avec Mme Lafrance. L’employeur savait que tôt ou tard la condition médicale de Mme Lafrance se détériorerait au point de la rendre totalement inapte à travailler. Le représentant soumet que Mme Lafrance a été forcée de prendre sa retraite médicale parce que l’employeur s’est délibérément montré incapable de trouver du travail satisfaisant les limitations fonctionnelles de Mme Lafrance et, ce faisant, à aggraver sa condition médicale. Il demande une indemnité de 15 000 $ pour cette discrimination délibérée. À l’appui de cette réclamation, le représentant renvoie à Culic c. Société canadienne des postes, 2007 TCDP 1 ainsi qu’à Giroux c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2008 CRTFP 102.

B. Pour l’employeur

81 La représentante de l’employeur soumet qu’il y a deux questions en litige : la première, si l’employeur a manqué à son devoir de trouver un arrangement raionnable pour Mme Lafrance; la seconde, s’il a contrevenu à l’article 27 de la convention collective.

82 La représentante soumet les commentaires suivants en réplique aux arguments fournis par le représentant de Mme Lafrance. Elle note que lors de son témoignage, Mme Lafrance a affirmé que l’employeur n’avait jamais communiqué avec elle pour discuter des possibilités d’emplois et de la nécessité d’obtenir de l’information sur ses limites fonctionelles. Sachant ces renseignements faux, l’employeur se devait d’établir qu’il avait bel et bien communiqué avec Mme Lafrance par voie de conférences téléphoniques et par voie de communication écrite par la suite à la demande expresse de son représentant. La représentante souligne que le témoignage de Mme Grenier voulait qu’il est souvent plus facile de communiquer verbalement que par écrit et Mme Grenier a clairement indiqué que cette exigence (que les communications se fassent par écrit) n’était pas la cause pour laquelle Mme Lafrance n’avait pas obtenu de télétravail. Cette exigence a plutôt ralenti et alourdi les échanges de renseignements qui pouvaient être utiles à la recherche d’un arrangement raisonnable.

83 La représentante soumet que la question soumise par le représentant de Mme Lafrance à savoir si le simple fait de communiquer avec les gens du ministère constitue un effort raisonnable n’est pas la question à être tranchée. Elle soumet que la première question est de déterminer si l’employé a établi un cas prima facie de discrimination. La seconde est de déterminer si le télétravail à temps plein constitue une contrainte excessive.

84 En réponse à l’allégation que l’employeur n’a complété que la première étape des quatre étapes du processus pour trouver un arraangement pour Mme Lafrance, la représentante soumet que lors de l’audition des premiers griefs de Mme Lafrance, l’employeur a prouvé que la deuxième étape du processus a été atteinte en établissant que le poste de Mme Lafrance ne pouvait être modifié de façon à faire du télétravail à temps plein, ce qui aurait constitué une contrainte excessive. Elle soumet également que la preuve démontre aussi qu’il n’y avait pas d’autres postes à Statistique Canada se prêtant au télétravail à temps plein, compte tenu de la nature confidentielle des tâches. Elle ajoute que l’employeur n’a pas à prouver qu’il était impossible de modifier les tâches provenant de toute la fonction publique, la Cour suprême du Canada ayant établi dans Hydro Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43 que le critère à appliquer est celui de la contrainte excessive et non de l’impossibilité. Elle note aussi que la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur l’emploi dans la fonction publique ne donnent à l’administrateur général d’un ministère pleine autorité sur la gestion des ressources humaines que dans son propre ministère. Statistique Canada ne peut donc assigner des tâches provenant d’un autre ministère et il ne peut encourir des dépenses à l’extérieur de son mandat.

85 La représentante soumet que les arguments du représentant de Mme Lafrance pour ce qui est des statistiques portant sur le télétravail ne sont pas à retenir car ces statistiques ne reflètent pas le télétravail à temps plein mais tous les types de télétravail, qu’il soit à temps plein, à temps partiel et même ad hoc. Les statistiques ne reflètent pas non plus les types de tâches pas plus que les qualifications requises pour les exécuter.

86 La représentante soumet qu’en vertu de la jurisprudence, il n’existe pas d’obligation de créer un poste de toutes pièces. Plusieurs des décisions soumises par le représentant de Mme Lafrance relèvent du secteur privé et elles ne sont pas en lien avec la réalité au sein de la fonction publique fédérale. Dans plusieurs de ces cas les limites fonctionnelles étaient connues. Quant à Begley, elle peut être écartée car le ministère en question était beaucoup plus gros et l’employeur connaissait les limitations fonctionelles du plaignant. Dans le cas qui nous concerne, pour Mme Lafrance, seul le télétravail à temps plein était une solution acceptable.

87 La représentante soumet qu’il faut être prudent dans la considération des arguments soumis par le représentant de Mme Lafrance. En effet aucune preuve soumise ne supporte les allégations voulant que le programme d’affectations spéciales était discriminatoire ou que le cas de Mme Lafrance s’était aggravé parce qu’elle n’avait pas de travail. La seule preuve médicale soumise a été celle de savoir qu’elle était inapte au travail. La représentante soumet également que l’employeur prend toujours au sérieux toute demande d’adaptation et soulève le fait que la décision 2007 CRTFP 31 a été rendue aux trois quarts de la période visée par les présents griefs.

88 La représentante a donné ses propres commentaires sur le témoignage de Mme Lafrance. Elle note que contrairement aux allégations relatives au manque de communication qu’elle a fait lors de l’interrogatoire principal, en contre-interrogatoire Mme Lafrance a admis que l’employeur avait mis sur pied des téléconférences mensuelles pour discuter des possibilités d’emploi, des renseignements médicaux et de l’utilisation des crédits de congés, et que Mme Grenier a tenu informé le syndicat et Mme Lafrance des démarches de l’employeur pour identifier les possibilités de télétravail existantes (pièce PS-44). La correspondance de Mme Grenier indique clairement que les recherches étaient en cours partout à Statistique Canada, que tous les directeurs généraux ont été informés de la situation de Mme Lafrance et que la Division des opérations des enquêtes cherchait toujours une occasion de télétravail disponible pour Mme Lafrance. L’employeur a aussi pris des dispositions pour faciliter la recherche d’emploi de Mme Lafrance en lui donnant accès à Publiservice à partir de son domicile.

89 La représentante note aussi que c’est à la suite d’une demande expresse de son représentant syndical que les conférences téléphoniques ont pris fin pour être remplacées par des communications écrites. Elle soumet à cet égard les pièces PE-19, PR-45 et G-29. La représentante note que Mme Lafrance a admis ne pas avoir répondu au courriel de M. Wrighte qui lui demandait sa coopération pour identifier un spécialiste en mesure d’identifier ses limitations fonctionnelles pour trouver un arrangement raisonnable. La preuve a également révélé que Mme Lafrance a obtenu un billet du médecin daté du 27 mars 2007 indiquant « medical illness » (pièce PS-29) et que ce n’est qu’en juin 2007 qu’elle a fait une demande de prestations d’assurance-invalidité (pièce PS-27) alors qu’elle avait été informée de la possibilité d’obtenir de telles prestations en août 2006 (pièce PS-18).

90 La représentante soumet que ce n’est qu’en mai 2007 que Mme Lafrance a accepté de se soumettre à une évaluation médicale (pièce PS-21) et à la suite de cette évaluation en date du 26 septembre 2007, Mme Lafrance a été déclarée inapte à travailler (pièce PS-24). La représentante souligne qu’à cette même date Statistique Canada demandait à Santé Canada si une retraite médicale était possible (pièce PS-23). Le syndicat à fait parvenir en novembre 2007 (pièce PS-25) une évaluation médicale provenant d’un médecin indépendant pour déterminer la condition médicale à long terme de Mme Lafrance. C’est sur la base de ces renseignements que Santé Canada a autorisé la retraite médicale de Mme Lafrance pour son incapacité permanente à partir de janvier 2007 (pièce PS-26).

91 La représentante soumet que Mme Lafrance a confirmé avoir bénéficié de congés payés sous toutes formes durant la période d’avril 2006 à août 2006 et qu’elle a été payée pour des services rendus pour deux périodes en août 2006 et en janvier 2007 (pièces PS-16 et PS-17). Mme Lafrance n’a présenté aucune preuve voulant que l’employeur a omis de lui payer du salaire pour services rendus durant la période visée par les griefs.

92 Se tournant vers ses propres arguments, la représentante de l’employeur souligne que les griefs de Mme Lafrance sont l’occasion d’établir une jurisprudence concernant l’obligation des parties quant au devoir de prendre des mesures d’adaptation. Bien que la jurisprudence est vaste sur l’obligation de l’employé et de l’employeur, elle note qu’il existe peu de jurisprudence sur la responsabilité du syndicat.

93 La représentante soumet que la jurisprudence en matière de discrimination et d’accommodement prévoit que le plaignant doit établir un cas prima facie de discrimination. Elle renvoie à cet égard à la décision de la Cour Suprême du Canada Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpson-Sears Ltd., [1985] 2 R.C. S 536. Elle note aussi que la Cour Suprême dans Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970, a statué qu’il incombe aussi au plaignant de proposer une solution et que le Tribunal canadien des droits de la personne, dans Patricia Butler, D.T. 12/02, déclare que l’on doit examiner soigneusement le comportement de l’employé. Elle renvoie également aux décisions Twetten c. RTL Robinson Entreprises Ltd, 2005 TCDP 8, et Kandola v. Canada (Attorney General), 2009 FC 136, pour ce qui est de l’obligation de l’employé de fournir les renseignements médicaux quant à ses limites physiques. À son avis, il est donc clair qu’un employé a l’obligation de fournir l’information médicale nécessaire et de participer à la recherche d’une solution, sans quoi il ne peut être allégué que l’employeur a omis de prendre les actions nécessaires. Un employé qui requiert des mesures d’adaptation doit identifier ses limites et ses besoins. Un employeur ne peut procéder à l’adaptation s’il ne connaît pas les limitatons fonctionnelles de l’employé concerné.

94 La représentante soumet que la situation à laquelle l’employeur faisait face était celle de ne pas connaître les limitations fonctionnelles de Mme Lafrance. L’employeur savait que Mme Lafrance souffrait d’une condition médicale et que son médecin avait recommandé comme mesure d’adaptation le télétravail à temps plein. Le télétravail à temps plein constitue une recommandation d’adaptation, un arrangement possible, mais ne constitue pas une limitation fonctionnelle.

95 La représentante soumet qu’en dépit du fait que l’obligation incombe à l’employé de fournir à l’employeur les renseignements sur ses limitations fonctionnelles, la preuve a démontré, lors de l’audition des premiers griefs, que l’employeur a été proactif en demandant à maintes reprises au médecin de Mme Lafrance de l’information sur la situation de Mme Lafrance. La preuve a démontré que ces multiples efforts se sont avérés infructueux, en dépit de l’aide de la Commission canadienne des droits de la personne. Comme ces efforts étaient infructueux, l’employeur a suggéré à Mme Lafrance une évaluation par Santé Canada. Or, Mme Lafrance s’est opposée à cette évaluation (pièce E-54).

96 La représentante soumet que l’employeur n’a jamais cessé de tenter d’obtenir cette information (pièces PE-19, G-29 et PE-48) et que Mme Grenier et M. Carbonneau ont tous deux témoigné que cette information était nécessaire pour trouver un arrangement raisonnable et que l’exigence de télétravail à temps plein rendait difficile la recherche d’une solution. Comment peut-on reprocher à l’employeur de ne pas suggérer différents types d’arrangements lorsque la seule solution possible est le télétravail à temps plein? De plus, en aucun temps Mme Lafrance et le syndicat n’ont répondu aux demandes de suggestions ou de propositions (pièces G-29, Pe-44 et Pe-45). L’employeur s’est trouvé seul avec le devoir de trouver des mesures d’adaptation alors que la jurisprudence établit clairement qu’il s’agit d’une responsabilité partagée.

97 La représentante soumet que l’employeur n’a pas manqué à son devoir de chercher un arrangement raisonnable puisque ses recherches ont été limitées par des exigences professionnelles. Elle renvoie aux décisions Hydro Québec, Centre universitaire de santé McGill c. Syndicat des employés de l’hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, et Guibord c. Canada (Conseil du Trésor), [1997] 2 F.C. 17. La représentante souligne que d’autres employés souffrant de la même condition médicale n’avaient pas la même exigence de télétravail à temps plein et ils ont pu être aidés.

98 S’appuyant sur la décision 2007 CRTFP 31, la représentante soumet qu’on a prouvé que l’employeur n’avait pas manqué à son devoir de chercher un arrangement raisonnable jusqu’à contrainte excessive pour permettre à Mme Lafrance de continuer de travailler. Elle souligne que le travail a été décortiqué et que les possibilités de télétravail ont été évaluées. Les témoignages de MM. Carbonneau et Wrighte ont établi qu’il existe très peu de possibilités de télétravail au sein du poste d’attache de Mme Lafrance en raison de la nature du travail et que la même réalité existe à l’extérieur de la Division des opérations des enquêtes au sein de Statistique Canada. Le télétravail n’est possible que de façon ad hoc et l’employeur n’a jamais abandonné la recherche de ce type de travail pour Mme Lafrance. Mme Trottier-Guilbaud a aussi témoigné des différentes stratégies mises de l’avant pour identifier le télétravail existant qui ont été utilisées jusqu’en septembre 2007 (pièces Pe-31 à Pe-36). La preuve démontre qu’il n’y a pas eu un seul mois sans que l’employeur ne fasse des recherches pour trouver du télétravail de niveau équivalent ou inférieur et que les courriels aux différents bureaux régionaux et divisions de Statistique Canada indiquaient que la Division des opérations des enquêtes assumerait le salaire de Mme Lafrance. La représentante souligne aussi qu’une autre stratégie employée a été de faire parvenir le curriculum vitae de Mme Lafrance aux différents gestionnaires lorsque ceux-ci avaient des besoins en matière de ressources humaines. Les recherches se sont aussi étendues à plus d’une trentaine de ministères par courriel et au moyen du réseau de contacts professionnels pour tenter de trouver du télétravail pour Mme Lafrance. Elle ajoute que la preuve a démontré que bien que Mme Trottier-Guilbaud n’ait pas communiqué personnellement avec Mme Lafrance cette dernière était au courant des initiatives prises à son égard (pièces Pe-19 et Pe-44) et elle avait accepté de participer à ces initiatives en fournissant son curriculum vitae (pièce Pe-38).

99 La représentante souligne que M. Carbonneau a témoigné que, durant la période visée par les présents griefs, soit de mars 2006 à août 2007, le poste substantif de Mme Lafrance n’avait pas changé et qu’on ne pouvait pas envisager du télétravail à temps plein compte tenu des exigences législatives en matière de confidentialité. M. Carbonneau a témoigné à savoir que Statistique Canada avait déployé des efforts concertés et a mis à profit plusieurs outils et ressources afin de trouver le télétravail existant pouvant convenir à Mme Lafrance. On a même envisagé la création d’un nouveau poste comme rédacteur-réviseur jusqu’au moment où l’on s’est rendu compte, après une période d’essai, que Mme Lafrance n’était pas qualifiée pour ce poste.

100 La représentante souligne que M. Carbonneau a clairement indiqué qu’on ne pouvait assigner tout télétravail, tel que le travail des économistes, à Mme Lafrance compte tenu de ses qualifications. Les statistiques de télétravail évoquées par le syndicat n’indiquent pas s’il s’agit de télétravail à temps plein et ne précisent pas les qualifications requises pour exécuter le travail.

101 La représentante souligne que Statistique Canada a appris de la Commission de la fonction publique que pour accéder au système de priorité pour être nommé dans un autre poste, il était nécessaire que l’employé reçoive des prestations d’assurance-invalidité. Elle ajoute que Mme Grenier a communiqué cette information à Mme Lafrance (pièce G-29) et que ni Mme Lafrance, ni le représentant n’ont répondu à cette lettre. La gestion s’est aussi assurée d’être informée de tout poste qui devait être doté et qui se prêterait au télétravail.

102 La représentante souligne que M. Wrighte a témoigné qu’en plus des nombreuses initiatives mises de l’avant et des propositions faites pour accéder à un statut prioritaire, dès son arrivée, il a entrepris l’initiative additionnelle de s’assurer que lors des réunions de gestion, les possibilités de travail pour Mme Lafrance soient discutées (pièce PS-46) et ce, toutes les deux semaines sur une période d’un an de novembre 2006 à novembre 2007. M. Wrighte a aussi confirmé que, depuis son arrivée en poste, ni les enquêtes ni le poste substantif de Mme Lafrance n’avaient changé.

103 La représentante soumet que la preuve démontre clairement que l’employeur n’a jamais cessé ces recherches et qu’il les a étendues aux régions, aux divisions ainsi qu’à différents ministères pour des postes de niveau équivalent ou inférieur au poste de SI-02 occupé par Mme Lafrance. La représentante ajoute que la décision d’embauche relève de l’administrateur du ministère.

104 La représentante soumet que la jurisprudence reconnaît que l’employeur n’est pas tenu de créer un nouveau poste pour satisfaire aux besoins d’un employé. Renvoyant aux décisions Kerr-Alich c. Conseil du Trésor (ministère du Développement social), 2007 CRTFP 33, Canadian National Railway Co. v. Brotherhood of Locomotive Engineers (Re) (2003), 118 L.A.C. (4e) 228 et Vancouver Island Health Authority v. British Columbia Nurses’ Union (2004), 129 L.A.C. (4e) 161, la représentante souligne que le critère pour déterminer si une mesure d’adaptation est raisonnable est celui de se demander si le travail est utile et productif pour l’employeur.

105 La représentante soumet que la preuve démontre que l’employeur a agi de bonne foi et a toujours continué de mettre en œuvre diverses stratégies et initiatives pour tenter de trouver un arrangement raisonnable pour Mme Lafrance. Le télétravail à temps plein au sein du poste substantif de Mme Lafrance ainsi qu’à l’intérieur de Statistique Canada représente une contrainte excessive. Elle ajoute que M. Carbonneau a très bien expliqué que l’analyse de tous les postes de la fonction publique était aussi une contrainte excessive. D’ailleurs, chaque administrateur est responsable de son ministère et il n’y a pas d’obligation de créer un poste rassemblant des fonctions de différents ministères. L’employeur a agi à l’intérieur des limites du cadre législatif et il ne s’est pas contenté de faire de brèves recherches. Statistique Canada s’est conduit de façon exemplaire.

106 Quant au deuxième grief, la représentante soumet que Mme Lafrance avait la charge de prouver que l’employeur avait contrevenu à l’article 27 de la convention collective établissant son droit à la rémunération. Or, Mme Lafrance a été rémunérée pour le travail qu’elle a effectué, pour à sa présence à l’arbitrage des premiers griefs et à la médiation, et il n’y a pas de preuve à savoir que l’employeur a contrevenu à l’article 27 de la convention collective.

C. Réplique de la fonctionnaire s’estimant lésée

107 Le représentant de Mme Lafrance souligne qu’une bonne partie de l’argumentaire soumis par l’employeur a été présentée lors de l’audition des premiers griefs en juillet 2006 et qu’il n’y a pas lieu de revenir sur cette décision. Entre autres, il note que la question médicale a été débattue et une décision a été rendue. Il ajoute qu’il n’était pas possible que Mme Lafrance obtienne un rendez-vous médical avec un médecin de Santé Canada de son plein gré. Bien que dans son courriel du 12 janvier 2007, M. Wrighte souligne les prétendus problèmes au niveau des renseignements médicaux, ce n’est que le 28 mai 2007 que l’employeur a demandé à Mme Lafrance de se soumettre à une évaluation par Santé Canada, demande qu’elle a accepté le 10 juin 2007 en signant le formulaire approprié (pièce Pe21) et qui a été envoyé à Santé Canada le 23 août 2007 par l’employeur, plus d’un mois et demi après que Mme Lafrance ait signé le formulaire. Le rendez-vous a été fixé pour le 26 septembre 2007 et Mme Lafrance s’y est présentée. Prétendre que Mme Lafrance n’a pas coopéré pour clarifier la situation médicale est faux.

108 Le représentant soumet que la représentante de l’employeur soulève le même prétexte que le représentant de l’employeur lors des premiers griefs pour prétendre que l’employeur ne peut trouver un arrangement raisonnable pour Mme Lafrance s’il ne connaît pas ses limitations fonctionnelles. Or, le représentant soulève que l’employeur a déjà trouvé un tel arrangement pour Mme Lafrance entre octobre 2005 et mars 2006, en août 2006 et en janvier 2007 et ce, en dépit du manque de renseignement sur les limitations fonctionnelles. Le représentant souligne que les allégations de manque de renseignements sur les limitations fonctionnelles de Mme Lafrance n’ont été soulevées que lorsque l’employeur n’a pu trouver un arrangement pour Mme Lafrance.

109 Le représentant reconnaît que les efforts pour trouver des mesures d’adaptation raisonnables doivent être faits par les trois parties. Il ajoute toutefois que la responsabilité de la Mme Lafrance et de son syndicat ne débute qu’une fois qu’une proposition raisonnable est soumise par l’employeur. Or, la preuve démontre que lors des trois occasions où une proposition raisonnable et concrète a été faite à Mme Lafrance, celle-ci l’a acceptée.

110 Le représentant soumet que Mme Lafrance a communiqué à deux reprises avec son nouveau gestionnaire, M. Wrighte, soit le 26 septembre 2006 et le 5 juillet 2007 (pièces PS-4 et PS-8) pour l’informer qu’elle était disponible pour faire n’importe quel travail. Il ajoute que le témoignage de Mme Trottier-Guilbaud établit que le processus de recherche d’emploi que menait l’employeur n’a jamais été communiqué à Mme Lafrance. Comment pouvait-elle participer à ce processus alors qu’on ne lui a jamais fourni de copie des correspondances envoyées aux différents gestionnaires?

111 Le représentant soumet que dans Renaud, la Cour suprême du Canada a stipulé que la responsabilité de trouver un arrangement raisonnable est une responsabilité de toutes les parties, mais aussi que lorsque l’employeur a trouvé un arrangement raisonnable, l’employé doit coopérer et faciliter la mise en œuvre de la proposition. Le principe de la responsabilité de l’employé a été énoncé dans Canpar c. U.S.W.A., Loc. 1976 (2000), 93 L.A.C. (4e) 208.

112 Le représentant soumet que dans le cas de Mme Lafrance, l’employeur ne lui a pas offert de possibilité d’emploi et les efforts déployés par l’employeur ne satisfont pas aux critères établis par la jurisprudence.

V. Motifs

113 Si la responsabilité première de trouver un arrangement raisonnable pour aider un employé ayant des limitations fonctionnelles repose sur les épaules de l’employeur, cette responsabilité n’en est pas une de créer de toutes pièces un poste sans tenir compte des besoins opérationnels. La Cour suprême du Canada, dans Hydro-Québec, a clairement indiqué que le critère n’est pas l’impossibilité pour un employeur de composer avec les caractéristiques d’un employé. La Cour suprême a spécifié que l’employeur n’a pas l’obligation de modifier de façon fondamentale les conditions de travail, mais a cependant l’obligation d’aménager, si cela ne lui cause pas une contrainte excessive, le poste de travail ou les tâches de la fonctionnaire pour lui permettre de fournir sa prestation de travail.

114 Dans la présente affaire, la preuve montre que l’employeur a mis en œuvre les moyens nécessaires et appropriés pour trouver un arrangement raisonnable pour Mme Lafrance durant la période visée par les présents griefs, jusqu’à la contrainte excessive. Ces efforts ont permis d’identifier, à certains moments, du travail pouvant être effectué en situation de télétravail. Cette exigence de télétravail à temps plein posait toutefois un obstacle important à la recherche d’une solution à la situation de Mme Lafrance. La preuve a établi clairement que le télétravail à temps plein n’était pas disponible de façon continue et soutenue, même après avoir décortiqué les tâches du poste de Mme Lafrance, et avoir envisagé l’ajout de travail provenant d’autres secteurs, d’avoir étendu la recherche à toutes les régions de Statistique Canada ainsi qu’à d’autres ministères.

115  J’ajouterais que compte tenu de la nature du problème de santé révélé par Mme Lafrance, soit l’apnée du sommeil, il ne faut pas se surprendre des efforts de l’employeur pour tenter de cerner plus spécifiquement les limitations fonctionnelles de Mme Lafrance. D’autant plus que ce n’était pas la première fois que Statistique Canada avait fait face à ce type de problème, et qu’il l’avait fait en aménageant une salle de repos pour les employés qui en souffraient. Mme Lafrance n’a pas manqué à son devoir de signaler ses limitations fonctionnelles, ce qui aurait eu pour conséquence de la priver de son droit à un arrangement raisonnable. Cependant, en indiquant, par l’entremise de son médecin, qu’elle n’était disponible que pour travailler en situation de télétravail, la seule solution possible qui permettait à Mme Lafrance de continuer de travailler se limitait au télétravail. On ne peut blâmer l’employeur de manquer d’imagination dans la recherche de solution quand les renseignements fournis ne permettent guère autre chose que le télétravail à temps plein. Toutefois, malgré ce manque d’information relative aux limitations fonctionnelles de Mme Lafrance, information qui aurait peut-être permis d’étendre le champ de recherche de solutions, la preuve établit que Statistique Canada n’a pas lésiné dans la recherche d’une solution raisonnable durant la période visée par les griefs. Ce n’est pas parce que l’employeur n’a pu trouver un aménagement raisonnable durable, compte tenu des limitations fonctionelles de Mme Lafrance et des contraintes du milieu de travail, qu’il a manqué à ses devoirs en vertu de la LCDP. Force est de constater que durant la période visée par le grief, compte tenu des circonstances de Statistique Canada et des qualifications de Mme Lafrance, le télétravail à temps plein représentait bien pour l'employeur une contrainte excessive.

116 À ce jour, je ne comprends pas les motifs qui ont mené Mme Lafrance à ne présenter une demande de prestations d’assurance-invalidité qu’en juillet 2007. Ce faisant, elle s’est privée non seulement d’un revenu auquel elle avait droit, mais elle s’est aussi privée de la priorité administrative accordée aux employés ayant des limitations fonctionelles et bénéficiant de l’assurance-invalidité dans la dotation de poste au sein de la fonction publique. La raison invoquée par Mme Lafrance voulant que cette demande ait été en contradiction avec son affirmation qu’elle était apte à travailler démontre une incompréhension importante de sa situation, de ses droits et des conséquences de son inaction.

117  La recherche d’un arrangement raisonnable s’est avéré un échec. Cet échec, attribuable tant aux limites fonctionnelles de Mme Lafrance qu’aux contraintes légitimes du milieu de travail, ne peut être attribué à l’employeur pas plus qu’il ne peut être attribué à Mme Lafrance ou son syndicat.

118 Dans ces circonstances,  je ne peux pas conclure que l’employeur a manqué à son devoir de chercher un arrangement raisonnable. Par conséquent je ne peux faire droit aux réclamations présentées en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

119 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

120 Les griefs sont rejetés

Le 22 septembre 2009.

Georges Nadeau,
arbitre de grief

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