Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante blâmait l’agent négociateur d’avoir refusé de l’appuyer dans ses griefs contre l’employeur - un grief portait sur le harcèlement, l’autre sur des saisies de salaire - la Commission a jugé que les plaintes étaient hors délai - de plus, les saisies salariales ne sont pas liées à la relation employeur-employé mais bien à la relation entre contribuable et État, de sorte que l’agent négociateur n’y a aucun rôle à jouer. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-10-16
  • Dossier:  561-34-390
  • Référence:  2009 CRTFP 132

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

NICOLE HÉROLD

plaignante

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA ET DARIO GRITTI

défendeurs

Répertorié
Hérold c. Alliance de la Fonction publique du Canada et Gritti

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, commissaire

Pour la plaignante:
Elle-même

Pour les défendeurs:
Nathalie St-Louis, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 15 mai, le 2 juin et le 26 septembre 2009.

Plainte devant la Commission

1 Le 30 avril 2009, Nicole Hérold (la « plaignante ») a déposé une plainte à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») contre l’Alliance de la Fonction publique du Canada et Dario Gritti (les « défendeurs »). La plaignante fonde sa plainte sur l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « Loi »). La plaignante reproche aux défendeurs d’avoir refusé de l’aider et de la représenter pour un grief qu’elle voulait déposer en 2007 contre son employeur d’alors, l’Agence du revenu du Canada.

2 En février 2007, la plaignante a voulu déposer un grief contre son employeur, car selon elle, elle était victime de traitement inégal, de discrimination et de harcèlement. M. Gritti, alors chef délégué syndical local, n’a pas donné suite au grief. En août 2007, la plaignante a tenté, pour une deuxième fois, de déposer le grief qui n’avait pas pu être déposé en février. M. Gritti a alors refusé de donner son appui au grief et d’y donner suite. En septembre 2007, M. Gritti a écrit à la plaignante pour lui faire part des motifs à l’appui de sa décision.

3 La plaignante a déposé plusieurs documents à la Commission eu égard aux problèmes qu’elle vivait avec son employeur et à ses démarches pour obtenir l’aide du syndicat local pour déposer un grief. Ces documents datent de 2006 et 2007.

4 La plaignante blâme aussi les défendeurs de ne pas l’avoir aidée dans ses démêlés avec diverses instances du gouvernement fédéral au sujet de saisies de salaire, puis de saisies de revenus de pension. Selon la plaignante, ces saisies étaient injustifiées. Les saisies faisaient suite à des différends entre la plaignante et les instances gouvernementales quant à l’impôt sur le revenu, la taxe sur les produits et services et des prêts étudiants.

5 Dans la documentation soumise, la plaignante n’indique pas précisément quand elle s’est adressée aux défendeurs pour obtenir l’aide recherchée. Toutefois, dans un courriel qu’elle a écrit le 4 avril 2007, la plaignante prétend que les saisies ont commencé en 2005. Par contre, la plaignante déclare qu’elle a intenté une poursuite contre l’Agence du revenu du Canada le 14 janvier 2009 relativement à ces saisies et qu’elle n’a pas obtenu l’aide des défendeurs dans cette poursuite.

6 La plaignante allègue que les défendeurs ont pris pour son employeur lorsqu’elle a voulu déposer un grief au sujet du traitement inégal, de la discrimination et du harcèlement dont elle se disait victime en 2007. Les défendeurs auraient alors contrevenu à l’alinéa 190(1)g) de la Loi et aux dispositions auxquelles cet alinéa renvoie. La plaignante fait aussi référence « aux articles 47.2 et suivants du Code du travail ».      

7 La plaignante indique dans sa plainte qu’elle n’a été avisée que le 27 février 2009 qu’elle pouvait poursuivre son syndicat en déposant une plainte à la Commission.

8 Les défendeurs prétendent que les griefs que la plaignante voulait déposer en 2007 allaient probablement perpétuer la situation que la plaignante voulait faire cesser. Les défendeurs ont avisé la plaignante qu’elle était libre de déposer un grief seule sans le consentement de l’agent négociateur.

9 Les défendeurs reconnaissent que la plaignante les a approchés au sujet des démêlés qu’elle avait avec les instances du gouvernement fédéral au sujet de sommes dues et de saisies de salaire. Selon les défendeurs, les possibilités d’intervention s’avéraient relativement limitées, voire impossibles, à l’égard de ce genre de sujet.

10 Les défendeurs soumettent que la plaignante n’a pas prouvé qu’ils ont enfreint la Loi et qu’ils ont agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Qui plus est, les défendeurs soumettent que la plainte a été déposée en dehors du délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi. La plainte a été déposée le 30 avril 2009 et les prétendues violations de la Loi remontent à 2007.         

Motifs

11 La plaignante fonde sa plainte sur l’alinéa 190(1)g) de la Loi. Cet alinéa renvoie à l’article 185 de la Loi. Cet article fait état de diverses pratiques déloyales dont les manquements au devoir de représentation dont il est question à l’article 187 de la Loi. Ces dispositions de la Loi se lisent comme suit :

190.(1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[…]

185.Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

187.Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

12 Les défendeurs prétendent qu’ils n’ont pas enfreint ces dispositions de la Loi. Ils prétendent aussi que la plainte est hors délai. Le paragraphe 190(2) de la Loi prescrit qu’une plainte visée au paragraphe 190(1) doit être déposée dans un délai de 90 jours :

190.(2)

Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

13 Les documents soumis par la plaignante démontrent clairement qu’elle savait dès 2007 que les défendeurs refusaient de l’aider ou de la représenter dans le litige qui l’opposait alors à son employeur. Face à refus, elle avait 90 jours pour déposer une plainte à la Commission. Or, la plainte a été déposée le 30 avril 2009. La plainte n’a donc pas été déposée à l’intérieur du délai de 90 jours que prévoit la Loi

14 La plaignante avance qu’elle n’a appris que le 27 février 2009 qu’elle pouvait déposer une plainte et, à son dire, qu’elle pouvait « poursuivre son syndicat ». L’ignorance de la plaignante de l’existence de ses droits ne peut être invoquée pour faire fi des délais qu’impose la Loi. Dans Panula c. Agence du revenu du Canada et Bannon, 2008 CRTFP 4, la Commission a conclu que le délai de 90 jours prescrit par le paragraphe 190(2) de la Loi est obligatoire. En outre, aucune disposition de la Loi ne confère à la Commission le pouvoir de proroger ce délai. La seule discrétion possible pour la Commission est relative à la connaissance des faits donnant lieu à la plainte, ce qui ne s’applique pas ici.    

15 La partie de la plainte ayant trait au refus des défendeurs d’aider la plaignante ou de la représenter dans le litige qui l’opposait à son employeur en 2007 est donc rejetée, car la plainte n’a pas été déposée à l’intérieur des 90 jours suivant les actions reprochées aux défendeurs.

16 La deuxième partie de la plainte renvoie aux démêlés de la plaignante avec les instances du gouvernement fédéral au sujet de sommes dues et de saisies de salaire. Ces démêlés remontent à 2005. Il m’est impossible de déterminer, à partir des documents soumis par les parties, à quand remontent précisément les dernières demandes d’aide de la plaignante auprès des défendeurs. Il semblerait que la plaignante a demandé en vain aux défendeurs de l’aider à intenter une poursuite qu’elle a finalement intentée elle-même le 14 janvier 2009. Ce refus d’aide par les défendeurs se doit donc d’être antérieur au 14 janvier 2009, ce qui est en dehors du délai de 90 jours prescrit par la Loi.

17 Quoi qu’il en soit, même si je concluais que cette deuxième partie de la plainte avait été déposée à l’intérieur du délai de 90 jours, je rejetterais la plainte. Les défendeurs prétendent que leurs possibilités d’intervention étaient relativement limitées, voire impossibles, à l’égard de ce genre de sujet. Les défendeurs étaient tout à fait en droit d’arriver à une telle conclusion, qui n’a rien de discriminatoire ou d’arbitraire, ou qui ne me semble pas empreinte de mauvaise foi. Les problèmes en question de la plaignante ne découlent pas de la relation employeur-employé ou des relations de travail à l’égard desquelles les défendeurs sont habilités à intervenir, mais plutôt de la relation citoyen-État de la plaignante avec les instances gouvernementales.

18 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

19 La plainte est rejetée.

Le 16 octobre 2009.

Renaud Paquet,
commissaire

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