Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant était insatisfait de la représentation que son agent négociateur lui avait fournie - après avoir obtenu une opinion juridique détaillée et avoir examiné le dossier, l’agent négociateur a refusé de renvoyer le grief du plaignant à l’arbitrage et de déposer une plainte contre l’employeur devant la Commission - la Commission a décidé que l’agent négociateur n’avait pas agi de manière discriminatoire ou arbitraire ou de mauvaise foi en matière de représentation du plaignant. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-10-22
  • Dossier:  561-03-406
  • Référence:  2009 CRTFP 139

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

JOHN DETORAKIS

plaignant

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Detorakis c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, commissaire

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour le défendeur :
Geoffrey Grenville-Wood et Isabelle Roy, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 29 juillet et le 28 septembre 2009.
(Traduction de la CRTFP.)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 13 juillet 2009, John Detorakis (le « plaignant ») a déposé une plainte contre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) (le « défendeur ») en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, c. 22 (la « Loi »). Le plaignant alléguait que le défendeur s’était livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185 de la Loi.

2 Le plaignant déclarait, dans sa plainte, que le défendeur avait refusé, le 20 mai 2009, de déposer une plainte contre son employeur devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »). Il déclarait que le défendeur était revenu en partie sur sa décision et qu’il avait déposé un grief le 29 mai 2009. Le plaignant accuse le défendeur d’avoir attendu 18 jours avant de l’aviser que l’employeur avait rejeté le grief du 29 mai 2009 et d’avoir refusé de renvoyer le grief à l’arbitrage. Le plaignant demande à la Commission de déclarer que le défendeur s’est livré à une pratique déloyale, de lui accorder des dommages-intérêts et d’ordonner que le président de l’IPFPC lui présente des excuses.

II. Résumé des observations

3 Le plaignant a travaillé à la Commission canadienne de sûreté nucléaire (l’« employeur »), comme ingénieur, de 1982 jusqu’à sa retraite, le 29 mai 2009.

4 En 2003, le plaignant a eu plusieurs différends avec l’employeur. En juillet 2003, il a déposé trois griefs à propos de ces conflits (dossiers de la CRTFP 166-03-33854, 33930 et 33931). En septembre 2003, le défendeur a également déposé une plainte de pratique déloyale contre l’employeur (dossier de la CRTFP 161-03-1269). La plainte visait plusieurs employés de l’employeur, dont le plaignant. Le 11 janvier 2005, les trois griefs et la plainte ont été résolus à l’issue d’un processus de médiation et les parties ont conclu une entente de règlement.

5 Le plaignant soutient que l’employeur a contrevenu à certaines dispositions de l’entente de règlement de janvier 2005. Dans une autre plainte, déposée en décembre 2007 (dossier de la CRTFP 561-03-208), le plaignant condamnait le défendeur et son représentant pour la représentation qu’ils lui avaient fournie relativement à la plainte de 2005 et les trois griefs de 2003. Le plaignant alléguait que le défendeur et son représentant n’avaient pas respecté l’interdiction énoncée à l’article 187 de la Loi. La plainte a été résolue à l’issue d’un processus de médiation et une entente de règlement a été conclue le 6 mars 2009.

6 Le défendeur a annexé une copie de l’entente du 6 mars 2009 à ses arguments datés du 29 juillet 2009. L’article 9 de l’entente indique expressément que le défendeur peut divulguer le contenu de l’entente dans le cadre de toute procédure engagée contre lui par le plaignant relativement à des questions ayant trait à l’entente ou découlant de celle-ci.

7 Dans l’entente du 6 mars 2009, le défendeur convient d’obtenir une opinion juridique sur les recours ou les mesures de réparation qui s’offrent au plaignant relativement à la violation de l’entente de 2005 par l’employeur. L’opinion juridique devait également porter sur les recours possibles du plaignant relativement à une lettre de l’employeur l’avisant qu’il souhaitait mettre fin à la relation d’emploi et à deux demandes d’indemnisation que le plaignant avait présentées à la Commission de la santé, de la sécurité et de l'indemnisation des accidents au travail du Nouveau-Brunswick (CSSIAT). Dans l’entente de mars 2009, le défendeur convenait également de fournir une représentation au plaignant dans le cadre de tout recours « [traduction] […] ayant une chance raisonnable de succès, étant entendu que les chances de succès doivent être d’au moins 60 %. » En échange de cet engagement, le plaignant acceptait de « [traduction] […] libérer définitivement le défendeur de toute procédure, de quelque nature que ce soit, ayant trait d’une manière ou d’une autre aux différends survenus durant la période visée par la plainte ou découlant de ces différends. »

8 L’opinion juridique promise a été demandée le 9 mars 2009 et reçue le 24 mars 2009. Le document de 29 pages à simple interligne répond à toutes les questions contenues dans l’entente de mars 2009 et examine les recours et les mesures de réparation qui s’offrent au plaignant. Le 1er avril 2009, le conseiller juridique qui avait rédigé l’opinion juridique a écrit au défendeur pour lui donner quelques précisions au sujet de son opinion juridique du 24 mars 2009. Le défendeur a envoyé au plaignant des copies de l’opinion juridique et des précisions reçues du conseiller juridique.

9 Le 2 avril 2009, le défendeur a écrit au plaignant pour l’informer (1) qu’il était prêt à retenir les services d’un avocat pour porter en appel la décision de la CSSIAT; (2) qu’il voulait discuter avec lui des risques et des avantages qu’il y aurait à tenter de faire annuler l’entente de 2005; (3) qu’il n’était pas prêt à déposer une plainte en vertu de l’article 190 devant la Commission parce qu’il avait déjà déposé et retiré une plainte similaire en 2007 et que le délai de 90 jours prescrit par la Loi pour la présentation d’une plainte était expiré depuis longtemps; (4) qu’il ne pouvait pas appuyer les griefs déposés par le plaignant à propos de la lettre de l’employeur datée de janvier 2009, à moins qu’il y ait eu un changement dans le pronostic établi par les médecins spécialistes; et (5) qu’il refusait d’appuyer une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par le Commissariat à l’intégrité du secteur public. Dans une autre lettre envoyée au plaignant le 29 avril 2008, le défendeur réitère l’essentiel du contenu de sa lettre du 2 avril 2009.

10 Le 7 mai 2009, le plaignant a écrit à l’IPFPC pour lui faire savoir qu’il était insatisfait des mesures prises par les représentants du défendeur et du contenu des lettres d’avril 2009. Dans sa réponse datée du 14 mai 2009, le président de l’IPFPC réitère une partie des positions exprimées par le défendeur dans ses lettres d’avril 2009.

11 Le 29 mai 2009, le défendeur a déposé un grief, pour le compte du plaignant, afin de contester les arguments que l’employeur avait fait valoir devant la CSSIAT en août 2007. Le grief alléguait que ces arguments étaient diffamatoires et qu’ils contrevenaient aux modalités de l’entente de janvier 2005. Le 11 juin 2009, l’employeur a rejeté le grief au fond. Il a également déclaré que le grief était hors délai parce que l’information ayant donné lieu au grief avait été communiquée au fonctionnaire s’estimant lésé le 25 février 2009. La réponse de l’employeur a été expédiée au défendeur le 16 juin 2009. Le défendeur soutient qu’il en a envoyé une copie au plaignant par télécopieur le 17 juin et de nouveau le 29 juin 2009. Le plaignant affirme qu’il a reçu la télécopie du 29 juin 2009, mais pas celle du 17 juin.

12 Le 2 juillet 2009, le plaignant a écrit au défendeur pour lui demander de renvoyer le grief du 29 mai 2009 à l’arbitrage et renouveler sa demande concernant le dépôt d’une plainte en vertu de l’article 190 contre l’employeur. Le plaignant affirme que le défendeur l’a appelé, le 2 juillet 2009, pour lui dire qu’il avait décidé de ne pas renvoyer son grief à l’arbitrage, de ne pas déposer une plainte devant la Commission et de ne pas entreprendre de démarches devant les tribunaux ou la Commission pour faire appliquer l’entente non respectée de 2005. Au cours de la conversation téléphonique, le défendeur a informé le plaignant qu’il était prêt à appuyer une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’employeur de rejeter le grief. Le défendeur a annexé à ses arguments présentés à la Commission une copie de la demande déposée devant la Cour fédérale le 8 juillet 2009.

13 Le 3 juillet 2009, le plaignant a écrit au défendeur pour lui signaler qu’il était en désaccord avec les positions que le défendeur avait exprimées durant la conversation téléphonique de la veille.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le plaignant

14 Le plaignant indique que sa plainte porte sur la conduite du défendeur après le 24 mars 2009 et après le règlement de la plainte dans le dossier de la CRTFP 561-03-208. Il soutient que ce règlement ne l’empêche pas de déposer une plainte relativement à des différends qui sont survenus par la suite.

15 Le plaignant avance également que la décision du défendeur de ne pas déposer une plainte en vertu de l’article 190 après avoir pris connaissance de l’opinion juridique reçue en mars 2009 était discriminatoire et qu’elle a été prise de mauvaise foi. En refusant d’appliquer l’entente de 2005, le défendeur n’a pas respecté les interdictions énoncées à l’article 187 de la Loi.

16 Pour finir, le plaignant soutient que la décision du défendeur de ne pas renvoyer le grief du 29 mai 2009 à l’arbitrage était également discriminatoire et arbitraire et qu’elle a été prise de mauvaise foi. En refusant de renvoyer le grief à l’arbitrage, le défendeur n’a pas respecté les interdictions énoncées à l’article 187 de la Loi.

B. Pour le défendeur

17 Le défendeur avance que le plaignant n’a pas le droit de soulever dans sa plainte des questions ayant trait à l’entente intervenue avec l’employeur en janvier 2005, en raison de l’entente conclue en mars 2009. Le défendeur estime que la plainte doit être rejetée de façon sommaire sur la base du principe de l’irrecevabilité.

18 Le défendeur soutient qu’il n’a jamais agi de manière discriminatoire ou arbitraire eu égard à la plainte et qu’il n’a pas agi de mauvaise foi en ce qui concerne la représentation fournie au plaignant. Au contraire, le défendeur est allé en tout temps bien au-delà de ce qu’exigeait son devoir de représentation pour venir en aide au plaignant.

19 Le défendeur a examiné la demande du plaignant relativement à la présentation d’une plainte de pratique déloyale et au dépôt d’un grief et l’a informé à plusieurs reprises des motifs de ses décisions. En plus de déposer un grief pour le compte du plaignant, le défendeur a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’employeur de rejeter le grief. 

IV. Motifs

20 La présente plainte est basée sur les dispositions suivantes de la Loi :

[…]

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[…]

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[…]

21 Le plaignant accuse le défendeur d’avoir refusé de déposer une plainte contre l’employeur devant la Commission, d’avoir attendu 18 jours avant de l’aviser que l’employeur avait rejeté le grief du 29 mai 2009 et d’avoir refusé de renvoyer le grief à l’arbitrage. Ces accusations constituent l’essence de la présente plainte.

22 Le défendeur a reçu une opinion juridique détaillée à propos des recours et des réparations qui s’offraient au plaignant pour résoudre ses différends avec l’employeur. En se basant sur cette opinion juridique, dont j’ai pris connaissance, et sur l’avis de ses spécialistes internes, le défendeur a décidé de ne pas déposer de plainte devant la Commission. Cette décision n’était certainement pas arbitraire. J’ajouterai à cela que le plaignant n’a pas établi à ma satisfaction que cette décision était discriminatoire ou qu’elle a été prise de mauvaise foi.

23 La même logique s’applique à la décision du défendeur de ne pas renvoyer le grief du 29 mai 2009 à l’arbitrage. Cette décision n’a pas été prise de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. C’était une décision rationnelle basée sur une appréciation des chances de succès à l’arbitrage.

24 Rien dans la Loi n’oblige l’agent négociateur à renvoyer les griefs des employés à l’arbitrage ou à déposer des plaintes pour leur compte. Dans l’arrêt Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre,[1984] 1 R.C.S. 509, la Cour suprême du Canada établit qu’il suffit pour l’agent négociateur de démontrer qu’il a examiné les faits de l’affaire, qu’il en a apprécié le bien-fondé et qu’il a pris une décision rationnelle quant à la pertinence de poursuivre l’affaire. Je suis d’avis que le défendeur s’est amplement acquitté de ces obligations.

25 En ce qui concerne le retard de 18 jours, le défendeur dit qu’il a envoyé la réponse de l’employeur au plaignant le jour après l’avoir reçue de l’employeur. Même si le défendeur avait attendu 18 jours avant de transmettre l’information au plaignant, je n’aurais pas qualifié ce retard de pratique déloyale. Le retard n’a pas causé de préjudice au plaignant, puisque l’information lui a été communiquée assez rapidement pour que le grief puisse être renvoyé à l’arbitrage, au besoin. Le fait que le défendeur ait tardé à transmettre l’information au plaignant, si tel est le cas, ne signifie pas qu’il s’est livré à une pratique déloyale aux termes de l’alinéa 190(1)g) de la Loi.

26 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

27 La plainte est rejetée.

Le 22 octobre 2009.

Traduction de la CRTFP.

Renaud Paquet,
commissaire

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