Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés sont des agents correctionnels de niveau CX-2 - ils réclament de la rémunération provisoire pour les jours où ils donnent de la formation de tir à leurs collègues - la convention collective stipule qu’un employé a droit à de la rémunération provisoire lorsqu’il <<[...] est tenu par l’Employeur d’exécuter une grande partie des fonctions d’un [sic] employé-e d’un niveau de classification supérieur [...]>> - l’arbitre de grief a conclu que les fonctionnaires s’estimant lésés exécutent une partie substantielle des fonctions d’un instructeur national de tir de niveau CX-3 lorsqu’ils donnent de la formation de tir à leurs collègues - il a aussi conclu que la convention collective entrée en vigueur après la présentation des griefs ne restreint pas le droit des fonctionnaires s’estimant lésés à de la rémunération provisoire. Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-10-01
  • Dossier:  166-02-32752 et 33820 à 33823
  • Référence:  2009 CRTFP 117

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SYLVAIN LAVIGNE, DANIEL GAUTHIER, MARIO GAUDET, JACQUES GAUVREAU et
JACQUES ST PIERRE

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Lavigne et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Roger Beaulieu, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
John Mancini, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour l'employeur:
Hughes Moniz, Secrétariat du Conseil du Trésor

Affaire entendue à Sherbrooke (Québec),
le 17 décembre 2008.

I. Griefs renvoyés à l'arbitrage

1 Les fonctionnaires s’estimant lésés Sylvain Lavigne, Daniel Gauthier, Mario Gaudet, Jacques Gauvreau et Jacques St-Pierre (les « fonctionnaires ») sont des agents correctionnels de niveau CX-2. Ils travaillent à l’Établissement Drummond du Service correctionnel du Canada (le « Service »), à Drummondville (Québec). Ils demandent d’être rémunérés au niveau CX-3, comme les instructeurs nationaux de tir au Collège du personnel – Laval (le « Collège »), région du Québec, lorsqu’ils offrent, à titre intérimaire, de la formation de tir aux agents correctionnels de l’Établissement Drummond. De plus, ils demandent tous les autres droits et avantages au niveau CX-3 lorsqu’ils offrent de la formation de tir.

2 Les fonctionnaires fondent leurs griefs sur la clause 50.07 de la convention collective signée entre le Conseil du Trésor et l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN le 2 avril 2001 à l’égard de l’unité de négociation de groupe Services correctionnels (la « convention collective de 2001 »), qui se lit comme suit :

50.07 Lorsque l’employé-e est tenu par l’Employeur d’exécuter à titre intérimaire une grande partie des fonctions d’un employé-e d’un niveau de classification supérieur et qu’il exécute ces fonctions pendant au moins une (1) journée de travail, il touche, pendant la période d’intérim, une rémunération d’intérim calculée à compter de la date à laquelle il commence à remplir ces fonctions, comme s’il avait été nommé à ce niveau supérieur.

3 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

4 L’audience de la présente affaire a été remise à plusieurs reprises à la demande des parties, ces dernières n’étant pas disponibles avant décembre 2008.

II. Résumé de la preuve

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

5 M. Lavigne est le seul témoin des fonctionnaires. Il travaille pour le Service depuis 1981, à l’Établissement Drummond. L’Établissement Drummond est un pénitencier à sécurité moyenne et compte environ 380 détenus.

6 M. Lavigne a expliqué que le niveau de responsabilité au titre de la sécurité varie selon le niveau de classification d’un agent correctionnel : un agent correctionnel de niveau CX-1 exécute essentiellement des fonctions de sécurité statique, comme la patrouille de surveillance du périmètre d’un pénitencier; un agent correctionnel de niveau CX-2, quant à lui, a essentiellement des fonctions de sécurité dynamique, parce qu’il intervient plus souvent auprès des détenus. Un agent correctionnel de niveau CX-2 doit aussi rendre compte de ses interventions de gestion des cas et de son interaction avec les agents de libération conditionnelle.

7 M. Lavigne a déclaré que son poste de niveau CX-2 comprend aussi des fonctions de formation sur « le tas »; il se base sur son expérience et ses connaissances pour transmettre ce qu’il sait aux agents correctionnels de niveau CX-1. Les agents correctionnels de niveaux CX-1 et CX-2 apprennent les uns des autres.

8 Le Collège est l’un des nombreux centres de formation du Service qui préparent et établissent des plans de cours afin d’uniformiser la formation des agents correctionnels. Le Collège s’occupe surtout des pénitenciers de la région du Québec.

9 En 2002-2003, six instructeurs nationaux de groupe et niveau CX-3 offraient la formation de tir au Collège. La formation nationale assure l’uniformité de la formation de tir dans chacun des pénitenciers, quel que soit son niveau de sécurité. En date de l’audience de la présente affaire, il n’y avait plus que quatre instructeurs nationaux de tir au Collège.

10 De façon générale, voici comment le Collège offre de la formation de tir dans chacun des pénitenciers de la région du Québec. Par exemple, à l’Établissement Drummond, où travaillent les fonctionnaires, cinq agents correctionnels ont reçu de la formation de tir au Collège. Cette formation est ensuite donnée chaque année par ces cinq agents correctionnels aux autres agents correctionnels de l’Établissement Drummond. À la date de l’audience de la présente affaire, le nombre d’agents correctionnels à l’Établissement Drummond était de 150.

11 Les instructeurs nationaux de tir au Collège ont donc formé les fonctionnaires, qui sont devenu les formateurs de tir à l’Établissement Drummond. Les fonctionnaires offrent la formation de tir à l’Établissement Drummond chaque année.

12 De plus, le Collège donne chaque année une formation de 13 semaines (55 jours) aux recrues de la région du Québec. Cette formation générale couvre tous les aspects des fonctions d’un agent correctionnel. Une fois qu’elles ont terminé leur formation générale au Collège, les recrues de l’Établissement Drummond reviennent à l’Établissement Drummond. Par la suite, la formation de tir leur est donnée annuellement par les fonctionnaires, qui sont les experts attitrés pour la formation de tir à l’Établissement Drummond.

13 Chaque année, les fonctionnaires donnent de la formation de tir à tous les agents correctionnels de l’Établissement Drummond. Cette formation porte sur plusieurs sortes d’arme à feu : fusil à plombs ; arme de poing et carabine. En tout, quatre armes sont réglementaires.

14 M. Lavigne a mentionné qu’un agent correctionnel doit se « qualifier » une première fois en réussissant avec succès la formation de tir donnée au Collège dans le cadre de la formation générale des recrues. Chaque agent correctionnel doit par la suite se requalifier chaque année au titre du maniement des armes à feu, en suivant avec succès la formation de tir qui lui est donnée dans son pénitencier.

15 M. Lavigne est l’un des cinq instructeurs de tir de l’Établissement Drummond. Il a mentionné qu’il s’inspire de la formation que les instructeurs nationaux de tir donnent au Collège, mais que, lorsqu’il offre cette même formation chaque année aux agents correctionnels à l’Établissement Drummond, il n’est pas payé au taux de salaire des instructeurs nationaux de tir. La différence entre le maximum de son échelle de salaire et le maximum de celle des instructeurs nationaux de tir était de 17,82 $ par jour en date des griefs.

16 M. Lavigne a déclaré que, lorsqu’il exécute les fonctions d’un niveau de  classification supérieur pendant au moins une journée, il est payé à ce taux supérieur, sauf quand il accomplit les fonctions d’instructeur de tir au niveau CX-3. Dans ce cas, il est payé au niveau CX-2 même s’il accomplit des tâches de niveau CX-3.

B. Pour l’employeur

17 L’employeur a appelé Mario Tardif et Lucie Vallière comme témoins.

18 M. Tardif travaille au Service depuis 1986. Il a déjà exécuté des tâches liées à la sécurité à titre d’agent correctionnel de niveau CX-2.

19 Selon M. Tardif, les fonctions d’un agent correctionnel de niveau CX-2 comprennent la responsabilité de veiller au bon fonctionnement de l’équipement sécuritaire d’un pénitencier, tel que les gaz, l’ensemble de l’équipement de sécurité du pénitencier, les armes a feu, les serrures et les munitions de toute sorte, en prévision des conditions les plus extrêmes lors d’événements tels les émeutes, les prises d’otages, les incendies criminels et toute autre flambée de violence de la part des détenus.

20 M. Tardif a confirmé qu’approximativement 125 agents correctionnels travaillaient à l’Établissement Drummond en 2002 et qu’approximativement 150 y travaillaient en date de l’audience de la présente affaire.

21  En contre-interrogatoire, M. Tardif a affirmé que la fonction d’instructeur de tir au titre de la requalification annuelle à l’Établissement Drummond est réservée aux cinq fonctionnaires.

22 Toujours en contre-interrogatoire, M. Tardif a dit que chacun des cinq instructeurs de tir de l’Établissement Drummond doit suivre un minimum de deux semaines de formation de tir au Collège avant de devenir formateur de tir en établissement. Il a précisé que la fonction d’instructeur de tir est non seulement une fonction importante, mais critique pour l’ensemble de la sécurité d’un pénitencier. C’est pour cette raison que le programme de formation de tir est appliqué uniformément aux pénitenciers.

23 À la date de l’audience de la présente affaire, Mme Vallière était employée au Service depuis plus de 20 ans. Elle était aussi directrice du Collège depuis 11 ans.

24 Mme Vallière a confirmé que les instructeurs nationaux de tir au Collège (CX-03), au nombre de six en 2002, étaient responsables de la formation des instructeurs de tir pour tous les pénitenciers de la région du Québec. La responsabilité au titre de la formation de tir est une fonction primordiale des postes d’instructeurs nationaux de tir.

25 Mme Vallière a confirmé aussi que le nombre d’instructeurs nationaux de tir au Collège était réduit à quatre en date de l’audience de la présente affaire, en partie parce que les instructeurs de tir de chaque pénitencier de la région du Québec faisaient un travail primordial en donnant de la formation de tir théorique et pratique sur une base régulière. L’autre raison pour la réduction du nombre d’instructeurs nationaux de tir au Collège tient au fait qu’une réduction des parcours de tir a permis des économies de temps d’instruction.

26 Mme Vallière a mentionné que le Collège est responsable de la formation des agents correctionnels de la région du Québec. Une partie importante de cette formation de tir est donnée aux agents correctionnels dans le cadre de la formation générale des recrues.

27 Mme Vallière a abondé dans le même sens que M. Tardif lorsqu’elle a témoigné de l’importance de la formation de tir donnée annuellement dans les pénitenciers. Elle a mentionné que cette formation est nécessaire et primordiale pour le maintien de la sécurité, de l’efficacité et du bon fonctionnement de chaque pénitencier.

28 Mme Vallière a confirmé le témoignage de M. Tardif, en expliquant que la requalification annuelle au titre du maniement des armes à feu se faisait grâce à la formation de tir donnée par les instructeurs de tir de l’Établissement Drummond. Selon Mme Vallière, les « Normes pour la qualification sur les armes à feu » (pièce P-1) (« les Normes »), document datée du 16 juin 1998, étaient toujours applicables et suivies en date de l’audience de la présente affaire. Mme Vallière a déclaré que les Normes sont entrées en vigueur le 1er juin 1999. En conclusion, Mme Vallière a indiqué que la formation de tir donnée annuellement dans chaque pénitencier exigeait un minimum de deux jours de formation théorique et pratique pour les quatre armes à feu réglementaires.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

29 Selon le représentant des fonctionnaires, l’employeur dénature la portée de la clause 50.07 de la convention collective de 2001 et rend son application impossible en l’espèce. Le représentant des fonctionnaires prétend en effet que chaque séance annuelle de formation de tir donnée à l’Établissement Drummond dure au minimum une journée complète et que cette formation est la seule activité des fonctionnaires dans cette journée. Autrement dit, chaque fois qu’il y a une séance de formation de tir, cette formation de tir dure un minimum d’une journée de travail.

30 Selon le représentant des fonctionnaires, l’interprétation que l’employeur donne à l’expression « […] une grande partie des fonctions […] » réduit la clause 50.07 de la convention collective de 2001 à néant parce qu’il est impossible d’accomplir toutes les fonctions de niveau CX-03 dans une même journée.

31 Selon le représentant des fonctionnaires, il faut donner un sens à la clause 50.07 de la convention collective de 2001. Ainsi, lorsqu’un agent correctionnel de niveau CX-2 exécute une fonction de niveau supérieur CX-3 en tant qu’instructeur de tir, pour un minimum d’une journée de travail, il doit être payé à ce niveau supérieur pour cette journée de travail.

32 Le représentant des fonctionnaires m’a renvoyé aux Normes, qu’il dit être le sujet central des griefs, et conclut qu’elles constituent une preuve « blindée » voulant que « le parcours de tir »  est une fonction de niveau CX-3.

33 Le représentant des fonctionnaires m’invite à me poser la question qui suit : est-ce que les instructeurs de tir de l’Établissement Drummond, au nombre de cinq seulement, ont effectué du travail à un niveau supérieur à leur propre classification pour au moins une journée de travail? Si la réponse à cette question est oui, alors les fonctionnaires doivent être payés au taux de rémunération du niveau CX-3 pour chaque journée de travail pour laquelle ils ont donné de la formation de tir.

34 Selon le représentant des fonctionnaires, il est important de souligner que, contrairement à ce qu’allègue l’employeur, la formation de tir ne dure pas que deux heures, mais dure plutôt un minimum de deux heures pour chacune des quatre armes réglementaires. Quand on examine les Normes, il est évident qu’il y a quatre armes à feu réglementaires pour lesquelles tous les agents correctionnels doivent recevoir de la formation annuelle pour maintenir le plus haut niveau de sécurité.

35 Le représentant des fonctionnaires souligne aussi que le titre d’instructeur de tir dans chaque pénitencier a été conféré par l’employeur et que ce titre est réservé à un très petit nombre d’agents correctionnels. Dans le cas de l’Établissement Drummond, il n’y a que cinq instructeurs de formation de tir pour les 150 agents correctionnels qui y travaillaient en date de l’audience de la présente affaire. Comme la preuve le démontre, le nombre d’agents correctionnels croît sans cesse.

36 Finalement, le représentant des fonctionnaires soumet que la formation annuelle donnée par les instructeurs de tir de l’Établissement Drummond est une fonction non seulement importante pour la sécurité du pénitencier, mais aussi d’une importance centrale parmi toutes les fonctions des instructeurs nationaux de tir. Quand les fonctionnaires offrent de la formation de tir à l’Établissement Drummond selon les Normes, ils travaillent pour au moins une journée de travail dans un niveau de classification supérieur.

B. Pour l’employeur

37 Le représentant de l’employeur dit que :

  • la clause 50.07 de la convention collective de 2001 est claire;
  • un poste d’agent correctionnel de niveau CX-2 comprend des fonctions de formation;
  • la convention collective signée entre le Conseil du Trésor et l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN le 26 juin 2006 à l’égard de l’unité de négociation de groupe Services correctionnels (la « convention collective de 2006 ») contient une nouvelle clause 43.05, qui stipule ce qui suit :

43.05 Indemnité pour formateur

Lorsqu'un-e employé-e accepte d'agir à titre de formateur, il ou elle reçoit une indemnité de deux dollars et cinquante cents (2,50 $) de l'heure pour chaque heure ou partie d'heure.

38 Le représentant de l’employeur a rappelé que le fardeau de la preuve incombe aux fonctionnaires et que ces derniers n’ont pas exécuté une grande partie des fonctions d’un niveau de classification supérieur aux termes de la clause 50.07 de la convention collective de 2001.

39 Selon le représentant de l’employeur, « transmettre du savoir » au Collège mérite d’être rémunéré au niveau CX-3, tandis que donner de la formation de tir à l’Établissement Drummond n’est que de l’administration de programme. Ainsi, donner annuellement de la formation de tir à l’Établissement Drummond ne serait que du « rafraîchissement », car l’instructeur de tir du pénitencier ne fait que suivre une recette déjà préparée par les instructeurs nationaux de tir du Collège. Le matériel utilisé par les instructeurs nationaux de tir du Collège est conçu et développé par ces derniers et c’est ce qui est le plus difficile à faire.

40 Le représentant de l’employeur me renvoie à Moritz c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 147, ¶40, 44-45, et Bungay et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2005 CRTFP 40, ¶68, 71.

41 Le représentant de l’employeur allègue que, lorsqu’un agent correctionnel de niveau CX-2 en remplace un de niveau CX-3 et veut bénéficier d’une rémunération au niveau supérieur pour la période d’intérim en vertu de la clause 50.07 de la convention collective de 2001, l’employeur est en droit de s’attendre à ce que cet agent correctionnel soit capable d’exécuter les autres fonctions de niveau CX-3, tel que rédiger des plans et préparer du matériel de cours ou des exposés et ne pas « simplement suivre une recette ».

42 Le représentant de l’employeur conclut son argument en disant que, si j’accepte les griefs des fonctionnaires, je dois suivre Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. no 813 (C.A.) (QL), pour calculer les montants dus.

IV. Motifs

43 La question que je dois trancher est la suivante : les fonctionnaires exécutent-ils une partie substantielle des fonctions d’un instructeur national de tir lorsqu’ils donnent de la formation annuelle aux agents correctionnels de l’Établissement Drummond? Autrement dit, exécutent-ils à titre intérimaire, une partie substantielle des fonctions de niveau CX-3?

44 Aucune des parties n’a déposé en preuve la description de tâches des instructeurs nationaux de tir, dont les postes sont classifiés au  niveau CX-3.

45 Les fonctionnaires offrent de la formation de tir depuis au moins 2003, année lors de laquelle ils ont déposé leurs griefs. La formation de tir est un élément primordial et important des postes d’instructeur national de tir. Il est nécessaire de souligner que la formation de tir est critique au maintien de la sécurité de chacun des établissements pénitenciers du Service.

46 Les Normes ne sont qu’un sommaire des exigences portant sur la requalification annuelle à l’égard des quatre armes réglementaires. Elles révèlent cependant clairement que le plan de formation de tir est de former des spécialistes de tir dans chaque pénitencier (cinq à l’Établissement Drummond), pour que ces derniers puissent requalifier annuellement les autres agents correctionnels de ce pénitencier au titre du maniement des armes à feu ainsi que de la formation obligatoire sur le recours à la force.

47 La formation donnée chaque année par les fonctionnaires comprend un module portant sur chacune des quatre armes à feu réglementaires et un module portant sur le recours à la force. Un agent correctionnel ne peut se requalifier aux termes des Normes avant la fin de la formation sur le recours à la force.

48 Tous les agents correctionnels doivent se requalifier chaque année au titre du maniement des armes à feu. Des examens écrits, en plus d’examens pratiques, permettent de s’assurer qu’ils connaissent les politiques précises de sécurité, d’utilisation des armes à feu et de recours à la force.

49 Les Normes mentionnent que, chaque fois que l’on demande aux fonctionnaires d’offrir de la formation de tir aux agents correctionnels de l’Établissement Drummond, il faut au moins deux instructeurs de tir et, dans certains cas, il en faut même trois, selon le type d’arme et le nombre d’agents correctionnels à former. Les Normes indiquent aussi que la formation annuelle d’un agent correctionnel est d’une durée minimale de deux jours.

50 Mme Vallière a aussi reconnu que la formation de tir donnée annuellement à l’Établissement Drummond exigeait un minimum de deux jours de formation par agent correctionnel pour les quatre armes à feu réglementaires. Cela veut dire qu’après la formation générale des recrues donnée par le Collège, les quelques 150 agents correctionnels à l’Établissement Drummond doivent suivre annuellement plusieurs jours de formation de tir pour se requalifier au titre du maniement des armes à feu.

51 Puisque les Normes couvrent l’utilisation de force meurtrière, les personnes qui donnent annuellement de la formation dans les pénitenciers ont une lourde responsabilité. Bien qu’elles soient volumineuses, les Normes ne sont qu’un sommaire de ce que les instructeurs de tir de l’Établissement Drummond doivent connaître et appliquer rigoureusement annuellement afin d’assurer la sécurité du pénitencier, 24 heures par jour et 365 jours par année. La sécurité du pénitencier l’exige.

52 Comme l’ont affirmé les témoins de l’employeur, la fonction d’instructeur de tir dans les pénitenciers est non seulement importante, mais critique pour la sécurité des pénitenciers et c’est pour cette raison que le programme de formation de tir est appliqué uniformément aux pénitenciers. Mme Vallière a souligné que l’importance de la formation de tir est primordiale pour le maintien de la sécurité à l’intérieur de chaque pénitencier. Si on donne de la formation annuelle de tir en établissement, c’est parce que c’est dans cet endroit qu’aura lieu une émeute, une prise d’otages, un incendie criminel, une tentative d’évasion ou toute autre forme de violence de la part de détenus.

53 Examinons maintenant si les fonctionnaires exécutent « une partie substantielle des fonctions » (« […] to substantially perform the duties of a higher classification […] » dans la version anglaise de la clause 50.07 de la convention collective de 2001) d’un instructeur national de tir lorsqu’ils donnent de la formation annuelle aux agents correctionnels de l’Établissement Drummond.

54 Tel que déjà mentionné au paragraphe 44 de cette décision, les parties n’ont pas déposé en preuve la description de tâches des instructeurs nationaux de tir au Collège. Par contre, l’employeur a déposé en preuve les Normes, et les témoignages entendus établissent qu’un des éléments primordial du poste d’instructeur national de tir au Collège est la formation de tir. La prépondérance de la preuve en l’espèce me convainc que si la formation de tir est une fonction substantielle du poste d’instructeur national de tir au Collège et que les fonctionnaires exécutent cette fonction à 100 % pour au moins une journée de travail, même s’ils n’effectuent aucune autre fonction du poste d’instructeur national de tir pendant cette journée, alors les fonctionnaires satisfont aux exigences de la version anglaise de la clause 50.07 de la convention collective : « […] to substantially perform the duties of a higher classification […] » et ils ont droit à de la rémunération intérimaire au niveau CX-03 pour cette journée de travail.

55 Le représentant de l’employeur prétend que les fonctionnaires n’exécutent pas une grande partie des fonctions des instructeurs nationaux de tir. La position avancée par le représentant de l’employeur rendrait la clause 50.07 de la convention collective de 2001 inopérante.

56 En plaidant à l’audience que la formation de tir donnée annuellement à l’Établissement Drummond n’est que de l’administration de programme, le représentant de l’employeur a rabaissé l’importance et la valeur des fonctions de formation des fonctionnaires. En alléguant que les instructeurs nationaux du Collège ont la tâche difficile de « monter et développer » le matériel de formation de tir pour transmettre « le savoir », alors que les fonctionnaires ne font que « simplement suivre une recette » préparée au Collège lorsqu’ils donnent de la formation de tir à l’Établissement Drummond, le représentant de l’employeur ignore une partie de la preuve soumise à l’audience. Cette réponse cavalière aux allégations des fonctionnaires n’encourage en rien le maintien de relations harmonieuses de travail.

57 Le représentant de l’employeur a invoqué la clause 43.05 de la convention collective de 2006 et prétend que cette nouvelle disposition règle les griefs présentés sous la convention collective de 2001. Cet argument doit être écarté parce que la convention collective invoquée ne s’applique pas au cas à l’espèce pour les raisons suivantes. D’abord, en l’espèce, on doit interpréter les dispositions de la convention collective de 2001 et rien d’autre. La convention collective de 2006 ne modifie pas l’ancienne clause 50.07 puisqu’elle l’a maintenue telle quelle, à la clause 49.07. La convention collective de 2006 contient cependant une nouvelle clause, soit la clause 43.05 qui accorde une nouvelle prime aux formateurs, sans plus.

58 Si l’employeur et l’agent négociateur des fonctionnaires avaient voulu remplacer l’ancienne clause 50.07, ils l’auraient fait. D’ailleurs, la clause 49.07 de la convention collective de 2006 est identique à la clause 50.07 de la convention collective de 2001.

59 J’ai examiné la jurisprudence soumise par le représentant de l’employeur.  Moritz et Bungay et al. lui sont de peu d’utilité, puisque  les faits et les circonstances dans ces affaires sont complètement différents de ceux en l’espèce.

60 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

61 J’accueille les griefs des fonctionnaires.

62 J’ordonne à l’employeur de payer aux fonctionnaires la différence entre le taux de salaire au niveau CX-3 et celui auquel ils ont été rémunéré pour chaque journée de travail pour laquelle ils ont donné de la formation de tir aux agents correctionnels de l’Établissement Drummond, et ce à compter du 25e jour précédant le dépôt de leurs griefs respectifs.

63 Je demeure saisi de l’affaire pour une période de 60 jours à l’égard de tout différend portant sur le calcul des montants dus.

Le 1 octobre 2009.

Roger Beaulieu,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.