Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants ont voulu présenter un grief à l’employeur pour contester le fait qu’ils n’avaient pas eu droit au même traitement que d’autres employés qui avaient déposé un grief pour obtenir un paiement rétroactif suite à une reclassification - les plaignants n’ont pas contesté la décision de l’employeur en temps voulu - leur agent négociateur a refusé de les appuyer dans leurs démarches de grief - la Commission a jugé que l’agent négociateur n’avait pas agi de façon arbitraire ou discriminatoire ni avec mauvaise foi. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-10-19
  • Dossier:  561-02-197 et 232
  • Référence:  2009 CRTFP 133

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

FRANCINE PARADIS ET GILLES MARTINEAU

plaignants

et

SYNDICAT DES EMPLOYÉ-E-S DU SOLLICITEUR GÉNÉRAL, JOHN EDMUNDS,
SUZANNE GAUTHIER, ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeurs

Répertorié
Paradis et Martineau c. Syndicat des employé-e-s du Solliciteur général et al.

Affaire concernant des plaintes visées à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, commissaire

Pour les plaignants:
Eux-mêmes

Pour les défendeurs:
Jacquie de Aguayo, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 5 décembre 2007, les 11 juin et 7 juillet 2008 et le 25 septembre 2009.

Plaintes devant la Commission

1 Le 9 novembre 2007, Francine Paradis a déposé une plainte (dossier 561-02-197) à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») contre le Syndicat des employé-e-s du Solliciteur général (SESG), un des éléments de l’Alliance de la Fonction publique du Canada. Le 3 mai 2008, Gilles Martineau a déposé une plainte (dossier 561-02-232) à la Commission contre John Edmunds, président du SESG, Suzanne Gauthier, agente des relations de travail au SESG et l’Alliance de la Fonction Publique du Canada (AFPC). Mme Paradis et M. Martineau (les « plaignants ») fondent leur plainte sur l’alinéa 190(1)g)de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Les parties à ces plaintes ont accepté de les traiter ensemble compte tenu qu’elles réfèrent sensiblement aux mêmes événements. Les « défendeurs » pour les deux plaintes sont le Syndicat des employé-e-s du Solliciteur général, John Edmunds, Suzanne Gauthier et l’Alliance de la Fonction publique du Canada.

2 En février 1998, Service Correctionnel du Canada (SCC) a décidé de reclasser les postes des agents de libération conditionnelle du groupe et niveau WP-03 au groupe et niveau WP-04. Les agents de programme du SCC de la région du Québec ont demandé d’être reclassés eux aussi du groupe et niveau WP-03 au groupe et niveau WP-04. Le SCC a refusé leur demande et 30 d’entre eux, dont les plaignants, ont déposé un grief « collectif ». Le grief fut rejeté au dernier palier de la procédure de griefs en décembre 2000. Le SCC a par la suite décidé de modifier la description de poste des agents de programme et de reclasser leur poste au groupe et niveau WP-04 à compter du 1er avril 2002. La décision du SCC n’était pas rétroactive et la nouvelle classification n’était applicable qu’à compter du 1er avril 2002.

3 Compte tenu que la décision du SCC n’était pas rétroactive, Roger Tousignant et Denis Paradis, tous deux collègues de travail des plaignants et signataires du grief collectif de 1998, ont déposé des griefs revendiquant rétroactivement à 1998 la reclassification de leur poste au groupe et niveau WP-04. Il n’est cependant pas clair dans la documentation soumise s’il s’agissait bien de griefs de classification ou plutôt de griefs de rémunération d’intérim. Ces griefs ont été résolus à la fin 2006 par une entente confidentielle intervenue entre les deux employés, l’AFPC et l’employeur. En vertu de cette entente, l’employeur acceptait de verser aux deux employés des sommes d’argent en échange du retrait de leurs griefs. Les plaignants prétendent qu’ils ont été informés de l’essentiel du contenu de cette entente en janvier 2007 à la suite d’une requête présentée en vertu des procédures d’accès à l’information.

4 Les plaignants se sont sentis lésés car l’entente de janvier 2007 ne s’appliquait pas à eux, même si leurs tâches et leur situation étaient en tous points similaires à celles de M. Tousignant et M. Paradis. Les plaignants ont donc décidé de déposer des griefs le 28 février 2007. Les plaignants reprochent aux défendeurs d’avoir refusé de représenter leurs griefs du 28 février 2007 au palier final de la procédure interne de griefs et de les renvoyer à l’arbitrage. L’essentiel de leurs griefs se lit comme suit :

[…]

Je dépose un grief au motif suivant : suite à une divulgation de documents via l’accès à l’information, deux employés ont fait une entente pour recevoir un montant d’argent en compensation [sic] la reclassification que l’employeur a refusé de nous donner de 1998 à 2002.

Je demande que le montant qui me serait accordé me soit remis sur le même principe qu’on a accordé des montants à M. Roger Tousignant et M. Denis Paradis.

[…]

5 Les griefs furent rejetés par l’employeur aux premiers paliers de la procédure interne de grief, puis référés au palier final. Le 11 juin 2007, Mme Gauthier a accusé réception des griefs au nom du SESG. Mme Gauthier a alors informé les plaignants par écrit que le SESG considérait que les griefs étaient hors délai car ils n’avaient pas été déposés à l’intérieur des 25 jours ouvrables de l’action ou de l’inaction de l’employeur. Mme Gauthier a alors ajouté que les griefs auraient dû être déposés il y a quelques années, soit à l’intérieur des 25 jours suivant la décision de l’employeur de ne pas compenser les employés pour la période entre 1998 et 2002. De plus, Mme Gauthier a expliqué que le règlement d’un grief par protocole d’entente ne s’applique qu’aux employés visés par le protocole. Mme Gauthier a conclu en écrivant que le SESG n’appuierait pas les griefs des plaignants, mais que ces derniers étaient libres de poursuivre eux-mêmes les griefs compte tenu que ces derniers ne portaient pas sur l’interprétation de la convention collective. Dans un tel cas, les plaignants devraient assumer eux-mêmes les dépenses reliées à leur représentation.

6 À l’automne 2007, M. Martineau s’est adressé à la section locale du SESG. Cette dernière s’est dite sympathique à sa cause, mais sans moyen d’intervention compte tenu qu’elle avait été avisée par l’exécutif du SESG de ne pas s’impliquer dans ce dossier. Puis, M. Martineau allègue que le 18 novembre 2007 il s’est adressé au président du SESG, M. Edmunds, sans succès, ce dernier ne lui ayant jamais répondu.

7 Le 19 juin 2007, Mme Paradis a quant à elle répondu à la lettre de Mme Gauthier afin de lui exprimer son désaccord eu égard à son analyse du grief et de lui demander d’envoyer son grief à l’AFPC. Le 12 juillet 2007, Mme Gauthier a répondu à Mme Paradis et l’a informée qu’elle maintenait sa position eu égard aux griefs. Mme Paradis et Mme Gauthier échangèrent deux autres écrits les 31 juillet et 15 août 2007, confirmant leurs positions respectives et l’envoi du grief au palier final sans l’appui du SESG. Puis, Mme Paradis s’est adressée à l’AFPC le 6 septembre 2007. Cette dernière lui a répondu le 18 septembre 2007 qu’elle appuyait la décision du SESG de ne pas aller de l’avant avec son grief et qu’elle considérait l’affaire close.

8 Les plaintes se réfèrent aux dispositions suivantes de la Loi

[…]

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[…]

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[…]

Résumé de l’argumentation des parties

9 Les plaignants allèguent que les défendeurs doivent être justes et intègres dans leur rôle de représentation. Ils ne se sentent pas appuyés par les défendeurs et ne comprennent pas sur quelle base ils s’appuient pour refuser de les défendre. En novembre 2007, Mme Paradis a dû se représenter seule pour l’audition de son grief au troisième palier et assumer elle-même ses frais de voyage à Ottawa. M. Martineau a quant à lui tenté à plusieurs reprises de fixer une date pour l’audition de son grief au troisième palier, mais il n’a jamais eu de réponse de l’employeur. Qui plus est, l’AFPC a refusé de renvoyer les deux griefs à l’arbitrage.

10 Les plaignants allèguent que les défendeurs ont agi de façon arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi en refusant de les représenter et en les excluant de l’entente de 2006 en vertu de laquelle des sommes rétroactives ont été versées à M. Tousignant et à M. Paradis.

11 Les plaignants allèguent que l’article 47.2 du Code du travail, L.R.Q., c. C-27 oblige le syndicat à représenter ses membres. À cet effet, il me réfère à un article d’un quotidien montréalais et à un article de Me Sylviane Noël. L’analyse de Me Noël prend appui sur diverses décisions relatives à l’interprétation des articles 47.2 ou 47.3 du Code du travail.

12 Les défendeurs prétendent qu’ils n’ont pas enfreint l’article 187 de la Loi et demandent que les plaintes soient rejetées. Les défendeurs avancent que les faits relatifs aux griefs des plaignants ont été attentivement révisés et que la décision de ne pas renvoyer les griefs à l’arbitrage n’était pas arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Les plaignants ont été avisés à maintes reprises qu’un protocole d’entente ou une décision arbitrale ne confère pas un droit particulier aux employés qui ne font pas l’objet du règlement en question.

III. Motifs

13 Les faits à la base de cette plainte sont assez simples. Le mécontentement des plaignants découle de la décision de l’employeur de ne pas leur accorder le même traitement qu’à leurs collègues M. Tousignant et M. Paradis. Selon eux, en toute équité, ils y ont droit car ils sont dans la même situation que leurs deux collègues. C’est cette équité qu’ils réclament dans leurs griefs déposés le 28 février 2007.

14 Les défendeurs ont refusé de représenter les griefs des répondants au palier final de la procédure interne de grief, puis de les renvoyer à l’arbitrage. En agissant ainsi, les défendeurs ont, selon les plaignants, enfreint la Loi.

15 Même si les plaignants me prouvaient que les défendeurs avaient tort de ne pas représenter leurs griefs, puis de ne pas les renvoyer à l’arbitrage, je n’en conclurais pas pour autant que les défendeurs ont enfreint la Loi car les défendeurs ont droit à l’erreur (voir Jakutavicious c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2005 CRTFP 70). Il faudrait plutôt que les plaignants fassent la preuve que les défendeurs ont agi de mauvaise foi ou de façon arbitraire ou discriminatoire. La jurisprudence est claire sur cette question (voir Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509; aussi Gendron c. Syndicat des approvisionnements et services de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, section locale 50057, [1990] 1 R.C.S. 1298).

16 Rien dans ce qui m’a été soumis par les plaignants ne peut m’amener à conclure que les défendeurs ont agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi dans leur décision eu égard aux griefs des plaignants. Les défendeurs ont décidé, après analyse des dossiers de grief, de ne pas assumer la représentation au palier final de la procédure interne de griefs. Cette décision a été basée sur la conclusion des défendeurs à l’effet que les griefs étaient hors délais et qu’ils se fondaient sur un protocole d’entente qui ne s’appliquait pas aux plaignants. L’obligation des défendeurs était de faire une étude sérieuse des griefs et rien ne me laisse croire qu’ils ne l’ont pas fait. Il en est de même pour la décision des défendeurs de ne pas renvoyer les griefs à l’arbitrage.

17 Les plaignants ont aussi allégué que les défendeurs ont agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi en ne les incluant pas dans l’entente de 2006 en vertu de laquelle M. Tousignant et M. Paradis ont reçu des compensations en échange du retrait de leurs griefs. Mais c’est justement en échange du retrait de leurs griefs que ces deux employés ont reçu une compensation. Or, les deux plaignants n’ont pas déposé de griefs en temps voulu même s’ils auraient pu le faire. Les défendeurs ne peuvent être tenus responsables de cette décision qui était celle des plaignants et non la leur. L’obligation de représentation juste et équitable ne va pas jusqu’à obliger le syndicat à formuler les griefs pour les membres de l’unité de négociation.

18 Même si le grief de classification de 1998 était collectif et que les plaignants faisaient partie du groupe d’employés signataire du grief, les griefs subséquents de MM. Tousignant et Paradis ne l’étaient pas. Ces deux employés ont revendiqué l’application rétroactive de la décision de reclasser leurs postes. Leur situation était la même que celle des plaignants, à la différence que ces derniers n’ont pas déposé de griefs sur l’application rétroactive de la reclassification. On ne peut en blâmer les défendeurs.

19 Les références des plaignants au Code du travail ne sont pas utiles pour trancher les plaintes compte tenu que ces dernières doivent être traitées en vertu de la Loi et non de ce code qui ne s’applique qu’aux entreprises et syndicats de juridiction provinciale québécoise. Il faut plutôt se référer à l’article 187 de la Loi.

20 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

21 Les plaintes sont rejetées.

Le 19 octobre 2009.

Renaud Paquet,
commissaire

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