Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient comme inspecteurs dans des abattoirs - ils réclamaient la rémunération du temps nécessaire pour s’habiller et se préparer avant de se présenter au poste de travail - à la lumière des dispositions pertinentes de la convention collective, l’arbitre a conclu que le temps de préparation et d’habillement n’était pas suffisant pour donner droit à la rémunération réclamée. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-11-05
  • Dossier:  166-32-35778 à 35786, 35788 à 35795
  • Référence:  2009 CRTFP 146

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ANDRÉ GRÉGOIRE, JOCELIN R. LACHANCE, MICHEL P. JACQUES, DAMIEN HÉBERT,
JACQUELIN S. CARRIER, YVES TURGEON, NORMAND BEAUREGARD, HÉLÈNE
DUBEAU, SUZANNE BRISSON, RENÉ A. DESROSIERS, ANNIE ROY, GUY ROLLIN,
GAËTANE PROULX, YVES BRIEN, HÉLÈNE BENOIT ET JULIE LAROCHELLE

fonctionnaires s'estimant lésés

et

AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Répertorié
Grégoire et al. c. Agence canadienne d’inspection des aliments.

Affaire concernant les griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Roger Beaulieu, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Guylaine Bourbeau, Alliance de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Sean Kelly, avocat

Affaire entendue à Québec (Québec),
du 16 au 18 septembre 2008 et
affaire entendue à Montréal (Québec), les 25 et 26 février 2009.

I. Griefs renvoyés à l'arbitrage

1  Il s’agit de 17 griefs individuels renvoyés à l’arbitrage en février 2005, tous d’inspecteurs de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) qui travaillent dans quatre abattoirs, soit à Saint-Cuthbert (no. 89, volaille), Berthierville (no. 39, volaille), Saint-Cyrille-de-Wendover (no. 53, bœuf) et Vallée Jonction (no. 147, porc).

2 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne Loi »).

3 La demande principale de tous est d’être payé en temps supplémentaire pour le temps requis pour se vêtir avant le début de leurs quarts de travail. Les 17 griefs sont identiques quant à la demande d’être payé pour se vêtir. Le libellé est le suivant :

[…]

Je conteste la décision de l’employeur de ne pas me payer le temps pour me vêtir pour effectuer mon travail au début des opérations, tel que réclamé sur mon formulaire 4600 du mois de mai 2003

[…]

4 D’autres demandes/revendications sous la rubrique de temps supplémentaire ont été soulevé lors de l’audience en rapport avec le calcul du temps requis pour se vêtir. Voici un sommaire de ces revendications qui ont été soulevées par l’un ou l’autre ou les deux témoins du syndicat :

Le temps :

a) pour vérifier la boite vocale de l’abattoir ou faire des appels téléphoniques concernant l’absentéisme;

b) pour vérifier les directives de l’ACIA;

c) pour nettoyer les couteaux et le gant de mailles;

d) pour ajuster la plateforme sur la chaine de production;

e) de se laver les mains;

f) d’affuter les couteaux;

g) pour démarrer l’ordinateur de l’ACIA;

h) de préparer la boite d’étiquettes;

i) de préparer les plaquettes de tests de Détection des sulfamides sur place (DSSP);

j) de préparer la boite d’échantillons;

k) de préparer les formulaires;

l) de se déplacer à son poste cinq minutes avant le début du quart de travail (seulement a l’abattoir Berthierville);

m) pour se rendre à un abattoir qui n’est pas le lieu de travail habituel.

J’aborderai ces demandes secondaires au fur et à mesure dans le résumé de la preuve et dans mes motifs.

5 Au début de l’audience, les parties ont convenu d’examiner les dossiers de Jacquelin Carrier, abattoir de Vallée Jonction, et M. Brien, abattoir de Berthierville, et ont indiqué que cette preuve commune s’appliquerait aux 17 griefs dans une seule décision.

6 L’ensemble de ces griefs ont été déposés en 2003 sous la convention collective entre l’ACIA et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, signée le 6 juillet 2001.

7 L’ACIA vérifie la salubrité des produits de viande rouge et de volaille provenant des abattoirs inspectés par le gouvernement fédéral. La vérification se fait par des inspecteurs et des vétérinaires.

8 L’ACIA exige que ses inspecteurs soient ponctuels et disposés à s’acquitter de leurs tâches dès le début de leur quart de travail sur la chaîne de production de l’abattoir. L’ACIA n’exige pas qu’ils soient présents aux abattoirs à une heure fixe pour se préparer et se vêtir.

9 Un inspecteur ou un vétérinaire travaillant dans un abattoir de viande rouge doit se revêtir des vêtements et se munir de l’équipement suivants avant de se présenter à son poste sur la chaîne de production de l’abattoir (ou à son poste hors chaîne) à l’heure à laquelle débute son quart de travail : un casque, des bottes, des bouchons d’oreilles, une chemise, un pantalon, un sarrau, une résille à cheveux, une résille à barbe (s’il y a lieu), des gants de plastique, des couteaux, un affiloir, un gant de maille, un marteau (seulement dans certains abattoirs de viande rouge) et un crochet (seulement dans certains abattoirs de viande rouge). Un inspecteur ou un vétérinaire travaillant dans un abattoir de volaille doit porter ces mêmes vêtements et disposer du même équipement sauf les couteaux, l’affiloir, le gant de maille, le manteau et le crochet.

II. Résumé de la preuve

A. Preuve des fonctionnaires s’estimant lésés

10 M. J. S. Carrier est un inspecteur des viandes avec plus de 31 ans d’expérience dans nombre d’usines d’abattage au Québec, de porc, de bœuf et de volaille, notamment poulets, cailles et canards.

11 M. Carrier est aussi délégué syndical et délégué en santé et sécurité.

12 Son témoignage porte essentiellement sur le temps de préparation. Il estime qu’à compter du moment où il franchit la porte de l’usine de Vallée Jonction jusqu’au moment où il se présente à son poste de travail sur la chaîne de production à l’heure du début de son quart de travail, il se passe de 14 à 15 minutes. En revanche, dans les abattoirs de volailles, il arrive à s’habiller et à se préparer en 10 à 15 minutes tout au plus.

13 Cela inclut le temps nécessaire pour aller chercher et aiguiser les couteaux, répondre au téléphone occasionnellement pour recevoir les absences des collègues de travail, le temps à attendre en file, ainsi que d’autres activités énumérées au paragraphe 4 de cette décision.

14 Le deuxième témoin, Yves Brien, inspecteur des viandes à Berthierville, compte plus de 28 ans d’expérience avec son employeur actuel et a travaillé dans de nombreuses usines de viande rouge et blanche, bœuf, porc, cerf rouge, agneau ainsi que des usines de volaille.

15 M. Brien est président de sa section locale à Berthierville.

16 En ce qui a trait au temps de préparation nécessaire pour se vêtir et se présenter à l’heure dans un abattoir de volailles, comme dans celui où il travaille à Berthierville, il estime avoir besoin d’un minimum de 15 minutes.

17 En contre-interrogatoire, M. Brien a admis que son 15 minutes de préparation commençait à partir du déclenchement du mécanisme d’ouverture de la porte de l’usine par sa puce électronique. Dans le compte des 15 minutes, il incluait le temps requis pour prendre occasionnellement des messages téléphoniques, ainsi que d’autres activités énumérées au paragraphe 4 de cette décision. De plus, le témoin comptait 5 minutes issues d’une directive du Dr Jean-Pierre Robert, que les parties ont convenu que je devais écarter de la preuve. Compte tenu de cet ajustement de 5 minutes en moins, le temps total de préparation pour M. Brien est inférieur à 15 minutes et se situerait entre 10 et 13 minutes tout au plus.

B. Preuve de l’employeur

18 L’employeur a fait entendre deux témoins.

19 Le premier témoin, Mme Marie-Josée Loffredo-Forest, directrice régionale pour la région de St-Hyacinthe, est employée à l’ACIA depuis 13 ans. Une de ses fonctions principales comme directrice générale est d’assurer la mise en œuvre du programme de sécurité et le maintien de la conformité.

20 Elle explique que l’ACIA au Québec est divisée en quatre régions : Montréal ouest, Montréal est, Québec et St-Hyacinthe.

21 Avant son arrivée à St-Hyacinthe en tant que directrice générale, elle assumait la direction générale de la région de Québec avec les mêmes responsabilités.

22 Avant d’assumer les fonctions de directrice générale à Québec et à St-Hyacinthe, Mme Loffredo-Forest était vétérinaire responsable des abattoirs de 1995 à 2000; de 1997 à 2000, elle travaillait à titre de vétérinaire en chef pour la région de St-Hyacinthe.

23 À Québec, Mme Loffredo-Forest avait la responsabilité de huit abattoirs et de 14 programmes distincts alors qu’à St-Hyacinthe, elle est responsable de 13 abattoirs ainsi que de 11 programmes distincts.

24 Mme Loffredo-Forest connaît donc très bien l’environnement des usines d’abattage dont il est question dans cette audience.

25 Voici les questions centrales en l’espèce :

a) Combien de temps prenait Mme Loffredo-Forest pour se vêtir et être prête à commencer son quart de travail à l’heure prévue ? Réponse : « cinq minutes, que ce soit pour viande blanche ou rouge. » Selon Mme Loffredo-Forest, la plupart des vétérinaires et des inspecteurs prenaient à peu près le même temps qu’elle, excluant l’affutage des couteaux parce que ceux-ci sont affutés par la compagnie ou parce qu’on procède à l’affutage hors chaine.

b) Qui est responsable de noter les absences? Selon Mme Loffredo-Forest, personne n’est désigné spécifiquement sauf que normalement, le vétérinaire en chef ou l’inspecteur en chef présent répond aux messages téléphoniques et en son absence, c’est une question de travail en équipe parmi les employés présents, les vétérinaires ou les inspecteurs qui sont près du téléphone.

c) À quelle heure l’ACIA exige-t-elle d’être présent? Les employés doivent être prêts à commencer sur la chaîne de production à une heure précise dans chaque abattoir mais l’heure de début du quart de travail pourrait être différente d’un abattoir à l’autre.

26 Il y a deux exceptions à cette règle, soit 1) lors d’une pré-inspection (normalement le lavage de l’équipement deux fois par semaine) ; dans ce contexte les employés affectés sont payés en temps supplémentaire et 2) lors de l’ante mortem, les employés affectés sont alors payés en temps supplémentaire en bloc de 15 minutes.

27 Finalement, en contre-interrogatoire, Mme Loffredo-Forest a dit qu’elle est souvent arrivée à l’usine cinq à six minutes avant le début du quart de travail et qu’elle a eu le temps de se vêtir et de se préparer pour son entrée en poste au début de la chaine de l’abattoir.

28 Le deuxième témoin de l’employeur, Eric-Rémy Girard, est gestionnaire d’inspection dans l’alimentation au bureau régional de Montréal et travaille pour l’ACIA depuis mai 1998.

29 M. Girard a d’abord travaillé comme vétérinaire au niveau VM-01 jusqu'en septembre 2003, ensuite comme VM-02 jusqu’en février 2007.

30 M. Girard a travaillé dans de nombreux abattoirs de l’ACIA incluant trois des quatre abattoirs mentionnés dans la présente affaire, soit St-Culbert, Berthierville et Vallée Jonction.

31 M. Girard confirme qu’il est nécessaire de porter les vêtements et de se munir des outils énumérés au paragraphe 9.

32 Les messages téléphoniques sont vérifiés soit par le vétérinaire en chef, soit par l’inspecteur en chef. S’ils sont absents, n’importe quel inspecteur peut prendre les appels.

33 M. Girard confirme que se vêtir et se munir des outils nécessaires lui prenait moins de cinq minutes et que selon son expérience et à sa connaissance, les autres vétérinaires et inspecteurs prenaient environ le même temps pour se préparer et se présenter à leurs postes de travail pour l’heure prévue.

34 Se dévêtir, laver les bottes et remettre les vêtements souillés prend moins de temps que pour se vêtir parce que tout le monde est pressé de partir.

35 Quant à l’affûtage des couteaux, la règle générale est que l’établissement offre le service à l’ACIA mais lorsque l’inspecteur veut les affûter lui-même, il peut le faire hors chaîne.

36 Enfin, M. Girard a confirmé que le temps supplémentaire est uniquement payé en blocs de 15 minutes.

37 À la fin du témoignage de M. Girard, l’avocat de l’employeur a demandé et j’ai accepté que M. Girard fasse une démonstration chronométrée du temps nécessaire pour se dévêtir et de se vêtir avec l’ensemble complet des vêtements obligatoires et se munir de tout les accessoires requis incluant les couteaux.

38 La démonstration a établi qu’il faut un total d’environ quatre minutes pour se dévêtir, se vêtir et se rendre a son poste de travail dans la salle d’abattage. Le revêtement des habits nécessaire a été chronométré à deux minutes 45 secondes.

Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

39 Selon l’agent négociateur, étant donné que le port de vêtements spécifiques par les inspecteurs est obligatoire, qu’ils doivent se revêtir avant leur poste de travail et qu’il y a des règles d’hygiène strictes à suivre, toute cette préparation doit être payée, que ce soit 5, 10 ou 15 minutes parce que cette période fait partie intégrante de leurs fonctions et est obligatoire.

40 L’agent négociateur a déposé deux causes à l’appui de ses prétentions.

41 La première décision, Commission des normes du travail c. Comité local de développement de l’Anse-à-Valleau, 2003 CanLII 31431 (QC C.Q.), est une action civile devant la Cour du Québec où la Commission des normes du travail du Québec demande le paiement de 6 550 $ pour des heures supplémentaires de travail pour des employés travaillant pour un comité à but non lucratif, administré par des bénévoles de la municipalité de l’Anse à Valleau, Québec. L’employeur, un comité de la municipalité, demandait aux employés concernés de se présenter à une heure précise au Bureau d’information touristique (BIT), afin de prendre le nécessaire pour ensuite se rendre à leur place de travail et effectuer les tâches à compter de 9 h 00. Il y avait donc une demi heure de temps supplémentaire pour quatre employés, ainsi qu’une heure en temps supplémentaire pour la période de repas parce que les quatre employés travaillaient durant l’heure de repas afin de répondre aux visiteurs de ce site touristique.

42 Le tribunal a jugé les quatre employés « au travail » à compter de 8 h 30 tout les matins et à ordonné au comité local de payer 6 650 $ pour le temps supplémentaire travaillé.

43 Le juge écrit aux paragraphes 6 et 7 de son jugement :

[…]

[6] Une preuve non contredite démontre que les salariés doivent, suivant une consigne de l’employeur, se présenter au bureau d’information touristique (BIT) à 8 h 30 tous les matins afin de prendre les clés du site de la Pointe-à-la-Renommée, la caisse et les produits vendus sur le site.

[7] Ils se rendent ensuite au site où ils le préparent pour l’ouverture à 9 h 00.

[…]

[11]Les salariés concernés sont donc considérés « au travail » à compter de 8 h 30 chaque matin.

[12]Ces demi-heures quotidiennes, ajoutées aux 40 heures de travail hebdomadaire, constituent des heures supplémentaires et doivent être rémunérées comme tel.

[13]Quant à l’heure obligatoire pour le repas du midi, il est bien établi, par une preuve non contredite, qu’ils ne peuvent pratiquement jamais en profiter.

[…]

[17]Ces heures quotidiennes constituent des heures supplémentaires qui doivent être rémunérées comme tel.

[…]

44 L’agent négociateur m’a ensuite renvoyé à Syndicat de l’enseignement de Laval c. Commission scolaire Chomedey de Laval, 1996 CanLII 2811(Arb. Q.). Ici, des enseignantes de la Commission scolaire effectuaient la supervision de stage en milieu hospitalier en suivant le quart de travail du centre hospitalier. Sauf pour les stages en soirée, l’horaire quotidien était de 7 h 30 à 15 h 30 incluant une période d’une heure pour le repas. La Commission scolaire ne déterminait pas d’horaire quotidien particulier.

45 Selon la preuve, les enseignantes se présentaient au travail entre 10 et 20 minutes avant l’arrivée des élèves afin de préparer les activités de ces derniers. De même, elles se présentaient 15 minutes avant le début du quart de travail du secteur, soit à 7 h 15, de façon à pouvoir participer au rapport quotidien qui se fait à l’occasion du changement de quart de travail. Les enseignantes réclamaient donc la rémunération de cette demi-heure.

46 Dans les motifs de la décision, l’arbitre indique :

[…]

Cette période de temps préalable au début du quart de travail pour les périodes de stages n’a pas été demandée spécifiquement ni par la Commission ni par l’école à chacune des enseignantes. De plus, aucune demande formelle n’a été faite par les enseignantes à la Commission ou à la direction d’école en vue de changer l’horaire et le travail des journées de stages.

[…]

[A]près avoir analysé la preuve testimoniale et la preuve documentaire, la jurisprudence et délibéré avec les assesseurs sur l’ensemble de la question, il apparaît évident que le présent grief ne peut être accueilli complètement. En effet, pour le soussigné, faire droit au grief de la partie syndicale et prononcer l’ordonnance recherchée à l’effet d’inclure les périodes de préparation et de rapport quotidien dans la journée de travail reviendrait à transférer aux enseignantes le pouvoir de décider elles-mêmes de leur assignation au travail. Or, de la convention collective et de la jurisprudence, il appert clairement que ce pouvoir d’assigner les enseignants à leurs tâches est celui de la Commission.

En effet, il est très clair de la convention collective, notamment à la clause 13-10.05 b), que la responsabilité d’assigner des lieux et des moments pour la réalisation de la tâche éducative appartient en exclusivité à la Commission scolaire ou à la direction de l’école.

[…]

Et, comme la preuve le démontre, sur ce plan, la Commission a décidé de compiler une période de 7 heures par journée de stage, décision qu’elle a prise suite à des représentations des enseignantes, et aux fins que ces 7 heures correspondent à l’amplitude normale d’un quart de travail en milieu hospitalier.

[…]

47 Cependant, l’arbitre a conclu que la Commission scolaire avait l’obligation d’indiquer clairement aux enseignantes les heures nécessaires au travail reliées au stage en milieu hospitalier.

48 Finalement, l’arbitre a accueilli partiellement le grief, reconnaissant que les enseignantes avaient droit à 15 minutes de préparation et 15 minutes pour le rapport de quart.

B. Pour l’employeur

49 Au début de son argumentation, l’avocat de l’employeur a déposé un volumineux mémoire de faits et du droit incluant une abondante jurisprudence.

50 Selon l’employeur il y a quatre questions en litige :

a) le temps pour se préparer ou se vêtir excède-t-il le seuil minimum de 15 minutes fixé par la convention collective?

b) le temps qu’un employé prend pour se préparer ou se vêtir constitue-t-il du temps de travail?

c) la Commission a-t-elle la compétence pour examiner les nouvelles revendications ?

d) les nouvelles revendications des 17 fonctionnaires s’estimant lésées sont-elles autorisées par l’ACIA?

51 L’avocat de l’employeur répond à la première question en affirmant que si la Commission est d’avis que le temps qu’un inspecteur consacre à se préparer ou à se vêtir avant de se présenter à son poste de travail constitue du travail, l’ACIA soumet que le temps consacré à ces activités est inférieur au seuil minimum de 15 minutes fixé par la convention collective. Par conséquent, selon l’employeur, les inspecteurs n’ont droit à aucune rémunération pour le temps qu’ils doivent consacrer à ces activités.

52 Un employé n’a pas droit à du temps supplémentaire pour du travail d’une durée inferieure à 15 minutes. Les parties ont convenu de limiter la rémunération du temps supplémentaire à chaque période de 15 minutes complétées.

[…]

27.01  Chaque période de quinze (15) minutes de travail supplémentaire est rémunérée aux tarifs suivants :

a)       tarif et demi (1 1/2), sous réserve des dispositions des alinéas 27.01b) ou c);

[…]

53 Dans Lirette c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossiers de la CRTFP 166-2-15325 et 15328 (19870406), l’arbitre de grief indique ce qui suit :

[…]

Deuxièmement, ces « heures supplémentaires » ne peuvent être rémunérées au taux majoré des heures supplémentaires du fait que l’employeur, sauf cas exceptionnels nécessitant une autorisation préalable, limite la durée du « briefing » à dix (10) minutes et que la convention collective exige un minimum de quinze (15) minutes avant que ne soit permise la rémunération au taux majoré du temps supplémentaire.

[…]

          Conséquemment, je dois conclure que les employés s’estimant lésés n’ont droit à aucune rémunération pour le temps qu’ils doivent consacrer au « briefing » lors des changements de quarts. Je suis d’avis que les quelques minutes du temps des employés que requiert cette activité, moins de dix minutes dans maints cas selon la preuve, relèvent de la nature même des fonctions normales de ces derniers. Je rappelle ici les paroles de l’arbitre Weatherill, dans Re Central Hospital Corp. and Ontario Nurses’ Association, Local 107 (10 L.A.C. (2d) 412), où, bien qu’en présence de textes de convention collective entraînant des conclusions différentes ce dernier déclarait :

[traduction]

[…] les personnes assujetties à cette convention collective sont des infirmières et infirmiers professionnels qui reçoivent un salaire mensuel et qui sont habitués de préparer le rapport de fin de quart et de procéder à l’inventaire des médicaments, selon une routine établie depuis longtemps, même si cela les oblige parfois à rester au travail après les heures normales.

[…]

54 Dans Shaddick c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossiers de la CRTFP 166-2-22134 et 149-2-117 (19921215), le commissaire indique ce qui suit :

[…]

Il s’agit de savoir si le fonctionnaire s’estimant lésé a réussi à établir, comme la charge de la preuve l’obligeait à le faire, qu’il avait bel et bien accompli le travail à la fin de son quart normal prévu à l’horaire et pendant plus longtemps que le seuil de six minutes fixé par la clause 21.11. À mon avis, il n’a pas fait cette preuve.

[…]

55 L’ACIA soumet qu’une personne informée et douée de sens pratique reconnaîtrait d’emblée que le seuil de 15 minutes n’a pas été franchi. En l’espèce, Mme Loffredo-Forest et le Dr Girard ont témoigné que revêtir les vêtements et les équipements énumérés ci-dessus se faisait rapidement et prenait moins de 5 minutes. M. Carrier a indiqué qu’il n’avait jamais chronométré ce processus, mais estimait que sa préparation prenait « proche de 15 minutes, » « presque 15 minutes » ou « 14 ou 15 minutes » dans un abattoir de viande rouge et « seulement 10 à 15 minutes » dans un abattoir de volaille. M. Brien a indiqué que sa préparation (incluant notamment les nouvelles revendications), lui prenait « environ 15 minutes. » À ce sujet, il convient de souligner que le lendemain de ces témoignages, les parties ont convenu d’un ajustement à la baisse de 5 minutes pour la période de préparation. La preuve est donc à l’effet qu’il faut beaucoup moins que 15 minutes pour se préparer.

56 Enfin, il faut souligner que le Dr Girard a fait une démonstration pendant laquelle il s’est déshabillé et rhabillé avec les vêtements et les équipements nécessaires, et ce en 2 minutes et 45 secondes au chronomètre.

57 À la deuxième question « est-ce que le temps qu’un employé prend pour se préparer ou se vêtir constitue du temps de travail, » l’ACIA soumet que le temps qu’un inspecteur prend pour se préparer ou se vêtir avant de se présenter à son poste de travail ne constitue pas du travail. Par conséquent, selon l’employeur, les inspecteurs n’ont droit à aucune rémunération pour le temps qu’ils doivent consacrer à se préparer ou à se vêtir avant de se présenter à leur poste de travail.

58 La clause 2.01j) de la convention collective définit le terme « heure supplémentaire » comme : « […] le travail autorisé qu’il ou elle exécute en plus des heures de travail prévues à son horaire [je souligne] ». Toutefois, le terme « travail » n’est pas défini dans la convention collective. La clause 2.01j) se lit comme suit :

[…]

j)        « heures supplémentaires » désigne :

(i)       dans le cas d’une-e employé-e à temps plein, le travail autorisé qu’il ou elle exécute en plus des heures de travail prévues à son horaire,

ou

(ii)      dans le cas d’un-e employé-e à temps partiel, le travail autorisé qu’il ou elle exécute en plus de sept heures et demie (7 ½) par jour ou trente-sept heures et demie (37 ½) par semaine, mais ne comprend pas le travail effectué un jour férié,

ou

(iii)     dans le cas d’un-e employé-e à temps partiel dont l’horaire de travail normal comprend plus de sept heures et demie (7 ½) par jour, conformément aux dispositions des horaires de travail variables (paragraphes 24.12 à 24.15, le travail autorisé qu’il ou elle exécute en plus des heures normales prévues à son horaire quotidien ou d’une moyenne de trente-sept heures et demie (37 ½) par semaine.

[…]

59 Le temps qu’un employé consacre à se préparer afin d’être présent à l’heure ne constitue pas du travail. Plus précisément, le temps qu’un employé prend pour quitter sa voiture dans le stationnement, se rendre à l’abattoir, revêtir son uniforme et son équipement protecteur, rassembler ses outils, laver ses mains, se diriger à son poste de travail et ajuster sa plateforme sur la chaîne ne constitue pas du travail. Un employé a l’obligation d’être présent à son poste sur la chaîne de production de l’abattoir (ou à son poste hors chaîne) à l’heure à laquelle débute son quart de travail.

60 Dans Turcotte et Turmel (Co-opérative Fédérée de Québec. Division des Viandes), c. Syndicat des travailleurs (euses) de l’abattoir de Princeville (1988), 10 C.L.A.S. 97 (Arb Q.), l’arbitre de grief mentionne aux paragraphes 9 à 11 :

[9] […] Le temps ou [sic] les salariés, qui doivent le faire, revêtent leur équipement protecteur et retournent à leur poste de travail est-il du temps de travail ou constitue-t-il du temps de repos?

[10] A mon avis, ce temps ne constitue pas du temps de travail.

[…]

[11] […] Le salarié doit être prêt pour entreprendre son travail à l’heure dite. Et pour être prêt, il doit quitter son domicile, se rendre à l’usine, se préparer à prendre son poste etc. Tout ce temps préparatoire n’est pas du temps de travail. Le travail commence pour celui qui travaille à la chaîne de production, lorsque démarre la chaîne.

61 La convention collective ne donne aucun droit à une période rémunérée afin de se préparer ou de se vêtir avant le début d’un quart de travail.

62 Le droit à une période rémunérée afin de se préparer ou de se vêtir avant le début d’un quart de travail doit être négocié dans la convention collective par les parties. Par exemple, les parties ont négocié l’article 59 de la convention collective qui donne aux inspecteurs droit à une période rémunérée de 10 minutes à la fin d’une journée de travail afin de se laver et de nettoyer l’équipement. Un arbitre n’a pas la compétence de modifier la convention collective en y ajoutant un droit à une période rémunérée afin de se préparer ou se vêtir avant le début d’un quart de travail.

63 L’article 59 de la convention collective se lit comme suit :

[…]

59.01 Lorsque l’Employeur décide qu’en raison de la nature du travail, il existe un besoin évident, il est permis de prendre une période maximale de dix (10) minutes pour se laver juste avant la fin d’une journée de travail ou juste après et contigu au jour de travail.

59.02 Le temps alloué pour se laver conformément à l’article 59.01 et juste après et contigu au jour de travail devra être considéré comme donnant droit à la rémunération pour temps supplémentaire aux fins de l’article 27.01.

[…]

64 Dans Burns Meat, a division of Burns Foods Limited c. United Food and Commercial Workers International Union, Local 111 (1989), 14 C.L.A.S. 13 (Man. Arb.),l’arbitre de grief indique ceci au paragraphe 48 :

[48]    Le rôle d’un conseil d’arbitrage tel que celui-ci est d’interpréter et d’appliquer les dispositions de la convention collective. Or la convention collective ne contient aucune disposition qui accorde du temps aux employés pendant les heures de travail pour se laver et se changer quand cela n’est pas requis par l’entreprise ou par un inspecteur. Une telle disposition, si elle est jugée nécessaire, devra être négociée par les parties. Nous n’avons tout simplement pas la compétence pour incorporer un tel article dans la convention collective. Nous ne sommes pas davantage disposés à tenter de fixer quelque condition ou limite arbitraire pour établir quand un tel nettoyage serait ou ne serait pas nécessaire, combien de temps cela devrait prendre, dans quels cas un lavage des mains serait suffisant et dans quels autres cas une douche est nécessaire. Ce sont de toute évidence des critères qu’il appartient aux parties de définir elles-mêmes.

65 En réponse à la question « la commission a-t-elle la compétence pour examiner les nouvelles revendications ? » l’employeur dit « non » pour les raisons indiquées dans les prochains paragraphes.

66 D’abord, les nouvelles revendications des fonctionnaires n’ont jamais été invoquées dans le cadre de la procédure de règlements de griefs. Au contraire, ce n’est qu’à l’audition devant l’arbitre que ces revendications on été soulevées pour la première fois. Un fonctionnaire s’estimant lésé ne peut pas présenter à l’arbitrage un nouveau grief ou un grief différent qui n’a pas été discuté lors de la procédure interne de grief (Burchill c. Larada, [1981] 1 C.F 109 (C.A.F.).)

67 Par conséquent, l’ACIA soumet qu’un arbitre n’a pas compétence d’entendre les nouvelles revendications énumérées ci-haut.

68 Finalement, en réponse à la question « est-ce que les nouvelles revendications sont autorisées par l’ACIA ? », l’employeur répond par la négative pour les raisons suivantes : le droit d’établir des heures supplémentaires est une prérogative exclusive de l’employeur. En effet, un des critères fondamentaux des heures supplémentaires est que ces heures doivent être prédéterminées et spécifiquement autorisées par l’ACIA pour qu’elles puissent être rémunérées. Voir l’article 2.01(j)(i) mentionné aux paragraphe 58 de cette décision. Voir aussi la jurisprudence suivante : Boulianne c. le Conseil du Trésor (Emploi et immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-2-15021 (19871120) et Côté c. le Conseil du Trésor (Emploi et immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-2-18529 (19890907).

69 En somme, l’ACIA me demande de rejeter tous ces griefs.

Motifs

70 Le nœud de la solution de ces 17 griefs se trouve dans les articles de la convention collective en vigueur, soit aux clauses 27.01(a) et 2.01(j)(1). Il s’agit également de répondre à la question « est-ce que le temps qu’un employé prend pour se préparer ou se vêtir constitue du temps de travail? »

71 Il faut souligner que le terme « travail » n’est pas défini dans la convention collective en vigueur.

72 Les clauses 27.01a) et 2.01j)i) de la convention collective se lisent comme suit :

27.01          Chaque période de quinze (15) minutes de travail supplémentaire est rémunérée aux tarifs suivants :

a)       tarif et demi (1 1/2), sous réserve des dispositions des alinéas 27.01b) ou c)

[…]

2.01(j)         « heures supplémentaires » désigne :

(i)       dans le cas d’une-e employé-e à temps plein, le travail autorisé qu’il ou elle exécute en plus des heures de travail prévues à son horaire

73 La preuve non contredite devant moi est à l’effet que le temps nécessaire aux inspecteurs pour se préparer, se vêtir et se rendre à leur poste de travail à l’heure pour le début de leur quart de travail est de moins de 15 minutes.

74 Les deux témoins de l’agent négociateur l’ont concédé. Les deux témoins de l’employeur ont déclaré que le temps nécessaire pour se vêtir et se rendre à leur poste de travail est d’environ 5 minutes.

75 D’ailleurs, les deux témoins de l’employeur ont clairement témoigné qu’ils se sont souvent présentés à l’usine lorsqu’ils étaient inspecteurs à cinq ou six minutes du début du quart de travail et qu’ils arrivaient à se vêtir sans être en retard pour le début de leur quart sur la chaîne d’abattage.

76 Le témoin de l’employeur, M. Girard, dans la démonstration mentionnée aux paragraphes 37 et 38 de la présente décision a établi que le temps nécessaire pour se vêtir ne dépassait pas deux minutes et 45 secondes au chronomètre.

77 Or, la clause 27.01 de la convention collective stipule clairement que « chaque période de 15 minutes de temps supplémentaire est rémunérée […] »

78 Autrement dit, le temps supplémentaire est payé en blocs de 15 minutes.

79 Je n’ai aucune preuve devant moi qu’il y a ici une pratique contraire à la disposition de la clause 27.01 de la convention collective.

80 Lorsqu’on examine la définition des « heures supplémentaires » comprise dans la clause 2.01j)(1) et selon laquelle le temps supplémentaire pour un(e) employé(e) à temps plein (ce qui est le cas pour les 17 griefs en l’espèce), on constate qu’il s’agit du travail autorisé qu’il ou elle exécute en plus des heures de travail prévues à son horaire.

81 Ici, je n’ai aucune preuve devant moi que l’employeur a autorisé quelque activité que ce soit en plus des heures de travail prévues pour le quart de travail.

82 La jurisprudence soumise par l’employeur, en particulier les décisions Turcotte et Burns Food Limited, est pertinente et applicable au cas en l’espèce.

83 La jurisprudence soumise par l’agent négociateur ne s’applique pas ici parce que le surtemps n’a pas été autorisé par l’employeur, contrairement aux faits dans les causes citées.

84 En l’espèce, la convention collective ne donne aucun droit à une période rémunérée afin de se préparer ou de se vêtir avant le début d’un quart de travail. Pour ce qui est des nouvelles revendications, les deux témoins de l’agent négociateur admettent que ces activités font partie du temps pour se vêtir et que le total de ce temps est inferieur à 15 minutes. Par conséquent, la disposition de l’article 27.01 de la convention collective ne s’applique pas.

85 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

86 Les griefs sont rejetés.

Le 5 novembre 2009.

Roger Beaulieu,
arbitre de grief

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