Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants étaient insatisfaits de la représentation fournie par leur agent négociateur - la Commission a conclu que la Loi n’imposait pas à l’agent négociateur une obligation de résultat - il n’y avait rien dans les allégations des plaignants qui indiquait la mauvaise foi ou un traitement arbitraire ou discriminatoire de la part de l’agent négociateur. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2009-10-20
  • Dossier:  561-02-324 à 328, 561-02-333 à 335
  • Référence:  2009 CRTFP 134

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

YVON LEROUX, YVON LACOMBE, MONIQUE DUSSEAULT, SERGE MAROIS,
GUY BERLINGUETTE, PIERRE TALBOT, ODILE SAVARD ET PIERRE-PAUL LAPORTE

plaignants

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Leroux et al. c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant des plaintes visées à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, commissaire

Pour le plaignant:
Yvon Lacombe

Pour le défendeur:
Jacquie de Aguayo, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 22 juillet 2008 et le 21 septembre 2009.

I. Plainte devant la Commission

1 Entre le 26 mai 2008 et le 7 juillet 2008, Yvon Leroux, Yvon Lacombe, Monique Dusseault, Serge Marois, Guy Berlinguette, Pierre Talbot, Odile Savard et Pierre-Paul Laporte (les « plaignants »), employés de Service correctionnel du Canada ( l’ « employeur »), ont déposé des plaintes contre leur agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse ») alléguant que cette dernière avait enfreint les dispositions de l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »).

2 En juillet 2001, à la suite d’une consultation auprès de leur délégué syndical, les plaignants ont déposé des griefs portant sur l’obligation que leur imposait l’employeur de demeurer à leur poste de travail pendant leur pause-repas sans toutefois être rémunérés en conséquence. Ils demandaient l’arrêt de ce système de disponibilité ainsi qu’une compensation financière pour les cinq années précédant le dépôt des griefs. Le processus de règlement des griefs s’est échelonné sur plusieurs années. Selon les plaignants, les représentants de la défenderesse leur ont dit tout au long de ce processus qu’ils avaient en main un cas « solide ».

3 Les plaignants ont dit avoir appris, quelques jours avant une séance de médiation au début de juin 2007, qu’ils ne pouvaient réclamer qu’une compensation financière de 25 jours antérieurs aux griefs au lieu des 5 années demandées. Ils ont décidé de refuser l’offre présentée en médiation par l’employeur, car ils étaient convaincus du bien-fondé de leurs griefs et de la possibilité d’obtenir un redressement pour les années après le dépôt des griefs.

4 À la suite de ce refus, l’audition d’arbitrage a été reportée au mois de mai 2008. À la fin avril 2008, les plaignants ont appris que l’employeur leur offrait 300 $ chacun comme règlement final de leurs griefs. Selon les plaignants, l’offre était seulement de cet ordre parce que leurs griefs étaient mal formulés et ne demandaient aucun redressement. En même temps, les plaignants ont appris que la défenderesse avait oublié de transmettre les griefs de MM. Laporte et Lacombe au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. À cause de cette omission par la défenderesse, les griefs étaient réputés avoir été abandonnés. Dans ces circonstances, les plaignants ont décidé d’accepter l’offre de l’employeur qui s’appliquerait à chacun d’entre eux, y compris MM. Laporte et Lacombe.

II. Résumé de l’argumentation

5 Les plaignants allèguent que la défenderesse a fait preuve de négligence en leur fournissant de l’information erronée quant à la formulation de leurs griefs, en n’assurant pas le suivi nécessaire aux griefs et en oubliant de transmettre deux des griefs au troisième palier de la procédure interne de règlement des griefs. Les représentants de la défenderesse ont aussi laissé croire aux plaignants tout au long du cheminement des griefs qu’ils avaient un cas « solide » alors qu’il s’agissait d’une fausse information compte tenu du libellé des griefs.

6 Les plaignants reconnaissent que les employés n’ont pas un droit absolu à l’arbitrage comme le précise Gendron c. Syndicat des approvisionnements et services de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, section locale 50057, [1990] 1 R.C.S. 1298. Cependant, en l’espèce, les plaignants allèguent que la défenderesse n’a pas exercé sa discrétion de bonne foi, ni de façon honnête, puisqu’elle n’a jamais fait d’étude sérieuse des griefs et du dossier. Si une telle étude avait été faite, la défenderesse aurait constaté que les griefs étaient mal formulés, qu’aucune mesure de redressement n’était demandée et que la rétroactivité ne pouvait être antérieure à plus de 25 jours de la date du dépôt des griefs. Qui plus est, la défenderesse a été malhonnête et négligente en laissant croire aux plaignants pendant six années qu’ils avaient un dossier « solide ».

7 Les plaignants demandent que la Commission ordonne à la défenderesse de leur verser les sommes dont ils auraient bénéficié s’ils avaient été représentés adéquatement. Les plaignants expliquent que ces sommes représentent 157 heures de temps supplémentaire et 180 repas à 12 $ par plaignant.

8 La défenderesse prétend que la décision de régler le litige lors de la médiation d’avril 2008 et de ne pas poursuivre les griefs n’était pas arbitraire, discriminatoire ou prise de mauvaise foi.

9 La défenderesse allègue aussi que même si les plaignants avaient prouvé qu’ils ont été induits en erreur par la défenderesse, cela ne constitue pas un manquement au devoir de juste représentation de la défenderesse. À cet égard, la défenderesse s’appuie sur Jakutavicius c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2005 CRTFP 70. Quant à l’allégation relative à l’oubli de transmettre les griefs de MM. Laporte et Lacombe, elle n’est d’aucune pertinence puisque ces derniers ont été tous les deux inclus dans le règlement final obtenu en médiation.

10 La défenderesse soumet que les plaignants n’ont pas démontré qu’elle avait agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Pour cette raison, les plaintes devraient être rejetées.

III. Motifs

11 Il ne fait aucun doute, à la lecture des plaintes, que les plaignants sont insatisfaits des résultats qu’ils ont obtenus à la suite des griefs déposés en 2001. Ils prétendent, à tort ou à raison, qu’ils auraient dû obtenir une compensation beaucoup plus élevée que celle qu’ils ont finalement obtenu. Les plaignants attribuent cet échec à la défenderesse et à ses représentants des divers niveaux de la structure syndicale pour les raisons suivantes : des griefs mal formulés, une expertise déficiente, un suivi boiteux et des oublis dans la transmission des griefs. Autant d’incidents déplorables qui expliquent, selon eux, cet échec.

12 Nul besoin ici de citer la jurisprudence abondante qui appuie l’importance de bien formuler un grief dès le départ, d’autant plus qu’il devient difficile de changer la nature du grief une fois ce dernier à l’arbitrage (voir entre autres Burchill c. Procureur général du Canada [1981] 1 C.F. 109). Mais je ne sais pas si les prétentions des plaignants quant à l’échec de leurs griefs sont vraies. Quelle était la formulation utilisée dans les griefs? Quelle était la formulation qui aurait dû être utilisée pour que les plaignants aient gain de cause? Était-ce vraiment un problème de grief mal formulé? C’est ce que les plaignants prétendent mais rien ne m’a été soumis pour m’en convaincre ou m’en dissuader. Il aurait fallu en premier lieu établir que la mauvaise formulation des griefs était fatale à leur dénouement, puis fournir des faits appuyant l’argument que les défendeurs avaient agi de façon arbitraire en conseillant les plaignants lors de la formulation de leurs griefs.

13 L’oubli par un agent négociateur de transmettre un grief au palier suivant de la procédure de règlement des griefs équivaut à son abandon. Il me semble que les représentants de la défenderesse n’ont pas bien fait leur travail en omettant de transmettre au palier suivant les griefs de deux des plaignants. Toutefois, cette omission, de l’aveu même des plaignants, a été sans conséquence car ces deux plaignants ont reçu la même compensation que leurs collègues lors du règlement des griefs en médiation.

14 L’article 187 de la Loi n’impose pas une obligation de résultats ou de compétence à un agent négociateur et à ses représentants. Même si les plaignants me prouvaient que leurs prétentions sont vraies, cela ne voudrait pas dire que je donnerais nécessairement droit à leurs plaintes. Il faudrait plutôt qu’ils me prouvent que la défenderesse a agi de mauvaise foi ou de façon arbitraire ou discriminatoire. La jurisprudence est claire sur cette question (voir Gendron et Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509).

15 La Commission a conclu dans Jakutavicius que l’agent négociateur peut commettre des erreurs sans pour autant enfreindre la Loi. Par contre, si les erreurs, les mauvais conseils ou les omissions résultent d’un traitement arbitraire, c’est-à-dire négligent ou superficiel, de la situation soulevée par un employé, il pourrait y avoir un manquement au devoir de représentation prévu par la Loi. Certes, les plaignants allèguent qu’ils ont été traités de façon arbitraire mais les faits qu’ils m’ont soumis ne m’en convainquent pas. Je suis confronté à une allégation pour laquelle on ne m’a pas soumis de preuve.

16 L’article 187 de la Loi ne vise pas le résultat ou la qualité de la prestation de l’agent négociateur pourvu que celui-ci fasse preuve de diligence et n’agisse pas de façon arbitraire, discriminatoire ou avec mauvaise foi.

17 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

18 Les plaintes sont rejetées.

Le 20 octobre 2009.

Renaud Paquet,
commissaire

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